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Intervention de Alfred Marie-Jeanne

Réunion du 23 juillet 2007 à 15h00
Libertés et responsabilités des universités — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Marie-Jeanne :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, mon intervention s'articulera en deux parties ; l'une est d'ordre général, l'autre plus spécifique à l'université des Antilles et de la Guyane.

La dégradation du système universitaire est en maints domaines avérée. Presque tous les clignotants sont au rouge. Un taux d'échec élevé, une recherche dans un état détérioré, la fuite incessante des cerveaux, un classement à l'international en dégringolade, caractérisent cet inquiétant constat. Il était impensable de laisser les choses empirer encore. Une réforme réparatrice, s'attaquant aux multiples causes de cette situation, était urgente. Le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités prétend y parvenir.

Cependant, cette réforme nécessaire ne serait pas suffisante si elle se contentait d'un texte sur le management, faisant du président un homme tout-puissant sans réelle instance faisant contrepoids. La gouvernance stricto sensu n'est pas l'unique élément à prendre en considération ; la solution doit être plus globale. Ne réside-t-elle pas aussi dans le remède à apporter aux échecs trop nombreux qui plombent tant de filières ? La finalité de la réforme n'est-elle pas de redéployer et de renforcer la recherche afin de l'aider à retrouver ses lettres de noblesse en partie perdues ? Gestion rigoureuse, réduction des échecs et consolidation de la recherche sont intimement imbriquées. En dernier ressort, la réussite de la réforme dépendra des moyens financiers et humains qui y seront consacrés. Curieusement, le texte proposé reste muet à ce sujet.

Madame la ministre, le constat est plus préoccupant encore quant à l'avenir de l'université des Antilles et de la Guyane – au point que le Sénat a proposé d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour y adapter la loi, après consultations des parties prenantes. De fait, répondre au mieux aux objectifs de la gouvernance, tenir compte des contraintes géographiques de l'éclatement de l'université sur trois régions, exiger le maintien d'une recherche diversifiée et de qualité, nécessitent une concertation approfondie.

Lors de l'examen en février 2006 du projet de loi de programme pour la recherche, j'avais déposé un amendement – adopté à l'unanimité – demandant la rédaction d'un rapport sur les conditions de développement de la recherche en Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion. J'avais en outre préconisé la création d'un pôle de compétitivité endogène adossé à l'université des Antilles et de la Guyane, qui se verrait assigner un rôle fédérateur afin de corréler la recherche au développement.

Le rapport, établi conjointement par l'inspection générale de l'administration et l'Inspection générale de l'éducation nationale et de la recherche, a depuis lors été publié. Il recommande la création de plusieurs pôles d'excellence ; mais si le Gouvernement vient de retenir pour la Guyane un pôle de compétitivité en « santé tropicale » et pour la Guadeloupe un autre en « technologies écoefficientes en milieu insulaire tropical à risques », il en manque au moins un à l'appel. Je veux croire que ce n'est pas un oubli volontaire.

Ce débat est l'occasion de poser quelques questions concernant l'université des Antilles et de la Guyane afin de redéfinir les contours de ses missions. Doit-elle seulement dispenser un enseignement du savoir ou de formation, ou doit-elle aussi contribuer à la recherche fondamentale et appliquée ? Doit-elle piloter la recherche sur place, ou suivre les orientations préconisées ? Faut-il adapter l'enseignement supérieur pour l'exploration et l'exploitation des potentialités endogènes, ou travailler sur les mutations en cours ? Faut-il se cantonner aux stratégies de spécialisation territoriale ? Comment garantir pour la Martinique les retombées effectives des recherches, compte tenu des verrous inhérents à la protection de la propriété intellectuelle ? Quel sort réservera-t-on aux trois IUFM existants ? Les ordonnances d'adaptation retiendront-elles les orientations définies dans les schémas régionaux de développement économique ? Enfin, l'université des Antilles et de la Guyane pourra-t-elle élargir son champ d'action en passant des conventions de coopération avec les autres universités de la Caraïbe ?

Au moment où une partition de notre université est évoquée, mieux qu'une réforme, c'est, madame la ministre, une refonte totale qu'il faut opérer chez nous. Non une refonte préparée à huis clos, ni une refonte pour vivre en vase clos : si la recherche est d'importance pour les grands pays, elle l'est tout autant pour les petits. Comme dit le proverbe, « Gran kouté piti, piti kouté gran » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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