La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, la fréquentation en hausse du salon de l'agriculture témoigne de l'intérêt des Français pour les performances réalisées par les agriculteurs.
Aux Antilles, le monde agricole a toujours su anticiper avec succès les évolutions de son environnement économique en matière de diversification et de développement de filières d'excellence durables. Il n'est pas excessif d'affirmer que nos agricultures ultra-marines s'adaptent aux besoins du marché et se modernisent. Cependant, la Cour des comptes juge que ce mouvement n'est pas assez dynamique. Ce qu'il faut surtout retenir des conclusions de son dernier rapport, c'est la vision à court terme et le constat d'échec des politiques conduites par le Gouvernement en matière de développement économique en outre-mer.
Premièrement, les dispositifs législatifs et réglementaires prévus pour l'investissement productif et la création d'emplois sont sans cesse remis en cause.
Deuxièmement, le document d'orientation pour le développement de l'agriculture en outre-mer n'a toujours pas été présenté.
Troisièmement, des accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays de la Caraïbe ont été signés sans une position affirmée de la France.
Quatrièmement, des accords scélérats entre l'Union européenne et les pays andins, peu regardants sur les normes environnementales et la protection sociale des travailleurs, créent une situation de concurrence déloyale.
Cinquièmement, les dispositifs prévus pour protéger notre agriculture sont laissés à l'appréciation des seuls commissaires européens.
Le sort de nos cultures d'exportation semble d'ores et déjà scellé, sans pour autant que la politique de développement endogène soit réellement effective.
Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer l'engagement du Président de la République lors de ses voeux à l'outre-mer de défendre l'agriculture ultra-marine ?
Par ailleurs, pouvez-vous garantir que l'outre-mer ne fera pas une nouvelle fois les frais de votre échec en matière de maîtrise des déficits publics ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Madame la députée, je vous confirme l'engagement total du Président de la République et du Premier ministre à l'égard de l'agriculture d'outre-mer. Il ne peut pas y avoir de développement économique dans nos départements d'outre-mer sans un développement agricole autonome. Et il ne peut pas y avoir de développement agricole autonome dans les départements et territoires d'outre-mer sans des soutiens spécifiques.
Chacun voit bien qu'il faut tenir compte de l'insularité, des coûts de transport qui sont plus importants, du climat spécifique, des difficultés d'approvisionnement des collectivités locales. Nous avons besoin de maintenir un soutien financier à l'agriculture d'outre-mer. Je constate d'ailleurs que la Cour des comptes européenne a elle-même reconnu que l'agriculture d'outre-mer avait besoin de soutiens spécifiques pour continuer à se développer. Je vous le répète, notre engagement est total.
Il faut avancer dans deux directions essentielles. La première, c'est celle de la diversification de la production. Le socle, c'est la production de bananes et de canne à sucre. Mais si nous voulons que l'agriculture d'outre-mer soit autonome, il faut également parvenir à développer d'autres filières. Nous avons eu l'occasion d'en discuter avec vous et avec M. Letchimy lorsque le Président de la République s'est rendu en Guadeloupe et en Martinique. Nous avons besoin de développer la filière de l'élevage et celle des fruits et légumes. Nous voulons construire l'autonomie de l'agriculture d'outre-mer.
Deuxièmement, il faut développer les circuits de commercialisation courts. Nous avons impérativement besoin que les collectivités locales s'approvisionnent en produits réalisés dans les départements d'outre-mer eux-mêmes. Nous modifierons, avec le Premier ministre, le code des marchés publics pour que le prix ne soit plus la seule référence dans l'approvisionnement des collectivités locales, et que soient également prises en compte la proximité et la production locale. Une fois encore, vous pouvez compter sur notre engagement. L'agriculture a un avenir en outre-mer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
J'associe à ma question le député Philippe Vitel, président du groupe d'études sur l'action humanitaire d'urgence.
Monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, depuis plusieurs semaines, les peuples de quelques grands pays du monde arabe vivent une période extraordinaire de leur histoire. Si, en Tunisie et en Égypte, les événements, qui ne sont certes pas encore terminés, se sont passés en limitant les bains de sang et les atrocités que beaucoup d'entre-nous craignaient, il n'en est pas de même en Libye.
Avec un courage extraordinaire, le peuple libyen est en train de gagner sa liberté, oui, mais au prix du sang. Le régime du colonel Kadhafi va tomber, c'est certain ; mais, avec un cynisme absolu, le pouvoir n'hésite pas à tirer sur la foule et à forcer à un exode brutal de pauvres gens qui ne savent plus où fuir pour rester en vie.
Les informations sont difficiles à vérifier en ce qui concerne la situation à Tripoli. En revanche, aux frontières, notamment à la frontière de la Tunisie, les témoignages sont nombreux et la situation des réfugiés est catastrophique.
Le Haut commissariat aux réfugiés et l'Organisation internationale pour les migrations ont lancé un appel urgent à la communauté internationale pour évacuer les 40 000 personnes ayant fui la Libye, qui se trouvent à la frontière tunisienne.
Les États-Unis ont annoncé lundi le déploiement de forces militaires autour de la Libye,…
La France, quant à elle, a pris la décision d'envoyer à Benghazi deux avions humanitaires pour secourir les populations.
Sur tous ces bancs, monsieur le ministre, nous sommes unanimes pour assurer le peuple libyen de notre soutien moral et de notre encouragement, mais que peut-on faire de plus ? Pouvez-vous réaffirmer l'engagement de la France aux côtés du peuple libyen et nous dire quelles actions concrètes vous comptez mettre en oeuvre ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Madame Hostalier, la crise que connaît aujourd'hui la Libye est d'une gravité exceptionnelle. Le colonel Kadhafi, en réprimant avec une extrême brutalité les mouvements populaires qui le mettent en cause, s'est disqualifié, si bien qu'il a perdu toute légitimité.
Je vous rappelle que les Nations unies ont adopté le principe de la responsabilité de protéger selon lequel les gouvernements ont la responsabilité de protéger leur peuple. S'ils ne le font pas, la communauté internationale peut se substituer à eux.
C'est dans cet esprit que s'est développée une stratégie internationale pour faire pression sur le régime de Kadhafi avec l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur la base d'une proposition de la France et du Royaume Uni. Cette résolution prévoit non seulement des sanctions mais aussi la saisine du procureur de la Cour pénale internationale, ce qui constitue une première. L'Union européenne s'est jointe à cette démarche et va prendre elle-même des sanctions autonomes.
Faut-il aller plus loin et préparer une intervention militaire ?
Nous ne le pensons pas dans le contexte actuel. Je vous demande d'ailleurs de réfléchir aux conséquences d'une éventuelle intervention de l'OTAN en Libye : elle pourrait ressouder contre le nord de la Méditerranée les opinions publiques et les peuples arabes. C'est la raison pour laquelle, ce matin, au conseil de l'Atlantique nord, nous avons fait part de notre réticence.
En revanche, il est possible de continuer à planifier une zone d'exclusion aérienne à condition qu'elle ne soit activée, cela va de soi – c'est le principe que suit toujours notre diplomatie – que sur une décision du Conseil de sécurité des Nations unies.
Enfin, et peut-être surtout dans l'immédiat, comme vous l'avez souligné, madame la députée, il y a la dimension humanitaire. Nous avons déjà prévu deux avions chargés de matériels médicaux et emmenant du personnel médical. Les convois sont en route vers Benghazi et nous sommes disponibles pour contribuer à l'évacuation des réfugiés égyptiens vers l'Égypte par la voie aérienne ou la voie maritime.
Je serai au Caire dimanche prochain pour manifester notre solidarité avec tous les peuples de la région. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, votre réponse d'hier a tout lieu de nous inquiéter. Vous avez en effet affirmé que votre rôle sera « tout simplement de mettre en oeuvre les orientations définies par le Président de la République ».
Pourtant, l'échec de la politique étrangère menée depuis l'Élysée est cuisant. Elle nous a fait perdre toute crédibilité et a humilié notre pays sur la scène internationale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) La France est tout simplement passée à côté du printemps des peuples arabes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nicolas Sarkozy a atteint le paroxysme de l'irrespect des peuples en nommant des ambassadeurs mal dégrossis ou des affidés à des postes diplomatiques clefs, sans aucune prise en compte de la compétence et au mépris des usages diplomatiques.
Le Président de la République a réduit les relations diplomatiques de la France à des relations commerciales, préférant faire du business avec des dictateurs plutôt que de tisser des liens avec les peuples. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Est-ce bel et bien cette politique que vous comptez poursuivre ?
Vous entendez une voix de la France forte, quand tout le monde s'accorde à dire qu'elle s'est éteinte.
Une voix forte devrait appeler à une réforme de la gouvernance mondiale qui ne sert aujourd'hui que les intérêts d'un cercle fermé de grandes puissances. L'organe décisionnel de l'ONU, le FMI ou encore la Banque mondiale doivent d'urgence être démocratisés.
Une voix forte devrait permettre aux peuples de bénéficier des richesses de leurs pays en incluant dans les contrats commerciaux, par exemple, une obligation de consacrer une partie des bénéfices d'exploitation de ces richesses au développement des infrastructures de santé et d'éducation.
Une voix forte devrait pousser la communauté internationale à apporter une aide immédiate et concrète pour enrayer la crise humanitaire à la frontière entre la Tunisie et la Libye.
Monsieur le ministre d'État, en ce moment historique, avez-vous la volonté et les moyens de sortir notre pays de sa torpeur et de redonner à la France une voix audible, respectable et respectée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, le début de votre question me plonge dans une grande perplexité : vous semblez découvrir que les institutions de la Ve République prévoient que c'est le Président qui définit les grandes orientations de la politique internationale de la France. Or cela est vrai depuis 1958 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Le rôle du chef de la diplomatie, sous l'autorité du Premier ministre,…
…consiste à mettre en oeuvre ces orientations, en en discutant bien entendu avec la représentation nationale, en séance comme en commission.
Pour le reste, j'estime que mon travail ne revient pas à polémiquer sur des considérations tout à fait inexactes, à mille lieues de ce qu'est la réalité de la diplomatie française. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La voix de la France dans le monde est aujourd'hui forte et entendue. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Eh oui, peut-être pas par vous, mais elle est entendue ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Elle a été entendue pendant la crise où le Président de la République a su montrer le cap et tenir la barre. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Elle est entendue aujourd'hui au G8 et au G20. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Et s'il existe aujourd'hui un G20 associant aux puissances économiques traditionnelles les nouveaux pays émergents, nous le devons à une initiative du Président Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La France est également entendue en Europe et c'est sur la base d'une demande française que le Conseil européen du 11 mars va délibérer sur la situation de la Libye et, comme j'aurai peut-être l'occasion de le rappeler, de relancer l'Union pour la Méditerranée, fondée sur une vision sur laquelle nous ne devons pas céder et à laquelle nous devons donner toute sa réalité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cessons de polémiquer ! Je suis fier de conduire une diplomatie française qui a tout son rôle à jouer dans le monde. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC dont plusieurs députés se lèvent pour applaudir.)
Ma question s'adresse à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Tous les sondages le confirment, le sentiment d'insécurité de nos concitoyens ne cesse d'augmenter. C'est particulièrement vrai pour les personnes âgées qui voient, au gré des restructurations de la gendarmerie et de la police, les brigades et les commissariats se rétrécir, voire fermer.
À cela s'ajoute l'écho, que les médias ne cessent de rapporter, des faits divers de toutes sortes. La télévision crée ainsi la notion de proximité. Ce matin encore, une émission montrait un groupe de personnes âgées s'entraînant à l'auto-défense. Nous sommes bien là dans l'irrationnel. Il y a une vraie inadéquation entre la réalité des chiffres et le ressenti de nos concitoyens.
Pourtant, les chiffres de l'Observatoire national de la délinquance ne laissent pas de doute : la délinquance a baissé globalement ces dernières années. Mais le fait que les violences aux personnes ont, elles, augmenté de 2,5 % en 2010 participe à l'entretien de ce sentiment diffus que les choses ne vont pas en s'améliorant. Et c'est grave, car cela met en péril notre pacte social et républicain.
Votre nomination, monsieur le ministre, marque une nouvelle étape dans le combat mené contre les actes criminels et pour la sécurité de tous. Vous connaissez la dureté du métier des policiers et des gendarmes, et vous savez que leur nombre sur le terrain est un élément important pour la sûreté de nos territoires.
Monsieur le ministre, le Nouveau Centre vous interroge : la révision générale des politiques publiques n'a-t-elle pas aujourd'hui atteint ses limites en ce qui concerne nos forces de police et de gendarmerie ? Et vous, dont la compétence en matière de sécurité est reconnue, quels éléments vous semble-t-il important de mobiliser pour lutter contre ce sentiment croissant d'insécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le député, je vous remercie, tout d'abord, d'avoir rappelé que, tout au long de ces dernières années, la délinquance a baissé dans notre pays. (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.) J'entends dire et répéter que notre politique de sécurité serait un échec. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les chiffres, eux, ne mentent pas. Et ils nous disent que, depuis 2002, les faits de criminalité et de délinquance ont reculé de plus de 16 %. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je suis désolé, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, mais c'est mieux qu'une augmentation de 15 % en cinq ans, comme ce fut le cas entre 1997 et 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous me direz qu'il y a une augmentation des atteintes à l'intégrité physique des personnes.
C'est vrai. Cette augmentation est de l'ordre de 2 % par an. Elle a été de 2,5 % en 2010. Mais vous me permettrez de dire que c'est mieux qu'une augmentation de 10 %, comme ce fut le cas entre 1997 et 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cela étant, monsieur le député, vous avez raison : nos concitoyens demandent plus de sécurité. Ils demandent à se sentir davantage protégés, davantage en sécurité. Je compte le faire avec les policiers, avec les gendarmes, en liaison avec la justice et avec toutes les personnes de bonne volonté, parce que la sécurité, c'est l'affaire de tous : les élus, les associations, les personnes âgées, les transports en commun. La lutte contre les violences aux personnes est une priorité.
S'agissant des effectifs, c'est vrai que l'impératif de rétablissement des finances publiques a conduit, ces dernières années, à appliquer à la police et à la gendarmerie la règle de diminution qui a été appliquée à l'ensemble de la fonction publique. Cela étant, je dis, j'affirme qu'il y a aujourd'hui 4 500 fonctionnaires et militaires de plus qu'il n'y en avait en 2002.
Par ailleurs, il a été question, hier, des 35 heures. On dit que le Gouvernement met les 35 heures à toutes les sauces. Eh bien, il y a une sauce policière, aussi ! Les 35 heures ont entraîné une perte de 8 000 agents dans la police. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, ci toyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, il va bien falloir nous dire de quel bois vous vous chauffez. Hier, vous créez un « Observatoire de la précarité énergétique ». C'est un aveu. Et demain, semble-t-il, vous effacez l'impôt sur la fortune. C'est un autre aveu. Vous observez les pauvres et vous libérez les riches ! Et vous remplacez toujours un impôt juste par des taxes injustes.
En effet, la situation des ménages à l'égard de la facture énergétique devient dramatique. L'explosion des prix à la pompe – TVA comprise – pose d'énormes problèmes à tous ceux qui sont loin du travail, ou de l'emploi à trouver.
Pour le chauffage, écoutez bien : après plus de 55 % d'augmentation du prix du gaz en cinq ans, vous en rajoutez une couche ; la nouvelle hausse annoncée de 5 % au 1er avril vient, une fois de trop, plomber la vie quotidienne de nos concitoyens.
Pour faire oublier ce mauvais poisson d'avril, vous lancez une bouée avant la tempête : 20 % de rabais en plus sur le tarif social. Mais cela couvrira à peine la moitié de l'augmentation sur le prix !
Pour faire oublier que vous avez supprimé « la prime à la cuve » – souvenez-vous –, vous créez la « prime à la casse » pour changer les mauvaises chaudières. Quand on connaît le prix des chaudières, qui ne sont d'ailleurs jamais changées par les locataires, on se dit que cette mesure aura autant de succès que « la maison à 100 000 euros ».
Votre gouvernement nous avait expliqué qu'il avait fait changer la formule de révision des prix du gaz. Alors, puisque, au niveau mondial, le prix du gaz sur le marché a baissé de près de 30 % ; on se demande vraiment à quoi cela a servi de changer la formule, si c'est pour se retrouver avec une augmentation perpétuelle.
Les hausses des tarifs de l'électricité, elles, seront encore plus importantes, et elles seront la conséquence directe de l'application de la loi NOME. Les Français en ont vraiment assez d'être otages de cette gestion qui sert toujours les intérêts des mêmes. En fait, monsieur le Premier ministre, peut-être que c'est une prime à la casse de votre politique que vous devriez nous proposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur le député, il est vrai que l'augmentation du prix des hydrocarbures a des conséquences sur la situation de nos compatriotes. C'est incontestable. C'est lié à la fois à la situation politique de certains pays producteurs et à la demande croissante de pétrole d'un certain nombre de pays émergents.
Nous avons d'abord veillé à la sécurité des approvisionnements. Je vous ai dit hier pourquoi, au moment où nous parlons, il n'y a pas de souci particulier à se faire pour les approvisionnements.
Vous ne devriez pas ironiser sur ce que nous essayons d'apporter aux ménages français, et notamment aux plus modestes d'entre eux. Le tarif du gaz, malgré ce que vous avez dit, a été gelé volontairement pendant tout l'hiver. Le rabais social pour les foyers modestes, comme vous avez bien voulu le rappeler, sera augmenté de 20 % au 1er avril. L'ensemble des foyers raccordés au gaz se verront proposer un bilan énergétique gratuit. Avec GDF Suez, nous allons mettre en place une prime à la casse de 250 euros pour le remplacement des chaudières usagées. Ce n'est pas rien. Un éco-prêt à taux zéro a été mis en place, à hauteur de 30 000 euros. Avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous avons annoncé hier la création d'un fonds national d'aide à la rénovation thermique des logements, c'est-à-dire, concrètement, pour la mise en place de doubles vitrages ou de protections supplémentaires. Ce fonds sera doté de 1,25 milliard d'euros. Vous le voyez, monsieur le député, c'est du concret.
Et pour aller à l'essentiel, l'électricité est moins chère, en France, de 40 % grâce à l'énergie nucléaire. Nous savons que lorsqu'il y a des protections thermiques et des énergies renouvelables, nous vous trouverons. Mais allez-vous nous soutenir quand nous allons assurer, comme nous le faisons, l'avenir du nucléaire et la promotion du nucléaire civil ? Là-dessus, on vous entend beaucoup moins, monsieur Brottes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Étienne Pinte, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'économie et des finances, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, vous avez effectué, la semaine dernière, un déplacement à Tunis avec Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, pour nouer…
…et consolider des relations économiques privilégiées que nous entretenons avec la Tunisie et le peuple tunisien, après les événements qu'ils ont vécus.
Voudriez-vous informer les parlementaires de l'Assemblée nationale du contenu des entretiens que vous avez eus avec le gouvernement tunisien et avec les chefs d'entreprise français installés en Tunisie ?
Nous souhaiterions connaître les besoins exprimés par les responsables politiques que vous avez rencontrés ; les difficultés économiques urgentes à régler pour consolider la démocratie en Tunisie et, enfin, les solutions que pourrait apporter la France pour aider la Tunisie à traverser une étape très importante de son histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le 19 février, à l'initiative de la France, les pays du G20 avaient déjà envoyé un message de soutien et de solidarité à la Tunisie, et également à l'Égypte. Le 22 février, à l'invitation du gouvernement tunisien, accompagnés de Laurent Wauquiez, de Dino Cinieri et de vous-même, nous nous sommes rendus en Tunisie où nous avons rencontré l'ensemble des membres du gouvernement, ainsi qu'un certain nombre des représentants de la communauté d'affaire française. Nous y allions pour affirmer notre soutien à la Tunisie.
Je rappelle que la Tunisie entretient avec la France une relation à la fois politique, économique, financière et touristique, puisque ce pays en est le premier partenaire économique : importations, exportations, tourisme, investissements directs étrangers, et aides, bien sûr.
Nous nous y sommes rendus avec le directeur de l'Agence française pour le développement, et nous avons réaffirmé, à cette occasion, notre détermination à maintenir et éventuellement à augmenter le volume des aides que la France consent.
Par ailleurs, nous avons réaffirmé notre détermination à travailler en coordination avec la Banque africaine de développement, la Banque européenne d'investissement et la Banque mondiale pour soutenir les efforts de la Tunisie dans son évolution, et la transformation profonde qui affecte ce pays et le peuple tunisien.
Au-delà de ce soutien, que nous avons réaffirmé, nous avons également indiqué que nous respecterions les accords d'immigration circulaire qui avaient été mis en place par Brice Hortefeux, auquel je souhaite rendre hommage à cette occasion.
Dans les domaines économique et touristique, dans le domaine de l'immigration, la parole donnée par la France sera tenue. Un soutien sera accordé pour aller au-delà, notamment en matière touristique ; ainsi nous avons engagé un partenariat avec certains grands voyagistes pour qu'ils relancent les séjours en Tunisie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, comme votre projet néolibéral de démantèlement des services publics (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) s'applique aveuglément à tous les secteurs, sans épargner les territoires les plus fragiles, je souhaite à mon tour vous interroger sur la suppression des postes dans l'académie de La Réunion.
Malgré nos retards, que différentes évaluations ont mis en évidence, et alors que la démographie scolaire est stable, 162 postes vont être supprimés, qui s'ajoutent aux centaines de suppressions des années précédentes.
En parler, est-ce une idée fixe ? Est-ce une obsession ? Non ! C'est simplement dire son angoisse devant une politique qui sacrifie sciemment l'avenir. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Personne ne s'oppose à la modernisation de l'école, à ce que vous appelez l'école du XXIe siècle. Cependant cette école ne peut pas être celle qui fait appel au vocabulaire le plus éculé et aux méthodes les plus dévastatrices du management des entreprises. Cette école ne peut pas être celle qui récompense d'une enveloppe les recteurs qui bricolent le meilleur plan social ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Cette école ne peut pas être celle qui oublie ses missions et la place qu'elle occupe dans la vie de la société, dans l'espérance des familles, dans le coeur des jeunes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Les dernières comparaisons internationales ne sont guère flatteuses qui classent la France à la dernière place pour l'encadrement des élèves. Est-ce que cela ne vous paraît pas contredire la propagande lancinante contre les prétendus moyens surdimensionnés de l'éducation nationale ? Ne croyez-vous pas qu'il soit temps d'arrêter la dégringolade ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous ne voulez pas entendre les élus. Écoutez au moins la parole de la communauté éducative…
…des parents, des jeunes. Ils ne demandent qu'une chose au Gouvernement : qu'il cesse d'entraver leurs études. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
L'académie de La Réunion illustre très bien la politique éducative que nous mettons en oeuvre, fondée sur le discernement, la différenciation et la capacité d'adaptation à la réalité locale.
Par exemple, le budget de l'académie de La Réunion est de 1,4 milliard d'euros sur les 60,5 milliards du budget de l'éducation nationale. En proportion, c'est nettement plus que ce que représente le poids démographique de l'île de La Réunion.
Madame la députée, dans votre portrait catastrophiste, vous avez oublié deux choses. Vous avez d'abord oublié de rappeler qu'à la rentrée dernière, nous avons créé 90 postes dans l'éducation nationale. Ensuite vous avez oublié de dire que 550 élèves ne seront plus dans les écoles de l'île de La Réunion à la prochaine rentrée scolaire. Malgré cela, compte tenu des difficultés de l'île de La Réunion, nous n'allons fermer aucune classe, aucun collège, aucun lycée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Notre volonté est donc de prioriser les moyens.
Nous allons même faire plus, madame la députée. Parce qu'il y a des problèmes de lecture ou d'illettrisme à La Réunion, nous avons décidé de généraliser l'accompagnement éducatif dans toutes les écoles de l'île, c'est-à-dire l'accueil de tous les élèves après seize heures pour du soutien scolaire, et des activités sportives et culturelles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
À la rentrée prochaine, il y aura une plateforme de lutte contre le décrochage scolaire. Nous suivrons individuellement tous les jeunes décrochés pour éviter qu'ils ne quittent le système éducatif.
Enfin, nous accueillerons davantage d'enfants handicapés à l'île de La Réunion en créant six classes supplémentaires dans le second degré.
Vous le voyez, madame Bello, il existe deux façons de voir les choses : il y a la polémique, et il y a les faits. Et comme le disait le camarade Lénine : « Les faits sont têtus ». (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Il y a juste un an, la Charente-Maritime et la Vendée comptaient les victimes et constataient les dégâts d'une des plus fortes tempêtes connues à ce jour. Présent sur le terrain dès le lundi, le Président de la République définissait alors un principe de solidarité exceptionnel pour venir en aide aux habitants sinistrés de Charron et de La Faute-sur-Mer, dont on savait déjà qu'aucun dispositif ne pourrait les protéger efficacement.
Après cette première phase douloureuse, aggravée par les excès de zèle de certains de vos services, madame la ministre, est venue celle de l'expertise, de la réflexion et des projets. Depuis le mois de juin, le conseil général de la Charente-Maritime et les communes ont élaboré, pour chaque site menacé, un projet de protection complet. Mais notre inquiétude est grande sur deux points qui pénalisent le calendrier de réalisation. Vos services commencent à évoquer les contraintes environnementales avant même le risque. Aux Boucholeurs, des centaines de personnes ont été lourdement sinistrées, parce que, depuis 1999, l'État a refusé d'instruire un projet de digue, faute d'accord avec une association de protection de la nature.
L'ensemble de ces projets représente pour la seule Charente-Maritime 300 millions d'euros et pour mon village des Boucholeurs 20 millions d'euros. Vous avez obtenu, madame la ministre, que 500 millions soient réservés, sur cinq ans, à ces travaux pour la France entière. Mais lorsque l'on compare ces chiffres et qu'on sait que Mme Royal refuse d'y associer la région Poitou-Charentes, contrairement à tous ses voisins de régions littorales (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC), on ne voit pas comment nous pourrons respecter le devoir de protection de nos populations littorales. Madame la ministre, ma question est double : allez-vous définir clairement la priorité de la sécurité des biens et des personnes sur les procédures environnementales qui conduisent à des années de tergiversation ? Comment envisagez-vous de faire face aux demandes légitimes de protection des populations que la loi vous impose d'assumer financièrement à 40 % ce qui, dans bien des cas, sera très insuffisant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Monsieur Léonard, il y a un an, la tempête Xynthia ravageait des villages de Charente-Maritime et de Vendée. C'est un drame qui a ému toute la France d'abord par son ampleur, puisque cinquante-trois habitants y ont perdu la vie, et ensuite par sa nature, puisque c'est la nuit dans leur maison, parfois dans des conditions effroyables, que ces personnes ont trouvé la mort.
Le Gouvernement a alors souhaité apporter une réponse rapide en définissant les zones dans lesquelles l'État proposait un rachat de maisons. Nous essayons d'affiner ces zones depuis, pour qu'après le temps de l'urgence vienne celui du cas par cas. Mon objectif est que le minimum de maisons soient soumises à expropriation, en examinant toutes les protections possibles.
En ce qui concerne les travaux de protection, l'urgence a été de conforter les digues endommagées par la tempête : 190 chantiers ont été lancés et 42 millions investis. Devant un danger imminent, la priorité est claire : c'est la sécurité des personnes. Ces travaux ont été facilités, vous le savez, par l'instruction parallèle accélérée de toutes les procédures, en intégrant en amont les problématiques environnementales.
Je voudrais lancer solennellement un signal d'alerte aux élus responsables que vous êtes. Toutes les zones ne peuvent pas être protégées et notre urbanisme doit être adapté aux risques. C'est notre responsabilité, nous le devons aux victimes de la tempête.
Lorsque les protections ne sont pas possibles, il est de notre responsabilité de mettre en sécurité les personnes. C'est dans cet esprit de vigilance renouvelée que les travaux vont se poursuivre et l'État investit lourdement pour cela : 500 millions d'euros ont été annoncés par le Premier ministre pour le plan « digue ».
L'État prend ses responsabilités, monsieur Léonard. J'invite chaque collectivité à en faire autant. Je partage votre regret que la région Poitou-Charentes n'ait pas souhaité apporter un soutien financier au maître d'ouvrage pour les digues. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Avec les élus responsables, nous poursuivrons notre investissement pour l'avenir de ces territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, nous sommes heureux que vous arriviez au Quai d'Orsay.
Pour Noël, chaque fois qu'un dirigeant français s'est rendu chez un ami, chef d'État arabe, sa visite a été fatale à son hôte : Mme Alliot-Marie en Tunisie, trois jours après Ben Ali est renversé ; M. Fillon en Égypte, huit jours après M. Moubarak est renversé ; M. Guaino en Libye, quelques jours après M. Khadafi est au plus mal (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; M. Sarkozy au Maroc, espérons que le roi aura la baraka. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Heureusement, M. Sarkozy a repris la main. Il a envoyé le meilleur d'entre nous comme ambassadeur à Tunis. Il est allé lui-même passer quelques instants en Turquie, juste le temps de s'entendre dire qu'il n'était pas le bienvenu. (Mêmes mouvements.)
En revanche, M. Sarkozy ressort un dossier dont on ne parlait plus et pour cause : celui de l'Union pour la Méditerranée et de son échec cuisant. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Pouvez-vous, monsieur le ministre, contenir M. Guaino et nous rassurer ? Ne relancez pas une opération qui n'a duré que le temps d'une photo à Paris. Si vous relancez l'UPM, elle sera, vous le savez bien, rejetée par nos partenaires arabes. Elle sera également sabotée par certains pays européens et par les États-Unis qui, avec l'OTAN et donc l'appui de la France, entretiennent une maîtrise de la situation de Gibraltar au Caire , et même jusqu'à Kaboul.
Nous ne sommes pas en voisinage avec les pays du Maghreb et du Sud. Nous sommes en cohabitation, quand la moitié de la famille habite à Marseille et l'autre moitié à Alger. Nous devons donc tisser des liens sur un mode différent de celui qui consiste à pointer du doigt les musulmans ou les arabes… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations et huées sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le président Vauzelle, la polémique obscurcit la clarté de votre jugement. J'aurai un peu de mal à répondre à une question que je n'ai pas entendue, mais je vais essayer de le faire.
L'Union pour la Méditerranée est une belle idée. Je serais tenté de dire que c'est une idée plus nécessaire que jamais. La Méditerranée, c'est notre mer, comme disaient les anciens, c'est le berceau des civilisations européennes. C'est le berceau des trois grandes religions du Livre, qui sont notre bien commun.
Elle a rencontré sur son chemin des obstacles. D'abord, le blocage du processus de paix entre Israël et l'Autorité palestinienne, que ni l'Union européenne ni la diplomatie de M. Obama n'ont pu relancer.
Deuxième obstacle : les révolutions qui se déroulent à l'heure actuelle dans les pays arabes du sud de la Méditerranée sur lesquelles je ne m'attarderai pas davantage.
Que faut-il faire ? Aller de l'avant, ne pas renoncer. Relancer l'Union pour la Méditerranée. Elle est absolument nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) D'abord parce que c'est notre devoir d'accompagner les peuples du Sud dans leur marche vers la démocratie. Ce n'est pas gagné. Le destin hésite en Tunisie, en Libye, en Égypte. Le meilleur est possible, le pire est possible. Notre devoir est de les accompagner vers le meilleur. Ensuite, c'est notre intérêt. Notre intérêt est de faire en sorte que le développement du côté des deux rives permette aux citoyens du Sud de vivre chez eux, sur leurs terres, dans leur pays et d'y trouver la paix, la liberté, le travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et la prospérité qu'ils sont en droit d'attendre. C'est ce que nous allons faire en relançant l'Union pour la Méditerranée avec le soutien de tous les pays de l'Union européenne – j'ai pu le mesurer depuis quarante-huit heures. Ce sera à l'ordre du jour du 11 mars, lors du Conseil européen consacré à la Libye et un peu plus tard le 24 mars.
Nous nous appuierons davantage sur la politique européenne de proximité. Je crois qu'il y a des moments où, même si le rêve peut paraître utopique, c'est le rêve qui bouscule la réalité. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je partirai d'un constat partagé par mon ami Michel Grall, mais sans doute aussi par la plupart des parlementaires qui siègent ici : la filière nucléaire française est un réel atout pour notre pays.
Force est de constater que notre expérience en la matière et notre parc sont uniques dans le monde. Cela nous permet d'espérer que la France prendra une part importante dans la construction de nouveaux réacteurs. D'ici à 2030, deux cents réacteurs devraient être construits. (Murmures sur quelques bancs du groupe GDR.)
Pour atteindre cet objectif, plusieurs conditions doivent être satisfaites.
Tout d'abord, il faut optimiser notre parc actuel ainsi que le réacteur EPR en construction à Flamanville et dans d'autres endroits…
…tout en maîtrisant le cycle du combustible.
Ensuite, nous devons sécuriser l'approvisionnement de la France en uranium et élargir la gamme des réacteurs. Le seul EPR ne suffisant sans doute pas, il faut proposer des réacteurs de moindre capacité de production. (Protestations sur quelques bancs du groupe GDR.)
Enfin, il est indispensable de renforcer la coopération industrielle entre les différents acteurs de la filière nucléaire de façon à pouvoir répondre aux besoins qui s'exprimeront à travers le monde.
La semaine dernière, le conseil de politique nucléaire s'est réuni sous la présidence du Président de la République. Plusieurs membres du Gouvernement y participaient, le Premier ministre bien évidemment, ainsi que Christine Lagarde et Éric Besson.
Quelles conclusions tirez-vous de cette réunion, madame la ministre ? Quelles perspectives s'offrent à nous par rapport aux échéances qui s'annoncent ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le député, le conseil de politique nucléaire s'est, vous l'avez dit, réuni le 21 février dernier autour du Président de la République, du Premier ministre et en présence d'Éric Besson.
Nous avons établi une feuille de route très claire qui fait suite aux travaux de coopération – qui se sont tenus depuis le précédent conseil de politique nucléaire en juillet dernier – entre les acteurs du nucléaire, notamment EDF et Areva.
Le plan s'articule autour de quatre grands axes.
Premièrement, un accord technique et commercial doit rassembler EDF et Areva autour de plusieurs principes : la poursuite de l'optimisation de l'EPR ; l'amélioration de la maintenance et de l'exploitation du parc nucléaire, avec éventuellement du renouvellement ; une politique de cycle complet qui va de l'enrichissement de l'uranium à son retraitement. (Murmures sur quelques bancs du groupe GDR.)
Deuxièmement, nous avons décidé la filialisation de l'activité minière d'Areva, l'extraction...
…pour permettre le financement d'un certain nombre de scenarii de développement qui seront nécessaires. À cet égard, EDF et Areva devront conclure un accord essentiel qui sécurise les approvisionnements en uranium d'EDF. (Murmures sur quelques bancs du groupe GDR.)
Troisièmement, le développement d'une politique de gamme. Nous sommes convenus que le développement et la certification de l'Atmea devront être effectués avec un renforcement de la coopération entre EDF, Areva et GDF-Suez. La politique de gamme se justifie parce qu'il faut pouvoir proposer des réacteurs à 1 600 mégawatts et à 1 000 mégawatts. Par ailleurs, nous examinons également un réacteur de plus faible gamme.
Enfin, une politique de coordination au niveau de la filière et de l'export sera engagée. Le comité de coordination sera présidé par Éric Besson et coprésidé par M. Proglio. Pour ce qui est de la partie exportation, elle aura le soutien de Pierre Lellouche. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Valax, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, des Français sont dans une situation de plus en plus précaire et la dette publique atteint des sommets. Pourtant, le Président de la République s'apprête à faire un nouveau cadeau fiscal aux plus fortunés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La suppression de l'ISF qui n'est en réalité qu'un nouveau transfert fiscal va, une nouvelle fois, pénaliser les plus démunis d'entre nous.
Je veux parler des milliers de chômeurs désespérés d'être jetés hors du travail, travail que vous deviez réhabiliter.
Je veux parler des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, sans avenir, sans certitude ou, plus exactement, certains de devoir vivre des lendemains sans horizon.
Je veux parler des retraités, nouveaux exclus de notre société, une société sans pitié qui renie et oublie ceux qui en ont fait la richesse.
Je veux parler de ces ménages pour qui les charges quotidiennes deviennent chaque jour de plus en plus insupportables. Électricité, gaz, essence : plus 20 % de hausse des prix !
Je veux parler de ces agriculteurs qui font vivre nos territoires ruraux et qui voient les marchés et la grande distribution les spolier de leur labeur.
Je veux parler de ces milliers d'artisans ruinés par la concurrence déloyale des auto- entrepreneurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux parler des petites entreprises dont le carnet de commande se réduit sans cesse et qui se désespèrent de répondre sans succès aux marchés publics méthodiquement raflés par les grands groupes, dont la seule motivation est d'éradiquer la concurrence.
Je veux parler des fonctionnaires, déconsidérés par leur propre Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux parler des enseignants paupérisés un peu plus chaque jour, qui voient leur magnifique métier se dégrader. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux enfin parler des médecins et des infirmiers, qui assistent, impuissants, à la casse de l'hôpital public. (Bruits continus.)
Jamais la France n'a été aussi éclatée, parcellisée. Jamais elle n'a été aussi peu sûre d'elle. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Claquements de pupitres.)
Ma question est double, monsieur le Premier ministre.
Accepterez-vous, enfin, de prendre conscience des effets désastreux de votre politique ?
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
À l'instar d'Alain Juppé, j'aurai beaucoup de difficulté à répondre à votre question, monsieur le député, car je ne l'ai pas entendue. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
L'expérience aidant, j'ai compris, comme un écho, ce que pouvait être un discours d'un candidat socialiste aux cantonales dans une salle remplie de militants socialistes. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
Cela étant, je n'ai pas du tout compris l'image que vous avez donnée de l'évolution de notre pays qui a, comme tous les pays du monde entier, vécu la plus grande crise économique. C'est l'occasion pour moi de vous dire que la France est le pays qui a subi la moindre forte récession en Europe, en comparaison avec nos amis allemands.
La France en est sortie le plus tôt. Elle a reconquis des parts de marchés et a recréé de l'emploi. Elle absorbe ainsi 100 000 actifs supplémentaires par an, tout en faisant face à la problématique du chômage. Elle se situe dans une tendance de maîtrise de ses finances publiques, de réduction de son endettement, de rebond en termes de croissance et de perspectives positives sur le marché de l'emploi.
Je pourrais également vous citer tout ce qui est mis en oeuvre pour favoriser l'ensemble des politiques publiques en direction des plus démunis. Il suffit de lire le budget et les priorités affichées en la matière.
Je pourrais aussi vous dire que nous avons préparé l'avenir à travers le grand emprunt, mais vous le savez fort bien.
Quant à la réforme de la fiscalité du patrimoine, ne parlez pas d'arbitrage puisque vous ne les connaissez pas…
…dans la mesure où ils n'ont pas encore été rendus. Demain, en présence du Premier ministre, Christine Lagarde et moi-même présenterons les deux scénarios envisagés qui seront en débat, dans les semaines à venir.
Là aussi, notre calendrier sera respecté. Au tout début du printemps, nous présenterons au conseil des ministres le scénario retenu pour une réforme compétitive et juste sur le plan social. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Louis Cosyns, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Année après année, le succès du salon de l'agriculture ne se dément pas. Toutefois, la convivialité de cet événement ne doit pas masquer les difficultés que vivent nos producteurs, notamment dans le secteur de l'élevage. Les producteurs de porcs ont mené récemment des opérations coup-de-poing en Mayenne et en Ille-et-Vilaine pour dénoncer la vente de viande d'origine étrangère dans les grandes surfaces. Ces actions, dont nous pouvons déplorer la brutalité, traduisent un profond malaise.
Les éleveurs de porc ne sont toutefois pas les seuls à souffrir. La filière bovine est elle aussi confrontée à de nombreuses difficultés – coûts de production en hausse, envolée du cours des céréales, cours de la viande encore trop bas, concurrence européenne parfois déloyale – qui placent les éleveurs dans une situation désastreuse.
Face à la crise du secteur agricole, le Gouvernement a mené une politique courageuse : je pense au plan de soutien exceptionnel annoncé à Poligny ou encore à l'aide supplémentaire de 30 millions d'euros débloquée en septembre dernier pour soutenir les éleveurs les plus fragilisés. Au-delà de ces mesures d'urgence, il a lancé des plans de développement des filières bovine, porcine et laitière à hauteur de 300 millions d'euros sur trois ans. Force est de constater que malgré les contraintes qui pèsent sur notre budget, nous n'avons jamais laissé tomber nos agriculteurs.
Monsieur le ministre, l'État a pris ses responsabilités envers les producteurs. Il est temps que la grande distribution en fasse de même. Elle doit acheter et vendre à des prix qui correspondent à la qualité des produits. En la matière, les déclarations d'intention ne suffisent pas. Il faut voir la réalité en face : la grande distribution ne joue pas le jeu ; elle continue d'acheter à l'étranger des produits moins chers et moins contrôlés.
Monsieur le ministre, la modernisation de l'agriculture est en marche. La loi que nous avons votée en juillet dernier met en place les outils nécessaires. Pourtant, ils ne pourront avoir d'effets que si la grande distribution se montre responsable…
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, nous sommes totalement déterminés à soutenir l'élevage porcin et l'élevage bovin en France et à apporter les réponses non seulement conjoncturelles, mais aussi structurelles dont ces filières ont besoin depuis maintenant des années.
Avec le Premier ministre, nous avons engagé 300 millions d'euros pour mettre les exploitations aux normes. Nous avons mené une opération de rénovation de l'ensemble des machines à classer pour établir davantage d'équité dans l'évaluation du poids des carcasses achetées aux éleveurs.
Nous avons lancé un audit portant sur l'ensemble des abattages en France de manière à gagner en compétitivité. Nous avons ouvert des marchés à l'exportation, en Russie notamment. M. le Président de la République vient de demander à M. Erdogan d'ouvrir le marché turc aux bovins vivants français.
Nous avons pris plusieurs décisions relatives aux contrats inter-filières afin que la filière de l'élevage bénéficie avec la filière des grandes cultures de contrats permettant d'amortir les coûts de production et la flambée du prix des céréales, qui pèse tant sur les éleveurs aujourd'hui.
Je le dis solennellement : le Gouvernement fait son travail. Je souhaite que chacun des acteurs de la filière fasse également le sien, notamment la grande distribution. Lorsque les coûts de production augmentent pour les éleveurs, il faut que la grande distribution répercute une partie de ces coûts afin que ces éleveurs bénéficient d'un prix décent pour rémunération de leur travail. De la même façon, lorsque les coûts de production baissent, il est normal que les prix baissent afin que les consommateurs en retirent un bénéfice.
Je demande aux distributeurs et à l'ensemble de la filière de se mettre d'accord pour mettre en place ce type de dispositif. S'ils n'y parviennent pas par eux-mêmes, l'État prendra ses responsabilités car je ne laisserai pas les éleveurs dans la situation où ils se trouvent encore aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre du budget, comme vous n'avez pas entendu la question de mon collègue Jacques Valax, je vais vous la répéter.
Le Président de la République s'est prononcé en faveur de la suppression de l'ISF – soit 4 milliards d'euros de recettes fiscales en moins. Il s'agissait non pas d'une promesse de sa campagne, mais d'une promesse faite au premier cercle.
Comment pouvons-nous agir face à l'injustice de notre système fiscal ? Loi de finances après loi des finances, nous vous avons proposé de majorer de 10 % l'impôt sur les sociétés des banques – en 2010, les cinq premières banques françaises ont réalisé plus de 20 milliards de profit.
Nous vous avons proposé d'intégrer tous les revenus –revenus du travail, revenus de l'immobilier, dividendes – dans une seule et même assiette à laquelle serait appliqué un taux véritablement progressif. Nous vous avons proposé de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu. Nous vous avons encore proposé de majorer la prime pour l'emploi.
Mais votre vision est partiale, si partiale qu'elle en devient partielle : le seul impôt auquel vous acceptez de toucher est l'impôt de solidarité sur la fortune.
Moins d'impôts pour les plus riches, cela se traduit soit par plus d'impôts pour tous les autres, soit par moins de services publics pour tous. Vous cumulez les deux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, vous avez refusé l'une après l'autre toutes nos propositions. C'est devant les Français que nous les réitérerons et ce sont eux qui décideront quel est le système fiscal juste et équilibré dont notre pays a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le député, il ne fait pas de doute que vous avez des idées et nous pourrons en débattre. Mais revenons un peu aux faits. Nous souhaitons examiner la validité, la pertinence, l'efficacité et la justice de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Rappelons que, dès sa conception, il a été frappé d'un vice. Il a fallu très rapidement établir un abattement puis un abattement sur l'abattement. Il a fallu ensuite créer un bouclier (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), relever le bouclier et en définir le champ d'application. Qu'il s'agisse de vos réformes ou de nos améliorations, tout cela atteste d'une seule chose : l'ISF n'est tout simplement pas un bon impôt. Essayons d'avoir le courage de faire face à la réalité et interrogeons-nous sur la pertinence de cette imposition.
J'ai tendance à considérer que l'ISF n'est pas un impôt bien calibré, qu'il ne s'applique pas sur la bonne assiette, qu'il n'est pas juste et qu'enfin, il a rattrapé toute une partie de nos compatriotes qui, du fait de l'augmentation du prix de l'immobilier, se sont retrouvés taxés parce que la valeur de leur résidence principale avait augmenté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Est-il juste que ces Français qui n'ont pas un patrimoine considérable soient soumis à l'ISF ? Non, bien entendu.
Par ailleurs, l'ISF s'accompagne d'effets d'aubaine et fait l'objet de dispositifs d'optimisation. C'est de toutes ces questions que nous devrons débattre. Nous le ferons avec François Baroin, en présence de M. le Premier ministre, qui viendra ouvrir la conférence qui se tiendra demain.
Le processus parlementaire se déroulera selon les normes applicables. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
(De nombreux députés quittent l'hémicycle.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance n'est pas terminée.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative. J'y associe ma collègue Muriel Marland-Militello, présidente du groupe d'études parlementaire sur la vie associative.
Madame la secrétaire d'État, à ce jour, en France, près de 14 millions de nos concitoyens sont engagés dans le bénévolat. Ils mettent leurs compétences et leur temps libre au service des autres et se mobilisent pour eux. Ils constituent le coeur et le fondement de la vie associative ; sans eux, le million d'associations que compte notre pays n'existerait pas.
La vie associative, premier creuset de la démocratie, représente une richesse extraordinaire pour notre pays.
Chacun sait que les activités des associations sont souvent bien organisées et coûtent moins cher, notamment à l'État. En outre, la vie associative est un vecteur de cohésion sociale et territoriale : elle touche toutes les catégories socioprofessionnelles, toutes les tranches d'âge, tout le territoire.
La vitalité du secteur associatif, qui résulte de son poids économique et de l'engagement de ses nombreux bénévoles, oblige les pouvoirs publics à prendre conscience de la nécessité de conforter la place de ces structures dans le fonctionnement de notre démocratie et de notre société.
Notre rôle d'élus est aussi de transmettre la valeur de l'engagement car la société se doit de promouvoir, notamment par la valorisation des compétences acquises, celles et ceux qui se dévouent pour elle.
Le 16 février dernier, avec Luc Chatel, vous avez coprésidé le comité de suivi de la deuxième conférence de la vie associative. Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les orientations décidées par ce comité afin de développer la politique de valorisation du monde associatif et de l'engagement bénévole ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur Decool, Luc Chatel et moi-même avons effectivement présidé, le 16 février dernier, le comité de suivi de la deuxième conférence sur la vie associative.
Nous avons dressé un bilan d'étape de la précédente conférence sur la vie associative, qui s'est tenue sous la présidence du Premier ministre en décembre 2009. Je tiens du reste à remercier chacun des participants à cette réunion, dont votre collègue, Mme Marland-Militello (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), comme vous fortement et personnellement impliquée sur ces questions.
Cette réunion a été l'occasion de réaffirmer l'engagement du Gouvernement aux côtés du monde associatif, particulièrement dynamique dans notre pays (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), porté par ses 14 millions de bénévoles et 1,4 million d'associations. Nous fêterons en juillet prochain les cent dix ans de la loi de 1901, cette grande loi de la République.
Nombre des grands chantiers menés conjointement avec toutes les parties prenantes ont abouti. Je songe au rapport du conseil d'analyse de la société, présidé par Luc Ferry, sur la représentativité des associations, (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)…
…ou au rapport du CSA sur l'accès des associations aux médias, remis ce matin à Luc Chatel et à moi-même, et qui débouchera sur une charte éthique d'engagement réciproque entre médias et associations.
D'autres chantiers, qui me tiennent particulièrement à coeur, sont en cours, comme la valorisation des compétences acquises par le bénévole, l'ouverture aux jeunes de seize ans de la possibilité de diriger des associations…
… ou l'installation du haut conseil à la vie associative.
Vous le voyez, monsieur Decool, nous continuons de mener une politique publique de la vie associative qui est dynamique, innovante et fondée sur un véritable partenariat entre l'État, les associations et les collectivités locales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Destot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Après la dernière réunion du comité interministériel des villes, qui s'est tenue le 18 février dernier sous la présidence du Premier ministre, les attentes suscitées par le programme ANRU 2 et par la réforme des zonages de la politique de la ville restent malheureusement insatisfaites.
Pourtant, le dernier rapport sur la politique de la ville, rédigé par nos collègues François Goulard et François Pupponi, comme le travail collectif animé par notre collègue Gérard Hamel, président de l'ANRU, et comme les constats alarmants de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, a souligné l'urgence des décisions à prendre.
Vous le savez, le lancement d'un programme de rénovation urbaine après 2013 et une redéfinition du périmètre de la géographie prioritaire constituent depuis de longs mois les principales demandes adressées au Gouvernement par les élus locaux. Cependant, de report en report, ces dossiers n'ont pas avancé, et les annonces du dernier CIV n'ont pas fait évoluer la situation. Cela devient incompréhensible pour de nombreux élus, mais aussi insupportable pour nos concitoyens qui vivent dans une précarité croissante, et qui restent inquiets de l'absence de moyens accordés pour demain à la politique de la ville, laquelle exige pourtant que l'on s'inscrive dans la durée.
Néanmoins, je vous le dis en tant que président de l'Association des maires des grandes villes de France, les propositions issues des réflexions riches et variées d'experts, d'élus et de praticiens ne manquent pas, si l'on veut redynamiser les politiques d'éducation, d'emploi, et inventer une gouvernance efficace et pertinente.
Toutefois, sans perspectives politiques ni financières, comment préserver une certaine idée de la solidarité, du vivre-ensemble et du pacte social, alors que la crise redouble dans les quartiers, que le chômage et l'insécurité frappent de plus en plus de familles et que de nombreux jeunes décrochent et désespèrent de la promesse républicaine ?
Monsieur le Premier ministre, qu'attendez-vous donc pour tenir vos promesses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Monsieur le député, vous qui êtes président de l'Association des maires des grandes villes de France savez mieux que quiconque qu'il existe une politique de la ville qui fonctionne sur le terrain. Vous le reconnaissez tous, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez : c'est celle qui a été menée, grâce à l'action de Jean-Louis Borloo (« Ah ! » et applaudissements sur divers bancs), avec l'ANRU.
Cela ne fait pas de mal au moral de la France et des Français de dire ce qui fonctionne dans ce pays ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Vous en avez bien besoin ! Voilà le psychanalyste et psychiatre qui remonte le moral de la majorité !
Par ailleurs, je vous remercie de me fournir l'occasion d'expliquer devant la représentation nationale l'action du comité interministériel des villes, présidé par le Premier ministre, François Fillon.
Les contrats urbains de cohésion sociale sont prorogés jusqu'en 2014. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Écoutez un peu !
Quand je vous vois sur le terrain, vous polémiquez moins ! (Sourires.)
Cette prorogation des CUCS est très importante, car elle assurera aux maires, aux équipes municipales et à tout le tissu associatif la lisibilité dont ils ont besoin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ensuite, nous nous appuierons sur le remarquable rapport de François Pupponi et François Goulard (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), que vous avez eu raison de citer, pour revoir la géographie de la politique de la ville. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Depuis vingt ans, tout le monde demande à tous les ministres de la ville successifs de ne pas saupoudrer, mais de reconcentrer.
Chiche : on verra, le moment venu, qui, ici, sera prêt à procéder à cette concentration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Politique de la ville
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Élisabeth Guigou.)
L'ordre du jour appelle le débat sur les rapports entre la France et le continent africain.
L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq, premier orateur de ce groupe.
Madame la présidente, monsieur le ministre chargé de la coopération, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de prendre acte de l'organisation de ce débat, conformément à notre demande.
Une telle sollicitation était et demeure légitime au regard du contexte exceptionnel dans lequel s'inscrivent désormais les rapports entre la France et le continent africain, entre la France et le monde arabe.
Un vent de liberté souffle en effet sur le monde arabe. La puissance de l'onde de choc de la révolution tunisienne peut provoquer des effets domino à l'est, dans le Moyen-Orient arabe, ainsi qu'en Iran ou encore en Afrique subsaharienne, dans un contexte de faible légitimité des pouvoirs, de flambée des prix alimentaires et de croissance économique source de fortes inégalités et de frustrations sociales.
Nous ne pouvons que soutenir ces mouvements populaires libérateurs. Alors qu'une répression policière et meurtrière s'abattait contre le soulèvement du peuple tunisien contre le régime de Ben Ali, j'avais dénoncé, lors des questions d'actualité du 11 janvier, la myopie et le cynisme des capitales occidentales en général, et de la France en particulier.
J'avais alors souligné et interrogé la ministre des affaires étrangères sur l'incohérence de la politique de la France, qui, d'un côté, appelait au respect de la démocratie en Côte d'Ivoire, et qui, de l'autre, soutenait de manière indéfectible la dictature de Ben Ali.
La réponse surréaliste de Mme Alliot-Marie proposant de mettre le savoir-faire français au service de la police tunisienne pour « régler les situations sécuritaires » restera dans les annales de la cinquième République. Elle a surtout plombé l'image et la crédibilité de la France dans le monde.
Il aura fallu près de deux mois et une série de révélations plus accablantes les une que les autres, ainsi que la pression des sondages, pour que Mme Alliot-Marie quitte enfin le Gouvernement.
Des vacances de nos ministres au frais des dictateurs aux amitiés et aux affaires avec un homme d'affaires richissime lié au régime autocratique, quand ce ne sont pas avec les dictateurs eux-mêmes, nos concitoyens ont de quoi être choqués du comportement de ces différents membres de l'exécutif !
À cet égard, je ne peux que m'indigner de la réaction de François Fillon suite à la démission d'Hosni Moubarak : « Je tiens à rendre hommage à cette décision courageuse de quitter le pouvoir » a-t-il indiqué avant d'ajouter : « personne ne pourra contester la contribution qu'il a apportée à la cause de la paix dans la région ». Il s'agit là de propos graves et inacceptables.
Rendre ainsi hommage à un dictateur dont le départ a été précédé de manifestations faisant au moins 300 morts, selon l'ONU, est proprement scandaleux. Ensuite, souligner « la contribution » de ce dictateur à « la paix dans la région » en relayant ainsi les craintes israéliennes face au changement politique en Égypte – un changement qui pourrait signifier la mise en place de régimes moins conciliants avec la coalition de droite et d'extrême-droite au pouvoir en Israël – est tout aussi scandaleux.
C'est une honte ! Rendez-vous compte du discrédit international que vous faites peser sur notre pays.
L'heure est venue d'une remise à plat de nos relations avec les pays africains comme avec ceux du monde arabe. Les gouvernants sont englués en permanence dans une confusion des genres entre intérêt général, intérêt de la France et intérêts privés.
