La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Il est un trafic qui prospère dans la Caraïbe, c'est celui du couple stupéfiants-armes, avec son cortège de violences inouïes et de règlements de comptes sanglants.
La Martinique n'est pas épargnée par ce double fléau. Depuis quelques semaines, les saisies se multiplient. Les chiffres sont effarants : 10 kilos de cannabis par-ci, 1,4 tonne de cocaïne par-là, puis, encore récemment, 385 kilos. Et l'escalade continue, avec une effronterie de plus en plus audacieuse de la part des convoyeurs, toutes catégories confondues. Des colis sont même envoyés par la poste !
Je n'ignore pas que beaucoup a été fait pour contenir ce phénomène. Malgré tout, la Martinique est devenue une véritable passoire. Il est à noter que le dispositif douanier de surveillance terrestre et maritime manque de moyens humains et matériels performants. Les effectifs des brigades des douanes ne suffisent même pas à couvrir toutes les plages horaires, notamment les services de nuit et les récupérations.
Face à l'ampleur de la tâche à accomplir, le moment n'est-il pas venu, monsieur le ministre, de renforcer les moyens d'intervention, dont certains sont largement obsolètes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que la Martinique se trouve au coeur de l'arc caribéen, qui est l'une des zones les plus intenses de trafic d'armes et de stupéfiants.
Votre question me permet de rendre un hommage appuyé à ces douaniers que vous connaissez, comme moi – nous avons, par le passé, travaillé ensemble sur le dispositif permettant le développement de la Martinique –, qui exercent leurs missions régaliennes de surveillance, d'arrestation et d'interpellation dans des conditions difficiles, parfois au risque de leur vie.
Ils obtiennent des résultats conséquents. L'an dernier, 5 tonnes de cocaïne ont été interceptées et, pour le seul mois de juin de cette année, 1,4 tonne le 1er juin et près de 400 kilos de cocaïne quinze jours plus tard. C'est dire l'efficacité de leur travail et la rigueur avec laquelle ils exercent ces missions dangereuses.
Malgré les difficultés en matière de finances publiques, nous ne réduisons pas l'effort en moyens humains et matériels. L'année prochaine, deux hélicoptères seront à la disposition des douaniers pour renforcer leur flotte. Le dispositif des douaniers à Fort-de-France, pour la surveillance maritime, sera renforcé d'ici à la fin de l'année. J'ajoute que les douaniers ont déjà à leur disposition des outils pour améliorer leurs performances grâce à l'amélioration en matière de police scientifique et technique, à travers l'utilisation des jumelles à vision nocturne. Néanmoins, il faudra probablement, dans la réorganisation, travailler un peu plus sur l'organisation des sorties aériennes,…
…ce qui permettra de répondre aux missions de surveillance que demande la Martinique et aux missions régaliennes que nous sommes en droit d'attendre de la part de la douane. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
La semaine dernière, à la demande du groupe GDF-Suez, la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, a donné son accord à une nouvelle hausse des tarifs du gaz de 4,2 %, et ce à compter de demain jeudi 1er juillet.
Cela signifie concrètement une augmentation d'environ 40 euros par an pour les 6,3 millions de Français qui utilisent quotidiennement le gaz pour la cuisine, l'eau chaude et le chauffage.
Cette nouvelle hausse intervient après celle de 9,7 % du 1er avril dernier, il y a seulement trois mois. En un trimestre, c'est donc une augmentation de 14 % des tarifs du gaz qui a été décidée, soit 130 euros de plus par an à payer. À ce niveau, on n'est vraiment plus dans l'anecdotique, surtout si l'on considère que, depuis juin 2005, en cumulé, les tarifs du gaz ont augmenté en France de près de 50 % !
Si, à cela, l'on ajoute les effets de la crise économique et un hiver particulièrement rigoureux, il n'y a rien de surprenant à ce que le nombre de coupures de gaz pour impayés ait, lui aussi, « flambé » : 60 000 pour les seuls cinq premiers mois de 2010, contre seulement, si j'ose dire, 6 000 pour toute l'année 2008.
La précarité énergétique, dénoncée à juste titre par la Fondation Abbé-Pierre, est désormais une triste réalité dans notre pays. Cette véritable spirale de hausse des prix pose très clairement la question de la formule tarifaire appliquée par la CRE pour déterminer l'évolution du prix du gaz.
Vous-même, madame la ministre, avez très justement réclamé une pause jusqu'au 1er janvier 2011, le temps que la CRE fasse un audit de cette formule pour déterminer si elle doit être ou non modifiée.
Ma question est simple : la hausse annoncée sera-t-elle effective demain, ou y aura-t-il un moratoire jusqu'à la fin de l'année, dans l'attente des résultats de cet audit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur Demilly, il ne s'agit pas du prix du gaz, mais du prix demandé par un opérateur à la commission de régulation, ce qui fait apparaître un effet de yo-yo du prix du gaz : moins 12 % il y a neuf mois, puis, plus 9 % et, aujourd'hui, une hausse comprise entre 2 et 4 %, selon le profil de consommation. Cet effet de yo-yo n'est plus acceptable, comme l'a fort justement indiqué Christine Lagarde.
Nous avons donc demandé à la commission de régulation de l'énergie de faire un audit des conditions d'indexation du prix du gaz.
Nous étions dans une logique d'indexation pour des contrats longs sur le pétrole ; c'est ce qui a permis la baisse de l'année dernière. Mais le risque de déconnexion du prix du marché du gaz et du prix du pétrole pourrait nous mettre dans une situation insupportable à terme. Nous avons donc, l'un et l'autre, demandé fermement un audit à la CRE. Il ne saurait y avoir d'augmentation pour cet opérateur tant que nous n'aurons pas eu l'audit. Nous en reparlerons alors devant la représentation nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
En vertu de l'article 30 du code de procédure pénale, le ministre de la justice conduit la politique d'action publique. Il peut notamment, à cette fin, dénoncer des infractions dont il a connaissance, et, par instructions écrites, provoquer l'engagement de poursuites.
C'est sur l'exercice de cette compétence, par la chancellerie, dans le dossier Bettencourt, que nous souhaitons obtenir des explications, des clarifications, au vu des éléments préoccupants portés à la connaissance de tous.
Le procureur de Nanterre, M. Courroye, qui depuis plus d'un an avait engagé une enquête préliminaire pour abus de faiblesse, a déclaré, en septembre 2009, cette plainte irrecevable.
La chancellerie a-t-elle donné cette instruction d'irrecevabilité, alors même que des rapports de police concluaient à l'existence de présomptions sur la réalité de l'infraction ? Comment la chancellerie peut-elle expliquer que, plusieurs semaines avant cette décision d'irrecevabilité, le conseiller patrimonial de Mme Bettencourt ait pu être informé par un conseiller juridique de l'Élysée de cette décision ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour tenter de justifier l'intervention de l'exécutif, vous avez évoqué des préoccupations pour l'avenir de l'une des plus grandes entreprises françaises. De quels enjeux s'agit-il ? Est-ce l'éventualité de cessions d'actions et de prises de participations ? Répondez-nous !
L'intervention active et pressante du conseiller de l'Élysée – voire la possible tenue d'entretiens directs entre le conseiller patrimonial de Mme Bettencourt et le chef de l'État – n'illustre-t-elle pas une gestion différente du dossier, gestion directe et en commun entre le parquet et la cellule juridique de l'Élysée ? Des instructions de l'État ont-elles pu être données au parquet sans l'intervention de la chancellerie, donc en dehors des règles prescrites par la loi ?
Ces interrogations, madame la garde des sceaux, ne peuvent pas, dans notre État de droit, dans notre démocratie et dans notre cadre institutionnel, rester sans réponse. Si vous n'y répondez pas, pouvez-vous au moins nous préciser si vous allez ordonner une inspection des services sur l'action publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur Le Bouillonnec, la justice n'ouvre pas d'enquête pour faire plaisir à quelqu'un, fût-ce vous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Elle ouvre des enquêtes quand il y a des faits. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pour l'instant, vous êtes en train de jeter la suspicion à partir de suppositions. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Les élucubrations n'ont jamais constitué de preuves ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous ai dit très nettement, hier, qu'il était normal que l'on puisse s'intéresser au devenir d'une société qui emploie plusieurs milliers de personnes. D'ailleurs, que n'aurait-on pas dit si l'État ne s'y était pas intéressé ? On lui reprocherait de manquer d'anticipation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous ne pouvez que constater simplement aujourd'hui, à la veille d'une décision du tribunal correctionnel, que la justice suit effectivement son cours, tout à fait normalement. Ne vous en déplaise, c'est ainsi que cela se passe ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Demain, des juges parfaitement indépendants, qui ont suivi, comme ils le voulaient, cette affaire, prendront une décision dont je ne peux vous dire ce qu'elle sera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Françoise Briand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Dans un entretien accordé aujourd'hui à un grand quotidien, le directeur central du renseignement intérieur, cette nouvelle direction de votre ministère voulue par le Président de la République et mise en place il y a deux ans maintenant, indique que son service déjoue deux tentatives d'attentats par an.
Ces succès de l'ombre démontrent l'efficacité de nos structures de renseignement et de lutte antiterroriste. Mais ce chiffre montre aussi que, si le terrorisme reste une menace très présente dans beaucoup de parties du monde, le sol européen et par conséquent le sol français ne sont pas à l'abri. Comme il l'indique dans cet entretien, cette menace peut prendre plusieurs formes : bien évidemment le terrorisme intégriste dans la mouvance d'Al-Qaïda, mais aussi le terrorisme des autonomistes ou des mouvances idéologiques radicales.
Filières démantelées, apprentis djihadistes interpellés, groupuscules infiltrés ; autant d'actions du quotidien des 3300 personnes qui travaillent dans la DCRI. Je veux rendre hommage aux femmes et aux hommes qui, sous votre autorité, sont constamment en alerte et dont le travail patient et minutieux de collecte et de recoupement des informations contribue, loin de la lumière de l'actualité, à assurer notre sécurité.
Monsieur le ministre, cette mission fait partie de la lourde charge de votre ministère. Pouvez-vous nous préciser les menaces qui pourraient aujourd'hui concerner notre pays et les moyens mis en oeuvre dans la lutte contre ce fléau ?
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Madame Françoise Briand, vous avez raison de le souligner, la menace terroriste existe bien et est réelle sur notre territoire. Nos intérêts, nos ressortissants et le territoire national restent des cibles et le directeur central du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, a rappelé ce matin, que nous déjouons, en moyenne, deux attentats potentiels par an.
Face à cette menace, la France fait preuve d'une vigilance permanente, vous le savez, pour surveiller et protéger notre territoire. J'ai maintenu le plan Vigipirate à un niveau élevé, donc au niveau rouge, ce qui signifie concrètement que, chaque jour, 3 400 policiers et 980 militaires, auxquels s'ajoutent les fonctionnaires du renseignement intérieur, sécurisent les sites potentiels d'attentats, surveillent un certain nombre de lieux de radicalisation, mais aussi les sites internet sensibles.
Nous sommes donc totalement mobilisés et nous obtenons des résultats, d'ailleurs spectaculaires, dans la lutte contre l'ETA, les séparatistes basques – vingt-deux terroristes ont été interpellés depuis le début de l'année – mais aussi contre les islamistes radicaux : cinquante et un d'entre eux ont été interpellés depuis le 1er janvier.
Je veux cependant aller plus loin. Je souhaite en effet qu'un étranger qui représente une grave menace pour l'ordre public mais fait l'objet d'un recours empêchant son expulsion se voie désormais obligé de porter un bracelet électronique. L'actualité récente m'encourage à proposer rapidement cette initiative.
Soyez, en tout état de cause, assurée, madame la députée, de notre vigilance et de notre attention pour protéger nos concitoyens en France ou à l'étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. Éric Woerth.
Monsieur le ministre, chaque jour qui passe révèle des informations illustrant des dérèglements insupportables qui empoisonnent la vie publique de notre pays et mettent gravement en cause le Gouvernement.
Il est de notre responsabilité d'exiger ici la clarté et la vérité, il est de votre responsabilité, comme de celle du Premier ministre et du Gouvernement, de nous répondre enfin, sans dissimulation ni diversion.
Ainsi, nous apprenons qu'il existe dans le département de l'Oise, votre département, une association qui a le statut d'un parti politique à part entière et qui, à ce titre, perçoit des dons privés importants. Cette association a pour nom « association de soutien à l'action d'Éric Woerth ».
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et alors ?
Ce parti politique, dont vos proches constituent le bureau, a pour fonction exclusive, vous me le confirmerez, ou le Premier ministre le confirmera, le soutien financier de votre vie publique. Vous êtes visiblement le destinataire et le bénéficiaire de ces financements.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et alors ?
Au vu de vos déclarations récentes, je souhaite vous poser très directement cette double question : avez-vous perçu, dans quel cadre et à quel titre, des dons émanant de Mme Liliane Bettencourt (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ? Le compte de votre parti politique dans l'Oise a-t-il été alimenté par un ou plusieurs chèques signés par Mme Bettencourt ou en son nom ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Devant la représentation nationale et devant les Français, je vous demande de répondre sans ambiguïté à cette question. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Chacun comprendra que, dans le cas d'une réponse positive, il s'agit non plus seulement d'une regrettable confusion des genres, mais d'une dérive dont le Gouvernement doit très vite tirer toutes les conséquences. (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Pas vous !
En effet, quels intérêts sert un ministre du budget, chargé de diriger l'administration fiscale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), quand il est trésorier de l'UMP et, par ailleurs, bénéficiaire direct de financements de la première fortune de France ?
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, je voudrais rétablir quelques vérités.
La vérité, c'est que vous avez choisi de rejoindre tous ceux qui, faute d'avoir un projet pour la France, se consacrent exclusivement à une chasse à l'homme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La vérité, c'est que vous ne parviendrez jamais à salir l'honneur d'Éric Woerth, ni à détourner le Gouvernement de son action de réforme, ni à casser la solidarité de la majorité parlementaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La vérité, c'est que vous faites preuve d'amnésie. Avez-vous oublié pourquoi, par qui et dans quelles conditions le financement de la vie politique a dû être encadré à la fin des années 80 et au début des années 90 ?
La vérité, c'est que les règles de financement de la vie politique sont aujourd'hui parfaitement claires, parfaitement transparentes, parfaitement contrôlées : financement public, interdiction du financement par les entreprises, limitations des dons des personnes physiques,…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Répondez à la question !
…contrôle par la commission nationale des comptes de campagne. Les règles sont strictes, connues, respectées.
La vérité, c'est que les Français attendent des responsables publics qu'ils ne s'engluent pas dans des polémiques (Protestations sur les bancs du groupe SRC) au moment où notre pays doit faire face à d'immenses défis.
La vérité, mesdames, messieurs les députés socialistes, c'est qu'à force d'amalgames honteux (Protestations sur les bancs du groupe SRC), d'affirmations gratuites (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe SRC),…
…de procédés obscurs, de sous-entendus calomnieux (Protestations sur les bancs du groupe SRC), vous cherchez à salir un homme, en oubliant les règles, les valeurs et les principes de notre République. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, dont la plupart des députés se lèvent. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le Premier Ministre.
Hier soir, sur une grande chaîne de télévision nationale, Mme Ségolène Royal a tenu des propos inadmissibles (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP), a eu un comportement malhonnête et immoral à l'encontre du chef de l'État, en employant des mots totalement outranciers.
Si tout le monde a compris qu'il s'agissait pour elle d'entrer dans la surenchère avec Martine Aubry dans la perspective des primaires socialistes, ses propos n'en sont pas moins purement démagogiques et curieusement nostalgiques : démagogiques, car jamais un Président de la République n'a autant fait que Nicolas Sarkozy pour la transparence de la vie politique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – c'est nous qui avons permis à la Cour des comptes de contrôler en permanence les comptes de l'Élysée ; nostalgiques, parce que, à l'époque où Mme Royal était conseillère à l'Élysée puis ministre, les fonds secrets faisaient régner un climat malsain.
La République transparente que construit Nicolas Sarkozy est en rupture totale avec les mauvaises habitudes qu'avait instituées le parti socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), en rupture totale avec une période où l'opacité était la règle, celle des écoutes illégales, celle des cabinets fictifs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), celle où le pouvoir utilisait les fonds secrets, celle où, sur l'argent du contribuable, on finançait des vies privées. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Certes, ce qui est excessif est insignifiant, mais la violence des propos irrespectueux de Mme Royal doit être dénoncée. N'ayant rien à proposer pour demain, ni sur les retraites ni sur la sécurité, le parti socialiste se réfugie dans l'amalgame et l'insinuation. Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur ses dérives actuelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, par les propos qu'elle a tenues hier soir, Mme Ségolène Royal s'est disqualifiée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai le souvenir d'une candidate à l'élection présidentielle qui prônait la République du respect. Par ses propos, Mme Ségolène Royal est tombée dans la République de la calomnie. Elle rejoint d'ailleurs Mme Aubry, qui prône la société du care, la société du respect, une République plus douce, et qui compare le Président de la République à un escroc.
Tout cela est indécent parce que, comme vous l'avez rappelé, c'est votre majorité qui, au cours de ce mandat, a réalisé des avancées considérables pour apaiser la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, si vous pouvez poser autant de questions que la majorité, c'est parce que le gouvernement de François Fillon l'a voulu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Cahuzac, si vous êtes président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, une commission stratégique, c'est parce que cette majorité l'a voulu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mesdames, messieurs de l'opposition, si c'est un ancien député socialiste qui préside la Cour des comptes et contrôle les comptes de l'Élysée, c'est parce que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, l'a voulu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'en appelle à votre sens des responsabilités. Votre attitude, votre hargne sapent les fondements mêmes de notre démocratie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Notre République ne doit pas faire les frais d'une surenchère, d'une primaire au sein du parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s'adresse à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, et concerne l'important projet du transfert de l'aéroport de Nantes Atlantique sur la plateforme aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes.
Monsieur le ministre d'État, vous le savez, nous en avons souvent parlé ensemble, c'est un dossier particulièrement important qui a des conséquences en termes environnementaux et agricoles, sur le plan des dessertes ou encore sur l'aménagement du territoire. C'est donc un dossier qui nous oblige les uns et les autres.
Vous allez devoir, dans les quinze jours, au nom du Gouvernement, choisir le concessionnaire qui sera chargé de la construction des pistes de cette future plateforme aéroportuaire.
Je souhaite être très précis dans ma question. Comment le Gouvernement entend-il associer l'ensemble des collectivités territoriales concernées – et, au premier chef, les populations –, collectivités déjà rassemblées au sein d'un syndicat mixte d'études ?
Nous avons également évoqué les dessertes, notamment l'exigence d'une desserte par rail, de la future plateforme aéroportuaire. Nous sommes dans le cadre d'une procédure très exigeante, qui a donné lieu à un débat public, à un cahier des charges. Comment entendez-vous faire respecter ces objectifs afin que le concessionnaire choisi ne soit pas là uniquement pour construire des pistes, laissant aux collectivités territoriales et à l'État la facture des dessertes ?
Je vous remercie de bien vouloir apporter des apaisements à de légitimes interrogations tant des populations que des différents acteurs de ce dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le député, nous avons en effet eu l'occasion de nous rencontrer à plusieurs reprises pour discuter de ce projet, avec les maires des communes directement impactées. Il s'agit du déplacement de l'aéroport de Nantes vers Notre-Dame-des-Landes. Ce sont des opérations qui ne pourront pas être menées comme c'était le cas pour les infrastructures d'antan ; trois règles doivent absolument être respectées.
La première, c'est la transparence intégrale de la procédure. Vous y serez donc associé, ainsi que l'ensemble des collectivités concernées.
La deuxième, c'est que ce projet, global et collectif, doit respecter le sous-sol, l'eau, les fleuves, les rivières – vous savez que nous sommes directement concernés –, la biodiversité, ainsi que l'intérêt et le confort des populations. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Enfin, priorité absolue, qui vous tient le plus à coeur : il n'y aura pas d'aéroport sans une desserte ferroviaire. Que ce soit un tram-train ou une desserte ferroviaire dans le cadre du projet Rennes-Nantes – les différentes options sont encore à l'étude avec les collectivités locales –, cette plateforme aéroportuaire ne restera pas sans desserte collective et ferrée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, il y a un an, jour pour jour, le 30 juin 2009, un Airbus A310 de la compagnie Yemenia s'abîmait en mer à proximité des Comores. L'avion effectuait le dernier tronçon d'un trajet au départ de Paris, via Marseille et Sanaa, capitale du Yémen, à destination de Moroni, capitale des Comores.
Sur les 153 personnes à bord, 152 ont péri. La quasi-totalité des victimes identifiées sont des ressortissants français et comoriens.
Ce triste anniversaire est d'abord l'occasion de rendre hommage aux victimes et de réaffirmer notre solidarité avec leurs familles.
Il doit être plus encore l'occasion de rappeler qu'il existe certaines compagnies aériennes qui dérogent aux règles les plus élémentaires de sécurité et font circuler ce que j'appellerai des « avions cercueils ». Concernant la Yemenia, déjà en 2008, soit un an avant la catastrophe, une association, SOS Voyages aux Comores, avait été créée pour alerter les autorités sur l'état déplorable des avions de cette compagnie.
Qui plus est, dans ces avions prennent place des personnes attirées par des prix bas, ce qui revient à une scandaleuse ségrégation économique et sociale devant le risque aérien.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'État, voici mes questions. Tout d'abord, quelles discussions bilatérales comptez-vous engager avec le gouvernement comorien pour l'amener à prendre les mesures qui s'imposent pour la sécurité aérienne de nos ressortissants et des siens ?
Ensuite, quelles dispositions avez-vous prises pour vous assurer que nos compatriotes voyagent en toute sécurité, sachant que la Yemenia a repris ses vols dans les mêmes conditions et que les causes de l'accident ne sont toujours pas connues ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le député, nous sommes effectivement à la date anniversaire de cet épouvantable drame. Le Gouvernement s'associe à l'hommage que vous venez de rendre aux victimes et à leurs familles, que le Président de la République avait honorées il y a très exactement un an, à dix-sept heures.
Dominique Bussereau vient de partir pour cette cause. Je vous répondrai trois points.
Tout d'abord, nous demandons instamment la communication du rapport d'expertise intermédiaire des autorités comoriennes. Nous attendons ce rapport et nous réitérons notre demande. Nous souhaitons avoir l'explication – ou un début d'explication – de ce qui s'est passé.
Ensuite, nous demandons, par l'Organisation internationale de l'aviation civile, la communication au grand public des audits de sécurité de l'ensemble des compagnies qui desservent cette partie de l'océan Indien.
Enfin, nous soutenons les projets des compagnies françaises et européennes – qui, j'espère, verront le jour dans les semaines à venir – pour desservir directement les Comores, le débat portant sur une baisse des tarifs ; il s'agit d'une demande de la communauté comorienne.
Un an après ce drame, Dominique Bussereau reste très mobilisé, comme vous le devinez, ainsi que le Président de la République.
La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, la séance de questions au Gouvernement est un des moments privilégiés d'une des missions fondamentales du Parlement : le contrôle parlementaire. Il est dès lors normal que les députés, notamment ceux de l'opposition, posent des questions ;…
Plusieurs députés du groupe UMP. Mais les bonnes !
…il est républicain et démocratique que le Gouvernement y réponde.
Or force est de constater qu'à la question posée hier parÉlisabeth Guigou (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et reprise aujourd'hui, le Gouvernement n'a pas apporté de réponse.
Force est de constater que, lorsque Bruno Le Roux évoque au nom du groupe socialiste la possibilité d'une commission d'enquête parlementaire, la réponse du Gouvernement reste évasive, celle de la majorité, négative. (Mêmes mouvements.)
Force est de constater, monsieur le Premier ministre, qu'à la question précise de Christian Paul, nous n'avons pas obtenu du Gouvernement la réponse qui s'imposait.
Un député du groupe UMP. Vous voulez faire voter Front national !
Nous avons entendu M. Hortefeux nous expliquer qu'il est évidemment légal que quiconque puisse créer un parti politique et une association de financement, et que, dans ce cadre, M. Woerth avait tout à fait le droit de créer un parti politique dans son département (« Et alors ? » sur de nombreux bancs du groupe UMP), y compris sans adhérents. Mais ce n'était pas l'objet de notre question : nous voulions savoir si l'association qui finance l'action de M. Woerth avait oui ou non reçu un chèque de Mme Bettencourt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous refusez de nous répondre. Et vous avez tort car la démocratie exige la transparence. La réponse est d'ailleurs dans la presse, avec une dépêche qu'on vient de nous communiquer. Mais l'honneur de la démocratie, c'est que le Gouvernement réponde, et que nous n'obtenions pas la réponse par l'intermédiaire des médias ! (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames, messieurs les députés, cette question, comme la précédente du groupe SRC, illustre bien ce que le parti socialiste essaie de faire. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Dans notre République, il y a des lois votées par le Parlement sur le financement de la vie publique.
