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Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 2 mars 2011 à 15h00
Débat sur les rapports entre la france et le continent africain

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Ayrault :

… et c'est son remplaçant M. Joyandet – qui était là il y a quelques instants –, qui justifie ainsi sa nomination : « On veut aider les Africains, mais il faut que ça nous rapporte »…Telle est la parole officielle du successeur de celui qui voulait faire reculer la Françafrique !

Je vois que cela vous fait rire, monsieur le ministre, mais ce sont des citations authentiques : je ne les invente pas ! Je crois plutôt que cela vous gêne et que vous n'êtes pas forcément d'accord avec tout cela.

Malheureusement, le résultat de tout ce qui précède, c'est une certaine mise hors jeu diplomatique de la France dans une région du monde, l'Afrique, où notre histoire et notre savoir-faire – je ne parle pas ici de maintien de l'ordre – devraient au contraire nous donner un rôle majeur. Je regrette que ce soit l'Espagne et pas la France qui ait pris l'initiative d'une concertation internationale et proposé un plan Marshall pour les pays libérés d'Afrique du Nord. J'ai eu honte que la France limite son offre d'aide d'urgence à la Tunisie à 350 000 euros quand l'Italie, spontanément, donnait dans le même temps 5 millions et prévoyait d'ouvrir une ligne de crédit de 100 millions d'euros.

J'ai écrit hier au Premier ministre pour lui demander de mettre en place des dispositions pour venir en aide en urgence à la Tunisie, à l'Égypte qui sont aujourd'hui en train d'accueillir des flots de réfugiés quittant la Libye parce qu'ils sont menacés par les balles du colonel Kadhafi. Il faut aider la Tunisie et l'Égypte, car ces pays ne pourront pas faire face seuls et les personnes qui sont en train de fuir ne resteront ni en Tunisie ni en Égypte. C'est à la fois l'intérêt de ces personnes et de ces pays, mais c'est aussi le nôtre. Alors, soyons audacieux et courageux !

Monsieur le ministre comment reprendre un contact sincère avec l'Afrique ? C'est la question qui nous est posée cet après-midi. Comment rétablir l'image de la France ? Comment concevoir une nouvelle politique alors que nous ne sommes plus ni le partenaire exclusif ni la figure tutélaire vers laquelle se tournent tous les espoirs ?

Je voudrais suggérer modestement quelques pistes. Il n'existe pas de baguette magique, mais il y a parfois de mauvais magiciens. Il faut donc revenir à quelques principes inspirés par une certaine morale internationale, ce qui n'est pas contradictoire avec la défense des intérêts de notre pays. Au contraire !

Nous devons d'abord baser notre diplomatie sur le socle de nos valeurs républicaines. La France doit certes parler avec tout le monde, mais pas de la même façon. Le réalisme n'implique pas automatiquement le cynisme. Le dialogue avec chacun ne suppose pas la complaisance avec tous. La non-ingérence n'est pas une invitation à l'indifférence. La France doit renoncer à un double langage qui consiste à insister sur la bonne gouvernance tout en soutenant les régimes les plus antidémocratiques. Elle doit se rendre disponible aux demandes des pays qui souhaitent construire un État de droit.

Ensuite, nous devons rétablir la clarté dans notre fonctionnement diplomatique en réhabilitant une chaîne de décision claire dont le centre névralgique doit être le Quai d'Orsay.

S'agissant plus spécifiquement de l'Afrique, la France doit apporter son concours actif aux efforts de démocratisation en mobilisant son ingénierie, en multipliant les jumelages, les contacts entre élus du Nord et du Sud.

L'aide au développement doit devenir un véritable projet politique avec pour ambition assumée de favoriser le passage d'une économie de captation, de prédation, de rente – minière, pétrolière ou agricole – excessivement dépendante des marchés, à une économie de production. Certains grands groupes français bien connus – qui possèdent des yachts – se félicitent d'avoir une présence forte en Afrique. Mais où est le vrai développement de l'Afrique ? La question nous est posée à nous, représentants du peuple français.

Il revient à la France de soumettre des programmes d'aides spécifiques, destinés à stimuler la productivité agricole africaine, à en moderniser les installations, à promouvoir des cultures favorisant à la fois l'autosuffisance alimentaire et les exportations. La France doit avoir le courage de proposer un moratoire des subventions européennes aux produits agricoles exportés vers l'Afrique afin de rendre compétitives les denrées africaines.

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