Comme le souligne très justement un directeur de recherches à l'Institut de relations internationales et stratégiques : « la Révolution tunisienne n'a pas seulement mis en fuite le président au pouvoir et sa famille. Elle a aussi fait vaciller la diplomatie française, qui a opté – suivant une analyse à la fois erronée et cynique de la situation – pour l'ordre établi, aussi corrompu et injuste soit-il. Et ce, toujours sous couvert de lutte contre l'islamisme, le terrorisme, l'extrémisme... »
En effet, la révolution tunisienne a révélé de manière éclatante l'échec de la politique extérieure française. Notre diplomatie s'est convertie à la realpolitik dans sa forme la plus brutale. La complaisance coupable envers des dictateurs dont le régime est fondé sur le clientélisme et la torture, sous couvert de stabilité et de lutte contre l'islamisme, relève de l'hypocrisie.
Comment la patrie des droits de l'homme pourrait-elle accepter, au nom de la sécurité, des intérêts économiques et géostratégiques, quand ce ne sont pas des intérêts privés, la dictature, la répression et la torture ?
Que dire de la réception en grande pompe du dictateur Kadhafi en 2007 ? L'Élysée, soutenu par la majorité parlementaire, avait justifié ce geste d'ouverture au nom de la loi du profit. Quant à M. Ollier, il était allé jusqu'à nous garantir que son « frère » Kadhafi avait changé.
Finalement la France a signé quelques contrats, notamment pour vendre des avions de combat, ceux-là même peut-être qui bombardent aujourd'hui le peuple libyen.
La leçon est cruelle pour la diplomatie française. Espérons qu'elle soit retenue, car la donne a définitivement changé.
Après les magistrats, ce sont désormais les diplomates eux-mêmes qui sont traités avec mépris et soulignent la faillite de la politique étrangère menée par l'Élysée, si tant est qu'il en existe une. Ce sont les fondements et les fonctions régaliennes de l'État qui sont menacés par cette présidence Sarkozy.
Les nouvelles relations doivent s'inscrire dans un rapport d'égal à égal ; elles devront désormais faire prévaloir la volonté des peuples, et pas celle des industriels et autres marchands de sable.
Il est indispensable que le Parlement s'investisse toujours plus dans la politique extérieure de la France. Domaine réservé, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, ne veut pas dire domaine hors du champ démocratique. Je compte sur vous, à travers ce débat, pour qu'il soit remédié à cette situation. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite que l'initiative du groupe GDR nous permette de débattre aujourd'hui dans cet hémicycle de nos relations avec les pays d'Afrique et les pays riverains de la Méditerranée.
Nous devons avant tout nous réjouir de ce vent de liberté qui s'est levé dans le monde arabe. Ces événements ne sont ni religieux, ni nationalistes. Ce sont des mouvements portés par une jeunesse impatiente et des classes moyennes éclairées. La France doit accompagner ces évolutions en respectant un équilibre entre la non-ingérence et le soutien à ses valeurs.
La transition démocratique sera sans doute longue et heurtée. Les incidents de ces derniers jours en Tunisie, qui ont fait plusieurs morts et se sont soldés par la démission du Premier ministre Mohammed Ghannouchi, témoignent de ces difficultés.
Que doit faire la France en Afrique du nord ? Selon moi, agir dans trois directions.
D'abord, ces événements doivent être compris comme une occasion de renforcer nos relations privilégiées avec les peuples du Maghreb.
Même si la Tunisie, le Maroc et l'Algérie sont différemment affectés, il est clair que tous ces régimes seront conduits, dans les prochains mois, à se réformer. Ces pays appartiennent au premier cercle de notre influence et de notre rayonnement. Des liens humains et culturels se sont tissés au fil des siècles entre les deux rives de la Méditerranée, liens qu'aucune crise n'a pour le moment jamais tranchés. Nos relations économiques sont également denses et fructueuses, comme en témoigne le fait que nos exportations vers ces trois pays atteignent près du double de nos exportations vers la Chine. Nos populations sont également en contact étroit à travers des diasporas nombreuses, toutes profondément attachées à l'espace et à la culture francophones.
Ces liens constituent à la fois des atouts et des devoirs ; ils nous obligent à une solidarité sans faille et nous offrent des perspectives prometteuses. C'est parce que je crois que les malentendus récents ne peuvent gravement affecter ces relations que j'ai décidé de conduire, ce mois-ci, une mission de la commission des affaires étrangères en Tunisie.
La France peut s'appuyer sur son réseau diplomatique de qualité, sa connaissance approfondie de l'Afrique du Nord, sur son expérience et sa présence en matière d'aide publique au développement, sur son réseau d'entreprises privées. Elle devra solliciter tous les vecteurs, y compris médiatiques, de sa diplomatie d'influence culturelle et linguistique.
Deuxième orientation : forte de son influence en Europe, la France doit réorienter la politique de l'Union européenne en direction des pays de la rive sud de la Méditerranée. Dans les années quatre-vingt-dix, l'Allemagne avait été l'avocate d'une politique européenne ambitieuse en faveur des pays d'Europe centrale et orientale. La France doit aujourd'hui être le moteur d'une politique de même ampleur en faveur des pays méditerranéens.
Est-il normal que l'aide européenne par habitant en faveur de l'Égypte soit aujourd'hui quinze fois plus faible que celle en faveur de la Moldavie ? On pouvait, à la rigueur, le justifier quand l'enjeu était de stabiliser l'Est européen ; aujourd'hui, il s'agit de relever un autre défi, au Sud. C'est pourquoi il me semble indispensable que la France obtienne de ses partenaires européens, géographiquement éloignés du bassin méditerranéen, une redéfinition des priorités budgétaires de l'Union.
Troisième orientation : il convient de réactiver et de rénover l'Union pour la Méditerranée lancée en juillet 2008. Jusqu'à présent, l'UPM a surtout souffert des difficultés liées au conflit israélo-palestinien, mais d'autres entraves l'ont paralysée.
On peut espérer que les évolutions en cours permettront progressivement d'alléger ces contraintes politiques qui ont bridé son essor. La démocratisation aidera ces pays à surmonter leurs divisions et à développer une coopération interrégionale fructueuse. Elle facilitera le dialogue entre les deux rives et, peut-être à terme, le dialogue entre Israël et ses voisins. C'est pourquoi, loin d'être condamnée, l'UPM est promise, selon moi, à un bel avenir.
Dans l'immédiat, il convient de mettre en oeuvre les projets que l'UPM a d'ores et déjà définis, en particulier celui relatif à la gestion de l'eau. La rareté en eau de qualité dont souffre cette région ne peut que s'aggraver sous l'effet des changements climatiques et de l'augmentation de la demande en eau. La création d'une agence de l'eau doit être étudiée.
Il convient également de lancer une réflexion sur un autre chantier dont la réalisation me semble décisive pour ces pays : la sécurité alimentaire. L'instabilité du prix des denrées alimentaires a fortement contribué au renversement des vieilles dictatures ; elle pourrait être fatale aux démocraties naissantes. L'UPM doit contribuer à définir des réponses à ce problème.
J'achèverai mon propos par quelques mots sur la situation de la Côte d'Ivoire, qui ne cesse de se dégrader. Les violences prennent de l'ampleur et les tentatives de médiation africaines sont, pour le moment, infructueuses. Nous sommes peut-être à la veille d'une guerre civile. Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre appréciation sur l'efficacité des sanctions économiques que nous avons appuyées pour que le président sortant s'incline devant le verdict du suffrage universel, et savoir si une autre stratégie est aujourd'hui envisagée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Afrique n'a jamais été absente de notre politique étrangère. Elle est aujourd'hui au centre des préoccupations de la communauté internationale. Je formule le voeu qu'elle parviendra, avec notre soutien, à surmonter ses difficultés et à exploiter ses atouts incontestables et considérables. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe Nouveau Centre, je me réjouis de l'organisation de ce débat sur nos relations avec l'Afrique. Les derniers mots du président Poniatowski étaient pour la Côte d'Ivoire. À mon tour, je voudrais faire part du souci de notre groupe pour la situation de ce pays, envers lequel la France a une responsabilité particulière. Elle doit tout faire pour éviter la guerre civile et faire respecter le verdict des urnes et les droits.
Mon intervention portera sur trois sujets : l'aide au développement, la lutte contre la corruption, les événements récents au Maghreb.
La lutte contre la corruption est un facteur clé du développement des pays d'Afrique. Toutes les études le montrent, des structures étatiques faibles et la corruption engendrent la pauvreté. Selon l'ONG Transparency International, plus le niveau de corruption est élevé, plus la pauvreté est importante. À travers l'Agence française de développement, nous devons donc avoir pour politique de subordonner notre aide au développement à une exigence de bonne gouvernance, de traçabilité et de lutte contre la corruption.
Il y a deux ans, l'Assemblée nationale a organisé la conférence annuelle du réseau parlementaire sur la Banque mondiale et à cette occasion, nous avons beaucoup travaillé sur cette exigence de transparence et de traçabilité. Pour mettre fin aux contrats opaques, les États-Unis d'Amérique viennent d'adopter une loi obligeant les compagnies extractrices à publier, sous peine de sanctions, ce qu'elles paient réellement aux pays. Au regard des richesses très importantes de l'Afrique, le pétrole notamment, nous devons subordonner l'aide au développement à l'exigence d'une nouvelle gouvernance pour les années à venir. En la matière, la France a une responsabilité particulière.
Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, hier, dans cet hémicycle, répondait à un de nos collègues à propos du rapport du Groupe d'action financière sur les mécanismes de prévention du blanchiment et de la corruption de Tracfin en France. L'Union européenne n'est pas la seule à mettre en place des standards de bonne gouvernance, l'Afrique a installé des structures régionales du GAFI pour aider les gouvernements dans la recherche de plus de transparence et de traçabilité des mouvements financiers. En vérité, n'ayons pas peur de le dire dans cet hémicycle, la pauvreté dans certaines régions d'Afrique, en regard des importantes recettes provenant des richesses qui en sont extraites, est un scandale, une insulte à la dignité humaine. Notre pays se grandirait non seulement à accroître l'aide au développement mais aussi à la subordonner à l'existence de règles de bonne gouvernance.
Les événements au Maghreb ont fait l'objet, tout à l'heure, d'une question au Gouvernement à laquelle le chef de la diplomatie française a fort bien répondu. La voie proposée par le Président de la République de l'Union pour la Méditerranée est celle qui pourra accompagner l'élan vers la démocratie, mais également l'exigence de développement. Que ce soit en Tunisie, en Égypte ou en Libye, un élément ne doit pas être sous-estimé : la corruption est une des causes du soulèvement des peuples contre les régimes.
Dans le cadre de responsabilités que j'ai exercées au sein du Conseil de l'Europe, nous avions travaillé sur l'idée d'une institution financière spécifique entre l'Union européenne et les pays de la rive sud de la Méditerranée, un peu comme la BIRD qui, sous François Mitterrand, avait accompagné le développement et la démocratisation des pays libérés du joug soviétique. Forte de l'expérience de la BIRD, la France pourrait profiter de la présidence du G 20 pour proposer de créer une institution financière euro-méditerranéenne afin d'orienter l'argent vers le développement, l'accès aux richesses naturelles et surtout l'éducation.
Voilà l'important. On ne peut passer sous silence les difficultés que rencontrent les jeunes étudiants des pays du Maghreb à obtenir des visas pour venir étudier dans nos pays, en particulier en France. Nous pourrions utilement nous appuyer sur l'extraordinaire succès du programme européen d'échanges d'étudiants Erasmus pour créer un Erasmus entre l'Union européenne et l'Afrique, en particulier les pays du Maghreb.
L'intérêt du débat que nos collègues ont proposé est d'aller au-delà du constat et de réfléchir ensemble aux bases à jeter pour une coopération nouvelle plus efficace. Nous sommes à un tournant historique. Au regard de l'histoire, précisément, qui nous lie au continent africain, nous nous devons d'être, avec nos partenaires européens, à la tête d'un mouvement novateur de création d'institutions et de mécanismes financiers, surtout de traçabilité et de surveillance, qui rendront plus efficace l'aide accrue que vous avez voulue, monsieur le ministre de la coopération.
Ces événements nous interpellent. L'Afrique est un continent d'avenir dont la population, évaluée à un milliard d'individus aujourd'hui, va doubler d'ici à 2050. Il faut lui apporter des réponses concrètes. Cela passe par l'adaptation des institutions et des mécanismes de développement.
Telles sont les réflexions que je souhaitais livrer au nom du groupe NC. À un moment où l'on s'interroge sur l'utilité du Parlement, un débat comme celui-ci nous permet de dépasser les clivages et de réfléchir aux moyens d'améliorer le sort de millions d'Africains. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, évoquer les relations entre la France et l'Afrique, c'est entrer dans une histoire unique, à la fois tumultueuse et affective, prometteuse et frustrante.
Malgré toutes ses vicissitudes, il y a de l'amour et de la grandeur dans cette relation. En aucun cas, le couple que forment la France et l'Afrique ne peut laisser indifférent, ni dans le regard que l'on jette sur le passé, ni dans les espoirs que l'on peut nourrir pour l'avenir.
D'importantes mutations sont intervenues sur le continent africain, dont notre pays a parfois tardé à prendre entièrement la mesure. L'Afrique d'aujourd'hui connaît des transformations profondes que la plupart des grandes puissances du monde, en particulier les puissances émergentes comme la Chine et l'Inde, ont clairement identifiées. D'anciens conflits se sont résorbés tandis que l'Union africaine commence à jouer un rôle clé en matière de paix et de sécurité, attestant d'une volonté forte de prise en main par les Africains eux-mêmes des problèmes qui surgissent à l'échelle continentale ou régionale.
Malgré de grandes disparités du Caire au Cap, l'Afrique connaît, depuis quelques années, une croissance économique soutenue, supérieure à la moyenne mondiale. Parallèlement, le processus de démocratisation n'est pas pour autant aussi vigoureux. Le développement du continent s'en trouve en partie affecté, notamment en matière de bonne gouvernance et d'État de droit, ne serait-ce que parce que l'aide au développement peut difficilement donner toute sa mesure dans un tel environnement.
Au-delà de ces transformations, l'Afrique se trouve aujourd'hui, en raison de la mondialisation, confrontée à des problèmes qui préoccupent l'ensemble de la communauté internationale, qu'il s'agisse de l'insécurité alimentaire – cela a été évoqué –, de la menace terroriste, des flux migratoires ou de la sécurisation des marchés et des approvisionnements, notamment énergétiques. Ces problèmes ont, sur le continent africain, des conséquences démultipliées.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire en 2009 en ma qualité de rapporteur de la mission sur la politique africaine de la France, notre pays, malgré une présence ancienne en Afrique, a insuffisamment anticipé l'ampleur de ces évolutions et leurs conséquences. Alors qu'il s'engageait progressivement dans un processus de retrait de la gestion des conflits africains au profit d'autres acteurs internationaux, dont l'Union européenne, il a, dans le même temps, enregistré un recul de son influence propre sur le continent. Ce recul n'est pas uniquement matériel, quantifiable en argent, troupes, enseignants ou migrants ; il est aussi symbolique, politique et culturel.
En tant que membre de l'Assemblée parlementaire de la francophonie – je m'exprime d'ailleurs sous le contrôle de sa présidente, Henriette Martinez –, je suis particulièrement sensible au rayonnement culturel de notre pays à l'étranger, notamment dans les pays africains francophones. Mais j'ai bien conscience du fait qu'il faut désormais considérer le continent dans sa globalité et dans sa diversité.
Face à ces mutations profondes et au risque considérable que représenterait pour la France un désamour durable avec l'Afrique et dans l'indifférence d'une opinion publique française repliée sur ses problèmes intérieurs, nous ne pouvons rester silencieux. C'est là, monsieur le ministre, ce qui fait l'intérêt même de notre débat d'aujourd'hui.
À titre d'anecdote, j'évoquerai un domaine dans lequel la France doit plus que jamais collaborer étroitement avec le continent africain, celui de l'énergie nucléaire.
Loin des débats et polémiques que celle-ci suscite, les États africains se tournent de plus en plus vers elle pour faire face à des besoins énergétiques croissants. Absolument, monsieur Cochet !
Bien qu'elle produise 43 % de l'électricité du continent, l'Afrique du Sud – je pourrais évidemment évoquer l'exemple d'autres pays – souffre d'un énorme déficit énergétique pour assurer sa croissance et son développement industriel. De passage à Paris le mois dernier, la ministre sud-africaine de l'énergie a rappelé les ambitions de son pays : son programme nucléaire vise une production de 9 600 mégawatts, ce qui correspond à la construction d'environ six EPR d'ici 2030, pour un coût de 30 milliards de dollars. Cet important marché a d'ailleurs mobilisé l'ensemble des acteurs de la filière nucléaire française autour de notre excellent ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, Éric Besson, afin de faire face à la concurrence des Chinois, des Américains et des Sud-Coréens.
Le pays possède déjà deux centrales nucléaires d'une capacité de production de 970 mégawatts, soit 5 % de l'électricité, construites par Framatome devenue AREVA. La maintenance de ces centrales gérées par l'opérateur nationale ESKOM est assurée par EDF et AREVA.
On pourrait penser que les groupes français ont de l'avance sur leurs concurrents, mais c'est loin d'être le cas. Le fait que nos entreprises n'aient pas été retenues à l'issue de l'important appel d'offres d'Abu Dhabi a fait couler beaucoup d'encre, car elles étaient largement favorites face aux Sud-Coréens qui ont remporté le marché.
Espérons que nos efforts seront récompensés et que le président sud-africain Zuma fera aujourd'hui, à l'occasion de sa visite en France, des annonces qui nous seront favorables. Espérons-le d'autant plus vivement que les autres gouvernements africains qui ont décidé de se lancer dans l'énergie nucléaire – ceux de l'Algérie, du Maroc, de l'Angola, du Sénégal, du Nigeria et de la Tanzanie – seront sûrement attentifs à la décision de ce grand pays de leur continent.
L'Afrique – vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre – est un enjeu majeur du XXIe siècle, et la France doit, plus que jamais, jouer auprès de ce continent ami de longue date un rôle de premier ordre.
Je termine par deux questions. Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de la politique étrangère qui va être impulsée à l'égard de l'Afrique dans les mois à venir par notre nouveau ministre des affaires étrangères ? Quels seront les positions et atouts forts de notre pays en Afrique face à l'influence grandissante de la Chine ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à déplorer l'absence du ministre des affaires étrangères. Il ne s'agit pas du tout d'être désagréable à votre égard, monsieur le ministre de la coopération : vous savez que j'apprécie la manière dont vous exercez vos fonctions de membre du Gouvernement, actuelles ou antérieures, vous n'êtes donc pas en cause.
Je regrette l'absence du ministre des affaires étrangères, au moment où il prend ses fonctions dans un contexte d'ailleurs difficile.
Le chef de l'État, comme la ministre des affaires étrangères qui a précédé, ont effectivement semblé ne pas prendre la mesure du changement à l'oeuvre sur le continent africain, et d'abord dans les pays arabes.
L'absence du ministre des affaires étrangères est d'autant plus regrettable qu'il aurait pu faire le point sur une situation particulièrement dramatique, notamment en Libye. Nous venons effectivement d'apprendre de la ligue libyenne des droits de l'homme que déjà près de 6 000 personnes sont mortes, victimes de la terreur organisée par le dictateur libyen, M. Kadhafi, qui, après avoir organisé des attentats dans le monde, est en train d'assassiner son propre peuple. La semaine de contrôle de l'Assemblée nationale mérite donc que les membres du Gouvernement, y compris ceux qui sont à la tête des ministères régaliens, viennent débattre avec la représentation nationale.
J'aborde donc ce débat sans complaisance – vous l'avez compris – mais je ne cherche pas non plus à faire de la polémique pour faire de la polémique, en premier lieu parce que les enjeux l'exigent.
La franchise n'étant pas la complaisance, j'aborderai un certain nombre de points qui peuvent fâcher. Je veux ainsi évoquer une certaine forme d'aveuglement de Nicolas Sarkozy depuis son élection, qui a fait perdre à la France la confiance et la crédibilité nécessaires à l'établissement de rapports durables avec l'Afrique, à un moment où tant d'autres pays – je pense à la Chine, à l'Inde et au Brésil – réussissent une implantation spectaculaire sur ce continent.
Que disait le Président de la République à Dakar au mois de juillet 2007 ? Je cite le fameux « discours de Dakar »…
… pour bien montrer la faute politique qui a été commise à l'époque : « Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. Il ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès. Dans cet univers où la nature commande tout, l'homme reste immobile au milieu d'un ordre où tout semble écrit d'avance. Jamais l'Homme ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin. » Tel était le discours du Président de la République française. Comment voulez-vous que les Africains n'aient pas été profondément meurtris, qu'ils n'aient pas été blessés par ce discours ?
Depuis deux mois, c'est le chef de la diplomatie française qui est resté immobile quand les peuples arabes, de la Tunisie à la Libye, étaient en train de bousculer l'Histoire. Dans cent ans, les historiens écriront peut-être que le monde arabe est entré dans le XXIe siècle au mois de janvier 2011 et que le président français a pris acte tardivement de ce printemps arabe, pour modérer aussitôt son audace en agitant la peur de vagues déferlantes charriant de nouveaux migrants vers nos frontières.
La vision stratégique que nous attendons d'un Président de la République, d'un Gouvernement, c'est pourtant de saisir avec enthousiasme cette occasion unique, c'est de se réjouir de partager ce moment où la liberté gagne de nouveaux territoires.
La vision stratégique, c'est d'aider le monde arabe à s'approprier des principes que nous croyons universels.
La vision stratégique, c'est de conforter ces révolutions en aidant ces peuples à consolider la démocratie, en favorisant leur développement économique, en assurant une coopération avec des partenaires qui ne veulent plus être traités comme de simples obligés.
La vision stratégique, c'est de soutenir un processus qui peut permettre tout à la fois l'émergence d'un islam modéré et la constitution d'États qui, tout en préservant la liberté de conscience, séparent le temporel du spirituel.
La vision stratégique, c'est d'imaginer que la démocratie et la liberté sont les meilleurs remparts contre le fanatisme et le terrorisme.
La vision stratégique, enfin, c'est d'imaginer des citoyens heureux qui n'auront plus jamais envie de fuir leur pays pour gonfler les rangs des clandestins pour lesquels la vie est une succession d'humiliations et de frustrations. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Pour que la France se montre à la hauteur de ces enjeux, il faut d'abord redonner confiance à un appareil diplomatique qui, justement, a perdu confiance.
M. Alain Juppé, nouveau ministre des affaires étrangères, avait d'ailleurs signé en juillet dernier avec l'un de ses prédécesseurs, Hubert Védrine, une tribune qui exhortait le gouvernement à « cesser d'affaiblir le Quai d'Orsay », devenu en quelque sorte un réseau exsangue « du fait d'une revue générale des finances publiques aveugle », « incapable d'ici à quelques années de remplir ses missions pourtant essentielles ».
Nous partageons l'idée d'un effort budgétaire nécessaire mais, au delà de ces considérations, l'échec diplomatique tient aussi à la nomination des ambassadeurs. Sans revenir sur la forme des interventions et le comportement de M. Boillon en Tunisie, il est consternant d'entendre un diplomate français – je dis bien : français – expliquer que « l'Irak est le vrai laboratoire de la démocratie dans le monde arabe » et que « c'est là que se joue l'avenir de la démocratie dans la région et qu'on le veuille ou non, tout cela a été obtenu grâce à l'intervention américaine de 2003 ».
Alors quelle est donc l'inspiration de M. Boillon ? Qui fixe son cap, monsieur le ministre ? Au nom de quel pays parle-t-il ?
Certainement pas au nom de ce vieux pays, le nôtre, qui s'est rassemblé il y a huit ans, pratiquement jour pour jour, pour revendiquer son désaccord avec le président Bush et dire non à la guerre en Irak ! Nous étions fiers, alors, d'être rassemblés pour le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Comment redonner force à notre réseau diplomatique quand se développe le sentiment que le critère du professionnalisme est progressivement remplacé par celui de l'allégeance ? Notre appareil diplomatique est déconsidéré par ces prises de positions inopportunes alors même que sa capacité d'analyse reste intacte. La machine tourne sur elle-même sans rencontrer l'oreille du pouvoir, lequel lui a substitué la nébuleuse des courtisans, des réseaux parallèles, des intermédiaires discrets et des officines opaques.
Comme l'ont rappelé les diplomates regroupés sous le pseudonyme de Marly, « la politique suivie à l'égard de la Tunisie et de l'Égypte a été définie à la présidence de la République sans tenir compte des analyses de nos ambassades. C'est elle qui a choisi MM Ben Ali et Moubarak comme “piliers sud” de la Méditerranée [...] à l'écoute des diplomates bien des erreurs auraient pu être évitées, imputables à l'amateurisme, à l'impulsivité, et aux préoccupations médiatiques à court terme [...] Les diplomates français n'ont qu'un souhait : être au service d'une politique réfléchie et stable ».
Comment mieux dire que, depuis trois ans, le Président de la République a toujours fait prévaloir ses intérêts électoraux sur les enjeux de politique étrangère, à faire prévaloir ses intérêts de politique intérieure sur les intérêts supérieurs de la France. Nous pourrions d'ailleurs ajouter à la tribune de ces diplomates que les débats intérieurs n'ont pas non plus été sans conséquences non plus sur notre rapport au monde.
L'étranger – souvenez-vous du discours de Grenoble – est présenté comme indésirable. L'immigré est assimilé à un délinquant. Tous sont vus comme une menace pour notre identité, et l'on ne trouve rien de mieux que d'organiser le mois prochain un nouveau débat non pas sur l'identité nationale mais sur l'islam…
…avec le sous-entendu transparent qu'il constitue un risque voire un danger.
Je cite là le Président de la République, pas le Premier ministre.
Nos rapports avec la Turquie n'ont cessé de se dégrader. Le « Non à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ! » est devenu un leitmotiv, encore une fois, pour des raisons de politique intérieure. C'est oublier que c'était une grande nation, un grand pays, et une porte ouverte sur la Méditerranée.
S'agissant justement de la Méditerranée, le beau projet de nouer des liens avec les pays de la rive sud aurait pu être couronné de succès, s'il avait été porté autrement, en concertation avec nos partenaires de l'Union européenne, en particulier l'Allemagne. J'y étais il y a quinze jours. Les dirigeants allemands, y compris les dirigeants conservateurs, ont regretté la manière dont a été lancée l'idée, qui a d'ailleurs conduit à un échec. Je l'ai dit tout à l'heure : on s'appuyait sur Ben Ali et Moubarak.
Il faut que cette idée soit reprise, et je me réjouis qu'elle le soit effectivement. Il aura cependant fallu attendre deux mois et demi après le début du soulèvement populaire en Tunisie pour que le Président de la République dise –dimanche soir seulement – qu'il fallait une initiative européenne en direction de la Méditerranée.
Oui, il faut une grande politique des deux rives de la Méditerranée. On a perdu beaucoup trop de temps.
Une diplomatie respectée, c'est aussi une diplomatie qui s'appuie sur des valeurs.
C'est pourtant au colonel Kadhafi que l'on déroule le tapis rouge en 2007. Vous vous en souvenez sans doute, nous avons échappé à un discours de M. Kadhafi dans cet hémicycle. Le président de l'Assemblée nationale s'est contenté de le recevoir tout seul à l'hôtel de Lassay.
Cela étant – honte aux dirigeants français ! –, on lui avait tout de même laissé installer sa tente à l'hôtel Marigny, à côté de l'Élysée, où il pouvait recevoir qui il voulait. Depuis, on a supprimé le secrétariat d'État aux droits de l'homme.
C'est M. Bockel que l'on évince de son secrétariat d'État à la coopération en 2008 pour avoir naïvement cru qu'il était mandaté par Nicolas Sarkozy pour mettre fin à la « Françafrique »…
… et c'est son remplaçant M. Joyandet – qui était là il y a quelques instants –, qui justifie ainsi sa nomination : « On veut aider les Africains, mais il faut que ça nous rapporte »…Telle est la parole officielle du successeur de celui qui voulait faire reculer la Françafrique !