Ces lois permettent aujourd'hui à quelque 300 partis politiques – sans doute autant à gauche qu'à droite – d'avoir une existence et d'être contrôlés par la commission de contrôle des comptes de campagne, qui seule a compétence pour traiter des questions que votre collègue, monsieur Roman, posait à l'instant.
Il n'y a pas un membre du Gouvernement qui soit en mesure de répondre à cette question, parce que ce n'est pas son rôle (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC), de même que je ne vous demande pas si M. Bergé finance les campagnes de Mme Royal ou qui finance les campagnes du parti socialiste ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et groupe NC dont de nombreux députés se lèvent.)
La République et la démocratie, ce sont des règles et des principes. Vous les bafouez en permanence ! Mais nous ne laisserons pas, je le répète, la démocratie se laisser entraîner sur ces chemins de traverse.
Vous dites, monsieur Roman, que le Gouvernement est évasif quand votre groupe l'interroge sur la création d'une commission d'enquête. Mais il n'a pas à répondre car c'est l'Assemblée qui en décide. Je rappelle que, grâce à la révision constitutionnelle que vous n'avez pas votée, l'opposition a aujourd'hui des droits qui n'existaient pas hier en matière de commissions d'enquête.
Le rôle que joue le parti socialiste ces derniers jours est indigne du grand parti de responsabilité que vous prétendez être. (Les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent longuement.)
La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. J'y associe mon collègue Serge Poignant.
Monsieur le ministre, depuis 1924, il existe pour les fonctionnaires un dispositif permettant un départ anticipé à la retraite pour les parents de trois enfants ayant exercé quinze ans d'activité. Ce dispositif, initialement à caractère nataliste, est sans équivalent dans le secteur privé et peut s'apparenter à une préretraite publique, d'autant que la maternité et l'éducation des enfants sont déjà prises en compte au cours de la vie active et de la retraite par une majoration de durée d'assurance et par une majoration de pension de 10 % pour les parents concernés.
Dans un rapport de décembre 2008, le COR n'a pas manqué de signaler les limites de ce dispositif, dénonçant d'une part les modalités de calcul, qui n'obéissent pas au principe générationnel – auquel le COR attache une importance particulière –, et d'autre part un manque de cohérence avec le développement de l'emploi des seniors.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé, dans le projet du Gouvernement, la fermeture du dispositif pour les fonctionnaires qui ne réuniront pas au 1er janvier 2012 les deux conditions requises : avoir quinze ans de service effectif et être parent de trois enfants. Vous avez par ailleurs indiqué que, pour ne pas remettre en question des choix familiaux et de carrière déjà engagés, la possibilité d'un départ anticipé serait maintenue pour ceux qui réunissent avant le 1erjanvier 2012, mais avec l'alignement des règles de calcul sur le droit commun, comme le propose le COR, dès le 13 juillet 2010.
Nombre de mes collègues de la majorité et moi-même avons été alertés des difficultés que pouvait poser aux agents cette date du 13 juillet. Cette date est-elle susceptible d'évoluer ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Monsieur Heinrich, vous m'interrogez sur la suppression du dispositif de départ anticipé pour les fonctionnaires parents de trois enfants et ayant effectué quinze ans de service. Il s'agit en fait d'un dispositif de préretraite et non d'aide familiale ou de complément familial – d'autres mesures sont prévues pour faciliter la vie familiale par rapport à la retraite. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité mettre fin à ce dispositif de préretraite, dans le cadre d'une recherche de cohérence entre les salariés du privé et ceux du public.
Je précise deux éléments que vous avez évoqués.
Premier point : la possibilité de partir en retraite anticipée pour les fonctionnaires ayant trois enfants et quinze ans de service est maintenue jusqu'au 1er janvier 2012. Des fonctionnaires qui ne remplissent pas à ce jour ces conditions ont donc jusqu'au 1er janvier 2012 pour le faire. Il faut en effet tenir compte des projets familiaux, qu'il est très important de respecter.
Le deuxième point concerne la date du 13 juillet 2010. Il est vrai qu'une telle échéance laisserait peu de temps aux familles pour se mettre en accord avec la réforme car les conditions d'application de cette seconde mesure présentent un certain nombre de difficultés : personne ne pourra présenter des dossiers de retraite complets dans un délai aussi bref. Georges Tron et moi-même avons donc décidé de repousser la date au 31 décembre 2010 pour que toutes les personnes qui déposeront une demande avant cette dernière date continuent de bénéficier des anciennes règles de calcul pour un départ à la retraite au plus tard le 1er juillet 2011. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, la comparaison que vous avez faite entre les cas Bettencourt-Woerth et Bergé-Royal n'est pas, de mon point de vue, très correcte. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le problème n'est pas la légalité du financement, mais l'évident conflit d'intérêts pour un ministre qui pourrait se faire financer par les gens qu'il est censé contrôler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est cela qui est important.
Monsieur le Premier ministre, concernant les récents déboires de l'équipe de France de football, je crois utile de rappeler quelques principes fondamentaux pour ne laisser aucune place à la banalisation du racisme.
Chacun a pu constater qu'un inquiétant philosophe, des chroniqueurs, des responsables politiques, mettaient l'accent sur le fait que ces sportifs trop blacks, trop arabes ou trop musulmans, issus de surcroît de la banlieue ou des pays d'outre-mer, seraient foncièrement de la racaille, des caïds, des individus irrespectueux des valeurs et des règles. C'est une perspective rétrograde, scandaleuse et dangereuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous aurions pu ignorer ces outrances. Mais l'histoire nous a enseigné que, concernant le racisme, l'attentat trouve souvent son assise dans ce type de signifiances. C'est précisément ce manque de vigilance que dénonce le Conseil de l'Europe dans son rapport du 15 juin dernier sur la persistance des discriminations raciales en France.
Monsieur le Premier ministre, aucune voix officielle ne s'est élevée pour rappeler tout ce beau monde à la décence et dire : stop à l'ethnicisation du débat public ! La représentation nationale ne peut être complice de telles dérives dont les conséquences sociales ne sont pas mesurables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quant à la banlieue, elle a produit suffisamment de personnalités précieuses pour cesser de stigmatiser ceux qui y ont grandi.
On peut comprendre les amertumes, mais c'est justement dans l'épreuve, dans l'infortune, qu'il faut rappeler avec force que la République ne fonde aucune de ses valeurs sur la pureté raciale.
Alors, monsieur le Premier ministre, quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour que la diversité, qui fait la richesse de la France, ne soit plus désignée, à l'instar du plus méprisable des discours d'extrême-droite, comme étant un des facteurs, voire la cause même de sa déchéance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le député, je connais une équipe de France jeune, multiculturelle, en partie issue de l'immigration.
Cette équipe de France a été exemplaire dans son comportement. Cette équipe de France est la meilleure de tous les temps.
Cette équipe de France, c'est l'équipe de handball, championne du monde, championne olympique, championne d'Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Dans cette équipe-là, monsieur le député, il y avait un Karabatic, un Fernandez, un Abalo. Le sait-on ? Et même, s'en préoccupe-t-on ? Non, jamais.
Ces victoires et cette équipe ne sont pas celles de la France multiculturelle mais celle de la France tout court. (Applaudissements sur tous les bancs.) Dire que les différences ethniques, religieuses, sociales mènent inéluctablement à l'échec, c'est faire insulte à l'idée que je me fais du sport et surtout à l'idée que je me fais de mon pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et SRC.)
Je rejette cette offensive idéologique consistant à ethniciser les raisons de l'échec de l'équipe de France de football et à y voir un symptôme de l'échec de la France métissée. (« Et Bachelot ? » sur les bancs du groupe SRC.)
Je rejette ce procès que certains font à la banlieue ; je vous rappelle que les joueurs qui en sont issus l'ont quittée depuis fort longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Il faut cesser les amalgames qui remettent en cause la cohérence de notre nation. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)
Le questionnement légitime des Français vis-à-vis de leur équipe n'a absolument rien à voir avec les origines ou la couleur de peau des joueurs. Depuis toujours, le football et le sport font surgir des figures de rassemblement qui transcendent les appartenances culturelles ou ethniques. Pensez à Kopa, pensez à Platini, pensez à Zidane.
Les joueurs de l'équipe de France de football ne se font pas insulter parce qu'ils sont d'origines diverses, mais parce que, insuffisamment préparés et encadrés, ils ont perdu leurs repères. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Éric Woerth, ministre du travail, auquel j'apporte tout mon soutien, tout comme le groupe UMP, dans les difficiles moments qu'il traverse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le ministre, alors que nous connaissons une crise économique sans précédent, la réforme des retraites est essentielle pour l'avenir des Français.
Le projet que vous portez est un projet équilibré…
…qui doit pouvoir nourrir un consensus responsable au sein de notre société.
Mais nous ne sommes pas seuls au monde. Nous sommes en Europe où tous les pays ont engagé des réformes pour augmenter progressivement l'âge d'ouverture des droits à la retraite. C'est ainsi que l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas, et aujourd'hui le Royaume Uni ont engagé ou envisagent des processus qui visent à passer de soixante-cinq ans à soixante-sept ans.
Les États membres de l'Union européenne connaissent des différences importantes de situation démographique, de niveau et de conditions de vie des personnes âgées, ainsi que d'organisation de leurs systèmes de retraite. Cependant, ils sont appelés à relever au cours des prochaines années des défis d'ampleur comparable, liés aux conséquences économiques et sociales de l'arrivée à l'âge de la retraite.
Tous les pays européens ont mis en oeuvre des réformes de leur système de retraite, afin de parvenir à garantir aux retraités de demain un remplacement convenable de leurs revenus d'activité, dans des conditions d'équilibre financier des régimes de retraite publics comme privés.
Alors que l'opposition s'acharne à nous démontrer que l'âge légal de départ à la retraite à soixante ans est primordial, une grande partie de leurs collègues européens est déjà acquise à cet allongement.
Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement a-t-il décidé de prendre pour s'inspirer de l'exemple de nos partenaires européens qui ont accompli l'effort de redresser leur régime de retraite ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Monsieur le député, vous avez raison de nous proposer de jeter un regard au-delà de nos frontières pour bien saisir la logique animant les gouvernements de nos partenaires européens qui réforment leur système de retraite.
Au fond, il n'y a qu'en France que la réforme des retraites n'a jamais été portée par un gouvernement de gauche ; ce sont toujours des gouvernements de droite qui ont eu le courage de porter la réforme des retraites (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
L'agitation qu'essaie de mener le parti socialiste n'a au fond qu'un seul but : ralentir la réforme des retraites. Bien évidemment, le parti socialiste n'y arrivera pas.
En Europe, des gouvernements de droite et de gauche ont mené des réformes. Que ce soit en Allemagne en 2001, en Espagne en 2006 et 2007 ou au Royaume Uni en 2007, la gauche a pris ses responsabilités.
Dans leur quasi-totalité, les pays d'Europe – les Pays-Bas, l'Espagne, le Royaume Uni, etc. – ont fonctionné de la même manière : ils ont pris en compte l'augmentation de la durée de la vie. En toute bonne logique et en toute cohérence, ils ont procédé à une augmentation proportionnelle de la durée de la retraite : les gens vont travailler plus longtemps, mais ils vont aussi rester en retraite plus longtemps.
C'est ce qu'il faut essayer d'expliquer à nos concitoyens. La vie a changé ; c'est juste de faire cette réforme. Nous avons décidé de repousser l'âge légal de la retraite pour tenir compte de la réalité, comme dans les autres pays. Nous avons aussi décidé de reporter l'âge du départ à taux plein, comme l'ont fait d'autres pays avec des systèmes différents. C'est juste, efficace et dans le droit fil du temps. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
J'associe à ma question Catherine Coutelle et Pascale Crozon.
Monsieur le Premier ministre, alors que le projet de loi relatif à la réforme des retraites sera présenté en Conseil des ministres le 13 juillet et que le débat sur les retraites n'aura lieu qu'en septembre, vous ne laissez que treize jours aux mères ayant eu trois enfants et quinze ans de service pour se déterminer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) :…
…partir en retraite dans les prochains mois, renoncer à leur salaire, à une possible promotion et tout simplement à l'exercice de leur métier, ou subir une perte sèche de leur pension qui peut atteindre 30 %.
Ce délai si court empêchera la plupart des femmes de faire valoir leurs droits dans les temps. Depuis cette soudaine décision, un vent de panique souffle chez les personnes concernées. En plein coeur de l'été, elles devront faire un choix dans l'urgence alors que le départ en retraite doit pouvoir se préparer.
Ce changement brutal des modes de calcul ne permet pas aux agents concernés de se préparer sereinement à une décision qui a pourtant un impact lourd sur leur vie.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il faut écouter les réponses !
Cette nouvelle décision injuste, prise sans concertation, pénalise lourdement la retraite des femmes. Elle modifie brutalement les règles de calcul pour les agents ayant quinze ans de service et trois enfants, que vous n'avez même pas prévenus. Que faites-vous du droit à l'information ?
La date butoir du 13 juillet laisse présager un dépôt massif et préventif de demandes de pension avec, dans l'immédiat, de nombreux désordres à prévoir. Il est quand même extraordinaire qu'un projet loi prévoie la mise en oeuvre d'un dispositif le 13 juillet 2010 alors qu'il n'est même pas voté. En considérant que le texte est d'ores et déjà acquis, vous illustrez une nouvelle fois votre mépris du travail parlementaire.
Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir confirmer la réponse que M. Woerth a donnée il y a quelques instants à ce sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Décidément, madame la députée, le parti socialiste n'écoute pas bien ce que je dis ; s'il le faisait, il aurait les réponses à presque toutes les questions qu'il se pose. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Un député de l'UMP m'ayant interrogé avant vous à ce sujet, c'est à lui que j'ai répondu. Il est vrai que plusieurs députés de l'UMP nous ont fait remonter cette question importante du départ anticipé des fonctionnaires ayant trois enfants et quinze ans d'activité. Nous supprimons en effet ce dispositif, mais nous le ferons progressivement. Ainsi, celles et ceux qui ont des projets familiaux pourront faire valoir leurs droits actuels jusqu'au 1er janvier 2012. Pour les agents qui remplissent les conditions requises, les règles de calcul sont alignées sur celles du droit commun, qui est au fond celui de leur génération.
Afin que les intéressés puissent correctement préparer leur retraite et faire valoir, pour ainsi dire, leurs droits supplémentaires, la date butoir pour le dépôt des dossiers sera reportée du 13 juillet au 31 décembre 2010. Bref, chacun aura six mois pour déposer son dossier en conservant ses droits antérieurs. Il me semble que c'est une manière juste de procéder.
Nous avons entendu l'émotion d'un certain nombre de personnes, qui ont considéré que la date du 13 juillet imposait un délai trop court. Dont acte ; le Gouvernement, madame la députée, prolonge donc ce délai jusqu'au 31 décembre 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Dominique Perben, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la garde des sceaux, le 28 avril dernier, je vous avais interrogée sur l'attitude de la Cour de cassation au regard de la question prioritaire de constitutionnalité. Un nouvel arrêt de cette cour m'amène à vous poser, avec gravité, une nouvelle question à ce sujet.
Nous partageons sur tous les bancs de cette assemblée, je crois, la conviction que la question prioritaire de constitutionnalité est un progrès. Elle donne le droit nouveau à nos concitoyens de faire vérifier par le Conseil constitutionnel la conformité d'une loi à la Constitution. Les premières décisions rendues par le Conseil ont souligné cette avancée, par exemple sur la décristallisation des pensions.
Nous avons également tous partagé la même préoccupation lorsque la Cour de cassation a, dans un arrêt surprenant, saisi le 16 avril dernier la Cour de justice de l'Union européenne. Elle espérait peut-être faire condamner cette réforme.
Cependant, reprenant presque littéralement les conditions posées par deux décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État les 12 et 14 mai, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, par un arrêt du 22 juin, que la question prioritaire de constitutionnalité est conforme au droit de l'Union européenne.
Cet arrêt ouvrait la voie à une application générale de la réforme. Or, par un nouvel arrêt du 29 juin, c'est-à-dire hier, la Cour de cassation a de nouveau mis en cause la réforme en prétendant écarter le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité. Ce nouvel arrêt pose de manière crue le problème du respect par le juge de la volonté du Parlement.
Il n'est pas acceptable que nos concitoyens ne puissent pas bénéficier de leur droit nouveau.
Madame la garde des sceaux, n'est-il pas maintenant nécessaire d'envisager une modification de la loi organique pour revenir sur le rôle de filtre de la Cour de cassation, et de mettre ainsi un terme à ce mauvais feuilleton ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Je veux souligner après vous, monsieur Perben, que la Cour de justice de l'Union européenne a très clairement validé l'ensemble du dispositif de la question prioritaire de constitutionnalité, avancée importante pour nos concitoyens.
Or, hier, la Cour de cassation a estimé que, n'étant pas un juge du fond, elle ne pouvait prendre les mesures conservatoires nécessaires pour assurer, comme le demande par ailleurs la Cour de justice, les droits issus du droit communautaire, dans l'attente d'une décision sur la constitutionnalité d'une loi. Elle en a conclu qu'elle n'était pas en mesure de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel.
Il est évident, monsieur le député, que la loi organique instituant la question prioritaire de constitutionnalité, loi votée et soutenue très au-delà des clivages partisans, doit être appliquée et respectée. Le législateur a clairement voulu qu'un justiciable puisse faire exclure de notre ordre juridique des dispositions qui ne seraient pas conformes à la Constitution. Notre devoir est de préserver l'équilibre voulu par le législateur. Si une évaluation de la loi actuelle s'avère nécessaire, nous la ferons ; s'il faut modifier cette loi pour faire respecter la volonté du législateur, nous le ferons également. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse au Premier ministre et concerne le cas particulier de la réforme des retraites des saisonniers pluriactifs.
Le recul de l'âge légal de la retraite pénalisera d'abord toutes celles et ceux qui ont eu des carrières discontinues, qui ont connu des ruptures de carrière, des situations de précarité ou des aléas de la vie. Le report à 67 ans de l'âge de départ à la retraite sans décote est donc particulièrement préjudiciable aux salariés saisonniers et pluriactifs, qui seront les grands perdants de la réforme.
Le Gouvernement prétend prendre en considération l'usure des salariés, mais il refuse de l'aborder de façon collective et de reconnaître la pénibilité de certaines professions ou conditions de travail ; il vient même de la dénier aux infirmières. Or la pénibilité est bien réelle pour certains travailleurs, notamment saisonniers : troubles musculo-squelettiques, flexibilité et précarité du travail, horaires décalés, horaires morcelés et grande amplitude de la journée de travail, notamment dans les remontées mécaniques, le service des pistes, le commerce ou l'hôtellerie-restauration.
Ces salariés sont fortement désavantagés, et la règle des vingt-cinq meilleures années n'arrange rien. De plus, les règles des régimes sociaux caractérisés par l'adhésion et le versement de cotisations à plusieurs caisses ne sont toujours pas harmonisées et la pluriactivité continue d'avoir des conséquences sur les droits à la retraite.
N'enfermons pas davantage ces salariés dans la précarité. Leur retraite doit être intégrée à une réforme globale, qui prenne en considération tous les types de carrières discontinues. Il est urgent de protéger les deux millions d'emplois saisonniers que compte notre pays et de sauvegarder les secteurs de notre économie qui en ont besoin : l'agriculture et le tourisme, notamment le tourisme de montagne.
Les difficultés éprouvées par les saisonniers et leurs employeurs étant liées, pour améliorer la situation, il faut revoir le statut de saisonnier pluriactif dans son ensemble.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, comment le Gouvernement entend permettre à tous ceux qui connaissent des carrières discontinues, des situations de précarité ou des aléas de la vie de bénéficier d'un traitement équitable du point de vue de la retraite, quelles que soient leurs activités professionnelles et le ou les régimes de retraite dont ils relèvent ?
Quelles mesures destinez-vous à tous les Français qui relèvent de plusieurs régimes de retraite, afin d'éviter à ces poly-pensionnés d'être pénalisés par les modalités de calcul des retraites ?
Enfin, le Gouvernement compte-t-il profiter du débat sur les retraites des poly-pensionnés pour appréhender enfin dans son ensemble la problématique de la saisonnalité et de la pluriactivité ?
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Monsieur Giraud, j'aurais aimé que le parti socialiste formule des propositions à ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous auriez pu apporter des éléments importants au débat.
Vous avez parlé des travailleurs saisonniers. Quand on ne travaille qu'une partie de l'année, on n'est pas pénalisé du point de vue de la retraite ; il est tout simplement faux de prétendre le contraire. En effet, et vous le savez, les règles applicables aux régimes de retraite permettent aux travailleurs saisonniers de valider quatre trimestres même s'ils ne travaillent pas toute l'année. Ce n'est pas la durée travaillée qui compte, mais la rémunération.
Vous avez mentionné les carrières interrompues. C'est évidemment une question importante. Le projet du Gouvernement sur les retraites propose de porter de quatre à six le nombre de trimestres que pourront valider les jeunes dont l'entrée sur le marché du travail est tardive car difficile. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez évoqué la pénibilité. Nous voulons évidemment la prendre en compte, monsieur le député. Nous l'avons dit, et surtout inscrit dans le projet de loi. Aucun gouvernement ne l'avait encore fait. Allez-vous soutenir nos propositions sur la pénibilité ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)
D'autre part, vous le savez, le Président de la République m'a demandé de poursuivre la réflexion et la concertation engagées à ce sujet (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), comme sur celui des poly-pensionnés, le dernier que vous ayez abordé. Nous pouvons, le cas échéant, à la fois améliorer le dispositif proposé par le texte en matière de pénibilité et éviter à ceux qui cotisent à plusieurs caisses de retraite d'être pénalisés pour cette raison.
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (« Ah ! » sur divers bancs.)
Madame la secrétaire d'État chargée des aînés, depuis cinq ans, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie fait partie de notre paysage médico-social. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Née d'une douloureuse prise de conscience collective suscitée par la canicule de l'été 2003, elle n'est pas seulement une caisse, mais exerce aussi des missions d'agence, d'expertise, d'animation et d'appui aux opérateurs.
Sa création représente un progrès reconnu de tous. Grâce à elle, les crédits collectés lors de la journée de solidarité sont entièrement reversés aux personnes âgées et handicapées. Au total, la caisse gère chaque année 18,5 milliards d'euros, destinés à répondre aux besoins des personnes âgées et des personnes handicapées. Ce budget a bénéficié d'augmentations considérables en cinq ans.
Or le vieillissement de la population – dont nous nous réjouissons – accroît malheureusement le nombre de personnes âgées dépendantes. Les politiques à conduire en ce domaine en ont été compliquées et l'apparition de crédits non consommés chaque année nous conduit à nous interroger. En effet, madame la secrétaire d'État, comment expliquer aux Françaises et aux Français, qui connaissent l'ampleur des besoins sur le terrain, que les moyens importants et croissants dont dispose l'État ne sont pas entièrement dépensés en raison de la complexité de nos politiques ?
Certes, les agences régionales de santé, actives depuis avril 2010, amélioreront la circulation des crédits dans nos territoires. J'ai en outre proposé ce matin à la commission des affaires sociales plusieurs pistes pour améliorer les procédures budgétaires, l'organisation de nos politiques, l'évaluation et le contrôle. Mais que propose le Gouvernement pour parvenir à cet objectif ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame Poletti, votre rapport du 25 juin, issu des travaux de la mission d'information sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, dresse un bilan tout à fait pertinent des cinq premières années de fonctionnement de la caisse.
Vous l'avez dit, et la Cour des comptes l'a souligné il y a peu : la CNSA a beaucoup fait pour les personnes âgées et les handicapés, qu'il s'agisse de sanctuariser les crédits qui leur sont dédiés ou d'améliorer la gouvernance du secteur médico-social. Je tiens à rappeler qu'en ce qui concerne les personnes âgées dépendantes, le Gouvernement conduit une politique volontariste, qui passe par le plan solidarité grand âge et le plan Alzheimer.
Des excédents ont en effet pu être constatés au sein de la CNSA. Cela s'explique facilement : jusqu'à présent, pour qu'un projet soit autorisé, il fallait que les crédits soient votés dans le cadre du PLFSS et disponibles la même année auprès de la CNSA. Or, entre l'autorisation et l'ouverture effective d'une maison de retraite, il s'écoule au moins deux ans, nécessaires pour construire l'établissement et recruter les personnels.
