Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 23 juillet 2007 à 15h00
Libertés et responsabilités des universités — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristiane Taubira :

Monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, je vous remercie d'être parmi nous, mais vous savez que Mme Pécresse sait batailler pour deux. (Sourires.)

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me demande pourquoi cette réforme qui a été annoncée avec tant de fracas traite des universités – au pluriel et avec une minuscule –, plutôt que de l'Université – au singulier et avec une majuscule.

La réponse évidente se trouve dans le texte, puisqu'il n'a aucune ambition à l'échelle de ce que la République peut énoncer pour s'assurer qu'elle souhaite que l'avenir ne soit pas découvert, mais qu'il soit inventé.

Il n'a aucune expression d'une exigence pour une égalité de préparation, de choix et de condition. Lorsqu'il est question de missions, elles ne sont exprimées qu'en termes génériques.

Nous savons que l'Université vient de loin. Je pourrais parler de celles de Tombouctou ou d'Al Qarawiyin, mais je me contenterai d'évoquer simplement la première organisation globale de l'université en France. Elle remonte quand même à 1806, cinq siècles après la création de la Sorbonne, collège fondé – il est opportun de le rappeler – pour faciliter l'accès d'étudiants pauvres à l'enseignement supérieur.

Il y a deux siècles, l'Université était chargée « de l'enseignement et de l'éducation publique dans tout l'Empire ». Surtout, elle a reçu l'injonction « de diriger les opinions politiques et morales ». Tel n'était pas l'idéal de Condorcet qui, quelques années plus tôt, avait souhaité que l'instruction publique identique pour les garçons et pour les filles – ce n'est pas anodin – « formât des citoyens difficiles à gouverner ».

L'Université dont nous débattons aujourd'hui semble bien éloignée de ces préoccupations d'un enseignement ouvert à l'humanisme, à l'universalisme au sens latin, qui postule littéralement de mettre les communautés – au sens éducatif – toutes ensemble. Elle est bien éloignée aussi de l'idée même d'université et de sa vocation, de l'idéal qu'elle peut s'assigner, de l'utopie de ce lieu où règne l'effervescence d'un savoir qui s'interroge, se confronte, se partage et s'aguerrit à l'épreuve des défis qui lui sont posés par la société et par le monde.

Mais vous n'entendez certainement là qu'une litanie de gros mots puisqu'il semble qu'il n'y ait rien de plus glorieux que le souci prosaïque de la gestion et de la bonne gouvernance. Il ne s'agit donc pas de refonder l'Université, mais d'assouplir son organisation et son administration. Nous prenons acte de la modestie du projet.

Après être partie à bride abattue, madame la ministre, sur l'autonomie, vous semblez y avoir renoncé – en tout cas dans le texte – même si vous y êtes longuement revenue dans votre discours.

Permettez-moi de rappeler que la loi du 25 juillet 1885 – je disais que l'Université vient de loin ! – a posé, pour la première fois, le principe de l'autonomie, essentiellement financière, puisqu'il s'agissait de pouvoir disposer des fonds des collectivités territoriales.

Le mot « autonomie » a été abandonné dans l'intitulé du texte : vous avez préféré l'intituler « libertés des universités » : un pluriel dont on se réjouirait s'il révélait une véritable prise en compte de la diversité des besoins et de la disparité des territoires, lieux cardinaux où s'exerce la compétition internationale. Une telle prise en compte supposerait un fort engagement en faveur d'une péréquation, afin d'éviter le démantèlement de l'offre universitaire, qui fragilise sa continuité et son niveau de qualité. Mais de tout cela, malheureusement, vous ne dites mot ! Au contraire, tout semble encombrant à ce Gouvernement qui paraît beaucoup plus pressé de se débarrasser des enseignants qui approchent l'âge de la retraite, du budget, de l'immobilier, de la pédagogie, de l'opinion des universitaires sur les recrutements, des étudiants remuants ou étrangers, quitte à compromettre les chances d'influence de la France dans le monde.

Ce texte fourmille de mesures et de procédures jusqu'à plus soif. Mais il y manque la garantie que la puissance publique veillera à assurer, sur l'ensemble du territoire, un égal accès à l'enseignement supérieur en dépit des conditions sociales, des recettes fiscales locales, de l'éloignement des mégapoles et même l'inégale attractivité des territoires pour les industriels et les organismes de recherche.

Dans vos réponses au Sénat, madame la ministre, vous avez avoué découvrir à quel point la situation des outre-mer était spécifique. Comme nous avons, depuis longtemps, cessé d'être susceptibles, je ne vais pas vous dire que cette ignorance est vexante. En revanche, je vous dirai, avec la fierté et la conscience de la part que nous prenons aux bouleversements du monde, que si les gouvernements savaient s'adosser à la présence française, aux Amériques, dans la Caraïbe, dans l'Océan indien et dans le Pacifique, ils sauraient s'instruire des mutations du monde, s'inspirer des grands courants qui le traversent et saisir les thématiques du déplacement des centres d'échanges et de circulation, des informations, des connaissances, des technologies et des hommes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion