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Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 2 mars 2011 à 15h00
Débat sur les rapports entre la france et le continent africain

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Ayrault :

… pour bien montrer la faute politique qui a été commise à l'époque : « Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. Il ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès. Dans cet univers où la nature commande tout, l'homme reste immobile au milieu d'un ordre où tout semble écrit d'avance. Jamais l'Homme ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin. » Tel était le discours du Président de la République française. Comment voulez-vous que les Africains n'aient pas été profondément meurtris, qu'ils n'aient pas été blessés par ce discours ?

Depuis deux mois, c'est le chef de la diplomatie française qui est resté immobile quand les peuples arabes, de la Tunisie à la Libye, étaient en train de bousculer l'Histoire. Dans cent ans, les historiens écriront peut-être que le monde arabe est entré dans le XXIe siècle au mois de janvier 2011 et que le président français a pris acte tardivement de ce printemps arabe, pour modérer aussitôt son audace en agitant la peur de vagues déferlantes charriant de nouveaux migrants vers nos frontières.

La vision stratégique que nous attendons d'un Président de la République, d'un Gouvernement, c'est pourtant de saisir avec enthousiasme cette occasion unique, c'est de se réjouir de partager ce moment où la liberté gagne de nouveaux territoires.

La vision stratégique, c'est d'aider le monde arabe à s'approprier des principes que nous croyons universels.

La vision stratégique, c'est de conforter ces révolutions en aidant ces peuples à consolider la démocratie, en favorisant leur développement économique, en assurant une coopération avec des partenaires qui ne veulent plus être traités comme de simples obligés.

La vision stratégique, c'est de soutenir un processus qui peut permettre tout à la fois l'émergence d'un islam modéré et la constitution d'États qui, tout en préservant la liberté de conscience, séparent le temporel du spirituel.

La vision stratégique, c'est d'imaginer que la démocratie et la liberté sont les meilleurs remparts contre le fanatisme et le terrorisme.

La vision stratégique, enfin, c'est d'imaginer des citoyens heureux qui n'auront plus jamais envie de fuir leur pays pour gonfler les rangs des clandestins pour lesquels la vie est une succession d'humiliations et de frustrations. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Pour que la France se montre à la hauteur de ces enjeux, il faut d'abord redonner confiance à un appareil diplomatique qui, justement, a perdu confiance.

M. Alain Juppé, nouveau ministre des affaires étrangères, avait d'ailleurs signé en juillet dernier avec l'un de ses prédécesseurs, Hubert Védrine, une tribune qui exhortait le gouvernement à « cesser d'affaiblir le Quai d'Orsay », devenu en quelque sorte un réseau exsangue « du fait d'une revue générale des finances publiques aveugle », « incapable d'ici à quelques années de remplir ses missions pourtant essentielles ».

Nous partageons l'idée d'un effort budgétaire nécessaire mais, au delà de ces considérations, l'échec diplomatique tient aussi à la nomination des ambassadeurs. Sans revenir sur la forme des interventions et le comportement de M. Boillon en Tunisie, il est consternant d'entendre un diplomate français – je dis bien : français – expliquer que « l'Irak est le vrai laboratoire de la démocratie dans le monde arabe » et que « c'est là que se joue l'avenir de la démocratie dans la région et qu'on le veuille ou non, tout cela a été obtenu grâce à l'intervention américaine de 2003 ».

Alors quelle est donc l'inspiration de M. Boillon ? Qui fixe son cap, monsieur le ministre ? Au nom de quel pays parle-t-il ?

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