Nous nous efforçons d'améliorer le mode de financement, en nous rapprochant du régime applicable au budget de l'État, c'est-à-dire en distinguant autorisations d'engagement et crédits de paiement. Désormais, chaque année, dans le cadre du PLFSS, vous voterez un ONDAM qui sera l'exact reflet des crédits nécessaires.
Vous le voyez, madame la députée, nous sommes résolument engagés sur la voie d'une gestion vertueuse du secteur médico-social, tout en continuant de répondre aux besoins des personnes âgées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes, par scrutin public, sur, d'une part, le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées (nos 2621, 2383) et, d'autre part, la proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées (nos 2622, 1451).
Dans les explications de vote communes, la parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, pour le groupe UMP.
Notre système juridique doit s'adapter à l'évolution de notre société et, pour être réussie, cette adaptation doit se faire autour de l'ensemble des professionnels du droit. Telle est bien l'ambition des deux textes qui nous sont proposés.
Ces dispositions étaient attendues depuis longtemps par les professions concernées. Elles ont fait l'objet d'une longue concertation entre ces professions, en particulier entre les avocats et les notaires. Cela a permis d'aboutir à un consensus favorable à tous.
Le projet de loi crée l'acte contresigné par avocat. Cette disposition confère à l'acte sous seing privé, lorsqu'il est contresigné par un avocat, une efficacité supplémentaire pour nos concitoyens. Cela permettra de renforcer la sécurité juridique. Engageant l'expertise et la responsabilité d'un avocat, cet acte apportera plus de garanties, ce qui limitera le risque de contentieux.
Bien évidemment, cet acte n'a pas vocation à remplacer l'acte authentique établi par les notaires. Le rôle essentiel des notaires est confirmé, en particulier dans le domaine des transferts de propriété immobilière. Il est également conforté dans le domaine du droit de la famille. Par exemple, le notaire ayant rédigé une convention de PACS ne sera plus obligé de passer par un greffier ; il pourra réaliser lui-même l'enregistrement de la convention. C'est une simplification.
Le texte tend en outre à moderniser et renforcer les structures d'exercice de l'ensemble des professions libérales réglementées en développant l'interprofessionnalité. Il est en effet tout à fait opportun de permettre à différentes professions du droit de travailler ensemble, car leurs activités sont souvent complémentaires.
Sous l'impulsion de son excellent rapporteur, Yves Nicolin, la commission des lois a enrichi le projet de loi. Il convient de saluer son remarquable travail.
La proposition de loi tend, quant à elle, à favoriser l'exécution des décisions de justice et à améliorer les conditions d'exercice des professions réglementées. Sont particulièrement bienvenues la rationalisation de la répartition des contentieux entre les tribunaux d'instance et de grande instance en matière de décisions de justice, la procédure participative, la modernisation des pratiques professionnelles de l'ensemble des professions du droit – par exemple, les huissiers – et l'obligation de formation continue des notaires, huissiers, greffiers des tribunaux de commerce et commissaires-priseurs judiciaires.
Équilibrés, les deux textes aujourd'hui soumis à notre examen sont le fruit d'une longue concertation. Ils permettront aux professions juridiques et judiciaires de s'adapter à notre société moderne tout en garantissant une justice plus efficace pour nos concitoyens.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP, majoritairement, votera en faveur de cette modernisation de notre droit.
Monsieur le président, la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans les débats, ces textes touchent à des aspects importants de la modernisation de nos institutions.
Nous connaissons tous la force essentielle que représente l'autorité judiciaire dans notre pays, mais nous savons aussi que, pour beaucoup de nos concitoyens, la justice semble compliquée, onéreuse et lointaine. Les professionnels du droit sont souvent très compétents et humains, mais nombre de nos concitoyens estiment qu'ils sont chers, difficilement accessibles, et on ne sait pas très bien qui fait quoi.
Il était donc nécessaire et salutaire que les diverses professions entament une réflexion pour examiner les moyens de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens, améliorer la lisibilité du système et rationaliser son organisation. Nous savons bien, aussi, que la construction européenne, le développement des moyens de communication, des nouvelles techniques informatiques et d'internet nous imposent de moderniser notre système juridique.
Nombre des mesures que vous nous proposez sont donc de bon aloi, comme celle qui réaffirme le rôle des notaires pour ce qui concerne les transactions immobilières et les actes relatifs à la famille. De même, les mesures destinées à régler les difficultés pratiques que peuvent rencontrer les huissiers ne nous posent pas de problèmes.
Nous éprouvons en revanche quelques hésitations s'agissant du choix opéré entre les deux possibilités qui étaient ouvertes : celle d'une grande profession du droit où chacun pourrait tout faire et celle d'une spécialisation de chacun sur ce qu'il sait faire, avec un développement de l'interprofessionnalité.
Vous avez plutôt choisi la deuxième solution, mais sans aller au bout de la démarche. Ce n'est donc pas très clair. La création de l'acte d'avocat a donné lieu à de nombreuses discussions entre ceux qui exercent le droit à titre principal et ceux qui l'exercent à titre accessoire. Pour notre part, nous estimons raisonnable de clarifier le rôle de l'avocat et de donner plus de poids à un acte rédigé par un professionnel qu'à un acte rédigé par une officine dont on ignore la compétence technique. Vous n'êtes cependant pas allés au bout de la démarche, d'où les difficultés rencontrées.
Il y a aussi un problème de méthode : la plupart des discussions ont eu lieu en dehors du Parlement. Par conséquent, nous avons souvent eu l'impression d'être convoqués pour entériner des décisions prises ailleurs plutôt que pour nous prononcer réellement sur les choix proposés.
Autre point contestable, pour faire accepter l'acte d'avocat, vous avez attribué un certain nombre de droits à d'autres professions. Nous ne mettons pas en cause la compétence de ces professions, mais le problème est que ce transfert a été rendu nécessaire par la modification préalable de la carte judiciaire, laquelle a supprimé un certain nombre de tribunaux et a éloigné les justiciables des autres.
Le fait que le notaire soit dispensé d'enregistrer le PACS au greffe du tribunal d'instance nous gêne également. En outre, pour nous, le PACS n'est pas seulement un contrat ; c'est un engagement humain. Nous souhaitons donc qu'il soit célébré en mairie.
Par ailleurs, ce texte ne prend pas en considération le problème essentiel de l'accès au droit pour les gens modestes. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé la création d'une mission d'information sur l'accès au droit, demande acceptée par la commission des lois.
Par conséquent, malgré les avancées et clarifications auxquelles procède ce texte, le groupe SRC s'abstiendra.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Pour le groupe GDR, la parole est à M. Michel Vaxès.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous l'avons dit la semaine dernière, nous pensons que ces deux textes empruntent une voie dangereuse pour l'avenir des professions judiciaires et juridiques, notamment celui des officiers publics et ministériels investis d'une mission de service public. Leurs dispositions menacent en effet la pérennité de notre tradition juridique continentale, tradition dont nous avons pourtant de solides raisons d'être fiers. Ce projet et cette proposition de loi sont annonciateurs du pire pour les justiciables.
Ces textes confirment la volonté du Gouvernement d'inscrire ses réformes juridiques dans une nouvelle ère : celle d'une hyperconcurrencialisation des professionnels sur le « marché du droit », à l'image du système anglo-saxon. Madame la garde des sceaux, vous avez d'ailleurs été très claire dans la discussion : les cabinets anglo-saxons prennent aujourd'hui des parts de marché, vous voulez donc que nous soyons efficaces et concurrentiels. En somme, ce qui vous intéresse, c'est « la force de la France, son rayonnement et sa puissance économique », bien davantage que l'intérêt des justiciables. Mais croyez-vous que la France, dont le droit est envié et copié par la plupart des pays, notamment grâce à son fameux code Napoléon, continuera de rayonner si ce droit se réduit demain à un simple marché concurrentiel ?
Vous nous dites que les valeurs de notre droit doivent s'adapter au marché ; nous pensons, au contraire, que le marché doit s'adapter aux valeurs de notre droit. C'est là le coeur de notre désaccord, et c'est précisément pour cette raison que, selon vous, nous serions des réactionnaires. Si vouloir le mieux pour les justiciables constitue pour vous, l'empreinte du réactionnaire, alors oui, nous le sommes ! Si défendre un service public du droit est une posture réactionnaire, alors oui, nous le sommes ! Si promouvoir la concurrence entre les professions judiciaires pour satisfaire le monde de la finance est signe de modernité, alors nous revendiquons d'être résolument attachés au passé, celui des valeurs du siècle des Lumières. En réalité, pour nous, le souci du justiciable, la défense du service public, et l'exercice serein des missions dévolues aux professions juridiques et judiciaires relèvent d'un combat résolument moderne, surtout par les temps qui courent.
Je ne peux vous croire quand vous nous dîtes que vous voulez changer les piliers intangibles qui témoignent de notre exception démocratique depuis 1804 au seul prétexte qu'ils datent de 1804. Jamais vous ne remettrez en cause la Déclaration des droits de l'homme parce qu'elle date de 1789 !
Ne reprochons pas aux précurseurs d'avoir été en avance sur leur temps et d'être devenus, pour ces raisons mêmes, des modèles enviés partout dans le monde ! Remettons plutôt en cause ceux qui veulent nous faire revenir en arrière en se cachant derrière l'argument fallacieux de la modernité !
Seriez-vous de celles et ceux qui sont persuadés que modernité est synonyme de progrès ? Je vous ferai grâce de la théorie qu'expose Jean-Jacques Rousseau dans son Discours sur les sciences et les arts, mais je ne peux m'empêcher de rappeler l'antagonisme qu'il établit par extension entre une certaine conception du progrès et la vertu.
Pour appeler tous nos collègues au bon sens, je citerai, une fois n'est pas coutume, la maire de Lille, Martine Aubry, lors du 105e congrès des notaires. Elle s'adressait à eux en ces termes : « Vous êtes peut-être à un carrefour de votre longue histoire. Certains semblent avoir la tentation, sous prétexte d'une modernité dont on peut discuter le bien-fondé, de mettre un terme à cette belle histoire. [...] Pour évoluer, pour se moderniser et s'adapter à son temps, il n'est pas nécessaire de renverser la table et de rompre les subtils équilibres forgés au cours des siècles ». Nous partageons ce point de vue.
Vous semblez, madame la garde des sceaux, et je vous crois sincère, ne pas comprendre nos inquiétudes. Pourtant, elles sont légitimes pour qui comprend que la confiance ne s'accorde qu'à la probité. Dès lors, devient « suspectable » toute personne qui ne respecte pas les incompatibilités entre la fonction étatique et le monde de la finance. Vous proposez de transformer des officiers publics investis d'une délégation de puissance publique en marchands du droit, dépendants du monde de la finance ; pour nous, c'est inconcevable. Les notaires sont des arbitres et, à ce titre, vous ne pouvez leur demander de s'inscrire dans une logique compétitive.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe GDR votera contre ces deux textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, moderniser l'institution judiciaire pour la rapprocher du justiciable, c'est affirmer que la justice n'est pas pour l'État une simple prérogative parmi d'autres, mais qu'elle a vocation, dans notre pays, à constituer tout à la fois un pilier du pacte républicain et un ciment du lien social.
À ce titre, faire vivre ce lien qui unit chacun de nos concitoyens à la justice est une ambition qui passe non seulement par des réformes symboliques et attendues, comme la fin de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature par le Président de la République ou l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité, mais aussi, et peut-être surtout, par des réformes plus techniques et moins spectaculaires telles que le projet et la proposition de loi que nous examinons.
C'est un fait, face aux attentes sans cesse plus nombreuses de la société, face à la concurrence sans cesse plus sévère des grands cabinets étrangers, la modernisation des professions juridiques, avocats, notaires, huissiers de justice, est aujourd'hui devenue une nécessité.
Fruits d'une longue concertation avec les professions concernées, largement inspirés des rapports Darrois et Guinchard, le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées comme la proposition de loi de notre collègue sénateur Laurent Béteille se rejoignent dans une triple ambition : renforcer la sécurité juridique des actes sous seing privé, simplifier des procédures parfois incompréhensibles pour le non-initié et améliorer les conditions dans lesquelles l'ensemble des professions réglementées concourt au service public de la justice.
Au coeur du projet de loi, la disposition relative au contreseing de l'avocat a parfois suscité de vifs débats au sein même de chacun des groupes politiques de notre assemblée. Au terme de cette première lecture, nous sommes néanmoins parvenus à élaborer une réforme utile et équilibrée qui, sans remettre en cause la place qu'occupe dans notre système juridique l'acte authentique dressé par le notaire, encouragera le recours à un professionnel du droit pour la négociation, la rédaction et la conclusion des actes sous seing privé et améliorera ainsi la sécurité des relations juridiques nouées dans la vie quotidienne.
Cependant, force est de constater que certaines professions, et notamment le notariat, continuent de demander des garanties à ce sujet. Au nom du groupe Nouveau Centre, je forme le voeu qu'elles puissent être entendues et rassurées au cours des prochaines étapes de la procédure législative. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Plus largement, ce projet permettra de décloisonner le monde du droit en offrant notamment à des professionnels de statut différent la possibilité de travailler ensemble au sein d'entités capitalistiques communes, ce qui sera tout à la fois un gage d'efficacité pour le justiciable et un moyen pour ces professions de tenir leur place dans la compétition internationale.
Enfin, mes chers collègues, alors que nombre de décisions de justice souffrent à l'heure actuelle de difficultés dans leur exécution, et ce au risque de décrédibiliser aux yeux des citoyens l'institution judiciaire dans son ensemble, je veux souligner la qualité des mesures figurant dans la proposition de loi, notamment en ce qui concerne l'amélioration des conditions dans lesquelles les huissiers de justice pourront, demain, accomplir leurs missions de signification et d'exécution.
Pour ces raisons, conscient des inquiétudes que ressentent certaines professions, le groupe Nouveau Centre apportera majoritairement son soutien à ce projet ainsi qu'à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 399
Nombre de suffrages exprimés 266
Majorité absolue 134
Pour l'adoption 220
Contre 46
(Le projet de loi est adopté.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 399
Nombre de suffrages exprimés 275
Majorité absolue 138
Pour l'adoption 246
Contre 29
(La proposition de loi est adoptée.)
Vote sur l'ensemble de la proposition de loi
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de l'agriculture et de la pêche (nos 2559, 2636, 2581).
Hier soir, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures trente-huit minutes pour le groupe UMP, huit heures trente et une pour le groupe SRC, trois heures trente pour le groupe GDR, deux heures cinquante-quatre pour le groupe Nouveau Centre et quarante minutes pour les députés non inscrits.
Monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, outre que vous avez choisi de commencer votre réflexion en organisant un grand débat sur l'avenir de l'agriculture en septembre dernier, vous avez tenu à construire le projet de loi que vous nous présentez en relation directe avec la commission des affaires économiques, donc les parlementaires, dans le cadre de cette fameuse coproduction législative si chère au président de notre groupe, Jean-François Copé, et je voulais vous en remercier.
Ayant participé au groupe de travail sur l'agriculture et les territoires, je me réjouis de trouver dans ce texte un dispositif cohérent qui décline les propositions de ce groupe, tout en répondant aux attentes de tous les professionnels qui ont travaillé sur le sujet. Ce dispositif repose sur trois éléments : l'Observatoire de la consommation des terres agricoles, la commission départementale de la consommation des terres agricoles, qui rendra des avis sur les modifications des documents d'urbanisme, et la taxe sur la mutation.
Après vous avoir félicité et remercié, monsieur le ministre, je me permets d'attirer votre attention sur un sujet sur lequel nous sommes peut-être un peu moins en phase ; je veux bien entendu parler de la gestion des aléas. Étant moi-même issue d'une région de grande culture, je dois insister sur le fait qu'une épargne de précaution est un outil de maîtrise des risques. Celui-ci est, du reste, très demandé par les exploitants qui veulent maîtriser, autant que faire se peut, leur destin. Car, dans des régions comme les nôtres, ces chefs d'entreprise ont pour préoccupation la volatilité des cours ; c'est un sujet extrêmement important pour nous.
À cet égard, je partage l'analyse de notre rapporteur, Michel Raison, dont je tiens à souligner le travail remarquable. Il explique en effet très bien dans son rapport comment la forte incitation à la souscription d'une assurance récoltes génère des contraintes supplémentaires pour accéder à d'autres dispositifs tels que l'épargne de précaution. Ces contraintes, nous le savons, demeurent plutôt dissuasives, et c'est dommage. Peut-être pouvons-nous avancer encore un peu sur ce point, monsieur le ministre. Notre rapporteur a fait un effort en ce sens, en présentant un nouvel amendement, que j'ai cosigné.
Par ailleurs, j'ai pris bonne note de l'engagement que vous avez pris en commission au sujet de l'incorporation d'ingrédients AOC. Ainsi que vous l'avez vous-même souligné, il est inacceptable que les indications ne soient pas plus précises. Là encore, nous avons déposé un certain nombre d'amendements sur ce sujet, dont je mesure parfaitement qu'il se situe à la frontière du domaine réglementaire et du domaine législatif. Néanmoins, vous avez fait montre d'une grande ouverture sur ce point en séance publique ; il me semble que nous pourrions mettre nos débats à profit pour trouver une solution.
S'agissant des interprofessions, dont vous avez souhaité renforcer le rôle, j'aurai l'occasion de vous redire, dans quelques jours, lorsque j'évoquerai les droits de plantation en viticulture, combien je partage votre analyse. Et, puisque je fais allusion aux professions viticoles, sachez que ces professionnels ont entendu le message que vous leur avez adressé à Mâcon. Mais je rappelle au passage que la profession demeure dans l'attente d'un accompagnement plus global de la part du chef du Gouvernement, voire du Président de la République, en ce qui concerne la reconnaissance de l'importance de la viticulture pour l'aménagement du territoire et l'économie de notre pays.
Enfin, en ma qualité de présidente de la commission d'examen des pratiques commerciales, je veux dire un mot du volet consacré aux relations commerciales, qui est essentiel à mes yeux. Nous apprécions que vous ayez décidé de consacrer le lien entre le producteur et le consommateur. Beaucoup en ont parlé, vous l'avez fait. Le projet de loi de modernisation de l'agriculture introduit ainsi la notion de contractualisation entre producteurs et industriels, qui devrait offrir aux agriculteurs la lisibilité qu'ils attendaient.
Le projet de loi prévoit également le renforcement des pouvoirs d'enquête de l'Observatoire des prix et des marges, obligation étant faite aux industriels et aux distributeurs de transmettre à l'INSEE les données relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires. Je précise que le non-respect de cette obligation sera sanctionné par la publication de la liste des établissements refusant de s'y soumettre. Cette mesure courageuse était attendue, et je vous remercie de l'avoir prise, monsieur le ministre. C'est en effet un point important.
Plusieurs de mes collègues n'ont pas manqué de relayer les difficultés d'interprétation, voire, avouons-le, la mauvaise application de la loi de modernisation de l'économie.
Je sais combien tant le rapporteur que vous-même avez souhaité que nous laissions à l'agriculture ce qui relève de l'agriculture et au commerce ce qui relève du commerce. Mais, si le constat s'impose, les solutions sont multiples. Elles passent, bien entendu, par les sanctions prises par les brigades de la DGCCRF – dont nous nous sommes entretenus avec la directrice générale hier, car la notion de contrôle est importante –, mais aussi par la promotion des bonnes pratiques commerciales. C'est le rôle de la CEPC, et nous nous y attelons. Mais, parce qu'il me semble que cela ne suffit pas, j'ai relancé un groupe de travail réunissant distributeurs et industriels, afin que nous puissions définir ensemble ces fameuses bonnes pratiques sur les points qui génèrent, pour les distributeurs et, incontestablement, pour les fournisseurs, des difficultés qui se traduisent par une incompréhension et, parfois, par des charges supplémentaires. Nous ne pouvons pas rester dans ce flou. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à ce groupe de travail de faire des recommandations sur le sujet.
En conclusion, monsieur le ministre, ce projet de loi comporte de très nombreux éléments positifs ; il est très concret. Je ne doute pas qu'au cours de nos débats, nous pourrons faire les quelques pas qui nous permettraient de répondre entièrement aux attentes des agriculteurs ; nous nous y emploierons. Je vous remercie de votre écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le le ministre, les récentes émeutes de la faim dans le monde, la dilapidation du foncier agricole, l'arrachage des plantes alimentaires de subsistance et leur remplacement par des productions spéculatives, l'exploitation intensive des ressources halieutiques, la déforestation inconsidérée sont les preuves patentes d'un productivisme outrancier. Il est temps de corriger le tir.
Le projet de loi sur la modernisation de l'agriculture et de la pêche, pour louable qu'il soit, apporte-t-il les réponses appropriées ? En ce qui concerne la Martinique, je pense que nous sommes loin du compte. Pour être viable, la modernisation ne saurait se cantonner à ces deux secteurs tant les choses sont compartimentées, tant les obstacles à surmonter sont nombreux, tant les remises en cause sont nécessaires.
J'en veux pour preuve que la Martinique est devenue de plus en plus dépendante de l'extérieur pour ses moindres approvisionnements – sans doute par un fait exprès. En un mot, c'est l'import qui domine et qui étouffe en grande partie l'embryon de développement endogène, malgré les efforts persistants déployés par ailleurs en ce domaine. C'est une lutte sans merci pour atteindre les objectifs fixés. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La Martinique, qui regorge de fruits, en importe plus de 75 %. Ce taux d'importation est de plus de 80 % pour la viande porcine et bovine, plus de 90 % pour la volaille, plus de 95 % pour la viande ovine et caprine, au moins 50 % pour les produits de la pêche. Cet énoncé non exhaustif démontre qu'il y a largement place pour un développement endogène de qualité, générateur d'emplois pérennes.
Encore faut-il se décider à l'enclencher très hardiment et à le poursuivre sans relâche, car la cohérence et la synergie requises en la matière ont été volontairement et profondément mises à mal par tous ceux qui n'y trouvaient pas intérêt immédiat. En effet, les cultures vivrières et maraîchères sont loin de couvrir les besoins, et la part de ces cultures va encore en diminuant du fait de la pollution des sols. L'import ne peut que sortir renforcé d'une telle situation. Pourquoi ne pas prévoir une aide substantielle en faveur des petits exploitants pour la culture hors sol ?
La transformation des produits à valeur ajoutée est plutôt marginale jusqu'à présent, alors que la matière première ne manque pas. C'est l'import qui en sortira renforcé.
La surface agricole utile, dite SAU, se rétrécit d'année en année, nous éloignant de plus en plus du seuil requis pour une autosuffisance optimale. De 80 000 hectares en 1960, elle n'est plus que de 25 000 hectares aujourd'hui. La déperdition, qui s'est accélérée au cours des dernières années, handicape assurément un développement conséquent. C'est l'import qui en sortira renforcé.
Quant à l'élevage, il est insuffisamment développé, au point que l'abattoir départemental n'atteint pas son quota d'abattage, ce qui l'a conduit au bord du dépôt de bilan. Là encore, c'est l'import qui sortira renforcé.
Une anomalie vient encore aggraver la situation, je veux parler du fameux plan de prévention des risques, qui interdit carrément la pratique agricole sur des superficies autrefois largement exploitées. C'est du jamais vu, et c'est complètement incompréhensible ! En tout cas, au bout du compte, c'est l'import qui en sortira renforcé. L'un des corollaires de cette situation déplorable est que les superficies de friches augmentent. La conséquence inéluctable est de voir, à terme, ces surfaces classées en zones intouchables, ce qui entraînera une réduction des possibilités et des activités. C'est l'import qui en sortira renforcé.
La SAFER, quant à elle, par un manque cruel de moyens, a perdu de facto l'exercice de son droit de préemption. Elle, dont la mission de service public est de protéger le foncier agricole, se trouve démunie. Qui plus est, son action est jugée illégale lorsqu'elle intervient en cas de vente avec réserve d'usufruit ou de nue-propriété. Alors que cette pratique revient à contourner et à détourner le droit de la SAFER, rien n'est fait pour l'interdire jusqu'à présent, bien que j'aie interpellé le Gouvernement à ce sujet en février 2008. Le démembrement de la surface agricole utile continuera à prévaloir au détriment de la production et, in fine, c'est encore l'import qui sortira renforcé.
