La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Un accident dramatique, survenu hier matin sur une route de l'Isère, a coûté la vie à vingt-six pèlerins polonais. Je suis sûre d'être l'interprète de la représentation nationale unanime en adressant aux familles des victimes et au peuple polonais le témoignage de notre profonde sympathie.
En hommage à leur mémoire, je vous invite à nous recueillir quelques instants. (Mmes et MM. les parlementaires, ainsi que Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, se lèvent et observent quelques instants de silence.)
J'informe l'Assemblée que M. le président a pris acte de la cessation, le 19 juillet 2007, à minuit, du mandat des dix-sept membres du Gouvernement qui étaient devenus députés le 20 juin 2007.
M. le président a reçu en application des articles L.O. 176–1 et L.O.179 du code électoral, une communication de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, l'informant de leur remplacement.
M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement m'a fait connaître que l'ordre du jour prioritaire était ainsi modifié :
L'examen du texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive aura lieu le jeudi 26 juillet, à quinze heures ;
Par ailleurs, la séance du mardi 31 juillet au matin est supprimée.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je tiens en préambule à rendre hommage aux travaux de cette assemblée qui ont inspiré le projet de loi sur les libertés et les responsabilités des universités que j'ai aujourd'hui l'honneur de vous présenter.
Je pense d'abord aux rapports qui, en 2006, ont contribué à l'élaboration du Pacte pour la recherche sous l'impulsion de mon prédécesseur, François Goulard, et de Jean-Michel Dubernard, alors président de la commission des affaires culturelles, avec une mention particulière pour celui de la mission d'information sur la recherche publique et privée en France face au défi international que Jean-Pierre Door présida, et à laquelle participèrent de nombreux collègues qui sont aujourd'hui à nouveau présents dans cet hémicycle pour débattre de questions qu'ils savent décisives pour l'avenir de notre pays et que je tiens à saluer : je vois Pierre Lasbordes, Pierre Cohen, Yvan Lachaud, Jean-Yves Le Déaut, Gaëtan Gorce, Jacques Domergue.
Je pense ensuite à l'ambitieux rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances sur la gouvernance des universités, signé de Michel Bouvard et Alain Clayes, dont les préconisations trouvent une concrétisation directe dans le texte qui vous est aujourd'hui présenté.
Je veux remercier le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Pierre Méhaignerie, le rapporteur du projet de loi, M. Benoist Apparu, ainsi que l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles et des députés, de la majorité comme de l'opposition, d'avoir accepté de travailler dans des délais particulièrement resserrés, délais qui nous étaient dictés par l'urgence même d'une réforme attendue et espérée de tous. Je leur sais gré de la qualité des relations que nous avons nouées et des discussions que nous avons eues au cours de ces dernières semaines. Elles permettront, j'en suis certaine, d'enrichir, de préciser et d'améliorer encore ce projet de loi.
Nous devons favoriser l'avènement d'universités puissantes et autonomes, appelées à jouer un rôle central dans la formation des élites et dans l'effort de recherche. L'autonomie des universités est la clef de voûte de la réforme de notre système d'enseignement supérieur. Ainsi s'exprimait Nicolas Sarkozy dans son livre Témoignage.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le texte que j'ai l'honneur de vous présenter est le fruit d'une volonté politique longtemps réfléchie et mûrie qui arrive aujourd'hui à son terme. C'est pourquoi la réforme de notre système public d'enseignement supérieur et de recherche figure à la première page de l'agenda du Gouvernement de François Fillon.
Mais pour réussir cette réforme globale, la nation doit d'abord renouveler le pacte de confiance et d'exigence qui la lie à l'Université depuis plus de huit siècles.
Car le destin de notre nation est intimement lié à celui de ses universités. L'Église les créa, les rois les confortèrent, la Révolution leur adjoignit les Grandes écoles, l'Empire les refonda, la IIIe République fit d'elles ce qu'elles sont encore aujourd'hui : des temples républicains du savoir, où chaque jeune, quelle que soit son origine sociale, peut venir apprendre tout ce qui fera de lui un homme ou une femme libre, un esprit éclairé.
Madame la présidente, je pense particulièrement à celui qui occupa longtemps votre siège, Édouard Herriot, ce boursier qui, grâce à son travail, à son talent et aux écoles et universités de cette république, fut tour à tour, normalien, agrégé, docteur, maire de Lyon, Président du Conseil, puis de l'Assemblée nationale et enfin académicien peu après son retour de déportation.
C'est à cette histoire pleine de destins exemplaires que nous devons aujourd'hui être fidèles en osant refonder l'université française.
La nouvelle université.
Une université qui dispose de toutes les armes nécessaires pour affronter la compétition mondiale de l'intelligence ;
Une université qui s'adapte aux besoins de notre société en s'ancrant fermement dans son territoire, sans cesser pour autant de s'ouvrir au monde ;
Une université qui mobilise chaque membre de la communauté universitaire autour d'un projet d'établissement clair et ambitieux ;
Une université qui offre à chaque étudiant une formation de qualité et de vraies perspectives professionnelles.
C'est cette université qui nous permettra de relever les deux défis auquel notre nation doit faire face : élever le niveau de qualification des nouvelles générations ; structurer des réseaux de recherche de niveau international.
Ces défis, nous allons les relever au plus vite, car la bataille pour conserver en France nos emplois, nos centres de décision et nos structures de recherche est d'ores et déjà lancée.
« Aujourd'hui la bataille se joue sur le terrain de l'esprit ! » nous dit Edgar Morin. Eh bien ! cette bataille, c'est dans nos universités que nous la gagnerons et c'est là aussi que nous pouvons la perdre si nous n'agissons pas au plus vite.
L'urgence appelle l'audace. Nul ne peut reprocher au Gouvernement de mener la réforme tambour battant, nul ne peut me reprocher de vouloir y jeter toutes les forces qui aujourd'hui se rassemblent pour avancer.
Je n'ignore pas que la réforme de l'université est difficile et périlleuse : depuis vingt ans, tous mes prédécesseurs, de droite comme de gauche, l'ont voulue ou l'ont tentée, convaincus qu'ils étaient de son caractère incontournable.
Mais aujourd'hui, je le dis avec une certaine gravité en m'adressant à tous les bancs de cet hémicycle, nous n'avons plus le droit d'échouer. Se contenter du statu quo ou céder au renoncement serait irresponsable. Je dirais même coupable.
Et d'abord envers nos étudiants.
Mal orientés, mal encadrés, trop nombreux à décrocher, trop nombreux à ne pas trouver d'emploi à la fin de leurs études, c'est pour eux d'abord que nous devons agir.
Notre université est riche d'un million et demi d'étudiants. Et pourtant, un tiers seulement d'entre eux a réellement choisi d'être là. Les autres, c'est-à-dire l'immense majorité, se retrouvent à l'université, faute d'avoir été admis en section de technicien supérieur, en institut universitaire technologique ou en classe préparatoire. Pour beaucoup de ceux-là, l'échec est prévisible dès la première année. Ils sont ainsi 90 000 à quitter chaque année l'université sans diplôme.
Décidément, ne rien faire, ne pas réagir, ce serait insulter l'avenir. L'avenir de notre jeunesse qui nous a dit clairement l'année dernière combien elle avait besoin de respect, de justice et tout simplement de sens. L'avenir de notre pays tout entier, qui risque un véritable déclassement dans la bataille mondiale de l'intelligence qui se livre désormais.
Dans le dernier et sans doute trop célèbre classement de Shanghai, la première université française, l'université Pierre et Marie Curie, occupe seulement la quarante-cinquième place.
Je sais bien, tous ces classements sont sujets à caution. Leurs défauts sont nombreux. Eh bien ! Que les Européens se donnent les moyens d'en élaborer d'autres ! Pourquoi ne pas en faire un des objectifs de la présidence française de l'Union européenne en 2008 ?
Pour autant, ne nous voilons pas la face. Mesdames et messieurs les députés, écoutons le général de Gaulle, qui aimait à dire « qu'il n'y a de réussite qu'à partir de la vérité ». Or, la vérité, c'est que la France attire encore bien trop peu d'étudiants venus des pays qui, demain, seront au coeur de la croissance mondiale. La vérité, c'est que de plus en plus de jeunes chercheurs quittent nos universités pour en rejoindre d'autres, mais à l'étranger. La vérité, c'est que la France connaît une dégradation sensible de l'attractivité internationale de ses universités et de la visibilité de ses travaux de recherche.
Dans ce contexte alarmant, le Pacte pour la recherche adopté l'an dernier par le Parlement, sous l'impulsion de François Goulard, que je salue, a posé les premières fondations du redressement scientifique de notre pays.
Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur permettent désormais la mise en commun de nos forces scientifiques ; une Agence de l'évaluation de la recherche de niveau international est née, elle sera pleinement opérationnelle dans les semaines à venir ; l'Agence nationale pour la recherche a été confortée ; des réseaux thématiques de recherche avancée voient le jour qui, sur un projet scientifique commun, font vivre ensemble des équipes d'excellence venues des universités, des organismes mais aussi de partenaires publics et privés.
Aujourd'hui, il faut aller encore plus loin et lever les derniers freins sur lesquels toute une tradition d'excellence scientifique vient buter. Car la France, c'est quarante-sept hommes et femmes couronnés d'un prix Nobel, dont une femme d'exception, Marie Curie, qui le reçut par deux fois. La France, c'est neuf médailles Fields, et une réputation mondiale dans le domaine des mathématiques.
Mais, pour moderniser l'université, pour que vive notre excellence, il faudra désormais rompre. Rompre avec la complaisance d'abord. Il est temps de parler avec sincérité à notre jeunesse : ne plus faire croire aux étudiants et à leurs familles que l'égalité des chances, c'est le droit pour tous de tout faire et aussi longtemps que possible. Rompre avec l'indifférence ensuite : nous ne pouvons plus continuer à fermer les yeux sur une situation que chacun sait explosive.
L'État dépense chaque année 7 000 euros pour un étudiant, alors même qu'il investit 10 000 euros pour un lycéen. Nous sommes le seul pays de l'OCDE à présenter un tel déséquilibre dans ses engagements. Ce n'est pas un choix d'avenir, je le dis clairement. Nous avons laissé l'université devenir le parent pauvre de notre enseignement supérieur, parce que nous la jugions irréformable.
Or, l'avenir est à l'université. Tous nos efforts doivent s'y porter. Dans le respect du pacte solennel qui unit la nation à son université, la réforme que propose le Gouvernement fait le pari de la liberté et la responsabilité.
Liberté et responsabilité : les valeurs cardinales de notre université et les principes fondateurs de notre projet politique.
Rendre leur liberté aux universités, c'est leur confier des responsabilités qu'elles n'étaient pas en mesure d'assumer auparavant, faute d'avoir des structures capables de les exercer. C'est lever les pesanteurs devenues insupportables dans un monde où la réactivité est indispensable.
Permettez-moi juste de vous donner trois exemples, qui sont tellement parlants :
Élire le président d'une université suppose de réunir 140 personnes et de recourir parfois à vingt-trois tours de scrutin ;
Recruter un professeur peut prendre jusqu'à dix-huit mois ;
Un conseil d'administration d'université décide d'absolument tout, y compris de l'installation des parcmètres aux abords de l'université, alors qu'il devrait pouvoir se concentrer sur ses missions essentielles, c'est-à-dire le recrutement, les formations, la stratégie de recherche.
Conjuguer liberté et responsabilité au coeur d'une gouvernance rénovée, voilà la première condition du redressement de nos universités.
L'organisation de nos établissements sera plus rationnelle, plus fluide, plus transparente, et donc plus efficace.
La définition de la politique scientifique et de formation sera dévolue à un conseil d'administration à la fois resserré et plus largement ouvert sur le monde socio-économique et les collectivités locales.
Les pouvoirs de proposition du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire, sources d'incessantes navettes et tractations, sont supprimés. Ces deux conseils pourront désormais se consacrer pleinement à leur mission de soutien et d'éclairage de la politique d'établissement.
Avancée remarquable enfin : la mise en place, dans chaque université, d'un comité technique paritaire destiné à devenir le lieu privilégié du dialogue social, ce qui aura pour effet de désencombrer singulièrement les ordres du jour du conseil d'administration.
Cette clarification des rôles des différents conseils s'accompagne du renforcement de l'autorité et des compétences du président de l'université.
Légitimement élu, au sein ou à l'extérieur de l'établissement, il incarnera un projet et animera une équipe de direction cohérente, sous le contrôle du conseil d'administration. Il sera jugé sur ses résultats dans le cadre d'un mandat de quatre ans renouvelable une fois.
Un président, issu du monde universitaire ou de la recherche, qui se verra conférer un pouvoir dont dispose déjà un directeur d'IUT, celui de refuser par un avis défavorable motivé l'affectation de tout membre du personnel qui ne correspondrait pas au profil du poste.
Grâce à cette rénovation profonde de leur gouvernance, nos universités pourront enfin assumer des compétences nouvelles.
Conjuguer liberté et responsabilité au coeur d'une autonomie réelle, voilà la deuxième condition du redressement de nos universités.
Des universités autonomes, ce sont d'abord des universités qui maîtrisent leur recrutement, un recrutement à la fois rapide et adapté.
C'est pourquoi, dès son entrée en vigueur, la loi permettra aux établissements de raccourcir les délais de recrutement de leurs enseignants-chercheurs. C'est ainsi que nos universités pourront garder, attirer et retenir les meilleurs.
Dans le respect du principe constitutionnel de l'indépendance des professeurs et du statut de la fonction publique, des comités de sélection ad hoc seront donc créés à cette fin dans les universités, sous le contrôle du conseil scientifique de l'établissement. Mais un recrutement autonome, rapide et adapté, ce n'est pas un recrutement qui cède à la tentation du « localisme » : ces conseils comprendront donc nécessairement une moitié de membres extérieurs.
D'ici à cinq ans, toutes les universités devront progressivement atteindre le stade ultime de leur autonomie, en obtenant la maîtrise pleine et entière de leur budget et la gestion de leurs ressources humaines.
Elles pourront ainsi faire appel à des contractuels français ou étrangers afin d'occuper des fonctions d'enseignants-chercheurs ou des emplois de catégorie A non pourvus dans l'université.
Selon des règles générales fixées par le conseil d'administration, le président mènera une véritable politique de primes et d'intéressement. Il pourra aussi moduler les obligations de service des enseignants-chercheurs en fonction de leurs parcours professionnels et des besoins de l'université. Doivent-ils pouvoir consacrer plus de temps à la recherche ? Faut-il au contraire qu'ils enseignent davantage ? Peuvent-ils s'impliquer plus encore dans l'administration de l'établissement ou dans le suivi pédagogique des étudiants ? Voilà des questions que, faute d'autonomie, on ne pouvait jusqu'ici même pas poser.
Cette souplesse d'organisation du travail est indispensable à la mise en oeuvre d'une véritable stratégie d'établissement. Elle exige bien sûr une évaluation rigoureuse.
Enfin, aux universités qui le souhaitent et à elles seules, l'État transférera la pleine propriété de leurs biens immobiliers. Elles pourront ainsi en faire le meilleur usage.
Vous le voyez, le Gouvernement veut des universités ouvertes et dynamiques. Et une université ouverte, c'est aussi une université riche des relations qu'elle entretient avec de nombreux partenaires publics et privés. Nous avions proposé que des fondations universitaires, reconnues par nature d'utilité publique, puissent être créées, sans personnalité morale. Le Sénat a renforcé notre ambition, en permettant aux universités de créer également des fondations partenariales.
A mes yeux désormais, tous les fonds disponibles, qu'ils proviennent d'anciens élèves, de généreux donateurs, de collectivités publiques ou d'entreprises privées, doivent être dirigés vers le nouvel horizon du XXIe siècle : l'élévation du niveau de connaissances de nos enfants.
Cette autonomie, le Gouvernement l'a voulue d'abord pour nos universités, qui en ont un besoin vital. Mais je reconnais comme parfaitement légitime que d'autres établissements d'enseignement supérieur puissent en bénéficier s'ils le souhaitent. Je pense, par exemple, aux Écoles normales supérieures ou au Collège de France, à ces fleurons du paysage scientifique mondial qui sont d'ores et déjà candidats à l'autonomie. Je m'en félicite, car ils apportent ainsi la preuve que ce nouveau statut, que nous allons bâtir ensemble, est le plus adapté aux défis qui nous attendent.
Mesdames, messieurs les députés, je mesure la portée du projet de loi que je vous soumets aujourd'hui. C'est une véritable révolution culturelle que les universités s'apprêtent à accomplir. Mais elles ne seront pas seules. Elles auront à leurs côtés un État plus déterminé et investi que jamais, aux côtés de son enseignement supérieur.
Un État garant de l'égalité entre étudiants, entre territoires et entre établissements.
Le caractère national des diplômes habilité par l'État, la définition par ce dernier du montant annuel des droits d'inscription, le rôle dévolu au recteur en matière de contrôle de légalité : tout cela constitue l'armature d'un service public fidèle à ses valeurs originelles.
Un État garant, et un État partenaire.
Ainsi, les universités bénéficieront d'audits d'organisation ; des formations seront offertes à leur personnel et un état du patrimoine immobilier leur sera fourni.
Chaque année, un comité de suivi évaluera la mise en oeuvre de la réforme et accompagnera les universités dans chacune des étapes de l'autonomie. Car notre ambition est simple : permettre à toutes les universités d'atteindre dans un délai de cinq ans l'ensemble des objectifs fixés par la loi.
Dans ce cadre, le renforcement de l'évaluation au travers du contrat quadriennal d'objectifs et de moyens scellé entre l'État et chaque université est une exigence et un principe structurant de la réforme.
Ce projet de loi arme nos universités pour la bataille mondiale du savoir. L'État doit maintenant renforcer le nerf de cette guerre pacifique, mais acharnée.
C'est la volonté du Premier ministre qui a annoncé dans son discours de politique générale un effort sans précédent en faveur des universités. En cinq ans, ce sont 5 milliards d'euros supplémentaires qui leur seront consacrés.
Cette promesse est à la hauteur des choix stratégiques d'une nation qui veut s'investir pleinement dans l'économie de la connaissance, et c'est bien notre intention. Avec l'autonomie des universités, nous bâtissons le socle sur lequel s'appuiera la nouvelle université.
Et sur ce socle, nous allons refonder notre service public d'enseignement supérieur en nous donnant cinq priorités, en ouvrant cinq chantiers, cinq chantiers pour changer l'université :
Conduire une véritable stratégie pluriannuelle d'amélioration des conditions de vie étudiante ;
Rénover les carrières des personnels ;
Offrir à la communauté universitaire des campus dignes d'un grand pays développé ;
Soutenir nos jeunes chercheurs, qui sont la force vive de la science française ;
Enfin, faire réussir nos étudiants en licence.
La réussite de nos étudiants doit être notre première obligation. La lutte contre l'échec, notre unique motivation.
Tout notre programme de réformes, tout notre projet de loi concourent à la réalisation de ces objectifs.
Réussir ses études, s'épanouir à l'université, c'est faire avancer l'université tout entière, c'est lui rendre sa fierté, redonner sens à ses missions.
Alors, oui, en cinquante ans, nos élèves ont beaucoup changé ! Et les universités d'aujourd'hui doivent se donner les moyens de s'adapter à des publics plus hétérogènes, scolairement moins solides et moins autonomes.
Disons-le honnêtement, le libre accès à l'université n'offre qu'une égalité de façade pour un certain nombre de jeunes qui sont durement sélectionnés par l'échec, parfois au bout de quelques mois seulement !
Devant cette somme insupportable de rêves brisés, qui pèse lourdement sur le moral de la communauté universitaire, il y a, c'est vrai, une solution qui, à première vue, paraît assez simple : écarter les bacheliers les plus fragiles, « sélectionner ». Mot magique pour certains, mot tabou pour d'autres ; en tout cas, pour moi, il n'a pas sa place à l'entrée de l'université.
Le Gouvernement n'a pas fait le choix de la sélection, je voudrais m'en expliquer un instant devant la représentation nationale.
Nous n'avons pas fait le choix de la sélection d'abord par fidélité à nos valeurs ! Renoncer aux étudiants dans leur diversité, c'est renoncer à une part de notre ambition républicaine. L'université est aujourd'hui le principal ascenseur social de ce pays. Je n'ai pas l'intention d'en faire descendre les plus fragiles, ceux à qui l'on n'aurait pas su donner le temps de la réussite ni les moyens pour la conquérir.
La France a besoin d'une élite qui lui ressemble. Eh bien, qui mieux que l'université peut aujourd'hui répondre à cette exigence ? Et si elle ne le fait pas, qui le fera ?
La France de la diversité, mesdames, messieurs les députés, c'est la France de l'université. Soyons fiers de cela et sachons préserver cette richesse !
Mais si nous n'avons pas fait le choix de la sélection, c'est aussi par réalisme. Sélectionner à l'entrée de l'université, ce serait aggraver notre retard sur les objectifs européens de Lisbonne d'atteindre 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur d'ici à 2010. Nous en sommes bien loin. C'est pourtant une nécessité économique et sociale pour tous les pays développés.
Nous n'avons pas trop d'étudiants. Nous n'en avons pas assez.
Nous avons besoin d'étudiants plus nombreux et mieux formés aux métiers de l'avenir.
Que l'on me comprenne bien. J'ai tout à fait conscience que le parcours scolaire de certains bacheliers ne les prépare pas à une formation académique de haut niveau. En tout cas pas tous, et pas immédiatement !
Vous le savez, ce sont les étudiants issus des filières professionnelles et technologiques qui connaissent les plus graves difficultés, mais le pays a besoin de leur qualification autant que ces jeunes ont besoin de parcours diplômants pour réussir leur vie.
Pour relever ce double défi, pour qu'enfin dans ce pays, université rime avec succès, le Gouvernement s'engage.
Le Gouvernement s'engage, d'abord, dans l'accompagnement des étudiants les moins bien préparés à la poursuite d'études. Les bacheliers professionnels et technologiques ne trouvent pas aujourd'hui les places qui, naturellement, leur reviennent dans les instituts universitaires technologiques et dans les sections de techniciens supérieurs. Eh bien, de la place nous avons l'intention de leur en faire ! Nous développerons l'offre de formation en STS et en IUT en la repensant pour la rendre plus attractive et mieux adaptée aux nouvelles perspectives de l'emploi.
Ensuite, le Gouvernement s'engage dans une politique d'aide sociale aux étudiants plus ambitieuse et plus équitable – sur les bourses, sur le logement – sans laquelle toutes les innovations pédagogiques dont nos établissements sont capables resteront lettres mortes.
Les universités pourront s'appuyer sur les responsabilités et sur les libertés nouvelles que nous allons leur confier pour mieux accueillir, mieux former et mieux insérer leurs étudiants.
Le projet de loi instaure l'orientation et l'insertion professionnelle comme troisième mission de l'université. C'était indispensable !
Pour qu'un parcours universitaire ait un sens, aux yeux mêmes des étudiants, des enseignants, et bien sûr aux yeux des employeurs, il doit avoir un point de départ cohérent et un point d'arrivée prometteur. Pour les étudiants, cela veut dire une orientation pertinente et une insertion préparée.
Cette insertion préparée, les sénateurs du groupe socialiste eux-mêmes l'ont voulue en demandant que la loi rende obligatoire la présence d'un bureau de l'insertion professionnelle dans chaque université.
Mais quelles chances d'insertion pour tous ceux qui se trompent de route, trébuchent, se heurtent à des obstacles infranchissables ?
Il est plus que temps que les universités assument pleinement l'orientation de leurs étudiants, non seulement pour soutenir les plus fragiles, mais aussi pour conforter les meilleurs dans leurs choix, stimuler leur ambition, leur faire oser l'université.
C'est pourquoi une orientation pertinente, c'est d'abord une orientation active !
Dès la classe de seconde, les lycéens doivent être mieux informés et mieux accompagnés dans leurs parcours et dans leurs choix. C'est une évidence.
Et qui mieux que les membres de la communauté universitaire pourront présenter à ces élèves l'ensemble des formations et les guider dans le maquis des filières ?
Qui mieux que des étudiants expérimentés pourront accompagner les premiers pas de leurs cadets ?
Qui mieux que les universités elles-mêmes, dans le cadre de leur nouvelle autonomie, pourront se saisir de leur liberté pour bâtir un projet qualifiant dans chaque domaine de formation ?
Nous devons focaliser notre attention sur la formation initiale, sur la licence universitaire : non seulement la renforcer d'enseignements qui lui manquent aujourd'hui, des cours de méthode aux langues étrangères ; mais aussi l'assouplir avec des passerelles qui rendent les réorientations possibles ; et enfin l'ouvrir sur le monde socio-économique. Car, ne l'oublions pas, des formations plus proches du monde du travail, ce sont des étudiants plus proches de l'emploi.
C'est en faisant exister une licence digne de ce nom que, sereinement, nous pourrons faire du master et du doctorat les formations d'excellence réservées aux meilleurs et aux plus motivés des étudiants français et étrangers.
L'université doit être le lieu du mérite et des talents, le lieu de toutes les excellences possibles : celle des cadres dont la nation a besoin, celle des chercheurs de demain. Des jeunes chercheurs français qui seront attendus sur les campus du monde entier, mais qui auront envie de revenir en France, à l'université, pour y enseigner à leur tour.
C'est mon ambition pour elle ; c'est mon ambition pour la France.
Mesdames et messieurs les députés, je vous propose sans plus tarder de retourner la célèbre phrase de Max Weber qui disait : « la politique n'a pas sa place dans une université ! », en donnant maintenant toute sa place à l'université dans le débat républicain.
Je vous soumets aujourd'hui le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités des universités avec beaucoup de fierté, la fierté de porter devant vous l'ambition tout entière d'un peuple qui fait le pari de la connaissance et qui fait confiance à ses élus pour faire de ses rêves la réalité de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est àM. Benoist Apparu, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la fin des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix ont vu notre enseignement supérieur traversé par deux révolutions majeures : la massification et la mondialisation.
Depuis lors, nous avons, les uns et les autres, multiplié les rapports, les colloques et autres livres blancs qui ont tous fini dans des placards dont nous avons probablement perdu les clefs. Il ne nous aura manqué, aux uns comme aux autres, que le courage d'agir. Ce courage, le Président de la République le porte aujourd'hui.
Je suis convaincu que, sur l'ensemble des bancs de cet hémicycle, à droite comme à gauche, nous dressons un constat partagé sur l'enseignement supérieur français. Il suffit, pour s'en convaincre, de relire l'excellent rapport de Michel Bouvard et Alain Claeys, adopté, je le rappelle, à l'unanimité.
Notre objectif commun, c'est le pari de l'intelligence. Parier sur un pays qui, s'il veut rester mondialement compétitif, doit élever progressivement son niveau de compétence et de qualification, bref parier sur la progression du nombre de diplômés et l'augmentation de nos capacités de recherche, tel a été l'engagement du candidat Nicolas Sarkozy. En voici aujourd'hui une première concrétisation.
Aucun autre texte n'est aussi directement lié à la double ambition que porte le Président de la République : faire de l'égalité des chances, dont l'école et l'université sont des moteurs naturels, un levier de réussite, afin que notre jeunesse ne doute plus d'elle-même ni de son pays, et donner à la France les moyens de maîtriser la mondialisation, en faisant de ses universités des centres d'excellence où l'on crée des connaissances et où l'on sait les diffuser et les valoriser.
Rebâtir l'université française, c'est se donner des armes pour éloigner définitivement le spectre du chômage et pour peser sur le bouleversement de la hiérarchie économique du monde. Car la France ne pourra retrouver sa place dans le monde qu'en offrant une formation et un emploi adaptés à tous ses jeunes et qu'en appuyant sa croissance économique sur un nombre suffisant d'innovations.
