Dès le mois de mars, nous avions dénoncé l'absence d'expertises sérieuses et annoncé les méfaits, à court, moyen et long termes, de ces décisions hâtives. On commence à en mesurer les effets.
Le rapport de l'équipe d'experts menés par Christian Pitié et le préfet Leyrit, dont je salue la qualité, précise clairement que, dans bien des cas, ces zones noires peuvent être protégées. Pour le village des Boucholeurs, que je connais bien, le rapport précise que près de 70 % des maisons peuvent d'ores et déjà être sorties de la zone noire. Pourtant, nombre de ces maisons ont déjà été achetées par l'État. La semaine dernière, une maison a encore fait l'objet d'une acquisition par l'État pour 750 000 euros, alors que, à l'évidence, le rapport Pitié l'exclut de la zone noire. Au total, près de 15 millions d'euros vont être dépensés dans mon village, alors qu'on nous conteste une participation de 150 000 euros pour les protections d'urgence, d'ailleurs préconisées par le rapport Pitié. Que vont devenir ces maisons ? Quel urbanisme ? Comment gérer tous les trous créés par ces décisions ? Toutes ces questions, que nous posions déjà en mai dernier, restent aujourd'hui sans réponse.
Comme prévu, ces zonages ont provoqué la ruine de petites entreprises de tourisme, comme à Aytré, où trois propriétaires de camping se retrouvent spoliés de leur outil de travail et ruinés, alors qu'un hôtel-restaurant de luxe va se voir indemnisé de plusieurs millions.
Dans le même temps, un petit restaurateur de Charron se voit refuser l'indemnisation de sa maison d'habitation au motif qu'il n'y payait plus de taxe d'habitation depuis trois ans.
Quant à la décision concernant des terrains constructibles qui ne valent plus rien du fait de ces zonages, elle plonge de modestes propriétaires dans une situation incompréhensible, surtout lorsqu'ils voient leurs voisins indemnisés à des hauteurs surprenantes.
Ces effets avaient été annoncés et nous devons rétablir l'équité, faute de quoi les juges seront sollicités pour dire le droit. Mais je tiens à souligner également, madame la ministre, tous les efforts que vous avez faits, depuis quelques mois, pour régler au cas par cas un certain nombre de problèmes. Je souhaite que ceux-là le soient de la même manière.
Les plans de prévention des risques ont été prescrits en urgence, ce qui est une excellente chose. Mais, de grâce, ne retombons pas dans les excès. Prenons le temps d'analyser et de modéliser. L'expertise scientifique, la vraie, servira alors de base à une vraie concertation.
Une doctrine réaliste de l'État sera d'autant mieux acceptée qu'elle sera cohérente. Évitons par exemple que le préfet de Charente-Maritime interdise la création d'étages pour la mise en sécurité des personnes, alors que le préfet de Vendée le préconise dans le projet de PPR de La Faute-sur-Mer.
Alors, comment envisager l'avenir de notre littoral ?
Cette tempête aura au moins le mérite d'avoir déclenché, dans un second temps, une vaste réflexion collective. Les groupes de travail de l'État ou d'associations d'élus élaborent des propositions. L'Atelier littoral réfléchit avec les élus à un nouvel urbanisme plus responsable. Néanmoins ne perdons pas de vue que le littoral attire et attirera toujours de nouvelles populations. Il faut donc que l'État ne se cantonne pas à un rôle de censeur.
Le rôle des collectivités est fondamental et les élus assumeront leurs responsabilités. Cependant notre réglementation a conduit à des situations stupides et dangereuses. À Aytré, rue de la plage, on a interdit les étages au nom de l'intégration dans le site. À Châtelaillon et aux Boucholeurs, on a poussé les gens à construire dans les parties basses, alors que les parties hautes font l'objet de positions très équivoques de la part des services de l'État, qui alimentent les contentieux.
Quant aux ouvrages de protection, si nous sommes opposés, comme vous et le Président de la République, aux digues immobilières, notre devoir de protection ne doit pas être freiné par des tergiversations tatillonnes au nom d'une écologie incompréhensible. Comment expliquer aux 250 familles sinistrées des Boucholeurs que la digue prévue pour les protéger après la tempête de 1999 n'a pas été réalisée faute d'accord avec une association de protection de la nature ? Comment leur expliquer que le rapport Pitié reconnaît l'efficacité d'un projet de brise-lames, mais met en doute sa faisabilité au nom de difficultés environnementales ?
Il faudra faire des choix certes, mais pour nous, la priorité sera toujours la sécurité de nos concitoyens. Nous ne sommes plus dans l'intérêt général, mais dans la survie de ceux qui habitent le littoral.
Enfin, madame la ministre, reste le financement de notre protection. Là encore, je salue votre détermination, mais les 500 millions d'euros que vous avez obtenus récemment pour les cinq années à venir ne suffiront pas, loin s'en faut.
Les Hollandais ont décidé de consacrer 1 milliard d'euros pendant vingt ans au renforcement de leur sécurité contre la submersion. Je sais bien que les situations sont différentes, mais nos 3 000 kilomètres de côtes verraient ainsi consacrer deux fois plus de moyens à leur protection environnementale qu'à la protection de leurs habitants.
Là aussi, il faudra choisir, il y va de notre responsabilité. Les propositions de financement que la mission a suggérées doivent être étudiées, comme l'a rappelé M. Bono. On ne peut pas tout attendre de l'État et des collectivités, c'est vrai.
Notre mission est à votre disposition, madame la ministre. Elle vous fait confiance ; profitez-en. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)