Pour ce qui est de la pollution des sols agricoles par le chlordécone, c'est le coup de grâce donné à bon nombre de petits paysans. Quel gâchis ! La nocivité notoire de ce produit est telle que les nombreux arrêtés d'interdiction de planter ici, de pêcher là, pleuvent sans cesse, tandis que les découragés, les nouveaux précarisés pleurent sur le sort qui leur est tristement réservé. C'est l'import qui en sortira encore renforcé.
Dans le même ordre d'idée, une directive européenne a prévu l'interdiction de l'épandage aérien. À cet égard, ôtez-moi d'un doute : il paraît qu'une dérogation a déjà été demandée, comme ce fut le cas en son temps pour le chlordécone, cette molécule qui n'en finit pas de produire ses effets mortifères. Saurez-vous éviter les mêmes errements, pour ne pas reproduire les mêmes effets désastreux ?
Pour parfaire ce cycle infernal, au prétexte de voler aux secours des énergies renouvelables – certes indispensables –, on empiète allègrement sur la surface agricole utile par centaines d'hectares, en déployant au sol des panneaux photovoltaïques. Comme si l'un des moyens de se moderniser passait obligatoirement par le bradage des terres d'un pays d'étendue réduite et vulnérable ! Parallèlement, l'un des effets pernicieux de la défiscalisation a été de « bouffer » une partie des terres agricoles et de faire flamber les prix du foncier.
En ce qui concerne la pêche, les directives européennes nous sont appliquées le plus souvent de façon draconienne et sans discernement. Or, la plupart des embarcations concernées pratiquent la pêche côtière. Leur longueur moyenne est de sept mètres en moyenne, et n'excède jamais douze mètres.
Ai-je besoin de plaider plus avant ? On a complexifié à outrance et les freins sont partout ! Quelle logique dans tout cela, sinon celle du pourrissement, qui fait son oeuvre de déstabilisation ? C'est le système de l'exclusif de Colbert, revisité et réaménagé à l'aune des temps présents.
Je viens de vous décrire l'univers dans lequel le développement endogène devra se frayer un chemin hélas chaotique. En tout cas, existent les potentialités ; existent les hommes en qualité et en quantité ; existent les moyens et les marges de manoeuvre. Mais si l'on veut relever ce défi, conserver le savoir, amplifier le savoir-faire, conquérir le pouvoir-faire, exit la spéculation et l'usage exclusif des ordonnances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1945, au sortir de la guerre, la carte de rationnement faisait partie de la vie quotidienne des Français. Lait, céréales, viandes, nous manquions de tout. Vingt-cinq ans plus tard, la balance commerciale de la France devenait excédentaire et aujourd'hui, en 2010, notre pays est l'une des grandes puissances agricoles mondiales.
Pourtant, cette agriculture performante, cette agriculture exportatrice, traverse une crise sans précédent, une crise à la fois économique et morale. Économique, car les agriculteurs constituent la catégorie sociale qui a vu ses revenus chuter le plus fortement dans la période récente : de 20 % à 30 % de revenus en moins ! Autrement dit, un agriculteur sur neuf a déjà déposé un dossier de RSA, et ce chiffre est en pleine explosion !
C'est aussi une crise morale, car dans une société de plus en plus urbaine, le mot « agriculteur » est désormais chargé de connotations négatives. Le mot « paysan » lui-même est devenu péjoratif, alors qu'il s'agit selon moi d'un des plus beaux mots de la langue française. Dans « paysan », il y a l'idée de faire un pays, de le porter, de le façonner.
Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Comment comprendre que ceux qui sont chargés de nous nourrir peinent, paradoxalement, à assurer leur propre subsistance ? Comment comprendre que le regard que la société française porte sur la main qui la nourrit ait à ce point changé ? Maintes explications pourraient sans doute être avancées. Je me contenterai d'en citer rapidement deux.
Tout d'abord, nos agriculteurs n'ont pas perçu à temps l'importance du combat à mener pour être bien placés dans la chaîne de valeur, et se sont laissés déposséder de leur plus-value. Alors que le prix final des produits alimentaires vendus en grande surface augmente, le revenu des agriculteurs, lui, baisse. Pourquoi un tel paradoxe ? Parce que la production agricole de base est devenue une simple variable d'ajustement. Par conséquent, si notre ambition est de maintenir en France des agriculteurs vivant de leur production, il faut mieux partager la valeur.
La seconde explication réside dans l'entrée de l'agriculture dans la mondialisation, qui se traduit par des phénomènes qui peuvent donner le tournis. Songez, mes chers collègues, que nous évoluons vers une agriculture mondiale que nous pourrions qualifier d'« offshore » !
J'en donnerai deux exemples, à commencer par celui de la Chine. Cet État, qui représente 25 % de la population mondiale, ne dispose que de 9 % de terres arables sur son territoire. Devant ce grave problème malthusien, la Chine a loué, ces dernières années, plus de deux millions d'hectares sur le continent africain, soit l'équivalent d'un pays comme la Slovénie ! La Chine est tout simplement en train d'externaliser géographiquement sa production agricole et de pratiquer une nouvelle forme de colonisation.
Le deuxième exemple, plus local puisque européen, est celui de l'élevage. Parce que le coût du travail dans les industries de transformation allemandes est de plus de 40 % inférieur au coût du travail en France, les porcs élevés à Saint-Vaast près d'Amiens, dans la Somme, sont expédiés le vendredi en Allemagne, à dix heures de camion, pour y être abattus.
Eh oui !
Ils reviennent ensuite en Picardie sous forme de barquettes le lundi après-midi dans les supermarchés locaux. Ne trouvez-vous pas cela choquant ? N'avez-vous pas le sentiment que l'on marche sur la tête ? Et je ne parle même pas du bilan carbone ! On pensait l'agriculture non délocalisable, mais c'était une vue de l'esprit. Si notre ambition est de maintenir en France une agriculture attachée à ses territoires et à ses terroirs, il nous faut créer les conditions d'une relocalisation des productions agricoles.
Face à de tels défis, monsieur le ministre, le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, dont nous commençons l'examen aujourd'hui, est un texte nécessaire et attendu. Pour le groupe Nouveau Centre, ce projet de loi doit, plus globalement, constituer le socle d'un pacte nouveau entre la nation et ses paysans. C'est bien de cela que nous avons besoin : un engagement réciproque pour préparer l'avenir, en un mot, un nouveau contrat de confiance.
Tout au long de ce débat, la position du groupe Nouveau Centre sera guidée par l'idée que ce pacte, ou ce contrat, doit reposer sur deux exigences : une exigence de compétitivité et une exigence d'équilibre.
La compétitivité, tout d'abord, doit être recherchée à chaque étape de la production. Elle suppose des entreprises agricoles en état de se battre sur les marchés sans être paralysées par des charges trop lourdes et par une bureaucratie de plus en plus pesante. Elle suppose aussi une relation rééquilibrée entre les exploitants, les industries agroalimentaires et les circuits de distribution.
Améliorer la compétitivité de l'agriculture, c'est aussi faire bénéficier les entreprises agricoles des incitations fiscales et sociales leur permettant de se développer, et mettre fin aux distorsions de concurrence intracommunautaire.
C'est défendre leur droit à une concurrence loyale et juste. C'est agir pour que la grande distribution cesse définitivement d'étrangler les producteurs. Je suis d'ailleurs de ceux qui pensent que les paysans doivent, d'une façon ou d'une autre, se réapproprier la distribution de leurs produits.
C'est mettre en place des outils et des mécanismes de régulation des marchés et des aléas agricoles.
C'est encourager avec force et constance le rôle de l'agriculture dans le nouveau bouquet énergétique alternatif au pétrole, c'est-à-dire les biocarburants, bien sûr, mais aussi la méthanisation et le photovoltaïque.
Cela impose de ne pas changer – voire complexifier – sans cesse les règles du jeu là où nos voisins européens avancent sans états d'âme.
Il est par exemple inacceptable que les filières du biocarburant de première génération n'aient pas de visibilité sur plusieurs années et se demandent chaque année, lors de la loi de finances, à quelle sauce elles vont se faire manger, notamment en termes de défiscalisation.
La compétitivité passe enfin par la qualité. La qualité des produits de nos régions est une immense richesse qu'il faut davantage valoriser dans le cadre d'une politique publique de l'alimentation.
La deuxième exigence du pacte de confiance entre la nation et ses paysans, c'est l'équilibre social et territorial. Car, a contrario, une agriculture dont seule la vocation productive serait reconnue deviendrait vite un secteur économique banalisé, soumis aux lois de la concentration et de la délocalisation qui conduiraient des régions entières de notre pays à la désertification.
L'équilibre, c'est faciliter la transmission des exploitations. C'est renforcer la politique d'installation des jeunes. C'est garantir l'égalité des chances grâce à une politique de compensation des handicaps naturels renforcée. C'est la modernisation et l'adaptation de la politique des structures, ainsi que la modernisation de l'organisation économique des filières.
C'est aussi, bien sûr, la prise en compte de la problématique du foncier : rappelons ainsi que, tous les dix ans, en matière de terres agricoles, c'est l'équivalent de la surface d'un département français qui disparaît au profit de l'urbanisation et de l'artificialisation des sols.
Et c'est enfin, naturellement, l'intégration de cette indispensable dimension d'équilibre social et territorial dans le débat sur la PAC 2013.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est le fil de cette double exigence de compétitivité et d'équilibre qui guidera la position du groupe Nouveau Centre tout au long de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous allons examiner le projet de loi de modernisation agricole dans un contexte où le monde rural est en crise et où l'agriculture, qui en est une composante essentielle, souffre beaucoup.
Le premier aspect est d'ordre culturel : certains de nos collègues qui pensaient que le travail pouvait se partager – je pense aux 35 heures – ont oublié que les agriculteurs, liés par leur temps de travail à la contrainte de l'élevage des animaux, par exemple, n'en ont en aucun cas bénéficié.
L'écart de cadre de vie entre la profession agricole et les autres catégories sociales s'est donc accentué. Pis encore, les structures qui se sont regroupées dans le cadre de groupements et qui employaient du personnel en appliquant cette mesure ont vu combien cette dernière les pénalisait aussi dans la gestion de ces groupes.
Nous comprenons les inquiétudes, voire le désespoir de beaucoup de nos agriculteurs aujourd'hui. La baisse de la rémunération de leur production, parfois et même souvent le travail à perte, exaspèrent. Et pourtant, l'agriculture française est une des toutes premières du monde, un des fleurons de notre économie. Encore faut-il que nos agriculteurs – voyons dans ce « nos » de l'affectif et non du possessif – puissent vivre décemment et envisager l'avenir pour eux et pour les jeunes en cours d'installation.
Et c'est le coeur du problème : le présent certes, mais il faut aussi se préoccuper de l'avenir. Sous l'impulsion de la France, de notre Président et de vous-même, monsieur le ministre, et avec le soutien d'autres pays européens, la politique européenne agricole sera maintenue, mais comment sécuriser le revenu de nos agriculteurs qui ont fait et font encore des investissements considérables ? Ces investissements, ils les ont faits certes pour améliorer leur outil de travail, mais aussi pour tendre vers une agriculture durable.
En effet, les mises aux normes des bâtiments d'élevage, même si elles ont pu donner droit à des subventions, se sont révélées coûteuses pour eux. Beaucoup d'entre eux, couverts de dettes, ont du mal à faire vivre leur famille avec des revenus trop aléatoires. Nous allons essayer de sécuriser ces revenus à travers la contractualisation.
Je viens précisément d'une région, le sud de l'Aveyron, où la contractualisation est une réalité depuis plusieurs dizaines d'années. Le système de confédération de Roquefort, dans le cadre d'une AOC, associant les producteurs et les industriels, permet par la discussion de fixer annuellement le prix du lait de brebis et assure un revenu décent aux agriculteurs.
Dire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes serait stupide. L'année dernière, les négociations ont été rudes dans un contexte de crise mais ont fini par aboutir. Ce « filet de sécurité », si j'ose m'exprimer ainsi, est intéressant, car il privilégie la négociation et la contractualisation.
Nous n'attendons pas tout de la LMA mais dans un contexte difficile, où les consommateurs ne voient pas réellement de baisse des prix des produits, on ne comprendrait pas que nous ne fassions rien pour établir de nouvelles règles du jeu.
Les transformateurs industriels, les distributeurs gagnent leur vie : ne baissons pas les bras et faisons en sorte que ceux qui ont semé puis récolté, élevé et engraissé, puissent vivre décemment de leur travail.
La LMA ne résoudra pas tout, mais il s'agit de ne pas être fataliste. Ne rien faire eût été suicidaire. La LMA arrive à point nommé pour créer de nouvelles règles et encourager une agriculture durable et puissante afin qu'elle reste une des toutes premières forces économiques de notre pays et que nous soyons fiers, dans les prochaines années, d'installer encore et toujours de nombreux jeunes agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce texte est important à trois titres :
D'abord, il traite d'un sujet fondamental pour la France continentale et l'outre-mer avec ses spécificités, celui de son agriculture et, disons-le, du maintien ou non d'un outil de production et de transformation national ;
Ensuite, il intervient dans un contexte perturbé, celui d'une double crise, celle globale qui touche tous les pans de l'économie et celle plus spécifique qui s'est abattue sur les productions agricoles, dont les fruits et légumes, sur l'élevage, avec une chute historique en 2009 des revenus des producteurs de 34 % à 50 % dans certaines productions ;
Enfin, ce texte a, et ce n'est pas rare certes, un impact immédiat sur toute la population, sur les producteurs, notamment les plus petits, mais aussi sur chacun d'entre nous qui, comme acteur du geste de consommation, acteur politique de ce geste, peut être assurément touché, influencé, conduit vers de nouveaux comportements.
Ce texte est à ce point important pour l'ensemble des députés radicaux de gauche et apparentés du groupe SRC que nous avons déposé une soixantaine d'amendements sur des sujets divers mais qui, au total, disent notre attachement à l'agriculture, à la forêt et à la pêche.
Les amendements expriment naturellement notre point de vue et, dans le temps qui m'est imparti, je vais me limiter à deux questions d'ordre général.
La première, monsieur le ministre, est celle du rôle central de l'agriculture dans notre pays. Je voudrais dire à celles et à ceux qui, à cet égard, parlent d'un « folklore français » – j'ai entendu l'expression avec peine — au sujet de notre agriculture, de ne pas méconnaître le lien direct qui existe entre notre outil de production et notre sécurité alimentaire, sécurité des approvisionnements et sécurité des denrées alimentaires. Car il y a là un lien direct. Certes, nous avons un excédent commercial agroalimentaire de 9 milliards d'euros aujourd'hui, mais, rappelons-le, le rationnement était de mise il y a cinquante ans.
On voit, dans ce contraste, le travail formidable accompli même si l'accès à une alimentation suffisante demeure encore un enjeu pour une partie de notre population. Il y a un lien direct aussi parce que nous ne sommes pas seuls au monde. Autour de nous, en Europe, il y a 500 millions de consommateurs qu'il faut nourrir dans des pays, parfois pourtant très développés, parfois donnés en exemple par les marchés financiers, pays qui n'ont pourtant pas la capacité structurelle à garantir leur sécurité alimentaire et pour qui cette question est un enjeu et deviendra, à court terme, une question de survie.
Dans ce contexte, la France, qui est de loin la première puissance agricole et agroalimentaire européenne, a un devoir vis-à-vis d'elle-même mais aussi vis-à-vis de ses voisins.
Nous ne sommes pas seuls au monde, sur une terre où se joue de plus un scénario implacable. Depuis le moment où j'ai pris la parole, il y quelques minutes, douze enfants sont morts de faim dans le monde, parmi le milliard de personnes pour qui s'alimenter est un combat de tous les jours. Et dans le même temps, 50 hectares de terre agricole ont disparu.
Ces prismes européens et mondiaux, l'horizon de 9 milliards de personnes à nourrir en 2050 et la nécessité pour ce faire de doubler la production agricole font comprendre, je l'espère, la situation dans laquelle nous sommes de devoir préserver notre foncier agricole et notre appareil de production.
La seconde question monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est celle de l'équilibre de la chaîne de production. Je veux d'abord dire que cet équilibre est consubstantiel à la première question : il n'y aura ni sécurité quantitative ni sécurité qualitative si l'équilibre de la chaîne de production n'est pas rétabli et préservé. Cela ne se fera pas, ainsi que l'espèrent certains de nos collègues de la majorité, par « l'harmonisation naturelle des intérêts » – j'emploie à dessein une expression de la théorie économique libérale – parce que si les intérêts du producteur et du consommateur peuvent certes s'accorder sur la valeur du produit laquelle procède de la valeur du travail qui en fait sa qualité, et sa sécurité, redisons-le mot, les intérêts des grands distributeurs n'ont rien à voir ni avec l'un ni avec l'autre. Ils sont à l'agriculture ce que sont les marchés financiers à l'industrie et on pourrait espérer, à la lumière des événements qui viennent de se produire, que chacun fasse son chemin et accepte de questionner ses propres déterminismes. Et lorsqu'on s'intéresse au modèle de production agricole, on n'est pas surpris que les économistes qui, à l'origine se sont penchés sur la question, rangent ces grands distributeurs dans la classe dite « stérile ».
À cet égard, les accords de l'Élysée sont un trompe-l'oeil fabuleux puisque le seul objectif a été de « modérer les marges en cas de crises ». On aurait pu tout aussi bien appliquer la loi existante sur le coefficient multiplicateur et l'invention de ce nouveau dispositif – s'il est autre chose qu'une entreprise de communication – signe en fait l'inefficacité de ce coefficient multiplicateur puisqu'il ne permet pas aux producteurs d'avoir un prix rémunérateur.
De plus, c'est un dispositif qui pose deux questions auxquelles nous devrions trouver des réponses dans le projet de loi. D'abord, la limitation du dispositif de modération des marges à la production nationale est dangereuse parce qu'elle peut favoriser l'approvisionnement d'importation et donc remettre en cause la stabilité, par les volumes et donc par les prix, de notre appareil de production et, partant, la sécurité quantitative, comme qualitative d'ailleurs. Ensuite, la notion d'accord « en cas de crises » légitimerait qu'en dehors de ces périodes, les marges pourraient être immodérées, ce qui est inacceptable.
C'est à la lumière de ces deux lignes de conduite que les radicaux examineront ce texte, monsieur le ministre. Vous conviendrez qu'elles n'ont rien de monolithique, rien de partisan, et j'espère qu'en fin de débat nous pourrons témoigner défendre collectivement l'avenir de nos exploitations et, à travers lui, le sujet primordial, je le redis, de la sécurité alimentaire à tous les sens du terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, à l'heure où les agriculteurs connaissent des difficultés sans précédent qui les amènent à douter de la capacité agricole de la France – en dépit de leur professionnalisme qui n'est plus à démontrer –, ils attendent des signes forts de notre part.
J'ai le sentiment que ce projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche répond à leurs attentes, puisqu'il a pour ambition de préparer les entreprises agricoles au nouveau contexte mondial de l'agriculture. Celui-ci est en effet totalement différent de celui qui existait il y a quatre ans lors du vote de la loi d'orientation agricole.
Le premier élément marquant du contexte dans lequel ce projet de loi est présenté est bien entendu celui de la crise, avec la baisse de près d'un tiers des revenus des agriculteurs. La crise du lait, qui a dominé toute l'année 2009, a inspiré la loi, notamment dans la mise en place de contrats.
Le second élément marquant, c'est l'Europe. Ce texte a clairement pour but de préparer l'agriculture française à la PAC de l'après-2013. Aujourd'hui, il est déterminant d'influencer les mesures issues de la PAC, dont la fonction protectrice est essentielle pour les agriculteurs tant les marchés sont volatils. C'est pourquoi je me réjouis que le titre II renforce la compétitivité de notre agriculture.
Le troisième élément a trait à la sécurité alimentaire. Celle-ci passe par une modernisation de notre agriculture, qui doit pouvoir répondre aux enjeux quantitatifs et qualitatifs liés au changement climatique, à la multiplication des crises sanitaires et à l'instabilité croissante des marchés des matières premières.
Ce texte de loi officialise le principe de la contractualisation. Il est vrai qu'il était urgent de s'engager dans cette voie. Jusqu'à présent, rien n'organisait les relations entre producteurs, transformateurs et distributeurs et, a fortiori, rien ne protégeait le producteur agricole. Des contrats écrits systématiques apporteront la sécurité sur les marges et donneront de la visibilité et de la lisibilité sur les revenus malgré la fluctuation des marchés. Je tiens à insister sur l'importance de ce dispositif.
Par ailleurs, les activités agricoles sont tributaires des aléas climatiques et sanitaires. La situation dramatique que connaît l'ensemble des filières agricoles nécessite donc des réponses conjoncturelles et des mesures structurelles pour améliorer la compétitivité des entreprises agricoles. Ces dernières pourront désormais bénéficier d'outils de couverture des risques performants et élargis. L'intervention de l'État sera accrue à travers la prise en charge des primes d'assurance, et c'est tant mieux.
Aujourd'hui, les agriculteurs souffrent de la complexification et d'un accroissement insupportable des procédures administratives, d'un foisonnement de normes et de contraintes, alors qu'ils ont vocation à faire preuve d'initiative et à retrouver de la latitude dans la conduite de leur exploitation. Le monde paysan ne doit pas être soumis en permanence à des contrôles administratifs qui sont vécus comme une méfiance à leur endroit.
Concernant le titre III du projet et le volet environnement, la profession agricole a toujours pris en compte avec responsabilité le développement durable. Elle a su, au prix d'énormes efforts de formation et d'investissement, adapter ses pratiques pour limiter les pollutions et prévenir les risques en matière de santé publique. Je souhaite saluer les efforts consentis par la profession depuis de nombreuses années. Cet engagement exemplaire de nos agriculteurs requiert une réponse économique dans un esprit gagnant-gagnant.
S'agissant de la problématique du foncier, il me paraît essentiel, pour un pays agricole comme le nôtre, de réaffirmer la place fondamentale de l'agriculture en matière de production et d'alimentation : sa mission est de nourrir les populations. Or aujourd'hui on doit faire face à une diminution de l'espace cultivé, tandis que les besoins alimentaires croissent. Le rythme annuel de suppression de terres agricoles a presque doublé depuis les années soixante. C'est pourquoi des outils de maîtrise du foncier agricole s'imposent pour anticiper les défis de demain. L'évolution de l'urbanisation doit être appréciée en fonction du potentiel agricole que représentent les surfaces convoitées. La profession doit s'investir pour faire respecter cet aspect de la question.
Mes chers collègues, ce texte marque une avancée majeure pour notre économie agricole et offre en particulier des outils nouveaux et concrets pour pallier les effets pervers de la volatilité des marchés. Il doit être perçu comme une aide à des agriculteurs en grande souffrance qui devront relever les défis de la compétitivité mondiale. Cette loi doit également être porteuse d'espoir pour les jeunes générations qui trouveront ainsi un attrait à s'engager dans le noble métier de paysan. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculture française, avec ses 30 millions d'hectares exploités – en majorité dans le cadre de petites et moyennes exploitations à dominante familiale –, joue un rôle majeur dans notre tissu économique. C'est un secteur d'activité qui génère de l'emploi non seulement au sein même des exploitations, mais aussi dans la filière agroalimentaire, avec environ 640 000 actifs, soit deux fois plus que l'industrie automobile !
Je vous rappelle que la France est le premier producteur agricole européen, même si cette place varie selon les productions. C'est un atout majeur pour le commerce extérieur de la France. Malgré cela, l'agriculture française est en crise et, malheureusement, toutes les régions et tous les secteurs sont touchés. Cette loi de modernisation agricole est donc très attendue, en particulier par bon nombre d'agriculteurs désespérés.
Mais, si personne ne peut nier quelques avancées, cette nouvelle loi n'arrive pas à leur redonner de l'espoir. Je vous donnerai quelques exemples.
D'abord, vous proposez de renforcer les interprofessions, ce qui est positif, mais attention : ces structures sont trop souvent verrouillées. Si la pluralité des syndicats n'y est pas représentée, il y a un risque majeur que certains groupes d'agriculteurs ne puissent faire entendre leur voix.
Ensuite, on ne trouve pas dans ce texte la moindre ébauche d'un système de régulation, qui pourrait être une des solutions pour les agriculteurs. En effet, nous savons que cette crise est celle du libéralisme ; l'absence de maîtrise des marchés déstabilise complètement les filières. Rappelons aussi le danger que représente la fin prochaine des quotas.
En outre, qu'est-t-il fait pour réguler les prix ? Si l'Observatoire des prix et des marges n'a pas toutes les données, en particulier celles de la transformation et de la distribution, à quoi servira-t-il ? Il faut des relations loyales et équilibrées dans les relations commerciales, à condition que toutes les parties jouent le jeu dans la transparence. Or les rapports sont inégaux entre les producteurs et les distributeurs.
