Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, ce texte était attendu depuis de nombreuses années par tous ceux qui ont eu l'occasion de travailler sur les dossiers de l'enseignement supérieur dans notre pays, notamment, depuis cinq ans, autour de Pierre Méhaignerie et de Gilles Carrez, au sein de la commission des finances de l'Assemblée et avec le concours de la Cour des comptes. Ce travail a abouti à la publication de deux rapports, l'un portant sur la formation continue, l'autre, que j'ai rédigé en collaboration avec Alain Claeys, dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle, sur la gouvernance des universités.
Ce projet de loi était également attendu des observateurs qui, tous, ont fait le constat que, bien qu'elle ait réussi à relever le défi démographique auquel elle était confrontée, avec des moyens limités, l'université française est aujourd'hui malade.
Elle est malade, tout d'abord, d'un manque de moyens : 6 965 dollars dépensés par étudiant et par an, c'est très inférieur aux moyennes européenne et mondiale. Une réponse a d'ores et déjà été apportée par le Premier ministre qui a relevé ces crédits de cinq milliards d'euros – un effort important.
Elle est malade également de sa gouvernance. L'État manque de vision stratégique et exerce une tutelle que le rapport rédigé dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle a pu qualifier de « molle » et de « tatillonne ». De leur côté, les universités, encore trop souvent dépourvues de projets stratégiques communs et soumises, au travers des UFR, à des féodalités, sont disséminées. De ce point de vue, la multiplication, au cours des dernières décennies, des antennes n'a pas rendu service à l'université française.
Alors qu'elle est aujourd'hui en passe d'acquérir une capacité de gouvernance nouvelle, je voudrais, madame la ministre, vous remercier d'avoir repris certaines des propositions formulées de manière consensuelle par notre commission des finances, comme le renouvellement possible du mandat du président, le droit de veto du président sur les affectations, la suppression de la possibilité de panachage des listes électorales – le projet de loi introduit la possibilité de listes incomplètes – ou encore la globalisation des primes, dont le président est responsable. Nous proposions leur intégration dans le budget des universités, mais le projet de loi permet au conseil d'administration de prévoir des dispositifs d'intéressements. Par ailleurs, les comités de sélection des enseignants-chercheurs émanant du conseil d'administration remplaceront désormais les commissions de spécialistes, le conseil d'administration pouvant proposer des candidats. Leur patrimoine pourra également être dévolu aux universités volontaires avec mise en sécurité et expertise contradictoire des locaux.
En ce qui concerne la répartition du travail des enseignants-chercheurs entre enseignement, recherche et autres activités – sujet qui empoisonne la lisibilité des affectations budgétaires depuis des années et auquel nous avons été directement confrontés lors de mise en oeuvre de la LOLF –, vous proposez des solutions certes différentes des nôtres – nous préconisions un contrat individuel entre l'université et chaque enseignement, prévoyant la répartition de son temps de travail – mais qui n'en ont pas moins le mérite de donner compétence au conseil d'administration pour prévoir la répartition des obligations de service. Enfin, vous proposez de rendre public chaque année le rapport du recteur sur l'exercice du contrôle de légalité : nous en sommes d'autant plus satisfaits que, lors de nos travaux, nous nous sommes souvent demandé si le recteur rencontrait quelquefois le chancelier des universités !
Le projet de loi reprend donc la plupart des propositions que nous avons formulées. Certes, il va plus loin, et sans doute permet-il des lectures différentes par la majorité et par l'opposition : le débat sur ce point est du reste légitime. Toutefois, chacun peut se retrouver sur le constat, qui a été établi conjointement, et sur les propositions de la commission des finances – il en va de la valorisation du travail parlementaire.
Madame la ministre, par-delà ces propositions d'ordre législatif, je souhaite vous interroger sur les aspects réglementaires : chacun sait bien, en effet, que la gouvernance ne sera effective que si les moyens matériels sont renforcés, si les carrières des secrétaires généraux sont mieux gérées, si un administrateur civil qui consacre quelques années à l'université ne se trouve pas freiné dans le déroulement de sa carrière, si les systèmes d'information, qui sont à l'heure actuelle très défaillants, bénéficient de moyens performants ou si les agents comptables peuvent suivre une formation adaptée, qui ne soit pas simplement celle d'un agent comptable de lycée, le budget d'une université étant autrement important et complexe. Sur tous ces points, qui sont d'ordre réglementaire, il serait utile que vous puissiez nous rassurer sur les orientations du Gouvernement.
Enfin, les universités ne gèrent aujourd'hui que 4,5 % des personnes en formation continue, 7,5 % en temps. C'est dérisoire au regard des universités étrangères comme à celui de leurs missions, des ressources qu'elles peuvent en tirer et de leur place dans la formation tout au long de la vie.