Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1945, au sortir de la guerre, la carte de rationnement faisait partie de la vie quotidienne des Français. Lait, céréales, viandes, nous manquions de tout. Vingt-cinq ans plus tard, la balance commerciale de la France devenait excédentaire et aujourd'hui, en 2010, notre pays est l'une des grandes puissances agricoles mondiales.
Pourtant, cette agriculture performante, cette agriculture exportatrice, traverse une crise sans précédent, une crise à la fois économique et morale. Économique, car les agriculteurs constituent la catégorie sociale qui a vu ses revenus chuter le plus fortement dans la période récente : de 20 % à 30 % de revenus en moins ! Autrement dit, un agriculteur sur neuf a déjà déposé un dossier de RSA, et ce chiffre est en pleine explosion !
C'est aussi une crise morale, car dans une société de plus en plus urbaine, le mot « agriculteur » est désormais chargé de connotations négatives. Le mot « paysan » lui-même est devenu péjoratif, alors qu'il s'agit selon moi d'un des plus beaux mots de la langue française. Dans « paysan », il y a l'idée de faire un pays, de le porter, de le façonner.