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Intervention de Pierre Cohen

Réunion du 23 juillet 2007 à 15h00
Libertés et responsabilités des universités — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Cohen :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de la campagne tant des présidentielles que des législatives, la société de la connaissance et du savoir est apparue comme un thème majeur pour notre pays.

Si la recherche et les universités ont été des priorités pour bon nombre de candidats, nous le devons aux chercheurs et enseignants-chercheurs, aux personnels des organismes de recherche et des universités, mais aussi aux étudiants. Ils ont su rappeler aux politiques l'urgence et la nécessité de les replacer au coeur des projets politiques.

Je tiens à les en remercier et à les en féliciter, car par leurs cris de colère, parfois, ils ont réussi là où, élus de tout bord, nous avions eu le plus grand mal à nous faire entendre.

Si ce sujet est une priorité pour tous, nous n'apportons cependant pas les mêmes réponses. Les universités, madame la ministre, méritent autre chose qu'un texte très partiel, préparé à la va-vite, même si vous vous en défendez, et mécontentant tous les partenaires. L'appel des Cordeliers, qui regroupe les principaux syndicats des personnels enseignants-chercheurs, chercheurs, IATOS, demande le retrait du texte, ce que, aujourd'hui encore, l'UNEF a également exigé dans un communiqué.

Nous, socialistes, avons de l'ambition pour nos universités. Nous estimons que toute réforme doit s'effectuer en concertation, avec des moyens appropriés et sur des questions précises. Seule une telle démarche aurait pu constituer le socle de cette nécessaire réforme. Tel n'est pas le cas avec le texte que vous nous proposez. Nous aurons, au cours des prochains jours, la volonté de le faire évoluer et de le rendre ambitieux, même si vos réponses en commission ne me rendent pas optimiste.

Posons-nous la question ensemble : que doit devenir notre système universitaire par rapport aux autres structures de l'enseignement supérieur, telles les grandes écoles et les écoles d'ingénieurs, et aux organismes de recherche ? D'où viennent les difficultés ?

Tout d'abord, les taux d'encadrement sont, dans un grand nombre de filières, catastrophiques comparés à ceux des grandes écoles, des IUT et même des lycées. L'état, ensuite, dans lequel se trouvent les universités est parfois déplorable, en dépit des efforts réalisés ces dernières années par les collectivités territoriales pour entretenir les bâtiments. De même, notre système de sélection par 1'échec et en fonction des capacités financières de l'étudiant dans le premier cycle, démontre l'urgence de mettre en place un véritable service d'orientation. Par ailleurs, un vrai problème de gouvernance se pose, ainsi que vous le soulignez vous-même avec le projet de loi.

Tous ces points, sans oublier celui de savoir si le service public de l'enseignement supérieur apporte une réponse à tous les étudiants, quelle que soit leur origine sociale, auraient pu être soulevés d'ici à la fin de l'année 2007, en concertation avec les personnels concernés et avec les moyens nécessaires pour réussir. Ainsi aurions-nous pu apporter à cette réforme toutes les garanties de succès, en aboutissant non pas à une « loi cathédrale », mais à une loi cohérente, s'attaquant à tous les problèmes de fond.

Or, bien que chacun de ces points, sur lesquels je reviendrai, présente une priorité indissociable des autres, il nous faut déplorer l'absence de collectif budgétaire et d'engagements de l'État autres que des promesses électorales. La réforme devrait s'inscrire dans une loi d'orientation et de programmation. Dans ces conditions, quelle crédibilité peut-on accorder à vos propositions, alors qu'elles sont toutes urgentes et demandent des moyens financiers ?

Il conviendrait, tout d'abord, de régler les disparités des budgets des universités afin de financer tout ce qui est urgent, comme les services d'orientation, l'encadrement pour lutter contre l'échec, la programmation des emplois scientifiques pour anticiper les départs à la retraite – contrairement à la lettre de mission du Président de la République qui vous demande de vous inscrire dans l'obligation de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux – ou l'accompagnement des étudiants qui se trouvent dans des situations de plus en plus précaires et qui sont confrontés à des difficultés psychologiques et matérielles.

De qui relèvera cette charge ? Des collectivités territoriales ? Vous en avez l'habitude, vous disais-je. Des fondations ? C'est ce que vous inscrivez dans la loi. Des fonds propres des universités ? Cela passera-t-il par l'augmentation des droits d'inscription des étudiants – même si vous vous en défendez, du moins pour les deux prochaines années –, par l'externalisation de certaines missions, par la prise en compte de services marchands au détriment des services publics ?

Cette loi ouvre des portes, mais personne, pas même vous, madame la ministre, ne peut dire aujourd'hui où elle nous mène. N'est ce pas dangereux ?

Le deuxième danger porte sur l'évolution des recrutements, notamment la part faite aux contractuels. Il est vrai que les universités, pas plus que les collectivités locales ou les hôpitaux, ne sont des modèles en la matière. Certains pensent qu'en officialisant les dérapages existants, cette loi mettra un coup d'arrêt à l'hypocrisie sur l'emploi dans les universités. C'est en partie vrai, mais j'aurais préféré un véritable plan de titularisation !

Le basculement d'une partie de l'emploi universitaire dans un corps qui dépendrait du pouvoir exécutif suscite une inquiétude : l'université ne risque-t-elle pas de marginaliser ses missions de service public ? L'inadaptation ou le désintérêt de certains personnels sont les lacunes mises en avant, mais nous ne pourrons y remédier que par une véritable politique de formation et de gestion des ressources humaines. Nous ne sommes pas contre l'embauche d'étrangers de haut niveau ou de personnes assurant des missions ponctuelles dont les cadres d'emploi n'existent pas dans la fonction publique. Mais nous nous opposerons farouchement à une remise en cause déguisée du corps de la fonction publique et à un désengagement de l'État !

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