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Intervention de Yannick Favennec

Réunion du 30 juin 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a moins de cinq ans, nous adoptions la loi d'orientation agricole pour donner à notre agriculture de nouveaux instruments de développement, mais nous n'imaginions pas alors que le monde agricole connaîtrait tant de bouleversements en quelques années.

Notre agriculture doit faire face à une crise extrêmement grave qu'aucun autre secteur de l'économie ne connaît. Après une première baisse de revenu de 23 % en 2008, les exploitants en ont enregistré une de 32 % en 2009 et la quasi-totalité des productions est aujourd'hui en crise. Un responsable du Crédit Agricole notait récemment que les crédits de trésorerie ont augmenté de 200 % en 2009, grâce aux plans d'aide gouvernementaux. Ceux réservés à l'investissement et à l'installation ont, en revanche, lourdement chuté. La situation des producteurs de lait s'améliore un peu, en 2010, à la faveur d'un meilleur prix du lait et d'une baisse des produits qu'ils achètent, comme l'aliment ou les engrais, due en partie à la baisse de l'euro. Dans ma région des Pays-de-la-Loire, elle est cependant contrariée par une sécheresse printanière persistante. Par ailleurs, les éleveurs porcins, déjà lourdement endettés, vont devoir investir pour se conformer à la directive sur le bien-être animal.

Mais, derrière ces chiffres et ces moyennes, il y a surtout des femmes, des hommes et des familles. Ainsi, au 31 décembre 2009, la MSA recensait 35 000 bénéficiaires de mesures de solidarité, dont près de 26 000 salariés et 9215 exploitants agricoles.

Pour faire face à cette crise, le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, n'êtes pas restés, et loin de là, les bras croisés : le plan de soutien exceptionnel à l'agriculture a permis d'injecter plus de 1,6 milliard d'euros dans les exploitations, selon un bilan établi le mois dernier par notre collègue Nicolas Forissier, médiateur national pour le plan de soutien.

Aujourd'hui, nos agriculteurs doivent comprendre que, si nous sommes mobilisés, si nous voulons mettre en place des outils pour leur assurer un meilleur revenu, une meilleure sécurité, c'est parce qu'ils rendent un grand service à la nation ! Sans agriculture – l'élu de la Mayenne que je suis le sait bien ! –, il n'y a aucune possibilité de vie dans l'espace rural. Si l'on veut lutter contre la désertification, si l'on veut réussir la cohésion territoriale, devenue désormais un objectif européen avec le traité de Lisbonne, nous avons d'abord besoin d'agriculture, d'exploitations à taille humaine qui maintiennent la vie dans nos territoires ruraux. Sans une agriculture vivante, nous n'aurons ni cohésion territoriale ni aménagement équilibré et harmonieux du territoire.

Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche est, par conséquent, marqué par un double impératif : à court terme, répondre à l'urgence de la crise agricole ; à moyen terme, préparer notre agriculture aux changements prévisibles de la politique agricole commune après 2013. Bien sûr, cette loi n'est pas une baguette magique qui résoudra d'un seul coup l'ensemble des problèmes de la filière agricole. Aucune loi nationale concernant l'agriculture ne saurait l'être, d'ailleurs.

Il faut juger le texte que vous nous soumettez pour ce qu'il est : une boîte à outils qui permettra de mettre en place des instruments utiles. Toutes les mesures proposées vont dans le bon sens : le rééquilibrage des forces par une meilleure organisation des producteurs, la restructuration des marchés et l'organisation des filières.

En revanche, si le texte que nous examinons aujourd'hui doit permettre, grâce aux mesures proposées, une amélioration des revenus des agriculteurs, il ne comporte aucune disposition en faveur de leurs retraites. Or la prochaine réforme des retraites leur inspire des inquiétudes. Leurs pensions sont en moyenne inférieures de 30 % à celles des salariés du régime général. Ainsi, un exploitant agricole ayant une carrière complète touche, en moyenne, une retraite de base de 700 euros et son conjoint de 450 euros. La faiblesse de ces montants découle principalement du niveau peu élevé des revenus agricoles : 70 % des agriculteurs perçoivent, en effet, un revenu inférieur au SMIC. De plus, leurs pensions sont calculées en fonction non des vingt-cinq meilleures années, comme c'est le cas dans le régime général, mais de l'ensemble de leur carrière. Sur ce point, vous avez récemment indiqué que le Gouvernement était prêt à examiner le calcul de la pension agricole sur la base des vingt-cinq meilleures années, et je m'en réjouis. Il faut prendre en compte cette revendication exprimée par les exploitants agricoles. Adosser le régime des retraites agricoles à celui du régime général représenterait une mesure de justice et d'équité envers les agriculteurs.

Vous avez, monsieur le ministre, annoncé que vous alliez poursuivre la revalorisation des retraites agricoles engagée, notamment pour les conjoints, en 2009 et 2010, et le projet présenté par Éric Woerth répond à certaines de leurs préoccupations. Je pense, en particulier, à la situation des conjoints, puisque le projet supprime la condition de délai pour ouvrir un droit à pension. Cette condition pénalise les femmes d'agriculteur qui se retrouvent dans une situation inacceptable.

En ce qui concerne la reprise sur succession, qui fait peur à bon nombre d'exploitants agricoles, si bien qu'ils renoncent à bénéficier de la retraite agricole minimale, le Gouvernement envisage d'exclure de la reprise sur succession l'ensemble des bâtiments et des terres agricoles, de façon que chaque agriculteur puisse ouvrir son droit au minimum vieillesse. C'est une excellente mesure.

Toutes ces dispositions vont dans le bon sens, mais je souhaite qu'à défaut d'être réglée dans ce texte, la situation des petites retraites agricoles fasse l'objet d'une attention toute particulière dans le projet de loi de réforme des retraites que nous examinerons à la rentrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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