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Intervention de François Asensi

Réunion du 2 mars 2011 à 15h00
Débat sur les rapports entre la france et le continent africain

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, je me félicite également de la tenue de ce débat sur la politique de la France en Afrique. Comme beaucoup de mes concitoyens, comme beaucoup d'Africains, je ne peux vous cacher mon malaise à l'idée de débattre des relations qui lient notre pays à ce continent de plus d'un milliard d'habitants.

Tout d'abord, comment ne pas évoquer la révolte des peuples tunisien, égyptien et libyen ? Ce printemps des peuples bouleverse le cours de l'histoire et offre un cinglant démenti aux formules inacceptables du discours de Dakar. Ce soulèvement populaire est l'expression d'une opposition massive à des régimes autoritaires, prédateurs et corrompus. Cette révolte des peuples, que la France officielle n'a pas vu venir, est aussi un constat d'échec pour notre diplomatie.

Les bruits de bottes d'une intervention étrangère en Libye menée par les États-Unis se font désormais entendre. Il semblerait que la présence d'importants champs pétrolifères suscite bien des convoitises. À ce titre, je partage les propos de M. Alain Juppé : une intervention en Libye serait totalement contreproductive. J'ajoute qu'elle s'apparenterait à une aventure de type néocoloniale et ne ferait que dégrader nos rapports avec l'Afrique. Ce serait de surcroît un formidable cadeau à faire au dictateur Kadhafi.

La France doit définitivement rompre avec les pratiques de la Françafrique. Il est temps de revenir au message universel de la France, qui a su donner le vertige de la liberté aux peuples du monde entier. Il est temps de renouer avec cette France qui, ayant pris conscience de l'impasse de la colonisation, avait su accompagner la plupart des peuples africains vers l'indépendance.

La France doit effectuer un grand tournant dans sa relation avec l'Afrique. Notre politique étrangère doit viser l'émancipation des peuples d'Afrique et le droit au développement de ces pays. Un développement librement choisi par les peuples est la condition pour qu'ils vivent et s'épanouissent dans leur pays. Si nous ne faisons pas cette rupture politique et culturelle indispensable, la France continuera de maintenir des rapports paternalistes de type néocolonialiste avec l'Afrique.

Trop longtemps, la France a soutenu des dictateurs pour préserver des intérêts mercantiles. Comment accepter de telles compromissions avec des régimes qui oppriment leur peuple, détournent leurs ressources, foulent au pied les principes de la démocratie ? Une des vocations de la diplomatie est certes de faire valoir les intérêts de la France dans le monde. Mais, cette action doit se traduire par de véritables contreparties pour le développement des pays. Or dans de nombreux pays d'Afrique, certains grands groupes prospèrent sans que les pays d'accueil en retirent les fruits. Total, qui a fait un bénéfice de 10 milliards d'euros en 2010, réalise 30 % de sa production en Afrique. AREVA, Bouygues ou Bolloré font également des milliards de bénéfices alors que la population, elle, continue de vivre dans la misère et voit son environnement naturel se dégrader.

Les échanges avec l'Afrique devraient au contraire se faire au bénéfice des peuples français et africains, selon une logique « gagnant-gagnant ». L'Afrique a besoin de développer une agriculture vivrière pérenne, d'assurer l'accès à l'eau, à la santé, à l'éducation, pour que les Africains ne soient plus contraints à l'exode.

L'aide publique participe au développement du continent. L'aide française n'est néanmoins pas à la hauteur des enjeux actuels. Toujours bien en deçà du seuil de 0,7 % du PIB fixé par l'ONU, le volume de l'aide au développement diminue d'année en année.

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