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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 2 mars 2011 à 15h00
Débat sur les conclusions de la mission d'information relative à la tempête xynthia

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Il est bon que les gens traumatisés, meurtris puissent trouver dans cette décision de l'État une porte de sortie à leur malheur.

Ce qui demeure en cause, c'est la qualité et la mise en oeuvre des zonages évoqués par Mme la ministre. La notion de « provisoire » n'apparaissait pas et il a fallu la mobilisation populaire, avec les élus, et votre arrivée, pour que cette notion soit enfin entendue.

Il y a aujourd'hui urgence à établir sereinement, dans la qualité des processus existants – et ils sont de qualité –, des plans de prévention des risques d'inondation, les PPRI dont la démarche s'appuie obligatoirement sur la concertation qui en fait, justement, la qualité. Il faut le faire avec détermination et courage et accompagner, y compris financièrement, les particuliers, les entreprises et les collectivités quant aux conséquences de la mise en oeuvre des PPRI, notamment en matière d'urbanisme. C'est à l'issue de ce travail que doivent être mises en oeuvre les procédures de déclaration d'utilité publique. Voilà pourquoi le rapport préconise de surseoir à celles engagées.

Dans son rapport, la mission souligne le manque d'anticipation permettant de prévenir l'évolution des éléments. Pour mieux connaître les risques, les outils de simulation existent, la technologie a progressé : le président Maxime Bono a ainsi évoqué la cartographie Litto 3D qui permet de configurer le littoral en trois dimensions sur nos ordinateurs. Ces outils permettent de simuler les effets de tel ou tel événement climatique, qu'il s'agisse de la pression atmosphérique ou des ondes de la mer.

Reste que les moyens financiers pour mettre ces outils en place font défaut, mais aussi les moyens humains. En effet les auditions auxquelles nous avons procédé ont montré que le nombre de personnels affectés à l'utilisation de ces moyens techniques est insuffisant et, par conséquent, ne permet pas de réaliser en un temps record la cartographie en trois dimensions du littoral.

Évidemment, il convient que notre société prenne position sur les moyens qu'elle est prête à mobiliser pour protéger les habitants. Doit-on, à l'avenir, fuir toutes les zones à risque ou doit-on travailler à établir des protections et les entretenir pour permettre des poursuites d'activités et lesquelles ? Les PPRI doivent répondre à cela.

La création d'éléments de type digue transformera le risque naturel en risque technologique – que se passerait-il en cas de rupture de la digue ? – et l'établissement d'un plan de prévention des risques technologiques permettra d'adapter les procédures à ce risque.

L'urbanisme devra de manière contraignante s'adapter aux conclusions des PPRI et des PPRT. La crédibilité des acteurs est en jeu. Songeons à la douloureuse expérience vécue par les habitants des zones concernées par un PPRT qui ont vu, au cours des douze derniers mois – vous avez été saisie de ces questions, madame la ministre –, les indemnités prévues pour les travaux nécessaires varier à cinq reprises. La parole de l'État a changé cinq fois ! Comment voulez-vous que nos concitoyens considèrent que cette parole est crédible ? Il est donc nécessaire de sortir de cette situation au plus vite et de faire en sorte qu'elle ne se reproduise plus.

Des outils performants ont été élaborés depuis des années au sein de votre ministère. S'appuyant sur les retours d'expérience, ils ont été conçus en partenariat entre les services du ministère de l'environnement et les associations de maires, comme AMARIS, qui se sont constitués autour des problématiques de risques, industriels en l'occurrence.

Ces outils – PPRI et PPRT –, les documents communaux de synthèse, les documents d'information communale sur les risques majeurs doivent informer la population de l'ensemble des risques auxquels elle est exposée sur un territoire donné. Combien de nos communes possèdent-elles des DCS-DICRIM alors que la plupart d'entre elles sont concernées par des risques ? Combien de nos concitoyens sont-ils informés de ces risques ? Le ministère de l'écologie a élaboré des outils permettant aux maires d'appliquer ces documents – notamment les plans communaux de sauvegarde – et ceux qui s'y sont essayé ont découvert combien cet outil, indépendamment du fait qu'il sauvegardait la population, devenait un outil de qualité dans la gestion communale puisqu'il permet d'avoir une excellente connaissance de son propre territoire qu'on connaît le plus souvent moins qu'on ne le pense.

Il existe peut-être encore, ici ou là, des maires qui pensent que ce n'est pas bon pour le tourisme d'expliquer aux visiteurs qu'ils sont exposés à tel risque face auquel, s'il survenait, ils devraient adopter tel ou tel comportement. Hier soir, j'ai cherché sur internet à savoir quelle était la situation catastrophique la pire dans le monde. La plus rapide est le tremblement de terre et le pays le plus exposé à ce risque eu égard à la concentration de sa population est le Japon. Que fait le Japon en la matière ?

Les autorités disposent de seulement quinze secondes pour donner l'alerte. Concernant Xynthia, nous avons eu bien plus que quinze secondes ! Cependant même si le délai est réduit à quinze secondes, les Japonais ont quand même mis en place des procédures d'alerte. Ils ont surtout imaginé un petit document, dont j'ai ici la version en français. Il est intitulé Tokyo Prévention et il explique à tous ceux qui arrivent à Tokyo les bons comportements à avoir : il explique ce qu'il faut faire si on est à l'hôtel, il recommande de ne pas prendre la voiture, bref, il fait partager la culture du risque.

Cette culture du risque, vous en avez parlé, madame la ministre, dans le cadre de la formation des responsables, dans la gestion des crises. Néanmoins le citoyen doit également être formé. On commence à le faire de manière importante dans les zones à risque technologique, parce que c'est un risque que l'on voit. En revanche le risque naturel, on n'en a pas toujours conscience. Je pense qu'un réel travail doit être fait dans ce domaine. Votre ministère dispose d'outils et de compétences en ressources humaines capables d'accompagner tous ceux qui voudraient mettre en place des procédures de ce genre.

Il n'en reste pas moins que la question de l'alerte et des moyens de l'alerte doit être posée. On en a peu parlé jusqu'à présent. Ces moyens doivent être adaptés en fonction de la nature du risque. A-t-on le temps d'alerter les populations ? La télévision suffit-elle ? Faut-il des moyens plus pertinents et plus rapides ? La technologie existe. Je pense que je vous inviterai, madame la ministre, dans ma ville, qui a inventé un dispositif, l'AlertBox, que nous avons connecté au bout d'une fibre optique. Cela a été rendu possible par le fait que le réseau de fibre optique couvre l'ensemble du territoire communal : notre ville, qui compte environ 10 000 habitants, est la première ville d'Europe totalement fibrée en FTTH. Je voulais être très discret sur le sujet, mais puisque les experts auditionnés par la mission d'information ont cité ma ville en disant qu'elle était la seule de France à avoir atteint un tel niveau de performance en matière d'alerte, je n'ai pas de raison de ne pas le dire avec fierté à la tribune de l'Assemblée nationale.

Le boîtier AlertBox permet à chaque habitant de donner immédiatement l'alerte à l'ensemble de la population, dans un délai de quelques secondes, par exemple à l'occasion d'une fuite de gaz. Il permet aussi de savoir combien d'habitants sont concernés, puisque celui qui acquitte l'AlertBox indique combien de personnes sont présentes dans le logement où l'accident a eu lieu. Cela nous donne une cartographie immédiate de la configuration de la ville.

Je vais terminer parce que Mme la présidente ne va pas tarder à me rappeler à l'ordre.

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