Examinons quelques sujets clef.
En quoi les pouvoirs que votre texte donne au président de l'université évitent-ils les effets néfastes du localisme puisque rien n'empêche les comités de sélection tels que vous les avez conçus de renforcer ce travers ?
Par ailleurs, alors que sont vantés les systèmes des autres pays développés, votre organisation des pouvoirs à l'université, en mêlant les responsabilités de gestion et les responsabilités purement scientifiques, n'est en rien comparable à ce qui existe ailleurs. Sur la question du recrutement, essentielle quant à notre appréciation générale sur ce texte, aucun mode d'organisation à l'étranger ne confie aux responsables de la gestion de l'établissement la composition des instances chargées du recrutement des enseignants chercheurs et, qui plus est, d'un comité de sélection pouvant comporter des spécialistes d'autres disciplines. Les gestionnaires n'y ont pas non plus la responsabilité ultime du recrutement avec droit de veto, ni la responsabilité des salaires par un système de primes et d'intéressement ou la responsabilité du choix des statuts des enseignants avec possibilité de recruter hors statut.
En outre, le conseil d'administration tel que vous l'avez conçu porte mal son nom : son rôle de conseil est faible une fois le président élu et l'administration est essentiellement aux mains du président.
Notre conception de la production et de la transmission des savoirs est orthogonale à celle qui prévaut pour les produits marchands. Comme l'a rappelé un de mes prédécesseurs à cette tribune, leur organisation ne saurait être calquée sur celle de l'entreprise.
De surcroît, vous nous proposez un président autonome par rapport aux corps intermédiaires de son établissement – les enseignants-chercheurs, les personnels IATOSS et les étudiants –, un président qui a finalement très peu de comptes à rendre une fois élu, un président qui peut être amené à renforcer les forts au détriment des faibles dans son établissement, soit par choix soit pour attirer des crédits privés supplémentaires.
Vous nous proposez une organisation qui peut aboutir à la disparition des universités les moins prestigieuses parce qu'elles auront de moins en moins de moyens alors que ce sont des établissements qui participent aujourd'hui aux réussites de notre enseignement supérieur, car des réussites, il y en a et il y en a depuis vingt ans.
En effet, si les échecs sont trop nombreux à l'université, dans le premier cycle en particulier, on ne peut nier ce que les universités et leurs personnels ont été en quelques années capables de réaliser en matière d'adaptation : la massification de l'enseignement supérieur, avec l'arrivée de classes sociales qui n'y avait pas accès précédemment, et une transformation importante avec la mise en place du LMD.
On cite souvent les très discutables critères de Shanghai pour prouver les difficultés de nos universités, mais pratiquons l'ouverture jusqu'au bout et citons aussi des études faites à Paris, …