C'est pourquoi il faut réformer l'université française : c'est une question de survie, qui doit être traitée de façon stratégique. Et cette tâche est d'autant plus urgente que le monde va vite et que nos universités sont, à l'heure actuelle, les plus mal préparées pour affronter les règles du jeu de la mondialisation et de la nouvelle économie.
Le constat sur la crise des moyens de l'université est connu. Nous avons fait le choix de dépenser beaucoup dans le secondaire et de délaisser par conséquent nos universités. Mme la ministre vient de le rappeler : la France consacre 6 700 euros de financement public par étudiant, contre 10 700 euros par lycéen.
Certes, tel ou tel ne manquera pas de nous faire observer qu'il eût fallu un collectif budgétaire pour donner immédiatement à l'université les moyens de se réformer. (« Évidemment ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Certains nous assureront même qu'ils auraient volontiers voté ce texte s'il était accompagné des moyens budgétaires pour sa mise en oeuvre.
C'est oublier un peu vite l'annonce faite par le Premier ministre qu'un milliard d'euros supplémentaire sera consacré chaque année, d'ici à 2012, à l'enseignement supérieur.
…au moment même où le texte que nous examinons sera mis en oeuvre. Cet effort budgétaire historique, qui permet d'augmenter le budget de 50 %,…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais non !
…constitue la preuve indiscutable que l'université française est une priorité du Président de la République et du Gouvernement.
Bien entendu, nous resterons vigilants pour que cet engagement soit tenu, mais il ne suffira pas à remettre l'université française sur les rails de l'excellence.
En effet, cette crise ne peut être perçue sous le seul angle des moyens financiers. Elle est beaucoup plus profonde et il faut avoir l'honnêteté de reconnaître qu'injecter de l'argent public dans un système qui ne marche pas est contre-productif. (« Comment pouvez-vous parler de l'université en ces termes ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Notre système est émietté, divisé entre trois types d'enseignement supérieur. Nos élites sont formées à bac plus cinq quand les élites mondiales le sont à bac plus huit. Nos universités sont trop petites et morcelées ; nos grandes écoles sont isolées et incapables de participer à la compétition mondiale.
La sélection, dont personne ne veut débattre, est omniprésente, et l'absence d'orientation conduit des milliers de jeunes à se fourvoyer dans des études pour lesquelles ils ne sont pas préparés ou qui n'offrent pas de débouchés professionnels. Enfin, les élites se reproduisent et l'égalité des chances n'est plus qu'un slogan pour se donner bonne conscience.
Alors, on nous dira que le texte ne traite pas toutes ces questions. C'est juste, mais, là encore, c'est oublier les chantiers que la ministre vient de lancer pour réformer l'enseignement supérieur.
Le rêve du « grand soir » universitaire est un leurre des conservateurs. La réforme globale est – chacun le sait – le meilleur moyen de cristalliser toutes les oppositions, bref de ne rien faire.
Loin de constituer le point d'aboutissement de la mise à niveau de nos universités, le renforcement de leur autonomie en constitue le point de départ. Il faut donc se féliciter que le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités des universités soit inscrit à l'ordre du jour de cette session extraordinaire : avant de donner des moyens à nos universités, il faut leur permettre de devenir des universités de plein exercice.
En effet, l'une des causes principales de la crise des universités françaises réside dans le fait que celles-ci n'existent pas, au sens où il existe des universités allemandes ou américaines. L'université française est trop souvent un point de rencontre entre une tutelle tatillonne, celle de l'État, et des composantes autonomes et puissantes, au lieu d'être un lieu possédant une identité forte, se gouvernant et menant une politique bien définie.
L'autonomie introduite en 1968, associée à la réforme de 1984, a fait des universités françaises des établissements faibles pour trois raisons. Tout d'abord, leurs conseils d'administration ne peuvent délibérer pour décider, car leurs effectifs pléthoriques les transforment en chambres de débats. À cela s'ajoutent les effets pervers du panachage des listes, qui favorisent les logiques de personnes au détriment des logiques de projet. Leurs présidents, élus par une assemblée réunissant les trois conseils des universités, sont choisis non sur un projet, mais sur un compromis favorisant le plus petit dénominateur commun. Enfin, les universités ne peuvent faire de leur budget un instrument d'appui à leur politique de formation ou à leur projet scientifique, puisqu'il ne représente qu'une faible partie de l'ensemble des moyens mis en oeuvre dans l'établissement, et leurs politiques de recrutement des enseignants-chercheurs sont alourdies et ralenties par des procédures faisant intervenir des organismes – les commissions de spécialistes –, qui peuvent malheureusement favoriser les recrutements locaux au détriment de la circulation des cerveaux entre les universités.
Ce tableau n'est guère brillant. C'est pourquoi il faut donner aux universités des moyens leur permettant de maîtriser leur destin. Il faut leur faire confiance, afin qu'elles puissent apporter leur propre contribution à notre ambition commune, qui est de placer l'excellence française au centre de l'Europe.
La réforme des universités ne peut donc commencer qu'avec l'autonomie et la gouvernance. Pour que nos universités soient vivantes et puissantes, il faut qu'elles tiennent debout. Or c'est là toute l'ambition du projet de loi : il tend à faire de nos universités des acteurs adultes, qui disposent d'une réelle autonomie de leurs moyens pour atteindre leurs objectifs.
Dans cette perspective, le projet de loi prévoit d'instaurer dans nos universités un centre de décision et un centre d'impulsion. Le centre de décision est le conseil d'administration. Celui-ci pourra enfin délibérer, car, d'une part, il sera resserré et, d'autre part, il devra débattre des sujets stratégiques pour la vie et le développement de l'établissement. Le centre d'impulsion est le président de l'université. Élu à la majorité absolue des membres du conseil pour un mandat d'une durée de quatre ans, il pourra se représenter pour assurer la continuité du projet d'établissement. Grâce à une disposition adoptée par le Sénat, il préparera le contrat d'établissement, qui définira la politique quadriennale de l'université. Chaque année, le président devra présenter, pour approbation, un rapport d'activité devant le conseil d'administration.
Mieux gouvernée, l'université sera en mesure d'exercer de nouvelles compétences. De ce point de vue, le fait que, lors de la phase de concertation, les universités aient demandé au Gouvernement de renoncer à une autonomie à la carte constitue la plus belle preuve que ces établissements ne se résignent pas au déclin, mais demandent au contraire des outils pour se redresser, se développer et devenir soit des centres d'excellence, soit des universités de proximité, qui accomplissent pleinement leur mission d'insertion professionnelle.
Dans cette perspective, les universités disposeront d'une réelle autonomie de gestion de leurs moyens, qu'ils soient humains ou financiers.
Sur le plan financier, elles disposeront d'un budget global, intégrant les moyens affectés par l'État et les moyens propres qu'elles sauront se donner. Elles pourront également créer des fondations pour récolter des fonds privés et bénéficier de dons déductibles des impôts, sans passer – ce qui est le cas aujourd'hui – par l'agrément du ministre de l'économie. Enfin, elles pourront demander à l'État de leur transférer des biens immobiliers.
Sur le plan de la gestion des ressources humaines, les universités pourront mener une politique active. Le président pourra notamment recruter des contractuels.
Il disposera également d'incitations puissantes pour récompenser les mérites, en attribuant des primes. Enfin, les obligations de service des enseignants-chercheurs seront modulées par le conseil d'administration pour s'assurer que ces personnels se consacrent à la recherche ou à l'enseignement de la façon qui prenne le mieux en compte leurs envies, leurs priorités, mais aussi, bien entendu, l'intérêt général de l'établissement. Cette liberté accrue s'accompagne de la création, dans chaque établissement, d'un comité technique paritaire, destiné à devenir le lieu du dialogue social.
À partir de ce socle de gouvernance et de compétences nouvelles, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a adopté plusieurs modifications au projet de loi voté par le Sénat.
En particulier, elle a adopté un amendement rétablissant l'élection du président de l'université par les seuls membres élus du conseil d'administration.
Il nous a semblé, en effet, que la désignation par le nouveau président des personnalités extérieures sera un choix stratégique fort. Ainsi, le président et son conseil d'administration choisiront probablement des scientifiques de renom si leur projet universitaire est celui de l'excellence scientifique. À l'inverse, l'université qui se donnera pour priorité première d'insérer les étudiants dans la vie active choisira plutôt de multiplier les nominations de chefs d'entreprise.
Afin de faciliter l'émergence de projets universitaires, la commission a adopté un amendement proposant de limiter la prime majoritaire à la seule liste des professeurs. Nous y reviendrons.
D'autres amendements ont été adoptés, dont je ne ferai pas la liste. Nous aurons l'occasion, au fil du débat, d'en discuter ensemble. En commission, nous avons, me semble-t-il, contribué à améliorer ce texte sans en modifier l'architecture globale, qui nous paraît juste et équilibrée.
Je tiens, en guise de rapide conclusion, à remercier M. Pierre Méhaignerie, président de la commission, pour la confiance qu'il a bien voulu me témoigner en me confiant la responsabilité de ce rapport. C'est une première, pour le jeune parlementaire que je suis, et vous imaginez combien elle est me touche.
Je remercie également les commissaires qui, par leur réflexion, nous ont permis d'améliorer la qualité de ce rapport.
Je remercie enfin Mme la ministre et son cabinet pour la disponibilité dont ils ont fait preuve. Je sais, pour avoir eu l'occasion de me trouver de l'autre côté de la barrière, que tel n'est pas toujours le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est àM. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, selon Henry Kissinger, ce qui caractérise l'homme d'État, c'est qu'il peut conduire un pays d'un état A dans lequel il le trouve, à un état B que cette nation n'a jamais connu.
Madame la ministre, vous devez conduire l'université vers cet état B. C'est un des dossiers les plus lourds qui soit, et la commission des affaires culturelles de l'Assemblée tentera de vous accompagner là où nous souhaitons tous que l'université parvienne.
Je ne reviendrai pas sur la situation actuelle, l'état A. Le rapporteur et vous-même l'avez évoquée. Nous souffrons tous dans nos circonscriptions de voir autant de jeunes abandonner leurs études après une première ou une deuxième année de DEUG.
Ce sont souvent eux qui ont le plus de difficultés à trouver un emploi. Lors de son audition par la commission des affaires culturelles, en juillet 2006, le recteur Patrick Hetzel, qui présidait alors la commission chargée d'organiser le débat national Université-Emploi, avait affirmé qu'un « coup-de-poing » était nécessaire pour donner à ces jeunes une nouvelle formation. Je ne sais pas si cette proposition a été suivie d'effets, mais nous sommes nombreux à être aujourd'hui demandeurs d'un effort en ce sens. Nous sommes également conscients que l'état de l'université est un des éléments importants du classement de la France dans le monde.
Madame la ministre, vous avez solidement posé une première pierre pour que l'université aille vers cet état B que nous voudrions atteindre dans cinq ans. La commission des affaires culturelles vous a donc délivré, à la quasi-unanimité, un acquit définitif. Vous reprenez en effet, pour l'essentiel, les travaux de 2006 de la Mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances – j'avais moi-même assisté à presque toutes les réunions de cette MEC sur la gouvernance des universités – qui avait adopté son rapport d'information et ses propositions à l'unanimité.
L'université française sera désormais gouvernée par un président et des conseils d'administration puissants et efficaces ; le rôle de l'État et de ses composantes sera moindre. Elle pourra utiliser un budget qui englobera tous les moyens financiers qui lui sont affectés.
Je me souviens qu'en 1993, lorsque François Fillon était ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche,…
…la décision du Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la constitution la loi relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel avait suscité une déception. J'ai moi-même défendu pendant plusieurs années le principe de l'expérimentation, persuadé que c'était le meilleur moyen pour l'université de franchir les difficultés et de surmonter ses peurs face aux adaptations nécessaires. Avec ce texte, je serais donc tenté de dire que tout peut devenir possible. Mais soyons lucides, il faudra beaucoup de vertu aux présidents d'université pour échapper aux excès du localisme, du syndicalisme ou du corporatisme. C'est pourquoi, madame la ministre, les conséquences financières de l'évaluation conditionneront pour une part la réussite de la réforme. Cette évaluation doit se faire sur la base d'un point de départ différent selon les universités car certaines d'entres elles partent avec un retard alors que d'autres sont déjà en avance sur la réforme.
La commission des affaires culturelles, qui a beaucoup travaillé sur l'université, aimerait se fixer quelques objectifs à l'horizon des cinq prochaines années.
Parmi ceux-ci, figure la plus grande ouverture des universités au monde extérieur que devrait faciliter l'assouplissement des conditions de recrutement des agents contractuels. Nous souhaiterions ainsi voir se développer la mobilité géographique et professionnelle, car l'enseignement n'est pas nécessairement la carrière de toute une vie. Inversement, ceux qui ont commencé leur vie professionnelle hors de l'université ou de l'enseignement seraient parfois heureux d'y mener une deuxième partie de leur vie professionnelle.
Enfin, la recherche de partenariats renforcés avec les collectivités locales comme avec les entreprises est absolument nécessaire en France. Dans de nombreux pays, l'université forme les cadres des entreprises ; c'est moins le cas en France. Il faut donc un partenariat renforcé si nous voulons développer les stages en entreprises ou dans les collectivités locales. En tant que président d'une communauté d'agglomération, je suis surpris que des présidents d'université ne prennent pas contact avec moi alors que j'ai tenté d'établir ce lien. Ces contacts réguliers avec les collectivités ou avec les entreprises sont une condition de la réussite.
L'horizon à cinq ans, c'est aussi une insertion professionnelle facilitée qui réduise le sentiment de déclassement de beaucoup d'étudiants. Si nombre d'entre eux s'engagent dans une idéologie dépassée, c'est peut-être en raison de ce sentiment : à nous de participer au rétablissement de la confiance. À cet égard, je dois dire que la plupart des centres d'information et d'orientation me paraissent aujourd'hui très peu adaptés à leur fonction souvent pour des raisons liées à la formation.
Pourra-t-on créer d'ici cinq ans un observatoire des parcours d'étudiants ? Je sais que quelques universités ont fait des progrès, mais, si nous voulons parvenir à une meilleure connaissance du parcours des étudiants, je crois que la CNIL pourrait nous aider un peu plus.
Nous devons, enfin, mener une réflexion sur les 23 milliards d'euros de la formation professionnelle – nous l'avons dit en commission. La formation continue à l'université en est, en effet, à ses débuts. On peut comprendre les étudiants qui souhaitent prolonger au maximum leurs études : ils sont persuadés que plus les études sont longues, plus ils bénéficieront d'une rente de situation pour l'avenir, alors que la formation permanente ne donne pas une deuxième chance à tous les moments de la vie.
J'ai personnellement toujours à l'esprit une comparaison avec d'autres universités et colleges dans le monde – comme à Rochester aux États-Unis. Le soir à vingt-deux heures ou le samedi, tous ces établissements sont ouverts et permettent à l'ouvrier de devenir technicien, au technicien de devenir ingénieur et au personnel des hôpitaux de devenir infirmière ou sage femme. Tout est différent en France : le samedi matin à dix heures ou le soir après vingt et une heures, vous ne verrez pas beaucoup de voitures sur le parking des universités – je connais le cas de Rennes.
Ah, si c'était vrai ! Madame la ministre, un effort exceptionnel pour l'utilisation de ces 23 milliards est donc indispensable.
Pour conclure, nous savons tous sur ces bancs que l'université est un enjeu important et essentiel pour le pays : non seulement pour sa compétitivité et son attractivité, mais aussi pour faciliter l'autonomie de la personne et l'égalité des chances. Ce chantier s'étalera sur plusieurs années et nous serons à vos côtés pour poursuivre les efforts budgétaires de la nation. Mais nous attendrons aussi en échange un retour de la communauté universitaire.
Pour paraphraser Démosthène, selon qui un bon citoyen doit « préférer les paroles qui sauvent aux paroles qui plaisent », nous souhaitons que la ministre préfère les paroles qui sauvent l'université aux paroles qui plaisent aux démagogues. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Alain Claeys.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, oui, je crois que ce débat est important pour notre assemblée et pour la législature qui commence.
Je voudrais d'abord rendre hommage à la communauté universitaire. Les professeurs, les enseignants-chercheurs, les chercheurs, les personnels administratifs ou techniques ont été confrontés ces dernières années à une massification très importante du nombre des étudiants. Et cette croissance extrêmement rapide s'est faite, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, avec des moyens financiers relativement limités. Ainsi, le rapporteur nous donnait-il tout à l'heure les chiffres de l'OCDE, qui nous place sous la moyenne de ses membres en matière de crédits consacrés à l'université et aux étudiants de premier cycle.
Je voudrais aussi rendre hommage aux collectivités locales, car, sans les contrats de plans successifs de ces dernières années, notre patrimoine universitaire et la recherche seraient aujourd'hui dans un état bien pire que celui dans lequel ils se trouvent. Il reste beaucoup à faire, mais, alors que l'État est compétent en matière d'enseignement supérieur et de recherche, les collectivités locales, et particulièrement les conseils régionaux, lui ont apporté une aide non négligeable.
J'ai entendu, ces dernières semaines, des débats sur l'utilité de la réforme et un débat sur le mot « autonomie ». Je souhaiterais, comme vous, madame la ministre, évacuer les faux débats. Sur le mot « autonomie », il n'y a pas de débat entre nous : ce mot ne figure pas dans votre texte alors qu'il figurait dans la loi Savary et que l'autonomie s'impose donc à nous tous. Vous avez préféré les mots « liberté et responsabilité ». Pour notre part – j'y reviendrai modestement tout à l'heure – nous retiendrons le mot « gouvernance ».
Il faut – nous disons mille fois oui – une réforme profonde de l'enseignement supérieur et de la recherche dans notre pays. D'abord en raison de la massification que j'évoquais, mais aussi pour d'autres raisons, sur lesquelles je vais m'expliquer maintenant.
Première question : qui doit mener la réforme ? Pour moi, c'est l'État. J'avais eu l'occasion de le dire lors du débat sur la loi sur la recherche : c'est l'État qui doit, à partir de ses priorités, mener cette réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche. La loi sur la recherche elle-même induisait d'ailleurs ce rôle de l'État. Or nous constatons aujourd'hui que ce dernier est le grand absent de ce projet de loi.
Pourtant, la Constitution – par l'intermédiaire du préambule de la Constitution de 1946 – confie clairement cette mission à l'État et établit la définition du service public de l'enseignement supérieur. Chaque bachelier doit pouvoir accéder à une formation et à un diplôme, et l'État doit veiller à ce que la recherche soit diffusée sur l'ensemble du territoire. L'État doit aujourd'hui remplir cette mission et procéder à une évaluation de celle-ci. Or nous sommes confrontés à un certain nombre de difficultés dont ce projet de loi aurait dû traiter. Mais, alors qu'on trouve au sein de la communauté universitaire et de la communauté scientifique un consensus pour cette réforme – je le pense très sincèrement –, alors que nous pourrions avancer et franchir ensemble une étape, vous avez, madame la ministre, avec le Gouvernement et le Président de la République, choisi une autre voie.
Je crains que ce texte ne soit qu'une formidable occasion manquée et que, durant cette législature, nous n'ayons plus de débats sur l'université et la recherche, car je sais combien il est difficile de revenir sur ces sujets. Nous aurons l'occasion d'en reparler et j'espère me tromper, mais je crois que, malheureusement, nous en serons au même point dans cinq ans.
Madame la ministre, notre attitude sera constructive. Je vais simplement vous dire ce qui devait, selon nous, figurer dans ce texte. Je vous dirai aussi clairement ce qui nous pose problème dans le projet de loi que le Gouvernement a déposé, tel qu'il a été amendé par le Sénat puis par la commission des affaires culturelles de notre assemblée.
La réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche devrait avoir pour première priorité la lutte contre la précarité. Le constat est connu et les solutions existent : il y a moins d'un an, un député UMP, aujourd'hui porte-parole du Gouvernement, présentait un rapport d'information très complet sur la situation de précarité des étudiants. Certes, ce chantier est renvoyé à plus tard, madame la ministre, mais l'aborder dans le cadre de la réforme des universités et de la recherche aurait été un signe fort. Pour s'attaquer à la précarité, il faudrait revoir la structure des bourses – dont on sait qu'il ne suffit pas de les augmenter – et réfléchir à un revenu étudiant. Il faudrait également remédier aux difficultés rencontrées par les villes universitaires pour développer le logement étudiant et résoudre le problème des cautions locatives.
Autant de sujets prioritaires qui sont absents de votre projet de loi. Rappelons-nous pourtant le message que les étudiants et leurs familles nous ont adressé au moment de la crise du CPE. Je me souviens ainsi d'avoir vu défiler ensemble, à Poitiers, des personnes appartenant à trois générations différentes, toutes frappées par la précarité et subissant le travail à temps partiel. On ne peut pas aborder la modernisation de nos universités sans s'attaquer au chantier de la précarité.
La deuxième priorité est l'amélioration de la lisibilité de notre système d'enseignement supérieur et de recherche à l'échelle internationale. Nous connaissons tous la spécificité du dispositif français – dans lequel coexistent les organismes de recherche, les universités et les grandes écoles – et la confusion des pouvoirs qui en résulte, puisque 80 % de la recherche se fait dans l'université. Récemment, on a encore ajouté à ces différentes institutions – et je ne conteste pas forcément la démarche – l'Agence nationale pour la recherche, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur et l'Agence pour l'innovation. Avant de donner plus de pouvoirs aux présidents d'université ou aux conseils d'administration, encore faudrait-il leur permettre de se situer dans ce dispositif. Pensez-vous qu'il soit simple, aujourd'hui, pour un président d'université de distinguer clairement entre ses propres responsabilités et celles d'un laboratoire de recherche ? La question de la place des classes préparatoires dans la formation universitaire est également importante : doivent-elles être rattachées à terme aux universités – et dans ce cas à quel niveau – ou demeureront-elles ce qu'elles sont ?
Troisième priorité, les doctorants et les post-doc. Je ne peux que rappeler, à ce sujet, le débat que nous avons eu lors de l'examen du projet de loi sur la recherche. Nous avions indiqué alors qu'il fallait aider les doctorants dans leur parcours et faire en sorte qu'ils soient plus nombreux à jouer un rôle dans notre économie, comme c'est le cas en Allemagne notamment. Aujourd'hui, un ingénieur qui sort d'une grande école ne voit pas l'intérêt de faire une thèse. Pierre Cohen et moi-même avions déposé un amendement afin que le titre de docteur soit reconnu dans les conventions collectives, car le nombre des doctorants conditionne la qualité et le niveau de notre recherche. Quant aux post-doc, il faut inciter ces jeunes, qui ont décidé d'étudier à l'étranger pendant un ou deux ans après leur thèse, à revenir en France afin qu'ils fassent profiter notre pays de leurs acquis.
Le quatrième sujet que je souhaite évoquer a été longuement abordé par vous-même, madame la ministre, ainsi que par le rapporteur et par le président de la commission. Il s'agit de l'échec au cours du premier cycle universitaire. On se satisfait de cette sélection par l'échec, alors qu'elle représente un drame humain pour celles et ceux qui sont concernés et un coût pour la collectivité. Comment faire l'impasse sur ce problème lorsqu'on parle de réforme des universités ? Pourtant, votre projet de loi ne comporte aucune mesure susceptible de le résoudre, et je le regrette vivement. Pour lutter contre l'échec au cours du premier cycle universitaire, il faudrait améliorer le taux d'encadrement ainsi que l'orientation et, encore une fois, réduire la précarité. Quand on compare le taux d'encadrement en classe préparatoire et en première année à l'université, on mesure l'importance de ce facteur.
Telles sont les quatre priorités qui auraient dû former l'ossature de votre projet de loi sur la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche, madame la ministre. Vous le savez si bien que vous les avez longuement abordées dans votre intervention, tout comme le rapporteur.
Je ne peux pas passer sous silence le volet financier. Dans une semaine, nous sortirons de cette session extraordinaire avec – je vous le dis en toute franchise, madame la ministre – un sentiment de malaise. Votre majorité aura voté six milliards d'avantages fiscaux au profit d'une minorité. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est un choix, mais le déficit du budget de l'État s'élève à quarante milliards et celui de l'assurance maladie à treize milliards. Alors que le Président de la République avait, lors de la campagne présidentielle, désigné l'enseignement supérieur et la recherche comme la priorité des priorités, vous n'avez prévu aucun collectif au cours de cette session extraordinaire et donc aucun euro supplémentaire en faveur de l'enseignement supérieur et la recherche. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est un mauvais signe pour les universitaires et les étudiants. Le Gouvernement aurait dû inscrire dans un collectif budgétaire la somme nécessaire à l'application de cette réforme.
Comme, en outre, je doute de l'efficacité économique des mesures prises par votre majorité, je me demande comment le Président de la République et le Gouvernement pourront tenir leurs promesses si, demain, la croissance n'est pas au rendez-vous et si l'Europe nous rappelle à nos devoirs ?
J'en viens à la gouvernance, sujet qui me passionne. Ainsi que vous l'avez rappelé, j'ai rédigé avec Michel Bouvard, avec lequel j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler – et je remercie le président Méhaignerie de nous avoir laissé toute liberté – un rapport de la commission des finances sur ce sujet. Nous avons travaillé dans le cadre de la LOLF, après la publication d'un rapport de la Cour des comptes. Il ne s'agissait pas, pour nous, de rédiger un projet de loi, mais de traiter de la gouvernance. Nous l'avons fait le plus objectivement possible et je me réjouis que certaines des mesures techniques que nous avons proposées soient reprises dans votre projet de loi. Mais, encore une fois, nous ne prétendions pas réformer l'université et nous avions bien souligné, tout comme le président de la Cour des comptes, que si la réforme de la gouvernance était importante, elle devait être précédée d'autres réformes, notamment celle des dotations des universités et la lutte contre la précarité étudiante.
À quoi sert-il en effet de renforcer les pouvoirs du président ou du conseil d'administration si les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous, si la précarité est toujours aussi importante, si le taux d'échec en premier cycle ne diminue pas et si la situation des doctorants et des post-doc reste la même ? L'État est absent de cette réforme – ce qui pose d'ailleurs un problème constitutionnel, puisqu'il est le garant de l'égalité des chances. Dès lors, deux interprétations sont possibles : soit ce projet de loi est un texte technique insuffisant, soit il cache autre chose.
En ce qui concerne la gouvernance, nous sommes d'accord pour donner plus de pouvoirs aux présidents et aux conseils d'administration, à condition qu'il y ait plus de démocratie dans les conseils d'administration et que soient clarifiées les relations entre l'État et les universités. Pour cela, il faut faire une place plus importante au contrat et insister, en contrepartie, sur l'évaluation. Or on sait très bien que, actuellement, la direction de l'enseignement supérieur – et ce n'est pas une critique – ne peut pas évaluer plus de dix-neuf contrats par an. Il arrive ainsi qu'un contrat soit exécuté sans que le précédent ait été évalué ou qu'un autre soit signé deux ans après sa mise en oeuvre.
J'en viens au texte lui-même. Parmi les dispositions qui posent problème figure tout d'abord l'article 11. Celui-ci dispose en effet que les conseils d'administration peuvent créer des UFR. Or c'est de la responsabilité de l'État. Puisque vous vous êtes référée au rapport que j'ai rédigé avec M. Bouvard, madame la ministre, je me permets de vous renvoyer à notre proposition n° 21, laquelle suggère que la création d'UFR pourrait être négociée dans le cadre du contrat entre l'université et l'État, mais qu'un décret devrait être publié. On peut en débattre, mais il me paraît normal que l'État joue ce rôle, dans la mesure où il a une vision d'ensemble qui dépasse les frontières de l'université.
Le deuxième sujet que nous souhaitons aborder est un sujet grave, celui des emplois statutaires et contractuels, traité par les articles 15 et 16 du projet de loi. En ce qui concerne les emplois administratifs, nous préconisons une règle simple : que les universités ne puissent avoir recours à ces emplois que pour les métiers qui n'existent pas dans la fonction publique. Pour ce qui est des enseignants-chercheurs, un sujet-clé, j'ai eu quelques inquiétudes à la lecture de l'amendement que M. le rapporteur nous a proposé en commission. L'article 15 dans sa rédaction actuelle, c'est-à-dire modifié par un amendement du Sénat – dont les socialistes ont eu à un moment donné la tentation de se satisfaire, avant de s'y opposer fermement –, comme l'article 16 comportent un risque important, celui de voir les emplois contractuels se substituer progressivement au statut public des enseignants-chercheurs, surtout si les budgets de l'État ne sont pas au rendez-vous. Nous sommes responsables devant la communauté universitaire et, au-delà même du problème constitutionnel, nous ne pouvons en aucun cas accepter de laisser planer un tel doute. Il est donc absolument nécessaire de clarifier les choses, madame la ministre, surtout depuis que M. le rapporteur a proposé un amendement visant à ce que le pourcentage de masse salariale pouvant être consacré au recrutement d'enseignants-chercheurs contractuels ne prenne pas en compte les rémunérations provenant des fondations – ce qui, à nos yeux, ne peut qu'aggraver la situation.
À la demande des présidents d'université, vous avez abandonné l'expérimentation, sauf pour les biens immobiliers. Il me semble qu'il ne peut y avoir une convention de transfert sur les biens immobiliers s'il n'a pas été procédé préalablement à une évaluation précise de ces biens. En disant cela, je défends les universitaires mais aussi les collectivités locales, vers lesquelles les universités ne tarderaient pas à se tourner si le transfert devait s'opérer dans ces conditions. Pour que votre engagement de non-expérimentation puisse être tenu, madame la ministre, il faut remettre à plat la dotation globale de fonctionnement pour les universités sur des critères objectifs. Il est indispensable de revoir ces critères en tenant compte notamment de la structure sociale des universités, du nombre d'étudiants en première année ou du nombre de diplômés.
En défendant cette exception d'irrecevabilité, nous avons dit ce que nous aurions souhaité voir figurer dans le projet de loi et qui n'y figure pas. De même, nous avons précisé ce qui, à nos yeux, devait être modifié, notamment en raison de risques sérieux sur le plan constitutionnel – je pense aux articles 11 et 15, mais aussi aux articles 5 et 6.
Nous attendions beaucoup de ce projet de loi, madame la ministre. Malheureusement, la réforme attendue n'est pas au rendez-vous, parce que vous avez considéré que la gouvernance était un préalable. Nous estimons pour notre part que la priorité aurait consisté à mettre fin aux ambiguïtés qui persistent dans notre système d'enseignement supérieur et de recherche et sont la source de l'insupportable situation actuelle, marquée par la précarité et l'échec. Tant que ces sujets n'auront pas été traités, vous pourrez donner autant de pouvoir que vous le voudrez aux présidents et aux conseils d'administration, le malaise dans les universités et le système d'enseignement supérieur demeurera.
Nous essaierons d'être aussi constructifs que possible durant le débat, mais nous souhaitons que cette exception d'irrecevabilité soit votée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je vais commencer par tenter de vous rassurer, monsieur Claeys – si tant est que je le puisse. Vous auriez voulu une loi-cathédrale, une loi-cadre qui aurait englobé tous les problèmes de l'université et leur aurait apporté toutes les réponses. Je comprends que l'on puisse avoir un sentiment d'inachèvement face à ce projet de loi relatif à la gouvernance et à l'autonomie des universités, en constatant qu'il ne règle pas tous les problèmes. La première réponse que je peux vous faire est qu'une bonne partie des problèmes non réglés n'ont pas besoin d'une solution législative. Ils ont besoin d'action résolue, et sans doute de moyens, mais aussi d'un accompagnement de l'État sous la forme d'un partenariat entre l'État et les universités ayant vocation à faire évoluer le paysage universitaire. Je le répète, ce n'est pas nécessairement par des changements législatifs que nous parviendrons à lutter contre l'échec universitaire – en tout cas, pas seulement. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je préfère être la ministre du changement concret, celle qui fera enfin la réforme de l'université que l'on nous promet depuis vingt ans. Ne manquons pas la fenêtre de tir qui se présente : il y a bel et bien – cela m'a frappée au Sénat – un début de consensus sur la notion même d'autonomie. Même sur les bancs socialistes et communistes, le mot « autonomie » ne fait plus peur, et l'idée commence à faire son chemin d'une nécessaire prise de responsabilité des universités face à la compétition qui se joue au niveau mondial. Si la conjonction permet de faire la réforme de la gouvernance et de l'autonomie, faisons-la ! C'est là que se situe la principale différence d'appréciation entre nous : je ne crois pas qu'il faille mettre des moyens dans une structure qui ne fonctionne pas, car cela ne peut avoir pour résultat qu'un gaspillage de l'argent public, sans aucun résultat concret. Il faut d'abord procéder aux nécessaires réformes de structure, mettre en place l'agence d'évaluation et les pôles de recherche et d'enseignement supérieur. Vous parliez du manque de lisibilité et de la taille critique de nos universités : le pacte de la recherche nous donne les moyens de mettre en place des pôles de recherche visibles internationalement, une agence de l'évaluation, des structures autonomes dans les universités, lesquelles pourront prendre des décisions rapides et recruter les meilleurs. La présence de ces éléments structurants permettra ensuite de progresser vers les priorités que vous avez citées et qui sont également les miennes.
Peu à peu, nous avançons dans le bon sens. J'ai déjà obtenu du Premier ministre une augmentation de 2,5 % des bourses étudiantes à la rentrée. Vous allez me dire que ce n'est pas assez, monsieur Claeys, mais cela représente tout de même un effort de 54 millions d'euros en année pleine et surtout une augmentation supérieure de 50 % à l'inflation. J'ai également obtenu une augmentation de 16 % des bourses CIFRE – les bourses doctorales en entreprise – de façon qu'il y ait davantage de doctorats effectués en entreprise. Je vais m'efforcer de faire progresser pas à pas ces chantiers que nous avons faits nôtres : la condition de vie étudiante, la carrière de l'ensemble du personnel des universités, le statut des jeunes chercheurs – avec une revalorisation conséquente de l'allocation jeunes chercheurs prévue pour cet automne, conformément à l'engagement du Président de la République – et la question de l'échec universitaire. Je ne peux vous laisser dire que ce projet de loi ne contient rien sur l'échec, monsieur Claeys, dans la mesure où au moins trois de ses dispositions ont vocation à régler ce problème : l'orientation active, l'insertion professionnelle et le dispositif d'accompagnement et de tutorat.
Enfin, si l'État est à la fois le pilote, le garant et le partenaire de cette réforme, la loi n'est plus, au xxie siècle, le seul instrument de pilotage dont il dispose. Je pense que la contractualisation, le partenariat, les conventions passées avec les universités peuvent également constituer des outils très utiles. Jusqu'à présent, les contrats étaient signés avec dix-huit mois de retard, et ni l'État ni les universités ne tenaient leurs engagements respectifs. Nous entrons aujourd'hui dans une nouvelle ère. J'ai signé il y a quelques jours quarante-neuf contrats pluriannuels avec des universités, tous à la date prévue et comportant des objectifs de résultats que l'Agence de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui vient d'être mise en place, aura pour tâche d'évaluer. Le pilotage des services publics par l'État peut donc aussi se faire au moyen d'un outil moderne, le contrat synallagmatique, c'est-à-dire comportant des obligations mutuelles.
Nous aurons l'occasion de reparler de l'emploi contractuel, mais je peux d'ores et déjà vous dire, afin d'apaiser les inquiétudes qui se sont exprimées, qu'il ne s'agit que de donner une souplesse à l'université : celle d'aller recruter des enseignants étrangers, des auditeurs en langues étrangères qui pourront aider les étudiants, ou des personnels contractuels dont on ne trouve pas les compétences au sein de l'université – des chefs de chantier ou des architectes, par exemple, si l'université a choisi de garder sa compétence immobilière. Les universités disposeront par conséquent d'un volant d'emplois contractuels représenté, dans le contrat pluriannuel, par le montant de la masse salariale maximale pouvant être affectée à ces emplois, dans le cadre de chaque projet d'établissement.
Quant à l'expérimentation, il n'y en a pas dans ce projet de loi, pour la bonne et simple raison qu'expérimentation suppose réversibilité. Dès le départ, il a été question, non pas d'expérimentation, mais de libre choix : celui de se lancer ou non dans la réforme. Nous n'avons laissé subsister le libre choix que pour l'immobilier car cela nous paraissait préférable pour un certain nombre d'universités, notamment celles situées dans des monuments historiques.
Vous pouvez être assurés, mesdames et messieurs les députés, de voir dès le mois de septembre la réforme de l'enseignement supérieur se poursuivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour le groupe UMP.
Nous disons mille fois oui à la réforme, et nous allons la faire, car elle ne saurait être différée une fois de plus. Vous avez dit, monsieur Claeys, que l'autonomie était apparue pour la première fois dans la loi Savary de janvier 1984, mais c'est faux : en réalité, elle a été posée comme un principe fondamental de la loi Edgar Faure de novembre 1968.
Trois principes formaient alors la base de l'université que le président Edgar Faure souhaitait créer : l'autonomie, la participation et la pluridisciplinarité. Lorsque j'ai moi-même été nommé secrétaire d'État aux universités en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche par le président Valéry Giscard d'Estaing en juin 1974, je m'étais fixé pour objectif de mieux assurer l'autonomie des universités.
Ce projet que je n'ai pu porter, vous allez le mener à bien aujourd'hui, madame la ministre, avec le soutien de toute votre majorité.
Comme M. le rapporteur l'a fort bien dit, avant de traiter tous les problèmes que M. Claeys a détaillés – des problèmes bien réels, j'en conviens –, il faut créer le socle de la réforme, afin de permettre aux universités de tenir debout. Après trente ans de tâtonnements, il faut enfin créer une gouvernance moderne, c'est-à-dire adaptée aux besoins de notre époque, et qui permette aux universités françaises de s'ouvrir sur le monde économique et sur l'extérieur.
Avec ce projet de loi, nous allons donc poser le socle.
Avant d'accorder des moyens financiers supplémentaires, encore faut-il savoir comment ces moyens seront mis en oeuvre et dépensés. Là encore, le Gouvernement a procédé dans l'ordre : d'abord le socle et, ensuite, l'affectation des 5 milliards d'euros promis au cours de la campagne électorale par Nicolas Sarkozy.
Sur la gouvernance, nous sommes tous d'accord : il faut des pouvoirs accrus pour le président de l'université. On ne peut pas, en effet, en rester à la situation actuelle. Le rapporteur prévoit simplement de revenir sur la disposition votée par le Sénat et de faire élire ce président uniquement par les membres élus du conseil. Nous approuvons cette mesure. Le président doit pouvoir administrer, diriger, orienter l'université, en s'appuyant sur un conseil d'administration réduit. C'est absolument nécessaire.
Le Sénat a introduit un amendement visant à demander au président de préparer le contrat pluriannuel d'établissement. Je voudrais, madame la ministre, que nous allions plus loin : il doit, à mon sens, également le mettre en oeuvre. Cela supposera qu'on revoie l'architecture de l'article en cause, pour lui donner une plus grande cohérence.
En tout cas, nous réécrivons, enfin, l'article L. 712, alinéas 1 à 9, du code de l'éducation. C'est le préalable nécessaire à toute réforme. Et celle-ci ne peut pas être différée parce que tous l'attendent. À écouter M. Claeys, j'ai bien compris d'ailleurs que lui aussi l'attendait. Il a détaillé en effet les articles 11, 13 et 15 comme s'il était entré dans le débat et dans la réforme. Eh bien, c'est ce que nous allons faire tous ensemble, avec la volonté d'aboutir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre, en dépit de votre réponse et de vos propos rassurants sur la suite, que vous nous avez promise pour le mois de septembre, je reste, comme Alain Claeys, assez sceptique sur la volonté du Gouvernement d'aller plus loin dans une réforme universitaire que chacun attend depuis longtemps, trop longtemps.
Aujourd'hui, ce n'est pas une réforme universitaire que vous nous proposez. Du fait des limites imposées par le Gouvernement, ce texte se borne en effet à traiter de la liberté des universités, et donc de la gouvernance et de l'autonomie. Vous avez parlé d'unanimité au Sénat sur ce point. Nous aurons l'occasion d'émettre un certain nombre de réserves à cet égard, s'agissant notamment du pouvoir des présidents d'université.
Je vous ai bien écoutée, madame la ministre. Mais il n'en reste pas moins qu'il faudrait mettre en oeuvre une vraie réforme de l'université. Celle-ci est attendue par tous les citoyens, et en premier lieu par les étudiants et les universitaires. Une vraie réforme nécessiterait un travail approfondi avec l'ensemble des partenaires, syndicats d'enseignants, d'étudiants, ou présidents d'université.
Si nous sommes d'accord sur le constat, c'est sur les mesures à prendre pour relever le défi de l'excellence universitaire française qu'apparaîtront sans doute certaines divergences. Une vraie réforme mériterait précisément, après le constat, de reconnaître l'état de délabrement, voire d'indigence, des bâtiments universitaires, ce qui impliquerait de mettre en oeuvre des moyens de rénovation et de reconstruction. Cela nécessiterait d'arrêter un plan pluriannuel de création d'emplois statutaires d'enseignant et de personnels IATOS.
À cet égard, et contrairement à ce que vient de dire Jean-Pierre Soisson, il s'agit, non pas de mettre la charrue avant les boeufs, mais d'assurer, dès octobre prochain, les conditions d'une bonne rentrée universitaire. Or, aujourd'hui, bon nombre d'enseignants et d'étudiants sont très inquiets sur ce point.
Nos universités ont également un besoin urgent d'enseignants-chercheurs, de bibliothécaires, de personnels administratifs et d'ouvriers.
Le constat que vous avez fait de l'échec de l'université française mériterait de mettre rapidement en place un dispositif d'orientation des étudiants. Ceux-ci élaboreraient ainsi, dès le deuxième cycle de l'enseignement secondaire, un projet personnel et professionnel. Cela leur permettrait de conquérir leur autonomie d'étudiant et de faire un vrai choix. Madame la ministre, nous partageons en effet avec vous le constat des mauvaises orientations et de l'échec dans le premier cycle universitaire.
La situation actuelle devrait entraîner aussi une refondation de l'aide sociale aux étudiants, intégrée dans un plan social élaboré en concertation avec l'ensemble des partenaires, et en premier lieu les syndicats d'étudiants.
Malgré votre réponse, madame la ministre, nous continuons à déplorer l'absence de l'État dans ce projet de loi. Comme l'a souligné Alain Claeys, ce désengagement nous préoccupe énormément.
Pour toutes ces raisons, nous voterons cette exception d'irrecevabilité, et nous ne manquerons pas, au cours du débat, de faire valoir d'autres arguments. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Pierre Cohen, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre, vous n'avez pas bien entendu ou pas bien compris ce qu'a voulu dire Alain Claeys. Apparemment, nous n'avons pas la même définition du socle évoqué par M. Soisson. Nous partons tous du constat qu'une réforme est nécessaire. Si, pendant très longtemps, le secteur de l'université a eu la réputation d'être difficile à réformer, chacun sait que, depuis quelques années, l'ensemble de la communauté universitaire attend cette réforme.
Cette réforme, il fallait la faire à partir des points évoqués par Alain Claeys et, surtout, avec la volonté de l'État de s'engager. Or ce texte marque précisément un désengagement de l'État (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
…parce qu'il s'en est tenu à un aspect très partiel de la nécessité de réformer.
Nous reviendrons sur votre volonté de créer une nouvelle gouvernance ou sur d'autres points importants. Vous avez évoqué tous ces sujets, madame la ministre. Mais en vous écoutant, quelqu'un qui ne connaîtrait pas le contenu de ce texte, n'en apprendrait pas plus et ne saurait pas ce que vous attendez de vos futurs chantiers ou quelles dispositions vous auriez voulu voir figurer dans ce projet. Le problème de l'université ne se résume pas aujourd'hui à celui de la gouvernance. Il y a aussi – et chacun sur ces bancs le reconnaît – le problème du premier cycle et du fameux parcours par l'échec, qui est tout à fait inacceptable. Or vous disposerez dans quelques mois de propositions à cet égard. Si donc vous n'aviez pas élaboré ce texte à la va-vite, à partir d'un dialogue contesté par l'ensemble des organisations syndicales et des partenaires des universités (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous auriez été au rendez-vous à la fin de l'année.
Sur les moyens, vous savez exactement ce qu'il faut pour réformer l'université.
Admettons. Vous auriez pu prévoir des moyens pour renforcer l'encadrement et ainsi permettre aux filières longues de bénéficier de la même qualité pédagogique que les filières courtes. Nul n'ignore pourtant que les places en IUT, par exemple, sont souvent prises par des étudiants de qualité, lesquels rebondiront ensuite dans les filières longues, au détriment d'étudiants connaissant plus de difficultés et qui auraient dû en rester à une filière de professionnalisation plus courte. Dommage que vous n'ayez pas cherché à améliorer l'encadrement dans ce texte.
Il fallait également rendre plus lisible le lien entre recherche et enseignement. Vous avez fait courir le bruit que l'université serait le réceptacle de l'ensemble des emplois scientifiques et de recherche.
Non !
Certes, vous avez démenti. Mais la rumeur court encore. Et le texte ne prévoit rien en la matière.
Enfin, les conditions de la vie étudiante sont catastrophiques. La précarité, du fait de la massification et de ces conditions de vie, est extrêmement pesante. Or, vos mesures n'apportent pas de réponse aux difficultés matérielles, psychologiques et financières que rencontrent les étudiants.
Pour toutes ces raisons et celles exposées brillamment et dans le détail par Alain Claeys, nous soutenons l'exception d'irrecevabilité soulevée sur ce texte, qui ne propose qu'une réforme très partielle et qui, surtout, n'assure pas l'égalité des chances des étudiants. Il faut que vous nous donniez la garantie de nous soumettre, d'ici à la fin de l'année, un projet de loi qui réponde à toutes nos préoccupations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame la ministre, nous en sommes tous d'accord dans cet hémicycle, l'université française a besoin de réforme. Le contexte national, mais aussi international a complètement changé, en effet. Or le dernier texte concernant l'université date de plus de vingt ans. Il faut adapter l'université à cette nouvelle réalité : c'est le souhait à la fois des présidents d'université, des enseignants-chercheurs et même des étudiants.
Avec ce projet de loi, nous avons l'occasion de participer à cette modernisation et c'est une bonne chose. Les compétences doivent être plus claires, le fonctionnement doit être plus simple et la gouvernance plus efficace : le texte nous permet précisément d'atteindre ces objectifs. Vous le savez, j'ai cependant quelques réticences personnelles sur les articles 5 et 12. Mais connaissant la sagesse de l'Assemblée, je ne doute pas que nous trouverons une solution pour les emplois hospitalo-universitaires.
Alors que, face à la concurrence nationale et internationale, nous avons l'occasion de moderniser l'université, il faut absolument débattre de ce texte. Le groupe Nouveau Centre ne votera donc pas cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Noël Mamère.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la situation de l'enseignement supérieur n'est pas satisfaisante. Nul ne conteste qu'une réforme ambitieuse s'impose.
En effet, notre pays a pris du retard, on peut même parler de recul en la matière. La France ne consacre que 1,1 % de son PIB à l'enseignement supérieur, contre 1,7 % en moyenne dans les pays de l'OCDE – 2,7 % aux États-Unis. Et lorsque l'on met en parallèle ces chiffres avec ceux de la recherche, le panorama s'assombrit encore : 2,1 % du PIB sont consacrés à la recherche. Nous restons donc très loin de l'objectif des 3 % alors qu'il s'agit pourtant d'un plancher pour éviter d'être irrémédiablement distancé par les autres grands pays développés.
Le manque d'attractivité des carrières scientifiques, faute de moyens et de perspectives, décourage des milliers de chercheurs. Les difficultés matérielles et financières rencontrées par les organismes de recherche ont pour conséquence directe la fragilisation de la recherche fondamentale et finalisée, sans laquelle il n'y a ni innovation ni progrès. À l'université, le taux d'échec dans le premier cycle, qui atteint parfois 50 % dans certaines filières, est le produit non seulement d'une orientation défaillante, d'un manque d'encadrement, d'un manque de cohérence peut-être entre le secondaire et le supérieur, mais aussi le fait d'une réalité plus impitoyable : la reproduction sociale.
L'enseignement supérieur est dans notre pays profondément inégalitaire. Les grandes écoles n'ont rien à voir avec l'université. Moyens matériels, formation, encadrement, débouchés : tout les sépare. Dans les établissements publics d'enseignement supérieur, les situations sont contrastées, entre les filières comme entre les établissements, et notre pays ne peut se satisfaire de diplômer seulement 30 % d'une classe d'âge.
D'autres maux s'ajoutent encore à cette réalité : en France, l'État néglige son patrimoine : manque d'entretien, vétusté, exiguïté des locaux, amiante, comme à Jussieu. C'est cette gestion de la pénurie qui tue l'université. Le manque de moyens ne lui permet pas d'assumer pleinement ses missions et, dans ces conditions, l'absence de collectif budgétaire, demandée par la plupart des organisations syndicales issues du monde universitaire, est une véritable faute.
Plusieurs millions d'euros de cadeaux fiscaux ont été votés récemment par notre parlement, sur proposition du Président de la République, mais rien pour permettre à l'université de préparer la rentrée dans de bonnes conditions. Le pays n'est pas dupe : vos priorités sont manifestes, elles se confondent avec vos clientèles. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'urgence, c'est de permettre à l'enseignement supérieur de sortir de l'indigence. Lorsque l'on souhaite, en effet, prendre à bras-le-corps un problème, on ne saurait fuir la question des moyens, comme si celle-ci était secondaire. L'urgence, c'est de s'attaquer aussi à la misère étudiante. Petits boulots, galère de logement et problèmes de santé sont le lot quotidien de la masse des étudiants dans notre pays.
Certes, nous avons entendu que, durant les cinq prochaines années, le budget des universités augmenterait d'un milliard d'euros par an, mais de nombreuses questions restent en suspens quant à la répartition de cette somme. Si les annonces sont respectées, on pourra se féliciter de cette rupture avec la politique de la majorité à laquelle vous apparteniez, madame la ministre, et dont l'absence d'efforts budgétaires en direction de l'enseignement supérieur a été la règle. Mais le retard est si important que l'effort annoncé ne suffira pas.
Dans cinq ans, il y aura donc 3 800 euros de plus par an et par étudiant inscrit à l'université. Ainsi, en 2012, ces dépenses seront portées à 10 500 euros, au lieu des 6 700 euros actuels. La différence est nette, mais le délai est long. Nous considérons qu'un effort plus rapide est nécessaire.
Pourquoi les étudiants et le monde universitaire devraient-ils attendre autant, davantage en tout cas que les contribuables assujettis à l'ISF, pour bénéficier d'un effort budgétaire ? C'est une affaire de choix politique et de priorité et, à l'évidence, nous n'avons pas les mêmes, madame la ministre.
Personne ne peut croire que les urgences de l'enseignement supérieur et ses évolutions nécessaires se concentrent uniquement sur un conseil d'administration réduit, dans lequel la place des personnels élus et des étudiants serait moindre, avec un président ayant la possibilité de se représenter et disposant d'un droit de veto sur les recrutements. Les chantiers d'une vraie réforme de l'enseignement supérieur sont plus vastes.
C'est parce le texte qui nous est présenté tourne le dos aux exigences et aux défis d'une véritable réforme et qu'il ne tient pas compte des urgences de l'université, que je demande à notre assemblée de ne pas poursuivre son examen.
C'est d'ailleurs le paradoxe de ce projet de loi : il arrive en urgence sans traiter les urgences. On pourrait même dire qu'il arrive à la va-vite. C'est au milieu de l'été, alors que nos universités sont vides et que les capacités de mobilisation de la communauté universitaire sont faibles, que le Gouvernement a décidé de mener tambour battant le débat sur l'enseignement supérieur.
Pourtant, même dans ces conditions, les voix s'opposant à ce projet commencent à se faire entendre : les voix syndicales au premier chef, mais aussi celles des conseils d'administration – nombreux – qui, par l'adoption de motions, disent leur rejet de la méthode, du calendrier et du contenu du texte.
Sur la méthode et le calendrier, quelques remarques s'imposent. Annoncé comme la réforme la plus importante de la législature, ce texte n'a pas fait l'objet d'une véritable discussion. Vous n'avez même jamais tenu compte – le pouviez-vous d'ailleurs, madame la ministre – de l'opposition du monde universitaire devant le calendrier précipité que le Président et le Premier ministre vous ont imposé.
Les consultations ont démarré le 31 mai. Dès le départ, l'ensemble des syndicats et de la communauté universitaire a déploré un calendrier précipité, d'une part, et un manque de transparence, de l'autre : l'essentiel de la réforme est déjà bouclé alors que des groupes de travail se mettent en place sans qu'aucun document de travail validé ne leur parvienne.
Le 15 juin, une intersyndicale regroupant seize organisations – dont « Sauvons la recherche », l'UNEF, le SNESUP – lance un appel à ne pas soumettre le projet de loi en juillet au Parlement.
Le 19 juin, le texte de la réforme est divulgué : c'est un véritable tollé syndical, car il n'a fait l'objet que d'une consultation de façade et d'une discussion de pure forme. Il eût été plus sage, en effet, d'entendre la demande de dialogue, de donner le temps à la discussion et à la négociation.
Mais la marche forcée continue. L'annonce du passage du texte en conseil des ministres, le 27 juin, est faite ; les partenaires sociaux se voient remettre un document de travail le 19 juin ; ils n'ont que trois jours pour réagir.
Le conseil national de l'enseignement supérieur est convoqué le 22 juin pour émettre un avis consultatif sur le projet de loi. Après huit heures de discussions et quelques amendements, le texte est rejeté par une large majorité – dix-neuf voix contre, douze pour et trois abstentions : la volonté de passage en force est rejetée.
C'est dans ce cadre que le Président de la République reprend le dossier en main. Le mardi 26 juin, il reçoit onze organisations syndicales d'enseignants et de personnels de l'enseignement supérieur et annonce son intention de prendre en compte quelques observations. Il les informe que le texte passera en fait en conseil des ministres le 4 juillet.
Vos recevez, le mercredi 27 juin dans l'après-midi, les organisations représentatives de la communauté universitaire, pour une concertation autour d'un texte remanié, concertation pour le moins rapide puisque, de toute manière, le Président de la République a fixé, la veille, le nouveau calendrier.
Le rappel de ce calendrier permet de mettre en lumière l'absence de concertation véritable avec la communauté universitaire. Outre cette course contre la montre, la méthode est, elle aussi, chaotique et désastreuse. Trois versions du texte ont été présentées. Or, proposer trois textes différents la même semaine témoigne d'une très grande fébrilité.
Vous ne les avez pas lus !
Il est d'ailleurs intéressant de constater qu'à chaque nouvelle version le projet de loi a changé d'intitulé.
On est ainsi passé d'un projet de loi « portant organisation de la nouvelle université » à un projet de loi « relatif à la gouvernance et aux nouvelles compétences des universités », pour parvenir au titre définitif, médiatiquement plus vendeur, de projet de loi « relatif aux libertés des universités ».
L'absence de concertation s'explique sans doute par la faible marge de négociation dont vous semblez disposer, madame la ministre, dans la conduite de ce dossier. Le vote du CNESER, qui est certes une instance consultative, est pourtant sans appel : votre texte n'a pas l'approbation de la communauté universitaire.
L'inscription en urgence bafoue par ailleurs les droits du Parlement. C'est la méthode Sarkozy : faire vite en prétendant que c'est bien. Mais le projet que nous examinons est un projet à forte connotation idéologique, présenté par une ministre sous tutelle, comme celui que nous avons examiné, la semaine dernière, sur les peines plancher en cas de récidive.
Il lui manque la légitimité démocratique que procure une concertation réussie, et c'est parce que vous le savez que vous souhaitez aller vite, pour éviter qu'un véritable débat s'instaure dans le pays.
Il serait temps qu'un jour la droite se donne le temps de construire avec le monde universitaire des relations, basées sur le respect, l'écoute et la concertation. On ne peut prétendre réformer contre les principaux intéressés.
De la réforme Devaquet aux projets Fillon et Ferry, tous deux échoués aux rives de l'indifférence, on ne peut pas dire que la majorité ait jamais pris la peine de dialoguer avec la communauté universitaire. Le passage en force fut chaque fois la règle.
La précipitation ne peut pourtant tenir lieu de négociation. Encore une fois, la méthode coince. C'est pourquoi je ne puis, de cette tribune, que manifester mon entière solidarité au monde universitaire, quand il dénonce la méthode et le calendrier.
Cette précipitation dont vous faites preuve, madame la ministre, n'est pas bonne conseillère. Comment peut-on, en effet, proposer une nouvelle organisation de l'université, sans débattre au préalable de ses finalités, sans garantir les moyens dont elle manque, sans s'attaquer à l'échec étudiant en premier cycle, sans construire des liens fructueux entre recherche et université ?
Une réforme de l'enseignement supérieur ne peut faire l'économie d'un débat sur l'école. Comment peut-on prétendre vouloir assurer la meilleure formation pour tous et se taire sur les dix-sept mille postes d'enseignants dont le Gouvernement vient d'annoncer la suppression dans l'éducation nationale dès la rentrée prochaine ?
Nous attendons de l'enseignement supérieur qu'il transmette, produise et diffuse les savoirs ; qu'il offre la possibilité à chacun de construire sa propre autonomie, de choisir sa vie. Nous attendons qu'il assure, pour tous, sa mission de formation. Dans une démocratie du xxie siècle, une formation universitaire doit être un droit.
Les trente dernières années ont été le théâtre d'une massification sans précédent de l'enseignement supérieur. Après la massification, le défi, c'est la démocratisation. Dans cet esprit, nous devons réaffirmer les attentes de la nation, les objectifs, les missions et l'organisation de l'ensemble de notre système universitaire, redéfinir la place respective des formations technologiques, des classes préparatoires, des grandes écoles, des instituts et des universités.
Dans ce cadre, il ne saurait y avoir de véritable réforme de l'enseignement supérieur qui fasse l'impasse sur ses relations avec la recherche, qui n'aborde pas les questions pédagogiques, les contenus, les rythmes et les diplômes, pour aller vers une civilisation de la connaissance partagée. Tout cela est malheureusement absent du texte.
Ce qui y figure n'a pas fait l'objet d'une véritable concertation et représente un vrai danger. C'est pourquoi notre opposition à votre texte est résolue. Personne ne défend le statu quo, ni dans cet hémicycle ni dans la communauté universitaire. Mais en quoi ce texte marque-t-il un progrès, en quoi affiche-t-il une nouvelle ambition ?
Ce projet, nous dit-on, est essentiel, le plus important, paraît-il, de la législature, car il vise à « offrir aux universités une autonomie réelle, la capacité de mieux remplir les missions que la nation leur confie ». Les mots ont de l'importance, et ceux qui accompagnent la présentation de ce projet sont un leurre, un attrape-nigaud. La loi Savary de 1984 avait, en effet, déjà renforcé l'autonomie à l'université, initiée avec la loi Edgar Faure du 12 novembre 1968, qui supprimait les facultés en créant des universités constituées d'unités d'enseignement et de recherche – les UER – et dotées, à partir de cette réforme, de la personnalité morale et de l'autonomie financière. La loi de 1984, quant à elle, définit les universités comme des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, les EPSCP. Les établissements bénéficient de l'autonomie statutaire et élisent leurs organes.
Derrière votre projet de loi se profile en réalité l'institutionnalisation de la concurrence entre les universités : les grandes, qui auront les moyens de s'offrir des chercheurs et pourront ainsi figurer parmi les meilleures, et les autres, pour le tout-venant.
L'autonomie proposée est donc un recul de la démocratie universitaire. Elle se résume en effet à un pouvoir renforcé de la présidence. En l'absence de contre-pouvoir, c'est un pouvoir absolu, que consacre le droit de veto dans le recrutement d'enseignants et de personnels. Vous confiez au président l'attribution des primes et le recrutement de contractuels – CDI compris ! – sans que cela fasse l'objet d'aucun cadrage. Quel pourcentage, par exemple, sera affecté aux ressources humaines ? Aucun dispositif de transparence n'est par ailleurs mis en place, ni aucun lieu de discussion sur les modalités d'attribution.
C'est en outre un pouvoir sans grande légitimité, car le texte propose que seul le conseil d'administration participe désormais à l'élection du président d'université.
Vous vous trompez de cible, madame la ministre. C'est aux dysfonctionnements et aux lourdeurs qu'il faut s'attaquer, pas à la démocratie ni à la participation. Vouloir réformer sans concertation est une erreur, exclure une grande partie de la communauté universitaire du processus décisionnel, comme le propose le texte, revient à méconnaître le monde universitaire. C'est une faute politique.
C'est au président élu et au rapport de confiance qu'il saura établir que l'on devra l'efficacité et la sérénité des conseils. La diminution de la représentation des étudiants et des personnels au conseil d'administration ne diminuera pas les divergences dans la manière de gouverner un établissement. Cette loi est celle de la concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul individu.
À cet égard, l'architecture du gouvernement de l'université qui figure dans le projet est pour le moins surprenante. À la définition des choix pédagogiques et scientifiques, le conseil des études et de la vie universitaire et le conseil scientifique ne sont plus vraiment associés. Il eût été souhaitable que le conseil d'administration, dans un souci d'efficacité et de compétence, puisse déléguer aux autres conseils de l'université son pouvoir décisionnel sur leurs champs d'action. Il eût été également souhaitable que personnels et étudiants ne voient pas leur représentation amoindrie, comme je l'ai rappelé. Ils sont au coeur de la vie universitaire, en sont les principaux acteurs ; ils ont à cet égard des compétences et une expertise, que vous ne semblez pas prendre en compte. C'est l'avènement d'un président omniscient, seul décideur, tournant ainsi le dos à une ambition collective, à la collégialité, condition nécessaire pour opérer des choix stratégiques capables de mobiliser l'ensemble de la communauté universitaire. Faire face aux défis de demain appelle la mobilisation de toutes les forces du monde universitaire.
Je m'étonne d'ailleurs que ce que vous appelez pompeusement « gouvernance des universités » n'ait pas fait l'objet d'un groupe de travail parmi les ateliers que vous avez mis en place. Pour le coup, on ne comprend pas très bien qu'un point qui est présenté comme crucial dans la relance de l'université française ne figure même pas à l'ordre du jour d'une concertation dont nous avons déjà constaté le caractère factice. Je crois aussi que le principal motif d'opposition à votre texte est l'absence de réflexion sur les finalités et les missions de l'université.
La France a besoin d'un enseignement étroitement associé à tous les lieux d'élaboration des savoirs, en relation avec les établissements assurant les mêmes missions en Europe et dans le monde, en résonance avec les interrogations portées par le monde culturel, social, économique, et par les citoyens.
Ces missions doivent être nécessairement régulées et financées en premier lieu par l'État, garant d'une vision prospective stratégique de longue portée, sous le contrôle du Parlement ; elles relèvent en effet du service public. C'est pourquoi les dispositions dans le texte du projet de loi sur les nouvelles sources de financement – notamment celles contenues dans l'article 23 sur les compétences particulières qui visent à favoriser le mécénat en direction des universités par la création des fondations – sont l'annonce d'un désengagement progressif de l'État dans le financement de l'enseignement supérieur.
C'est la porte ouverte à une inégalité croissante entre établissements, avec l'aval d'un État qui se désinvestit d'une de ses missions fondamentales. Tout cela ressemble à la décentralisation : on transfère des compétences tout en économisant des moyens. Confier aux universités propriété et gestion du patrimoine, droit local de créer des formations nouvelles et d'en fixer les contenus permettra à l'État de se désengager.
Dès lors, il ne faudra pas s'étonner que la recherche de fonds devienne une priorité pour les universités, que des formations soient otages des exigences à court terme de partenaires économiques, que des formations sans application immédiate et rentable viennent à disparaître, que les orientations de recherche n'obéissent plus à des choix scientifiques. Cela méritait un débat articulé, contradictoire, public devant l'ensemble du pays. Je ne crois pas que ces choix-là soient ceux de nos concitoyens.
Le financement de l'enseignement supérieur ne peut relever du bon vouloir des entreprises.
Annoncer 1 milliard supplémentaire par an et demander dans le même élan d'attendre septembre 2008 est pour le moins un mauvais départ.
En fait, votre texte apparaît comme un règlement de compte avec l'ouverture de nos universités au plus grand nombre, le fonctionnement démocratique des établissements, le respect des franchises universitaires et des statuts issus des conquêtes de Mai-68 et des conquêtes sociales (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), dont vous semblez, à l'instar du Président de la République, vouloir purement et simplement tuer l'héritage.
Vous n'auriez peut-être pas été doyen s'il n'y avait pas eu 1968, monsieur Goasguen !
La tradition universitaire est fondée sur la collégialité démocratique, sur le débat. Le projet de loi que vous soumettez aujourd'hui à l'Assemblée nationale tourne le dos à cette tradition, et ce qu'il met en place s'inspire largement d'un mode de fonctionnement d'entreprise. Un président qui serait une sorte de président-directeur général avec, pour mission, la rentabilité et, comme responsabilité, 1a gestion optimale de ses ressources, budgétaires et humaines.
Les dispositifs de recrutement des enseignants-chercheurs, outre qu'ils consacrent un droit de veto exorbitant entre les mains d'un président, qui lui-même peut être totalement étranger au monde de la recherche et de l'enseignement, minorent les spécialisations et les compétences scientifiques éprouvées et validées par les communautés scientifiques.
Contrairement au texte, je pense que les statuts des personnels doivent relever de la fonction publique d'État. C'est indispensable pour des missions qui restent de longue haleine, tant pour la recherche que pour l'enseignement. La France ne souffre pas de trop d'emplois dans nos universités, au contraire. La massification des trente dernières années s'est effectuée à un rythme comparable à celle de nos voisins, mais avec moins de recrutements et de moyens.
La méthode, le calendrier, mais davantage encore le contenu de ce texte sont, pour nous, inacceptables. Vos priorités, madame la ministre, apparaissent bien étrangères à celles du monde universitaire dont nous avons pu faire le constat lors du lancement des assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui se déroulaient le 2 juillet dernier.
On ne peut accepter que les urgences du monde universitaire soient négligées au bénéfice d'une démarche de pure idéologie.
Pour ces raisons, chers collègues, je vous demande d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Mamère, à vous écouter, une bonne partie de votre argumentation se résumerait à ceci : finalement, cette réforme peut attendre ! Pourquoi ne pas attendre un an, deux ans, dix ans, elle a bien attendu vingt ans !
Je me suis rendue à Bruxelles il y a quelques semaines, où Jan Figel, commissaire européen à l'éducation, nous a déclaré que, si, dans les six mois ou dans l'année qui vient, toutes les universités européennes ne lançaient pas un grand processus de réforme de leur organisation et de leur mode de fonctionnement, elles seraient concurrencées par leurs rivales indiennes et chinoises. On ne parle plus là des rivalités au sein de l'OCDE, monsieur Mamère : on parle désormais des universités indiennes et chinoises ! Il a également expliqué que, dans les cinq ans qui viennent, il y aurait 1 million de chercheurs en Chine et que, désormais, la priorité européenne, c'était la réforme.
J'étais à Lisbonne la semaine dernière, où une loi similaire à la nôtre, portant sur l'autonomie des universités, est en train d'être votée.
Je me suis rendue à Hambourg, en Allemagne, il y a trois semaines. Là-bas aussi est en passe d'être votée une loi sur les universités qui donnera aux universités des capacités financières et l'autonomie leur permettant de se mouvoir dans un monde qui change.
Monsieur Mamère, la France pourrait se mettre des oeillères et se dire qu'elle n'a pas besoin de bouger si rien ne change autour d'elle. Mais la vérité est ailleurs : aujourd'hui, tout le monde bouge, toute l'Europe bouge. Je suis désolée : cette réforme ne pouvait pas attendre !
Monsieur Mamère, vous m'avez parlé de concertation.
Je vous réponds que nous avons assuré soixante heures de concertation dans mon ministère et huit heures au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est vrai, nous n'avons obtenu que douze voix du CNESER en faveur de la réforme, mais rappelez-vous les anciens votes du conseil et vous constaterez que, finalement, douze voix « pour » représentent déjà beaucoup pour un vote du CNESER sur un texte gouvernemental, de droite comme de gauche.
Non ! Nous avons pratiqué la concertation, et, grâce à la concertation, monsieur Cohen, on améliore les projets !
M. Mamère affirme que nous avons rédigé trois projets : on voit qu'il n'a pas lu le texte ! En fait, nous avons modifié le projet sur trois points.
La première modification porte sur le conseil d'administration.
Dans le projet initial, le conseil d'administration comprenait vingt membres. Nous avons souhaité, ensuite, une fourchette de vingt à trente membres, tout simplement parce que les universités pluridisciplinaires nous ont fait savoir qu'il fallait laisser la place aux disciplines dans les conseils d'administration afin de permettre à celles-ci de peser sur la politique de formation et de recherche de l'université.
Ainsi, les trois universités d'Aix-Marseille nous ont expliqué que, grâce à la nouvelle autonomie instaurée par notre texte, elles voulaient fusionner toutes les trois.
Elles veulent fusionner, monsieur Cohen, laissez-leur la liberté de vivre leur vie ! C'est un décret ministériel qui vérifiera que la fusion s'effectue dans de bonnes conditions. Elles veulent fusionner pour devenir la plus grande université de la Méditerranée, pour arriver vingtième au classement de Shanghai. C'est leur objectif, laissez-le leur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elles sont venues me voir pour me dire qu'il faut trente personnes au conseil d'administration.
De la même façon, les universités de Strasbourg – qui ont décidé de créer un pôle de recherche et d'enseignement supérieur transfrontalier, le premier pôle de recherche européen en Alsace – sont également venues me voir pour m'annoncer qu'elles allaient fusionner en 2009 et que, si elles fusionnaient à trois conseils d'administration à soixante membres, il fallait leur laisser une petite marge de manoeuvre.
Grâce à la concertation, le nombre de membres du conseil d'administration passe dans le projet de loi de vingt à trente. Ce nombre étant actuellement de quarante à soixante, il sera, demain, divisé par deux : voilà la première modification que nous avons acceptée.
La deuxième modification du texte porte sur l'autonomie. Le Président de la République avait proposé une autonomie optionnelle aux universités pour leur laisser le libre choix. Or il valait mieux l'accorder à tout le monde puisque tout le monde la voulait. La concertation, là encore, a abouti à ce résultat, monsieur Mamère ! Pendant soixante heures de concertation, toute la communauté universitaire a réclamé l'autonomie pour tous, et non plus en option : voilà pourquoi nous l'avons accordée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La troisième modification du projet de loi concerne la question de l'entrée en master.
J'ai eu l'occasion de le rappeler à la tribune : je pense que ce projet de loi porte, d'abord, sur le fonctionnement de l'université, et non pas sur les conditions de la scolarité. J'ai souligné que le chantier « licence », la mise en place de vraies licences qualifiantes dans toutes les filières de formation, était un vrai préalable à la discussion des conditions d'entrée dans le master.
Monsieur Mamère, vous le voyez, ce n'est pas un nouveau texte qui a été présenté à l'issue de la concertation.
Cela fait maintenant vingt ans que cette loi est sur le métier. En 2003, une loi – la « loi Ferry » – avait été bouclée, mais elle a été retirée.
Sur cette question de l'autonomie, tous les partenaires de la concertation avec mon ministère avaient déjà une position parfaitement arrêtée : ils savaient exactement ce qu'ils voulaient et ce qu'ils souhaitaient retirer de la concertation. Alors, monsieur Mamère, ne me dites pas que tout le monde n'était pas prêt.
Enfin, vous m'avez dit que le Président de la République s'engage sur les réformes. Je comprends que cela vous dérange, monsieur Mamère ! Cela vous dérange parce que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, est porteur de l'idée de réformes dans ce pays et parce qu'il bénéficie d'une vraie légitimité pour engager ces réformes qui ont échoué depuis vingt ans. Moi, je m'en réjouis : c'est une chance pour notre université, qui va peut-être bouger au rythme du monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.
Avec le talent coutumier qu'on lui connaît, M. Mamère a posé des questions très importantes. Je le rassure : nous partageons ses interrogations. Qui ne se pose en effet des questions sur le financement et l'avenir des universités ? Il faudrait être inconscient pour penser que tout va bien dans nos universités.
La question est de savoir comment entamer cette réforme universitaire, qui est un impératif que nous avons tous mis en avant durant la campagne présidentielle. Je voudrais tout de même rappeler à nos collègues que, s'agissant de l'autonomie universitaire, les propositions qui émanaient de la candidate socialiste n'étaient fondamentalement pas très éloignées de celles que nous avions nous-mêmes soutenues.
À cette époque, je n'avais pas ressenti de la part de ce qu'est aujourd'hui l'opposition une même vigueur à dénoncer des projets dont, finalement, elle est relativement proche. Je dirai même que, parfois, certains membres du parti socialiste allaient plus loin dans la démarche en faveur de l'autonomie que celle que nous avions nous-mêmes adoptée au moment l'élection présidentielle. Je pense en particulier à un socialiste, qui a évolué depuis et qui s'oriente vers d'autres horizons, M. Strauss-Kahn, qui avait rédigé un projet très libéral en matière d'autonomie.
Entre la démarche d'opposition, que je comprends, et le questionnement sur les finalités universitaires, qui reste l'objectif général de notre assemblée, nous avons choisi de commencer par le commencement. Nous aurions pu commencer par les moyens, mais vous nous auriez alors accusés de ne pas avoir traité d'abord de la gouvernance. Nous commençons par la gouvernance, et vous nous demandez pourquoi nous n'avons pas commencé par les moyens ! La plupart des projets de réforme universitaire depuis vingt-cinq ans − de la loi Devaquet aux propositions de Luc Ferry − ont lamentablement échoué…
…à cause de la sempiternelle question : par quoi commence-t-on ? C'est le serpent qui se mord la queue. Au bout du compte, depuis trente ans, à force de se demander si elle commence par manger ou si elle commence par boire, l'université française, comme l'âne de Buridan, risque de mourir de faim et de soif. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je souhaite qu'elle reçoive de l'eau et un repas, et que l'on puisse la sauver.
Cependant, il est aussi injuste de prétendre qu'il n'y a pas eu de consultation que de dire qu'il y a eu un tollé. Monsieur Mamère, vous avez l'oreille assez fine pour savoir que, si tollé il y a eu, il était assez faible. Certes, me direz-vous, ce sont les vacances. Mais j'ai entendu le président de l'UNEF ou certains pontes de l'opposition universitaire : ils pépiaient bien un peu sur les défauts de la loi, mais n'ont pas vraiment jeté l'anathème. Quant à l'opposition du CNESER, elle était assez convenue. L'université commence toujours par dire non pour s'adapter ensuite, mais, reconnaissez-le, ce non n'avait rien à voir avec les grands débordements idéologiques dont vous nous avez présentés tout à l'heure quelques épures.
Vous êtes encore plus injuste à propos de la concertation. Depuis vingt ans, nous nous sommes tous familiarisés, en la contournant, avec la question des problèmes de l'université. La finalité de l'université, nous avons eu suffisamment de temps, les uns et les autres, pour en discuter. De plus, monsieur Mamère, vous oubliez que, au cours de la campagne présidentielle, les Français ont entendu les candidats développer largement leurs propositions sur le sujet,…
…que nous avons tous rencontré à plusieurs reprises la communauté universitaire et que tous les projets étaient archiconnus. Après ce projet sur la gouvernance, nous aurons à examiner − Mme la ministre s'y est engagée − d'autres projets qui porteront sur les légitimes questions qui ont été évoquées tout à l'heure et qui viendront à la suite du débat sur la gouvernance, corroborées par l'engagement financier que le Président de la République a pris en faveur de l'université et de la recherche, et qui devrait se traduire, en cinq ans, par un effort de 5 milliards plus 4 milliards : ce n'est pas mince, ce n'est pas un geste que l'on peut oublier.
Je sais bien ce qu'est le travail d'opposition : l'opposition fait donc, ici, son travail. Vous n'avez pas véritablement posé de question préalable − mais c'est le jeu, vous vous adressiez à des électeurs que vous voulez convaincre qu'il ne faut surtout pas suivre ce mauvais gouvernement qui entreprend la réforme universitaire. C'est pourquoi le groupe de l'UMP ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, jamais nous n'avons tenu les propos qui nous ont été prêtés, jamais nous n'avons dit que la réforme pouvait attendre. Nous avons dit, au contraire, que nous souhaitions accorder davantage d'autonomie et de responsabilités aux universités. Là n'est pas la question. Nous avons discuté de la première brique de cette loi et j'ai même dit, en commission, qu'il faudrait de nombreuses briques pour faire une cathédrale − puisque Alain Claeys voulait une loi cathédrale. Il faut plutôt se demander si, au-delà de la réforme de la gouvernance des universités, la volonté politique, et donc budgétaire, sera au rendez-vous.
Je ne sais pas si notre collègue Goulard est encore là...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il était là tout à l'heure !
…mais je voudrais, pour illustrer mon propos, vous parler d'une discussion que nous avons eue, il y a seize mois, dans cet hémicycle, avec Pierre Cohen, Alain Claeys, Noël Mamère et quelques autres. Nous parlions du pacte sur la recherche et, notamment, de la question des doctorants, qui nous paraissait essentielle. Nous nous demandions si le Premier ministre de l'époque, Dominique de Villepin, arbitrerait pour que la rémunération des doctorants passe à 1 500 euros bruts par mois. Or on nous a baladés…
…bien plus que nous ne l'imaginions, car, non seulement nous n'avons pas eu d'arbitrage à l'époque, non seulement nous n'en avons toujours pas eu, mais vous venez d'annoncer que nous l'aurions peut-être en septembre. Tout le monde le dit, la situation de nos doctorants est indigne d'un pays développé. Nous nous accordons donc sur le constat. Claude Goasguen notait des points de convergence entre notre candidate à la Présidence de la République et le candidat de l'UMP. Il y en avait, certes, sur le constat, mais y en avait-il sur les moyens d'y remédier ? Quand on a vu, lundi dernier, les arbitrages budgétaires très coûteux sur le bouclier fiscal ou sur d'autres mesures, on a pu craindre que ces arbitrages aient été renvoyés à plus tard et ne voient pas le jour avant les futures briques que vous comptez poser.
J'en parlerai plus longuement dans la discussion générale, mais je tiens d'ores et déjà à dire que nous avons peur que l'on se contente aujourd'hui d'une simple réforme de structure et que, faute d'arbitrages, l'on ne se donne pas les moyens d'aller plus loin dans la nécessaire réforme des universités. Paradoxalement, nous n'avons parlé en commission que du pouvoir du président, du nombre de membres du conseil d'administration, des règles à définir avant de passer, sinon à l'expérimentation, du moins à l'étape suivante. Mais ce ne sont pas les questions que se posent nos collègues, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent. Ils ont, quant à eux, posé la question des étudiants, celle des enseignants-chercheurs, celle des doctorants : ce sont elles que nous devons régler si nous voulons que l'université française tienne sa place dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous avez pu le remarquer, personne, sur nos bancs, ne conteste la nécessité d'améliorer l'autonomie des universités. Il reste que cette loi accorde aux présidents un pouvoir exorbitant, que l'on n'oserait imaginer pour d'autres institutions. Vous proposez une autonomie en trompe-l'oeil. Vous avez raison sur un point : il y a urgence, mais le sort de nos universités mériterait un vrai débat public.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est pour cela que nous sommes ici !
N'a-t-on pas entendu, dans la récente campagne électorale, parler de « démocratie participative » ? N'a-t-on pas entendu aussi le slogan : « Ensemble, tout devient possible » ? Alors, chiche : ensemble, avec les étudiants, avec les présidents d'université, débattons, construisons cette loi.
Non, ce n'est pas vrai, la preuve en a été apportée tant par le calendrier que nous a présenté Noël Mamère que par le peu de temps consacré à la préparation : qu'est-ce que soixante heures pour un tel chantier ?
Votre loi prévoit également un renforcement des inégalités entre les universités et de la précarité pour les personnels universitaires. En même temps, à travers le mécénat, elle prépare l'adossement total de l'université au patronat. Les formations se feront au bon vouloir des entreprises : aujourd'hui, l'université offre aux étudiants des formations très larges. Désormais, elle ne proposera plus que des formations pour ce dont le patronat a besoin dans telle ou telle zone. Nous perdons ainsi l'occasion de mener une grande réforme. Nous avons démontré que le président détiendrait tous les pouvoirs.
En même temps, nous avons vu comment, toujours dans l'urgence, on faisait 13 milliards d'euros de cadeaux à moins de 1 % de la population. Dans ces conditions, on aurait pu attendre beaucoup plus pour les universités et les étudiants. La discussion a montré la précarité dans laquelle vivent ceux-ci, et un récent rapport a révélé que leur état de santé dépendait étroitement de leurs conditions de vie et d'étude. Nous avons pu constater, les uns et les autres, que nombre de présidents d'université se tournaient vers nos régions, vers nos villes ou vers nos communautés d'agglomération pour leur demander de participer à la construction des universités, à l'amélioration de leurs moyens, en raison d'une absence ou de trop faibles moyens d'État. Voilà pourquoi nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'université doit veiller non seulement à la transmission du savoir, mais aussi, désormais, à l'intégration sociale et à l'insertion professionnelle. Nous ne pouvons nous contenter du statu quo : 50 % des étudiants échouent dans le premier cycle, 90 000 jeunes quittent l'enseignement supérieur sans avoir obtenu aucun diplôme et 53 % des étudiants qui ont bac + 4 ont des difficultés à trouver un emploi.
Le Nouveau Centre ne veut pas maintenir cette situation. Nous devons avancer. Certaines réformes de gouvernance sont nécessaires. C'est pourquoi le Nouveau Centre refuse la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le moment que nous vivons est important, car nous attendions depuis longtemps cette réforme des universités. Il était temps qu'elle arrive, car l'environnement national et international a changé. Vous avez bien compris, madame la ministre, qu'il fallait à la fois des compétences plus claires et un fonctionnement plus simple, une gouvernance plus efficace en matière de budget, de gestion du personnel et de bâtiments.
Quel est le but de notre université ? Elle doit, certes, assurer la transmission du savoir, mais cela ne doit en aucun cas se faire sans souci de l'intégration sociale et de l'insertion professionnelle. Je l'ai dit, 50 % des étudiants du premier cycle échouent, 90 000 jeunes quittent l'université sans aucun diplôme − ce problème nous touche tous directement, car nous avons tous des jeunes autour de nous − et 53 % des étudiants à bac + 4 ont des difficultés à trouver un emploi. Pouvons-nous l'accepter ? Non, il nous faut modifier et rationaliser le fonctionnement des universités.
Madame la ministre, vous le savez, les UFR des sciences et techniques des activités physiques et sportives − les STAPS −, qui forment de nombreux étudiants aux métiers de l'éducation physique, connaissent des difficultés de débouchés. On envisage actuellement de donner par équivalence aux STAPS une qualification de kinésithérapeute. Certes, les kinésithérapeutes ne sont pas nombreux, mais ne vaut-il pas mieux former un peu plus de kinésithérapeutes et un peu moins de STAPS ?
Ou recruter des professeurs d'EPS en nombre suffisant pour les collèges ?
Vous connaissez également, madame la ministre, la spécificité des UFR de santé. C'est un cas unique dans notre université. Qui dit universitaire dans les facultés de médecine dit également praticien hospitalier. Il faut se souvenir que, avant les ordonnances de 1958, les facultés de médecine et les hôpitaux étaient séparés. L'ordonnance a marqué l'intégration des facultés de médecine dans les hôpitaux et la création des CHU, ce qui a forgé un outil exceptionnel au service de la santé. Ainsi, l'OMS a pu placer la France en première position, nos étudiants sont bien formés et nous sommes au quatrième rang mondial en matière de publications. La spécificité des UFR de santé doit donc être prise en compte. Menace-t-elle le texte actuel ? Je ne le pense pas. Il faut absolument conserver la spécificité des UFR de santé. Or l'article 12 retire à celles-ci la possibilité d'affectation directe des emplois hospitalo-universitaires, qui constituait une mesure dérogatoire, et il est encore renforcé par l'article 5 en vertu duquel cette affection ne peut être prononcée si le président de l'université émet un avis défavorable motivé. Il peut donc bloquer une nomination.
Un amendement introduit par le Sénat soumet ces affectations à l'article L. 952-21 du code de l'éducation, rétablissant ainsi la nécessité d'un dialogue entre le ministre de la santé et celui des universités. Mais vous savez très bien, madame la ministre, que les nominations de professeur des universités s'opèrent en trois étapes : la révision des effectifs, la discussion entre les deux ministres et la décision du conseil national des universités. Cette révision préalable est tout à fait indispensable. Sinon, comment voulez-vous qu'un directeur général de CHU aille discuter avec le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation un demi-poste complémentaire ?
Vous vous faites peur, monsieur le professeur !
Autre point, et non des moindres : les facultés de médecine ont une logique interrégionale, c'est-à-dire que plusieurs facultés se complètent. À Amiens, nous sommes dans le G4 : les postes universitaires sont discutés entre Lille, Rouen, Caen et Amiens, au-delà des perspectives purement locales. Certes, si l'on a un président d'université ouvert, une ministre comme vous, un conseil national des universités responsable, tout ira bien ! Mais nous faisons une loi pour trente ans : j'ai donc quelques inquiétudes. Si l'on regarde le passé, en 1984, on avait dû ajouter l'article 32 à la loi Savary. Je voterai donc l'amendement du rapporteur sur les affectations directes au niveau des UFR de santé.
Pour le reste, je regarde ce texte avec un oeil très favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est pour moi un honneur d'intervenir aujourd'hui en tant qu'oratrice du groupe UMP dans la discussion générale sur le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités.
Je tenais, madame la ministre, à vous remercier pour le travail que vous avez effectué en entreprenant cette grande réforme destinée à rendre une place de premier ordre à nos universités. Il s'agit d'une première étape. D'autres chantiers suivront tout aussi importants !
Longtemps annoncée, toujours repoussée, la réforme des universités répond à une véritable urgence. Oui, il y a urgence ! Nous ne pouvons plus nous résoudre à une situation qui n'a que trop duré. À mon tour, je reviens sur quelques constats. Comment accepter que 90 000 jeunes sortent chaque année de nos universités sans aucun diplôme ? Comment accepter que la moitié de ceux qui obtiennent une qualification après quatre ans de formation n'aient toujours pas d'emploi un an après ? Comment accepter que deux étudiants sur trois atterrissent à l'université par défaut alors qu'ils préféreraient être ailleurs ? Comment accepter enfin un taux d'encadrement par étudiant qui nous place à la dix-huitième place sur vingt-trois au sein de l'OCDE ? Nos étudiants, mal orientés et mal encadrés, sont trop nombreux à échouer et, même diplômés, ils restent insuffisamment insérés dans la vie professionnelle. Pourtant, nos universités ont des enseignants-chercheurs de grande qualité, des laboratoires de renom international et les étudiants ne demandent qu'à réussir !
Alors pourquoi notre système fonctionne-t-il mal ? Il fonctionne mal parce que, depuis vingt ans, ses règles n'ont pas changé ! En parallèle, des écoles se sont créées, des formations qualifiantes construites sur un projet clair, et disposant souvent de moyens bien supérieurs à nos universités. Ces structures ont bénéficié de la souplesse, elles ont eu la liberté de s'organiser, de recruter, de s'adapter. Voilà ce dont notre université a besoin !
Cette réforme répond au besoin de rénover la gouvernance, à la nécessité de libérer les énergies. Elle va surtout permettre d'affecter les moyens là où ils sont indispensables puisqu'elle s'accompagnera d'un effort considérable – plus de 5 milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2012, ce qui correspond à un accroissement de 50 % du budget global.
Au-delà de la modification de la gouvernance, la réforme va surtout assigner à l'université une mission essentielle : l'insertion professionnelle. En définitive, qu'attendent de nous nos concitoyens ? Quelle est véritablement la mission première de notre système d'enseignement supérieur ? À mon avis, elle repose sur trois piliers fondamentaux.
Premièrement, l'université doit aider les jeunes à choisir leur formation en fonction de leurs attentes, de leurs qualités personnelles et, bien sûr, de leurs capacités. Il s'agit non pas de contraindre, mais d'accompagner. C'est une grande mission que celle de l'orientation ! On doit être capable de dire à un jeune : « Cette formation, tu peux la faire, mais tu auras peu de chances de réussir parce qu'elle offre très peu de débouchés ou alors il faudra que tu sois le meilleur ! » On doit être capable de dire à un jeune : « Si tu suis cette formation, avec le bac que tu as eu, tu as une chance sur 200 d'arriver en troisième année ! » Voilà la première mission de l'université, voilà ce que propose ce texte !
Deuxièmement, l'université doit dispenser un enseignement de qualité. Cela veut dire qu'il doit s'adapter ! S'adapter au public, au temps, aux besoins ! Pourquoi le système des écoles, des STS ou des IUT fonctionne-t-il mieux ?
Tout d'abord, le nombre d'heures enseignées est beaucoup plus important. Certains enseignements sont renforcés, comme la pratique des langues, les technologies de l'information ou les épreuves rédactionnelles permettant à tout un chacun de progresser à l'écrit ! Comment accepter, par exemple, que, dans certaines filières, un étudiant en première année ait une heure d'anglais par semaine, soit moins de quarante heures sur toute une année ?
Ensuite, la qualité de la formation doit être la même pour tous, dans toutes les filières, sur tout notre territoire, pour tous les étudiants ! Il faut donc qu'elle bénéficie de différents profils d'enseignants : les enseignants-chercheurs, d'une part, qui offrent la garantie d'une vision innovante puisqu'ils se consacrent en alternance à leur métier de chercheur et à celui d'enseignant, et des professionnels qui viennent apporter, et faire partager, une expérience de terrain du monde du travail. C'est aussi de cette souplesse de recrutement que notre université a besoin. C'est aussi ce que propose ce texte !
Troisièmement, enfin, l'université doit être ouverte mais exigeante. Elle doit pour cela s'ouvrir sur les entreprises, pouvoir créer facilement des filières de formation adaptées aux besoins de son bassin d'emploi, rapprocher aussi la société civile et le monde économique pour valoriser sa recherche.
Plus de la moitié de la recherche française se fait à l'université. Il faut la stimuler, l'accompagner et l'évaluer. Elle doit être un moteur pour valoriser des filières professionnelles et pour réussir le rapprochement de nos laboratoires avec le monde de l'entreprise. C'est un gage de la bonne adéquation de nos formations avec les besoins d'emploi. Grâce à la possibilité de créer des fondations, notre université aura les moyens de cet enjeu considérable.
Oui, cette réforme est vraiment une chance ! Avant tout pour les jeunes puisqu'elle fera de notre université celle que l'on choisit, où l'on est heureux d'apprendre, celle qui rétablit l'égalité des chances. Ce soir, devant vous, je pense surtout à eux ! C'est pour moi une grande fierté que de monter pour la première fois à cette tribune pour défendre un texte dont l'enjeu majeur est l'avenir de nos enfants.
Pendant plus de quinze ans, j'ai fait ce merveilleux métier d'enseignant-chercheur ! Je sais combien il est fondamental d'offrir la réussite ! Quel gâchis et quelle responsabilité de voir un de vos étudiants quitter une filière au bout de deux, trois, voire quatre ans d'études, sans aucune perspective ! Quel bonheur, à l'inverse, de recroiser celui ou celle qui a construit sa vie, et que vous avez pu quelque temps accompagner !
Enfin, ne savons-nous pas tous, combien la route à tracer pour nos propres enfants, est parfois difficile ? Qu'y a-t-il finalement de plus important que d'offrir aux jeunes les moyens de réussir, de leur garantir un avenir ?
Ce projet de loi s'intitule « Libertés et responsabilités des universités ». Oui, la liberté s'accompagne de responsabilité. Cette liberté, qui va offrir souplesse, réactivité et ouverture, nous oblige tous ensemble à être les garants d'un système de formation qui placera l'université française en bonne position pour participer à la bataille mondiale de l'intelligence !
L'université doit gagner le triple pari d'être à la fois le coeur de la formation et de l'insertion professionnelle et l'acteur majeur de notre recherche. Mais, surtout et avant tout, l'université doit replacer l'étudiant au centre de son projet.
Pour conclure, vous me permettrez, mes chers collègues, de rappeler, au nom du groupe que je représente, que cette réforme traduit la volonté de notre Président de la République de tenir ses engagements. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous sommes au coeur du chantier de l'égalité des chances. Notre Premier ministre a parlé, quant à lui, de priorité absolue. Je le cite : « Nous allons rebâtir l'université française en conduisant un jeune sur deux vers un diplôme de l'enseignement supérieur et faire de nos universités des pôles d'excellence. » Madame la ministre, vous avez tout notre soutien et nous serons à vos côtés pour réussir cette grande réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme je l'ai déjà indiqué au nom de mon groupe, la réforme des universités ne doit pas attendre. Nous sommes donc partisans d'en faire plus et d'aller plus loin, et non l'inverse ! En effet, les lois Faure de 1968 et Savary de 1984 ne sont pas allées jusqu'au bout de la logique que le mot autonomie sous-entendait. Les universités sont toujours financées en fonction de critères fixés par des normes très anciennes, les normes SANREMO, qui viennent compléter des négociations quadriennales ; le patrimoine immobilier appartient toujours à l'État ; les procédures de recrutement, qui dépendent elles aussi de l'État, sont longues, lourdes et peu efficaces ; les carrières des enseignants et des enseignants-chercheurs dépendent uniquement de l'État et de critères qui n'ont rien à voir avec la qualité de l'enseignement – les nominations dans le supérieur sont décidées sans aucune évaluation des qualités d'enseignant – ; les bourses, enfin, sont octroyées par l'État.
Le système doit donc évoluer car il est peu opérationnel. Il est même inégalitaire et inadapté, notamment, il faut le répéter, parce qu'il est en compétition avec le système sélectif – qui est bon d'ailleurs – de préparation aux grandes écoles, dont le coût par an et par étudiant est deux fois plus élevé que celui d'un étudiant en premier cycle universitaire.
De plus, il est injuste car le taux d'échec en premier cycle est plus important. Bien que nous soyons favorables au principe de diplômes nationaux, nous sommes obligés de reconnaître que les chances de réussite ne sont pas les mêmes selon qu'un titulaire du baccalauréat est admis dans telle ou telle université, a fortiori dans une « classe prépa » ou même dans un IUT avant de rejoindre plus tard une filière longue. En un mot, l'étudiant n'est pas au centre de notre système universitaire.
Les députés ont eu beau être très nombreux à dénoncer les conditions de vie, la mauvaise insertion des étudiants – vous l'avez dit, 90 000 étudiants quittent chaque année l'université sans diplôme –, s'indigner des faibles moyens humains et financiers, rien n'y a fait. On ne peut pourtant pas se satisfaire d'un système inégalitaire, d'une université à plusieurs vitesses qui mène les étudiants les plus chanceux à la réussite mais la plus grande partie d'entre eux à l'échec.
Je l'ai dit en commençant ! Et nous allons y revenir.
La campagne de l'élection présidentielle – sur ce point, je partage l'avis de notre collègue Goasguen – était plutôt rassurante pour l'université et la recherche auxquelles les principaux candidats avaient donné la priorité. Nous nous sommes même réjouis, au moment de votre nomination, madame la ministre, de voir l'enseignement supérieur et la recherche réunis dans un même ministère autonome. Depuis que le candidat, aujourd'hui Président, promettait la priorité absolue pour l'enseignement supérieur et la recherche, des moyens substantiellement accrus et qu'il déclarait que l'argent ne devrait « jamais être un obstacle à la poursuite des études », nous attendions avec impatience qu'une loi s'attaque réellement aux racines du mal.
Malheureusement, nous restons sur notre faim et nous sommes presque déçus par le texte que nous examinons aujourd'hui. Il n'aborde que des problèmes de gouvernance puisqu'il se limite à l'autonomie. Sans en minimiser l'importance, elle ne soignera en rien les maux dont souffre aujourd'hui l'université. Ce n'est pas en définissant les compétences du président de l'université, ni en fixant le nombre des membres du conseil d'administration que nous réduirons le taux d'échec en premier cycle, que nous améliorerons la situation déplorable des doctorants ou l'insertion des diplômés dans le monde du travail ou que nous réussirons une meilleure articulation entre l'enseignement supérieur et la recherche.
Vous nous avez dit, madame la ministre, qu'il s'agissait de la première pierre. Mais peut-on s'en féliciter dès lors que l'architecture du bâtiment et le financement de l'opération demeurent des inconnues ? Nous sommes exactement dans cette situation aujourd'hui. (Exclamations sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La pose de la première pierre ne garantit en rien la beauté et l'harmonie de la construction.
Ma question est donc simple : comment peut-on croire que le Président de la République tiendra sa promesse de dégager 5 milliards d'euros sur cinq ans quand, dès la première année, il s'exonère de tout engagement financier – alors même que nous, parlementaires, venons la semaine dernière d'arbitrer des collectifs budgétaires dans d'autres domaines ? Vous avez dit, madame la ministre, avoir obtenu 54 millions d'euros pour les bourses étudiantes, et une dépêche de l'AFP annonce aujourd'hui une revalorisation des conventions industrielles de formation par la recherche – CIFRE. Si l'on ne peut que s'en féliciter, les techniciens que nous sommes observent aussi que la participation de l'État augmente beaucoup moins que le salaire minimum des bénéficiaires, ce qui signifie que les partenaires du privé vont payer la différence.
rapporteur. Eh oui, il faut ouvrir le financement de l'enseignement supérieur au privé !
Comment peut-on être confiant puisqu'aucun engagement financier ne sera pris avant 2008, et que ces crédits potentiels, sur lesquels on se fonde aujourd'hui, ne seront opérationnels que dans un an ? Doit-on vous croire sur parole quand vous ne donnez aucun gage sonnant et trébuchant ? Quel sera le plan de recrutement pluriannuel dans l'université, alors que votre collègue Xavier Darcos se propose de supprimer 17 000 postes dans l'enseignement scolaire ? Est-on certain que c'est en soutenant moins bien les élèves à l'école qu'on les met en situation de réussir à l'université ?
Il y a 15 mois, quand M. Goulard était ministre, nous avions eu dans cet hémicycle une discussion…
Non, il n'y a pas prescription : Mme Pécresse est garante de la continuité de l'action de l'État ! Vous nous aviez promis que des allocations de recherche seraient versées aux doctorants. Pourquoi n'est-ce pas encore fait ? Vous nous l'aviez promis pour septembre ou octobre !
Cela sera fait en septembre 2007.
Si, monsieur le ministre, vous aviez dit « dans quelques mois » : cela fait maintenant quinze ou seize mois de cela ! Les décrets n'ont pas été publiés, aucun arbitrage budgétaire n'a été rendu. Avec le respect que nous vous devons, madame la ministre, nous ne pouvons cautionner un texte sur les universités si les promesses du précédent gouvernement, auquel participait l'actuel Président de la République, ne sont pas tenues !
Au-delà des critiques qui ont déjà été émises par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche – mais vous avez dit que cela aurait pu être pire ! (Sourires sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) –, par les syndicats étudiants et enseignants et par la conférence des présidents d'universités, nous voulons réaffirmer notre position.
Si nous souhaitons des évolutions sur les dotations des universités, l'amélioration des conditions de recrutement, une meilleure répartition des tâches d'enseignement, de recherche, de gestion, de coopération internationale, de valorisation, de diffusion de la culture scientifique et technique, nous sommes attachés à la notion de service public de l'enseignement supérieur et de la recherche et à la reconnaissance nationale des diplômes. L'État doit jouer son rôle de régulateur et tirer vers le haut notre système d'enseignement supérieur et de recherche. Voilà pourquoi nous avons refusé la notion d'expérimentation, qui aurait conduit à favoriser une dizaine de grandes universités, laissant les autres patauger dans la misère budgétaire.
Si nous sommes favorables à davantage de souplesse pour que l'on puisse recruter plus facilement de jeunes post-doctorants qui, faute de poste en France, sont partis à l'autre bout du monde, nous regrettons qu'on leur impose un véritable parcours du combattant pour revenir.
Si nous voulons donner des compétences de gestion et d'administration aux équipes de direction, nous refusons l'éclatement des statuts de la fonction publique. Ce n'est pas, madame la ministre, université par université que doit être fixé le nombre de contractuels. De tels postes doivent être réservés à des cas bien identifiés ; et nous refusons la rédaction actuelle de l'article 15 qui, au détour d'un amendement sénatorial, permet précisément le retour à l'expérimentation. Si le texte reste en l'état, les universités favorisées pourront recruter des contractuels et des professeurs étrangers en les payant mieux, tandis que les petites universités seront les seules à devoir respecter strictement les règles de la fonction publique. Nous craignons que la politique universitaire ne devienne une politique à géométrie variable !
En évoquant ces risques, nous ne sombrons ni dans la paranoïa, ni dans l'opposition systématique ; nous affirmons simplement que votre crédibilité dépend de l'arbitrage que vous obtiendrez du Président de la République sur un plan pluriannuel associant des moyens financiers et la programmation d'emplois nouveaux. Nous vous ferons confiance si vous nous dites comment vous financerez le logement étudiant et comment vous améliorerez le taux d'encadrement dans le premier cycle, de façon à le rapprocher de celui que connaissent les classes préparatoires ou les sections d'IUT.
Enfin, je voudrais vous rappeler qu'à côté des enseignants et des étudiants, il y a, dans les universités, des personnels techniques et administratifs, qui font tourner la machine et ont été laissés à l'abandon par le précédent gouvernement. Il faut leur offrir la possibilité d'une carrière dynamique au service de l'université. Vous devez aussi les impliquer davantage en leur accordant, comme aux autres catégories universitaires, une vice-présidence du conseil d'administration.
Nous vous avons posé des questions, qui seront précisées dans nos amendements. Vos réponses détermineront notre position finale. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Alain Claeys l'a déjà dit tout à l'heure.
Si réforme il y a, elle doit se traduire par un engagement financier pluriannuel. Si vous voulez être crédibles, vous devez nous dire aujourd'hui comment vous traiterez de la précarité des étudiants – qui est l'un de vos chantiers prioritaires –, de l'échec en premier cycle, de l'orientation, du statut des enseignants-chercheurs, de la rémunération des doctorants. Vous devez nous indiquer comment vous envisagez l'évolution de l'Université, et quels liens vous entendez instituer entre les universités et les organismes de recherche – même si vous avez déjà commencé à aborder ce sujet en réponse à une question de Pierre Cohen. Les mines du xxie siècle seront des mines de matière grise, nous en sommes convaincus.
Il ne suffit cependant pas de le dire et de marteler le mot « priorité » ; il faut définir par quels moyens, madame la ministre, vous comptez y parvenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, mon intervention s'articulera en deux parties ; l'une est d'ordre général, l'autre plus spécifique à l'université des Antilles et de la Guyane.
La dégradation du système universitaire est en maints domaines avérée. Presque tous les clignotants sont au rouge. Un taux d'échec élevé, une recherche dans un état détérioré, la fuite incessante des cerveaux, un classement à l'international en dégringolade, caractérisent cet inquiétant constat. Il était impensable de laisser les choses empirer encore. Une réforme réparatrice, s'attaquant aux multiples causes de cette situation, était urgente. Le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités prétend y parvenir.
Cependant, cette réforme nécessaire ne serait pas suffisante si elle se contentait d'un texte sur le management, faisant du président un homme tout-puissant sans réelle instance faisant contrepoids. La gouvernance stricto sensu n'est pas l'unique élément à prendre en considération ; la solution doit être plus globale. Ne réside-t-elle pas aussi dans le remède à apporter aux échecs trop nombreux qui plombent tant de filières ? La finalité de la réforme n'est-elle pas de redéployer et de renforcer la recherche afin de l'aider à retrouver ses lettres de noblesse en partie perdues ? Gestion rigoureuse, réduction des échecs et consolidation de la recherche sont intimement imbriquées. En dernier ressort, la réussite de la réforme dépendra des moyens financiers et humains qui y seront consacrés. Curieusement, le texte proposé reste muet à ce sujet.
Madame la ministre, le constat est plus préoccupant encore quant à l'avenir de l'université des Antilles et de la Guyane – au point que le Sénat a proposé d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour y adapter la loi, après consultations des parties prenantes. De fait, répondre au mieux aux objectifs de la gouvernance, tenir compte des contraintes géographiques de l'éclatement de l'université sur trois régions, exiger le maintien d'une recherche diversifiée et de qualité, nécessitent une concertation approfondie.
Lors de l'examen en février 2006 du projet de loi de programme pour la recherche, j'avais déposé un amendement – adopté à l'unanimité – demandant la rédaction d'un rapport sur les conditions de développement de la recherche en Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion. J'avais en outre préconisé la création d'un pôle de compétitivité endogène adossé à l'université des Antilles et de la Guyane, qui se verrait assigner un rôle fédérateur afin de corréler la recherche au développement.
Le rapport, établi conjointement par l'inspection générale de l'administration et l'Inspection générale de l'éducation nationale et de la recherche, a depuis lors été publié. Il recommande la création de plusieurs pôles d'excellence ; mais si le Gouvernement vient de retenir pour la Guyane un pôle de compétitivité en « santé tropicale » et pour la Guadeloupe un autre en « technologies écoefficientes en milieu insulaire tropical à risques », il en manque au moins un à l'appel. Je veux croire que ce n'est pas un oubli volontaire.
Ce débat est l'occasion de poser quelques questions concernant l'université des Antilles et de la Guyane afin de redéfinir les contours de ses missions. Doit-elle seulement dispenser un enseignement du savoir ou de formation, ou doit-elle aussi contribuer à la recherche fondamentale et appliquée ? Doit-elle piloter la recherche sur place, ou suivre les orientations préconisées ? Faut-il adapter l'enseignement supérieur pour l'exploration et l'exploitation des potentialités endogènes, ou travailler sur les mutations en cours ? Faut-il se cantonner aux stratégies de spécialisation territoriale ? Comment garantir pour la Martinique les retombées effectives des recherches, compte tenu des verrous inhérents à la protection de la propriété intellectuelle ? Quel sort réservera-t-on aux trois IUFM existants ? Les ordonnances d'adaptation retiendront-elles les orientations définies dans les schémas régionaux de développement économique ? Enfin, l'université des Antilles et de la Guyane pourra-t-elle élargir son champ d'action en passant des conventions de coopération avec les autres universités de la Caraïbe ?
Au moment où une partition de notre université est évoquée, mieux qu'une réforme, c'est, madame la ministre, une refonte totale qu'il faut opérer chez nous. Non une refonte préparée à huis clos, ni une refonte pour vivre en vase clos : si la recherche est d'importance pour les grands pays, elle l'est tout autant pour les petits. Comme dit le proverbe, « Gran kouté piti, piti kouté gran » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, la réforme des universités est à l'ordre du jour du Gouvernement. Enfin ! Depuis plus de vingt ans, il était quasiment interdit de toucher aux règles de fonctionnement de nos facultés alors qu'elles étaient devenues inadaptées à la massification de l'enseignement – cela a déjà été dit – et à la mondialisation. Madame la ministre, nous vous félicitons pour le courage que vous montrez en nous présentant ce texte, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre.
Réformer nos universités est aujourd'hui une nécessité, une urgence même. Le nombre de jeunes qui accèdent à l'enseignement supérieur a considérablement augmenté — il faut s'en féliciter — puisque les gouvernements successifs l'on souhaité : plus de 70 % d'une classe d'âge sont désormais bacheliers – tous baccalauréats confondus. Or si le lycée s'est adapté à la massification de l'enseignement, notamment en ce qui concerne la pédagogie et les formations proposées, nos universités – il faut bien le reconnaître – n'ont pas réalisé l'indispensable aggiornamento. La réforme LMD, qui réorganise les parcours universitaires, nous pousse également à la réforme : les étudiants en BTS ou DUT notamment, diplômés à bac +2, attendent avec impatience de trouver leur place dans ce nouveau système, sans que ce soit nécessairement par le biais de licences professionnelles.
Ne nous trompons pas de débat : il ne s'agit pas de choisir entre la sélection au mérite et la promotion sociale, entre l'égalité républicaine et un système d'excellence-concurrence. C'est pourquoi l'autonomie des universités, loin de se faire au prix du désengagement de l'État, doit s'accompagner de la création de postes. Dès lors, la querelle sur la nature de ces créations — postes de fonctionnaires titulaires ou de contractuels — n'a guère de sens. Il est ridicule de s'inquiéter d'une éventuelle précarisation des emplois universitaires alors même que tant de jeunes chercheurs vivotent avec un demi-poste d'assistant pour un an ou tentent une autre carrière dans l'attente d'un emploi définitif. Des postes de trois ou six ans assureraient mieux l'avenir des jeunes chercheurs que les contrats annuels d'aujourd'hui.
Le projet de loi va dans le bon sens, notamment parce que les sujets qui faisaient débat ont été résolus. Une analyse lucide et raisonnable du texte le confirme de façon évidente et seule la mauvaise foi, voire une vision idéologiquement bornée, pourraient faire croire le contraire. Non seulement une place suffisante a été faite à la concertation avec les syndicats étudiants et enseignants, ainsi qu'avec les présidents d'université, mais, de plus, la représentation des étudiants sera préservée. Il ne s'agit pas de faire des présidents les nouveaux propriétaires de l'université.
Madame la ministre, les députés de notre groupe entendent apporter leur pierre à l'édifice. C'est pourquoi nous défendrons les idées fortes suivantes.
Premièrement, nous sommes attachés au modèle universitaire français. Il est pour nous hors de question de toucher au statut national des diplômes.
Deuxièmement, il nous paraît indispensable de revoir la gouvernance des universités, en démocratisant son fonctionnement et en promouvant les fonctions d'encadrement.
Troisièmement, il est tout aussi indispensable de s'attaquer au problème principal de l'université : l'échec en première année, qui touche quelque 40 % des étudiants. Cela implique d'améliorer l'orientation en amont de l'université en préparant mieux les lycéens à la spécificité du travail universitaire. Puisque 70 % des jeunes ont désormais leur baccalauréat – je le rappelle : tous baccalauréats confondus –, l'université doit adapter ses méthodes pédagogiques et ses formes d'évaluation à des élèves habitués au contrôle continu. Le lycée n'est donc pas le seul à devoir s'adapter : il appartient aussi à l'université de le faire. Il n'est pas sérieux de laisser tous ces jeunes sur le bord du chemin : il y va de notre responsabilité.
Quatrièmement, il faudrait réfléchir à renforcer la présence humaine dans les campus. L'université a grand besoin de tuteurs, de moniteurs, d'interlocuteurs pour les étudiants débutants ou de bibliothécaires, c'est-à-dire de toute une gamme de soutiens visant à rendre l'université accueillante en échange de bourses convenables qui changeraient la vie d'un grand nombre d'étudiants et de leur famille.
Cinquième et dernier point, les universités doivent faire leur place à tous, valides et personnes en situation de handicap. Grâce à la loi du 11 février 2005, la scolarisation des enfants handicapés dans les établissements primaires et secondaires est désormais une réalité. Il faut continuer et permettre aux jeunes handicapés, qui rencontrent un grand nombre de problèmes dans les universités, d'y poursuivre leur formation. Nous améliorerons de cette manière leurs chances d'insertion professionnelle : nous avons déposé un amendement en ce sens, précisant qu'il doit relever des missions et des attributions du conseil des études et de la vie universitaire de rendre accessible l'université aux étudiants handicapés en leur offrant les aménagements nécessaires.
Il convient enfin de poser la question des moyens : aujourd'hui, l'État dépense 10 000 euros pour un lycéen contre seulement 7 000 pour un étudiant. Il faut rétablir l'équilibre, ce qui implique un investissement majeur de la nation en faveur de l'enseignement supérieur : il s'agit en effet de doubler en dix ans l'investissement par étudiant pour le porter au niveau de la moyenne des pays performants de l'OCDE.
Nous devons avoir conscience que la bataille du XXIe siècle sera celle de l'intelligence. Nous sommes entrés dans une société de la connaissance, où la puissance dépend de la maîtrise du savoir. Quand on sait qu'il y a plus d'informaticiens à Bangalore que dans la Silicon Valley, on mesure l'enjeu d'une telle bataille pour les pays occidentaux : pour ne pas perdre la maîtrise de la conception comme nous avons perdu celle de la production, il nous faut miser sur l'enseignement supérieur et sur la recherche. C'est l'avenir du pays et de nos enfants qui en dépend.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Nouveau Centre examinera d'un oeil très favorable ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, ce texte était attendu depuis de nombreuses années par tous ceux qui ont eu l'occasion de travailler sur les dossiers de l'enseignement supérieur dans notre pays, notamment, depuis cinq ans, autour de Pierre Méhaignerie et de Gilles Carrez, au sein de la commission des finances de l'Assemblée et avec le concours de la Cour des comptes. Ce travail a abouti à la publication de deux rapports, l'un portant sur la formation continue, l'autre, que j'ai rédigé en collaboration avec Alain Claeys, dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle, sur la gouvernance des universités.
Ce projet de loi était également attendu des observateurs qui, tous, ont fait le constat que, bien qu'elle ait réussi à relever le défi démographique auquel elle était confrontée, avec des moyens limités, l'université française est aujourd'hui malade.
Elle est malade, tout d'abord, d'un manque de moyens : 6 965 dollars dépensés par étudiant et par an, c'est très inférieur aux moyennes européenne et mondiale. Une réponse a d'ores et déjà été apportée par le Premier ministre qui a relevé ces crédits de cinq milliards d'euros – un effort important.
Elle est malade également de sa gouvernance. L'État manque de vision stratégique et exerce une tutelle que le rapport rédigé dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle a pu qualifier de « molle » et de « tatillonne ». De leur côté, les universités, encore trop souvent dépourvues de projets stratégiques communs et soumises, au travers des UFR, à des féodalités, sont disséminées. De ce point de vue, la multiplication, au cours des dernières décennies, des antennes n'a pas rendu service à l'université française.
Alors qu'elle est aujourd'hui en passe d'acquérir une capacité de gouvernance nouvelle, je voudrais, madame la ministre, vous remercier d'avoir repris certaines des propositions formulées de manière consensuelle par notre commission des finances, comme le renouvellement possible du mandat du président, le droit de veto du président sur les affectations, la suppression de la possibilité de panachage des listes électorales – le projet de loi introduit la possibilité de listes incomplètes – ou encore la globalisation des primes, dont le président est responsable. Nous proposions leur intégration dans le budget des universités, mais le projet de loi permet au conseil d'administration de prévoir des dispositifs d'intéressements. Par ailleurs, les comités de sélection des enseignants-chercheurs émanant du conseil d'administration remplaceront désormais les commissions de spécialistes, le conseil d'administration pouvant proposer des candidats. Leur patrimoine pourra également être dévolu aux universités volontaires avec mise en sécurité et expertise contradictoire des locaux.
En ce qui concerne la répartition du travail des enseignants-chercheurs entre enseignement, recherche et autres activités – sujet qui empoisonne la lisibilité des affectations budgétaires depuis des années et auquel nous avons été directement confrontés lors de mise en oeuvre de la LOLF –, vous proposez des solutions certes différentes des nôtres – nous préconisions un contrat individuel entre l'université et chaque enseignement, prévoyant la répartition de son temps de travail – mais qui n'en ont pas moins le mérite de donner compétence au conseil d'administration pour prévoir la répartition des obligations de service. Enfin, vous proposez de rendre public chaque année le rapport du recteur sur l'exercice du contrôle de légalité : nous en sommes d'autant plus satisfaits que, lors de nos travaux, nous nous sommes souvent demandé si le recteur rencontrait quelquefois le chancelier des universités !
Le projet de loi reprend donc la plupart des propositions que nous avons formulées. Certes, il va plus loin, et sans doute permet-il des lectures différentes par la majorité et par l'opposition : le débat sur ce point est du reste légitime. Toutefois, chacun peut se retrouver sur le constat, qui a été établi conjointement, et sur les propositions de la commission des finances – il en va de la valorisation du travail parlementaire.
Madame la ministre, par-delà ces propositions d'ordre législatif, je souhaite vous interroger sur les aspects réglementaires : chacun sait bien, en effet, que la gouvernance ne sera effective que si les moyens matériels sont renforcés, si les carrières des secrétaires généraux sont mieux gérées, si un administrateur civil qui consacre quelques années à l'université ne se trouve pas freiné dans le déroulement de sa carrière, si les systèmes d'information, qui sont à l'heure actuelle très défaillants, bénéficient de moyens performants ou si les agents comptables peuvent suivre une formation adaptée, qui ne soit pas simplement celle d'un agent comptable de lycée, le budget d'une université étant autrement important et complexe. Sur tous ces points, qui sont d'ordre réglementaire, il serait utile que vous puissiez nous rassurer sur les orientations du Gouvernement.
Enfin, les universités ne gèrent aujourd'hui que 4,5 % des personnes en formation continue, 7,5 % en temps. C'est dérisoire au regard des universités étrangères comme à celui de leurs missions, des ressources qu'elles peuvent en tirer et de leur place dans la formation tout au long de la vie.
Madame la ministre, à travers vous, c'est tout le Gouvernement que je voudrais remercier pour ce texte, notamment le Premier ministre qui, on le sait, l'attendait avec impatience puisqu'il avait espéré le voir présenter il y a déjà quelques années. C'est chose faite : ne boudons pas notre plaisir mais permettons, par son adoption, à l'université française de vaincre ses faiblesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Quelle déception, madame la ministre, et quelle occasion perdue que ce projet de loi que la déclaration de politique générale annonçait pourtant comme une priorité absolue de votre gouvernement !
Jamais en effet une telle unanimité ne s'était faite dans la communauté universitaire et, plus largement, dans la société tout entière, sur la nécessité de réformer en profondeur notre système d'enseignement supérieur, non seulement parce que chacun en connaît les faiblesses, les impasses ou les misères, mais également parce que presque tous lui reconnaissent sincèrement un rôle moteur dans le processus de croissance et dans la capacité de notre pays à se projeter dans l'avenir et à s'inscrire avec ambition et fierté dans l'ère de l'économie de la connaissance.
Non, jamais un tel consensus n'a existé, non seulement sur les rattrapages à effectuer, sur les moyens devant permettre de rester à flot, mais aussi et surtout sur la définition d'un système universitaire qui devienne le navire amiral d'une flotte de l'intelligence, des savoirs et de l'innovation, capable de voguer en haute mer, d'affronter les grands vents de la compétition mondiale, d'ouvrir à toute la société française de nouveaux horizons, de découvrir et d'inventer un nouveau monde.
C'est cette hauteur d'ambition-là, que les Français pouvaient légitimement attendre de votre part, vous ayant donné, comme l'a déclaré le Premier ministre, « un mandat clair pour faire entrer notre pays dans le XXIe siècle et jeter les fondements d'une France nouvelle ». Il est vrai que dans ce gouvernement on n'est jamais avare de superlatifs, de « gonflette » pour caractériser des mesurettes, des changements étriqués bénéficiant toujours aux mêmes, des sauts de puce déguisés en pas de géant.
François Fillon convoque ainsi, au seuil du siècle, « l'immense cohorte de nos savants, biologistes, mathématiciens, philosophes, juristes, historiens qui firent notre rayonnement »,…
…et, ajoute-t-il, « toute notre tradition spirituelle, philosophique et scientifique, toute l'ambition républicaine convergent vers la nécessaire réforme de nos universités ».
Tout ce monde convoqué pour quoi ? Est-ce pour repenser notre système d'enseignement supérieur, en vue de la production de nouvelles connaissances, de leur transmission et de leur diffusion ? Est-ce – soyons fous – en vue de la transformation de ces savoirs en innovation ? Pas du tout ! Il s'agit de permettre la simplification de l'élection des présidents d'université, pour leur donner la possibilité de commander directement une photocopieuse, voire – soyons fous de nouveau – une seconde. Tout ça pour ça !
Même si ce projet peut se discuter article par article et même si vous avez voulu lui prêter une ambition plus large, il ne porte, et de façon bien étroite – quoi que vous en disiez, madame la ministre – que sur la gouvernance des universités. Qu'en dites-vous d'ailleurs ? Dans un style plus sobre, vous vous contentez, au début de votre intervention, d'une citation – et non des moindres puisqu'elle est extraite de l'un des ouvrages de référence du nouveau phare de la nation : « Nous devons favoriser l'avènement d'universités puissantes et autonomes, appelées à jouer un rôle central dans la formation des élites et dans l'effort de recherche. L'autonomie des universités est la clef de voûte de la réforme de notre système d'enseignement supérieur ». Ainsi s'exprime Nicolas Sarkozy dans son ouvrage Témoignage.
Cette référence à elle seule épuise le sujet, ainsi que tout questionnement sur la méthode choisie. L'autonomie des universités est la clef de voûte de la réforme de notre système d'enseignement supérieur et, puisque Nicolas Sarkozy l'a dit, fermez le ban ! CQFD. Cette référence vous exonère de toute justification méthodologique sur la réforme et le calendrier adopté. Lui a le droit de parler de « clef de voûte », mais nous, nous n'avons pas du tout le droit de parler de « cathédrale ».
Je sais que vous adorez les exonérations, mais tout de même ! Rien n'explique la méthode choisie et vous ne parvenez d'ailleurs pas à la justifier. Nous avons tous constaté l'enthousiasme de M. Soisson pour la gouvernance des universités. Il a même évoqué 1974, ce qui nous a mis la puce à l'oreille : bon sang, mais c'est bien sûr ! M. Soisson a probablement compris, et donc pris ce texte pour ce qu'il était : le retour de la réforme d'Alice Saunier-Seïté. Avouez que pour entrer dans le XXIe siècle on pouvait espérer mieux.
On nous rétorque, monsieur le rapporteur, qu'il faut bien commencer par quelque chose, à savoir la politique des petits pas.
On théorise l'habileté suprême : les petits pas pressés – c'est la politique de Lilliput.
Eh bien, monsieur le rapporteur, dans le pays de Lilliput, c'est Gulliver le héros quand les Lilliputiens sont anecdotiques.
Vous nous expliquez ensuite vous-même, madame la ministre, que la preuve de votre bonne volonté et de votre attachement à la réforme, réside dans les moyens que vous allez y consacrer, pour nous avouer finalement que 5 milliards d'euros, c'est bien peu et que vous ne mettrez pas d'argent dans une structure qui ne fonctionne pas.
Voyez, madame la ministre, vous confirmez l'adage selon lequel il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour.
Le Gouvernement, la majorité n'aiment pas vraiment l'université, pas d'un amour fou en tout cas, et ne parient pas sur sa capacité d'invention ni sur les missions qu'elle peut et doit remplir à l'égard de la société française, à l'égard du savoir universel. La majorité ne lui en donnera pas les moyens, pas plus qu'elle ne vous les donne, madame la ministre.
Le texte relève d'une logique malthusienne propre aux présupposés idéologiques de votre camp. Ainsi un président d'université doit devenir un manager, mais c'est la pénurie que vous allez lui faire gérer. Nos universités manquent d'étudiants, chacun le dit, chacun le sait. Le pourcentage de diplômés de l'enseignement supérieur dans la population active est de 36 % au Japon, de 37 % aux États-Unis et de 23 % seulement en Europe.
Il faut donc non seulement poursuivre mais amplifier la massification des effectifs. Voilà le vrai tabou qu'il faut faire sauter, et non les complaisances politiques que vous dénoncez. En effet, au lieu de préparer cette croissance des effectifs, vous indiquez déjà qu'il faut « rompre avec la complaisance politique qui consiste à faire croire aux étudiants et à leurs familles que l'égalité des chances, c'est le droit pour tous de tout faire aussi longtemps que possible ». Personne ne demande cela, madame la ministre ! Chacun souhaite seulement étudier, et si possible dans une bonne université française.
Vous théorisez déjà la stabilisation des effectifs, ce n'est pas la voie qu'il faut suivre.
…mais chacun sait ici qui échoue.
M. le rapporteur lui-même a parlé de reproduction sociale des élites…
…et c'est bien de sélection par l'argent qu'il faut parler ! Vous ne vous attaquez pas à ce problème.
Pire, vous accentuez le phénomène puisque vous incitez les étudiants à travailler pendant leurs études. Or on sait bien que ce ne sont pas ceux qui ont le moins d'argent qui travaillent pendant leur cursus universitaire et, comme par hasard, ce ne sont pas non plus ceux qui échouent le plus.
Vous en appelez à l'audace, à la vérité. La vérité commande de dire qu'aujourd'hui on parle d'activité de recherche et de charge d'enseignement. Tant qu'on n'aura pas rompu avec cette logique, on échouera.
Mais c'est justement l'objet du texte !
Tant qu'on ne changera pas de mentalité et qu'on ne considérera pas l'enseignement comme une mission noble, on ne s'attaquera pas aux racines du mal. Quant à l'audace, elle aurait été de faire des étudiants de vrais acteurs, concepteurs et partenaires de la réforme ainsi que de la vie universitaire et, pourquoi pas, des membres des comités de sélection qui font tant couler d'encre en ce moment.
L'audace, la fin de la complaisance, aurait été non pas de créer un bureau de l'insertion professionnelle à l'université, mais de considérer que les débouchés professionnels sont avant tout une question de pédagogie.
Il s'agit de repenser une telle pédagogie, plutôt que de se contenter d'une nouvelle déclaration d'intention, d'une nouvelle mission et d'un nouveau bureau.
Vous souteniez que davantage d'élèves devaient oser l'université. Eh bien, l'audace, madame la ministre, aurait été que le président de la République et que le Gouvernement osent.
Or, Valérie Pecresse, vous avez coutume de dire que vous êtes la ministre des étudiants. Malheureusement, vous n'êtes pas la ministre de tous les étudiants.
Si !
Vous n'êtes ni la ministre des étudiants qui travaillent, confiés à Xavier Bertrand, ni, et c'est encore plus grave, la ministre des étudiants étrangers, du ressort de votre inspiré collègue M. Hortefeux.
Vous avez tort !
Il n'est pas sûr, du reste, qu'il accorde autant de visas que vous ne l'espérez.
Ce que vous dites témoigne d'une totale méconnaissance du fonctionnement de l'État !
Osez donc briser les tabous, osez la réforme, la vraie, celle que nous vous proposons ; réformez la réforme et nous vous suivrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons donc, selon le Premier ministre, on l'a dit, « la réforme la plus importante de la législature ».
Certes, une vraie réforme, appelée par l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche se révèle nécessaire. Cependant, celle qui nous est présentée aujourd'hui ne correspond en rien à leur attente. Le projet, discuté en procédure d'urgence, aborde les questions de gouvernance et d'organisation des universités, déterminant de façon très claire un calendrier rapide et fixant les modalités de la réforme sans laisser le temps d'un débat ouvert sur les finalités du système d'enseignement supérieur et de recherche.
Permettez-moi d'insister sur le fait que l'urgence se situe ailleurs. Elle réside d'abord dans les moyens matériels et humains supplémentaires que d'aucuns appellent de leurs voeux pour ne serait-ce que faire fonctionner les universités qui sont bien loin de disposer de budgets comparables à ceux des pays voisins. Cette revendication est exigible, je le répète, dès la rentrée universitaire prochaine.
Surtout, l'urgence consiste en l'ouverture d'un débat constructif et collectif regroupant des acteurs de différentes sensibilités. Seul un processus collectif de ce type sera à même d'élaborer des réponses à la diversité et à la complexité des défis auxquels est confronté l'enseignement supérieur français. Il s'agit de se pencher sur les missions indissociables de recherche et de formation dans tous les champs de la connaissance.
C'est précisément de ces deux points que nous aurions voulu débattre, car ils sont prioritaires à nos yeux, plus que la gouvernance.
Le texte, loin d'être purement technique, n'est pas anodin et, à l'image des projets que le Gouvernement nous a présentés depuis la reprise des travaux parlementaires, il récuse les principes de service public. Il s'inscrit pleinement dans une perspective de refonte de l'enseignement supérieur et de la recherche, fondée sur une vision étroitement utilitariste et à court terme. C'est en effet la conception même de service public, des missions originales de l'université, qui est ici remise en cause par l'institution de l'autonomie optionnelle mais surtout concurrentielle.
À la lecture du projet, chaque établissement d'enseignement supérieur pourrait devenir une entreprise conquérante appliquant les recettes du management et chaque président un chef d'entreprise contrôlant « son personnel », personnel dont les statuts ne cesseront de se précariser. Il ne s'agit donc plus de réorganiser le mode de décision mais bien d'instaurer une autre université dont la « déréglementation » permettra toutes les modifications ultérieures, prélude à une privatisation partielle ou totale. En fait, l'institutionnalisation de ce nouveau mode de gestion des universités, en imposant une transformation en profondeur de leur fonctionnement, vise à faciliter l'appropriation des savoirs par les entreprises dominant le champ économique, qui pourront décider, par exemple, de mobiliser des chercheurs sur des thématiques à des fins purement marchandes et utilitaires.
Le projet, qui ne prend pas en compte les spécificités d'un monde universitaire ancré sur le long terme, aura donc pour effet immédiat de créer une véritable concurrence entre les universités, entre les filières, entre les différents corps constituant le monde universitaire et entre les enseignants-chercheurs eux-mêmes à cause des primes et des intéressements. En les opposant ainsi les uns aux autres, vous isolerez les énergies créatives en laissant la porte ouverte au règne du chacun pour soi qui, en matière de recherche, aura des effets contre-productifs dévastateurs. Les principes de coopération prônés par l'ensemble des organisations syndicales afin de favoriser l'interdisciplinarité et le lien permanent entre la recherche et l'enseignement supérieur seront ainsi purement et simplement bafoués.
C'est donc un système universitaire hiérarchisé, non pas à deux vitesses mais bien davantage, que nous voyons se dessiner : certaines universités pourront offrir une gamme complète de formations, s'appuyant sur des laboratoires forts, quand d'autres, fragilisées par la faiblesse de leurs ressources, ne pourront offrir que des formations professionnelles, le plus souvent limitées au niveau de la licence.
L'autonomie que vous nous proposez repose sur un président aux pouvoirs exorbitants et sur un conseil d'administration restreint où la présence des enseignants-chercheurs et des étudiants est mise à mal. Or ces derniers doivent rester au coeur du système universitaire. Comment, en effet, engager une quelconque réforme sans prendre appui sur les premiers intéressés, sans les intégrer et les responsabiliser ?
Parce que l'autonomie des universités ne saurait se réduire à une simple autonomie de gestion de la pénurie, mais aussi parce que le véritable enjeu d'une réforme des universités est d'assurer à tous les étudiants la formation, la réussite et l'insertion professionnelle auxquelles ils ont droit, nous revendiquons une autonomie fondée sur l'innovation pédagogique et scientifique, sur le respect des principes démocratiques et sur un engagement national – c'est-à-dire un engagement de l'État – à la hauteur de ces ambitions.
Notre attitude n'est pas figée, elle ne consiste pas à défendre le statu quo ; au contraire, nous sommes bien conscients, je le rappelle, de la nécessité de l'urgence d'une profonde réforme qui prenne en compte les propositions de l'ensemble du monde universitaire, tout en respectant les principes fondateurs de la notion même d'université qui procèdent de l'ordre du savoir, de la connaissance et de la science.
Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, madame la ministre, le groupe des démocrates et des républicains est extrêmement réservé sur le texte.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, certains termes font fortune : il en est ainsi du mot « gouvernance » qui, depuis trois ou quatre ans, est mis à toutes les sauces. Je souhaite m'arrêter un instant non pas au mot lui-même mais à son complément : tantôt « gouvernance des universités », tantôt « gouvernance de l'Université ». La distinction entre les deux expressions, souvent absente du débat, est pourtant d'une très grande importance pour la société française et pour son histoire.
En effet, depuis cent cinquante ans, nous avons choisi d'organiser notre enseignement supérieur et notre recherche non pas en universités – au pluriel – mais en une université, qui est l'université française, l'université républicaine. Ce choix a des conséquences de haute portée puisque, notamment, il implique que nos diplômes universitaires aient un statut national, situation toute différente de celle des pays qui, ayant choisi le pluralisme des universités, délivrent des diplômes concurrentiels entre les différentes universités du pays.
Permettez-moi sur ce point, madame la ministre, d'amender l'un de vos propos. Vous avez dit dans votre intervention liminaire que, partout dans le monde, on proposait des lois de cet ordre, citant plus particulièrement l'exemple de l'Allemagne. Or, dans ce pays, c'est le contraire qui se passe.
L'État allemand cherche, à juste titre, face à des universités entièrement autonomes, à se doter d'un moyen à l'échelle nationale permettant de faire évoluer leur statut, chacune d'entre elles étant maîtresse chez elle et refusant d'évoluer.
De fait, une réflexion sur la gouvernance des universités serait pauvre si elle n'abordait pas la question de la gouvernance de l'Université, en portant notamment sur les types de diplômes, sur l'adaptation des formations aux étudiants, non pas en difficulté, mais, dirons-nous plutôt, non autonomes, ou encore – vaste sujet ! – sur la promotion de la recherche dans la sélection des élites françaises.
Ma deuxième remarque a également trait au thème de la gouvernance : les choix que vous proposez en la matière sont-ils les meilleurs ? Je prendrai, à cet égard, l'exemple de l'extrême concentration des pouvoirs entre les mains du président d'université. Ainsi que l'a fait remarquer à très juste titre le professeur Antoine Compagnon dans un récent article publié par Le Figaro, ces pouvoirs sont, aux États-Unis, répartis entre quatre fonctions autonomes et même étanches : celles de President, le président du conseil d'administration, de Provost, le responsable des études, de Dean of the faculty, le doyen de la faculté, et de Chief financial officer, l'homme des finances de l'université. Est-ce un choix juste et adapté à notre temps, que de réunir tous ces pouvoirs entre les mêmes mains ?
Le fait que j'ai entretenu, en ma qualité de ministre, de très bonnes relations avec la conférence des présidents d'université, ne m'empêche pas de penser que la question mérite d'être posée.
Vous avez argué du fait que les trois universités marseillaises avaient décidé de se regrouper pour constituer un grand ensemble comprenant 75 000 à 80 000 étudiants. Peut-on vraiment imaginer, madame la ministre, que le président d'un ensemble d'une telle dimension concentre tous ces pouvoirs ? Vous donnez, par exemple, aux présidents d'université la possibilité de distribuer des primes. Comment peut-on envisager sérieusement que cela puisse se faire dans une université d'une telle taille ?
Cette concentration absolue des pouvoirs...
..n'est pas un bon choix – je le dis à propos de cette fonction, mais je pense également à d'autres...(Sourires.)
D'autant que la question se pose de savoir si le mode d'élection des présidents d'université, qui va conduire à leur donner tant de pouvoirs, est vraiment juste et bon.
Il faut que cela soit dit à cette tribune, le choix d'une loi électorale avec prime de fait au collège des professeurs, n'aboutira à l'élection d'un président qu'à la suite d'ententes syndicales.
J'ai été le défenseur, pendant tout le temps où j'ai exercé les fonctions qui sont les vôtres aujourd'hui, madame la ministre, d'une bonne entente avec les syndicats, et même d'une confiance réciproque.
De là, cependant, à donner la totalité des pouvoirs dans un très grand nombre d'universités françaises, pluridisciplinaires notamment, à un homme élu par une coalition de syndicats, je m'interroge. Mais peut-être cela explique-t-il la discrétion, soulignée tout à l'heure par M. Goasguen, des oppositions au sein de l'université française ?
Cette concentration des pouvoirs soulève en outre – ce sera ma troisième et dernière observation sur ce sujet – des problèmes en termes de recrutement qui ne peuvent pas être éludés. En effet, si certaines universités monodisciplinaires s'accommoderont très bien de cette réforme et des nouveaux pouvoirs des présidents, je laisse à la représentation nationale le soin d'imaginer les difficultés que les universités multidisciplinaires vont, elles, rencontrer, avec toutes les conséquences néfastes que cela aura pour leur avenir.
L'idée de gouvernance pose décidément trop de questions auxquelles ce texte, mal inspiré et mal orienté, ne répond pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le constat selon lequel notre pays a, en une génération, accumulé un retard fort préjudiciable dans la formation supérieure de sa jeunesse, est largement partagé. Les chiffres en la matière ont été maintes fois cités, et je ne les reprendrai pas à cette tribune, sinon pour citer celui de 40 % d'étudiants qui n'atteignent jamais la troisième année de licence : qui pourrait s'en satisfaire ?
Il y a là un devoir pour notre pays d'agir afin d'adapter l'université française à un monde qui, lui, a, dans le même temps, évolué. La mondialisation a bouleversé tous nos systèmes traditionnels, et l'université ne peut échapper à toute confrontation. À l'heure où la concurrence entre les nations est vive, il était donc urgent d'agir pour donner à nos universités les moyens de se battre à armes égales avec celles qui sont les mieux placés à l'échelon mondial.
Cette première étape de la réforme de notre enseignement supérieur, qui porte sur la gouvernance et l'autonomie de nos universités, était un engagement fort du Président de la République. Cette promesse est donc tenue comme ce fut déjà le cas, au cours de cette session extraordinaire, des mesures relatives à la revalorisation de travail ou encore aux peines planchers pour mieux lutter contre la récidive. Chacun devrait donc se réjouir que nous n'ayons pas différé plus longtemps un débat attendu depuis tant d'années. Le reste du monde, lui, ne nous attend pas.
Par ce texte, madame la ministre, vous ouvrez aux universités de notre pays un nouveau chemin, celui de la liberté : liberté de s'administrer autour d'une équipe restreinte et responsable devant la communauté universitaire ; liberté de recruter et de rémunérer les meilleurs enseignants ; liberté de nouer des partenariats sans tabous ni complexes, en particulier avec les acteurs de l'économie ; liberté, pour celles qui le souhaiteront, de gérer leur patrimoine.
Nous le savons, madame la ministre, la liberté fait peur. Elle fait peur aux partisans des vieilles idéologies hyperétatisées pour qui il est plus facile de se défausser sur la collectivité plutôt que d'assumer ses propres insuffisances. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Elle fait peur aussi à tous ceux qui en refusent les contreparties, à savoir la responsabilité et, en l'occurrence, l'évaluation comparée.
Elle fait peur, enfin, à ceux – et certains se sont succédé à cette tribune – qui dissimulent, sous la bannière de l'égalité des chances pour les étudiants, la défense de corporatismes d'une autre époque. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cette première étape, madame la ministre, en appelle d'autres, et je salue votre volonté de ne pas vous enfermer dans une « loi cathédrale » qui voudrait tout régler d'un seul coup et qui, en fait, ne changerait rien, tout comme je salue l'attention que vous avez apportée aux amendements, dont nous discuterons dans la suite du débat, issus du groupe de travail que j'ai animé pour le compte de l'UMP sur ces questions.
Pour répondre, sous forme de conclusion, à la question de savoir quelle université nous voulons pour nos enfants, permettez-moi de citer Thomas Jefferson qui nous mettait déjà en garde : « Si les enfants sont mal éduqués, leur ignorance nous coûterait, par ses conséquences, bien davantage à l'avenir, que ne l'aurait fait leur correction par une bonne éducation. » II serait sage, aujourd'hui, de l'entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de la campagne tant des présidentielles que des législatives, la société de la connaissance et du savoir est apparue comme un thème majeur pour notre pays.
Si la recherche et les universités ont été des priorités pour bon nombre de candidats, nous le devons aux chercheurs et enseignants-chercheurs, aux personnels des organismes de recherche et des universités, mais aussi aux étudiants. Ils ont su rappeler aux politiques l'urgence et la nécessité de les replacer au coeur des projets politiques.
Je tiens à les en remercier et à les en féliciter, car par leurs cris de colère, parfois, ils ont réussi là où, élus de tout bord, nous avions eu le plus grand mal à nous faire entendre.
Si ce sujet est une priorité pour tous, nous n'apportons cependant pas les mêmes réponses. Les universités, madame la ministre, méritent autre chose qu'un texte très partiel, préparé à la va-vite, même si vous vous en défendez, et mécontentant tous les partenaires. L'appel des Cordeliers, qui regroupe les principaux syndicats des personnels enseignants-chercheurs, chercheurs, IATOS, demande le retrait du texte, ce que, aujourd'hui encore, l'UNEF a également exigé dans un communiqué.
Nous, socialistes, avons de l'ambition pour nos universités. Nous estimons que toute réforme doit s'effectuer en concertation, avec des moyens appropriés et sur des questions précises. Seule une telle démarche aurait pu constituer le socle de cette nécessaire réforme. Tel n'est pas le cas avec le texte que vous nous proposez. Nous aurons, au cours des prochains jours, la volonté de le faire évoluer et de le rendre ambitieux, même si vos réponses en commission ne me rendent pas optimiste.
Posons-nous la question ensemble : que doit devenir notre système universitaire par rapport aux autres structures de l'enseignement supérieur, telles les grandes écoles et les écoles d'ingénieurs, et aux organismes de recherche ? D'où viennent les difficultés ?
Tout d'abord, les taux d'encadrement sont, dans un grand nombre de filières, catastrophiques comparés à ceux des grandes écoles, des IUT et même des lycées. L'état, ensuite, dans lequel se trouvent les universités est parfois déplorable, en dépit des efforts réalisés ces dernières années par les collectivités territoriales pour entretenir les bâtiments. De même, notre système de sélection par 1'échec et en fonction des capacités financières de l'étudiant dans le premier cycle, démontre l'urgence de mettre en place un véritable service d'orientation. Par ailleurs, un vrai problème de gouvernance se pose, ainsi que vous le soulignez vous-même avec le projet de loi.
Tous ces points, sans oublier celui de savoir si le service public de l'enseignement supérieur apporte une réponse à tous les étudiants, quelle que soit leur origine sociale, auraient pu être soulevés d'ici à la fin de l'année 2007, en concertation avec les personnels concernés et avec les moyens nécessaires pour réussir. Ainsi aurions-nous pu apporter à cette réforme toutes les garanties de succès, en aboutissant non pas à une « loi cathédrale », mais à une loi cohérente, s'attaquant à tous les problèmes de fond.
Or, bien que chacun de ces points, sur lesquels je reviendrai, présente une priorité indissociable des autres, il nous faut déplorer l'absence de collectif budgétaire et d'engagements de l'État autres que des promesses électorales. La réforme devrait s'inscrire dans une loi d'orientation et de programmation. Dans ces conditions, quelle crédibilité peut-on accorder à vos propositions, alors qu'elles sont toutes urgentes et demandent des moyens financiers ?
Il conviendrait, tout d'abord, de régler les disparités des budgets des universités afin de financer tout ce qui est urgent, comme les services d'orientation, l'encadrement pour lutter contre l'échec, la programmation des emplois scientifiques pour anticiper les départs à la retraite – contrairement à la lettre de mission du Président de la République qui vous demande de vous inscrire dans l'obligation de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux – ou l'accompagnement des étudiants qui se trouvent dans des situations de plus en plus précaires et qui sont confrontés à des difficultés psychologiques et matérielles.
De qui relèvera cette charge ? Des collectivités territoriales ? Vous en avez l'habitude, vous disais-je. Des fondations ? C'est ce que vous inscrivez dans la loi. Des fonds propres des universités ? Cela passera-t-il par l'augmentation des droits d'inscription des étudiants – même si vous vous en défendez, du moins pour les deux prochaines années –, par l'externalisation de certaines missions, par la prise en compte de services marchands au détriment des services publics ?
Cette loi ouvre des portes, mais personne, pas même vous, madame la ministre, ne peut dire aujourd'hui où elle nous mène. N'est ce pas dangereux ?
Le deuxième danger porte sur l'évolution des recrutements, notamment la part faite aux contractuels. Il est vrai que les universités, pas plus que les collectivités locales ou les hôpitaux, ne sont des modèles en la matière. Certains pensent qu'en officialisant les dérapages existants, cette loi mettra un coup d'arrêt à l'hypocrisie sur l'emploi dans les universités. C'est en partie vrai, mais j'aurais préféré un véritable plan de titularisation !
Le basculement d'une partie de l'emploi universitaire dans un corps qui dépendrait du pouvoir exécutif suscite une inquiétude : l'université ne risque-t-elle pas de marginaliser ses missions de service public ? L'inadaptation ou le désintérêt de certains personnels sont les lacunes mises en avant, mais nous ne pourrons y remédier que par une véritable politique de formation et de gestion des ressources humaines. Nous ne sommes pas contre l'embauche d'étrangers de haut niveau ou de personnes assurant des missions ponctuelles dont les cadres d'emploi n'existent pas dans la fonction publique. Mais nous nous opposerons farouchement à une remise en cause déguisée du corps de la fonction publique et à un désengagement de l'État !
Le troisième danger ne se trouve pas dans ce texte mais dans vos déclarations et dans les mesures que la majorité a adoptées à l'occasion du « paquet fiscal », s'agissant des étudiants. J'aurais souhaité que votre projet de loi leur définisse enfin un vrai statut. Pour faire face à leurs besoins croissants, les étudiants sont conduits à prendre des petits boulots, avec la possibilité de défiscaliser offerte par la nouvelle loi, ou à emprunter pour ceux qui le peuvent, car seuls ceux qui ont choisi une filière sans risques de chômage y ont droit. Or, chaque étudiant doit pouvoir consacrer toutes ses capacités, intellectuelles ou physiques, à cette étape passionnante et déterminante de sa vie. Puisque M. Goasguen n'a pas vu de grandes différences entre les propositions qui avaient été faites par les différents candidats, pourquoi ne pas reprendre celle de Ségolène Royal et accorder une véritable allocation d'autonomie à tous les étudiants qui en ont besoin ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Tous les syndicats étudiants réclament une telle allocation comme une priorité. Vous donneriez ainsi, madame la ministre, un signe d'ouverture et d'écoute. C'est sur ce socle que devrait reposer une véritable loi sur les universités.
De nombreux points essentiels doivent également être abordés dans le débat. La question de la gouvernance, par exemple, n'est traitée que partiellement, François Bayrou l'a souligné et je l'approuve. La présidentialisation assurera peut-être un meilleur processus de décision, mais elle ne favorisera pas l'adhésion de la communauté universitaire. Selon les présidents d'université de ma ville, elle facilitera la tâche à un bon président d'université mais pas à celui qui connaît quelques difficultés. Les blocages persisteront si les conseils scientifiques, le CEVU et les UFR ne sont pas davantage impliqués dans le projet d'université. Des délégations doivent être consenties pour une meilleure répartition des rôles entre les différentes instances. Nous proposerons des amendements en ce sens.
L'évaluation des personnels et des universités est un des éléments majeurs de cette réforme. D'aucuns s'interrogent sur l'agence d'évaluation mise en place par le pacte pour la recherche, les décrets publiés ne correspondant pas à l'esprit du texte. Que comptez-vous faire ? Plutôt que de détruire ce qui marche, inspirez-vous-en ! Ce qui existe pour l'évaluation des chercheurs pourrait être appliqué pour l'évaluation de l'ensemble du personnel universitaire. Nous souhaitons que l'agence elle-même soit évaluée et qu'un débat soit organisé au sein du Parlement.
Nous considérons que la fracture géographique entre les établissements de l'enseignement supérieur constitue un danger. S'agissant des contrats en particulier, nous disposons de bien peu de précisions sur les dotations et les engagements de l'État. Nous ne concevons pas non plus les universités de demain sans lien avec nos partenaires européens. Là encore, rien n'est esquissé. Votre seul référence étant le classement de Shanghai, vous souhaitez faire émerger quelques universités de prestige. Que deviendront alors celles de La Rochelle, de Perpignan ou d'autres grandes universités dont les thématiques, comme les sciences humaines ou juridiques, ne sont pas considérées comme porteuses ?
La recherche n'est pas du tout traitée dans cette loi, alors qu'elle participe fortement de l'image des universités. D'ailleurs, madame la ministre, s'agissant du renom des universités, vous confondez l'enseignement, qui est une mission de service public, et la recherche, qui est la partie la plus visible et la plus prestigieuse. Où en sont les PRES ? Vous en avez évoqué une dizaine. Les états généraux de Grenoble et le pacte pour la recherche – que j'ai suivis de très près – leur avaient donné pour ambition de redonner un coup de fouet à la recherche en croisant les recherches territoriales conduites dans les universités et les recherches verticales menées dans les organismes. Or aujourd'hui, aucune mission attribuée aux PRES par le précédent gouvernement n'a été engagée. S'il y a une petite avancée – que je ne conteste pas –, elle consiste essentiellement en une mise en cohérence de la recherche locale autour des universités de certaines grandes villes.
C'est déjà bien !
Bien sûr, c'est bien, mais c'est très insuffisant au regard des ambitions. Après un an et demi, on aurait pu attendre de cette loi qu'elle aille beaucoup plus loin.
La place des doctorants n'est toujours pas reconnue à sa juste valeur. Sans reprendre les propos de Jean-Yves Le Déaut, nous avons été très déçus par les mesures qui ont été décidées, notamment budgétaires. Nous avions pourtant fait des propositions. J'espère que vous tiendrez enfin les engagements pris par le Gouvernement précédent.
Une attention particulière doit également être portée aux jeunes enseignants-chercheurs embauchés comme maîtres de conférences. Ceux-ci ont énormément de difficultés à valoriser les recherches auxquelles ils se consacrent intensément tout en fournissant l'effort nécessaire pour devenir de très bons maîtres de conférences. Il faudrait leur octroyer une charge de cours réduite de moitié, mais même les ministres de notre propre majorité s'étaient opposés à l'amendement que nous avions voté en ce sens.
Madame la ministre, cette loi dite de « libertés et de responsabilités des universités » éclaire votre véritable objectif en matière de recherche. Votre lettre de cadrage vous demande de faire des organismes de recherche, en particulier du CNRS, une agence de moyens.
Non ! D'en faire « davantage » une agence de moyens, c'est tout !
La loi sur la recherche que nous avons rejetée était déjà ambiguë et le présent texte ne l'est pas moins. Attention ! Avec cette loi, vous ne réglez en rien les problèmes urgents des universités. Ne commettez pas, en outre, l'irréparable au niveau de la recherche. Donnons-nous plutôt les moyens de faire de l'enseignement supérieur et de la recherche le socle d'une véritable société de la connaissance. Telle doit être notre ambition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté parle de gouvernance, de stratégie, de pilotage, de chaînes de compétence, de comité de suivi. Sans doute, une réforme de l'Université doit-elle nécessairement en passer par des considérations institutionnelles, mais je m'étonne que le langage choisi ressemble tant à celui des entreprises. L'université n'est pas une entreprise ; au lieu d'en copier le langage, elle doit inventer le sien, et le tirer de son propre fonds, qui est riche.
Pour utiles, voire inévitables, qu'elles soient, de telles considérations relatives à l'organisation et au fonctionnement de l'Université ne sauraient constituer le socle d'une réforme. Ce serait méconnaître tout à fait les aspirations et le trouble de notre société, notamment ceux des jeunes. L'Université ne peut ni ne doit échapper aux questions qui sont les siennes, qui sont inhérentes à son nom même et que notre époque soulève avec plus d'acuité et plus d'exigence que jamais. Quel horizon ouvre-t-elle aux jeunes d'aujourd'hui et, indirectement, à la nation tout entière ? Comment, dans la multiplicité des disciplines enseignées, dans la diversité féconde de ses enseignants, dans la variété infinie de ses étudiants, peut-elle porter un message respectueux de chacun, et pourtant universel ? Question difficile, j'en conviens, mais incontournable, que ne doit pas faire oublier quelque illusoire succès arithmétique, fût-ce dans les classements internationaux. Question qui, si elle n'est pas explicitement posée, par et pour les enseignants et les étudiants, pourrait nous valoir la « meilleure » des universités, au sens où Huxley parlait du « meilleur des mondes ».
L'article 29 est particulièrement révélateur. Il a fallu attendre l'examen au Sénat pour se rendre compte que, telle qu'elle a été définie dans ce projet de loi, la gouvernance, qui est le coeur de la réforme, est inadaptée aux universités d'outre-mer, pour lesquelles un délai supplémentaire de six mois a été prévu. Il serait de bon aloi que ce délai ne soit pas consacré à la seule adaptation de la gouvernance, mais qu'il soit mis à profit pour aborder d'autres questions concernant ces universités.
Créée en 1984, l'université de La Réunion a vu le nombre de ses étudiants augmenter rapidement. On estime que ses effectifs auront doublé d'ici à 2020. Encore en phase de construction, elle est la seule université européenne de l'océan Indien, et même la seule université francophone dans cette zone. Sa situation lui donne vocation à participer à la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur et à engager des actions de coopération avec les pays voisins. Outre l'accueil des étudiants de la zone, elle a pour mission de mener des recherches dans des domaines aussi variés que les plantes médicinales d'origine tropicale, le domaine maritime, avec les campagnes océanographiques du Marion-Dufresne, notamment dans les terres australes antarctiques françaises, l'atmosphère ou les maladies infectieuses émergentes. Des accords de coopération ont déjà été signés avec les universités de grands pays voisins, comme l'Inde, mais toutes ces actions demandent à être encouragées et développées.
Dans ce contexte, où il faut à la fois améliorer les conditions d'accueil et d'études d'un nombre croissant d'étudiants et répondre aux exigences de la recherche fondamentale et appliquée, il va de soi que le moindre désengagement de l'État serait très préjudiciable. Ni les collectivités locales, qui interviennent déjà au-delà de leurs compétences, ni le secteur privé, par le biais des fondations que prévoit ce texte, ne pourront se substituer à l'État sans aggraver le taux d'échec et obliger les enseignants-chercheurs et l'ensemble des personnels à gérer la pénurie.
La question de la gouvernance n'est donc assurément pas la priorité. D'autant que les pistes proposées sont fort contestables, en particulier le renforcement excessif des pouvoirs des présidents d'université : en quoi un président disposant de pouvoirs accrus, y compris en matière de recrutement, sans le moindre contre-pouvoir, apporterait-il une solution aux difficultés de l'université ?
Sur ce sujet du recrutement, j'attire votre attention sur les difficultés d'application outre-mer de l'article 21, qui institue des comités de sélection. Il est prévu que ces comités soient, pour moitié au moins, constitués d'enseignants-chercheurs extérieurs à l'université. Quand on connaît la difficulté de faire face aux frais de déplacement nécessaires à la constitution des jurys des thèses de doctorat soutenues outre-mer, on peut craindre que cette nouvelle disposition ne vienne alourdir un peu plus les budgets des universités.
L'Université mériterait mieux qu'un texte minimaliste et, à bien des égards, inapplicable aux universités françaises implantées hors de l'Hexagone. Permettez-moi de vous rappeler la magnifique devise que Louis Aragon avait proposée à l'université de Strasbourg : « Enseigner, c'est dire espérance ; étudier, fidélité ». Deux de nos plus grandes traditions y affirment ensemble le primat de la pensée qui, aujourd'hui, est mis en question de façon encore plus dérisoire que dangereuse. Quelle espérance propose votre université ? Quelle fidélité désire-t-elle inspirer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la ministre, je crois que l'université, depuis la campagne présidentielle, est un sujet sur lequel nous pouvons tous nous retrouver – je l'ai dit tout à l'heure et je le pense fondamentalement.
Nous parlons tous d'autonomie. Mais l'autonomie existe-t-elle dans l'université française ? Il est vrai que la loi de 1968, complétée par la loi Savary, défend le principe de l'autonomie. Dans la réalité, nous savons très bien que cette autonomie proclamée a été grignotée et qu'aujourd'hui dans la gestion des universités, 80 % de leurs difficultés et l'essentiel de leur vie quotidienne sont gérées par le ministère de l'enseignement supérieur ou, quand celui-ci n'existe pas, par le ministère de l'éducation nationale. L'autonomie, en réalité, a été progressivement grignotée par l'État et les administrations.
Pour que l'autonomie devienne réalité dans les faits, il faudrait qu'elle soit vécue différemment dans les relations entre les acteurs concernés. C'est l'objectif de ce texte.
D'aucuns tout en étant favorables à l'autonomie, ne souhaitent pas que l'État se désengage. D'ailleurs, l'État ne se désengage pas sur le plan financier. Fondamentalement, l'autonomie signifie que l'État laisse vivre un certain nombre d'initiatives universitaires. Pour sauver l'université, l'autonomie universitaire doit reposer sur une pluralité de financements. Je ne pense pas que les financements privés des fondations réduiront l'investissement public de l'État, je pense plutôt que les deux types de financement sont la garantie d'une véritable autonomie universitaire. Il n'y a pas d'autonomie avec un financement unique.
Votre texte, madame la ministre, est bon, car il jette les bases d'une véritable refondation de la politique universitaire. La gouvernance n'est que la première étape, je le répète. Le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés sur un montant de 9 milliards en cinq ans. On ne peut donc pas parler d'un désengagement financier de l'État.
Cela étant dit, je voudrais, dans les quelques minutes qui me restent, appeler l'attention du ministre et du Gouvernement sur deux ou trois difficultés.
D'abord, il faut être conscient que les évolutions dans les modes de gouvernance que vous annoncez vont inciter certaines universités à se regrouper. Cela devra se faire dans le respect de la diversité des disciplines, surtout dans notre pays, où les universités pluridisciplinaires, après quarante ans d'existence, demeurent encore très vivaces. Un certain nombre d'entre nous ont déposé des amendements qui permettent non d'établir des néocorporatismes – ce serait caricaturer la situation – mais d'affirmer notre volonté de voir perdurer des écoles juridiques, de médecine, de sciences, de sciences humaines, à l'encontre éventuellement de décisions prises par une université peu sensible à leur spécificité. Des soupapes de sécurité doivent donc être mises en place. Nous en parlerons lors de la discussion des articles.
Mais je voudrais surtout appeler l'attention du Gouvernement sur les dangers – c'est d'ailleurs un peu ce qu'a dit François Bayrou – de la syndicalisation excessive. Depuis plusieurs décennies, ce n'est pas la notion de syndicalisme au sein de l'enseignement que je combats, mais les déviations constatées, depuis plusieurs décennies, tant dans le secondaire que dans le supérieur. Le syndicalisme, s'est transformé en défenseur des intérêts matériels, entonnant le refrain lancinant que tout doit normalement se comptabiliser.
Je retrouve dans le discours de certains collègues la volonté de quantifier en permanence les demandes, là où il faudrait prendre en considération l'aspect qualitatif. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Par ailleurs, je suis favorable au renforcement des pouvoirs du président d'université, sous réserve qu'il soit épaulé par un véritable secrétaire général – comme cela est prévu – et par une administration de haut niveau, à l'instar de ce qui existe dans la plupart des autres établissements publics.
Enfin, je veux souligner que l'intérêt de l'université, c'est d'être compétitive au niveau international et de délivrer des diplômes à la hauteur des exigences de notre pays, et non de défendre tel clan contre tel autre. Nous en reparlerons au moment de l'examen des amendements. Certains de nos collègues, habitués aux conflits internes des universités qu'ils ont connus et subis, réclament prudemment au Gouvernement une explication de texte très forte avant les élections universitaires, pour que l'esprit de la réforme, voulue par Nicolas Sarkozy, ne soit pas dévoyé par des antagonismes de clans parasyndicaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il faut toujours se méfier de l'unanimité et des immenses ferveurs. Il n'est en général rien de plus menteur. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En effet, depuis qu'une certaine loi a été votée à l'unanimité, il y a bientôt quarante ans, on a le sentiment que, depuis plus d'une génération, le pays se ment à lui-même, ment à sa jeunesse, et ment à son avenir.
Et la jeune fille, ou le jeune homme, qui vient vous voir sans emploi, malgré plusieurs années, même réussies, dans l'enseignement supérieur dans une filière hypothétique, non ancrée dans la vie réelle et dans la vie économique, témoigne du même désarroi quand l'on considère le rang de classement de nos universités sur le plan international, quoi qu'on pense par ailleurs, comme vous l'avez dit, madame la ministre, du caractère contestable de certains critères retenus.
II ne s'agit pas, mes chers collègues, vous l'avez bien compris, de vilipender l'université française que nous aimons. Il serait malhonnête et réducteur de ne pas reconnaître les formidables dévouements, les belles réussites, l'amour d'enseigner et de transmettre, ainsi que la soif d'apprendre, sans quoi rien ne serait possible. Il s'agit simplement de dire, sur ce chapitre, que la nation n'est pas à la hauteur de ses ambitions. Notre excellent rapporteur, Benoist Apparu, l'a très bien illustré dans son rapport et dans son intervention.
C'est pourquoi, madame la ministre, il faut vous remercier, vous féliciter, et vous soutenir indéfectiblement, d'avoir eu le courage de prendre en main, en tout début de législature, ce dossier capital, et remercier aussi le Président de la République et le Premier ministre de s'y impliquer personnellement.
Je ne reviendrai pas, pour ne pas être redondant avec ce qui a déjà été dit ou ce qui sera dit, sur les principales dispositions du texte qui nous est soumis, qui me semble être un bon point d'équilibre. Non pas un équilibre qui serait le paravent de l'immobilisme, mais un équilibre qui est le gage d'une vision partagée des progrès que doit faire notre université.
Renvoyons donc dos à dos les grincheux qui estiment toujours que ce n'est pas suffisant, que cela ne va pas assez vite et les oiseaux de malheur qui pensent que l'université française doit toujours aller plus bas, en sacrifiant à des mythes idéologiques. Ceux que Péguy appelaient les « professionnels de la jeunesse » la flattent depuis plusieurs générations pour mieux la tromper. Toujours les mêmes slogans ! Toujours la même démagogie !
Prouvons, comme vous le faites, madame la ministre, que le mouvement est possible, dans la concertation, avec résolution.
Vous nous avez indiqué, que, au-delà de ce texte, vous ouvriez cinq grands chantiers. Permettez-moi de revenir sur trois autres chantiers, que vous avez également évoqués, qui doivent faire l'objet d'une approche interministérielle.
Le premier est bien évidemment celui de l'orientation, en liaison avec votre collègue en charge de l'éducation. Chacun sait l'effroyable gâchis humain et financier que provoque une mauvaise orientation.
Chacun sait tous les tabous qui doivent être levés dans la tête des enseignants, des parents, des responsables administratifs et syndicaux. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour prendre en main ce dossier de l'orientation.
Le deuxième sujet concerne l'insertion internationale de notre université et de notre enseignement supérieur. Nous savons qu'il y a maintenant un marché international de la formation, et, sur ce marché, l'université française n'est pas bien placée. Depuis une dizaine d'années, et sous des gouvernements différents, de gauche comme de droite, des progrès ont été faits : la création d'Edufrance, il y aura bientôt dix ans par Claude Allègre ; la mise en place des pôles de recherche et d'enseignement supérieur ; la décision de mettre en oeuvre le système LMD, la création des PRES et tout ce qui a été fait l'année dernière pour assouplir les conditions d'entrée et de séjour des étudiants étrangers en France. Beaucoup de travail a déjà été réalisé.
Cependant, il reste un énorme travail à faire dans plusieurs directions. Tout d'abord, coordonner la promotion de l'enseignement français à l'étranger, l'accueil des étudiants et le suivi de leurs études. Le précédent gouvernement avant lancé le projet Campus France. Je souhaite, madame la ministre, connaître vos idées sur la mise en oeuvre de ce projet en liaison avec le ministre des affaires étrangères et européennes.
Je cite pour mémoire un troisième dossier dont Olivier Jardé a parlé. Il s'agit de la question des études médicales, sujet important que vous partagez avec Mme la ministre de la santé. Il fait partie des problèmes « toujours posés et jamais résolus » comme le disait le général de Gaulle. Compte tenu de notre déficit de médecins dans un certain nombre de filières et de spécialités, la réforme des études médicales est un sujet extrêmement important pour la législature qui commence.
Voilà, madame la ministre, les quelques réflexions que je voulais faire en marge du dossier qui nous réunit aujourd'hui.
Je voudrais vous remercier encore et vous féliciter pour votre courage, votre allure et votre allant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, je vous remercie d'être parmi nous, mais vous savez que Mme Pécresse sait batailler pour deux. (Sourires.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me demande pourquoi cette réforme qui a été annoncée avec tant de fracas traite des universités – au pluriel et avec une minuscule –, plutôt que de l'Université – au singulier et avec une majuscule.
La réponse évidente se trouve dans le texte, puisqu'il n'a aucune ambition à l'échelle de ce que la République peut énoncer pour s'assurer qu'elle souhaite que l'avenir ne soit pas découvert, mais qu'il soit inventé.
Il n'a aucune expression d'une exigence pour une égalité de préparation, de choix et de condition. Lorsqu'il est question de missions, elles ne sont exprimées qu'en termes génériques.
Nous savons que l'Université vient de loin. Je pourrais parler de celles de Tombouctou ou d'Al Qarawiyin, mais je me contenterai d'évoquer simplement la première organisation globale de l'université en France. Elle remonte quand même à 1806, cinq siècles après la création de la Sorbonne, collège fondé – il est opportun de le rappeler – pour faciliter l'accès d'étudiants pauvres à l'enseignement supérieur.
Il y a deux siècles, l'Université était chargée « de l'enseignement et de l'éducation publique dans tout l'Empire ». Surtout, elle a reçu l'injonction « de diriger les opinions politiques et morales ». Tel n'était pas l'idéal de Condorcet qui, quelques années plus tôt, avait souhaité que l'instruction publique identique pour les garçons et pour les filles – ce n'est pas anodin – « formât des citoyens difficiles à gouverner ».
L'Université dont nous débattons aujourd'hui semble bien éloignée de ces préoccupations d'un enseignement ouvert à l'humanisme, à l'universalisme au sens latin, qui postule littéralement de mettre les communautés – au sens éducatif – toutes ensemble. Elle est bien éloignée aussi de l'idée même d'université et de sa vocation, de l'idéal qu'elle peut s'assigner, de l'utopie de ce lieu où règne l'effervescence d'un savoir qui s'interroge, se confronte, se partage et s'aguerrit à l'épreuve des défis qui lui sont posés par la société et par le monde.
Mais vous n'entendez certainement là qu'une litanie de gros mots puisqu'il semble qu'il n'y ait rien de plus glorieux que le souci prosaïque de la gestion et de la bonne gouvernance. Il ne s'agit donc pas de refonder l'Université, mais d'assouplir son organisation et son administration. Nous prenons acte de la modestie du projet.
Après être partie à bride abattue, madame la ministre, sur l'autonomie, vous semblez y avoir renoncé – en tout cas dans le texte – même si vous y êtes longuement revenue dans votre discours.
Permettez-moi de rappeler que la loi du 25 juillet 1885 – je disais que l'Université vient de loin ! – a posé, pour la première fois, le principe de l'autonomie, essentiellement financière, puisqu'il s'agissait de pouvoir disposer des fonds des collectivités territoriales.
Le mot « autonomie » a été abandonné dans l'intitulé du texte : vous avez préféré l'intituler « libertés des universités » : un pluriel dont on se réjouirait s'il révélait une véritable prise en compte de la diversité des besoins et de la disparité des territoires, lieux cardinaux où s'exerce la compétition internationale. Une telle prise en compte supposerait un fort engagement en faveur d'une péréquation, afin d'éviter le démantèlement de l'offre universitaire, qui fragilise sa continuité et son niveau de qualité. Mais de tout cela, malheureusement, vous ne dites mot ! Au contraire, tout semble encombrant à ce Gouvernement qui paraît beaucoup plus pressé de se débarrasser des enseignants qui approchent l'âge de la retraite, du budget, de l'immobilier, de la pédagogie, de l'opinion des universitaires sur les recrutements, des étudiants remuants ou étrangers, quitte à compromettre les chances d'influence de la France dans le monde.
Ce texte fourmille de mesures et de procédures jusqu'à plus soif. Mais il y manque la garantie que la puissance publique veillera à assurer, sur l'ensemble du territoire, un égal accès à l'enseignement supérieur en dépit des conditions sociales, des recettes fiscales locales, de l'éloignement des mégapoles et même l'inégale attractivité des territoires pour les industriels et les organismes de recherche.
Dans vos réponses au Sénat, madame la ministre, vous avez avoué découvrir à quel point la situation des outre-mer était spécifique. Comme nous avons, depuis longtemps, cessé d'être susceptibles, je ne vais pas vous dire que cette ignorance est vexante. En revanche, je vous dirai, avec la fierté et la conscience de la part que nous prenons aux bouleversements du monde, que si les gouvernements savaient s'adosser à la présence française, aux Amériques, dans la Caraïbe, dans l'Océan indien et dans le Pacifique, ils sauraient s'instruire des mutations du monde, s'inspirer des grands courants qui le traversent et saisir les thématiques du déplacement des centres d'échanges et de circulation, des informations, des connaissances, des technologies et des hommes.
Ils y trouveraient la veine imaginative et les élans permettant d'apporter les meilleures réponses aux nécessités de modernisation, de repenser les relations entre le savoir et le pouvoir, la liberté du corps professoral et les problématiques pédagogiques, l'inventivité de la subversion des étudiants et de la puissance stimulante de la raison critique. Ils pourraient aussi aider le pays à prospérer dans l'espace européen, l'arrimer aux nouveaux essors géopolitiques et l'entraîner dans des audaces fécondes.
Au lieu de cela, vous cédez à la tyrannie de l'arithmétique ! Et lorsqu'on vous parle d'une université en Guyane, qui pourrait rayonner sur le bassin amazonien, vous répondez qu'il y a 1 500 étudiants – en fait plus de 2 000, si l'on inclut ceux qui sont en formation continue – ce que prévoit l'article 1er de votre projet de loi.
Je voudrais vous rappeler, toujours en remontant le temps, que lorsque Philippe Auguste a accordé la charte de l'Université en 1200, il y avait 10 000 étudiants pour 200 000 habitants. En Guyane, l'INSEE nous assure que nous sommes 200 000. Qu'est-ce qui empêche 10 000 jeunes d'avoir envie d'étudier ? La faute en est imputable à l'enseignement secondaire qui éjecte prématurément ces adolescents vers la vie active,…
…de tous ces métiers, qui leur sont interdits ; de ces organismes de recherche qui leur sont inaccessibles ; de toutes ces activités – spatiales, minières, forestières, pétrolières, écologiques – qui ne sont pas à leur portée.
Je vous rappellerai aussi que l'université du Pacifique a été créée en 1987 avec deux pôles éclatés : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie. En 1989, cette université a été dissoute pour en créer deux : il arrive que la géographie finisse par avoir raison de la bureaucratie, qui ignorait superbement les six heures de vol entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ! Bureaucratie ignorante aussi des trajectoires historiques, culturelles et sociologiques de ces deux territoires !
En attendant d'en débattre plus avant, madame la ministre, je vous dirai que vous savez, comme moi, de quoi périt la démocratie. Elle périt de ces proclamations bavardes suivies d'actes modestes, qui laissent fleurir les injustices et qui, parfois, les creusent. Elle périt de ces rodomontades dans les annonces et d'un effacement dans les décisions. Elle périt enfin de la vanité dans les intentions et d'un défaut d'orgueil dans l'action.
Albert Camus faisait dire à Caligula : « À quoi sert le pouvoir, si ce n'est donner ses chances à l'impossible ? »
Pour ma part, j'en ai assez de ces gouvernements modestes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Au moment où vous présentez votre projet de loi relatif aux libertés des universités, vous comprendrez mieux que personne, madame la ministre, que je m'exprime en toute liberté. Si le député peut parfois se priver de ce privilège, l'universitaire perdrait son identité s'il décidait d'y renoncer.
La conception de l'université qui éclairera mon propos est celle d'un enseignant-chercheur qui, depuis longtemps – trop longtemps – a occupé tous les postes et toutes les fonctions que l'université peut proposer.
Aussi, si je salue votre courage et celui du Gouvernement, de tenter enfin de remettre l'université à l'heure de notre temps, je reste fidèle à quelques idées maîtresses. Pour moi, l'université n'est pas et ne doit pas être une entreprise. Le savoir n'est pas un produit marchand.
Les professeurs et les chercheurs ne sont pas des employés comme les autres.
Madame la ministre, je partage avec vous un douloureux constat : nos universités ont souvent quitté l'élite mondiale ; les débouchés offerts à nos étudiants se font plus rares ; la recherche est hésitante : le taux d'échec traduit les dégâts d'une orientation insuffisante. Il convenait donc de réagir sans plus tarder et c'est votre mérite de l'avoir fait.
Pourtant, avant d'évoquer les améliorations qui me paraissent utiles pour que votre projet de loi atteigne toute son efficacité, je voudrais revenir sur deux ou trois sujets qui me tiennent à coeur.
Parmi les problèmes de notre université, l'un des principaux n'est-il pas lié à la chute de l'attractivité du métier d'universitaire ? Au risque que les meilleurs de nos étudiants ne finissent par le choisir par défaut, alors avant-hier, ils le choisissaient en priorité. On ne peut pas, sans dégâts majeurs pour la qualité des universités, continuer à accepter la dégradation des conditions d'exercice, du statut social et des rémunérations des universitaires. Il faudra un jour réagir !
Parmi les disciplines où la préparation des étudiants au marché de l'emploi est naturelle et où la qualité de la recherche et de l'enseignement est souvent reconnue, figurent le droit et la médecine. Peut-être faudrait-il que les autres disciplines adaptent leurs habitudes de recrutement ?
Enfin, si la sélection reste un gros mot, la sélection par l'argent dont bénéficient ceux qui peuvent faire durer dix ans des études laborieuses restera toujours pire que la sélection par le mérite, qui fournit une garantie aux plus déterminés.
De ce point de vue, je vous remercie d'avoir commencé par cette « orientation active », qui, derrière les mots, manifeste une véritable volonté.
J'en viens maintenant plus directement au contenu de votre projet de loi, madame la ministre. Je dis oui à l'autonomie des universités, gage d'efficacité, d'adaptabilité et de rapidité. Mais cela ne peut se faire sans respecter l'indépendance des universitaires et affirmer que la recherche ne se fait pas sur commande…
… et sans avoir la garantie que, si les universités doivent s'adapter à l'évolution de la société, elles ne doivent jamais être les exécutantes obéissantes d'ordres extérieurs.
Or la nouvelle gouvernance et le rôle parfois hégémonique conféré aux présidents d'université nous paraissent accroître les risques de politisation, de marchandisation ou de localisme.
Comment accepter qu'un président pouvant être non universitaire ou non spécialiste de la discipline puisse disposer, en matière de recrutement, d'un droit de veto à l'endroit des spécialistes ?
Comment lui permettre de recruter contre l'avis du comité de recrutement ? Comment ne pas espérer et même exiger, qu'une majorité de spécialistes figure dans une commission de recrutement pour une discipline donnée ? Comment ne pas imaginer que cette « présidentialisation » de l'université ne soit pas contrebalancée par la possibilité d'un vote de censure ou de défiance ?
Comment ne pas mieux assurer l'existence et le rayonnement des facultés au coeur des très grandes universités, comme celles demain d'Aix-Marseille ? L'autonomie de l'université n'interdit pas, en effet, celle des facultés.
Madame la ministre, vous avez parfaitement compris que les amendements que nous avons présentés, notamment avec Yves Jego et quelques autres, nous paraissaient décisifs. Je n'ai pas voulu ici défendre un ordre ancien, trop souvent immobile, et dont j'ai souvent été l'un des critiques les plus virulents. J'ai voulu indiquer que je refuse de voir altérer ce qui participe de l'honneur du métier d'universitaire : son indépendance et son jugement par ses pairs. Je vous fais confiance pour concilier gouvernance moderne et efficacité de la gestion dans le respect d'un certain nombre d'habitudes, qui ne sont pas toujours mauvaises. Les prochaines étapes démontreront sans nul doute que nous avons raison d'espérer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de me réjouir que nous discutions de l'Université, dès le début de cette nouvelle législature. Cette réforme était attendue. Nous avons réformé la recherche l'an dernier, et l'Université joue un rôle central dans cette réforme, en particulier dans la constitution des PRES. Il était important qu'elle s'accompagne d'une réforme de l'Université.
Vous avez repris des arguments qui ont fait consensus. Mais en écoutant certains orateurs, je me suis demandé s'il ne fallait pas sacrer l'inefficacité, les majorités impossibles et les consensus introuvables comme avenir de notre université !
Bravo !
Je ne le pense pas et vous avez eu raison, madame la ministre, d'attaquer le problème par la gouvernance. Il faut un pilote dans l'avion et en finir avec la gouvernance par défaut et le consensus mou !
C'est une réforme des plus importantes parce que l'avenir des pays industrialisés se joue dans la bataille de la matière grise et de l'intelligence. Les pays émergents l'ont bien compris : l'Inde et la Chine ont d'ores et déjà plus de chercheurs que le Japon.
Comme le soulignait le représentant de la Confédération helvétique lors de la signature de la convention pour la création de la Fondation franco-suisse pour la recherche et la technologie, il existe trois attitudes possibles pour les pays occidentaux face au défi de la mondialisation : le protectionnisme, que d'autres appellent le « patriotisme économique » ; la fuite en avant avec la recherche de pays à bas coût de main-d'oeuvre pour la fabrication ; enfin, l'investissement dans la matière grise. Nous avons choisi cette dernière voie et nous avons raison.
À l'évocation du classement de Shanghai, l'effroi gagne tout le monde universitaire. Mais rappelons-nous des batailles féroces qui ont marqué les états généraux de la recherche de Grenoble : l'université devait-elle être excellente ? Non, « de qualité » a tranché la majorité.
Très juste !
On dit qu'il existe un problème de taille. Mais dans le domaine de la technologie, le MIT occupe la première place alors qu'il ne compte que 6 000 étudiants. Cinq ou six établissements universitaires suisses, dont les deux écoles polytechniques, figurent dans les cent premiers du classement : ils n'ont en moyenne que 10 000 étudiants.
J'ai quelques faiblesses pour l'université de Genève qui m'a formé : quand j'étais étudiant, le collège des professeurs de la faculté des sciences était déjà majoritairement composé de professeurs étrangers. Cela nous conduit à poser la question des statuts.
À Stanford, lorsque vous montez sur la colline au-dessus du SLAC, le grand accélérateur de particules, on vous fait observer que, dans un rayon de cent mètres, sous vos pieds, cinq Prix Nobel enseignent et cherchent. Pourquoi se priver de ces collaborations qui pourraient grandement améliorer la qualité de nos universités ?
Gordon Brown dans son discours au Parlement vient de déclarer que la recherche et l'université étaient les priorités de son gouvernement. Aux États-Unis, un texte ayant le soutien des deux partis est présenté au Congrès pour renforcer la compétitivité américaine.
J'approuve donc parfaitement le fond et la méthode choisis. Il faut que le bateau « Université » ait un gouvernail solide et un équipage motivé. Et à tous ceux qui s'interrogent, je réponds avec Sénèque : « Il n'y a pas de bon vent pour celui qui ne sait où il va ».
Ceci est une étape, il en faudra d'autres, comme vous l'avez dit avec justesse, madame la ministre. J'aimerais simplement vous donner deux exemples d'universités étrangères que l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques a visitées en 2004 : en Belgique, l'université de Louvain à laquelle est associé un parc technologique sur lequel les entreprises ne peuvent s'implanter sans l'autorisation du conseil d'administration ; aux Pays-Bas, l'université de Twente, créée il y a vingt ans sur les ruines de l'industrie textile, qui a permis de créer 600 start-up qui ont développé 6 000 emplois.
C'est tout le problème du lien de l'université avec la société et le monde qui l'entoure qui est posé. Doit-on apprendre pour apprendre ou doit-il y avoir un but à l'apprentissage : l'insertion dans la vie économique et sociale ? En outre, il faut renforcer l'attractivité des carrières, revaloriser l'université aux yeux de l'opinion publique et redonner confiance aux enseignants, aux étudiants car, comme le disait le recteur de l'université de Louvain : « Les universités sont le bouillon de culture de l'épanouissement personnel et social. Elles contribuent à civiliser et à humaniser le monde ainsi qu'à augmenter la prospérité et le bien-être ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la ministre, vous nous proposez de débattre d'un projet de loi sur la gouvernance et l'autonomie des universités. Beaucoup a déjà été dit sur le fait que les objectifs de ce texte sont bien éloignés du débat que chacun ici attendait pour améliorer dans son ensemble la situation de l'enseignement supérieur, lutter contre l'échec, en particulier dans le premier cycle, sur les moyens publics à mobiliser et la nécessité d'une loi de programmation budgétaire.
Vous avez donc choisi de commencer par la gouvernance, comme « première pierre de la cathédrale » à bâtir, selon l'expression maintenant consacrée. Mais pourquoi alors ne l'avoir pas intitulé « projet de loi relatif à la gouvernance des universités » ? Avouez, madame la ministre, que son contenu relève uniquement de cela – vous l'avez vous-même reconnu en commission. Cela aurait été plus simple, et surtout, cela aurait porté à moins d'interprétations sur ce qui a motivé, au fil des discussions, les évolutions du titre, de l'« organisation de la nouvelle université » dans votre premier projet à « libertés et responsabilités des universités », titre actuel.
Et nous sommes bien obligés de faire de telles supputations puisque, si vous nous montrez bien la première pierre, rien n'est dit de la vision de l'édifice auquel vous voulez aboutir. Comprenez-nous : nous aurions du mal à faire confiance à un architecte qui disserterait sur la qualité du premier pan de mur sans rien nous dire de la forme de l'édifice qu'il veut bâtir, laissant cela à des chantiers confiés à la concertation de différents corps de métiers, dans l'attente d'ajustements ultérieurs.
Qui nous dit, madame la ministre, que vous et votre majorité serez toujours attachées à un service public de l'enseignement supérieur, qui est certes à réformer, mais pour lequel nous sommes attachés à un certain nombre de principes ? Ce que l'on attend de la puissance publique, c'est un mécanisme de régulation. Or dans ce texte – et c'est bien le fond de la question – il n'en est rien dit. La seule chose à peu près définie aujourd'hui, c'est que vous serez amenée à respecter vous aussi l'engagement de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, aux termes de la lettre de cadrage que vous avez reçue du Président de la République.
Si nous sommes conscients des difficultés de l'Université et de ses lacunes, si nous soutenons la notion d'autonomie pour les établissements d'enseignement supérieur et de recherche, votre texte, qui met en place une hyper-présidentialisation, je dirai même une omni-présidentialisation dans la conduite des universités, nous laisse sceptique sur plusieurs points.
Tout d'abord, tout régime présidentiel nécessite des contre-pouvoirs, mais il est vrai que votre gouvernement aurait sans doute des difficultés à concevoir de tels contre-pouvoirs et une certaine collégialité pour le fonctionnement des universités tant il est effacé devant les choix du seul Président de la République, qui a d'ailleurs tenu à piloter lui-même les concertations qui ont eu lieu ces dernières semaines.
Examinons quelques sujets clef.
En quoi les pouvoirs que votre texte donne au président de l'université évitent-ils les effets néfastes du localisme puisque rien n'empêche les comités de sélection tels que vous les avez conçus de renforcer ce travers ?
Par ailleurs, alors que sont vantés les systèmes des autres pays développés, votre organisation des pouvoirs à l'université, en mêlant les responsabilités de gestion et les responsabilités purement scientifiques, n'est en rien comparable à ce qui existe ailleurs. Sur la question du recrutement, essentielle quant à notre appréciation générale sur ce texte, aucun mode d'organisation à l'étranger ne confie aux responsables de la gestion de l'établissement la composition des instances chargées du recrutement des enseignants chercheurs et, qui plus est, d'un comité de sélection pouvant comporter des spécialistes d'autres disciplines. Les gestionnaires n'y ont pas non plus la responsabilité ultime du recrutement avec droit de veto, ni la responsabilité des salaires par un système de primes et d'intéressement ou la responsabilité du choix des statuts des enseignants avec possibilité de recruter hors statut.
En outre, le conseil d'administration tel que vous l'avez conçu porte mal son nom : son rôle de conseil est faible une fois le président élu et l'administration est essentiellement aux mains du président.
Notre conception de la production et de la transmission des savoirs est orthogonale à celle qui prévaut pour les produits marchands. Comme l'a rappelé un de mes prédécesseurs à cette tribune, leur organisation ne saurait être calquée sur celle de l'entreprise.
De surcroît, vous nous proposez un président autonome par rapport aux corps intermédiaires de son établissement – les enseignants-chercheurs, les personnels IATOSS et les étudiants –, un président qui a finalement très peu de comptes à rendre une fois élu, un président qui peut être amené à renforcer les forts au détriment des faibles dans son établissement, soit par choix soit pour attirer des crédits privés supplémentaires.
Vous nous proposez une organisation qui peut aboutir à la disparition des universités les moins prestigieuses parce qu'elles auront de moins en moins de moyens alors que ce sont des établissements qui participent aujourd'hui aux réussites de notre enseignement supérieur, car des réussites, il y en a et il y en a depuis vingt ans.
En effet, si les échecs sont trop nombreux à l'université, dans le premier cycle en particulier, on ne peut nier ce que les universités et leurs personnels ont été en quelques années capables de réaliser en matière d'adaptation : la massification de l'enseignement supérieur, avec l'arrivée de classes sociales qui n'y avait pas accès précédemment, et une transformation importante avec la mise en place du LMD.
On cite souvent les très discutables critères de Shanghai pour prouver les difficultés de nos universités, mais pratiquons l'ouverture jusqu'au bout et citons aussi des études faites à Paris, …
…notamment l'enquête « emploi » de l'INSEE qui me semble avoir quelque intérêt : 60 % des diplômés de nos anciennes maîtrises, licences et DEUG, toutes filières confondues, n'ont pas connu le chômage à leur entrée dans la vie active et seuls 11 % - ce qui est déjà trop - ont connu plus d'une année de chômage. Replacés dans le contexte d'un doublement des effectifs universitaires en vingt ans, ces chiffres marquent plus une réussite qu'un échec.
Les situations d'échec à l'université sont néanmoins une réalité puisque pour la moitié des jeunes d'une génération qui entreprennent des études supérieures, environ 80 % sortent avec un diplôme alors que 20 % sont en échec. Cela impose donc des réformes et nous avons proposé des améliorations que votre majorité au pouvoir depuis plus de cinq ans n'a pas voulu ou n'a pas pu prendre en compte. Mais l'échec lors des études supérieures recouvre des situations diverses suivant le type de baccalauréat de l'étudiant : son taux est relativement faible pour les titulaires de baccalauréats généraux, plus important pour les étudiants titulaires d'un baccalauréat technologique, très important pour ceux qui ont eu un bac professionnel.
On évoque souvent l'échec global de notre système alors qu'une très grande majorité des bacheliers généraux pour qui nos filières universitaires généralistes ont été conçues obtiennent un diplôme qualifiant.
Aussi une vraie réforme des « nouvelles responsabilités » des universités aurait-elle dû spécifier comment offrir de meilleures conditions d'accès et de réussite aux titulaires de bacs techniques et professionnels et se préoccuper de l'inadéquation pour ces publics des filières courtes, STS et IUT, qui devraient leur être plus particulièrement destinées.
Là aurait été la vraie gouvernance politique de l'enseignement supérieur. Or, rien dans votre projet de loi ne le permet, ni même ne l'évoque.
De plus, rien n'est dit sur la spécificité de notre système français où nos universités sans moyens doivent concurrencer les classes préparatoires et les grandes écoles.
Au lieu de cela, votre architecture laisse libre cours à la concurrence entre les territoires, entre les établissements, entre les filières qui seront rentables ou non, voire entre les personnels.
En l'absence de régulation et par manque de transparence sur la vision politique que vous souhaitez pour la future carte universitaire, il n'est pas certain que ce texte ne se traduise pas, dans les faits, pour des milliers de jeunes par « étudier moins pour travailler plus » et même « travailler plus jeune et gagner moins ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la ministre, je tiens en premier lieu à vous remercier d'avoir conduit de main de maître ce projet de loi tant attendu. Vous avez su être à l'écoute des partenaires, tels la CPU et les syndicats d'étudiants et d'enseignants, ce qui a contribué à sa grande clarté. Je remercie également notre rapporteur pour son excellent rapport.
Nous sommes satisfaits de constater avec quelle célérité et quel courage la majorité aura réussi, en deux ans, à réformer la recherche puis dans la foulée l'université. Car nous sommes conscients, les uns et les autres, que les universités et la recherche sont indissociables alors que le clivage actuel est l'une des causes de l'effritement de la France sur la scène internationale. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ont été créés les PRES, comme vient de le rappeler Claude Birraux.
Déjà, dans un rapport sur la recherche que nous avions réalisé il y a un peu plus d'un an, le constat était morose. Oui, les universités sont toujours aussi mal cotées. Le dernier classement international qui, du reste, tombe à pic, nous rappelle que la France ne brille pas sur la scène internationale. Ce constat est d'autant plus alarmant qu'il intervient dans un contexte mondial de concurrence intellectuelle et scientifique de plus en plus exacerbé.
Étant d'une génération qui avait connu d'excellents résultats internationaux dans le domaine de la médecine et des sciences de la vie, cela me gêne de constater que la France ne figure même plus parmi les cent premiers pour la médecine, sauf Paris VI Pierre-et-Marie-Curie qui est à la soixante et onzième place pour les sciences de la vie.
Légitime ou pas ? À défaut peut-être d'offrir une photographie exacte de la réalité, ce classement, qui a été publié dans la presse il y a quelques semaines, agit comme un révélateur. Nous devons nous accorder sur le fait que notre avance en termes de qualité de nos universités et de leur succès a fondu comme neige au soleil depuis des décennies et qu'il nous faut engager une réforme. Celle-ci n'est ni de droite ni de gauche, mais en faveur de la réussite de l'université française.
Le professeur Beaulieu rappelait que François 1er souhaitant réformer l'Université mais redoutant d'affronter la Sorbonne, avait finalement décidé de créer le Collège de France. De la même manière, craignant de se heurter à la résistance des professeurs, la iiie République avait décidé de créer le CNRS. Cette initiative fut le prélude à la création d'autres organismes tels le CEA, l'INRA ou l'INSERM qui sont devenus le fer de lance du renouveau de la science française.
Si le pari est réussi, l'influence et le poids relatif de ces organismes dans le dispositif national scientifique par rapport à l'université est une singularité de notre pays. Les dispositifs anglo-saxons reposent, nous le savons, sur une architecture totalement différente, qu'il serait parfois utile d'observer.
Si l'on peut tirer quelques enseignements de notre faiblesse, il faut rappeler que les universités françaises n'ont pas une taille suffisante pour s'affirmer sur la scène internationale. On en compte quatre-vingt-cinq pour la seule métropole ; c'est assurément beaucoup, sinon trop. Et moins que la qualité de l'enseignement supérieur, c'est l'organisation du dispositif qui le pénalise.
Témoin du manque de visibilité des universités françaises depuis l'étranger : leur manque d'attractivité. Le professeur Beaulieu concluait cruellement un rapport en ces mots : aucun étudiant étranger n'est attiré par les universités françaises, ils préfèrent Oxford, Cambridge, Heidelberg, ou les universités américaines.
Oui, madame la ministre, nos structures universitaires sont inadaptées. Elles doivent accueillir tous les bacheliers qui le souhaitent alors qu'elles disposent de crédits plus faibles que ceux consacrés aux collégiens ou aux lycéens.
Diverses auditions ont pu aussi et surtout confirmer que l'université est avant tout victime d'une certaine sclérose administrative. Vous êtes un bon médecin, les symptômes sont définis : absence de budget global, structures de direction ne favorisant pas la mise en oeuvre d'une véritable politique d'établissement, système d'évaluation du personnel perfectible, statuts d'enseignants trop rigides, règles de gestion administrative tatillonnes et inadaptées à la nécessaire réactivité. Tout cela prive à l'évidence l'université d'une réelle autonomie de gestion et surtout d'un outil stratégique de développement.
Si certaines structures plus ou moins liées à l'Université, comme le Collège de France ou l'Institut universitaire de France, constituent des trouées d'azur bienvenues dans un ciel maussade et permettent à l'Université d'honorer les plus méritants de ses talents en leur offrant des conditions de travail meilleures, celles-ci sont réservées à une élite. Mais au moins ont-elles le mérite d'indiquer la marche à suivre, celle que vous engagez avec ce projet de loi. C'est tout cela qu'il faut revoir avec la nouvelle gouvernance.
Madame la ministre, vous avez fait le choix de corriger ces défauts. Votre projet de loi est une boîte à outils utile, nécessaire et indispensable pour rénover les universités françaises. Son adoption ne marquera pas la fin, mais le début d'un processus de modernisation, déclaraient il y a peu de temps des universitaires de Paris-Sorbonne.
Vous avez le mérite de réformer ce que d'autres n'ont pas pu ou voulu faire et de répondre ainsi à l'engagement fort du Président de la République. Nous soutiendrons donc votre texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, deuxième séance publique :
Suite de la discussion du projet de loi, n° 71, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux libertés et responsabilités des universités :
Rapport, n° 80, de M. Benoist Apparu, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre CARTON