La France a été frappée les samedi 27 et dimanche 28 février 2010 par une violente tempête baptisée Xynthia, qui a été particulièrement meurtrière sur nos côtes de Vendée et de Charente Maritime.
Une mission parlementaire a très vite été mise en place afin d'enquêter et de comprendre comment, et pourquoi, tant de victimes ont été à déplorer, et comment prévenir de tels événements dans l'avenir.
Les analyses qui ont été menées après cette catastrophe ont conclu à un phénomène exceptionnel, prétendument historiquement rarissime, et contre lequel l'homme aurait du mal à se prémunir. Déjà, en 1999, nous entendions le même discours, celui de l'événement inédit, la France n'ayant jamais connu une telle catastrophe.
Bien sûr les aléas d'antan étaient rarement aussi meurtriers, et la question se pose de la vulnérabilité de nos côtes. En permettant à des populations de s'installer dans des zones à risques, ne transformons-nous pas l'aléa naturel en désastre ?
Consciente de la tâche immense qui lui était proposée afin de comprendre et d'anticiper de tels accidents climatiques, la mission parlementaire a travaillé sans a priori, et de façon prospective. Je tiens d'ailleurs à remercier le président Maxime Bono et le rapporteur pour la qualité de leur travail et le sérieux avec lequel ils ont mené cette mission à laquelle j'ai eu l'honneur de participer.
Nous nous sommes interrogés sur certaines orientations et mesures qui, au regard des événements climatiques, ne sont pas neutres pour la sécurité des personnes et des biens. C'est ce qui nous a amenés à nous inquiéter de la gestion, de l'état des digues, et de leur entretien.
Il nous est très vite apparu que l'ensemble des ouvrages de défense contre la mer constituait un dispositif complexe, souvent hérité d'une tradition juridique et administrative confuse qui explique les négligences et les carences d'aujourd'hui.
Une analyse rétrospective, nous a révélé que l'oubli a trop fréquemment suivi des catastrophes similaires ; et elles furent nombreuses au fil des siècles passés.
Je vous encourage à lire un petit livre, La tempête Xynthia face à l'histoire, édité par Le Croît Vif, de MM. Garnier et Surville. Ils ont retrouvé dans les archives l'existence de nombreuses tempêtes et ils en ont fait une étude assez exhaustive de 1500 à 2010. Ils ont pu ainsi répertorier la fréquence et la sévérité des tempêtes passées sur nos côtes. Pour exemple, pour les côtes de Poitou-Charentes et du Pays de Loire, il y a eu plus de trente événements dévastateurs de submersion et, depuis 1500, après chaque tempête, les conclusions des analystes proposaient la reconstruction des aménagements littoraux et déploraient leur manque d'entretien et de maintenance, les deux démarches devant être menées conjointement.
Ainsi, aujourd'hui, c'est encore une de nos premières propositions : il faudra, dans l'avenir, reconstruire les digues et les entretenir. Bien sûr, nous sommes conscients que ces ouvrages – épis, brises-lames, perrés et autres digues – ne sauraient à eux seuls assurer une défense absolue, mais ils constituent une protection indispensable. Lors de nos déplacements en Vendée et en Charente Maritime, tous les élus, tous les sinistrés, tous les agriculteurs, toutes les personnes que nous avons rencontrés, l'ont réclamé.
Il est apparu très vite que l'État devait prendre en charge la reconstruction des 1 350 kilomètres de digues et ouvrages côtiers, car il lui revient de garantir la sécurité des personnes et des biens et, à ce titre, de prendre à sa charge la reconstruction de ces digues.
En mars 2010, le ministre en charge de l'environnement avait proposé qu'une mission interministérielle définisse une stratégie clarifiée de gestion du « trait de côte ». Nous demandons – c'est une autre de nos propositions – que la gestion des digues après reconstruction repose sur des formules mixtes impliquant l'État et les collectivités.
Le noeud du problème est le coût de ce « Plan digue ». Les 500 millions d'euros que vous proposez seront insuffisants et il faudra, même en cette période de fortes contraintes budgétaires, répondre aux exigences légitimes manifestées par nos concitoyens.
Reconstruire, il le faudra bien sûr. Entretenir et organiser la maintenance de ces ouvrages, il le faudra aussi. Pour cela, des ressources pérennes devront être trouvées. À cet égard le président de notre mission l'a souligné, nous préconisons de faire participer les assureurs au financement de ce « Plan digue » en prélevant une partie de la surprime de 12 % qui alimente le régime des catastrophes naturelles, et qui reste chez les assureurs.
Monsieur le secrétaire d'État, nos anciens avaient protégé leurs terres et leurs villages par des ouvrages empierrés. Ils avaient mis en place des écluses à poissons et bien d'autres ouvrages, et ils étaient capables d'en mesurer l'efficacité. Peu à peu, ces usagers de la mer ont été envahis par des populations de cultures plus urbaines qui ont oublié ou ignoré le travail des gens d'autrefois.
Des décisions techniques et politiques doivent être tirées de ces événements. Or, souvent, c'est l'oubli. Stoppons cette amnésie collective, productrice de vulnérabilité ! Faisons en sorte que de tels dégâts ne se produisent plus ; nous le devons à ceux qui y ont laissé leur vie.
Si vous me le permettez, je terminerai en citant Oscar Wilde : « Effacer le passé, on le peut toujours […] Mais on n'évite pas l'avenir. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)