Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Comment comprendre que ceux qui sont chargés de nous nourrir peinent, paradoxalement, à assurer leur propre subsistance ? Comment comprendre que le regard que la société française porte sur la main qui la nourrit ait à ce point changé ? Maintes explications pourraient sans doute être avancées. Je me contenterai d'en citer rapidement deux.
Tout d'abord, nos agriculteurs n'ont pas perçu à temps l'importance du combat à mener pour être bien placés dans la chaîne de valeur, et se sont laissés déposséder de leur plus-value. Alors que le prix final des produits alimentaires vendus en grande surface augmente, le revenu des agriculteurs, lui, baisse. Pourquoi un tel paradoxe ? Parce que la production agricole de base est devenue une simple variable d'ajustement. Par conséquent, si notre ambition est de maintenir en France des agriculteurs vivant de leur production, il faut mieux partager la valeur.
La seconde explication réside dans l'entrée de l'agriculture dans la mondialisation, qui se traduit par des phénomènes qui peuvent donner le tournis. Songez, mes chers collègues, que nous évoluons vers une agriculture mondiale que nous pourrions qualifier d'« offshore » !
J'en donnerai deux exemples, à commencer par celui de la Chine. Cet État, qui représente 25 % de la population mondiale, ne dispose que de 9 % de terres arables sur son territoire. Devant ce grave problème malthusien, la Chine a loué, ces dernières années, plus de deux millions d'hectares sur le continent africain, soit l'équivalent d'un pays comme la Slovénie ! La Chine est tout simplement en train d'externaliser géographiquement sa production agricole et de pratiquer une nouvelle forme de colonisation.