Je vois que cela vous fait rire, monsieur le ministre, mais ce sont des citations authentiques : je ne les invente pas ! Je crois plutôt que cela vous gêne et que vous n'êtes pas forcément d'accord avec tout cela.
Malheureusement, le résultat de tout ce qui précède, c'est une certaine mise hors jeu diplomatique de la France dans une région du monde, l'Afrique, où notre histoire et notre savoir-faire – je ne parle pas ici de maintien de l'ordre – devraient au contraire nous donner un rôle majeur. Je regrette que ce soit l'Espagne et pas la France qui ait pris l'initiative d'une concertation internationale et proposé un plan Marshall pour les pays libérés d'Afrique du Nord. J'ai eu honte que la France limite son offre d'aide d'urgence à la Tunisie à 350 000 euros quand l'Italie, spontanément, donnait dans le même temps 5 millions et prévoyait d'ouvrir une ligne de crédit de 100 millions d'euros.
J'ai écrit hier au Premier ministre pour lui demander de mettre en place des dispositions pour venir en aide en urgence à la Tunisie, à l'Égypte qui sont aujourd'hui en train d'accueillir des flots de réfugiés quittant la Libye parce qu'ils sont menacés par les balles du colonel Kadhafi. Il faut aider la Tunisie et l'Égypte, car ces pays ne pourront pas faire face seuls et les personnes qui sont en train de fuir ne resteront ni en Tunisie ni en Égypte. C'est à la fois l'intérêt de ces personnes et de ces pays, mais c'est aussi le nôtre. Alors, soyons audacieux et courageux !
Monsieur le ministre comment reprendre un contact sincère avec l'Afrique ? C'est la question qui nous est posée cet après-midi. Comment rétablir l'image de la France ? Comment concevoir une nouvelle politique alors que nous ne sommes plus ni le partenaire exclusif ni la figure tutélaire vers laquelle se tournent tous les espoirs ?
Je voudrais suggérer modestement quelques pistes. Il n'existe pas de baguette magique, mais il y a parfois de mauvais magiciens. Il faut donc revenir à quelques principes inspirés par une certaine morale internationale, ce qui n'est pas contradictoire avec la défense des intérêts de notre pays. Au contraire !
Nous devons d'abord baser notre diplomatie sur le socle de nos valeurs républicaines. La France doit certes parler avec tout le monde, mais pas de la même façon. Le réalisme n'implique pas automatiquement le cynisme. Le dialogue avec chacun ne suppose pas la complaisance avec tous. La non-ingérence n'est pas une invitation à l'indifférence. La France doit renoncer à un double langage qui consiste à insister sur la bonne gouvernance tout en soutenant les régimes les plus antidémocratiques. Elle doit se rendre disponible aux demandes des pays qui souhaitent construire un État de droit.
Ensuite, nous devons rétablir la clarté dans notre fonctionnement diplomatique en réhabilitant une chaîne de décision claire dont le centre névralgique doit être le Quai d'Orsay.
S'agissant plus spécifiquement de l'Afrique, la France doit apporter son concours actif aux efforts de démocratisation en mobilisant son ingénierie, en multipliant les jumelages, les contacts entre élus du Nord et du Sud.
L'aide au développement doit devenir un véritable projet politique avec pour ambition assumée de favoriser le passage d'une économie de captation, de prédation, de rente – minière, pétrolière ou agricole – excessivement dépendante des marchés, à une économie de production. Certains grands groupes français bien connus – qui possèdent des yachts – se félicitent d'avoir une présence forte en Afrique. Mais où est le vrai développement de l'Afrique ? La question nous est posée à nous, représentants du peuple français.
Il revient à la France de soumettre des programmes d'aides spécifiques, destinés à stimuler la productivité agricole africaine, à en moderniser les installations, à promouvoir des cultures favorisant à la fois l'autosuffisance alimentaire et les exportations. La France doit avoir le courage de proposer un moratoire des subventions européennes aux produits agricoles exportés vers l'Afrique afin de rendre compétitives les denrées africaines.
Oui, il faut avoir ce courage. Certes, il peut déplaire à court terme pour des raisons purement électorales. Mais on ne peut pas tenir deux discours aux Français. Parler sans cesse de l'immigration, sans avoir la lucidité d'expliquer que la meilleure manière de lutter contre, c'est d'aider au développement des pays les plus pauvres.
Nous devons faire un effort sur nous-mêmes et prendre des mesures qui, même si elles peuvent gêner à court terme électoralement, permettront de proposer un avenir aux peuples de ces pays, qui pourront vivre chez eux dans la dignité et l'autosuffisance.
Voilà une proposition concrète qui devrait faire débat dans l'opinion publique, y compris à l'occasion de l'élection présidentielle.
J'y arrive, madame la présidente.
Les objectifs du Millénaire, comme l'engagement de porter à 0,7 % du PIB l'aide au développement, doivent être tenus.
Dans le domaine sanitaire et médical, il est notamment impératif d'apporter un soutien actif au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Les médicaments génériques doivent être produits sur place.
Nous devons concevoir une politique migratoire équilibrée et, de ce point de vue, il est indispensable de traiter la question de la fuite des cerveaux. Michel Hunault, élu de Loire-Atlantique, l'a évoqué tout à l'heure en parlant d'Erasmus. Pourquoi pas ? C'était une piste.
Nous pouvons aussi concevoir une politique qui s'inspire de ce qu'a fait la Grande-Bretagne avec le Malawi : la première assure la formation d'infirmières et de médecins du second ; en contrepartie ceux-ci ne peuvent pas être recrutés en Angleterre, afin d'être utiles dans leur pays d'origine. Ce sont des mesures extrêmement pragmatiques. Je pourrais prolonger encore par la nécessité d'intensifier nos échanges culturels, éducatifs, linguistiques…
Voilà quelques exemples concrets qui permettent au Parlement d'être saisi de toutes ces questions de politique internationale, de politique étrangère. Ce n'est pas un débat secondaire. C'est pour cette raison que j'ai regretté tout à l'heure l'absence de dialogue avec le ministre des affaires étrangères. J'espère que ce n'est que partie remise, car il faudra y revenir.
Le Parlement n'est pas une contrainte, c'est une chance pour la démocratie. Nous ne prétendons pas, nous, Français, à un génie particulier, mais nous revendiquons le droit pour la France de juger par elle-même. Nous croyons, nous devons croire à nouveau à l'originalité de notre message. Nous sommes fiers des valeurs de la République qui n'ont jamais cessé d'influencer la marche des peuples. Vers qui se tournaient-ils en effet ? Je ne pense pas seulement à la Révolution en 1789, mais aussi à celle de 1848. Nous le savons, nous avons une image particulière, nous sommes une référence particulière, nous devons en être fiers et ne pas nous cacher lorsque l'Histoire avance.
C'est pourquoi hier nous avons regretté un retour qui nous bride, celui de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, c'est pourquoi aujourd'hui nous avons été scandalisés par la réaction à contretemps du Gouvernement sur le printemps des peuples arabes, c'est pourquoi demain, monsieur le ministre, vous nous trouverez toujours à vos côtés comme nous l'avons été au moment de la guerre en Irak, pour, en refusant de se plier à de petits calculs ou à de médiocres intérêts, faire porter haut la voix singulière de la France.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais dire à l'occasion de ce débat sur l'Afrique. Une nouvelle Afrique émerge. Elle mérite une nouvelle politique. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, je me félicite également de la tenue de ce débat sur la politique de la France en Afrique. Comme beaucoup de mes concitoyens, comme beaucoup d'Africains, je ne peux vous cacher mon malaise à l'idée de débattre des relations qui lient notre pays à ce continent de plus d'un milliard d'habitants.
Tout d'abord, comment ne pas évoquer la révolte des peuples tunisien, égyptien et libyen ? Ce printemps des peuples bouleverse le cours de l'histoire et offre un cinglant démenti aux formules inacceptables du discours de Dakar. Ce soulèvement populaire est l'expression d'une opposition massive à des régimes autoritaires, prédateurs et corrompus. Cette révolte des peuples, que la France officielle n'a pas vu venir, est aussi un constat d'échec pour notre diplomatie.
Les bruits de bottes d'une intervention étrangère en Libye menée par les États-Unis se font désormais entendre. Il semblerait que la présence d'importants champs pétrolifères suscite bien des convoitises. À ce titre, je partage les propos de M. Alain Juppé : une intervention en Libye serait totalement contreproductive. J'ajoute qu'elle s'apparenterait à une aventure de type néocoloniale et ne ferait que dégrader nos rapports avec l'Afrique. Ce serait de surcroît un formidable cadeau à faire au dictateur Kadhafi.
La France doit définitivement rompre avec les pratiques de la Françafrique. Il est temps de revenir au message universel de la France, qui a su donner le vertige de la liberté aux peuples du monde entier. Il est temps de renouer avec cette France qui, ayant pris conscience de l'impasse de la colonisation, avait su accompagner la plupart des peuples africains vers l'indépendance.
La France doit effectuer un grand tournant dans sa relation avec l'Afrique. Notre politique étrangère doit viser l'émancipation des peuples d'Afrique et le droit au développement de ces pays. Un développement librement choisi par les peuples est la condition pour qu'ils vivent et s'épanouissent dans leur pays. Si nous ne faisons pas cette rupture politique et culturelle indispensable, la France continuera de maintenir des rapports paternalistes de type néocolonialiste avec l'Afrique.
Trop longtemps, la France a soutenu des dictateurs pour préserver des intérêts mercantiles. Comment accepter de telles compromissions avec des régimes qui oppriment leur peuple, détournent leurs ressources, foulent au pied les principes de la démocratie ? Une des vocations de la diplomatie est certes de faire valoir les intérêts de la France dans le monde. Mais, cette action doit se traduire par de véritables contreparties pour le développement des pays. Or dans de nombreux pays d'Afrique, certains grands groupes prospèrent sans que les pays d'accueil en retirent les fruits. Total, qui a fait un bénéfice de 10 milliards d'euros en 2010, réalise 30 % de sa production en Afrique. AREVA, Bouygues ou Bolloré font également des milliards de bénéfices alors que la population, elle, continue de vivre dans la misère et voit son environnement naturel se dégrader.
Les échanges avec l'Afrique devraient au contraire se faire au bénéfice des peuples français et africains, selon une logique « gagnant-gagnant ». L'Afrique a besoin de développer une agriculture vivrière pérenne, d'assurer l'accès à l'eau, à la santé, à l'éducation, pour que les Africains ne soient plus contraints à l'exode.
L'aide publique participe au développement du continent. L'aide française n'est néanmoins pas à la hauteur des enjeux actuels. Toujours bien en deçà du seuil de 0,7 % du PIB fixé par l'ONU, le volume de l'aide au développement diminue d'année en année.
Au-delà, la France doit promouvoir un système d'échange plus juste, pour préserver ces pays des excès de la mondialisation financière. Ainsi, la mise en place d'une taxe sur les transactions financières permettrait de mobiliser des fonds considérables pour l'Afrique.
Il est temps de mettre au pas le système spéculatif qui fait tant de dégâts sur ce continent. La tutelle des agences de notation doit cesser. Elles n'hésitent pas à abaisser la notation de l'Égypte et de la Tunisie parce que celles-ci accèdent à la démocratie. C'est scandaleux !
La politique étrangère de la France doit changer. La realpolitik doit laisser la place à de nouvelles relations avec le continent africain, débarrassées des compromissions et arrangements coupables du passé.
Pour de nombreux pays, la France continue d'incarner les idéaux de justice, d'égalité et d'universalité des droits de l'homme, même si ce message a été légèrement troublé ces derniers temps. Le rôle de la diplomatie française doit être d'accompagner les peuples sur le chemin difficile de la démocratie. La dette que nous avons contractée à l'égard des pays africains lors de la colonisation nous oblige à assumer certains devoirs.
L'Afrique a donné des grands hommes à l'histoire. Des hommes comme Nelson Mandela ou Patrice Lumumba ont été des vigies éclairées pour l'émancipation des peuples africains. Nous, les députés communistes, avons foi en l'avenir de l'Afrique et nous croyons en l'homme africain. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec une population de plus d'un milliard d'habitants, l'Afrique représente 16,14 % de la population mondiale. Et c'est le continent qui connaîtra, au cours du XXIe siècle, la progression démographique la plus importante. C'est un continent riche de potentialités et d'atouts extraordinaires.
C'est aussi un continent qui rencontre d'énormes difficultés dues à son sous-développement et à des contraintes climatiques et environnementales particulièrement hostiles dans certaines régions.
L'Afrique est donc un continent qui compte. L'Afrique est donc un continent que nous devons accompagner. Ce devoir est d'autant plus vrai pour notre pays que la France a été très présente dans le passé en Afrique du Nord et en Afrique de l'Ouest. Ce devoir est d'autant plus vrai pour l'Europe que les pays européens ont été très présents sur la totalité du continent africain. L'Afrique ne peut donc pas nous laisser indifférents ! Nous ne pouvons pas laisser l'Afrique seule face à son destin ! Les Chinois montrent d'ailleurs aujourd'hui le chemin, puisqu'ils accompagnent le développement économique de l'Afrique sans oublier l'intérêt de son sous-sol et de ses terres.
Oui nous devons accompagner l'Afrique dans son développement !
L'actualité de ces dernières semaines, en Afrique du Nord, révèle aussi des événements d'une ampleur exceptionnelle. Leur importance et leur soudaineté ont pris de court la communauté internationale. Tous les pays connaissaient les régimes dictatoriaux, mais la realpolitik avait pris le dessus et tous les pays parlaient et négociaient avec ces régimes. Aujourd'hui, nous assistons à une véritable révolution, une révolution menée par le peuple, particulièrement par des jeunes et les classes moyennes qui, avec un courage extraordinaire, ont pris leur destin en main, parfois même face, comme en Libye, aux armes lourdes de l'aviation et des blindés. Ces événements ne doivent pas nous inquiéter et ne doivent pas inquiéter nos populations, mais doivent, au contraire, nous permettre d'espérer. En effet, c'est un vent d'espoir extraordinaire qui souffle sur ces pays du Maghreb, sur ces pays arabes. Ces pays ont une histoire. Ils ont développé une civilisation et seront des acteurs de demain utiles à la communauté internationale grâce à la fierté retrouvée – la fierté des résistants qui luttent au péril de leur vie –, grâce aussi à la démocratie qui, si elle l'emporte, sera synonyme de développement économique harmonieux. Cette formidable espérance soulevée par l'immense bouleversement qui s'opère dans les pays de la rive sud de la Méditerranée doit donc être soutenue et accompagnée par nos démocraties. Le combat pour les droits de l'homme et pour la liberté est un merveilleux combat qui sert les pays qui l'engagent et qui le mènent, mais qui sert aussi la France et l'Europe qui ne doivent pas voir en ces pays que les risques liés à une émigration non contrôlée ou les risques liés au terrorisme qui se nourrit du sous-développement, de la misère, de l'extrémisme et de l'intégrisme.
En effet, si ces pays, qui écrivent actuellement une grande page de leur histoire, parviennent à se développer et à s'affirmer, ils seront prochainement des partenaires de la France. Nous cesserons alors de les voir comme des dangers ou des menaces en matière de terrorisme ou d'immigration : le soutien et l'accompagnement de la démocratie ne représentent-ils pas les meilleurs moyens pour lutter contre les risques de flux migratoires incontrôlés et contre les effets du terrorisme islamiste ? Oui nous devons accompagner l'Afrique du Nord dans sa quête pour la liberté !
Afin d'accompagner le continent africain, la France dispose d'un ensemble de moyens : l'aide publique au développement économique par la présence de ses entreprises ; l'aide publique au développement culturel et linguistique grâce à la francophonie et à nos établissements d'enseignement à l'étranger. La France a aussi des moyens humains grâce à son réseau diplomatique et à son réseau d'expatriés. Ces formidables leviers, permettront des actions, véritables investissements, afin d'aider les pays d'Afrique à se développer, et favoriseront un meilleur rayonnement de la France, laquelle sera alors suffisamment attractive pour accueillir des élites intellectuelles qui doivent trouver dans nos universités des lieux de formation et d'épanouissement.
À propos du développement de la langue française, je souhaite appeler votre attention, mes chers collègues, sur une constatation : lors d'un déplacement au Mali, ce sont les Maliens qui exprimaient à une délégation française leur regret de constater que, dans les enceintes internationales, les représentants de notre pays oubliaient d'utiliser la langue de Molière ! Nos amis maliens nous ont alors dit que les Africains et les Québécois se présentaient comme les meilleurs promoteurs de la langue française !
À méditer... Oui, les Africains sont d'excellents partenaires pour la France ! Au titre du rayonnement linguistique et culturel de la France, il est certainement regrettable, monsieur le ministre, que nous n'ayons pas inscrit, dans le cadre du grand emprunt, une ligne financière pour le développement des établissements d'enseignement français à l'étranger.
Parler de l'Afrique, mes chers collègues, sans évoquer une de ses régions particulièrement confrontée à la contrainte climatique que je notais au début de mon propos serait un oubli et même un manquement inacceptable pour le président du groupe d'amitié France-Mali. Si ce climat désertique, qui gagne sur les terres de l'Afrique subsaharienne, est un défi et même une adversité redoutable pour les populations de ces régions, l'actualité nous amène aussi à nous intéresser au Sahel. Les récents enlèvements de nos compatriotes au Niger ont révélé la dégradation de la sécurité dans cette région. Dans le nord du Sahel, la situation déjà difficile du fait du climat se complique maintenant en raison de la présence des terroristes d'Al Quaïda Maghreb islamique. L'économie touareg fondée sur l'élevage est en crise. L'accompagnement au développement que nous pouvons encourager est maintenant contraint par les agissements d'AQMI qui pratique l'horrible politique – horrible chantage – des otages. Les conflits d'usage entre nomades et sédentaires sont donc accentués. Cet état de fait doit nous amener à réfléchir et à agir afin que ces populations touareg, notamment celles qui sont disposées à lutter contre les terroristes, ne soient pas ostracisées, mais qu'elles soient plutôt accompagnées. Oui, monsieur le ministre, oui mes chers collègues, la France doit accompagner l'Afrique ! La France, oui, mais aussi l'Europe !
À ce titre, je souhaite conclure sur le projet de l'Union pour la Méditerranée, initié avec une belle vision de l'organisation du monde par Nicolas Sarkozy, Président de la République française. Certes, l'UPM est aujourd'hui en panne, mais la Méditerranée demeure au coeur de toutes les grandes problématiques de ce début de siècle. La Méditerranée, berceau de tant de civilisations dont la diversité est une des expressions de la richesse de l'humanité, la Méditerranée doit être le trait d'union, l'articulation entre l'Europe et l'Afrique. Le projet de l'UPM est toujours pertinent et utile et je souhaite, monsieur le ministre, qu'il soit relancé !
Mes chers collègues, l'Afrique est synonyme d'espoir. Cet espoir se fonde sur l'optimisme que nous devons avoir quant à l'issue des révolutions actuellement menées par des populations qui nous seront reconnaissantes de les avoir accompagnées, de leur avoir permis d'accéder à une véritable démocratie, garante d'un développement harmonieux et équilibré. Cet espoir se fonde sur l'optimisme que nous devons avoir quant à la capacité de développement du continent africain…
…ce développement, seul garant du bonheur des Africains et aussi des Européens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son tristement célèbre discours de Dakar, Nicolas Sarkozy a prétendu que l'homme africain n'était pas entré dans l'Histoire. Faut-il rappeler que l'Afrique est reconnue comme le berceau de l'humanité ? Faut-il rappeler que l'Histoire est entrée en Afrique à travers l'esclavage, la déportation des Noirs et la Conférence de Berlin de 1885 ? L'Europe et la France, en particulier, ne sauraient s'exonérer aujourd'hui du sort du continent africain.
L'essentiel de mon propos se concentrera sur l'Afrique subsaharienne. Quelle est la situation actuelle de l'Afrique ? Sur quelles bases peut-on établir une politique France-Afrique conforme aux valeurs de notre République ?
Le continent africain représente aujourd'hui quelque 900 millions d'habitants, soit un peu plus de 13 % de la population mondiale. Il pourrait atteindre 1,8 milliard d'habitants en 2050, soit 20 % de la population mondiale. La population subsaharienne augmente de 2,5 % par an, contre 1,2 % en Amérique latine et en Asie. Cette population subsaharienne doublerait d'ici à 2036. Avec une espérance de vie de cinquante-trois ans sur l'ensemble du continent, une mortalité infantile de 85 ‰, le continent africain doit relever plusieurs défis en urgence. Chacun connaît les ravages du sida et, même si des progrès ont été accomplis, ils restent fragiles. La France, dans ce domaine, est plutôt exemplaire. Le défi de la sécheresse et de la pauvreté s'ajoute aux violences et aux guerres que connaissent certains États. Quant au niveau de développement, avec un PIB de 1380 dollars en 2007 et une criante inégalité dans la redistribution des richesses, l'Afrique reste globalement un continent sous-développé. On peut craindre que la mondialisation, les règles du commerce international et les appétits des multinationales ne fassent pas du développement de l'Afrique une priorité. L'intérêt des puissances émergentes comme la Chine fait craindre une nouvelle forme de colonisation. Dans ce contexte et face à ces réalités, il faudra une grande conscience, une indéfectible volonté pour que l'Afrique, berceau de l'humanité, ne devienne pas le cimetière de l'humanité !
J'ai évoqué la conférence de Berlin de 1885 pour rappeler que les pays fondateurs de l'Union européenne et la France en particulier, ont des responsabilités vis-à-vis de l'Afrique. On ne peut se contenter de brandir le spectre de l'immigration et de la peur. L'immigration choisie est un leurre parce que, face à la désespérance, l'immigration ne choisit plus. Elle s'impose à ceux qui veulent survivre. M. Juppé, lui-même, avant qu'il ne soit de nouveau ministre, reconnaissait que la France et l'Europe auraient besoin de la main-d'oeuvre immigrée, remarque juste et pertinente.
Comment donc mettre en place une politique de développement de l'Afrique en véritable partenariat et jeter les perspectives d'un réel co-développement ? Cela ne concerne pas que la France, mais aussi les États Africains, souvent corrompus. Les événements récents nous apprennent qu'au-delà des États et de leurs responsables, il y a aussi les peuples qui, un jour ou l'autre, affirment qu'ils sont le ferment de la démocratie. Aujourd'hui, les priorités sont claires. Les mots de Danton restent malheureusement d'actualité : « Après le pain, l'éducation est le premier besoin du peuple. »
Je ne développerai pas la politique bilatérale, sauf à dire que la France est un important contributeur, même si l'on peut toujours faire plus et mieux. Je citerai, pour mémoire, la coopération décentralisée dont les exemples sont concrets et participent à une meilleure compréhension des peuples. Je viens de rentrer de Bruxelles où j'ai rencontré, dans le cadre de l'APF, des responsables de la Commission européenne et du Parlement européen. Je tiens, par conséquent, à évoquer les politiques multilatérales. Le blocage, après les accords de Cotonou, de la politique des APE – accords de partenariat économique – est inquiétant. Croire que les échanges commerciaux et les règles de l'OMC, de par leur seule vertu, pourraient mettre en place une politique de développement confine à l'aveuglement !
La refondation de cette politique est nécessaire. La France pourrait agir dans ce sens pour rattacher la politique des APE non au commissaire au commerce, mais au commissaire au développement. Cela me semblerait un peu plus de bon sens ! Peut-on rêver d'une expérience de développement économique de l'Union Européenne initiée par la France avec les pays subsahariens francophones ? Cette expérimentation pourrait, par la suite, être étendue dans ses méthodes et sa finalité.
La libéralisation des échanges peut être mortifère pour l'Afrique. Pourtant, le développement de cette Afrique conditionne en partie – et je réfère aux statistiques citées au début de mon propos – l'avenir du monde et plus particulièrement, pour des raisons historiques et géographiques bien compréhensibles, celui de la France et de l'Union européenne. L'Afrique doit donc se développer d'abord dans le respect de ce qu'elle est, au nom de la diversité culturelle et du respect des différences dont on se prévaut parfois. À la France de l'y aider en accord avec les valeurs humanistes de notre République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Avec l'Afrique, il nous faut construire une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé. » Cette profession de foi, vous l'avez reconnue, a été prononcée à Cotonou, le 19 mai 2006 par le candidat Sarkozy qui l'avait même gravée dans le marbre en l'inscrivant dans son programme. Je le cite de nouveau : « Je favoriserai le développement des pays pauvres, en cessant d'aider les gouvernements corrompus. [...] On ne fera pas bouger les choses par le seul tutoiement entre le chef de l'État français et ses homologues du continent, mais par la conscience collective d'un intérêt commun. »
Une fois de plus, mensonges et compagnie, le Président est pris la main dans le sac. Rien n'a changé, je dirai même que tout s'est aggravé. Le discours de Dakar a accru le fossé entre les peuples africains et la France. Les rapports incestueux entre la France et l'Afrique, que l'on a désignés sous le nom de Françafrique, se passent au plus haut niveau, comme l'ont montré tout récemment les voyages d'agrément en Tunisie, Libye, Maroc, Égypte de nos dirigeants.
Décidée à partir de l'Élysée, contrôlée longtemps par M. Jacques Foccart puis par ses adjoints, et ensuite par M. Jean-Christophe Mitterrand, la politique subsaharienne est gérée maintenant encore par une cellule organisée autour de M. Robert Bourgi, aidé par M. Patrick Balkany, et dirigée jusqu'à ces derniers jours par M. Claude Guéant. Vous y avez même adjoint une pièce maîtresse en la personne de Dov Zerah, le directeur général de l'Agence française de développement.
Ce système, même s'il a évolué, repose sur trois piliers : la cellule de l'Élysée, l'état-major, qui dispose dans plusieurs pays de bases militaires d'intervention d'où il peut soutenir les dictateurs locaux, comme il l'a fait encore il y a très peu au Tchad, et un réseau de grandes entreprises, à commencer par Total, Bouygues, Bolloré et Areva.
La Françafrique, c'est aussi un réseau composé d'agents de renseignement, de barbouzes, de personnages hauts en couleurs qui n'ont pas disparu avec Bob Denard, et, surtout, un groupe de dictateurs qui se reproduisent de génération en génération, comme au Gabon ou au Togo, où les fils succèdent aux pères avec la bénédiction des autorités françaises.
Cette situation d'un autre âge ne permet pas de construire avec les peuples africains un système de partenariat équilibré. Elle donne le sentiment que la France continue à entretenir une sorte de mythe colonial et gaulliste d'une Union française reposant sur des caciques mis en place et armés par notre pays.
Plus généralement, je voudrais dire un mot sur ce qu'on pourrait appeler le néo-impérialisme de la France et des pays riches vis-à-vis de l'Afrique, dont le système que je viens de décrire rapidement est l'agent opérationnel.
Cet impérialisme, c'est l'appropriation, le pillage, la prédation des richesses naturelles de ce continent par les pays du Nord, accompagnés bien sûr de la spoliation des populations africaines, ce que certains historiens ont appelé l'échange inégal.
Cet échange inégal ne se réduit pas à une comptabilité monétaire de l'échange, comme le pensent les néo-classiques ou les marxistes. Il s'étend à la captation du temps, à la captation de l'espace et du sous-sol, dans une analyse plus écologiste de la théorie de l'exploitation. Je n'ai pas le temps de développer mais, si vous lisiez mon livre de 2005, vous pourriez en savoir un peu plus. C'était la minute publicitaire. (Rires.)
Ce qui s'est passé en Tunisie, puis en Égypte et en Libye, a déjà des conséquences dans plusieurs pays d'Afrique. Si vous espérez contenir longtemps les mouvements de population en soutenant à bout de bras les Ali Bongo, Idriss Déby, Sassou N'Guesso, Faure Ngassinbé et autres dictateurs, vous allez au-devant de graves ennuis comme en Tunisie ou en Libye.
Le monde change. Seul un rapport nouveau entre les anciennes colonies et l'Europe permettra de définir un cycle vertueux.
Cela passe par le départ des troupes françaises et la fermeture des bases militaires sur le continent, dont on sait à quoi elles ont servi ; par la redéfinition d'une politique de solidarité cadrée par une loi de coopération et l'annulation de la dette odieuse qui maintient l'Afrique sous la coupe de la politique définie par le FMI, la Banque mondiale et l'OMC ; enfin par l'arrêt de la recolonisation des terres agricoles dans de nombreux pays comme Madagascar, où des millions d'hectares sont gérés par des entreprises.
Cela nécessite aussi une politique de transparence sur les biens mal acquis. J'évoquerai simplement le plus grand scandale de cette région du monde, l'Angolagate. Nous avons tout de même réussi à vendre notamment 420 chars, 150 000 obus, douze hélicoptères et six navires de guerre. L'affaire est toujours en jugement, au moins pour les lampistes, les autres y ayant, hélas, échappé.
Une étude du Comité catholique contre la faim et pour le développement, le CCFD, publiée en mars 2007, évalue à une somme comprise entre 100 et 180 milliards de dollars les avoirs détournés par des dirigeants au cours des dernières décennies. Je le dis en toute clarté ici, ce que vous avez fait ces dernières années en Afrique, notamment pour protéger les intérêts d'Areva, contre la volonté des populations touaregs du Niger, ou pour protéger les intérêts de votre ami Bolloré dans plusieurs ports et forêts de pays africains a et aura des conséquences pour la France et pour les expatriés. Vous jouez avec le feu en Afrique comme vous l'avez fait avec les dictateurs des pays arabes. Vous devrez en rendre compte devant l'Histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jean-Marc Ayrault a tenté de nous replonger dans la polémique diplomatique et médiatique, mais je préfère suivre la piste rappelée par Alain Juppé, loin de la société du spectacle qui a toujours été animée avec zèle par nos collègues socialistes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…
…même si, au milieu de tout ça, j'ai noté un hommage appuyé mais, hélas, bien tardif à l'action de Jacques Chirac par le passé.
Je rappelle aussi à M. Dufau que l'histoire n'est pas entrée en Afrique avec l'esclavage. Elle existait bien avant, ne serait-ce qu'avec l'épopée de l'empire Bambara, fondé avant le XVIIe siècle et renversé un siècle plus tard par les musulmans.
Cinquante ans après l'accession à l'indépendance, le continent africain est l'objet d'une profonde mutation. Elle n'est pas nouvelle mais elle est spectaculaire. C'est une mutation économique, j'en parlerai, mais c'est tout d'abord et de manière historique une mutation politique et démocratique.
À l'heure où un formidable et impressionnant élan démocratique envahit différents pays du continent africain, c'est avec force que la France témoigne son amitié et son respect aux peuples dont le courage réussit à briser des années d'oppression et de corruption.
Tout en étant fidèles au principe international de non-ingérence et dans le respect le plus strict de la souveraineté des États, la France ainsi que tous les pays occidentaux ont le devoir de se mobiliser et d'accompagner ces peuples sur le chemin chaotique de la bonne gouvernance et du respect des droits de l'Homme.
Dans son discours du 30 janvier dernier au sommet de l'Union africaine, le Président Nicolas Sarkozy évoquait avec justesse « l'appropriation par le continent africain de son destin » et poursuivait en déclarant : « Nos destins sont liés ».
Tels sont à mon sens les deux principes qui doivent guider plus que jamais les rapports entre la France et le continent africain.
L'Afrique est le premier pôle francophone du monde. Plus de 160 millions d'Africains parlent français au quotidien. Nous le savons tous, la croissance démographique du continent africain est la plus élevée du monde. En 2050, selon les estimations basses, 1,8 milliard d'Africains peupleront l'Afrique et le reste du monde, elle sera plus peuplée que la Chine, plus que l'Inde.
Un défi majeur se présente donc à nous, à la France comme à bien d'autres pays prospères, pour accompagner l'éclosion de sociétés harmonieuses, permettant l'élévation du niveau de vie et la satisfaction des besoins des individus. Maintenir le quart de la population mondiale dans la pauvreté ne serait humainement et économiquement pas acceptable, pas plus que cela ne serait soutenable à l'échelle des grandes migrations mondiales.
Il s'agit donc d'agir pour contribuer, chacun à son niveau, à inverser les tendances qui font que l'Afrique, pour de multiples raisons, et à l'exception notable de l'économie de rente, dont on connaît, hélas, les inconvénients, n'est pas suffisamment créatrice de richesses pour ses habitants.
Nous sommes pourtant à l'aube de cette révolution. « Le temps de l'Afrique » semble être venu. Il convient donc d'accompagner ces mutations dans un esprit de solidarité, dans une logique de développement économique et d'enrichissement mutuel, dont nos entreprises doivent être les acteurs. L'Afrique doit se développer par l'Afrique et pour l'Afrique, mais, je le répète, nos destins sont liés. La France a un rôle fondamental à jouer dans l'envol économique du continent africain. Notre rôle n'est pas simplement diplomatique.
De son côté, l'Afrique aspire à ce que la France devienne un partenaire économique et commercial du continent et contribue à la réalisation du développement global.
Dans ces deux domaines, coopération et développement des échanges, par les liens tissés avant et après la colonisation, la France occupe encore une place privilégiée et a une responsabilité particulière. Les échanges économiques entre l'Afrique francophone et la France sont extrêmement importants.
Le travail et l'effort de coopération restent intenses.
La coopération entre le continent africain et la France recèle des potentialités énormes qu'il faut utiliser au mieux. Au-delà des ressources naturelles, d'autres domaines doivent être mieux appréhendés : infrastructures, notamment transport, médecine, télécommunications, satellites, secteur intellectuel, éducation, et beaucoup d'autres, comme le tourisme, qui n'est pas forcément un tourisme de masse, mais peut être un tourisme rural et solidaire. Il faut donc élargir le domaine des intérêts économiques.
Aujourd'hui, l'Afrique est un large marché où il y a plus d'opportunités que dans n'importe quelle autre région du monde.
Il ne s'agit cependant pas de laisser le marché en faire à sa guise : les États doivent établir un environnement sain pour ces échanges, au niveau international comme dans chaque pays, afin que les entrepreneurs puissent libérer leurs énergies et enclencher le cercle vertueux de la croissance.
Le développement de l'Afrique doit s'appuyer sur ce qui fait son principal atout : sa jeunesse. Pour créer un développement générateur d'emplois, producteur de richesses durables et non d'illusions fugaces, l'initiative privée est incontournable.
C'est dans cet objectif que la France, avec d'autres, apporte aux entrepreneurs africains qui en ont besoin des garanties bancaires et des fonds propres.
C'est également dans cette optique que j'avais organisé au mois de juin dernier à l'Assemblée nationale un colloque sur les perspectives de développement des secteurs privés africains, notamment à travers les organisations intermédiaires que sont les chambres consulaires africaines et francophones, sur lesquelles il faut savoir s'appuyer.
Aujourd'hui, je reste convaincu que l'Afrique est déterminée à prendre en main ses destinées et qu'elle ambitionne de sortir de son statut actuel de puissance potentielle pour se déployer comme nouveau pôle de développement, en coopération avec l'Union européenne et non pas l'inverse.
C'est d'ailleurs à cette seule condition que nous parviendrons à réguler efficacement les flux migratoires vers les pays occidentaux, nous l'avons tous dit. Au fond, le premier objectif n'est-il pas de permettre aux familles africaines de mener chez elles, dans leur pays, une existence qui bénéficie à la fois de la démocratie et d'un niveau de vie qu'elles sont aujourd'hui obligées d'aller chercher ailleurs ?
Il nous appartient, ensemble, de bâtir un partenariat global, ambitieux et durable avec ce continent, sur la base d'une responsabilité pleinement assumée entre partenaires égaux en droits mais aussi en devoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a cinquante ans, les pays africains accédaient à l'indépendance. La France a alors poursuivi une politique africaine où se sont mêlés sans grande cohérence l'aide au développement souvent héritée de la charité, voire de la repentance, mais aussi l'exploitation des ressources minières et énergétiques, le soutien aux régimes autoritaires, la problématique des droits de l'homme, quelquefois même la reconnaissance d'élections truquées.
Nommée par les uns « néo-colonialisme » et par d'autres « Françafrique », cette politique a toujours été motivée par l'enjeu géostratégique que représentait l'Afrique.
Après 1990 et l'effondrement des régimes soviétiques, cet enjeu étant minimisé, la France s'est massivement désengagée. L'APD nette reçue par les pays de l'Afrique subsaharienne, qui était de 36 dollars par habitant dans les années 80, a chuté à moins de 20 dollars ces dernières années. Le nombre d'expatriés français a diminué de près d'un tiers en vingt ans, les experts techniques français sont passés en trente ans de 23 000 à 1 500.
En 1962, René Dumont, dans un livre intitulé L'Afrique noire est mal partie, condamnait la traite négrière et la colonisation et proposait une révolution agricole, une révolution fourragère, tout en manifestant un pessimisme pour l'avenir des jeunes États africains et une foi très limitée dans leurs élites pour développer le continent.
Ces derniers mois, des auteurs tels que Jean-Michel Severino et Olivier Ray voient au contraire le devenir de l'Afrique avec optimisme dans un ouvrage intitulé Le temps de l'Afrique. Ils soulignent « que l'Afrique est le théâtre de l'aventure démographique la plus incroyable qu'ait jamais porté l'humanité » : 100 millions d'habitants en 1900, 700 en 2000, 1 milliard aujourd'hui, certainement 1,8 à 2 milliards en 2050. Cela implique bien sûr des besoins à satisfaire sur le plan alimentaire, éducatif, sanitaire ou environnemental, en infrastructures et en emploi puisque, chaque année, ce sont 27 millions de jeunes actifs qui arrivent sur le marché.
Serge Michailof, dans un essai intitulé Notre maison brûle au Sud, tempère cet optimisme car il considère que la croissance démographique incontrôlable des pays sahéliens favorise les tensions, l'insécurité et les crises agricoles et alimentaires.
Reste que l'Afrique est toujours le continent le plus pauvre de la planète et compte trente-trois pays sur les quarante-neuf pays moyennement avancés de la liste de l'OCDE.
Pour autant, la croissance de l'Afrique est inéluctable. Elle sera au minimum de 5 % par an ; c'est déjà le cas dans plus de vingt-cinq pays africains, et le taux moyen pour le continent a été de 5,8 % en 2007.
L'enjeu africain est donc fondamental en termes de démographie mais aussi d'immigration, en termes de réchauffement climatique, de pollution atmosphérique, de gestion des ressources en eau, de sauvegarde de la biodiversité, et il est facile de comprendre qu'en aidant les pays africains, nous nous aidons nous-mêmes.
L'enjeu africain, c'est une population jeune, très jeune. Dans certains États, plus de 50 % de la population a moins de vingt-cinq ans.
L'enjeu, c'est l'accès à la démocratie, et les événements du Maghreb nous imposent d'être plus attentifs, plus réceptifs vis-à-vis de ceux qui y aspirent, et d'éviter tout soutien, voire toute compromission avec les régimes autoritaires qui se maintiennent en bafouant chaque jour les droits de l'homme.
Hubert Védrine, dans son rapport La France et la mondialisation, affirme que « la France a intérêt à garder une politique africaine et que, même si elle doit exercer un droit d'inventaire lucide sur sa politique d'après l'indépendance, elle doit engager une politique partenariale par une large consultation avec tous les responsables africains en prenant le temps nécessaire et sans tabou ».
Le Président de la République déclarait à Dakar, en 2007, dans un discours demeuré célèbre, hélas, par la provocation qu'il a représenté pour le peuple africain : « Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. L'homme noir reste immobile au milieu d'un ordre immuable où tout semble écrit d'avance. Jamais l'homme noir ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin. » Mais je souhaite retenir qu'il déclarait aussi : « Ce que veut l'Afrique et ce que veut la France, c'est la coopération, c'est l'association, c'est le partenariat des nations égales en droits et en devoirs. »
Le partenariat doit donc se substituer aux pratiques antérieures de néocolonialisme et de « Françafrique ». D'ailleurs, au moment où l'Afrique décolle économiquement, où la démographie, handicap d'hier, devient chaque jour davantage une chance, où les richesses du sol sont un atout, à condition qu'elles ne soient pas captées par des convoitises, nous nous devons de relever les défis de l'éducation, de la santé, de la pauvreté – partout où elle existe –, de l'accès à l'eau et à l'assainissement, de l'emploi, mais aussi de la démocratie. Cette démarche, l'Afrique l'a engagée ; nous nous devons d'être à ses côtés car cette transformation du continent aura des conséquences pour les Européens.
Il nous faut donc assurer une aide efficace et lisible et, en la matière, le renforcement du bilatéralisme est indispensable. La prolifération impressionnante des organismes internationaux en matière de développement ne fait que renforcer la confusion et abaisser l'efficacité. Abdou Diouf, ancien président du Sénégal, déclarait à ce sujet que « l'aide bilatérale, soumise à la seule décision souveraine d'un gouvernement, est plus réactive et plus souple que l'aide multilatérale ; elle est de plus favorable à une appropriation démocratique ».
Pour cela, il faut des financements innovants, tels que la taxe sur les transactions financières votée par cette assemblée en 2001 et pour laquelle il suffit de fixer un taux.
Il faut reprendre une politique de dons aux pays les plus pauvres, qui ne peuvent avoir accès aux prêts, et respecter les engagements du Millénaire, en particulier les 0,7 % du PIB consacrés à l'aide au développement.
Il faut relancer l'assistance technique et adapter la francophonie aux réalités européennes, car le français est parlé par 100 millions de personnes en Afrique et il faut éviter que cette langue, « trésor de l'héritage colonial », comme le disait le Président Sengor, ne profite qu'à une élite ; il convient qu'elle soit parlée par tous.
Enfin, il faut associer le Parlement aux grandes décisions concernant l'Afrique et à la mise en oeuvre de celles-ci, et il faut rendre au Quai d'Orsay des moyens, comme le proposaient Alain Juppé et Hubert Védrine dans un article paru dans Le Monde le 6 juillet 2010 et que j'ai plaisir à citer : « Nous sommes inquiets des conséquences pour la France d'un affaiblissement sans précédent de ses réseaux diplomatiques et culturels. En vingt ans, le ministère des affaires étrangères a déjà été amputé de plus de 20 % de ses moyens financiers ainsi qu'en personnels. L'effet est dévastateur : l'instrument est sur le point d'être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s'en rendent compte. Les autres grands pays ne détruisent pas leur outil diplomatique. Il faut adapter l'appareil diplomatique, comme l'État tout entier, mais cesser de l'affaiblir au point de le rendre d'ici à quelques années incapable de remplir ses missions, pourtant essentielles. » Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je me félicite des conditions dans lesquelles ce débat s'est déroulé tout au long de l'après-midi, d'une manière qui honore l'Assemblée nationale. Au nom du Gouvernement, j'apporterai, sinon à la totalité, du moins à la plupart d'entre vous des réponses aux préoccupations que vous avez exprimées.
Tout d'abord, je vous remercie de partager cette passion pour l'Afrique qui habite notre pays depuis longtemps et qui l'habitera longtemps encore.
Je comprends parfaitement le souhait du président Jean-Marc Ayrault que fût présent le ministre des affaires étrangères et européennes. À l'heure où nous sommes réunis, M. Juppé reçoit son homologue de l'Afrique du Sud. En outre, le Président de la République d'Afrique du Sud et le Président de la République française ont rendez-vous à dix-sept heures. Ce qui m'avait amené à indiquer à l'Assemblée nationale que, si elle le souhaitait, le débat pouvait être organisé différemment afin de permettre au ministre des affaires étrangères d'y participer. L'Assemblée n'a pas souhaité modifier – ce qui me paraît tout à fait légitime – l'organisation de ses travaux. M. Juppé n'ayant pas, cependant, le don d'ubiquité, vous devrez vous contenter du ministre chargé de la coopération, ce dont je m'excuse auprès de vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Comme pour vous, l'Afrique représente pour le Gouvernement un continent absolument essentiel. Il s'agit d'un continent d'avenir, vous êtes très nombreux à l'avoir souligné. C'est un thème majeur de la diplomatie française. Toutefois, il est évident que la nature des enjeux a profondément évolué.
Notre échange devait, je pense, se concentrer plus particulièrement sur l'Afrique subsaharienne, mais l'actualité nous conduit à appréhender le continent africain dans son ensemble, comme y ont insisté M. le président Ayrault et M. Lecoq.
C'est pourquoi je souhaite d'emblée évoquer les bouleversements en cours sur la rive sud de la Méditerranée, qui portent en germe un espoir démocratique fort que le Gouvernement français souhaite voir aboutir rapidement et dans les meilleures conditions possibles pour le bonheur des peuples, qui le méritent.
Nous sommes face à un mouvement historique, sans doute relativement différent – nonobstant les points communs – selon les pays. Il nous appartient de l'accompagner afin de conjurer toute régression.
Les changements intervenus en Tunisie et en Égypte, ceux qui sont en train d'avoir lieu en Libye et dans bien d'autres pays, les revendications qui s'expriment dans toute la région, nécessitent d'adapter nos interventions, notre coopération et nos partenariats.
Face à cette évolution historique, il convient – je tiens à le dire en réponse à certaines interventions –, de rester modeste. Faire des commentaires sur l'histoire en marche, c'est plus facile après qu'avant !
En la matière, je peux vous assurer que le Gouvernement français fait preuve d'une grande humilité.
Dans ces pays où les jeunes de moins de vingt-cinq ans sont majoritaires, la désespérance est tout autant nourrie du manque de débouchés professionnels des jeunes diplômés que des retards de développement proprement dits et des problèmes de gouvernance. Ces sociétés aspirent – et c'est heureux – à plus de liberté, à une plus grande ouverture et au plein bénéfice des apports de la mondialisation.
Monsieur Hunault, 80 % des demandes des étudiants maghrébins sont satisfaites et donnent lieu à un visa de longue durée pour étudier en France. Nous ne souhaitons pas du tout que la France « pompe » les jeunes étudiants au détriment des pays concernés, nous sommes tout à fait favorables à ce qu'ils retournent dans leurs pays ou dans d'autres pour y exercer leurs talents, comme je l'ai constaté en visitant un remarquable institut de formation dans le domaine de l'eau et de l'environnement au Burkina Faso.
S'agissant de la Tunisie et de l'Égypte, la transition est aujourd'hui engagée. Cette transition est, par définition, difficile et risquée. Nous voyons bien ce qui se passe chaque jour en Tunisie. Il y a toujours des risques de violence – qui peuvent d'ailleurs être alimentés par des nostalgiques de l'ancien régime ou des provocateurs –, des risques économiques de désorganisation de l'appareil productif et de chutes de recettes, notamment en Tunisie, et des risques politiques, en raison de l'impatience des peuples, qui attendent depuis longtemps et qui craignent qu'on leur « capte » leur révolution.
La position de la France consiste à être aux côtés de nos amis, mais nous n'avons pas à leur dire ce qu'ils doivent faire.
Soyons à leur écoute, voyons avec eux quelles sont leurs priorités, pour que nous puissions mobiliser nos énergies, nos compétences, nos moyens, mais aussi ceux de l'Union européenne, de façon que la transition se déroule le mieux possible, avec en vue l'organisation de l'avenir des peuples concernés.
C'est d'ailleurs la nouvelle vision de la politique africaine de la France. Je regrette que certains orateurs de l'opposition aient une conception ancienne de la façon dont nous agissons. J'y reviendrai.
Christine Lagarde et Laurent Wauquiez se sont rendus à Tunis, et le ministre d'État a indiqué cet après-midi qu'il serait en Égypte samedi et dimanche. La France est présente sur le terrain dans les pays concernés, sans s'imposer, sans avoir la prétention de donner des leçons, mais simplement pour faire part de sa disponibilité, de son sens de l'écoute et de l'appui qu'elle apporte à ces pays.
Voilà ce que je souhaitais dire sur ces événements.
Mesdames et messieurs les députés, la France comme l'Union européenne n'entendent pas rester sans agir. Notre coopération globale s'efforce de soutenir la croissance et l'emploi, d'accompagner les mutations sociales, de renforcer la cohésion.
Les engagements de l'AFD ont presque doublé sur trois ans dans ce secteur géographique.
J'y viens, monsieur Bacquet. Je suis honnête avec vous.
Ces engagements sont passés de 775 millions d'euros de prêts en 2007 à 1,3 milliard d'euros de prêts fin 2010.
Une facilité d'investissement, par l'intermédiaire de la FISEM, dotée de 250 millions d'euros, a été créée par l'AFD en 2009 pour appuyer les petites et moyennes entreprises.
La Caisse des dépôts a pris l'initiative, avec d'autres partenaires, de constituer un fonds de financement des projets d'infrastructures, doté de 385 millions d'euros. Une part essentielle de ces crédits est consacrée à la fourniture en eau et électricité des populations tunisiennes et marocaines qui n'en auraient pas encore aujourd'hui.
L'Union européenne consent des prêts aux pays de la Méditerranée dans une proportion similaire – 1,3 milliard d'euros par an – et accorde 1 milliard de dons au titre de sa politique de voisinage.
M. Ayrault m'a interrogé sur la Libye. M. Juppé y est revenu pendant la séance des questions au Gouvernement et j'indique après lui que, face à la poursuite de la répression brutale et sanglante, nous ne restons pas inactifs. Je rappellerai la décision du Conseil de sécurité du 22 février ainsi que la réunion du Conseil des droits de l'homme du 25 février, et j'appelle également votre attention sur le fait que l'Union européenne a pris ses responsabilités en adoptant un texte ouvrant la voie à des sanctions, telles que des gels de fonds. La fourniture d'équipements de maintien de l'ordre est en cours de négociation. Nous souhaitons que tous ces dispositifs soient rapidement adoptés et appliqués.
Si ces mesures se révèlent insuffisantes pour obliger M. Kadhafi à cesser la répression et à partir, il faudra que la communauté internationale aille plus loin pour marquer sa détermination. Mais vous savez quelle est la position de la France quant à la perspective, évoquée par certains, d'un recours à une opération militaire : il faut naturellement être extrêmement prudent. Là aussi, M. Juppé a apporté les réponses appropriées lors de la séance des questions au Gouvernement de cet après-midi.
L'action de coopération que nous conduisons depuis des années avec nos partenaires européens vise à faire de la Méditerranée un espace économique attractif et à renforcer l'intégration régionale, le développement social et le dialogue culturel au bénéfice des peuples. Telle est l'ambition de l'Union pour la Méditerranée. Un certain nombre d'entre vous ont évoqué celle-ci. Le ministre d'État l'a déclaré au début de cet après-midi : il nous revient, à la lumière des évolutions qui se produisent sous nos yeux, de repenser le fonctionnement de l'Union pour la Méditerranée. Mais je crois que c'était une idée visionnaire et qu'il faut la reprendre ; il s'agit simplement de l'adapter aux circonstances pour donner les meilleures chances à ce secteur géographique de connaître, dans des conditions démocratiques satisfaisantes, des perspectives d'avenir réjouissantes pour tous ces peuples.
J'en viens à l'Afrique sub-saharienne. Oui, monsieur Yves Censi, je suis bien d'accord avec vous : l'Europe et l'Afrique ont une communauté de destins. Nous n'avons pas attendu 2011 pour nous en apercevoir car c'est pour la France une zone stratégique pour quatre raisons que je veux développer ici – le président de la commission des affaires étrangères y a d'ailleurs lui-même fait référence.
La relation entre la France et l'Afrique est empreinte d'une grande proximité culturelle. Elle est ancienne, chacun le sait, mais la force de ces liens est très actuelle : elle s'inscrit dans l'identité nationale – je rappelle que 10 % de la population française peut revendiquer des origines africaines, et c'est très bien ainsi – et dans l'identité africaine à travers le rayonnement de la langue française, que vous avez vous-même évoqué, monsieur Censi. L'avenir de la francophonie se joue prioritairement en Afrique. Aussi, je suis désolé que, dans certaines conférences internationales, les représentants de la France ne s'expriment pas dans la langue de Molière.
Donnez des noms, monsieur le ministre ! (Sourires.) À l'OSCE par exemple !
Je peux vous assurer que je ferai remonter le taux d'intervention en français car il faut donner l'exemple. Pour ce qui concerne le Gouvernement, toutes les discussions avec nos homologues se déroulent en français.
À l'échéance de quelques décennies, le nombre de locuteurs francophones devrait doubler. D'ores et déjà, le premier espace francophone est, avant même la France, la République Démocratique du Congo.
Je sais bien les soupçons qui naissent dans les esprits dès qu'il s'agit des intentions de la France quant à l'Afrique sub-saharienne, mais les rapports inégaux appartiennent à un passé révolu. Le changement de politique en la matière est réel, on peut le constater et le mesurer tous les jours. Je le rappelle en particulier à vous, monsieur Cochet, car je ne me reconnais ni dans vos propos…
…ni dans la définition que vous avez donnée de la politique française en matière de coopération, en particulier depuis 2007 et a fortiori en 2011. Je tiens à vous dire que cet ancien modèle, sur lequel vous avez insisté au début de votre intervention, ne correspond plus à la réalité, ni à l'évolution de la société, ni à l'organisation même des rapports qui doivent exister entre les États. C'est pourquoi la France et l'Afrique peuvent redéfinir leurs relations afin de contribuer, dans un monde qui bouge tous les jours, dans ce que l'on appelle la globalisation, à l'émergence d'un monde plus équilibré. J'ai entendu prononcer le mot : « ingérence ». L'heure est non pas à l'ingérence, mais à l'écoute, à l'échange, au partage, sans que nous soyons jamais indifférents aux grandes mutations que connaît le continent. C'est cette approche du Président de la République qui permet un nouvel élan, un nouvel avenir pour la relation franco-africaine. Oui, nous le savons, l'Afrique est notre amie, mais c'est aussi notre voisine, à quatorze kilomètres de nos côtes. L'Europe a donc besoin d'une Afrique forte.
À cet égard, je suis bien d'accord avec ce qu'a dit M. Bacquet et beaucoup d'autres parmi vous. L'Afrique, M. Remiller l'a rappelé, a dépassé un milliard d'habitants. Et ce chiffre pourrait doubler d'ici à 2050. Mais depuis cinq ans, cela a aussi été relevé, elle connaît un taux de croissance économique en moyenne de 5 % à 6 %.
C'est en tout cas mieux que rien, monsieur Cochet.
Quand on part de très bas, les chiffres de forte croissance doivent être relativisés !
C'est tout de même un signe qui est plutôt positif que négatif. N'en faisons évidemment pas un évènement miraculeux, mais soyons tout de même lucides sur ce point. Voisine, disais-je, l'Afrique alimente quelques-uns des principaux défis pour notre sécurité, que ce soit le terrorisme dans le Sahel, le trafic de drogue, qui est en expansion, ou encore les flux migratoires. Notre ligne stratégique, politique et diplomatique a été clairement affichée, et à plusieurs reprises par les pouvoirs publics, singulièrement par le Premier ministre et par le Président de la République. Elle est, je vous l'affirme, mesdames, messieurs les députés, adaptée aux nouveaux enjeux du continent. Je n'en veux pour preuve que le discours du Cap, en février 2008, dans lequel le Président de la République a fixé les orientations de notre politique africaine ; nous avons refondé notre relation vers un partenariat d'égal à égal, respectueux et décomplexé. Monsieur Lecoq, je tiens à vous assurer que je partage sur ce point ce que vous avez dit.
