Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de transmettre à Mme la ministre mes remerciements pour sa présence, dimanche dernier, à La Faute-sur-Mer aux côtés des familles de victimes, des élus et de la population. Tous ont été sensibles à sa présence et à l'attention qu'elle a portée à leur détresse.
Compte tenu de mon temps de parole, je vais, dans un premier temps, évoquer rapidement les aspects positifs de la gestion de la catastrophe. Ils sont nombreux.
S'agissant de la gestion de l'alerte, des procédures nouvelles ont été mises en oeuvre avec Météo-France pour intégrer désormais les phénomènes conjoints de vent et de submersion marine. Il faut également se féliciter du modèle Litto3D, dont tout le monde souhaite la mise en oeuvre la plus rapide possible.
La gestion des secours a été exemplaire, durant l'événement et dans les semaines qui ont suivi.
Les assurances ont été présentes rapidement, et dans les meilleures conditions.
Les estimations faites par France Domaine ont été précises et remarquables.
Les travaux d'urgence effectués sur les digues ont été bien réalisés, dans des conditions difficiles, grâce à la détermination des syndicats locaux.
La solidarité financière exceptionnelle de l'État, à des conditions jamais encore proposées pour les habitations sinistrées dans ces zones, a permis à une centaine de propriétaires de parcelles construites dans la zone de solidarité et non concernées par une expropriation de préférer céder leurs biens plutôt que de les garder.
La solidarité auprès des sinistrés a été exemplaire, en totale coopération entre l'État, les élus locaux et les organismes humanitaires.
Les financements engagés par l'État ont été globalement bien assurés.
Je tiens ensuite à évoquer les éléments qui posent problème.
Notre rapporteur ainsi que différents collègues ont évoqué les conditions de détermination des zones noires, devenues zones de solidarité, à vocation de destruction. Elles ont suscité une vive contestation chez les propriétaires.
Des experts ont été désignés pour analyser les parcelles susceptibles d'expropriation à l'intérieur de ces zones. La succession de ces procédures a entretenu beaucoup d'incertitudes juridiques et d'incompréhensions douloureuses.
En commençant par l'examen à la parcelle, l'État aurait pu sans doute économiser, dans le seul département de la Vendée, l'achat d'une centaine de maisons, ce qui représente, compte tenu des coûts actuels, environ 25 millions d'euros. Le montant des sommes consacrées à ces destructions non obligatoires a légitimement posé question car elles auraient pu être fort utilement affectées à l'entretien de ces digues pour lequel on manque cruellement de crédits.
Deux questions restent encore posées : celle du sort des terrains non construits et non indemnisés dans la zone ; et celle de l'utilisation des terrains après déconstruction des maisons achetées par l'État.
J'ai noté avec intérêt les déclarations de Mme la ministre sur la doctrine de l'État en termes de digues et de protections naturelles dunaires. Cependant la circulaire du 7 avril, dans l'analyse du risque d'inondation, les considère encore comme transparentes. Il faut sortir de cette incohérence et trouver une approche réaliste qui tienne compte des évolutions possibles des risques à vingt ou trente ans et adapter les travaux de conservation des digues à ce niveau de risque.
Je partage totalement les préconisations de la mission, dans son rapport d'étape sur les digues et, une fois clarifiés les problèmes de propriété des ouvrages et définie une doctrine technique nationale, il faudra pérenniser les financements. Les pistes ouvertes par la mission doivent être explorées jusqu'au succès.
La deuxième incertitude concerne les PPRI.
La tempête a accéléré radicalement la mise en oeuvre des PCS et des PPRI. Toutefois, là encore, il y a un questionnement légitime : entre le 27 février et le 7 avril, l'aléa est devenu non seulement la cote maximale de Xynthia, ce qui paraît légitime, mais la cote majorée d'un mètre pour cause de réchauffement climatique dans le prochain siècle. Cette approche à la louche – pourquoi un mètre ? – mériterait d'être confortée sur le plan scientifique car elle est déterminante pour la mise en oeuvre des PPRI et des digues, et fera référence pour la totalité du littoral national. En effet la cote de l'océan, dans l'avenir, sera la même dans tous les pays littoraux européens. Cette question doit donc préoccuper chacun d'entre eux. Je pense en particulier aux Pays-Bas, où la culture du risque de submersion et son anticipation est érigée en doctrine nationale.
Il me semble légitime de confronter les anticipations de ces pays et les nôtres pour définir une approche européenne qui soit homogène et non contestable. Cette approche aurait également le mérite d'éviter que le principe de précaution ne se transforme en quasi-refus d'une quelconque responsabilité de la part des décideurs publics, tétanisés par la crainte d'une action judiciaire vingt ou trente ans plus tard. Ceinture et bretelles !
Comme pour les maires, dans le cadre de la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale, les décideurs publics doivent pouvoir se sentir en sécurité quand ils ont accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, et en l'état des informations disponibles à la date des décisions prises. Cela me semble particulièrement adapté à la survenance de catastrophes naturelles de nombreuses années plus tard.
C'est le gage d'une approche réaliste et adaptée d'un partenariat confiant entre l'État et les collectivités pour que l'objectif reste l'équilibre entre l'aléa accepté maîtrisable et l'activité humaine sur nos côtes. Dans ces zones, c'est bien le risque qui doit déterminer la priorité des réglementations, notamment en matière d'urbanisme. À La-Faute-sur-Mer, l'existence d'étages aurait évité presque toutes les victimes.
Touchées dans leur coeur par la détresse des habitants sinistrés, les communes sont aussi directement frappées sur le plan économique et, à ce jour, aucune disposition légale ne semble pouvoir compenser et étaler dans le temps le choc financier subi après la disparition de nombreuses maisons et activités économiques.
La proposition de loi déposée le 15 décembre 2010 au Sénat n'a pas encore eu de suite. J'espère que nos observations trouveront un écho favorable.