Sur le titre III, au sujet de la forêt, le texte rétablit certes l'article 12 de la loi d'orientation forestière de juillet 2001. Il est de nouveau précisé que les collectivités territoriales pourront passer des contrats avec l'État, notamment dans le cadre des chartes forestières de territoire. Mais on se demande où est le progrès ! Aucun signal fort n'est envoyé à ceux qui oeuvrent pour le développement de la forêt et du bois.
Certains s'inquiètent aussi de la taxe sur le foncier forestier, destinée aux chambres d'agriculture et qui ne retourne pas toujours vers le développement forestier. Qu'est-ce qui est organisé pour les milliers de tout petits propriétaires forestiers possédant des parcelles minuscules et éparpillées, et qui ne les entretiennent plus depuis longtemps ? C'est un réel gâchis.
Monsieur le ministre, j'ai très peur que ce texte ne réponde en rien à la crise actuelle que traversent nos agriculteurs. En fait, ce projet confirme le désengagement de l'État et n'empêchera pas la disparition de bon nombre d'exploitations. Il ne propose aucune perspective d'avenir ; il entérine la généralisation de l'intégration des productions, dont les agriculteurs sortent toujours perdants, alors qu'il faudrait valoriser nos savoirs locaux, relocaliser nos productions agricoles, exiger que les produits que nous consommons en Europe respectent les mêmes règles, lutter contre les spéculations, permettre à chacun de se nourrir sainement à un prix raisonnable en tenant compte du prix de revient et mettre en place des règles de commerce équitable valant aussi pour les agriculteurs.
Pour conclure, ces derniers ont besoin de prix stables et rémunérateurs. La France, monsieur le ministre, est riche des femmes et des hommes qui vivent et travaillent sur des exploitations à taille humaine, qui privilégient les productions de qualité et permettent la vitalité de nos territoires ruraux tout en s'adaptant aux défis de l'environnement. Aujourd'hui, ces hommes et ces femmes souffrent. Nous devons les aider et les soutenir avant qu'ils ne disparaissent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi de modernisation de l'agriculture intervient dans un contexte mondial qui n'est pas neutre pour les choix nationaux que nous allons faire. La malnutrition et les famines touchent 870 millions de personnes et la moitié de l'humanité, soit 3 milliards d'individus, a moins de trois euros par jour pour vivre ! Ce sont 9 millions de personnes, dont les trois quarts sont paysans, qui meurent dans l'indifférence quasi générale tous les ans des suites de maladies générées par des problèmes liés à l'eau ou à la malnutrition, ce qui représente autant de victimes que pendant la Seconde guerre mondiale !
À titre de comparaison, sur les 1,5 milliard d'agriculteurs de la planète, un tiers travaille moins d'un hectare, à la main, sans empreinte carbone, sans engrais ni pesticide, de façon authentiquement « biologique », mais avec des rendements très faibles et aléatoires. Seuls 28 millions d'entre eux ont un tracteur.
Les agricultures française et européenne, quant à elles, subissent un système complètement fou : les cours mondiaux de production sont alignés non pas sur la moyenne du coût de revient, mais sur les prix les plus bas des denrées exportées, alors qu'elles ne représentent que 15 % du total ! Le coût de revient et de production d'une tonne de céréales est de 80 dollars dans certains pays émergents, de 120 dollars aux États-Unis, de 150 à 200 dollars en Europe et de plus de 300 dollars en Afrique subsaharienne ! L'écart de productivité entre ces deux agricultures va de 1 à 2 000. Quand on ajoute que 3 milliards de nouveaux convives vont, du fait de l'augmentation prévisible de la population mondiale, s'inviter à table, on voit l'ampleur des défis à relever pour les cinq décennies à venir.
Dans ce monde multipolaire instable qui nous entoure, l'agriculture doit être considérée non pas comme une charge, mais plutôt comme une chance pour notre pays et pour la société. Pourtant, loin des grands discours de tribune, la situation sur le terrain tourne au cauchemar. La crise qui frappe notre secteur agricole n'a jamais été aussi profonde et dévastatrice. Je lisais récemment, dans un grand quotidien de ma région, un dossier intitulé : « La misère cachée des campagnes ».
Dans nos permanences, sur le terrain, quand nous visitons des exploitations, nous entendons un désespoir jamais ressenti auparavant, nourri d'un double sentiment d'injustice et d'incompréhension.
Le sentiment d'injustice vient de ce que les paysans ont l'impression d'avoir été lâchés par le pays, sacrifiés sur l'autel de la mondialisation et de l'ouverture des marchés, trahis par une Europe qui n'a pas su les protéger et les a enfermés dans la spirale des subventions, incapable de valoriser leurs produits face à des importations intra- et extra-communautaires d'une moindre exigence sanitaire et avec des coûts de production dérisoires, symboles d'une concurrence ultra-déloyale. Et je ne parle même pas du problème des revenus ! Quelle autre profession accepterait de voir ses revenus diminuer d'un tiers d'une année sur l'autre ?
Après mes visites dans les exploitations agricoles de ma circonscription, et suite à une table ronde rassemblant toutes les organisations paysannes du département, j'ai pu mesurer non seulement à quel point les agriculteurs prenaient au sérieux, monsieur le ministre, votre engagement au service de l'agriculture, mais aussi à quel point ils étaient inquiets, car ce projet de loi avait pour eux, malgré leur désespoir, les apparences d'un texte de la dernière chance.
Ils sont déçus parce que, malgré les atouts considérables de notre territoire tarnais dont la diversité est à l'image de l'agriculture française, ils n'arrivent pas à trouver un modèle économique nouveau pour remplacer le modèle productiviste de l'après-guerre – qui, rappelons-le, a tout de même permis à 4 % de nos concitoyens de nourrir tous les autres !
Nous avons pourtant les savoir-faire, les cultures et les identités de terroir, les bonnes pratiques environnementales, les paysages – sans parler du bon sens paysan qui existe encore dans nos campagnes et dans nos montagnes et qui, quoi qu'en pensent certains ayatollahs de l'écologie, permet d'éviter bien des dérapages et de garder les pieds sur terre pour produire de façon à la fois responsable et fiable.
Pour moi, l'avenir, c'est une agriculture raisonnée, ce sont des marchés régulés et des producteurs qui vivent de leur travail grâce à des prix rémunérateurs plutôt qu'à des subventions. L'agriculture joue en outre un rôle important dans l'aménagement du territoire. Dans le canton de Vabre, situé dans la montagne tarnaise que je connais bien, 40 % de la population active vit directement de l'agriculture, contre 4 % pour l'ensemble de notre pays : toute mesure que nous prendrons y aura donc un effet dix fois plus important que la moyenne nationale. Nous devons donc réfléchir, tous ensemble, à la nécessité de soutenir la filière agricole : dans l'arrière-pays méditerranéen, l'agriculture agro-pastorale traditionnelle a été sacrifiée sur l'autel de la productivité ; aujourd'hui, la collectivité est obligée d'investir certainement dix fois plus que ce qu'il aurait fallu pour conserver une agriculture de proximité – ne serait-ce que pour lutter contre les incendies de forêt. Il faut méditer cet exemple.
Monsieur le ministre, les inquiétudes sont grandes pour l'installation de jeunes agriculteurs et la reprise d'exploitations agricoles. Tous les jours, des agriculteurs me disent qu'ils déconseillent à leurs enfants de reprendre leur exploitation. Cela doit aussi nous faire réfléchir.
Il y a d'autres questions, d'autres attentes, auxquelles l'État doit répondre : je pense à la filière roquefort, et à l'injuste et scandaleuse surtaxe imposée depuis une dizaine d'années au roquefort par le gouvernement américain. C'est tout un secteur, toute une filière qui sont pénalisés. Cela provoque un sentiment d'injustice flagrante, auquel il faut répondre.
Je ne développerai pas ici les différents amendements que j'ai déposés, et qui portent sur la souveraineté alimentaire, sur les circuits courts, sur la spécificité de l'agriculture de montagne, sur la lutte contre la perte de terres agricoles. Je ferai aussi des propositions sur la sécurité alimentaire, notamment pour nos jeunes.
Il me paraît essentiel de dire que certaines dispositions de votre texte vont dans le bon sens ; je ne peux que m'en réjouir. Mais je crains que, sans une régulation menée par l'État et appuyée par l'Europe, l'avenir sombre qui hante les nuits de nos agriculteurs ne devienne la réalité des aubes prochaines. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Nous poursuivons aujourd'hui l'examen d'un projet de loi très attendu par la profession agricole dans son ensemble, mais qui concerne plus largement tous nos concitoyens. Cette discussion intervient de surcroît dans une période de crise sans précédent, qui frappe toutes les filières.
C'est un texte de toute première importance car nous nous devons de répondre à plusieurs exigences : apporter des réponses pérennes aux inquiétudes du monde agricole ; encourager et accompagner le dynamisme économique, porteur d'emploi ; répondre aux enjeux de l'aménagement du territoire ; préserver les régions rurales ; réussir le défi environnemental ; assurer la sécurité alimentaire.
Le premier problème dont je parlerai est celui du foncier, et donc de l'espace agricole. Chaque seconde, vingt-quatre mètres carrés disparaissent du fait de l'urbanisation et de la construction de zones d'activités et d'aménagements routiers : au bout du compte, c'est l'équivalent d'un département qui est détruit tous les dix ans. Nous portons une responsabilité collective en la matière, notamment nous, élus locaux, qui révisons les plans locaux d'urbanisme. Aussi la création d'une taxe sur la spéculation sur les terres agricoles, dont le produit sera affecté en priorité à l'installation des jeunes, me semble-t-elle une bonne mesure et je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir obtenu une telle avancée.
Je m'arrêterai ensuite sur la question de la protection sociale. Les professions agricoles disposent d'un régime particulier de protection sociale. Celui-ci comporte des spécificités qui alourdissent encore davantage les charges financières des agriculteurs. Ainsi, contrairement a d'autres régimes spéciaux, ils ne peuvent prendre en compte leurs cotisations complémentaires au titre de leurs charges professionnelles.
Quant aux retraites, chacun sait qu'elles sont très peu élevées, notamment pour les conjoints. Cependant, il faut souligner l'effort accompli depuis plusieurs années par le Gouvernement pour en relever le montant – encore trop faible, je n'en disconviens pas.
À ce propos, j'ai bien noté l'intérêt porté par le chef de l'État, dans le cadre de la réforme des retraites, à la pénibilité et aux petites pensions, deux critères qui concernent les agriculteurs.
Enfin, sur le volet environnemental, je constate d'abord que, quoi que l'on puisse en dire, l'agriculture est aujourd'hui l'un des domaines les plus réglementés. Alors, pourquoi toujours opposer agriculture et environnement ?
Je prendrai un contre-exemple très concret. À l'heure ou je vous parle, les agriculteurs de mon secteur, en Bretagne, participent au nettoyage des plages dans ma commune : bel exemple de solidarité, s'il en fallait !
La profession a accompli de réels efforts au prix d'investissements très coûteux, qui deviennent insupportables dans la période de crise que nous connaissons. Dans leur immense majorité, pour ne pas dire dans leur totalité, les agriculteurs jouent le jeu, si je puis dire. Mais, au niveau de l'Europe, puisque c'est là que se trouve le terrain de jeu, les règles ne sont pas identiques selon les pays. C'est inacceptable car cela crée des disparités qui, à terme, pénaliseront notre pays et vont rétrograder notre agriculture – notre équipe, si j'ose dire –, qui est aujourd'hui au premier plan.
Cessons de placer les agriculteurs au banc des accusés. Ils acceptent ces réglementations pour peu qu'elles ne soient pas – comme c'est le cas actuellement – excessivement longues et lourdes. Ils ont raison : la suspicion à leur égard serait accrue si la notion de réglementation disparaissait.
Monsieur le ministre, je souhaite que l'on aille vers une réduction des délais d'instruction des dossiers. L'agriculteur doit être dans ses champs, ou avec ses bêtes, et non pas derrière un bureau à remplir dix fois le même imprimé.
Je pense aussi qu'il est inutile de demander à un jeune qui s'installe de recommencer la procédure à zéro, si tant est qu'il reprenne un élevage.
Ce sont là des suggestions de compromis qu'à mon sens toutes les parties peuvent entendre. Ces dispositions contribueraient grandement à une meilleure compréhension entre les agriculteurs et ceux qui ne le sont pas.
Députée d'une circonscription appelée « Brest-rural » – symbole s'il en est de la ruralité –, je suis confrontée chaque jour au désarroi de la profession, je partage ses angoisses. Ce texte nous offre une occasion unique de lui redonner espoir. Nous n'avons pas le droit de décevoir nos agriculteurs : n'oublions jamais que ce sont eux qui nourrissent les habitants de notre planète. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous examinons le premier texte de cette législature portant sur le monde agricole – la loi d'orientation agricole de 2006 avait été votée par la précédente assemblée.
Il convient de ne pas séparer ce projet de loi de son contexte. Si la loi de modernisation agricole a été adoptée en conseil des ministres au début de l'année 2010, il faut rappeler que, depuis, il y a eu les élections régionales, au cours desquelles la majorité a été désavouée par le monde agricole.
Ce texte tente de ménager la chèvre et le chou en voulant à la fois encourager une agriculture d'entreprise à visée exportatrice et orienter l'agriculture vers les attentes des consommateurs. C'est finalement un texte sans réelle ambition qui essaie, si j'ose dire, de recoller les morceaux avec le monde agricole, et notamment avec un monde syndical particulièrement désorienté par les diverses mesures prises depuis trois ans par le Gouvernement.
Vous espérez ainsi renouer avec un électorat qui a fait défaut à l'actuelle majorité. Mais je ne suis pas convaincue que ce projet de loi suffira à lever les craintes, bien légitimes, de nos agriculteurs.
Car ils ne sont pas dupes. En effet, ce texte qui cherche aujourd'hui à les apaiser vient après toute une série de textes et de mesures qui ont fait naître, ou attisé, les angoisses : la loi d'orientation de 2006, qui obéissait à une vision exportatrice de l'agriculture ; la loi de modernisation de l'économie de 2008, qui a permis à la grande distribution d'imposer aux exploitants des prix toujours plus bas ; la remise en question en 2008, par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de la recommandation nationale d'évolution du prix du lait diffusée par l'interprofession laitière, qui a contribué à déstabiliser gravement la filière ; le bilan de santé de la PAC, qui a entériné la disparition des quotas ; les lois de finances successives, qui n'accordent jamais de moyens financiers et humains suffisants.
Ce projet de loi s'inscrit en outre dans un contexte de mondialisation accrue des échanges. Et si vous esquissez un geste vers une régulation des marchés, vous n'en êtes resté qu'au stade des intentions.
Par bien des aspects et dans bien des articles, votre texte entre en contradiction, parfois flagrante, avec une apparente bonne volonté.
C'est, je crois, un texte d'attente de la nouvelle PAC, dont les grandes lignes nous seront connues en fin d'année. Il ne résoudra pas les problèmes de l'agriculture française d'aujourd'hui ; il ne s'intéresse ni au développement de l'agriculture biologique, ni au développement des circuits courts, ni à la promotion des signes officiels de qualité, ni aux problèmes d'installation des jeunes agriculteurs.
Comme l'a écrit un organisme de presse agricole à l'issue des travaux préparatoires de ce projet de loi : « beaucoup de bruit pour pas grand-chose ».
Dans la version actuelle du texte, il y a aussi des mesures qui inquiètent. Ainsi, la compétitivité de l'agriculture, via la contractualisation, pierre angulaire de votre projet, repose sur un objectif de prix bas et non sur celui de prix rémunérateurs ; il n'est toujours pas prévu que les contrats garantissent aux producteurs un prix couvrant au moins leurs coûts de production, rémunération du travail comprise.
Que dire également du système tendant à imposer la souscription d'assurances privées par les agriculteurs ? Que dire de l'absence de révision de la représentativité syndicale au sein des organisations de producteurs et du statut de l'entrepreneur individuel ?
La région Midi-Pyrénées, dont je suis l'élue, est la première région française pour le nombre d'exploitations mais les revenus et rendements par exploitation y sont inférieurs à la moyenne nationale. Le secteur agroalimentaire y est, en outre, le deuxième secteur industriel par son chiffre d'affaires. Pour ce qui est du département dont je suis l'élue, l'Aveyron, on y dénombre plus de 9 200 exploitations, plus de 12 400 chefs d'exploitation et plus de 2 000 salariés, auxquels se rajoute toute l'industrie agroalimentaire. C'est dire tout le poids que pèse ce secteur dans la région et dans le département.
Mais l'Aveyron est aussi un département qui a été durement touché par toutes les crises sanitaires qui ont sévi depuis de nombreuses années et par la politique gouvernementale, qui a accentué la précarisation des petits exploitants.
Il représente la quintessence des crises que traverse le monde agricole. Situé en zone de montagne, ce département, qui accueille de petites exploitations d'élevage bovin et ovin et de production de lait, a subi la crise dite de la vache folle, l'épizootie de fièvre catarrhale, la chute de 30 % du cours du lait. C'est un département où les demandes de RSA ne cessent d'augmenter : 252 en 2009.
C'est peut-être la raison pour laquelle le Président de la République a choisi de s'y rendre ce jeudi afin d'y rencontrer le monde agricole. Mais je me pose quelques questions : pourquoi avoir attendu si longtemps pour découvrir les problèmes du monde agricole dans nos territoires ruraux ? Pourquoi une visite présidentielle au moment de l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale ?
N'aurait-il pas été plus judicieux de rencontrer d'abord et d'élaborer après ?
Cette visite permettra à Nicolas Sarkozy d'évaluer les résultats de sa politique, qui ne répond pas plus à l'attente de nos territoires ruraux qu'à l'attente de nos agriculteurs. C'est à ces hommes et ces femmes qui « se lèvent tôt » et qui travaillent plus pour gagner toujours moins que j'aimerais que nous pensions lors de l'examen de ce projet de loi.
C'est aussi à ces hommes et à ces femmes dont le montant des retraites ne leur permet pas de faire face à leurs dépenses quotidiennes qu'il faudra penser lors du débat sur les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une bonne politique agricole et une bonne loi de modernisation de l'agriculture supposent que trois préalables soient réunis.
Le premier préalable, c'est une bonne politique agricole européenne. La stratégie agricole européenne repose sur l'idée que les États-Unis souhaiteraient une véritable politique de libéralisation des produits agricoles et agro-industriels. Or ceci est totalement inexact.
Pourquoi le Congrès américain a-t-il reconduit le Farm bill act et maintient-il une politique de soutien à l'agriculture américaine fondée sur les prix et non sur des aides directes aux producteurs ? Cela explique qu'il n'y ait pas eu d'accord à l'OMC. Les États-Unis d'Amérique ne sont pas les seuls à ne pas vouloir d'un tel accord, d'autres puissances agricoles dans le monde n'en veulent pas non plus. La grande erreur a été de croire qu'on allait vers un accord, fondé sur une aberration économique qui est l'alignement des prix intérieurs européens sur le prix international. Cela n'a aucun sens économique puisque la plupart des pays interviennent dans l'agriculture et aboutissent à des prix internationaux qui n'ont aucune signification économique et qui ne permettent pas de rémunérer correctement les producteurs des pays européens mais pas seulement, des pays sous-développés aussi.
Si nous perdurons dans ce schéma européen, dans vingt ans, la France n'aura pratiquement plus d'élevage puisque les coûts de production européens de l'élevage sont à peu près trois fois supérieurs aux prix argentins, néo-zélandais ou australiens, voire américains. Subsisteront quelques filières spécialisées, type AOC, comme les AOC viticoles de qualité.
En effet, il restera le champagne, mais il n'y aura plus de puissance agricole française.
Monsieur le ministre, je sais que vous partagez largement ce constat, je sais que vous n'êtes pas de ceux qui ont défendu l'idée d'un libéralisme mal conçu et mal organisé qui produit l'inverse de ce à quoi le libéralisme doit aboutir.
Le deuxième préalable à une bonne loi agricole, c'est de concevoir une stratégie agricole qui ne soit pas indépendante d'une stratégie industrielle de transformation des matières premières agricoles car la création de valeur ajoutée se réalise de plus en plus vers l'aval.
Une telle politique agro-industrielle suppose qu'un effort considérable soit fait dans la recherche et le développement – qui existe dans quelques filières, hélas trop peu nombreuses – et que de grands groupes agro-industriels soient créés pour pouvoir exporter dans le monde entier. Il existe bien des marchés régionaux mais croire que l'agriculture française vivra sur des petits créneaux, notamment locaux, est une illusion. Certains agriculteurs vivront sur ces marchés mais l'agriculture française dans son ensemble ne peut pas vivre uniquement sur des petits créneaux. Or la compétitivité de l'industrie agroalimentaire française s'est dégradée, comme en témoigne la dégradation de notre balance commerciale agro-industrielle.
Le troisième préalable à une bonne loi de modernisation agricole, c'est de rééquilibrer les relations entre la grande distribution et le monde agricole. La France connaît en matière de produits alimentaires le système de distribution le plus concentré du monde occidental.
Face à l'éparpillement de l'offre dans beaucoup de secteurs, les centrales d'achat peuvent imposer leur volonté aux producteurs, et plus souvent d'ailleurs aux industriels agroalimentaires, qui eux-mêmes répercutent sur les producteurs, en matière de prix comme de conditions de vente. Une politique courageuse de décartellisation du côté des distributeurs et de concentration de l'offre du côté des producteurs serait, je le dis depuis quinze ans, susceptible de rétablir l'équilibre, d'assurer un fonctionnement normal du marché et d'arrêter l'écrasement continu des prix et la chute du revenu agricole.
Tels sont les trois préalables sans lesquels toute loi de modernisation agricole est vouée à l'échec.
Je sais, monsieur le ministre, que vous essayez de constituer, avec votre collègue allemand et d'autres, une majorité qualifiée sur un nouveau projet de réforme de la PAC, qui, comme le demande l'assemblée permanente des chambres d'agriculture ou la FNSEA, permettrait aux agriculteurs de vivre de leur travail à travers des prix rémunérateurs.
Le rééquilibrage des relations avec la grande distribution ne peut se suffire d'un simple observatoire des prix et des marges. Nous avions proposé des mesures pour doter l'État d'une capacité de sanction mais il faut une vraie politique de la concurrence.
Enfin, la stratégie agro-industrielle de la France doit englober l'industrie : c'est dans le cadre plus large de la compétitivité de l'industrie française dans son ensemble qu'il faut situer l'agro-industrie française.
L'agriculture française a un avenir parce que les besoins s'accroissent dans le monde entier et que la France a des atouts considérables.
Mais, pour cela, l'agriculture doit s'organiser, constituer de grands groupes coopératifs ou privés qui lui permettent de bénéficier d'une vraie part de la richesse qu'elle crée. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir bien voulu m'associer à l'important travail que vous avez effectué en amont de ce projet de loi, depuis le grand débat Parlons agriculture qui s'est tenu à partir de septembre 2009, Comme vous le savez, je me suis plus particulièrement intéressé à la partie « revenu et compétitivité des filières », sujet d'importance s'il en est pour que nos agriculteurs puissent tout simplement vivre décemment de leur production.
Je salue donc ce projet de loi qui, même s'il ne réglera pas tout en quelques mois, comme l'a souligné notre excellent rapporteur, Michel Raison, affirme le soutien du Gouvernement à notre modèle agricole français en le dotant des outils économiques modernes et adaptés nécessaires à son développement, en Europe et avec l'Europe, face à la vive concurrence internationale, des nouvelles puissances agricoles d'autres continents mais également, plus proche de nous, de l'Allemagne.
Je veux en l'occurrence vous encourager dans votre action efficace à convaincre l'Europe d'adopter une nécessaire et fondamentale démarche de régulation à l'approche de la réforme de la PAC.
Je veux saluer avec vous l'engagement de nos agriculteurs à relever le double défi environnemental et sanitaire pour une agriculture durable.
Rapporteur du projet de loi Grenelle 2 que nous avons adopté définitivement hier soir, j'ai veillé, avec nombre de mes collègues, à ce que, sans perdre l'objectif de développement durable, nous n'ajoutions pas de contraintes auxquelles ne seraient pas soumis les autres pays européens.
Monsieur le ministre, député d'une circonscription à forte spécificité viticole et maraîchère, au-delà de la production laitière et de l'élevage que je soutiens bien évidemment sans réserve, je veux vous remercier pour votre écoute, tant en commission des affaires économiques que parallèlement à la discussion du projet de loi, je veux évoquer la situation de crise du secteur des fruits et légumes et le cas difficile de la viticulture. Maraîchage et viticulture sont deux fleurons de notre économie agricole au plan national et à l'exportation.
Vous avez donné un avis favorable à certains amendements concernant ces cultures spécialisées ou pris des engagements par rapport aux décrets à venir. D'autres amendements vous seront proposés en séance. Conscient des règles européennes autant que de la nécessité de ne pas aggraver notre dépense publique, je vous remercie par avance pour votre sagesse à considérer ce qui pourrait encore être de nature à pérenniser ces cultures, ce savoir-faire et ces milliers d'emplois qui en dépendent.
Je souhaite particulièrement, dans la continuité de ce projet de loi, le meilleur fonctionnement possible de l'Observatoire des prix et des marges, la prise en compte des coûts de production ou encore l'amplification des premières mesures de réduction du coût de notre main-d'oeuvre.
Je serai également sensible, monsieur le ministre, aux mesures qui conforteront l'installation des jeunes agriculteurs.
Enfin, au-delà des outils économiques de ce projet de loi, permettez-moi de souhaiter l'abondement des moyens de notre recherche, la compétitivité de notre agriculture en dépend aussi, aujourd'hui et plus encore demain.
Merci pour votre engagement, que nous pouvons tous saluer, pour notre agriculture et nos agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite associer à mon propos Françoise Olivier-Coupeau, députée de Lorient.
Dans ce projet de loi de modernisation, il est un aspect qui bien souvent est minoré ou laissé en marge des discussions, c'est celui de l'avenir de la pêche. C'est si vrai que, depuis plusieurs semaines maintenant, l'intitulé même du projet de loi semble avoir été raboté, il ne serait plus question d'une modernisation de la pêche, juste d'une modernisation de l'agriculture. Et même, en commission des affaires économiques, dans votre présentation générale du texte, monsieur le ministre, vous avez omis d'évoquer la pêche.
La pêche est essentielle !
Les occasions de parler de la pêche sont si rares dans cet hémicycle que je voudrais profiter de la discussion de ce texte pour m'intéresser à cette filière et aux hommes qui la font vivre.
Certes, me direz-vous, l'économie de la pêche représente bien peu de chose dans notre pays – elle est équivalente au marché de la tomate –, mais elle participe malgré tout à l'équilibre de notre alimentation. C'est un secteur d'activité qui, par la crise qu'il traverse autant que par l'importance qu'il revêt pour l'identité même de certains territoires littoraux, mérite que l'on s'y arrête.
La pêche n'est pas une activité du passé, vouée à disparaître, c'est le sens de mon propos, comme c'était le vôtre, monsieur le ministre, avant-hier. Elle est au contraire une filière économique à part entière, une filière d'avenir, à condition de lui donner les moyens de sa modernisation.
Permettez-moi de répondre successivement à trois questions : dans quel état se trouve aujourd'hui la pêche française ? En quoi ce texte est-il une réponse à la crise qu'elle subit ? Quelles avancées les députés socialistes vous proposent-ils à l'occasion de l'examen de ce texte ?
Premier point : quel état des lieux peut-on dresser de la pêche française aujourd'hui ?
Le secteur de la pêche représente en France 64 000 emplois et près de 27 000 personnes sont employées dans les ports. Cela semble peu mais, au-delà de ces données brutes, cette activité revêt pour certaines régions littorales et leurs populations une importance bien plus grande que ce que ces seuls chiffres peuvent laisser penser.
Veuillez m'excuser pour le détour par la Bretagne que je m'apprête à faire, mais l'importance de la pêche pour cette région, ainsi évidemment que celle de l'agriculture, ne peut être ignorée. La pêche en Bretagne, c'est 15 000 emplois directs dans 2 600 entreprises, un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros pour la filière halieutique et autour de 1 500 bateaux de pêche.
La pêche française ne se cantonne évidemment pas à la Bretagne, mais peu de régions sont aussi liées à cette activité en termes d'identité et de dynamique économique et touristique. La Bretagne compte 7 000 pêcheurs, soit plus de 30 % des emplois de la pêche en France. C'est la première région française pour le volume des produits débarqués : plus de 41 % des captures de la France métropolitaine en volume et 43 % de la valeur des ventes. La Bretagne, avec ses quinze ports équipés d'une criée, est la première région française aussi bien en termes de valeur des produits vendus qu'en termes de volume. Dans sa contribution à la réforme de la politique commune des pêches en janvier 2010, le conseil régional de Bretagne a rappelé à juste titre que « la pêche et l'aquaculture, comme les autres activités maritimes, sont non seulement des activités structurantes de l'économie régionale, mais aussi des éléments constitutifs de l'identité bretonne ».
Ce crochet par la Bretagne ne visait qu'à rappeler une vérité simple, sans doute trop souvent oubliée lorsque l'on parle de pêche au niveau français ou européen : lorsque l'on considère une activité économique et humaine comme la pêche, il est important de prendre également en compte les territoires qui lui sont liés, en incluant la zone côtière et l'arrière-pays, et en gardant à l'esprit qu'à un marin embarqué sont associés trois voire quatre emplois à terre.
Au-delà de ce préambule, quelles sont dans les grandes lignes les caractéristiques de la pêche française ?
Ce qui frappe tout d'abord, si l'on veut bien se placer dans le contexte incontournable de la mondialisation des échanges, c'est la faiblesse de la filière française au niveau du commerce international Malgré la place de la pêche pour certains territoires, et l'importance de notre façade maritime – M. Guédon a eu l'occasion de le rappeler –, la France ne représente que 7 % des captures européennes et moins de 1 % des volumes mondiaux.
La pêche française est sous-dimensionnée, et sans doute mal orientée. Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation paradoxale : alors que la consommation des Français a augmenté de près de 25 % en vingt ans, la part de marché de la pêche française stagne, voire diminue.
La filière souffre en fait d'un vrai problème de compétitivité. À quoi cela est-il dû ? L'argument consistant à pointer du doigt des normes sociales et environnementales plus élevées en France qu'ailleurs n'est pas convaincant. J'y vois pour ma part un atout à valoriser dans la compétition internationale de demain, pour le respect d'un métier difficile.
Les vraies raisons du retard français sont plus à chercher du côté de la dépendance vis-à-vis de l'énergie et du vieillissement généralisé de la flotte. Et pourtant, si 60 % des bateaux ont plus de vingt ans, les 72 % des armateurs individuels qui ont moins de cinquante ans incarnent bien le désir d'entreprendre du secteur de la pêche dans notre pays.
Mais les difficultés relèvent aussi des défauts d'organisation de la filière : l'atomisation de l'offre constitue un inconvénient du point de vue commercial, surtout dans le contexte d'hyperconcentration des centrales d'achat. La faible prévisibilité de l'offre encourage les acheteurs à se couvrir en ayant recours de manière massive aux importations.
Voilà autant de points sur lesquels nous pouvons converger en termes de diagnostic.
C'est vrai.
Il n'en demeure pas moins que je m'étonne de la faiblesse des propositions dans certains domaines. J'aimerais attirer votre attention sur l'un d'entre eux en particulier : le foisonnement de labels, dont aucun ou presque n'est clair pour le consommateur. Des signes officiels de qualité et de provenance comme le label rouge ou les AOP et IGP, côtoient des marques collectives simples et de certification. Je ne nie pas l'utilité de ces signes, pris individuellement, mais leur prolifération ne peut qu'entretenir la confusion dans l'esprit du consommateur. C'est d'ailleurs ce que remarque l'eurodéputé Alain Cadec dans son rapport pour le Parlement européen du 5 mars 2010 sur le régime des produits importés de la pêche et de l'aquaculture. Il préconisait à ce sujet de « mettre un terme à la prolifération incontrôlée des systèmes de certification privée ».
Il est urgent de réfléchir à une clarification et au sens que l'on souhaite donner à certaines identifications à l'avenir. Il me semble souhaitable d'aller vers une marque de certification d'entreprise « pêcheurs responsables », ou encore de créer un éco-label reprenant les critères de pêche responsable dégagés par la FAO. Cet éco-label concrétiserait le souhait manifesté au moment de la loi Grenelle II. Je reviendrai plus tard sur cette question centrale qui conditionne la bonne valorisation des produits de la pêche et donc les résultats de toute la filière.
Mais je ne peux finir cet état des lieux de la pêche française sans une analyse plus globale de votre politique depuis 2007. Le 16 janvier 2008, un plan pour une pêche durable et responsable était présenté à l'Élysée. L'annonce du déblocage de 310 millions d'euros en trois ans était un geste fort, qui a moins suscité d'espoirs qu'il n'a permis d'éteindre provisoirement la colère dans les ports français. Pourtant, quel est le bilan précis de toutes les mesures annoncées ? Aide sociale, aide d'urgence, aide minimale, plan de sécurité, contrats bleus, mon sentiment est que le suivi des annonces est bien difficile à assurer.
Sur le terrain, je vois surtout l'attrait que représente pour de nombreux patrons pêcheurs le plan de sortie de flotte. Est-ce ainsi, en cassant des bateaux, que l'on modernise la pêche ? Ces plans de sortie de flotte ressemblent d'ailleurs à de mini plans sociaux qui ne disent pas leur nom, mais dont les dégâts en termes d'emplois dans les entreprises de la filière sont conséquents.
Même lorsque les mesures annoncées vont dans le bon sens, et je ne nie pas qu'elles existent, je m'étonne du manque de transparence et de lisibilité qui entoure leur financement et leur mise en oeuvre. Une action me tient particulièrement à coeur, ce sont les contrats bleus, qui ont été construits pour partie en Bretagne. C'est à mon avis une voie d'avenir, dans laquelle de nombreux professionnels bretons se sont résolument engagés. Pourtant, il est bien difficile aujourd'hui de connaître le bilan précis des contrats déjà validés depuis 2008, le montant exact des versements déjà effectués et la somme qu'entend provisionner chaque année l'État afin de les pérenniser. Mais se donne-t-on vraiment le temps, existe-t-il une volonté de dresser des bilans crédibles lorsque la réalité ne se traduit que dans l'ouverture de grands chantiers tels que le Grenelle de la mer ou les assises de la mer, qui peinent à trouver une traduction concrète ? Au fil des mois, que constate-t-on sur le terrain ? Les tonnages diminuent, les prix moyens sont à la baisse, or la pêche française doit conserver une taille critique pour survivre.
Pour aider à la mise en oeuvre du plan pêche, il aurait été souhaitable de mieux associer les élus locaux et les parlementaires, et surtout de les informer régulièrement du degré d'avancement des mesures. Aujourd'hui, en réalité, j'apprends la plupart du temps par les acteurs de la pêche que je rencontre au gré de mes déplacements que telle ou telle décision est intervenue à la suite d'une rencontre, quelquefois directement organisée à l'Élysée. Tout cela finit par laisser penser qu'aucune méthode précise n'est à l'oeuvre, alors même que le plan de 2008 comporte de nombreuses mesures intéressantes.
Au-delà de cet état des lieux, de ces éléments de constat qu'il me semblait important de rappeler, ce projet de loi va-t-il aider le secteur ?
Je crois qu'il serait aussi excessif de dire que ce texte contient de mauvaises dispositions que d'affirmer qu'elles sont à la hauteur des enjeux de la pêche française. En réalité, il n'y a que peu de choses la concernant dans ce texte. Rien sur les hommes ou l'attractivité du métier. Et ce ne sont pas les nombreuses dérogations accordées en ce moment pour que les équipages puissent être au complet dans les bateaux qui me feront dire le contraire. Il est absolument nécessaire aujourd'hui de se préoccuper prioritairement de cette attractivité du métier, et des hommes. Le texte ne prévoit rien non plus pour le renouvellement de la flottille et la sécurité des bateaux. Certes, il s'agit d'une politique européenne, et la France n'a pas systématiquement à s'y intéresser mais, tout de même, cette activité me semble en danger.
La seule ambition affichée de ce projet de loi est de moderniser la gouvernance de la pêche et de l'aquaculture. Et même sur ce point précis, on ne peut pas dire que l'audace soit au rendez-vous. Que peut-on concrètement attendre du comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l'aquaculture ? Il ne pourra formuler que des recommandations et des avis pour le compte du conseil supérieur d'orientation des politiques halieutique, aquacole et halioalimentaire, lui-même ne participant que pour avis.
Autre point important du texte, vous proposez la suppression des comités locaux tels qu'on les connaît actuellement. Cette mesure pourrait se comprendre si les comités départementaux, interdépartementaux et régionaux connaissaient dans le même temps une clarification de leurs prérogatives. En fait, votre texte ne choisit pas la voie de la clarification. Il revient à retirer aux acteurs locaux leur pouvoir décisionnel et à transférer aux échelons supérieurs des compétences mal définies. Dans ce contexte, il est même à craindre – et les députés socialistes seront extrêmement vigilants sur ce point – que vous vous serviez de ce texte pour reporter sur les conseils généraux et surtout régionaux le financement des moyens de fonctionnement des antennes locales. D'ailleurs, la problématique du financement se pose globalement pour tous.
Nous pensons que la France ne peut pas s'administrer comme un jardin à la française : les mêmes règles partout, pour tous, quelles que soient les réalités et différences territoriales. Compte tenu des disparités entre les régions, entre les départements, la variété des pêcheries de notre littoral, une dissolution des comités locaux appliquée sur tout le territoire national ne m'apparaît pas pertinente.
Enfin, nous ne sommes pas opposés à la responsabilisation des organisations de producteurs et à un transfert de compétences en leur faveur, mais cela suppose certaines réformes de structures. Par exemple, mieux assurer la représentativité des acteurs au sein des organisations de producteurs, et les impliquer de l'amont à l'aval de la filière. À mon sens, ce texte ne permet pas cette optimisation de l'organisation de la filière. Vous entendez en effet renforcer la place des organisations de producteurs en leur donnant plus de prérogatives en matière de gestion de quotas et de la mise en marché. Pourquoi, d'ailleurs, ne pas les appeler « organisations de marché », pour une meilleure compréhension ?
En la matière, les modalités d'application de la politique commune des pêches, en particulier la définition des règles de gestion des quotas et de distribution des licences, ainsi que le rôle des opérateurs, relèvent de chacun des États membres. Mais votre texte propose que la gestion des sous-quotas soit assurée par les organisations de producteurs. Les comités régionaux et départementaux des pêches voient ainsi leurs prérogatives amoindries.
Vous justifiez ce transfert par la volonté de responsabiliser les pêcheurs. Soit, aucune politique efficace de la pêche ne peut se faire sans le concours des différents acteurs. Mais le texte anticipe la carence future des organisations de producteurs dans leur pouvoir de sanction, sans faire obligation à l'autorité administrative de se substituer à elles en cas de manquement aux impératifs de gestion et de conservation de la ressource. Qu'attendre d'autre d'une responsabilisation partielle des acteurs qu'une rupture d'égalité entre les professionnels ?
Autre faiblesse liée à un transfert de compétences trop important en faveur des organisations de producteurs : celles-ci ne sont pas présentes dans tous les territoires. Certaines, bien qu'ayant une existence administrative, ne fonctionnent pas de fait. On mettrait donc en place un système où, selon le territoire, les pêcheurs auraient affaire soit aux organisations de producteurs, soit à l'État. Il est vrai qu'elles demandent à se regrouper, je crois.
Monsieur le président, me permettrez-vous de poursuivre mon intervention ?
Oui, mais il aurait été préférable que votre groupe nous indique un temps de parole correspondant à votre intervention, pour la bonne organisation de nos travaux.
Je vous remercie, monsieur le président.
Il me semble logique de finir en présentant brièvement les principales avancées que les députés socialistes entendent proposer durant l'examen du texte.
Les activités de pêche différent d'un département, voire d'une commune à l'autre. Afin de s'adapter au mieux aux réalités du terrain, il faut donner la possibilité aux comités régionaux et aux comités départementaux ou interdépartementaux de créer des antennes locales chaque fois qu'ils l'estimeront nécessaire. Grâce au travail en commission, le texte a évolué sur ce point. Nous proposons de le clarifier, car il s'agit tout simplement pour la loi de prendre en compte l'évidence : la réalité de la pêche dans le Finistère n'est pas celle de la Vendée ni celle du Pas-de-Calais !
Avec la nouvelle gouvernance que vous nous proposez, on éloigne la prise de décision du terrain. Pourtant, les débats autour du Livre vert de la Commission européenne l'ont bien montré : seule une approche territorialisée est de nature à permettre de concilier urgence environnementale, exigence sociale et dynamisme économique.
Autre proposition, nous vous soumettons comme en commission un amendement visant à la reconnaissance explicite des comités départementaux et interdépartementaux des pêches comme organismes de droit privé chargés de mission de service public, au même titre que le comité national. Dans ce même amendement, nous vous proposons de mieux préciser les missions des comités départementaux et interdépartementaux, pour les faire correspondre à celles exercées aujourd'hui par les comités locaux. Il est important que l'ensemble des compétences et des actions menées au niveau local survivent à la disparition des comités locaux. Cette proposition aurait comme vertu d'offrir une meilleure lisibilité. Dans sa version actuelle, il semble que le texte oublie volontairement de mentionner les anciennes compétences des comités locaux, qu'il supprime par ailleurs.
Rien n'est plus simple que de les attribuer intégralement aux comités départementaux, par exemple, afin que les marins se sentent bien représentés.
Enfin, je reviens sur la mise en oeuvre d'un éco-label européen de pêche durable et équitable : nous souhaitons que la France pèse de tout son poids auprès des instances communautaires pour sa création. Cela étant, monsieur le ministre, le rapport Cadec devrait vous y aider, si toutefois il est adopté le 8 juillet prochain.
Pour une pêche durable, d'abord, on pourrait concevoir des signes distinctifs fondés sur la qualité environnementale, qui valoriseraient davantage et distingueraient les pêcheurs respectant les quotas et plus généralement l'environnement. Car il y a en Europe des pêcheurs qui, semble-t-il, ne respectent pas les quotas – je crois que les pêcheurs français, quant à eux, les respectent.
Aujourd'hui, les pêcheurs respectant la réglementation ne bénéficient d'aucun avantage et ne sont pas encouragés à poursuivre leurs efforts. Un tel label permettrait d'inciter les acteurs à faire plus pour la protection des stocks halieutiques et permettrait au consommateur, par son acte d'achat, de participer à cet effort de promotion de la pêche durable.
Pour une pêche équitable, un volet social communautaire doit être intégré pour ne pas voir pénaliser nos pêcheurs pratiquant une pêche juste et équitable, au motif que les standards sociaux sont moins élevés dans les autres pays de pêche. Si les pays anglo-saxons semblent hostiles à une telle idée, la commissaire européenne chargée des affaires maritimes entend aller dans ce sens. J'insiste sur le fait que la France doit se battre sur ce point – mais je sais que nous pouvons compter sur vous, monsieur le ministre – plus qu'elle ne le fait aujourd'hui lors des négociations de la nouvelle politique commune des pêches. Cet éco-label devrait être géré par les autorités administratives, mais avec le concours des professionnels, et notamment la future interprofession, que chacun appelle de ses voeux.
On pourrait également imaginer un signe distinctif pour les produits de la pêche artisanale sur l'ensemble des marchés ; on valoriserait aussi les marchés de proximité.
La FAO a émis des « directives pour l'étiquetage écologique du poisson et des produits des pêches de capture marines », déjà adoptées par le Comité des pêches de l'organisation en 2005. Ces directives devraient, selon nous, servir de base à une nouvelle réglementation européenne.
Vous le voyez, monsieur le ministre, nous entrerons dans ce débat avec la volonté de bâtir avec vous un meilleur texte, ce que permettra, je l'espère, la discussion et le vote de chacun des amendements.
L'état de la pêche française est suffisamment grave et son avenir suffisamment menacé pour que prévale entre nous un esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le meilleur des cas, depuis des mois, les agriculteurs français vivent dans l'angoisse et s'interrogent très fortement sur leurs perspectives d'avenir. Dans le pire des cas, ils vivent des drames personnels et familiaux. Dans nos régions, dans nos circonscriptions, tous les représentants professionnels, quelle que soit leur sensibilité syndicale, nous ont fait part de cette terrible réalité.
Monsieur le ministre, vous qui avez, je peux en témoigner, une capacité d'écoute hors du commun à l'égard de toute la profession agricole, mais aussi des pêcheurs, vous n'avez pas seulement su écouter, vous avez entendu la détresse de ces professionnels. Vous savez depuis des semaines que le plan de soutien à la profession, décidé à l'automne dernier, ne permettrait que de surmonter les difficultés conjoncturelles. C'est pourquoi, aujourd'hui, vous présentez une réponse structurelle aux problèmes rencontrés.
Cependant, ne soyons pas naïfs, mes chers collègues ! S'il est essentiel que les agriculteurs français sachent que nous sommes bel et bien mobilisés sur ce sujet, peu d'évolutions sont constatées sans une régulation du marché au niveau européen. Vous vous êtes battu, monsieur le ministre, et je sais que vous continuez à le faire, pour obtenir des accords de nos partenaires et voisins. Le combat que vous menez nous permet d'espérer que cette régulation trouvera sa place dans la réforme de la politique agricole commune. Je voulais vous assurer à nouveau que, sur ce point, nous sommes tous derrière vous.
Permettez-moi maintenant d'aborder quelques sujets précis.
Nous le savons tous, c'est grâce à une meilleure répartition du prix des produits alimentaires entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs que l'on trouvera une partie de la réponse. Les contrats, même s'ils peuvent faire peur, car il s'agit d'un changement important dans les relations commerciales, sont la seule garantie pour les agriculteurs de bénéficier d'un revenu stable et d'une visibilité sur leur revenu dans les années à venir.
Or ils sont confrontés à la réduction des espaces fonciers, surtout dans des secteurs à fort développement économique ou de lutte contre les inondations. Nous le vivons dans l'agglomération havraise. Je souhaite que la commission mise en place s'empare de ce problème vital pour nos agriculteurs et travaille en collaboration avec les élus, qui sont aujourd'hui très sensibilisés pour limiter la réduction du foncier agricole dans l'élaboration des PLU.
L'agriculture française, sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui, ce sont essentiellement des exploitations familiales, ce sont aussi des exploitations à taille humaine. Certes, elles produisent, et c'est leur première fonction, mais ne minimisons pas leur fonction d'aménagement du territoire et de maintien du tissu rural. Cependant, elles ne doivent pas être que des jardiniers du paysage. Garantir à ces familles un revenu stable est donc un impératif. Elles ont, avec les pêcheurs, une mission noble, celle de nourrir les hommes.
J'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur le poids des normes sociales et environnementales. Dans certaines régions, des efforts colossaux ont été faits ces dernières années pour mettre aux normes des bâtiments d'élevage, et c'est le cas en Seine-Maritime. C'est une bonne chose, car les outils de travail se sont modernisés, mais il faut veiller à ce que les normes ne changent pas sans cesse et à ce que les contrôles ne se transforment pas en tracasseries administratives. Il faut obtenir une simplification de toutes les procédures. Enfin, il faut veiller à ce qu'il n'y ait plus d'augmentation de charges dans ce secteur qui ne saurait y résister.
Je voudrais également profiter de ce débat pour me faire l'écho des attentes fortes sur les retraites agricoles.
Ce thème est d'actualité. Il est urgent de trouver des solutions concrètes pour des personnes ayant souvent travaillé plus de quarante ans et qui perçoivent 530 euros par mois, alors que le minimum vieillesse est à plus de 750 euros. Monsieur le ministre, nous comptons vraiment sur vous.
Pour revenir au texte, nous attendons beaucoup d'une modification du code des marchés publics qui nous permettra de faire entrer des produits agricoles locaux dans les écoles, les collèges, les lycées, les maisons de retraite dont nous avons la charge. Les circuits courts sont une excellente réponse à la crise que nous connaissons. Ils permettent en effet de commercialiser les produits agricoles sans recourir aux intermédiaires traditionnels.
Enfin, permettez-moi de dire quelques mots sur la pêche. Avec le sénateur Revet, rapporteur du texte au Sénat, nous avons rencontré à plusieurs reprises les pêcheurs de notre secteur et, encore récemment, avec trois députés européens, dont le vice-président de la commission pêche, M. Cadec. Là aussi, les attentes sont très fortes, même si les pêcheurs n'ignorent pas que la pêche est la politique la plus intégrée au sein de l'Europe.
Je citerai quelques chiffres. Je rappelle que le secteur halieutique compte quelque 16 000 marins embarqués et inclut trois fois plus d'emplois à terre, que ce soit dans la construction navale, le ravitaillement ou la transformation des prises. Pourtant, la France importe aujourd'hui plus de 65 % des produits de la mer qu'elle consomme, sur la traçabilité desquels on peut s'interroger, alors qu'elle dispose, avec les États-Unis, de la plus grande zone économique maritime du monde. Il y a là un vrai paradoxe, mais il existe aussi et surtout de vraies marges de manoeuvre. Le souci principal des pêcheurs est la problématique des quotas. Il me semble essentiel qu'une meilleure concertation s'instaure entre les scientifiques et les comités locaux et départementaux des pêches pour arriver à une constatation partagée des ressources.
L'entente doit être également la règle avec les autres régions du littoral. Mais, pour résoudre ce problème, il faut aussi augmenter les ressources halieutiques. Alors, pourquoi ne pas favoriser l'immersion de récifs artificiels, comme cela se fait au Japon, même si c'est aujourd'hui marginal ? En France, nous n'avons que quelques expériences sur le littoral breton ou à Fécamp.
Je suis très heureux que nous puissions avoir ensemble un débat sur l'agriculture et la pêche, qui disposent aujourd'hui d'un vrai potentiel si nous nous en donnons les moyens, notamment en termes d'installation des jeunes. Il est donc urgent, grâce à ce texte, de redonner espoir au monde agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission des affaires économiques, j'ai cinq minutes pour…
…dire au ministre ce qu'à titre personnel j'attends de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
D'abord, je rappellerai un principe simple qui relève du bon sens paysan : le rôle premier de l'agriculture est de nourrir, c'est donc un rôle alimentaire. Cela va sans dire, mais cela va tellement mieux en le disant ! Je rappelle au passage, comme cela a été dit hier soir et cet après-midi par plusieurs orateurs, qu'un milliard de personnes souffrent de malnutrition sur notre planète.
Il s'agit donc – c'est le titre Ier de la loi – de parler de la fonction nourricière de l'agriculture. À titre personnel, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur toutes les initiatives prises en faveur de la valorisation des démarches agricoles et de l'agroalimentaire qui tournent autour de l'alimentation-santé ou autour de l'agriculture, de l'alimentation et de la santé. Je voudrais appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'accompagner la réflexion et les démarches visant à créer une mention valorisante. Je suis un élu des pays des Marches de Bretagne, où des entreprises travaillent depuis fort longtemps, études à l'appui, sur des produits et des plantes simples, nobles et anciennes, comme le lin, le lupin et la féverole, et qui tournent notamment autour de la démarche oméga 3. Nous en avons parlé en commission, mais je souhaitais le redire dans l'hémicycle.
L'agriculture et l'agroalimentaire ne font qu'un. Nous ne pouvons pas parler, d'un côté, des agriculteurs et, de l'autre, des entreprises de l'agroalimentaire.
La filière agricole et le secteur agroalimentaire sont un atout de développement et de création de richesse pour notre pays, avec un million d'emplois permanents dans l'agriculture, 420 000 emplois dans l'industrie agroalimentaire et un chiffre d'affaires de 128 milliards d'euros qui fait de la France le fleuron de l'agriculture en Europe. Par conséquent, en travaillant à la modernisation de l'agriculture et de la pêche, nous remettons au coeur de notre préoccupation la thématique agricole, et plus particulièrement les agriculteurs. Il y va de la viabilité de notre agriculture. Notre préoccupation première est le revenu des agriculteurs. Nous devons voter une loi de portée nationale, mais ne nous y trompons pas, l'agriculture vit les conséquences d'une conjoncture très difficile, profonde et particulièrement longue.
La réponse est aussi européenne. Nous devons en tenir compte et prendre en considération la mondialisation, c'est-à-dire l'ouverture des marchés et de la concurrence à tous les vents, à tous les pays du monde et donc d'Europe. C'est pour cette raison que nous devons travailler à soutenir l'harmonisation des réglementations européennes, qu'elles soient environnementales, sociales ou fiscales.
Nous devons ainsi concilier l'urgence économique et l'urgence écologique. C'est le sens des amendements que j'ai cosignés afin que nous puissions discuter de ces thèmes. Ainsi, l'harmonisation des seuils d'installations classées pour la protection de l'environnement s'inscrit dans une logique administrative et – fort heureusement – ne remet pas en cause les normes d'autorisation d'épandage et de rejet dans le milieu naturel.
À propos d'harmonisation, il est grand temps que, dans ce pays, alors que nous parlons d'agriculture et d'agroalimentaire, nous nous accordions aussi sur la notion des transports de matières premières et de matières agricoles. Les entreprises de l'agroalimentaire sont concernées et la question des poids lourds 5 essieux 44 tonnes doit trouver une solution dans les meilleurs délais. Nous ne pouvons plus attendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cependant, quelques interrogations subsistent. Quels critères seront véritablement pris en compte pour fixer les prix ? Je veux parler de la notion du coût de revient, s'agissant des contrats. Aujourd'hui nos agriculteurs possèdent un droit à produire qui représente une valeur. Que deviendra ce droit lorsque seront créées les associations d'organisations de producteurs ? J'appelle aussi votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessaire représentation de toutes les sensibilités dans les interprofessions.
Je tiens également à souligner à cette tribune que, s'il existe en France une agriculture, il y a surtout plusieurs modèles agricoles qui doivent cohabiter. Il n'y a pas, d'un côté, une agriculture productive, source de richesses et d'emplois pour le pays – et il n'est pas question de la dénigrer –, de l'autre, une agriculture familiale et, enfin, une agriculture plus biologique et en marge de la société : il n'y a qu'une agriculture que nous souhaitons défendre.
S'agissant de la filière, je souhaite interpeller le Gouvernement et la représentation nationale et prendre la population à témoin. Le Gouvernement et la loi ne régleront pas tout. Face aux problèmes que rencontrent nos agriculteurs, chacun doit prendre sa part de responsabilité : les producteurs, les transformateurs, les industriels et les distributeurs. Nous avons parlé des centrales d'achat et de la grande distribution. Je les appelle à assumer leurs responsabilités et à faire preuve d'éthique. Nous demandons de la transparence. Si la loi y travaille, il y va aussi de la responsabilité des centrales d'achat et des dirigeants de l'industrie agroalimentaire.
J'ajouterai, enfin, et c'est essentiel, que : prix rémunérateur égale revenu ; espace rural égale aménagement du territoire ; installation égale transmission aux nouvelles générations ; contrat égale confiance ; Europe égale harmonisation ; retraite agricole égale dignité humaine ; territoire rural égale identité, racine, culture ; mondialisation égale ouverture sur le monde, donc déplacement des femmes et des hommes, mais aussi des marchandises et des biens à l'échelle mondiale.
Pour conclure, je tiens, monsieur le ministre, à vous dire ma confiance, mon soutien et mes encouragements, parce que votre mission est difficile.
Je suivrai attentivement les débats. Je m'efforcerai, comme c'est le rôle du législateur, de participer…
…et d'amender ce texte.
Je souhaite, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs Guédon, Patria et Raison, vous adresser mes félicitations. J'ajouterai une mention particulière pour le député Michel Raison qui a, en tant que rapporteur, pris la peine de se déplacer en Ille-et-Vilaine, premier département pour la production laitière, ce dont je le remercie.
Ce projet de loi doit offrir autant de liberté que possible à nos agriculteurs et autant de régulation que nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a moins de cinq ans, nous adoptions la loi d'orientation agricole pour donner à notre agriculture de nouveaux instruments de développement, mais nous n'imaginions pas alors que le monde agricole connaîtrait tant de bouleversements en quelques années.
Notre agriculture doit faire face à une crise extrêmement grave qu'aucun autre secteur de l'économie ne connaît. Après une première baisse de revenu de 23 % en 2008, les exploitants en ont enregistré une de 32 % en 2009 et la quasi-totalité des productions est aujourd'hui en crise. Un responsable du Crédit Agricole notait récemment que les crédits de trésorerie ont augmenté de 200 % en 2009, grâce aux plans d'aide gouvernementaux. Ceux réservés à l'investissement et à l'installation ont, en revanche, lourdement chuté. La situation des producteurs de lait s'améliore un peu, en 2010, à la faveur d'un meilleur prix du lait et d'une baisse des produits qu'ils achètent, comme l'aliment ou les engrais, due en partie à la baisse de l'euro. Dans ma région des Pays-de-la-Loire, elle est cependant contrariée par une sécheresse printanière persistante. Par ailleurs, les éleveurs porcins, déjà lourdement endettés, vont devoir investir pour se conformer à la directive sur le bien-être animal.
Mais, derrière ces chiffres et ces moyennes, il y a surtout des femmes, des hommes et des familles. Ainsi, au 31 décembre 2009, la MSA recensait 35 000 bénéficiaires de mesures de solidarité, dont près de 26 000 salariés et 9215 exploitants agricoles.
Pour faire face à cette crise, le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, n'êtes pas restés, et loin de là, les bras croisés : le plan de soutien exceptionnel à l'agriculture a permis d'injecter plus de 1,6 milliard d'euros dans les exploitations, selon un bilan établi le mois dernier par notre collègue Nicolas Forissier, médiateur national pour le plan de soutien.
Aujourd'hui, nos agriculteurs doivent comprendre que, si nous sommes mobilisés, si nous voulons mettre en place des outils pour leur assurer un meilleur revenu, une meilleure sécurité, c'est parce qu'ils rendent un grand service à la nation ! Sans agriculture – l'élu de la Mayenne que je suis le sait bien ! –, il n'y a aucune possibilité de vie dans l'espace rural. Si l'on veut lutter contre la désertification, si l'on veut réussir la cohésion territoriale, devenue désormais un objectif européen avec le traité de Lisbonne, nous avons d'abord besoin d'agriculture, d'exploitations à taille humaine qui maintiennent la vie dans nos territoires ruraux. Sans une agriculture vivante, nous n'aurons ni cohésion territoriale ni aménagement équilibré et harmonieux du territoire.
Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche est, par conséquent, marqué par un double impératif : à court terme, répondre à l'urgence de la crise agricole ; à moyen terme, préparer notre agriculture aux changements prévisibles de la politique agricole commune après 2013. Bien sûr, cette loi n'est pas une baguette magique qui résoudra d'un seul coup l'ensemble des problèmes de la filière agricole. Aucune loi nationale concernant l'agriculture ne saurait l'être, d'ailleurs.
Il faut juger le texte que vous nous soumettez pour ce qu'il est : une boîte à outils qui permettra de mettre en place des instruments utiles. Toutes les mesures proposées vont dans le bon sens : le rééquilibrage des forces par une meilleure organisation des producteurs, la restructuration des marchés et l'organisation des filières.
En revanche, si le texte que nous examinons aujourd'hui doit permettre, grâce aux mesures proposées, une amélioration des revenus des agriculteurs, il ne comporte aucune disposition en faveur de leurs retraites. Or la prochaine réforme des retraites leur inspire des inquiétudes. Leurs pensions sont en moyenne inférieures de 30 % à celles des salariés du régime général. Ainsi, un exploitant agricole ayant une carrière complète touche, en moyenne, une retraite de base de 700 euros et son conjoint de 450 euros. La faiblesse de ces montants découle principalement du niveau peu élevé des revenus agricoles : 70 % des agriculteurs perçoivent, en effet, un revenu inférieur au SMIC. De plus, leurs pensions sont calculées en fonction non des vingt-cinq meilleures années, comme c'est le cas dans le régime général, mais de l'ensemble de leur carrière. Sur ce point, vous avez récemment indiqué que le Gouvernement était prêt à examiner le calcul de la pension agricole sur la base des vingt-cinq meilleures années, et je m'en réjouis. Il faut prendre en compte cette revendication exprimée par les exploitants agricoles. Adosser le régime des retraites agricoles à celui du régime général représenterait une mesure de justice et d'équité envers les agriculteurs.
Vous avez, monsieur le ministre, annoncé que vous alliez poursuivre la revalorisation des retraites agricoles engagée, notamment pour les conjoints, en 2009 et 2010, et le projet présenté par Éric Woerth répond à certaines de leurs préoccupations. Je pense, en particulier, à la situation des conjoints, puisque le projet supprime la condition de délai pour ouvrir un droit à pension. Cette condition pénalise les femmes d'agriculteur qui se retrouvent dans une situation inacceptable.
En ce qui concerne la reprise sur succession, qui fait peur à bon nombre d'exploitants agricoles, si bien qu'ils renoncent à bénéficier de la retraite agricole minimale, le Gouvernement envisage d'exclure de la reprise sur succession l'ensemble des bâtiments et des terres agricoles, de façon que chaque agriculteur puisse ouvrir son droit au minimum vieillesse. C'est une excellente mesure.
Toutes ces dispositions vont dans le bon sens, mais je souhaite qu'à défaut d'être réglée dans ce texte, la situation des petites retraites agricoles fasse l'objet d'une attention toute particulière dans le projet de loi de réforme des retraites que nous examinerons à la rentrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, aujourd'hui comme il y a quarante ans, lorsque j'étais étudiant, je fais régulièrement la navette entre Nancy et Paris. Le train me permet de traverser la Lorraine, la Champagne, l'Île-de-France.
En quarante ans, y a t-il eu du changement ? Dans la mesure où ces régions sont, depuis des temps immémoriaux, des régions d'openfield, il est probable qu'un observateur peu au fait des réalités agricoles vous répondra que, non, cela n'a pas tellement changé. En revanche, un expert – ce que je ne suis pas – ou un généraliste éclairé – ce que je crois être – vous dira que les changements ont été considérables. Certaines productions végétales, au cours de ces quarante années, ont prospéré avant de quasiment disparaître, pour maintenant réapparaître. Les productions animales ont régressé. Nombre de prairies naturelles ont disparu probablement définitivement. Les espaces dédiés à la biodiversité – des boqueteaux qui mouchetaient le paysage – ont, pour la plupart, disparu. Les tracteurs sont de plus en plus gros. Dans les fermes, à la campagne, la maison d'habitation est souvent fermée.
Si l'on y réfléchit bien, tous les changements que je vous décris – et je pourrais en citer d'autres – ne sont pas liés à l'évolution du marché, à la loi de l'offre et de la demande. Ce n'est pas une évolution naturelle, mais dirigée. Ils sont la résultante, au fil du temps, de la politique agricole commune, avec ses réglementations et ses normes. Je n'émets pas de jugement de valeur, je dresse simplement un constat. Les agriculteurs, entrepreneurs courageux et rationnels, ont tout simplement appliqué de façon optimale les règles qui leur étaient imposées.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Lorsque vous êtes arrivé au ministère de l'agriculture, monsieur le ministre, vous avez trouvé, du fait d'un bouleversement historique de la conjoncture, des agriculteurs en grande difficulté, certains se trouvant même au bord de la ruine. De plus, au niveau européen, une vulgate selon laquelle il convenait de déréguler et de baisser les crédits s'est imposée au fil des ans. Il faut bien reconnaître que, voici un certain nombre d'années, en France même, certains ont sans doute fait preuve d'imprudence et ont manqué d'énergie pour éviter que cette vulgate ne prospère. Une évidence s'impose désormais. Comme vous nous l'avez expliqué hier, il faut mener une stratégie sur deux fronts. La bataille européenne risque d'être difficile parce que la France, qui n'est qu'un pays parmi vingt-sept, ne maîtrise pas tout l'exécutif et n'a qu'une partie du pouvoir. Nous devons donc mener une politique d'alliance, d'adhésion. C'est ce à quoi vous vous employez depuis de nombreux mois maintenant avec, incontestablement, un certain succès, voire un succès certain. Vous devez continuer et nous vous souhaitons de réussir dans cette direction.
Vous disposez pour cela d'un certain nombre d'armes. J'insisterai sur celle à laquelle l'opinion publique française et européenne peut être le plus sensible, la sécurité alimentaire : la sécurité quantitative, bien sûr, mais aussi et surtout la sécurité qualitative sur le plan de la nutrition, du sanitaire et également, en France, sur le plan organoleptique. Cette arme, il ne faut pas hésiter à l'utiliser au mieux.
Il y a ensuite la bataille de France. C'est la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche que nous allons examiner pendant les jours qui viennent. Il s'agira de moderniser, d'adapter, de réguler, de sécuriser, mais aussi de libérer et de diversifier. Nous serons à vos côtés pour travailler encore et parvenir au texte le plus avantageux possible pour l'agriculture française et, de façon plus générale, pour l'économie agroalimentaire française.
Dans votre discours d'hier, monsieur le ministre, vous avez rappelé une vertu, la tempérance. Je vous sais fin lettré et je n'aurai pas la prétention de vous rappeler que c'est l'une des quatre vertus cardinales des philosophes antiques. Pour réussir dans les mois qui viennent, vous aurez aussi besoin des trois autres : le courage, la prudence et la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Rendre espoir au monde agricole, telle est votre ambition, monsieur le ministre. C'est aussi celle du rapporteur, Michel Raison, dont je tiens à saluer la lucidité et la solidité, et je la partage avec vous.
Vous y mettez toute votre énergie, mais la loi est-elle la bonne réponse, et cette loi est-elle la meilleure réponse ? J'ai parfois des doutes, je vous les ai exprimés et je n'ai pas changé. Pourquoi ?
Deux questions sont au coeur du débat : d'une part, les revenus agricoles ne sont pas à la mesure des heures effectués par l'agriculteur et des capitaux nécessaires à l'agriculture, devenue aujourd'hui l'industrie la plus capitalistique ;…
…d'autre part, le secteur agroalimentaire français perd des parts de marché, ce qui crée dans le monde rural un véritable choc culturel.
Trop souvent, dans ce pays, la réponse, c'est une loi de plus, ce qui aboutit à des lois conjoncturelles ou à des lois déclaratives. Il y a un an ou dix-huit mois, c'était la loi de modernisation économique, qui avait tout de même pour ambition de peser sur les prix. Aujourd'hui, c'est la loi de modernisation agricole, et je comprends très bien votre objectif, mais si, dans les quinze ou dix-huit mois, les prix mondiaux flambent, ce qui est possible, et pour certains souhaitable, ce sera une nouvelle donne.
Le problème de ces lois, c'est qu'elles ajoutent de la complexité à la complexité, et je vois tous les amendements qui ont été déposés. Pour de nombreux observateurs, c'est l'excès de réglementation, « l'enfer réglementaire français », disent certains, qui explique pour partie le retard de notre industrie.
Ces lois n'ont-elles pas tendance à être déclaratives ? La politique de l'alimentation, je l'approuve totalement, mais elle est, me semble-t-il, de la compétence du pouvoir réglementaire, et le Conseil d'État nous rappelle en permanence que les lois ne doivent pas remplacer les règlements.
Il y a le plan national nutrition-santé, l'AFSSA, des opérations comme EPODE, que je salue, car c'est un moyen remarquable de lutter contre l'obésité des enfants. Cependant, le fractionnement des responsabilités ne risque-t-il pas d'engendrer une déperdition d'efficacité, étant entendu, l'expérience le prouve, que chacun voudra être le coordonnateur de l'autre ?
Injecter de la confiance dans le monde agricole, est-ce par la généralisation des contrats que nous y parviendrons ? Nous avons la chance d'avoir un secteur coopératif puissant : c'est l'exemple même du contrat le plus abouti. Le contrat est déjà très pratiqué. Seule l'obligation est de nature législative, le reste est optionnel.
Cela fait vingt-cinq ans que l'on parle de la distribution, des industries de transformation, de la part prise par les uns et par les autres. J'estime, moi, quand je regarde ce qui se passe chez nos voisins européens, que, face aux obligations que nous imposent la mondialisation et l'ouverture des frontières, nous avons besoin d'entreprises performantes qui se soutiennent plutôt que de s'opposer. Il y a une vraie stratégie à mettre en oeuvre dans l'alliance de l'agriculture et du secteur agroalimentaire. Le monde coopératif a démontré sa capacité, mais il n'a pas démontré qu'en prenant de la valeur ajoutée à l'industrie, on changerait la face du revenu des producteurs.
La crédibilité de la loi exige des mesures d'accompagnement ; vous les connaissez, j'en donne quelques exemples.
Premier exemple, la libre circulation du 44 tonnes. Le Président de la République l'a promise, mais tout est fait pour contourner cet engagement.
Or, quand on sait ce que représente le transport pour l'agriculture et l'agroalimentaire, une baisse du coût de 10 %, c'est important.
Deuxième exemple, l'éco-taxe. Nous sommes quelques-uns à avoir lutté ici contre cette taxe, qui entraînera une formidable augmentation du coût de production, ce qui portera atteinte à la compétitivité du secteur agroalimentaire.
Autre exemple, les contraintes administratives et les délais, qui sont tels qu'ils découragent de nombreux agriculteurs.
La méthanisation était une solution permettant de concilier les contraintes de l'environnement et la productivité de l'agriculture. Pour les présidents des deux plus grandes coopératives ou presque de Bretagne, Coopagri et Le Gouessant, il serait bien que l'État leur laisse un peu plus de liberté dans la gestion de la méthanisation. En Allemagne, les nouvelles formes d'énergie représentent 15 à 20 % du revenu des producteurs. Il faut un an pour y implanter une entreprise de méthanisation, il en faut cinq à six en France. Le poids des réglementations est donc un obstacle au dynamisme de l'agriculture.
J'ai reçu cette semaine une lettre de M. et Mme Tual, agriculteurs-éleveurs à Visseiche. Ils produisent 360 000 litres de lait, ils sont tous les deux qualifiés, on vient de leur interdire d'ouvrir un atelier de 6 000 poules pondeuses. Au moment où nous devons reconvertir des milliers de poulaillers et de porcheries, à la fois pour le paysage, l'énergie et la compétitivité alimentaire, de jeunes éleveurs se découragent. On en met une couche tous les ans, on va droit dans le mur, m'expliquaient-ils l'autre jour, et il y a des centaines de M. et Mme Tual. L'excès de réglementation paralyse l'initiative et un changement est donc vraiment nécessaire.
Dernier exemple, les OGM. Il y a deux façons d'aborder le dossier : soit on essaie d'informer, d'expliquer, d'écouter les scientifiques,…
…de séparer les OGM qui posent des problèmes, en particulier sur le plan de la dissémination, des OGM qui peuvent être utiles sur le plan agronomique ou pour la santé, par la production de produits thérapeutiques ; soit on cherche à exploiter les peurs et à caricaturer, ce qui est trop souvent le cas.
Un pays qui veut être une grande nation agricole pourrait s'inspirer de la position très pragmatique du président Lula. Dans le cas contraire, nous devons éviter d'importer massivement des produits bruts ou transformés à base d'OGM. Il faut choisir et être cohérent.
Dans un monde ouvert, il faut souplesse et rapidité. Nous avons trop souvent en France rigidité et lenteur. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'avec cette loi la France disposerait de moyens pour rester la première puissance agricole européenne et un acteur majeur dans le monde.
En l'état actuel, et j'en ai parlé à des collègues aussi passionnés que moi par l'agriculture : Antoine Herth, Michel Raison, Charles de Courson, Marc Le Fur, et mon collègue de Fougères, le meilleur moyen pour moi de vous aider, en attendant des mesures d'accompagnement, non financières, n'est-il pas de m'abstenir ? (Exclamations sur divers bancs.)
Lorsque je vois comment cela bouge depuis vingt-quatre heures sur le 44 tonnes, je me dis que c'est peut-être le meilleur service que je puisse vous rendre et rendre à l'agriculture française.
Je rejoins sur le fond ce que vient de dire M. Méhaignerie, mais je n'en tirerai pas la même conclusion…
…en espérant, monsieur le ministre, que les amendements qui seront adoptés – je sais que les commissions ont beaucoup travaillé et Michel Raison, notamment, en a présenté certains qui me paraissent très pragmatiques et très utiles – nous permettront de voter une loi pouvant être un socle pour l'avenir de notre agriculture.
La politique que vous conduisez pour notre agriculture s'organise, vous l'avez rappelé, autour d'un triptyque.
Il y a d'abord le plan de soutien d'urgence, qui était nécessaire. Que n'aurait-on dit si nous n'avions pas mobilisé plus de 2,5 milliards d'euros pour nos agriculteurs ?
Il y a ensuite la politique nationale. C'est ce texte, mais c'est aussi la conduite du ministère de l'agriculture, et le rapporteur du budget que je suis tient à souligner que c'est certainement l'un des ministères, si ce n'est le ministère, qui s'est le plus modernisé, qui a réalisé le plus d'efforts, qui a notamment le mieux conduit la RGPP au cours des dernières années.
Il y a enfin la politique européenne, que vous avez conduite, monsieur le ministre, et je peux en témoigner. En un an, le débat européen sur l'avenir de notre agriculture, sur la PAC, sur les perspectives, a entièrement changé, et c'est aujourd'hui la France qui est à l'initiative en matière agricole à l'échelle européenne.
Le débat, vous l'avez dit hier, n'est plus le même qu'il y a un an.
Sur cette politique que vous conduisez, je ne vais pas être trop long, je voudrais juste vous dire rapidement deux ou trois choses.
Le plan de soutien, il est extrêmement important de le mener à bien jusqu'au bout. Il faut notamment faire en sorte, peut-être en musclant les moyens, peut-être en en trouvant d'autres, que la dernière mesure en cours d'instruction, le DACS-AGRI, qui s'adresse aux agriculteurs les plus en difficulté, soit appliquée le mieux possible. La demande est grande dans de nombreux départements, et nous savons qu'il y a des besoins.
Le contenu de la loi – sans entrer dans les détails ni reprendre ce qu'ont déjà très bien dit beaucoup de nos collègues – est au fond le moyen, et c'est une étape majeure pour notre agriculture, de sécuriser et de solidifier tant les exploitations que les filières agricoles et agroalimentaires. C'est ainsi qu'il faut raisonner.
Enfin, monsieur le ministre, il est absolument nécessaire que le Parlement soit à vos côtés dans le débat européen pour la préparation de la nouvelle PAC.
Tout cela constitue un socle pour l'avenir. Toutefois, permettez-moi de vous dire qu'il faudrait peut-être y ajouter une autre dimension. Je suis toujours frappé d'entendre dire que l'avenir de l'agriculture doit être d'assurer l'indépendance et la sécurité alimentaires de la France et de l'Europe. C'est une condition nécessaire mais non suffisante. Quelle est, au fond, la vraie question que se posent nos agriculteurs aujourd'hui, au-delà des problèmes financiers, de la volatilité des cours, de l'extraordinaire difficulté que représente la chute du revenu qu'ils subissent depuis bientôt deux ans ? Cette question, c'est : quel avenir pour ce métier ?
Quelles sont les perspectives ? Quelle est notre nouvelle frontière ? Monsieur le ministre, je ne veux plus entendre des agriculteurs me dire qu'ils ne souhaitent pas installer leurs fils parce que ce métier n'aurait plus d'avenir. Je ne veux plus l'entendre parce que c'est faux !
Quel est notre défi, cher collègue ? C'est le défi alimentaire mondial. Je trouve que l'on n'en parle pas assez. Nous allons gagner trois milliards d'habitants d'ici à 2050, auxquels il faut ajouter – Thierry Benoit l'a rappelé – un milliard de personnes qui ne mangent pas aujourd'hui à leur faim.
C'est un défi quantitatif mais aussi qualitatif. Nous ne parlons pas assez des pays émergents. Aujourd'hui, la Chine et l'Inde réunies, les deux pays les plus peuplés du monde, comptent un nombre de consommateurs solvables équivalent au marché de l'Union européenne à vingt-sept, soit de 400 à 450 millions de consommateurs qui veulent manger comme nous, sécurisé, diversifié, en quantité.
Nous savons bien qu'il faudra relever ce défi, même si, dans les années qui viennent, nous devons connaître encore des hauts et des bas, même s'il est clair que cette volatilité des cours, ces risques pour les exploitations, les entreprises et les revenus n'auront pas disparu. C'est bien pour cela, d'ailleurs, qu'il faut suivre les propositions de votre loi : sécuriser, développer l'assurance et l'épargne de précaution, renforcer les structures et les filières.
Malgré tout, que nous disent les faits ? Que nous disent les études publiées il y a quelques semaines par la FAO et l'OCDE ? Tendanciellement, les cours, les prix et donc, peu ou prou, les revenus repartiront à la hausse, tout simplement parce que la demande va être colossale. Il y a donc bien une perspective pour notre agriculture.
Au-delà de la sécurité européenne, il faut que nous soyons plus offensifs, que nous regardions le monde tel qu'il est ; l'agriculture française et l'agriculture européenne – mais singulièrement la première – doivent se fixer comme nouvelle frontière la réponse au défi alimentaire mondial.
Cela ne veut pas dire que la France toute seule nourrira le monde, mais elle peut y contribuer, et peut aussi en tirer parti. Cela suppose que, si nous définissons cette nouvelle frontière, si nous allons au-delà de nos habitudes de pensée, qui sont – disons les choses comme elles sont –, trop européennes, eh bien, nous devons également fournir un effort considérable pour soutenir l'internationalisation de nos filières agricoles et alimentaires, soutenir nos PME à l'exportation.
L'industrie agroalimentaire française – je ne suis pas mal placé pour en parler –, c'est 10 000 entreprises, dont 500 très grosses ou un peu moins grosses, toutes les autres étant des TPE. Aborder un marché comme l'Inde, qui n'attend qu'elles pour répondre à ses propres défis et à ses besoins de consommation, est impossible à ces petites entreprises, car la Chine, le Brésil, tous les pays émergents sont des pays difficiles d'accès. Nous devons donc imaginer de nouvelles méthodes, et il faut en outre que l'État mette les moyens pour accompagner les petites entreprises sur ces marchés.
C'est très important, compte tenu de la structure de notre commerce extérieur agricole et agroalimentaire. Actuellement, près de 70 % de nos exportations dans ce domaine se font sur le marché de l'Union européenne, déjà relativement saturé, et qui se caractérise en outre par le retour de pays comme l'Allemagne, très dynamique et organisée, et l'émergence des pays d'Europe centrale, dont l'agriculture et les industries agroalimentaires commencent à devenir performantes. Nos positions acquises se font donc laminer.
Si nous ne nous tournons pas, avec volontarisme et en consentant les moyens nécessaires, vers les pays émergents, nous ne pourrons assurer cet avenir qui est une véritable nouvelle frontière pour l'agriculture. Répondre au défi alimentaire mondial, cette vraie stratégie qu'il nous faut construire pour nos agriculteurs, pour notre ferme France, repose sur une dimension offensive, dont je voudrais, monsieur le ministre, que vous vous fassiez l'avocat dans les mois et les années à venir ; je sais que cela correspond à votre pensée. Tout ce que vous aurez fait, à l'instar de cette loi, deviendra alors véritablement utile et permettra de construire la nouvelle frontière de notre ferme France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le ministre, nous débattons aujourd'hui de votre projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche – je pourrais dire une énième loi –, et ce dans la précipitation.
Dans la situation de crise sans précédent que traverse le monde agricole, cette loi était fortement attendue par les agriculteurs, qui ont connu une baisse considérable de leurs revenus au cours des dernières années, et particulièrement en 2009. Cependant, force est de constater que ce projet n'est pas à la hauteur de leur attente et ne redonne pas espoir aux très nombreux petits agriculteurs que l'avenir inquiète. Le Gouvernement n'a pas réellement pris conscience, me semble-t-il, de la gravité de la situation. Si je vous crois, monsieur le ministre, très sincère, il ne me paraît pas que l'agriculture soit une priorité de ce gouvernement.
La question se pose avec beaucoup plus d'acuité outre-mer. Comme vous le savez, l'agriculture de ces régions souffre de nombreux handicaps – sécheresses répétées, cyclones fréquents, pollution à la chlordécone, qui a eu des conséquences incommensurables sur la santé de nos populations – et surtout d'un important retard de développement. Or elle se trouve une fois de plus reléguée à quelques allusions générales en fin de texte, et c'est vraiment dommage. Vous me direz que l'agriculture ultramarine fait partie de l'agriculture française et que les mesures nationales s'appliquent aux départements d'outre-mer. Certes, mais cette agriculture a également des spécificités importantes, dont il convient de tenir compte et qui nécessitent des mesures particulières.
D'ailleurs, l'un de vos prédécesseurs, M. Dominique Bussereau, s'était engagé à élaborer une loi d'orientation agricole spécifique à l'outre-mer ; six ans après, nous l'attendons toujours ! Vous avez affirmé vouloir faire de l'agriculture l'un des temps forts des états généraux de l'outre-mer. Le Président de la République s'est également engagé à faire en sorte que cette agriculture retrouve toute sa place, notamment par le biais de la diversification. Des propositions ont été formulées par les acteurs des différentes filières.
En dépit de vos bonnes intentions, il n'y a rien dans le texte qui tienne compte de ces engagements et qui soit de nature à répondre aux spécificités de l'agriculture outre-mer. Rien de ce que vous proposez ne permet l'émergence d'une agriculture durable. Bien plus, votre gouvernement prévoit de traiter les problématiques relatives à l'outre-mer par voie d'ordonnance, à l'écart de tout débat parlementaire, comme c'est le cas aujourd'hui. L'agriculture ultramarine, me semble-t-il, mérite mieux.
Je souhaite attirer brièvement votre attention sur quelques points qui me paraissent importants si nous voulons une agriculture performante qui permette aux agriculteurs de vivre décemment de leur production.
Il s'agit, tout d'abord, du foncier agricole. Ce problème n'est certes pas propre à l'outre-mer, je le conçois. Mais il est décuplé dans nos départements du fait de l'étroitesse de leurs territoires et de leur insularité.
L'agriculture de nos régions, qui a prospéré par le passé, n'arrive pas à sortir du modèle agro-exportateur. L'urbanisation de nos territoires exerce une pression croissante sur les espaces agricoles. Pour la seule Martinique, la surface agricole utile est ainsi passée de 51 000 hectares en 1970 à 26 000 en 2007.
La traditionnelle filière canne-sucre-rhum n'est pas épargnée. Les difficultés climatiques, environnementales et sociales, ajoutées au système de versement inefficace de « l'aide à la balance » tripartite, État-région-département, n'en font pas un secteur dynamique et attractif pour nos jeunes planteurs. Les rendements agricoles baissent de près de 10 %. Et si la production de rhum parvient à se maintenir, son développement est bloqué par le système contingentaire.
Le vieillissement de la population agricole martiniquaise s'accentue. Il est donc nécessaire de mettre en place des mesures favorisant l'installation de nouveaux agriculteurs issus de centres de formation.
Je pourrais également évoquer la question de l'accompagnement financier pour le montage des CUMA dans l'agriculture vivrière, celle de l'aide au désenclavement, les difficultés de la filière pêche, largement développées par notre collègue Annick Le Loch, ou encore l'élevage, victime d'une importation croissante. Tous ces aspects ne trouvent pas, dans votre projet de loi de modernisation, les réponses attendues.
Je souhaite enfin évoquer l'accord de libre-échange entre l'Union européenne, la Colombie et le Pérou, qui porte sur des produits particulièrement sensibles pour l'avenir des régions d'outre-mer, tels que la banane, le sucre et le rhum. Cet accord est un nouveau coup dur porté à notre agriculture, pourtant déjà si fragilisée, et notamment à la banane antillaise, qui a déjà dû se relever du passage du cyclone Dean. Face à cette décision de la Commission européenne, l'outre-mer éprouve comme un sentiment d'abandon.
En conclusion, monsieur le ministre, je dirai que votre projet de loi est loin de cette véritable révolution pour gagner en compétitivité dont vous nous parlez. Vous comprendrez donc que nous appelions toujours de nos voeux une loi d'orientation spécifique aux outre-mer, seule capable de relever les défis qui se présentent à nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, élu, comme nombre d'entre nous, d'un territoire rural, je considère que le projet de modernisation de l'agriculture et de la pêche est un texte important. Nous connaissons tous les difficultés des agriculteurs : la volatilité des prix, avec des variations subites des cours mondiaux, la situation fortement dégradée dans toutes les filières en 2009, la diminution du revenu des agriculteurs en raison de la baisse des prix et de l'augmentation des charges. Comme vous l'avez déclaré hier, monsieur le ministre, le monde change, l'immobilisme ne saurait être de mise.
Nous devons faire face à plusieurs défis. Il y a d'abord le défi alimentaire : il va falloir satisfaire les besoins d'une population qui augmente.
Il y a ensuite le défi environnemental, évoqué par le Président de la République dans son discours du 19 février 2009 pour un nouveau modèle agricole français. Je rappelle les priorités énoncées : mieux utiliser l'eau et contribuer à son bon état écologique, protéger les sols agricoles, maîtriser l'énergie, lutter contre le réchauffement climatique.
Enfin, il y a le défi territorial parce que, par leurs activités, les agriculteurs sont des acteurs déterminants de nos territoires : la valorisation des produits agricoles au plus près de leur lieu de production est pour nous, élus locaux, un enjeu majeur. Par exemple, dans ma circonscription, il s'agit de laiteries qui transforment les produits laitiers, d'un abattoir qui permet d'avoir une offre de proximité. Cette agriculture et la production qui en découle sont des richesses pour nos territoires.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, apporte un certain nombre de réponses.
Tout d'abord, s'agissant du domaine alimentaire, je reviens à ce que disait hier un collègue socialiste ici présent : « Le danger est dans l'assiette. » Je trouve de tels propos difficiles à entendre parce qu'ils n'aident pas notre agriculture, et les tenir, c'est méconnaître les efforts en faveur d'une agriculture raisonnée. Dans ma région, la démarche de qualité pour les éleveurs a été engagée bien avant l'ESB, et la traçabilité apporte aux consommateurs une protection importante. Il ne faut donc pas laisser croire que le laxisme est de règle.
Avec le renforcement de la compétitivité, il s'agit de permettre aux agriculteurs de vivre normalement de leur travail. Nous savons que certains sont amenés à vendre leur production à perte ; c'est inacceptable. Le contrat, avec l'ensemble des mesures que vous proposez, monsieur le ministre, doit permettre une transparence et une lisibilité par des engagements sur les prix, les quantités et la durée. L'ensemble de ces mesures a pour but d'améliorer le revenu des agriculteurs.
L'installation des jeunes est, elle aussi, un enjeu capital. Nous savons que le nombre des exploitations diminue ; il faut donc soutenir fermement les reprises et les installations. L'allégement des charges, la transmission des savoirs, l'accompagnement dans les premiers temps et le fonds dédié à l'installation des jeunes agriculteurs sont des mesures intéressantes qui vont dans le bon sens. Une remarque malgré tout : lorsqu'un agriculteur s'installe, il doit faire face à un endettement considérable pour l'achat des terres, pour l'acquisition du matériel et pour les mises aux normes. Je connais peu de professions où, pour pouvoir commencer à exercer, il faut s'endetter autant et aussi longtemps.
Bien évidemment, cela nous oblige à mener une réflexion sur les conditions d'installation.
Je veux aborder brièvement la meilleure répartition du foncier. Là aussi, votre texte apporte des réponses qui me paraissent intéressantes. Nous perdons 200 hectares de terres agricoles par jour. Une telle diminution des surfaces cultivées n'est pas compatible avec notre ambition alimentaire. Je soutiens donc aussi sur ce point votre projet de loi, qui prend en compte une demande majeure des jeunes agriculteurs. Au passage, je me fais leur relais en soulignant leur hostilité à l'utilisation de panneaux photo-voltaïques installés à même le sol.
J'insisterai encore sur deux points.
D'une part, nos agriculteurs acceptent la compétition, mais ils demandent que les réglementations, que l'harmonisation sociale et environnementale soient partagées par tous.
Ils veulent aborder la compétition avec les mêmes charges. Vous comprendrez qu'étant élu de la Moselle, des agriculteurs viennent sans cesse me dire que, comparée à la France, l'Allemagne applique des réglementations beaucoup plus souples, avec une traçabilité parfois inexistante et des coûts salariaux très différents. Ils souhaitent se battre à armes égales.
D'autre part, au-delà de votre loi, il y a un enjeu capital : celui de la négociation de la politique agricole commune après 2013. La liberté du marché est souvent souhaitée au niveau mondial, mais vous avez montré, et nous vous soutenons, la nécessité de mettre en oeuvre des mécanismes de régulation. À cet égard, votre travail au niveau de l'Union européenne est à saluer. De plus, vous avez dit hier à juste titre que l'agriculture ne doit plus être la variable d'ajustement de l'OMC. Ce n'est en effet pas la peine de se soumettre à des contraintes pour une démarche de qualité si elles ne s'appliquent pas dans d'autres pays. Sur ce point aussi, je vous fais confiance.
Je tiens enfin, monsieur le ministre, à vous faire part de mon soutien pour répondre à ces différents enjeux, tous importants pour notre agriculture, de mon soutien pour la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, et surtout à vous remercier pour votre engagement et votre conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde agricole n'est pas épargné par la crise économique conjoncturelle qui sévit, les agriculteurs voient s'effondrer leurs revenus et perdent également peu à peu leur dignité. Si leur situation est souvent incomprise du grand public, qui a tendance à stigmatiser une profession à qui il reproche de vivre sur les aides de l'Europe, soulignons le sentiment de manque de considération ressenti par cette profession qui, rappelons-le, paie un lourd tribut en termes de suicides, tant la détresse est profonde. Longtemps évoquée comme un phénomène urbain, la précarité n'épargne ni le milieu rural ni la population agricole, sur le plan économique comme sur le plan social. La précarité peut certes passer plus inaperçue à la campagne, mais on y compte plus de 26 % de ménages pauvres, la consommation des agriculteurs est inférieure de 20 % en moyenne à celle des autres actifs et les minima sociaux, notamment l'allocation du fonds de solidarité vieillesse, y sont plus distribués qu'ailleurs.
Face à une perte globale de compétitivité de l'ensemble des filières françaises par rapport à celles des autres pays d'Europe, et alors que des différences notables existent entre les différentes professions, tant au niveau des productions que de leur commercialisation et des revenus qu'elles génèrent, face à un monde agricole qui s'est transformé au cours des vingt dernières années et qui est aujourd'hui confronté à une crise structurelle profonde, nous sommes amenés à moderniser la loi afin de donner aux agriculteurs les moyens de relever les défis de demain.
Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche vise à assurer la pérennité de ces deux secteurs et a notamment pour objectif de stabiliser le revenu des agriculteurs, tout en renforçant la compétitivité de l'agriculture française face à un marché ouvert sur le monde.
Rappelons tout d'abord que l'agriculture n'a pas échappé à la logique globale de développement de l'économie. Cette même logique a entraîné une concentration des exploitations et une amélioration des hauts revenus, qui restent cependant en faible nombre. Dans le même temps, les petits revenus subsistent, et représentent plus de 40 % de l'ensemble. L'enjeu d'un tel projet de loi réside donc dans la nécessité de rééquilibrer durablement l'agriculture française afin d'éviter les clivages au sein même de la profession tout en assurant aux agriculteurs un niveau de vie rémunérateur de leur travail. Là où les crises sectorielles se succèdent et s'ajoutent les unes aux autres depuis quelques années, c'est, pour l'avenir, un véritable capital-confiance qu'il faut redonner aux agriculteurs, et plus largement au monde agricole.
Alors que les producteurs laitiers, étranglés par la baisse des prix, ont exprimé leur désarroi lors des grèves du lait au dernier trimestre 2009, le revenu moyen des agriculteurs avait déjà baissé de 20 % en 2008, avant de chuter de 34 % en 2009. Malgré le plan d'urgence lancé par le Gouvernement, leur situation reste des plus précaires.
Je pense aussi à la situation des arboriculteurs, dont ceux du Val-de-Loir, dans ma circonscription sarthoise, qui emploient tout de même plus de 2 000 personnes : elle est tout aussi préoccupante, avec des variations brutales de prix et une concurrence forte des pays de l'hémisphère sud, qui n'ont pas les mêmes contraintes sociales, sanitaires et environnementales. Nous ne pourrons pas à terme nous dispenser d'une réflexion sur une taxation spécifique appliquée aux productions qui ne répondent pas aux mêmes exigences qu'en France.
Pour protéger l'agriculture de ces fluctuations erratiques, le projet de loi fait du contrat écrit la base des relations commerciales entre producteurs et acheteurs. Il doit permettre à l'agriculteur de connaître à l'avance les volumes de livraison et les prix, réajustant ainsi le rapport de forces entre les producteurs et la grande distribution. Toutefois, l'engagement de modération des marges signé récemment à l'Élysée ne concerne que la relation distributeurs-consommateurs. S'il est souhaitable que les agriculteurs puissent anticiper d'éventuels retournements du marché, dans une optique plus large de construction de filières durables et de moralisation du commerce, encore faut-il que les contrats fixent des prix justes.
De plus, la définition de la crise conjoncturelle, qui figure déjà dans le code rural, doit être adaptée pour prendre en compte les coûts de production, et non plus un prix de vente particulier par rapport à une moyenne de prix de vente qui ne peut être qu'inexorablement faible. Cette modification permettrait précisément de soutenir les producteurs de produits périssables, tels le lait, les fruits, les légumes, ou encore les champignons, filière souvent oubliée et qui souffre de la concurrence polonaise, notamment du cours du zloty.
Pour renforcer la compétitivité et mieux peser face à la grande distribution, la solution la plus pérenne semble la fusion d'organisations de producteurs. Or, dans la filière des fruits et légumes, seule une exploitation sur deux adhère à l'une des 285 organisations de producteurs, ce qui fragilise grandement les négociations avec les centrales d'achat. Ce sont bien les interprofessions qu'il faut renforcer afin de rendre possible le dialogue et la prise de décision entre tous les acteurs d'un secteur. Il ne faut plus de filières insuffisamment structurées, prises au dépourvu lors des crises.
Par ailleurs, si la suppression des remises, rabais et ristournes dont les distributeurs bénéficient pour l'achat de fruits et de légumes constitue une véritable avancée, le cadre juridique commun à tous les producteurs de frais, qui interdit la vente à perte tout en tolérant la revente à perte, doit être révisé.
Enfin, je souhaite évoquer un dernier point : les missions d'accompagnement à l'installation des jeunes agriculteurs et la transmission d'entreprises agricoles. Je voudrais être assurée que le transfert de compétence dans certains départements entre les ADASEA – les associations ou organismes départementaux pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles – et les chambres d'agriculture sera accompagné du transfert intégral des financements, et que les évolutions se feront de façon progressive, en concertation, et dans le respect de l'entité « jeunes agriculteurs ».
Certes, le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche propose des avancées significatives pour doter la France de moyens lui permettant de faire face à la compétitivité et à la concurrence internationales, mais n'oublions pas que l'avenir des agriculteurs dépend aussi de la politique agricole européenne. À cet égard, je salue à mon tour votre travail, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, qui sera le dernier orateur de cette séance.
Monsieur le ministre, vous êtes le meilleur connaisseur des rouages de l'administration européenne. Et c'est notre chance. Il y a des ministres de l'agriculture qui font un tour à Bruxelles, critiquent, condamnent et s'en vont. Il y en a qui entrent dans les dossiers, négocient pas à pas avec les services de la Commission, avec les autres ministres de l'agriculture, et finissent par rapporter des solutions satisfaisantes, non seulement pour l'agriculture française mais aussi pour l'agriculture européenne dans son ensemble. J'ai suivi vos efforts lors de la réunion des ministres de l'agriculture en Espagne. Plus encore, j'ai suivi votre action pour convaincre le commissaire à l'agriculture de s'engager dans une action qui complète notre loi, et vous y avez réussi.
Pierre Méhaignerie a dit tout à l'heure : « Une loi de plus ! ». Ce serait vrai si celle-ci ne débouchait pas demain sur une réforme plus importante de la politique agricole commune. Sans doute l'élément essentiel est-il l'article 3 : les contrats écrits, négociés, entre les producteurs et les industriels. Mais de tels contrats n'ont de chance d'atteindre les objectifs fixés que s'ils se fondent sur une évolution du droit européen de la concurrence. À cet égard, vous avez réussi à créer un groupe de haut niveau qui va proposer comme solution d'ensemble la modification inscrite dans le projet de loi à l'article 3. Ainsi, demain, le droit européen de la concurrence et la politique agricole commune se fonderont sans doute très largement sur les dispositions que nous allons voter et sur l'action que vous conduisez.
Vous l'avez dit hier à cette tribune : qui aurait pensé, il y a quelques mois encore, que nous puissions discuter à Bruxelles de la régulation ? C'était un mot tabou, un mot écarté.
J'ai parlé au passé, mon cher collègue. Aujourd'hui, l'idée de régulation est dans toutes les discussions et fait l'objet d'un accord assez large. Nous devons vous en remercier, monsieur le ministre.
Votre action tend à donner aux agriculteurs la dimension financière qu'ils n'ont pas, et qui seule peut leur permettre de traiter à armes à peu près égales avec les industriels. C'est l'un des objets majeurs de votre politique.
Mon premier ministre de l'agriculture était Edgar Faure. Je fus son conseiller technique il y a plus de quarante ans. Edgar Faure répétait chaque jour : « La survie en agriculture, c'est l'organisation. » Essayons de faire une meilleure organisation, et nous gérerons la survie de notre agriculture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma