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Intervention de Marie-Lou Marcel

Réunion du 30 juin 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Lou Marcel :

Nous examinons le premier texte de cette législature portant sur le monde agricole – la loi d'orientation agricole de 2006 avait été votée par la précédente assemblée.

Il convient de ne pas séparer ce projet de loi de son contexte. Si la loi de modernisation agricole a été adoptée en conseil des ministres au début de l'année 2010, il faut rappeler que, depuis, il y a eu les élections régionales, au cours desquelles la majorité a été désavouée par le monde agricole.

Ce texte tente de ménager la chèvre et le chou en voulant à la fois encourager une agriculture d'entreprise à visée exportatrice et orienter l'agriculture vers les attentes des consommateurs. C'est finalement un texte sans réelle ambition qui essaie, si j'ose dire, de recoller les morceaux avec le monde agricole, et notamment avec un monde syndical particulièrement désorienté par les diverses mesures prises depuis trois ans par le Gouvernement.

Vous espérez ainsi renouer avec un électorat qui a fait défaut à l'actuelle majorité. Mais je ne suis pas convaincue que ce projet de loi suffira à lever les craintes, bien légitimes, de nos agriculteurs.

Car ils ne sont pas dupes. En effet, ce texte qui cherche aujourd'hui à les apaiser vient après toute une série de textes et de mesures qui ont fait naître, ou attisé, les angoisses : la loi d'orientation de 2006, qui obéissait à une vision exportatrice de l'agriculture ; la loi de modernisation de l'économie de 2008, qui a permis à la grande distribution d'imposer aux exploitants des prix toujours plus bas ; la remise en question en 2008, par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de la recommandation nationale d'évolution du prix du lait diffusée par l'interprofession laitière, qui a contribué à déstabiliser gravement la filière ; le bilan de santé de la PAC, qui a entériné la disparition des quotas ; les lois de finances successives, qui n'accordent jamais de moyens financiers et humains suffisants.

Ce projet de loi s'inscrit en outre dans un contexte de mondialisation accrue des échanges. Et si vous esquissez un geste vers une régulation des marchés, vous n'en êtes resté qu'au stade des intentions.

Par bien des aspects et dans bien des articles, votre texte entre en contradiction, parfois flagrante, avec une apparente bonne volonté.

C'est, je crois, un texte d'attente de la nouvelle PAC, dont les grandes lignes nous seront connues en fin d'année. Il ne résoudra pas les problèmes de l'agriculture française d'aujourd'hui ; il ne s'intéresse ni au développement de l'agriculture biologique, ni au développement des circuits courts, ni à la promotion des signes officiels de qualité, ni aux problèmes d'installation des jeunes agriculteurs.

Comme l'a écrit un organisme de presse agricole à l'issue des travaux préparatoires de ce projet de loi : « beaucoup de bruit pour pas grand-chose ».

Dans la version actuelle du texte, il y a aussi des mesures qui inquiètent. Ainsi, la compétitivité de l'agriculture, via la contractualisation, pierre angulaire de votre projet, repose sur un objectif de prix bas et non sur celui de prix rémunérateurs ; il n'est toujours pas prévu que les contrats garantissent aux producteurs un prix couvrant au moins leurs coûts de production, rémunération du travail comprise.

Que dire également du système tendant à imposer la souscription d'assurances privées par les agriculteurs ? Que dire de l'absence de révision de la représentativité syndicale au sein des organisations de producteurs et du statut de l'entrepreneur individuel ?

La région Midi-Pyrénées, dont je suis l'élue, est la première région française pour le nombre d'exploitations mais les revenus et rendements par exploitation y sont inférieurs à la moyenne nationale. Le secteur agroalimentaire y est, en outre, le deuxième secteur industriel par son chiffre d'affaires. Pour ce qui est du département dont je suis l'élue, l'Aveyron, on y dénombre plus de 9 200 exploitations, plus de 12 400 chefs d'exploitation et plus de 2 000 salariés, auxquels se rajoute toute l'industrie agroalimentaire. C'est dire tout le poids que pèse ce secteur dans la région et dans le département.

Mais l'Aveyron est aussi un département qui a été durement touché par toutes les crises sanitaires qui ont sévi depuis de nombreuses années et par la politique gouvernementale, qui a accentué la précarisation des petits exploitants.

Il représente la quintessence des crises que traverse le monde agricole. Situé en zone de montagne, ce département, qui accueille de petites exploitations d'élevage bovin et ovin et de production de lait, a subi la crise dite de la vache folle, l'épizootie de fièvre catarrhale, la chute de 30 % du cours du lait. C'est un département où les demandes de RSA ne cessent d'augmenter : 252 en 2009.

C'est peut-être la raison pour laquelle le Président de la République a choisi de s'y rendre ce jeudi afin d'y rencontrer le monde agricole. Mais je me pose quelques questions : pourquoi avoir attendu si longtemps pour découvrir les problèmes du monde agricole dans nos territoires ruraux ? Pourquoi une visite présidentielle au moment de l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale ?

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