Nous ne nous désengageons pas de ce continent. Nous voulons accompagner l'Afrique en croissance, créatrice d'entreprises et génératrice d'emplois. C'est très important. Mais il en va de même que l'Afrique soit francophone, anglophone, lusophone ou arabophone. L'initiative du Cap vise à mobiliser 10 milliards d'euros sur cinq ans en faveur du secteur privé en Afrique grâce à la mise en place de fonds d'investissement et de fonds de garantie pour les PME et grâce au triplement du capital de PROPARCO. Cette politique permet déjà au Burkina-Faso d'être aujourd'hui le premier exportateur de coton en Afrique de l'Ouest et à la Mauritanie de financer 14 % de son produit intérieur brut par la production minière. Voilà des exemples qu'il faut tout de même rappeler. Le président Ayrault suggérait de mettre en place un moratoire sur les subventions agricoles. Je note pour commencer que cette proposition n'est pas facile à concrétiser parce qu'elle doit s'inscrire dans un contexte multilatéral et global, que ce soit au niveau de l'Union européenne ou de l'Organisation mondiale du commerce.
Ensuite, je pose la question à l'Assemblée nationale : serait-ce bien le moment ? Je rappelle que le prix des matières premières agricoles flambe,…
…et je me demande donc si c'est bien le moment de réduire en Europe les incitations à la production. Et puis, nous serons tous d'accord là-dessus, en raison même de l'évolution prévisible de la démographie en Afrique, il faudra que la production agricole, pour pouvoir nourrir le milliard d'habitants supplémentaires, augmente de 70 %.
En outre, nous révisons et rendons publics nos accords de partenariat de défense en vue d'acter notre changement d'approche : les soldats français ne doivent plus être entraînés dans des conflits internes. Nous avons élargi notre action vers les pays préémergents sans jamais renier nos amitiés traditionnelles. En ce moment même, la visite d'État à Paris du président de l'Afrique du Sud, M. Zuma, concrétise la relation privilégiée que nous entretenons avec ce grand partenaire, dans le cadre de la redéfinition de notre politique étrangère en Afrique sub-saharienne. Monsieur Remiller, vous avez évoqué la question du défi énergétique pour ce pays. Ce sujet va être abordé avec les Sud-Africains dans la perspective de l'offre nucléaire française.
Vous en êtes peut-être inquiet, monsieur Cochet, mais nous, nous en sommes plutôt satisfaits. Le groupe G20 Développement, coprésidé par la France, constitue à cet égard une opportunité exceptionnelle pour échanger nos connaissances et défendre avec ce pays des sujets tels que l'énergie, les infrastructures ou la sécurité alimentaire. Nous sommes déterminés à faire de la présidence française du G8 et du G20 l'occasion d'un plaidoyer fort en faveur d'une plus grande association de l'Afrique dans la gestion des enjeux mondiaux. Cela implique une réflexion sur la place de ce continent dans la gouvernance mondiale. À ce sujet, vous savez, mesdames, messieurs les députés, que la France soutient avec beaucoup d'ardeur la présence de l'Afrique parmi les membres du Conseil permanent de sécurité. Le Président de la République l'a redit au sommet de l'Union africaine, à Addis-Abeba. De plus, je rappelle qu'avec notre soutien, l'Afrique a obtenu en 2008 une chaise au conseil d'administration de la Banque mondiale, qu'un plan d'action en faveur du développement est porté par tous les membres du G20 et qu'une réflexion est menée sur les besoins de financement du développement, sur les objectifs du Millénaire du développement et la protection des biens publics mondiaux, évalués aujourd'hui à 300 milliards d'euros. L'ampleur et l'urgence de ces besoins militent pour la recherche de moyens nouveaux alloués à l'aide publique au développement. Mais ces moyens nouveaux ne doivent pas se substituer à ceux qui existent ; ils doivent être stables, prévisibles et additionnels. Pour qu'ils puissent produire leurs effets, il faut qu'ils soient assis sur une assiette mondiale et, aussi bizarre que cela puisse paraître à certains – mais cela ne me paraît pas bizarre –, le Gouvernement est d'accord avec M. Asensi : il est tout à fait normal que ceux qui profitent le plus de la mondialisation contribuent à réunir les financements nouveaux qui nous sont nécessaires pour répondre aux besoins nouveaux du continent africain.
Nous sommes d'accord sur ce point, monsieur le député, et c'est tant mieux.
Troisièmement, les actes que nous avons posés sont en cohérence avec notre ligne politique, comme le prouvent les positions que nous avons adoptées sur les dossiers de premier plan : pas d'ingérence, mais pas d'indifférence. Nous favorisons l'approche interrégionale, continentale ou internationale dans la gestion des transitions et des crises, pour la promotion de la démocratie et de l'État de droit. L'Union africaine et les communautés économiques régionales – la CDAO, la SADC, la CEEAC… – sont de plus en plus prégnantes et prennent la main dans la résolution des crises. Ainsi, la CDAO a joué un rôle déterminant au Liberia et en Sierra-Leone. De même, en Somalie, l'Union africaine et la force de maintien de la paix agissent. Il faut se féliciter de l'appropriation par le continent africain de son destin. La France soutient tout à fait cet engagement de plus en plus fort. L'enjeu, nous le connaissons et nous le partageons : c'est l'enracinement de la démocratie en Afrique. À cet égard, nous constatons des évolutions plus ou moins positives selon les pays. Quoi qu'il en soit, nous oeuvrons tous pour que progresse la démocratie, c'est-à-dire l'État de droit qui s'appuie sur un environnement sécuritaire stable et des perspectives d'évolution économique et sociale positives pour les populations.
Comme le monde arabe, l'Afrique subsaharienne vit aussi une période historique et porteuse d'espérance. Parmi les pays qui connaissent actuellement une période de transition sur le plan politique, citons Madagascar où la SADC est en première ligne afin de parvenir à une sortie de crise « malgacho-malgache », c'est-à-dire réalisée par et pour les Malgaches. Nous soutenons cette approche pragmatique, réaliste et la feuille de route qui a été présentée à toutes les mouvances politiques par l'ancien président du Mozambique, M. Chissano. Nous espérons qu'elle pourra être signée rapidement par le plus grand nombre possible de formations politiques.
Citons aussi le Niger où le premier tour des élections présidentielles s'est tenu dans le calme.
Citons encore la Guinée Conakry qui, après plus de cinquante ans de coups d'État successifs, s'est dotée d'un président démocratiquement élu, en grande partie grâce aux efforts déployés par la CEDEAO et l'OIF. Si la France doit se montrer ferme à l'égard de ceux qui font obstacle à l'expression du peuple, elle doit aussi être présente quand il s'agit de donner une prime à la démocratie, tout en portant un oeil attentif sur le parachèvement du processus électoral.
Notons qu'au Soudan le référendum s'est déroulé dans des conditions satisfaisantes. La période de transition vers la création d'un nouveau pays – le cinquante-quatrième sur le continent – se passe bien pour le moment. Soyons prudents, mais aussi heureux et audacieux face à ces évolutions.
Dans les pays en crise, nous entendons poursuivre avec beaucoup de vigueur l'exercice de notre politique : défendre l'État de droit. Comment ne pas citer la Côte d'Ivoire, au premier rang de ces pays ? Ce qui se passe en Côte d'Ivoire est très important, et pas seulement pour les Ivoiriens : treize élections présidentielles vont se tenir au cours de l'année 2011 en Afrique et l'évolution de la situation en Côte d'Ivoire ne sera pas sans répercussions dans tel ou tel pays.
La France appuie toutes les démarches diplomatiques engagées dans ce pays. Je reconnais bien volontiers que, jusqu'à ce jour, elles n'ont pas produit les effets escomptés.
La dernière en date, décidée lors de l'assemblée générale de l'Union africaine, a consisté à missionner cinq chefs d'État – notamment Jacob Zouma et Mohamed Ould Abdel Aziz, les présidents respectifs de l'Afrique du Sud et de la Mauritanie. N'ayant pas abouti dans le délai d'un mois qui avait été fixé, le panel des cinq chefs d'État s'est vu octroyer un mois supplémentaire. Espérons qu'il puisse parvenir à une solution car, pour nous comme pour la communauté internationale, les résultats du second tour des élections présidentielles en Côte d'Ivoire ne sauraient être remis en question.
On ne peut pas l'accepter. Il ne saurait y avoir d'ambiguïté sur le sujet : M. Ouattara est le seul président élu démocratiquement de la Côte d'Ivoire.
Les parlementaires n'en doutent sûrement pas : il n'y a aucun déshonneur à perdre des élections – en démocratie, ça tourne – ; en revanche, il y a déshonneur à ne pas respecter le résultat des élections.
Nous sommes là au coeur du débat. Face à cette situation d'enlisement, des sanctions financières ont été prises à l'égard de certaines personnes, et des mesures économiques sont adoptées en ce moment même. Il est vrai que l'on répugne toujours à appliquer de telles mesures économiques parce qu'elles assèchent la vie économique du pays et que les habitants en sont les premières victimes : les entreprises licencient leur personnel, l'approvisionnement n'est plus suffisant, etc. Compte tenu de ce qu'il a déjà subi depuis dix ans, le peuple ivoirien n'a pas besoin de cette nouvelle épreuve.
Par votre intermédiaire, je voudrais que la France, exécutif et législatif réunis, manifeste sa solidarité à l'égard de tous les habitants de la Côte d'Ivoire.
Je tiens à condamner les affrontements et la violence qui sont parfaitement inadmissibles. Dans certains quartiers d'Abidjan – celui d'Abobo en particulier –, il y a beaucoup de violences, la tension est extrême et la situation peut encore se dégrader à tout instant. Il faut vraiment faire très attention.
Par ailleurs, nous renforçons nos partenariats avec les pays et les organisations afin de lutter contre certaines menaces. Dans la bande sahélo-saharienne, les actions d'AQMI ont ciblé plus particulièrement notre pays. La représentation nationale ne peut avoir oublié l'assassinat de nos deux jeunes compatriotes au mois de janvier. Si trois de nos otages ont heureusement été libérés à la fin de la semaine dernière, il en reste encore quatre dans cette zone, en plus des deux journalistes enlevés en Afghanistan et d'un autre compatriote en Somalie. Ayons une pensée pour ces sept otages et leurs familles.
C'est une vraie menace que nous prenons tous très au sérieux, en sachant que la réponse ne peut être seulement sécuritaire. Il doit y avoir un lien entre la politique de développement et la sécurité. Il faut aussi que les États concernés puissent réinstaller leur présence, peut-être d'une manière plus marquante, dans le nord de ce secteur géographique. Il faut aussi que l'on puisse créer de vrais pôles de développement et relancer l'agriculture et l'élevage, comme certains d'entre vous l'ont évoqué.
La France est engagée aux côtés de ces pays et de ceux de la sous-région pour combattre le terrorisme et accompagner le développement. Mesdames, messieurs les députés, je veux vous rappeler que, depuis 2008, nous avons consacré environ 350 millions d'euros au développement de cette seule zone, grâce notamment à l'Agence française de développement qui constitue un formidable outil de notre politique.
Je n'oublie pas le soutien que nous apportons à l'Union africaine en Somalie dans ses actions de lutte contre tous les trafics. Sur ces questions d'intérêt commun, nous plaidons pour la mise en place de politiques concertées, qui mobilisent des fonds européens – je sais qu'il s'agit d'une préoccupation de l'Assemblée nationale. La France joue son rôle dans la mobilisation de l'Union européenne sur les enjeux africains et elle obtient des résultats concrets.
Notre pays a fait de réelles propositions sur des sujets majeurs : il a été à l'origine de l'opération EUFOR au Tchad et au nord de la République Centrafricaine, du lancement de l'opération navale Atalante au large des côtes somaliennes à compter de 2008 et de la création de la mission EUTM qui forme les troupes somaliennes en Ouganda.
Atalante a permis de réduire le nombre d'attaques de pirates, même si l'on en a dénombré encore quarante au cours des premiers mois de l'année 2010. Ces opérations sont doublées d'un appui de l'Union européenne à l'État de droit et au développement économique : 215 millions d'euros y ont été consacrés depuis 2009.
C'est aussi la présidence française de l'Union européenne qui a permis au dossier sahélien d'enregistrer des avancées. À notre initiative, huit ministres européens ont cosigné une lettre demandant à Mme Ashton l'élaboration d'une stratégie politique de l'Union européenne au Sahel. La France a très largement contribué à l'élaboration de la réflexion au niveau de l'Union européenne. Nous espérons que la Haute représentante, Mme Ashton, pourra présenter la stratégie Sahel de l'Union européenne lors du conseil des ministres des affaires étrangères du 21 mars prochain. En tout cas, nous faisons pression pour que cette date puisse être préservée.
Quatrième et dernier point : face à ces nouveaux enjeux, nous avons tenu nos engagements et adapté nos aides. L'aide publique au développement reste un outil d'influence capital.
Elle recouvre une dimension majeure de notre politique étrangère. Je précise à M. Asensi qu'elle ne baisse pas, qu'elle a même été préservée et atteint actuellement dix milliards d'euros. Nous avons tenu nos promesses en sanctuarisant notre aide publique au développement qui représente 0,5 % du revenu national brut, contre 0,3 % en moyenne dans l'OCDE…
Mais non, monsieur Bacquet, le taux de 0,5 % de la France se compare au taux de 0,3 % de l'OCDE. Nous sommes donc largement au-dessus de la moyenne et si vous voulez bien me laisser terminer…
Les mêmes critères sont appliqués par tous, vous ne pouvez pas les combattre ou les retenir selon que cela vous arrange ou non. Nous nous sommes engagés à atteindre un taux de 0,7 % et nous n'y sommes pas encore, nous le savons très bien.
Nous sommes passés d'une politique d'aide à une politique globale fondée sur le respect mutuel. L'Afrique – qui reçoit 60 % de notre aide – demeure notre priorité. Cet engagement est durable ; nous entendons le maintenir et si possible l'accentuer. La France se distingue des autres grands donateurs qui consacrent en moyenne un tiers de leur aide à l'Afrique. Précisons que nous allouons plus de la moitié de nos subventions à quatorze pays pauvres prioritaires.
S'agissant des aspects sectoriels, nous maintenons le cap afin de favoriser l'atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement et de réduire la pauvreté. Dans le secteur de la santé, nous allons contribuer à hauteur de 500 millions d'euros additionnels à l'amélioration de la santé maternelle et infantile.
Par ailleurs, la France est le deuxième bailleur du Fonds mondial de lutte contre le sida, avec un versement annuel de 300 millions d'euros qui va être porté à 360 millions d'euros. Si des malversations ont été découvertes dans la gestion de ce fonds, je relève qu'elles ont été détectées par ses propres organismes de contrôle, puis rendues publiques, ce qui témoigne de progrès en matière de transparence.
Aujourd'hui, 7 millions ont déjà été récupérés, et le Fonds est en train de se doter de procédures de contrôle financier encore beaucoup plus rigoureuses.
La France est le premier bailleur dans le secteur de l'éducation et accueille chaque année environ 100 000 étudiants africains. Sur le terrain, l'Agence française de développement consacre plus du tiers de ses dons à l'éducation de base et à la formation professionnelle.
Dans le secteur agricole et de la sécurité alimentaire, nous allons consacrer, entre 2008 et 2012, un milliard d'euros en direction de l'Afrique subsaharienne.
Nous soutenons également l'Afrique en croissance. J'ai mentionné l'initiative du Cap. Je signerai demain, au nom de notre pays, avec les représentants d'Afrique du Sud un document cadre de partenariat – DCP – sur la période 2011-2013 d'un montant d'un milliard d'euros…
…concernant les infrastructures, le développement urbain, la formation professionnelle et le développement durable.
Enfin, comme le souhaite le Parlement, nous accentuons le rééquilibrage au profit d'une plus grande visibilité de la dimension bilatérale.
Je confirme ce que j'ai dit devant la commission des affaires étrangères, lorsqu'elle a bien voulu me recevoir : en 2010, la part du bilatéral était à 55 %. Nous entendons la porter à 65 % d'ici à 2013. Cela passe par une hausse des subventions, une augmentation des bonifications et une nouvelle clé de répartition au niveau européen.
Monsieur Hunault, vous avez absolument raison : nous devons tout faire pour lutter contre la corruption, qui est un véritable cancer qui ronge de nombreux pays. Cette semaine, se tient à Paris la conférence de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives, que j'irai moi-même clôturer demain. Cet exemple montre que nous sommes actifs.
J'arrive à ma conclusion, mesdames, messieurs les députés, en m'excusant d'avoir abusé de votre patience, voire de votre impatience.
Prenez le temps de vous exprimer, monsieur le ministre. La démocratie a besoin de temps. Cela nous change de la démocratie à deux minutes !
Des bouleversements politiques, économiques et démographiques s'opèrent sous nos yeux. Oui, l'Afrique est bien le continent du XIXème siècle, celui qui construit son destin à sa mesure et à celle du monde, celui où va se jouer pour une part l'avenir de notre pays et celui de l'Europe. Selon que nous saurons accompagner ces mutations, elles peuvent être facteurs de risques ou d'immenses opportunités.
Je suis sûr que, sur tous les bancs, nous voulons en faire un facteur d'opportunités. Nous avons pris, tous ensemble, le parti d'écouter les aspirations de la jeunesse. Nous adoptons une approche pragmatique, fondée sur le respect mutuel. Nous voulons rester modestes, humbles – ce qui ne veut pas dire dénués d'ambitions – face aux défis qui s'offrent à nous. Nous cherchons à nous doter d'outils flexibles. Nous rejetons les idées préconçues qui sont souvent paralysantes.
Notre approche tient compte de la souveraineté des États,…
…des réalités du terrain et des besoins exprimés par les peuples.
Et des droits de l'homme.
J'ai cité la Conférence des droits de l'homme à propos de la Libye, monsieur Lecoq !
Évidemment, puisqu'on parle de la question des droits de l'homme !
Cette politique d'influence, nous la menons au quotidien grâce à une diplomatie de grande qualité.
Je veux rendre hommage à nos diplomates qui se consacrent, jour après jour, avec passion et dévouement, à leur très noble mission. Il faut faire très attention avant de jeter le discrédit sur les diplomates parce qu'ils participent, pour une large part, à la réflexion et à l'action de la France pour aujourd'hui et pour demain. Il faut donc les encourager.
Nous ne jetons pas le discrédit sur les diplomates ; nous voulons des moyens supplémentaires, comme le demande lui-même M. Juppé.
Je ne vous visais pas, monsieur Bacquet. Je n'en suis pas là. Mais je lis, de temps en temps, dans les journaux des choses inacceptables.
Adaptons-nous, soyons mobiles, soyons réactifs par rapport aux événements et aux évolutions qui se font jour, sans jamais perdre de vue, monsieur Lecoq, les valeurs humanistes que nous avons en partage, que nous défendons tous et auxquelles nous tenons tant : le droit et la liberté, l'appropriation africaine, le respect de chacun dans sa diversité, la solidarité fraternelle avec les peuples, la dignité des êtres humains. Voilà un vrai programme. Voilà un vrai projet politique. Les seuls éléments sur lesquels nous pouvons diverger, ce sont finalement les moyens pour tendre vers cet idéal. Ainsi, nous servirons la France. Ainsi, nous serons à la hauteur des enjeux pour l'Afrique. Faisons en sorte que les deux se conjuguent harmonieusement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)
L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions de la mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia.
La parole est à M. Maxime Bono, président de la mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia.
Madame la présidente, madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, mes chers collègues, au commencement de ce débat, je voudrais saluer la mémoire des cinquante-trois victimes de la tempête Xynthia. Mes premières pensées, comme celles de chacun d'entre nous, s'adressent aux sinistrés, dont beaucoup sont encore dans la peine.
L'inscription à l'ordre du jour, à la demande du groupe socialiste, de ce débat sur les suites d'une mission d'information elle-même créée à l'initiative de la conférence des présidents, paraît tout à fait judicieuse. Cette mission sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia, que j'ai présidée et dont Jean-Louis Léonard a été le rapporteur, a d'abord cherché à comprendre les causes de la catastrophe. Elle a auditionné nombre de personnalités compétentes, y compris des spécialistes des événements climatiques. Elle s'est également déplacée dans les deux départements les plus touchés, et a pu constater combien les populations victimes de la tempête et leurs élus ont été affectés par ce qu'il n'est pas exagéré d'appeler un traumatisme durable.
Après la publication du rapport de la mission d'information, au mois de juillet, et jusqu'à très récemment, les interrogations que nous avions formulées, nos conclusions et propositions ne semblaient pas avoir retenu toute l'attention du Gouvernement – et c'est une litote. En ce qui concerne la méthode de délimitation des zones dites « de solidarité », et à l'exception de quelques rectifications à la marge, nos observations, qui traduisaient pourtant l'inquiétude des élus et des habitants, étaient restées sans réponse. Une certaine confusion dans la communication gouvernementale, voire une forme de brutalité dans les notifications faites aux personnes dont les habitations se trouvaient placées en zones noires, avait en effet créé un contexte durablement anxiogène.
Votre déplacement en Charente-Maritime, le 16 décembre dernier, a toutefois infléchi la doctrine jusqu'ici en vigueur au plus haut niveau gouvernemental et, par là même, l'attitude des représentants des administrations. Nous vous en donnons acte : à un État jusqu'alors inflexible a fait place un État plus attentif.
Cependant, aujourd'hui encore, des incertitudes doivent être levées. Pourquoi les fonds de commerce dont les activités sont considérées comme impossibles en zone de solidarité sont-ils exclus de la procédure d'acquisition par l'État ? Quel sera le régime applicable aux terrains à bâtir acquis comme tels et rendus aujourd'hui inconstructibles ?
Nous espérons que votre volonté d'engager un vrai travail partenarial entre les services de l'État, les experts et les élus aboutira à des solutions appropriées, qu'il s'agisse de la délimitation définitive des parcelles présentant un danger vital ou des décisions à prendre pour définir des systèmes de défense efficaces.
À cet égard, les conclusions de la mission coordonnée par M. Pitié marquent un progrès sensible en acceptant de prendre en compte des possibilités de protection dans les études officielles de zonages. Le rapport Pitié s'est utilement attaché à apprécier les moyens de sécurisation adaptés à chaque situation au long du littoral, commune par commune. Sur ce point, les effets de la précipitation qui avait présidé aux premières expertises trouvent enfin une correction en rétablissant une certaine confiance au sein des populations concernées.
Comme vous, madame la ministre, les élus considèrent qu'il y aura un avant et un après Xynthia. Mais les quelque 500 millions d'euros du plan Digues annoncés par le Gouvernement relèvent en fait du fonds Barnier, lui-même sollicité à l'excès pour le financement des opérations de rachat. Aucune dotation budgétaire n'est donc fléchée sur ce point en loi de finances, et c'est bien là que le bât blesse. L'effort des collectivités territoriales sera décisif – c'est inévitable –, alors que de lourdes incertitudes pèsent sur leurs recettes. Elles ne disposeront pas des moyens leur permettant de s'engager pour un total de 100 à 120 millions d'euros par an pour maintenir et conforter les ouvrages de défense contre la mer.
Notre collègue Jacques Bascou, député de l'Aude, département qui a lancé un plan ambitieux de prévention des crues, estime que, au-delà de 20 % d'autofinancement, les départements ne pourraient accéder aux actions prévues dans votre plan. Sans doute bien des présidents de conseils généraux ici présents partagent-ils ce point de vue.
L'objectif n'est toutefois pas insurmontable. Vous avez défini, pour la période 2011-2016, un programme concernant une partie importante des quelque 1 300 kilomètres d'ouvrages maritimes, mais la question des moyens et du partage de l'effort régulier d'entretien des ouvrages demeure sans réponse certaine. C'est pourquoi je propose une piste pour dégager une recette pérenne qui permettrait de faire face aux indispensables dépenses annuelles d'entretien.
Les travaux de la mission d'information nous ont permis de mettre à jour une pratique conventionnelle entre les assureurs et la Caisse centrale de réassurance qui gère le régime « CatNat » – catastrophes naturelles. En effet, la surprime de 12 % prélevée par les assureurs sur les contrats habitation afin de financer ce régime suit un cheminement particulier : 12 % de ce montant sont versés au fonds Barnier, alors que la CCR ne reçoit qu'une moitié des 88 % restants, l'autre moitié étant conservée par les assureurs. Depuis près de vingt ans, les sommes très importantes ainsi conservées et placées par les assureurs ont produit des intérêts non négligeables. Il est tout à fait possible d'en évaluer les flux et même d'en retracer les imputations comptables. Je propose donc que soit effectué un prélèvement annuel sur ces produits sans doute croissants. Un rapide calcul permet d'affirmer qu'il peut générer, sans mettre en difficulté les assureurs, la majeure partie de la somme nécessaire à la maintenance annuelle des ouvrages de défense contre la mer.
D'autres solutions peuvent être envisagées, mais ne nous leurrons pas : faute de disposer d'un financement pérenne affecté à l'entretien annuel des digues, l'après Xynthia n'aura pas lieu.
Par ailleurs, le Centre européen de prévention du risque d'inondation, le CEPRI, a engagé une réflexion approfondie rassemblant des élus de tous bords. Il rappelle que, dans les situations fréquentes, où la maîtrise d'ouvrage n'est pas assurée par un gestionnaire connu ou solvable, les préfets disposent de pouvoirs de substitution. Un rappel par une circulaire semblerait tout à fait opportun, y compris pour parfaire le recensement des systèmes de défense contre la mer, lequel n'a jamais été mené à bien, en dépit de l'existence d'instructions déjà anciennes.
En matière de protection, il serait de surcroît souhaitable d'attribuer à une structure nationale la qualité de dépositaire de la doctrine et des savoir-faire, sans pour autant lui confier la maintenance et les travaux qui ne peuvent être assurés qu'au niveau local. Je plaiderai volontiers pour la création d'un établissement public national qui aurait une mission générale de coordination, de concertation et d'élaboration de schémas stratégiques. Chargé de la fiabilité de l'ensemble du système de défense à la mer, il passerait des protocoles par voie de mandat de gestion ou de délégation de maîtrise d'ouvrage avec les acteurs compétents dans un système en réseau, comme l'évoque la mission interministérielle de retour d'expérience.
Je vais conclure, madame la présidente, mais il est important d'aller jusqu'au bout du débat.
J'ajoute que nous avons aussi constaté que de nombreux cours d'eau côtiers ne font l'objet d'aucune surveillance institutionnelle, du fait d'un régime de classement sans doute obsolète, alors que leurs crues risquent d'aggraver les conséquences d'une submersion.
Je dirai deux mots sur le Litto3D, sans lequel les prévisions « vague submersion » de Météo France ne pourront s'établir utilement. La technique de levé topographique par laser existe. Sur ces points, nous attendons de voir si les directives données par votre ministère seront mises en oeuvre sur le terrain.
Je conclurai en revenant sur deux questions essentielles. Par ses mécanismes, le fonds Barnier est un instrument de solidarité nationale. Mais il ne peut, à lui seul, faire face à des missions et à des risques sans cesse croissants.
De même, dans son discours de La Roche-sur-Yon, le Président de la République érigeait la réforme du régime CatNat au rang de priorité. Où en est-on aujourd'hui ? Les concertations ont-elles été engagées ?
Madame la ministre, les territoires les plus exposés ont conscience des efforts qu'il leur faut consentir. Une nouvelle culture du risque se fait jour. Mais, au-delà de cette prise de conscience, il existe un besoin de cadres rénovés d'expression des solidarités territoriales ayant une véritable portée financière.
Telles sont, madame la ministre, les questions auxquelles les pouvoirs publics doivent encore répondre si l'on entend véritablement tirer toutes les conséquences de ces catastrophes et faire un juste partage entre la fatalité et la connaissance de risques qui sont potentiellement maîtrisables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, certes, ce débat est important, douloureux, et sans doute mériterait-il qu'on y consacre davantage de temps. Mais, si nous voulons le terminer dans le cadre de cette séance et ne pas en reporter la conclusion à la séance de ce soir…
…il faut que chacun respecte son temps de parole.
La parole est à M. Jean-Louis Léonard, rapporteur de la mission d'information.
Madame la présidente, je vais tâcher de ne pas excéder mon temps de parole : sans répéter ce qu'a dit le président Bono, je me bornerai donc à évoquer l'esprit de mon rapport.
