Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite que l'initiative du groupe GDR nous permette de débattre aujourd'hui dans cet hémicycle de nos relations avec les pays d'Afrique et les pays riverains de la Méditerranée.
Nous devons avant tout nous réjouir de ce vent de liberté qui s'est levé dans le monde arabe. Ces événements ne sont ni religieux, ni nationalistes. Ce sont des mouvements portés par une jeunesse impatiente et des classes moyennes éclairées. La France doit accompagner ces évolutions en respectant un équilibre entre la non-ingérence et le soutien à ses valeurs.
La transition démocratique sera sans doute longue et heurtée. Les incidents de ces derniers jours en Tunisie, qui ont fait plusieurs morts et se sont soldés par la démission du Premier ministre Mohammed Ghannouchi, témoignent de ces difficultés.
Que doit faire la France en Afrique du nord ? Selon moi, agir dans trois directions.
D'abord, ces événements doivent être compris comme une occasion de renforcer nos relations privilégiées avec les peuples du Maghreb.
Même si la Tunisie, le Maroc et l'Algérie sont différemment affectés, il est clair que tous ces régimes seront conduits, dans les prochains mois, à se réformer. Ces pays appartiennent au premier cercle de notre influence et de notre rayonnement. Des liens humains et culturels se sont tissés au fil des siècles entre les deux rives de la Méditerranée, liens qu'aucune crise n'a pour le moment jamais tranchés. Nos relations économiques sont également denses et fructueuses, comme en témoigne le fait que nos exportations vers ces trois pays atteignent près du double de nos exportations vers la Chine. Nos populations sont également en contact étroit à travers des diasporas nombreuses, toutes profondément attachées à l'espace et à la culture francophones.
Ces liens constituent à la fois des atouts et des devoirs ; ils nous obligent à une solidarité sans faille et nous offrent des perspectives prometteuses. C'est parce que je crois que les malentendus récents ne peuvent gravement affecter ces relations que j'ai décidé de conduire, ce mois-ci, une mission de la commission des affaires étrangères en Tunisie.
La France peut s'appuyer sur son réseau diplomatique de qualité, sa connaissance approfondie de l'Afrique du Nord, sur son expérience et sa présence en matière d'aide publique au développement, sur son réseau d'entreprises privées. Elle devra solliciter tous les vecteurs, y compris médiatiques, de sa diplomatie d'influence culturelle et linguistique.
Deuxième orientation : forte de son influence en Europe, la France doit réorienter la politique de l'Union européenne en direction des pays de la rive sud de la Méditerranée. Dans les années quatre-vingt-dix, l'Allemagne avait été l'avocate d'une politique européenne ambitieuse en faveur des pays d'Europe centrale et orientale. La France doit aujourd'hui être le moteur d'une politique de même ampleur en faveur des pays méditerranéens.
Est-il normal que l'aide européenne par habitant en faveur de l'Égypte soit aujourd'hui quinze fois plus faible que celle en faveur de la Moldavie ? On pouvait, à la rigueur, le justifier quand l'enjeu était de stabiliser l'Est européen ; aujourd'hui, il s'agit de relever un autre défi, au Sud. C'est pourquoi il me semble indispensable que la France obtienne de ses partenaires européens, géographiquement éloignés du bassin méditerranéen, une redéfinition des priorités budgétaires de l'Union.
Troisième orientation : il convient de réactiver et de rénover l'Union pour la Méditerranée lancée en juillet 2008. Jusqu'à présent, l'UPM a surtout souffert des difficultés liées au conflit israélo-palestinien, mais d'autres entraves l'ont paralysée.