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Intervention de Maxime Bono

Réunion du 2 mars 2011 à 15h00
Débat sur les conclusions de la mission d'information relative à la tempête xynthia

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaxime Bono, président de la mission d'information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia :

Madame la présidente, madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, mes chers collègues, au commencement de ce débat, je voudrais saluer la mémoire des cinquante-trois victimes de la tempête Xynthia. Mes premières pensées, comme celles de chacun d'entre nous, s'adressent aux sinistrés, dont beaucoup sont encore dans la peine.

L'inscription à l'ordre du jour, à la demande du groupe socialiste, de ce débat sur les suites d'une mission d'information elle-même créée à l'initiative de la conférence des présidents, paraît tout à fait judicieuse. Cette mission sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia, que j'ai présidée et dont Jean-Louis Léonard a été le rapporteur, a d'abord cherché à comprendre les causes de la catastrophe. Elle a auditionné nombre de personnalités compétentes, y compris des spécialistes des événements climatiques. Elle s'est également déplacée dans les deux départements les plus touchés, et a pu constater combien les populations victimes de la tempête et leurs élus ont été affectés par ce qu'il n'est pas exagéré d'appeler un traumatisme durable.

Après la publication du rapport de la mission d'information, au mois de juillet, et jusqu'à très récemment, les interrogations que nous avions formulées, nos conclusions et propositions ne semblaient pas avoir retenu toute l'attention du Gouvernement – et c'est une litote. En ce qui concerne la méthode de délimitation des zones dites « de solidarité », et à l'exception de quelques rectifications à la marge, nos observations, qui traduisaient pourtant l'inquiétude des élus et des habitants, étaient restées sans réponse. Une certaine confusion dans la communication gouvernementale, voire une forme de brutalité dans les notifications faites aux personnes dont les habitations se trouvaient placées en zones noires, avait en effet créé un contexte durablement anxiogène.

Votre déplacement en Charente-Maritime, le 16 décembre dernier, a toutefois infléchi la doctrine jusqu'ici en vigueur au plus haut niveau gouvernemental et, par là même, l'attitude des représentants des administrations. Nous vous en donnons acte : à un État jusqu'alors inflexible a fait place un État plus attentif.

Cependant, aujourd'hui encore, des incertitudes doivent être levées. Pourquoi les fonds de commerce dont les activités sont considérées comme impossibles en zone de solidarité sont-ils exclus de la procédure d'acquisition par l'État ? Quel sera le régime applicable aux terrains à bâtir acquis comme tels et rendus aujourd'hui inconstructibles ?

Nous espérons que votre volonté d'engager un vrai travail partenarial entre les services de l'État, les experts et les élus aboutira à des solutions appropriées, qu'il s'agisse de la délimitation définitive des parcelles présentant un danger vital ou des décisions à prendre pour définir des systèmes de défense efficaces.

À cet égard, les conclusions de la mission coordonnée par M. Pitié marquent un progrès sensible en acceptant de prendre en compte des possibilités de protection dans les études officielles de zonages. Le rapport Pitié s'est utilement attaché à apprécier les moyens de sécurisation adaptés à chaque situation au long du littoral, commune par commune. Sur ce point, les effets de la précipitation qui avait présidé aux premières expertises trouvent enfin une correction en rétablissant une certaine confiance au sein des populations concernées.

Comme vous, madame la ministre, les élus considèrent qu'il y aura un avant et un après Xynthia. Mais les quelque 500 millions d'euros du plan Digues annoncés par le Gouvernement relèvent en fait du fonds Barnier, lui-même sollicité à l'excès pour le financement des opérations de rachat. Aucune dotation budgétaire n'est donc fléchée sur ce point en loi de finances, et c'est bien là que le bât blesse. L'effort des collectivités territoriales sera décisif – c'est inévitable –, alors que de lourdes incertitudes pèsent sur leurs recettes. Elles ne disposeront pas des moyens leur permettant de s'engager pour un total de 100 à 120 millions d'euros par an pour maintenir et conforter les ouvrages de défense contre la mer.

Notre collègue Jacques Bascou, député de l'Aude, département qui a lancé un plan ambitieux de prévention des crues, estime que, au-delà de 20 % d'autofinancement, les départements ne pourraient accéder aux actions prévues dans votre plan. Sans doute bien des présidents de conseils généraux ici présents partagent-ils ce point de vue.

L'objectif n'est toutefois pas insurmontable. Vous avez défini, pour la période 2011-2016, un programme concernant une partie importante des quelque 1 300 kilomètres d'ouvrages maritimes, mais la question des moyens et du partage de l'effort régulier d'entretien des ouvrages demeure sans réponse certaine. C'est pourquoi je propose une piste pour dégager une recette pérenne qui permettrait de faire face aux indispensables dépenses annuelles d'entretien.

Les travaux de la mission d'information nous ont permis de mettre à jour une pratique conventionnelle entre les assureurs et la Caisse centrale de réassurance qui gère le régime « CatNat » – catastrophes naturelles. En effet, la surprime de 12 % prélevée par les assureurs sur les contrats habitation afin de financer ce régime suit un cheminement particulier : 12 % de ce montant sont versés au fonds Barnier, alors que la CCR ne reçoit qu'une moitié des 88 % restants, l'autre moitié étant conservée par les assureurs. Depuis près de vingt ans, les sommes très importantes ainsi conservées et placées par les assureurs ont produit des intérêts non négligeables. Il est tout à fait possible d'en évaluer les flux et même d'en retracer les imputations comptables. Je propose donc que soit effectué un prélèvement annuel sur ces produits sans doute croissants. Un rapide calcul permet d'affirmer qu'il peut générer, sans mettre en difficulté les assureurs, la majeure partie de la somme nécessaire à la maintenance annuelle des ouvrages de défense contre la mer.

D'autres solutions peuvent être envisagées, mais ne nous leurrons pas : faute de disposer d'un financement pérenne affecté à l'entretien annuel des digues, l'après Xynthia n'aura pas lieu.

1 commentaire :

Le 20/03/2011 à 06:33, Justine (juriste) a dit :

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Des habitations ont été construites dans des zones dangereuses. Le risque de submersion marine était connu depuis plusieurs années par les services de l'État et par les élus locaux. Cela n’a pas empêché les maires de délivrer des permis de construire.

Cette question est éludée. Les élus préfèrent apparemment se retrancher derrière une « nébuleuse d'irresponsabilité collective », selon la curieuse expression du rapport d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia, déposé au sénat le 10 juin 2010. http://www.senat.fr/rap/r09-554/r09-554.html

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