Madame la ministre, je tiens d'abord à vous remercier pour l'écoute dont vous avez fait preuve depuis votre arrivée au ministère. Comme l'a dit Maxime Bono, beaucoup de choses ont changé. Pour ma part, depuis le mois de novembre, tant dans ma mission de rapporteur que comme parlementaire de Charente-Maritime, j'ai trouvé, auprès de votre cabinet, non seulement une écoute, mais une véritable compétence. Nos conclusions peuvent différer, mais nous apprécions votre travail et votre connaissance des dossiers. Nul doute que, avec cette approche et votre expertise, nous aurions pu faire l'économie de l'épisode post-traumatique des zonages hasardeux et expéditifs. Aujourd'hui, nous pouvons tirer différentes conclusions, non seulement techniques et financières, mais aussi de méthode, pour éviter que ne se reproduise ce que nous avons vécu.
Un an après, quelle est la situation ? Les zones noires tracées à la hâte, et dont un expert du CETMEF nous disait que « le délai imparti à leur expertise était incompatible avec un travail au résultat avéré », ont produit et produisent encore leur lot de malheur et d'incompréhensions.
Je me garderai bien de remettre en cause le principe de solidarité décidé par le Président de la République et que, aux côtés de Dominique Bussereau, Philippe de Villiers ou Bruno Retailleau, j'avais réclamé pour Charron et La Faute-sur-Mer. Bien appliqué, ce principe a permis et permettra à plusieurs centaines de familles de sauver un patrimoine, de retrouver un projet et de redonner un sens à leur vie.
Mais la surinterprétation – je pèse mes mots – des demandes du Président Sarkozy par vos services et par les préfets les a conduits à engager, dans plus de dix communes, des actions dont les stigmates ne sont pas près de disparaître.
Dès le mois de mars, nous avions dénoncé l'absence d'expertises sérieuses et annoncé les méfaits, à court, moyen et long termes, de ces décisions hâtives. On commence à en mesurer les effets.
Le rapport de l'équipe d'experts menés par Christian Pitié et le préfet Leyrit, dont je salue la qualité, précise clairement que, dans bien des cas, ces zones noires peuvent être protégées. Pour le village des Boucholeurs, que je connais bien, le rapport précise que près de 70 % des maisons peuvent d'ores et déjà être sorties de la zone noire. Pourtant, nombre de ces maisons ont déjà été achetées par l'État. La semaine dernière, une maison a encore fait l'objet d'une acquisition par l'État pour 750 000 euros, alors que, à l'évidence, le rapport Pitié l'exclut de la zone noire. Au total, près de 15 millions d'euros vont être dépensés dans mon village, alors qu'on nous conteste une participation de 150 000 euros pour les protections d'urgence, d'ailleurs préconisées par le rapport Pitié. Que vont devenir ces maisons ? Quel urbanisme ? Comment gérer tous les trous créés par ces décisions ? Toutes ces questions, que nous posions déjà en mai dernier, restent aujourd'hui sans réponse.
Comme prévu, ces zonages ont provoqué la ruine de petites entreprises de tourisme, comme à Aytré, où trois propriétaires de camping se retrouvent spoliés de leur outil de travail et ruinés, alors qu'un hôtel-restaurant de luxe va se voir indemnisé de plusieurs millions.
Dans le même temps, un petit restaurateur de Charron se voit refuser l'indemnisation de sa maison d'habitation au motif qu'il n'y payait plus de taxe d'habitation depuis trois ans.
Quant à la décision concernant des terrains constructibles qui ne valent plus rien du fait de ces zonages, elle plonge de modestes propriétaires dans une situation incompréhensible, surtout lorsqu'ils voient leurs voisins indemnisés à des hauteurs surprenantes.
Ces effets avaient été annoncés et nous devons rétablir l'équité, faute de quoi les juges seront sollicités pour dire le droit. Mais je tiens à souligner également, madame la ministre, tous les efforts que vous avez faits, depuis quelques mois, pour régler au cas par cas un certain nombre de problèmes. Je souhaite que ceux-là le soient de la même manière.
Les plans de prévention des risques ont été prescrits en urgence, ce qui est une excellente chose. Mais, de grâce, ne retombons pas dans les excès. Prenons le temps d'analyser et de modéliser. L'expertise scientifique, la vraie, servira alors de base à une vraie concertation.
Une doctrine réaliste de l'État sera d'autant mieux acceptée qu'elle sera cohérente. Évitons par exemple que le préfet de Charente-Maritime interdise la création d'étages pour la mise en sécurité des personnes, alors que le préfet de Vendée le préconise dans le projet de PPR de La Faute-sur-Mer.
Alors, comment envisager l'avenir de notre littoral ?
Cette tempête aura au moins le mérite d'avoir déclenché, dans un second temps, une vaste réflexion collective. Les groupes de travail de l'État ou d'associations d'élus élaborent des propositions. L'Atelier littoral réfléchit avec les élus à un nouvel urbanisme plus responsable. Néanmoins ne perdons pas de vue que le littoral attire et attirera toujours de nouvelles populations. Il faut donc que l'État ne se cantonne pas à un rôle de censeur.
Le rôle des collectivités est fondamental et les élus assumeront leurs responsabilités. Cependant notre réglementation a conduit à des situations stupides et dangereuses. À Aytré, rue de la plage, on a interdit les étages au nom de l'intégration dans le site. À Châtelaillon et aux Boucholeurs, on a poussé les gens à construire dans les parties basses, alors que les parties hautes font l'objet de positions très équivoques de la part des services de l'État, qui alimentent les contentieux.
Quant aux ouvrages de protection, si nous sommes opposés, comme vous et le Président de la République, aux digues immobilières, notre devoir de protection ne doit pas être freiné par des tergiversations tatillonnes au nom d'une écologie incompréhensible. Comment expliquer aux 250 familles sinistrées des Boucholeurs que la digue prévue pour les protéger après la tempête de 1999 n'a pas été réalisée faute d'accord avec une association de protection de la nature ? Comment leur expliquer que le rapport Pitié reconnaît l'efficacité d'un projet de brise-lames, mais met en doute sa faisabilité au nom de difficultés environnementales ?
Il faudra faire des choix certes, mais pour nous, la priorité sera toujours la sécurité de nos concitoyens. Nous ne sommes plus dans l'intérêt général, mais dans la survie de ceux qui habitent le littoral.
Enfin, madame la ministre, reste le financement de notre protection. Là encore, je salue votre détermination, mais les 500 millions d'euros que vous avez obtenus récemment pour les cinq années à venir ne suffiront pas, loin s'en faut.
Les Hollandais ont décidé de consacrer 1 milliard d'euros pendant vingt ans au renforcement de leur sécurité contre la submersion. Je sais bien que les situations sont différentes, mais nos 3 000 kilomètres de côtes verraient ainsi consacrer deux fois plus de moyens à leur protection environnementale qu'à la protection de leurs habitants.
Là aussi, il faudra choisir, il y va de notre responsabilité. Les propositions de financement que la mission a suggérées doivent être étudiées, comme l'a rappelé M. Bono. On ne peut pas tout attendre de l'État et des collectivités, c'est vrai.
Notre mission est à votre disposition, madame la ministre. Elle vous fait confiance ; profitez-en. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi pour commencer de saluer le travail de la mission d'information et, plus particulièrement, son président et son rapporteur. Cette mission aura grandement contribué à notre objectif, qui était de tirer tous les enseignements possibles de la tempête Xynthia, et de le faire en restant mobilisés, sans que la facilité de l'oubli l'emporte ni que la mémoire du risque s'estompe.
Notre première priorité aura été de remettre à niveau les digues de protection endommagées par la tempête Xynthia.
Nous avons ensuite travaillé sur les zones de solidarité. Compte tenu de la très grande émotion provoquée par cette tempête, nous avons souhaité qu'une solution d'urgence soit trouvée. En l'occurrence, nous avons défini les zones dans lesquelles l'État proposerait de racheter les maisons. Cela concernait 1 574 habitations. À ce jour, 1 113 biens ont fait l'objet d'un accord pour une acquisition amiable.
Par la suite, après un examen approfondi de chaque situation et pour faire droit à la vive émotion qui avait fait suite à la définition de ces zones, quand aucune possibilité de protection n'était possible, un périmètre des zones exposées à un risque grave a été proposé pour expropriation en faisant en sorte que ce périmètre soit le plus restreint possible et avec une expertise au cas par cas lorsque c'était nécessaire. Cette expertise est aujourd'hui achevée en Vendée. En Charente-maritime, elle l'est pour huit des douze zones concernées. Vous faisiez référence au déplacement que j'ai effectué là-bas, le 16 décembre dernier : il a été l'occasion de valider ce périmètre dans ces huit zones.
Une fois connu le programme de travaux de protection du conseil général de Charente-maritime dont je salue le président, programme qui sera rendu public en mars, l'expertise pourra être achevée au cours du premier semestre pour les quatre zones restantes. Cela permettra de clarifier la situation dans ces zones et de sortir des situations de souffrance dont j'ai pu constater, lors de mes déplacements sur le terrain, à quel point elles ont été vives.
Il ne fait aucun doute que l'idéal eût été d'avoir toutes les expertises dès le début des travaux. Ce qui a pu apparaître comme une tergiversation ou une hésitation de l'État a sans aucun doute ajouté à la douleur et au drame. Pour autant, on ne peut à la fois répondre rapidement à des personnes qui ont besoin de reconstruire leurs biens et leurs vies et qui, pour certaines, attendent une situation d'urgence, et se donner le temps d'une expertise très fouillée. Si nous avions pris plusieurs mois pour définir un périmètre, l'incertitude aurait été insupportable pour d'autres sinistrés, pour ceux qui attendaient d'avoir la possibilité d'un rachat rapide.
Je sais que les décisions ne sont pas encore complètement prises et qu'il existe quelques cas de souffrance, notamment deux situations difficiles que nous essayons de régler dans les meilleurs délais et, dans la mesure du possible, au cas par cas, en faisant du sur-mesure.
En matière de réponse publique, la trésorerie du fonds Barnier s'est révélée suffisante, grâce aux dispositions qui ont été adoptées en lois de finances et qui ont permis de l'abonder de manière exceptionnelle. À ce jour, 284 millions d'euros ont été mobilisés sur ce fonds.
En outre, l'Atelier littoral en Charente-maritime qui a, je crois, été très apprécié, a mis à disposition des collectivités des moyens techniques pour penser le nouvel aménagement de leur territoire. Pour les communes les plus touchées – cela vaut également pour les communes de Vendée – il faudra en effet trouver des solutions en matière d'urbanisme et des moyens d'aider les collectivités, avec les services de l'État.
Je veux évoquer, de manière un peu plus générale, la politique de prévention des inondations. En la matière, la tempête Xynthia a livré des leçons.
Les plans de prévention des risques sont contestés, parfois accusés de trop contraindre le développement des territoires. On leur reproche également de n'être pas pertinents, comme vient de le dire Jean-Louis Léonard…
…ou encore d'être parfois trop permissifs. D'autres ne sortent pas, englués dans des débats longs.
Notre attention a également été appelée sur le lien qui existe entre la surveillance des phénomènes – la chaîne de vigilance, l'alerte – et la gestion de la crise. Tout cela n'est pas simple et nécessite que l'on réfléchisse à la performance de nos systèmes comme à notre capacité à couvrir plus de territoires à risques. La prévision comportera toujours une part d'incertitude. C'est pour cela qu'il faut travailler sur les actions de prévention.
Enfin, la tempête Xynthia a montré que nous avions un véritable défi à relever avec l'entretien et la gestion des digues. Nombre d'entre elles sont sans responsable actif, voire identifié, ce qui retentit inévitablement sur leur entretien. Et les responsables privés ou publics ne sont pas forcément à la hauteur des enjeux techniques et financiers induits quand ils sont connus.
Nous avons commencé à agir, à travers le plan national « submersions rapides », appelé initialement « plan digues ». Une première réunion du comité de pilotage aura lieu d'ici au mois d'avril pour sélectionner les premiers projets. Je rappelle que l'État y consacrera 500 millions d'euros durant la période 2011-2016, principalement via le fonds Barnier, ce qui permettra de conforter 1 200 kilomètres de digues. Je précise qu'à partir de cette année, le fonds Barnier voit ses capacités rétablies à 165 millions d'euros par an, ce qui permet sans difficulté de mobiliser les moyens annoncés.
Ce plan couvre l'ensemble des axes de la prévention du risque et il s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive européenne « Inondation » et de la stratégie nationale de gestion du trait de côte.
Le premier axe est de réduire la vulnérabilité. Il a ainsi été demandé aux préfets littoraux de recenser les territoires qui doivent faire l'objet de plans de prévention des risques littoraux de manière prioritaire. Ainsi 242 communes ont été identifiées pour lesquelles il faut élaborer et approuver un PPR dans un délai de trois ans. Par ailleurs, 68 communes verront leur PPR révisé.
Cette dynamique amène à examiner des questions compliquées, comme celle de la prise en compte du changement climatique ou celle de l'effet protecteur des digues. Qui serions-nous si, alors que nous préparons le plan d'adaptation national au changement climatique, lequel sera présenté au mois de mai, nous n'intégrions pas cette dimension dans nos plans de prévention et dans nos plans d'urbanisme alors même que l'on construit pour plusieurs décennies ? Nous avons lancé, depuis le 25 janvier, une concertation sur la base d'un projet de doctrine.
Je sais que certains parmi vous ont des inquiétudes au regard du scénario d'un mètre de hausse du niveau des mers d'ici à 2100. En même temps, il s'agit de scénarios établis par le GIEC, le groupement intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat. Nous ne pouvons pas passer sous silence ces scénarios, même s'il nous faut trouver la bonne progressivité. La consultation se poursuivra jusqu'en avril. Je reste ouverte à toute proposition sur le bon moyen d'intégrer ces perspectives de hausse du niveau de la mer.
Il ne s'agit pas seulement d'aborder la question de la réduction de la vulnérabilité uniquement dans le cadre de l'élaboration de PPR dans les communes les plus menacées. Il convient également d'élaborer des projets d'aménagement globaux, par exemple au travers de SCOT expérimentaux sur l'ensemble du territoire. Même si ces sujets sont moins en lumière aujourd'hui, nous y sommes très attentifs.
L'amélioration de la chaîne « vigilance, prévision et alerte » constitue un second axe. Météo France mettra en place, à partir de la fin de l'année 2011, une vigilance « vagues, submersion marine » au niveau départemental. Grâce à un code couleur, un niveau de vigilance sera défini en fonction des prévisions du niveau de la mer et de hauteur des vagues, ainsi que de critères caractérisant le danger de submersion.
Notre troisième axe concerne les ouvrages de protection auxquels nombre de parlementaires sont très attentifs. Le premier enjeu est celui de la structuration d'une maîtrise d'ouvrage solide. Je souhaite que des dispositions soient proposées pour renforcer, d'ici à 2012, la capacité des collectivités locales à disposer de ressources supplémentaires pour l'entretien des ouvrages, sinon il sera difficile d'avoir des engagements dans la durée. Nous y travaillons en ce moment même, en particulier avec le ministère de l'intérieur, les collectivités et un groupe de parlementaires. C'est le sénateur Éric Doligé qui conduit les travaux de ce groupe.
À ce stade des réflexions, il est plutôt envisagé de faire émerger des maîtrises d'ouvrage locales solides, sachant que, pour les digues, il est extrêmement difficile de trouver un schéma unique valable pour tout le territoire. Les exemples qui existent sont très divers. Parfois, ce sont des communautés de communes qui se sont emparées de la gestion des digues, parfois le département, parfois des syndicats mixtes regroupant plusieurs niveaux de collectivités. Je pense notamment au SYMADREM sur le Rhône.
Faut-il permettre cette diversité en créant localement un établissement souple dans son périmètre, dans les partenaires qui adhérent, ou bien créer un schéma unique fondé par exemple sur la compétence des EPCI à fiscalité propre, dotés d'un budget annexe ? Cette question est encore aujourd'hui en débat.
En ce qui concerne le financement, j'ai bien entendu la proposition de Maxime Bono de créer en quelque sorte une nouvelle taxe sur les assurances…
…plutôt de développer l'utilisation de la contribution qui existe dans le régime Cat-Nat.
Il ne s'agit pas de lever plus de moyens, mais d'utiliser différemment ceux qui sont aujourd'hui prélevés.
D'autres dispositions sont évoquées par le groupe de travail de M. Doligé. Nous devrons en discuter au sein du Gouvernement. Aucune décision n'a encore été prise. En tout cas, j'entends bien les propositions qui sont portées par la mission.
Pour le confortement, dans les zones où un PPR est approuvé, l'État pourra intervenir jusqu'à hauteur de 40 %. Il sera souhaitable, mais cela dépendra des régions, de rechercher des cofinancements des fonds européens.
Enfin, le dernier axe porte sur la préparation à la gestion de crise. Avec le ministre de l'intérieur, nous avons décidé que les plans communaux de sauvegarde, qui servent à organiser l'alerte et à procéder à l'évacuation des populations, devront être élaborés par les communes dès qu'un PPR sera prescrit, et plus seulement lorsque le PPR sera approuvé. Il s'agit de développer plus largement la culture du risque et l'information des populations, de développer la mémoire, d'impliquer davantage la société civile dans nos actions de prévention.
Pour ce qui est de la gouvernance adaptée aux enjeux dont nous débattons, nous allons mettre en cohérence cette politique et ces outils dans le cadre d'une instance de gouvernance pluripartite rattachée au conseil d'orientation de la prévention des risques naturels majeurs et au comité national de l'eau, pour suivre et piloter l'ensemble de ces actions dans le domaine de la prévention des inondations. Il s'agit de l'instance à laquelle faisait allusion, je crois, Maxime Bono. Il est en effet fondamental que cette politique soit partagée par l'ensemble des acteurs, au premier rang desquels se trouvent les collectivités locales. Nous avons donc missionné les présidents de ces deux comités, les députés Christian Kert et André Flajolet, dont je salue la présence, afin qu'ils nous présentent des propositions d'organisation.
Il paraît important de constater combien l'État reste mobilisé un an après la catastrophe, mobilisation d'autant plus indispensable compte tenu des perspectives d'élévation du niveau de la mer. Nous avons tracé, dans une large concertation, des axes clairs, et la mobilisation sur le terrain est réelle, ce dont je félicite les élus. Il nous faut donc lui donner une réalité dans la durée avec des projets de qualité. Les services de mon ministère sont aux côtés des élus engagés sur le terrain pour les accompagner. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Le 25 février 2010, la tempête Xynthia a durement frappé l'ensemble du littoral atlantique, provoquant la mort de 53 personnes ainsi que de graves sinistres dans 500 000 foyers. Le 1er mars 2010, le Président de la République a annoncé, dans la précipitation, une série de mesures et, comme souvent avec lui, nombreuses sont celles qui attendent encore aujourd'hui un commencement d'exécution.
En effet, si le rachat des logements dans les zones noires s'est révélé confus et contradictoire, il concerne cependant la partie le plus tangible de la mise en oeuvre des promesses présidentielles. Toutefois, là encore, il faut savoir que si les critères de la tempête Xynthia avaient été appliqués à tout le patrimoine bâti français, ce sont 550 000 maisons qu'il aurait fallu racheter et détruire.
À côté de cela, dans la majorité des secteurs concernés, il reste à régler le difficile problème de la propriété, de la consolidation et de la gestion de nos 86 000 kilomètres de digues où seuls les travaux d'urgence ont été réalisés.
Il y a eu la terrible tempête Martin en 1999, puis Klaus, puis Xynthia, c'est-à-dire trois catastrophes naturelles désastreuses en tout juste dix ans. Deux études récentes publiées par la revue Nature, l'une de l'université de Victoria au Canada, l'autre de celle d'Oxford, ont clairement établi que ces phénomènes sont liés au dérèglement climatique qui ne va malheureusement aller qu'en s'aggravant puisque l'on diffère toujours les mesures indispensables pour la planète.
Or, un an après et deux rapports parlementaires plus tard, celui dont nous débattons et celui du Sénat présenté par mon ami Alain Anziani, le problème crucial reste pendant : des travaux indispensables et urgents sont toujours en attente pour 500 kilomètres de digues fragilisées.
Pour ce qui concerne l'estuaire de la Gironde que je connais bien, nous nous sommes dotés d'un outil de modélisation qui permet de simuler les aléas cumulés et d'en analyser les conséquences.
Il reste aujourd'hui, ici et sur l'ensemble du littoral, à définir une organisation qui garantisse une protection pérenne…
…en prenant en compte tous les paramètres : la protection des territoires sensibles prioritaires déterminés après concertation, la définition des lieux d'expansion des crues – considérant que si l'on renforce les digues ici, il faut les baisser ailleurs –, l'octroi de compensations aux territoires et aux citoyens qui accepteront cette forme de solidarité sacrificielle.
Ces principes entérinés, il convient de définir les moyens de mettre en oeuvre cette garantie durable. Là encore, il faut tenir compte de deux postulats : remettre définitivement en état la totalité des digues qui assurent la protection des territoires ainsi choisis ; déterminer pour tous ces ouvrages un responsable crédible et solvable chargé de leur gestion et de leur entretien dans un périmètre incluant obligatoirement la prise en compte de l'hydraulique en amont de la digue.
Ces règles établies, le scénario de mise en oeuvre est limpide : à l'État, dont c'est la responsabilité régalienne, d'assurer l'investissement de 500 à 800 millions d'euros qui manquent pour la restauration des digues ; au Parlement de légiférer pour définir par la loi les conditions du choix des délégataires de l'entretien des digues ainsi reconfigurées au cas par cas, selon les situations locales, tout en faisant fi des contingences clientélistes et politiciennes, et, dans le même temps, de mettre en place les taxes et dotations qui permettront à ces gestionnaires d'assumer en toute responsabilité les frais inhérents, conformément au processus proposé par le président Maxime Bono.
Vous allez me rétorquer, madame la ministre, qu'en période de crise, 600 ou 700 millions d'euros représentent une somme exorbitante pour les finances calamiteuses de l'État. Permettez-moi de vous répondre par avance que quand il s'est agi de renflouer les banques victimes de leurs errements de gestion, l'État a su mobiliser en quelques jours 2 milliards d'euros. Mieux encore, je vais vous suggérer une solution concrète puisque vous l'appelez de vos voeux : 600 millions d'euros, c'est le cadeau fiscal annuel octroyé chaque année par le Gouvernement aux plus favorisés. En supprimant le bouclier fiscal et en imputant les fonds récupérés à la restauration des digues, vous feriez d'une pierre deux coups : vous rétabliriez l'équité sociale et mettriez en oeuvre la solidarité nationale.
Madame la ministre, nombre de nos concitoyens habitant en zone sensible vivent dans l'angoisse parce qu'ils n'ont aucune réponse et n'entrevoient aucune perspective concernant un problème qui les dépasse et les menace, qu'ils s'agisse, en Gironde, des oubliés du Blayais ou, en Vendée, de l'association des victimes de l'inondation de la Faute-sur-mer.
Or Gouverner c'est gérer, pas esquiver. Je vous le dis aujourd'hui avec beaucoup de gravité et de solennité, madame la ministre : si vous ne vous donnez pas les moyens de résoudre ce problème dans l'année, c'est votre responsabilité et celle du Gouvernement qui serait engagée en cas de nouvelle catastrophe, et nous vous demanderions alors d'en répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il y a un an, un déchaînement exceptionnel des éléments naturels a durement frappé les côtes de Vendée et de Charente-Maritime, provoquant la mort de 53 personnes, des dégâts matériels importants, y compris pour les cheptels et pour les récoltes. Les victimes survivantes ont gardé des traumatismes qu'il sera difficile voire impossible d'effacer.
Comme souvent, à la suite de catastrophes de cette nature, nous nous retrouvons avec une multitude de questions plutôt qu'avec des certitudes : que s'est-il réellement passé ? Pourquoi y a-t-il eu ces victimes ? Qui est responsable ? Pouvait-on éviter cela ? Que faire pour ne plus le revivre ? Comment prévoir ? Comment alerter ? Comment prévenir ? Comment sauvegarder ? Comment accompagner les victimes éventuelles ? Et qui fait quoi, dans tout cela ?
En plus de la situation provoquée par la nature, le rapport fait apparaître un autre traumatisme relatif à la qualité de la gestion de la crise. Je ne pense pas aux secours sur place qui ont fait ce qu'il fallait – hommage doit leur être rendu, ainsi qu'aux bénévoles qui ont mobilisé les réflexes de solidarité de nos concitoyens et qui restent aux cotés des victimes –, ni aux élus locaux qui ont été les vecteurs des attentes de leurs compatriotes. C'est la gestion des zones dites de solidarité qui est apparue comme une « sur-catastrophe », pour reprendre un mot du langage des risques. Dans notre esprit, ce n'est pas la décision du Président de la République qui est en cause, car nous pensons que, dans de telles situations, il est bon que l'État réaffirme sa solidarité et s'engage réellement pour soutenir les victimes.
Il est bon que les gens traumatisés, meurtris puissent trouver dans cette décision de l'État une porte de sortie à leur malheur.
Ce qui demeure en cause, c'est la qualité et la mise en oeuvre des zonages évoqués par Mme la ministre. La notion de « provisoire » n'apparaissait pas et il a fallu la mobilisation populaire, avec les élus, et votre arrivée, pour que cette notion soit enfin entendue.
Il y a aujourd'hui urgence à établir sereinement, dans la qualité des processus existants – et ils sont de qualité –, des plans de prévention des risques d'inondation, les PPRI dont la démarche s'appuie obligatoirement sur la concertation qui en fait, justement, la qualité. Il faut le faire avec détermination et courage et accompagner, y compris financièrement, les particuliers, les entreprises et les collectivités quant aux conséquences de la mise en oeuvre des PPRI, notamment en matière d'urbanisme. C'est à l'issue de ce travail que doivent être mises en oeuvre les procédures de déclaration d'utilité publique. Voilà pourquoi le rapport préconise de surseoir à celles engagées.
Dans son rapport, la mission souligne le manque d'anticipation permettant de prévenir l'évolution des éléments. Pour mieux connaître les risques, les outils de simulation existent, la technologie a progressé : le président Maxime Bono a ainsi évoqué la cartographie Litto 3D qui permet de configurer le littoral en trois dimensions sur nos ordinateurs. Ces outils permettent de simuler les effets de tel ou tel événement climatique, qu'il s'agisse de la pression atmosphérique ou des ondes de la mer.
Reste que les moyens financiers pour mettre ces outils en place font défaut, mais aussi les moyens humains. En effet les auditions auxquelles nous avons procédé ont montré que le nombre de personnels affectés à l'utilisation de ces moyens techniques est insuffisant et, par conséquent, ne permet pas de réaliser en un temps record la cartographie en trois dimensions du littoral.
Évidemment, il convient que notre société prenne position sur les moyens qu'elle est prête à mobiliser pour protéger les habitants. Doit-on, à l'avenir, fuir toutes les zones à risque ou doit-on travailler à établir des protections et les entretenir pour permettre des poursuites d'activités et lesquelles ? Les PPRI doivent répondre à cela.
La création d'éléments de type digue transformera le risque naturel en risque technologique – que se passerait-il en cas de rupture de la digue ? – et l'établissement d'un plan de prévention des risques technologiques permettra d'adapter les procédures à ce risque.
L'urbanisme devra de manière contraignante s'adapter aux conclusions des PPRI et des PPRT. La crédibilité des acteurs est en jeu. Songeons à la douloureuse expérience vécue par les habitants des zones concernées par un PPRT qui ont vu, au cours des douze derniers mois – vous avez été saisie de ces questions, madame la ministre –, les indemnités prévues pour les travaux nécessaires varier à cinq reprises. La parole de l'État a changé cinq fois ! Comment voulez-vous que nos concitoyens considèrent que cette parole est crédible ? Il est donc nécessaire de sortir de cette situation au plus vite et de faire en sorte qu'elle ne se reproduise plus.
Des outils performants ont été élaborés depuis des années au sein de votre ministère. S'appuyant sur les retours d'expérience, ils ont été conçus en partenariat entre les services du ministère de l'environnement et les associations de maires, comme AMARIS, qui se sont constitués autour des problématiques de risques, industriels en l'occurrence.
Ces outils – PPRI et PPRT –, les documents communaux de synthèse, les documents d'information communale sur les risques majeurs doivent informer la population de l'ensemble des risques auxquels elle est exposée sur un territoire donné. Combien de nos communes possèdent-elles des DCS-DICRIM alors que la plupart d'entre elles sont concernées par des risques ? Combien de nos concitoyens sont-ils informés de ces risques ? Le ministère de l'écologie a élaboré des outils permettant aux maires d'appliquer ces documents – notamment les plans communaux de sauvegarde – et ceux qui s'y sont essayé ont découvert combien cet outil, indépendamment du fait qu'il sauvegardait la population, devenait un outil de qualité dans la gestion communale puisqu'il permet d'avoir une excellente connaissance de son propre territoire qu'on connaît le plus souvent moins qu'on ne le pense.
Il existe peut-être encore, ici ou là, des maires qui pensent que ce n'est pas bon pour le tourisme d'expliquer aux visiteurs qu'ils sont exposés à tel risque face auquel, s'il survenait, ils devraient adopter tel ou tel comportement. Hier soir, j'ai cherché sur internet à savoir quelle était la situation catastrophique la pire dans le monde. La plus rapide est le tremblement de terre et le pays le plus exposé à ce risque eu égard à la concentration de sa population est le Japon. Que fait le Japon en la matière ?
Les autorités disposent de seulement quinze secondes pour donner l'alerte. Concernant Xynthia, nous avons eu bien plus que quinze secondes ! Cependant même si le délai est réduit à quinze secondes, les Japonais ont quand même mis en place des procédures d'alerte. Ils ont surtout imaginé un petit document, dont j'ai ici la version en français. Il est intitulé Tokyo Prévention et il explique à tous ceux qui arrivent à Tokyo les bons comportements à avoir : il explique ce qu'il faut faire si on est à l'hôtel, il recommande de ne pas prendre la voiture, bref, il fait partager la culture du risque.
Cette culture du risque, vous en avez parlé, madame la ministre, dans le cadre de la formation des responsables, dans la gestion des crises. Néanmoins le citoyen doit également être formé. On commence à le faire de manière importante dans les zones à risque technologique, parce que c'est un risque que l'on voit. En revanche le risque naturel, on n'en a pas toujours conscience. Je pense qu'un réel travail doit être fait dans ce domaine. Votre ministère dispose d'outils et de compétences en ressources humaines capables d'accompagner tous ceux qui voudraient mettre en place des procédures de ce genre.
Il n'en reste pas moins que la question de l'alerte et des moyens de l'alerte doit être posée. On en a peu parlé jusqu'à présent. Ces moyens doivent être adaptés en fonction de la nature du risque. A-t-on le temps d'alerter les populations ? La télévision suffit-elle ? Faut-il des moyens plus pertinents et plus rapides ? La technologie existe. Je pense que je vous inviterai, madame la ministre, dans ma ville, qui a inventé un dispositif, l'AlertBox, que nous avons connecté au bout d'une fibre optique. Cela a été rendu possible par le fait que le réseau de fibre optique couvre l'ensemble du territoire communal : notre ville, qui compte environ 10 000 habitants, est la première ville d'Europe totalement fibrée en FTTH. Je voulais être très discret sur le sujet, mais puisque les experts auditionnés par la mission d'information ont cité ma ville en disant qu'elle était la seule de France à avoir atteint un tel niveau de performance en matière d'alerte, je n'ai pas de raison de ne pas le dire avec fierté à la tribune de l'Assemblée nationale.
Le boîtier AlertBox permet à chaque habitant de donner immédiatement l'alerte à l'ensemble de la population, dans un délai de quelques secondes, par exemple à l'occasion d'une fuite de gaz. Il permet aussi de savoir combien d'habitants sont concernés, puisque celui qui acquitte l'AlertBox indique combien de personnes sont présentes dans le logement où l'accident a eu lieu. Cela nous donne une cartographie immédiate de la configuration de la ville.
Je vais terminer parce que Mme la présidente ne va pas tarder à me rappeler à l'ordre.
Je serai donc très bref pour dire qu'à mes yeux, la grande question posée est celle de savoir quel service de coordination il faut mettre en place.
Vous avez parlé, madame la ministre, de structures publiques. Peut-être un service public ? En tout cas, je pense qu'il ne faut pas avoir peur, dans ce domaine, de parler de service public. Nous devons pouvoir créer les conditions nous permettant de vivre avec les risques en connaissance de cause. On ne doit pas en faire un handicap. Au contraire, dès lors que l'on a la capacité de les maîtriser, cela peut devenir un atout pour nos territoires. (Applaudissements sur tous les bancs).
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement, monsieur le président de la mission d'information, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'interviendrai au nom de mes collègues du Nouveau Centre.
Ce débat se tient trois jours après le déplacement de Mme la ministre en Vendée, où des cérémonies particulièrement émouvantes ont eu lieu, un an après le drame.
Les chiffres ont été rappelés par le président et le rapporteur de la mission d'information : 47 pertes humaines, des millions d'euros de dégâts. Beaucoup ont perdu leur maison, leurs souvenirs, leur travail, leur revenu. Le bilan des destructions a été très lourd.
À cet égard nous devons d'abord saluer l'énorme élan de solidarité qui s'est manifesté à cette occasion, surtout localement, avec l'engagement de nombreux bénévoles et des associations.
Il convient aussi de saluer l'intervention des sapeurs-pompiers, qui, dans des conditions particulièrement difficiles, ont sauvé des centaines de vies.
Aujourd'hui, une année a passé et des bilans commencent à être dressés. Des questions se posent : à quoi cette tempête est-elle due ? Était-elle prévisible ? Y a-t-il des responsables ? L'immense travail effectué par la mission d'information nous permet également de réfléchir à des pistes de prévention.
Tout le monde est d'accord pour reconnaître une conjonction de trois facteurs ayant abouti à la submersion : une grande marée, qui n'était pourtant pas exceptionnelle ; un vent de sud-ouest violent ; une « surdépression » ayant entraîné une surcote. Il faut ajouter à ces éléments la topographie particulière de cette portion de terre : une rivière en bordure des terrains ; des constructions au-dessous du niveau de la mer ; un entretien insuffisant des digues ; enfin, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement, des permis de construire accordés en zone inondable.
Cette tempête s'est révélée un drame humain et un coup dur sur le plan économique. Sur place, les choses sont difficiles et il est important de rappeler la détresse psychologique des sinistrés, encore aujourd'hui.
La petite station balnéaire de La Faute-sur-Mer se déchire entre les sinistrés qui ont accepté la proposition de rachat de l'État et les autres, décidés à rester coûte que coûte dans leur habitation. Sur les 823 maisons et cabanons situés dans les « zones de solidarité » de La Faute-sur-Mer et de la commune voisine de L'Aiguillon-sur-Mer, soixante-dix-neuf propriétaires récalcitrants s'exposent aujourd'hui à des mesures d'expropriation.
Un an après Xynthia, la justice s'est saisie du dossier. Une information judiciaire a été ouverte aux Sables-d'Olonne pour « homicide involontaire, mise en danger de la vie d'autrui, abstention de combattre un sinistre et prise illégale d'intérêt ». Cette procédure fait suite au dépôt d'une plainte de l'association des victimes des inondations de La Faute-sur-Mer, l'AVIF, et de quarante particuliers.
En Vendée, des cellules d'urgence médico-psychologique ont été mises en place dès le premier jour. Un colloque organisé, la semaine passée, dans la commune de mon collègue Jean-Luc Préel, a révélé qu'un an après, le traumatisme était encore vivace.
Ce qui compte, c'est l'avenir. Mme la ministre a rappelé il y a quelques instants la volonté du Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour prévenir les risques et je relève avec satisfaction que l'essentiel de l'intervention de mon collègue M. Lecoq a été ciblé sur cette exigence de la prévention. C'est cela qui nous importe : comment faire pour éviter que de telles catastrophes ne se reproduisent ?
La tâche est immense quand on regarde sans complaisance la réalité de la situation.
Il se trouve, monsieur le secrétaire d'État, que j'ai l'honneur de présider, aux côtés du Christian Kert, le groupe de travail sur l'assurance. Un autre groupe existe sur la prévention des risques. Aujourd'hui, des milliers de constructions ont été édifiées en zone inondable. C'est une réalité qu'il faut regarder en face. Vous avez donc décidé – et je crois que tous les membres de cette assemblée vous rejoignent sur ce point – d'établir des plans de prévention des risques. Il faut, dans un premier temps, faire des constats, qui doivent s'imposer quelles que soient les conséquences. Ainsi des constructions ont été réalisées dans des zones inondables en dépit de la réglementation et des mesures de prévention.
Vous avez engagé des procédures, et vous avez retenu l'hypothèse que les scientifiques vous demandaient de retenir, à savoir celle d'une élévation d'un mètre du niveau de la mer dans le siècle qui vient, de sorte que les risques seront encore beaucoup plus importants.
Monsieur le secrétaire d'État, cette discussion me rappelle celle que nous avons chaque année lors de l'examen du projet de loi de finances : elle porte sur la question des moyens donnés à la sécurité civile. Cela n'intéresse que très peu de nos collègues parlementaires ; pourtant cela est essentiel, car, lorsqu'une catastrophe survient, il y a des victimes. Le Gouvernement et le législateur ont une ardente obligation de vérité : ils doivent prendre les mesures nécessaires pour prévenir, autant que possible, ce genre de risques.
Mon collègue M. Lecoq a rappelé qu'il était sûrement le maire le plus en avance en matière de gestion des risques. Cependant on peut aussi penser à l'exemple de ce qui se fait dans d'autres pays, notamment s'agissant des risques sismiques, où l'on édicte des normes de construction adaptées.
Devant l'urbanisation galopante de nos côtes, parfois en dépit de la réglementation et de la prévention, il me semble que nous devrions parfois freiner ce mouvement, monsieur le secrétaire d'État, même si cela doit déplaire à certains élus. Il faut refuser d'urbaniser certains quartiers situés en zone inondable.
Je tiens, pour conclure, à me féliciter de ce débat et à saluer le travail de la mission d'information.
Des mesures urgentes doivent être prises. Mme la ministre a parlé du fonds Barnier. Tout cela nécessite beaucoup d'argent. Il existe certes également des fonds européens, mais il faut aussi, dans nos régions, mettre en place des lignes budgétaires spécifiquement dédiées à la prévention du risque. Ce qui s'est passé en Vendée nous interpelle. Il y aura un avant et un après. Nous devons prendre nos responsabilités pour assurer la gestion du risque. Vous savez, monsieur le secrétaire d'État, que vous pourrez compter sur les députés du Nouveau Centre pour être à vos côtés dans la réflexion, et, surtout, dans les décisions difficiles que le Gouvernement aura à prendre.
Je me permets de vous suggérer d'employer la même méthode que celle de la mission d'information : surtout, beaucoup de concertation. En effet il faut prendre en compte, outre la dimension économique, la dimension humaine. Les gens que vous indemnisez parce que vous leur demandez de quitter leur maison, ils y laissent bien souvent leurs souvenirs, leur vie. On ne fait pas de politique sans prendre en compte cette dimension émotive.
Par ailleurs, ces digues ont été trop souvent abandonnées, ce qui rend nécessaire un plan de rénovation.
Le défi est immense. Nous venons d'avoir un débat sur l'Afrique qui était très intéressant. Ce débat sur les conséquences du drame de Xynthia l'est tout autant. C'est tout à l'honneur du Parlement que d'engager cette réflexion aux côtés du Gouvernement et, surtout, de jeter les bases d'une prévention efficace, en trouvant les moyens financiers mais aussi les procédures qui permettront, à l'avenir, d'éviter des drames de ce genre.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de transmettre à Mme la ministre mes remerciements pour sa présence, dimanche dernier, à La Faute-sur-Mer aux côtés des familles de victimes, des élus et de la population. Tous ont été sensibles à sa présence et à l'attention qu'elle a portée à leur détresse.
Compte tenu de mon temps de parole, je vais, dans un premier temps, évoquer rapidement les aspects positifs de la gestion de la catastrophe. Ils sont nombreux.
S'agissant de la gestion de l'alerte, des procédures nouvelles ont été mises en oeuvre avec Météo-France pour intégrer désormais les phénomènes conjoints de vent et de submersion marine. Il faut également se féliciter du modèle Litto3D, dont tout le monde souhaite la mise en oeuvre la plus rapide possible.
La gestion des secours a été exemplaire, durant l'événement et dans les semaines qui ont suivi.
Les assurances ont été présentes rapidement, et dans les meilleures conditions.
Les estimations faites par France Domaine ont été précises et remarquables.
Les travaux d'urgence effectués sur les digues ont été bien réalisés, dans des conditions difficiles, grâce à la détermination des syndicats locaux.
La solidarité financière exceptionnelle de l'État, à des conditions jamais encore proposées pour les habitations sinistrées dans ces zones, a permis à une centaine de propriétaires de parcelles construites dans la zone de solidarité et non concernées par une expropriation de préférer céder leurs biens plutôt que de les garder.
La solidarité auprès des sinistrés a été exemplaire, en totale coopération entre l'État, les élus locaux et les organismes humanitaires.
Les financements engagés par l'État ont été globalement bien assurés.
Je tiens ensuite à évoquer les éléments qui posent problème.
Notre rapporteur ainsi que différents collègues ont évoqué les conditions de détermination des zones noires, devenues zones de solidarité, à vocation de destruction. Elles ont suscité une vive contestation chez les propriétaires.
Des experts ont été désignés pour analyser les parcelles susceptibles d'expropriation à l'intérieur de ces zones. La succession de ces procédures a entretenu beaucoup d'incertitudes juridiques et d'incompréhensions douloureuses.
En commençant par l'examen à la parcelle, l'État aurait pu sans doute économiser, dans le seul département de la Vendée, l'achat d'une centaine de maisons, ce qui représente, compte tenu des coûts actuels, environ 25 millions d'euros. Le montant des sommes consacrées à ces destructions non obligatoires a légitimement posé question car elles auraient pu être fort utilement affectées à l'entretien de ces digues pour lequel on manque cruellement de crédits.
Deux questions restent encore posées : celle du sort des terrains non construits et non indemnisés dans la zone ; et celle de l'utilisation des terrains après déconstruction des maisons achetées par l'État.
J'ai noté avec intérêt les déclarations de Mme la ministre sur la doctrine de l'État en termes de digues et de protections naturelles dunaires. Cependant la circulaire du 7 avril, dans l'analyse du risque d'inondation, les considère encore comme transparentes. Il faut sortir de cette incohérence et trouver une approche réaliste qui tienne compte des évolutions possibles des risques à vingt ou trente ans et adapter les travaux de conservation des digues à ce niveau de risque.
Je partage totalement les préconisations de la mission, dans son rapport d'étape sur les digues et, une fois clarifiés les problèmes de propriété des ouvrages et définie une doctrine technique nationale, il faudra pérenniser les financements. Les pistes ouvertes par la mission doivent être explorées jusqu'au succès.
La deuxième incertitude concerne les PPRI.
La tempête a accéléré radicalement la mise en oeuvre des PCS et des PPRI. Toutefois, là encore, il y a un questionnement légitime : entre le 27 février et le 7 avril, l'aléa est devenu non seulement la cote maximale de Xynthia, ce qui paraît légitime, mais la cote majorée d'un mètre pour cause de réchauffement climatique dans le prochain siècle. Cette approche à la louche – pourquoi un mètre ? – mériterait d'être confortée sur le plan scientifique car elle est déterminante pour la mise en oeuvre des PPRI et des digues, et fera référence pour la totalité du littoral national. En effet la cote de l'océan, dans l'avenir, sera la même dans tous les pays littoraux européens. Cette question doit donc préoccuper chacun d'entre eux. Je pense en particulier aux Pays-Bas, où la culture du risque de submersion et son anticipation est érigée en doctrine nationale.
Il me semble légitime de confronter les anticipations de ces pays et les nôtres pour définir une approche européenne qui soit homogène et non contestable. Cette approche aurait également le mérite d'éviter que le principe de précaution ne se transforme en quasi-refus d'une quelconque responsabilité de la part des décideurs publics, tétanisés par la crainte d'une action judiciaire vingt ou trente ans plus tard. Ceinture et bretelles !
Comme pour les maires, dans le cadre de la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale, les décideurs publics doivent pouvoir se sentir en sécurité quand ils ont accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, et en l'état des informations disponibles à la date des décisions prises. Cela me semble particulièrement adapté à la survenance de catastrophes naturelles de nombreuses années plus tard.
C'est le gage d'une approche réaliste et adaptée d'un partenariat confiant entre l'État et les collectivités pour que l'objectif reste l'équilibre entre l'aléa accepté maîtrisable et l'activité humaine sur nos côtes. Dans ces zones, c'est bien le risque qui doit déterminer la priorité des réglementations, notamment en matière d'urbanisme. À La-Faute-sur-Mer, l'existence d'étages aurait évité presque toutes les victimes.
Touchées dans leur coeur par la détresse des habitants sinistrés, les communes sont aussi directement frappées sur le plan économique et, à ce jour, aucune disposition légale ne semble pouvoir compenser et étaler dans le temps le choc financier subi après la disparition de nombreuses maisons et activités économiques.
La proposition de loi déposée le 15 décembre 2010 au Sénat n'a pas encore eu de suite. J'espère que nos observations trouveront un écho favorable.
La France a été frappée les samedi 27 et dimanche 28 février 2010 par une violente tempête baptisée Xynthia, qui a été particulièrement meurtrière sur nos côtes de Vendée et de Charente Maritime.
Une mission parlementaire a très vite été mise en place afin d'enquêter et de comprendre comment, et pourquoi, tant de victimes ont été à déplorer, et comment prévenir de tels événements dans l'avenir.
Les analyses qui ont été menées après cette catastrophe ont conclu à un phénomène exceptionnel, prétendument historiquement rarissime, et contre lequel l'homme aurait du mal à se prémunir. Déjà, en 1999, nous entendions le même discours, celui de l'événement inédit, la France n'ayant jamais connu une telle catastrophe.
Bien sûr les aléas d'antan étaient rarement aussi meurtriers, et la question se pose de la vulnérabilité de nos côtes. En permettant à des populations de s'installer dans des zones à risques, ne transformons-nous pas l'aléa naturel en désastre ?
Consciente de la tâche immense qui lui était proposée afin de comprendre et d'anticiper de tels accidents climatiques, la mission parlementaire a travaillé sans a priori, et de façon prospective. Je tiens d'ailleurs à remercier le président Maxime Bono et le rapporteur pour la qualité de leur travail et le sérieux avec lequel ils ont mené cette mission à laquelle j'ai eu l'honneur de participer.
Nous nous sommes interrogés sur certaines orientations et mesures qui, au regard des événements climatiques, ne sont pas neutres pour la sécurité des personnes et des biens. C'est ce qui nous a amenés à nous inquiéter de la gestion, de l'état des digues, et de leur entretien.
Il nous est très vite apparu que l'ensemble des ouvrages de défense contre la mer constituait un dispositif complexe, souvent hérité d'une tradition juridique et administrative confuse qui explique les négligences et les carences d'aujourd'hui.
Une analyse rétrospective, nous a révélé que l'oubli a trop fréquemment suivi des catastrophes similaires ; et elles furent nombreuses au fil des siècles passés.
Je vous encourage à lire un petit livre, La tempête Xynthia face à l'histoire, édité par Le Croît Vif, de MM. Garnier et Surville. Ils ont retrouvé dans les archives l'existence de nombreuses tempêtes et ils en ont fait une étude assez exhaustive de 1500 à 2010. Ils ont pu ainsi répertorier la fréquence et la sévérité des tempêtes passées sur nos côtes. Pour exemple, pour les côtes de Poitou-Charentes et du Pays de Loire, il y a eu plus de trente événements dévastateurs de submersion et, depuis 1500, après chaque tempête, les conclusions des analystes proposaient la reconstruction des aménagements littoraux et déploraient leur manque d'entretien et de maintenance, les deux démarches devant être menées conjointement.
Ainsi, aujourd'hui, c'est encore une de nos premières propositions : il faudra, dans l'avenir, reconstruire les digues et les entretenir. Bien sûr, nous sommes conscients que ces ouvrages – épis, brises-lames, perrés et autres digues – ne sauraient à eux seuls assurer une défense absolue, mais ils constituent une protection indispensable. Lors de nos déplacements en Vendée et en Charente Maritime, tous les élus, tous les sinistrés, tous les agriculteurs, toutes les personnes que nous avons rencontrés, l'ont réclamé.
Il est apparu très vite que l'État devait prendre en charge la reconstruction des 1 350 kilomètres de digues et ouvrages côtiers, car il lui revient de garantir la sécurité des personnes et des biens et, à ce titre, de prendre à sa charge la reconstruction de ces digues.
En mars 2010, le ministre en charge de l'environnement avait proposé qu'une mission interministérielle définisse une stratégie clarifiée de gestion du « trait de côte ». Nous demandons – c'est une autre de nos propositions – que la gestion des digues après reconstruction repose sur des formules mixtes impliquant l'État et les collectivités.
Le noeud du problème est le coût de ce « Plan digue ». Les 500 millions d'euros que vous proposez seront insuffisants et il faudra, même en cette période de fortes contraintes budgétaires, répondre aux exigences légitimes manifestées par nos concitoyens.
Reconstruire, il le faudra bien sûr. Entretenir et organiser la maintenance de ces ouvrages, il le faudra aussi. Pour cela, des ressources pérennes devront être trouvées. À cet égard le président de notre mission l'a souligné, nous préconisons de faire participer les assureurs au financement de ce « Plan digue » en prélevant une partie de la surprime de 12 % qui alimente le régime des catastrophes naturelles, et qui reste chez les assureurs.
Monsieur le secrétaire d'État, nos anciens avaient protégé leurs terres et leurs villages par des ouvrages empierrés. Ils avaient mis en place des écluses à poissons et bien d'autres ouvrages, et ils étaient capables d'en mesurer l'efficacité. Peu à peu, ces usagers de la mer ont été envahis par des populations de cultures plus urbaines qui ont oublié ou ignoré le travail des gens d'autrefois.
Des décisions techniques et politiques doivent être tirées de ces événements. Or, souvent, c'est l'oubli. Stoppons cette amnésie collective, productrice de vulnérabilité ! Faisons en sorte que de tels dégâts ne se produisent plus ; nous le devons à ceux qui y ont laissé leur vie.
Si vous me le permettez, je terminerai en citant Oscar Wilde : « Effacer le passé, on le peut toujours […] Mais on n'évite pas l'avenir. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il me semble que la mémoire des victimes de la catastrophe Xynthia imprègne de qualité nos débats ce soir. Pour nous tous, le rapport le montre bien, Xynthia a été un révélateur, révélateur d'abord de dysfonctionnements au niveau des politiques d'urbanisation dans les zones à risque. Nous avons par exemple découvert que l'on peut retarder l'adoption d'un plan de prévention des risques. Nous avons découvert que ces plans, comme les plans communaux de sauvegarde, peuvent avoir été votés, mis en place, et s'avérer totalement sous-dimensionnés par rapport aux véritables risques encourus. Ce fut vrai en Vendée, nous l'avons vu ; ce le fut également trois mois plus tard, dans le Var, où les prévisions des plans de la région de Draguignan se sont avérées largement dépassées par la réalité des pluies diluviennes qui se sont abattues sur cette vallée.
Xynthia a également été un révélateur de l'absence de dialogue entre les différents acteurs de l'acte de prévention. Quelle était l'autorité en charge de l'expertise de la cohérence de la réelle vulnérabilité des sites lorsque survient la conjonction d'éléments aussi exceptionnels qu'une tempête, et une marée haute ?
Révélateur, enfin, d'une fragilité inhérente à un patrimoine de digues important, qu'il s'agisse des digues maritimes ou fluviales, sur lesquelles un rapport de l'office parlementaire avait déjà attiré l'attention.
C'est une chance que l'histoire de l'aménagement de la France nous ait laissé cet héritage de digues. Toutefois c'est une chance aux aspects redoutables, car, au fil des siècles, la vocation de ces digues a été dénaturée. On avait appris à attendre d'elles qu'elles soient un rempart contre tous les dangers de l'océan ou des fleuves. Or c'était trop faire confiance à des ouvrages anciens, dont les propriétaires sont parfois difficiles à localiser et dont le niveau d'entretien est très inégal.
À cet égard, le plan du Gouvernement destiné à renforcer la fiabilité des digues était devenu indispensable. Attention toutefois – je rejoins sur ce point le président et le rapporteur de notre mission – de ne pas nous contenter de conforter des centaines de kilomètres d'ouvrages sans penser aux lendemains, c'est-à-dire sans s'assurer que les crédits suivront pour l'entretien, au quotidien, de ces digues restaurées. J'ai trop vu de digues fluviales, qui avaient fait l'objet jadis de travaux mais que l'histoire locale avait vouées à l'abandon, pour ne pas vous alerter sur ce péril, monsieur le secrétaire d'État.
Xynthia nous a laissé le goût amer d'une catastrophe que nous aurions pu éviter. Aujourd'hui, elle doit nous laisser quelques certitudes, que les deux rapports parlementaires ont tenté de cerner au plus près.
J'ajouterai deux mots pour vous dire combien les préconisations du Gouvernement rejoignent les travaux du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, lequel travaille sous l'autorité du ministre de l'écologie et en parfaite symbiose avec ses services. Un groupe de travail spécifique oeuvre en son sein, sous la présidence de notre collègue le sénateur Doligé, à définir une stratégie nationale de prévention du risque inondation. Nous travaillons également à la transposition de la directive européenne qui devrait permettre de dégager une politique commune.
J'ajoute que le groupe de travail, présidé par notre collègue Guy Geoffroy, oeuvre de son côté à l'élaboration d'une politique de maîtrise de l'urbanisation à travers sa réflexion sur les plans de prévention des risques.
Monsieur Lecoq, je puis vous rassurer : il existe un groupe de travail, présidé par Mme Jeanny Marc, sur la prévention des risques sismiques. Je reconnais bien volontiers que le Japon est en avance en matière de politique de prévention de ces risques. Malheureusement pour eux les Japonais courent des risques plus considérables que nous en la matière.
Comment mieux assurer la cohérence avec des plans communaux de sauvegarde dont on a bien compris, monsieur le secrétaire d'État, qu'ils devaient être arrimés au PPR dès leur prescription et non plus au moment de leur approbation ? Ce qui est vrai pour les plans de prévention aux risques doit l'être pour l'ensemble des plans. Nous sommes heureux à cet égard, que vous lanciez un nouvel appel à projet PAPI, ces programmes qui permettent de prendre en compte tous les aspects de la prévention, car c'est bien de cela qu'il s'agit désormais : globaliser les politiques de prévention et les rendre cohérentes. Il faut, comme l'a indiqué Mme la ministre de l'écologie, vaincre l'oubli qui s'abat habituellement sur ces événements, passé le temps de l'émotionnel.
Une véritable culture du risque doit être développée à tous les échelons de la vie publique. Nous pouvons la construire, en liaison avec les assureurs, dont le rôle lors de la tempête Xynthia n'a pas été contesté. Ils ont bien compris qu'ils devaient devenir à nos côtés des acteurs à part entière de la prévention. Leur proposition de créer un observatoire des risques milite en ce sens.
Je crains, madame la présidente, que vous ne tardiez pas à me rappeler à l'ordre. Je me borne donc à indiquer, pour conclure, que je suis heureux que ce soit une mission parlementaire qui ait tracé en quelque sorte les voies nouvelles d'une politique de prévention en France.
Vous n'avez dépassé votre temps de parole que d'une minute, mon cher collègue, c'est peu. (Sourires.)
Compte tenu de l'heure, je vais lever la séance.
Je vous propose d'achever notre débat ce soir, à la reprise de la séance à 21 heures 45 puis nous poursuivrons l'examen des projets sur le défenseur des droits.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite du débat sur les conclusions de la mission d'information relative à la tempête Xynthia ;
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits ;
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif au Défenseur des droits.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma