La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de l'agriculture et de la pêche (nos 2559, 2636, 2581).
Hier soir, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures dix-neuf minutes pour le groupe UMP, sept heures quarante-sept minutes pour le groupe SRC, trois heures vingt minutes pour le groupe GDR, deux heures vingt et une minutes pour le groupe du Nouveau Centre et quarante minutes pour les députés non inscrits.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, chers collègues, une fois de plus, l'agriculture traverse une crise, mais celle-ci est sans précédent.
La loi de modernisation agricole, plan d'urgence voulu par notre Président de la République, peut aider les exploitations à surmonter les difficultés actuelles : les revenus de nos agriculteurs ont baissé l'année passée de 32 % après une chute déjà impressionnante de 23 % en 2008. Certains d'entre eux en sont à travailler plus de douze heures par jour pour rien.
Il est très grave de constater que c'est le monde paysan – les éleveurs, agriculteurs, maraîchers, arboriculteurs, pêcheurs dont le métier est de faire en sorte que nos concitoyens se nourrissent – qui meurt de faim.
Pourtant, l'agriculture est vitale pour la France, pour l'Europe, pour la planète. Elle est notre histoire, notre rapport à la terre et notre lien social à travers les territoires. Elle doit garantir notre alimentation.
Inexistante dans le passé, la concurrence est désormais plus que présente et elle s'accompagne d'une surproduction des pays, aussi paradoxale soit-elle.
Tous les acteurs de la chaîne doivent pouvoir vivre décemment du fruit de leur travail. Le consommateur, lui, a le droit de manger des produits de qualité. Cette loi doit relever ce défi conjoncturel.
Depuis des années, l'agriculture a évolué et elle a contribué à préserver l'espace agricole. Tout investissement engagé doit créer une source de revenus. L'agriculteur doit retrouver ses marges de manoeuvre ; il ne doit plus souffrir et doit pouvoir monnayer la valeur ajoutée de son travail.
La France était l'une des premières puissances agricoles ; elle ne peut plus continuer à perdre l'équivalent d'un département tous les dix ans ; elle doit préserver sa surface agricole utile et sa diversité. Pour cela, de bonnes décisions doivent être prises.
Notre pays, vous le savez, est renommé pour ses produits de qualité et sa sécurité alimentaire. La traçabilité des produits doit être encore améliorée, car c'est un enjeu majeur commercial et sanitaire.
Contrairement à la plupart des réglementations ou normalisations imposées par les États, la traçabilité est populaire auprès des consommateurs qui y trouvent l'exercice plein de leur pouvoir de choisir ce qu'ils mangent. Une sécurité alimentaire renforcée créera obligatoirement une solidarité entre le producteur et le consommateur, et entre producteurs eux-mêmes.
Nicolas Sarkozy, lors d'une visite chez les céréaliers du département de 1'Essonne, a dit souhaiter profiter de la présidence française du G20, de novembre 2010 à novembre 2011. Il réunira un sommet sur les problèmes de volatilité des cours des matières premières, notamment agricoles.
Notre planète compte environ sept milliards d'hommes dont 850 millions souffrent de sous-alimentation chronique, soit une personne sur sept. D'ici à 2050, la population mondiale devrait passer à neuf milliards d'habitants, ce qui fera exploser les besoins en alimentation et en énergie, en particulier dans les pays du Sud qui vont accueillir trois milliards de personnes supplémentaires.
Dès lors, se posent trois questions. Comment va-t-on produire des aliments en quantité suffisante ? Comment le faire en respectant les écosystèmes ? Comment y parvenir en les distribuant de manière équitable entre tous ?
Déjà, il va falloir multiplier la production par deux ou trois : ce ne sera pas simple si les terres agricoles entrent en compétition avec celles destinées aux biocarburants. Je crois qu'il faudra trouver autre chose pour les véhicules…
Lors d'un prochain G20 consacré aux cours des matières premières et au programme alimentaire mondial, il serait souhaitable de sélectionner une liste de produits alimentaires de base dont nous assurerions un encadrement des prix et des quantités au niveau mondial, en faisant en sorte que chaque producteur, chaque transformateur, chaque distributeur gagne sa vie honorablement avec ces produits de base.
Avec le projet de loi de modernisation agricole qu'il a souhaité, notre Président de la République a montré l'attention qu'il porte à la question des prix agricoles et l'importance qu'il souhaite donner aux moyens qui permettraient de réduire les sources d'accident.
Il a déclaré « être prêt à aller à une crise en Europe plutôt que d'accepter le démantèlement de la politique agricole commune et plutôt que de laisser la spéculation fixer de façon erratique des prix agricoles, qui ne permettraient pas aux agriculteurs de vivre décemment du fruit de leur travail. »
Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de caler ce texte sur les règles européennes. Nous savons bien que c'est à ce niveau que nous pouvons penser à régler les problèmes de nos agricultures françaises et européennes face à la concurrence mondiale.
Le vote de cette loi conditionnera l'avenir de notre agriculture française, permettra de réguler les marchés et d'instaurer de bonnes relations entre producteurs, acheteurs et consommateurs. Il renforcera notre compétitivité. Ce texte, monsieur le ministre, est très attendu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur l'excellentissime rapporteur Michel Raison (Sourires),…
…messieurs les rapporteurs Patria et Guédon, mes chers collègues, un regard même rapide sur l'histoire de l'agriculture française peut nous exhorter à appréhender son avenir avec plus de confiance et un zeste de sérénité.
S'il est vrai que la principale faculté de la mémoire est trop souvent l'oubli, souvenons-nous néanmoins qu'entre 1958 et 1969 la situation agricole n'était pas simple, et la volonté du général de Gaulle a été de permettre à ce secteur d'emprunter la voie de la modernité : face à des changements jugés inéluctables, il fallait une nouvelle ambition pour l'agriculture française qui comptait 2,5 millions exploitations familiales pratiquant pour beaucoup une économie de subsistance dans un système autarcique. Cette ambition nouvelle qui devait conduire l'exploitation familiale vers une véritable entreprise agricole passait par l'avènement du marché commun et de son volet agricole.
Monsieur le ministre, cette situation d'hier et celle d'aujourd'hui ne sont pas sans similitudes : la France dut convaincre quelques partenaires européens, particulièrement l'Allemagne, pour parvenir à d'utiles négociations qui débouchèrent, en juillet 1958, sur la conférence de Stresa où furent établies les règles de la politique agricole commune.
La France dut alors lancer un énorme chantier technique, économique et social. Il fallut relever un vrai défi, provoquer une révolution culturelle dont le cadre et l'ambition furent fixés par la loi d'orientation agricole née de la volonté de Michel Debré.
La politique agricole commune s'organisa autour de trois grands axes : un marché unique qui exigeait à l'époque des prix agricoles communs ; une préférence communautaire ; une prise en charge communautaire et solidaire des dépenses de la PAC. Progressivement, chaque production fut dotée d'une organisation de marché ; la première vit le jour en 1962 au profit des céréales.
Au fil du temps, notre agriculture connut des vicissitudes liées notamment à la surproduction. Les quotas qui sont maintenant adulés furent alors instaurés, et leur création provoqua des contestations voire des contentieux.
Lors des accords de Berlin de 1999 – à une époque où la droite n'avait pas les manettes, si vous me permettez l'expression – il était convenu de supprimer la PAC à brève échéance. Il fallut les accords du Luxembourg, en 2003, pour prolonger les outils PAC existants jusqu'en 2013.
L'histoire paraît bien un éternel recommencement : aujourd'hui, une page nouvelle est à écrire pour la survie et la légitime évolution de notre agriculture au sein d'une Europe qui se cherche et se construit.
Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, notre agriculture est en danger. Nombre d'éléments demandent des réponses : l'absence d'outil de régulation, la volatilité et l'effondrement de ses prix, la léthargie qui entache les nécessaires réactions européennes, une concurrence de plus en plus exacerbée entre l'Allemagne qui progresse et la France qui réduit.
Il est temps et grand temps que notre conscience politique soit efficacement interpellée ; s'arrêter à un simple constat, se répandre en voeux pieux et en incantations serait tout simplement faire la preuve d'une certaine incapacité. Il faut repenser l'organisation de notre agriculture en mettant en place des mesures nouvelles et adaptées. C'est tout l'enjeu de cette loi de modernisation qui occupe nos instants.
Toutefois, une loi ne peut être considérée comme le père Noël de la République : si elle exprime une volonté et des espoirs, si elle recèle des mesures, elle porte aussi son lot d'incertitudes et d'interrogations. Le texte qui nous est soumis répond à une première et impérieuse nécessité : tenter d'apporter à l'agriculteur la sécurité dans la durée et lui permettre d'avoir des perspectives.
De ce texte semble se dégager les nécessaires prémices d'une évolution plus qu'attendue : la contractualisation des rapports entre producteurs et transformateurs ; l'instauration de mécanismes d'assurance pour se prémunir des conséquences des aléas climatiques et sanitaires ; la taxation de la spéculation sur les terres agricoles.
Comme en 1960, et à partir de l'actuelle démarche lucide, cohérente et volontariste que vous incarnez, monsieur le ministre, la France a le droit d'entretenir de légitimes velléités d'entraîner dans son sillon l'espace agricole européen vers une organisation nouvelle de l'agriculture, génératrice d'outils nouveaux, capables de réguler et de permettre de produire dans la transparence et avec des marges.
Pour l'avocat que je demeure, la contractualisation des rapports entre producteurs et transformateurs est d'importance. En droit français, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Si je ne suis pas trop inquiet pour les rapports susceptibles d'être ainsi scellés entre producteurs et transformateurs, apportant plus de transparence dans le prix et les marges sur une période certes limitée, je reste plus dubitatif sur le troisième cocontractant qui pourrait être la distribution.
Certes, les conventions tripartites ne sont pas interdites ; mais, en l'état, le texte qui nous est soumis laisse à penser que l'éventuel troisième maillon, c'est-à-dire la distribution, paraît moins concerné et reste sur le terrain flou de l'éventualité.
Cependant, ce troisième maillon n'est pas moindre dans la chaîne de garantie des prix et des marges. Il devrait même exister une certaine interdépendance entre les acteurs concernés.
Aussi, monsieur le ministre, je demeure persuadé que vous ne manquerez pas d'arguments rassurants, novateurs et précis à cet égard.
En tout cas, la loi de modernisation agricole nous place à un tournant de l'agriculture. Cette loi est attendue et nécessaire. Même si elle est imparfaite, je la voterai sans état d'âme.
La pêche sera la signature de mon propos, en forme de clin d'oeil. Je suis d'une région frontalière avec la Suisse ; les sites halieutiques les plus proches ne sont autres que les lacs de Genève ou de Neuchâtel… (Sourires.) Néanmoins, par solidarité, je formule le voeu que ce texte resserre les mailles du filet afin de garantir à nos pêcheurs une exploitation rentable, durable et effective des ressources halieutiques, dans toute leur diversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai été directeur de chambre d'agriculture pendant une quinzaine d'années : c'était en 1980. Trente ans plus tard revient la même ritournelle, la même antienne : une loi d'orientation spécifique aux outre-mer est indispensable. Ce projet de loi dit de « modernisation agricole » repose, je l'avoue, sur de bons principes et sur un constat apparemment incontestable ; il affirme aussi une ambition légitime.
Le constat, c'est celui d'une agriculture française qui ne peut plus ignorer son environnement, qui doit s'adapter aux contraintes de la mondialisation et prendre en compte les exigences et les promesses de l'innovation scientifique et technologique, la compétition commerciale et les changements des goûts et des modes de consommation. Prendre une conscience renouvelée de ces changements et de ces contraintes est de bonne politique et participe même du réalisme qui doit nécessairement présider à l'exercice du pouvoir. Le projet de loi affirme une ambition légitime en ce qu'il tente d'adapter nos textes à une réalité mouvante, à anticiper des évolutions et à rénover notre modèle agricole. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur les écarts entre les promesses et les ambitions, et sur le rendu qui est fait de ce projet, qui reste en effet très largement en deçà des attentes des élus et des milieux socioprofessionnels.
Mais là où la déception et la lassitude sont grandes, c'est précisément dans les outre-mer. Je le répète, cela fait trente ans que nous attendons, trente ans, à chaque fois que nous évoquons nos réalités, que l'on nous renvoie à des ordonnances qui ne viennent jamais. À l'instar de la soeur Anne dans ce conte de Perrault que j'avais appris dans ma jeunesse, cela fait trente ans que nous scrutons l'horizon politique et agricole, et que ne voyons rien venir. Ce texte est un déni, et même une sorte de péché contre l'esprit de nos institutions. Une fois de plus, vous revenez devant la représentation nationale en renvoyant à des ordonnances. Il y a là un impensé gouvernemental qui montre que vous ne connaissez pas nos réalités, ou que vos services n'ont pas fait l'effort de formaliser ce qu'ils en savent pour répondre à nos attentes et à nos aspirations.
Vous pardonnerez à l'ancien directeur de chambre d'agriculture, aujourd'hui président de région, de le dire : je ne comprends pas cette méthode qui consiste à renvoyer à des ordonnances, lesquelles porteront d'ailleurs sur quatre petits sujets. Croyez-vous vraiment, monsieur le ministre, que le développement agricole de nos régions dépendra de l'organisation interne des chambres d'agriculture, que vous entendez réformer ? Croyez-vous, de même, que notre modèle de développement et notre avenir agricole dépendront de cette commission chargée de statuer sur la destination des terres agricoles déclassées, même s'il s'agit d'une demande que nous faisons depuis longtemps ? Je n'oublierai jamais que l'on voulait adapter à nos réalités le modèle d'exploitation agricole à responsabilité familiale à deux unités de travail humain. Tout ce corpus, que dis-je, ce massif, ce monument politique, juridique et réglementaire conçu pour des pays à hivers, vous entendez, moyennant quelques ajustements marginaux, l'adapter à des pays au climat tropical…
Votre prédécesseur, M. Bussereau, m'avait personnellement demandé de faire preuve de patience, me promettant une future loi d'orientation agricole. On nous a bassinés, passez-moi l'expression, avec la loi Pisani dans les années soixante et, plus récemment avec la loi de 2006 : attendez, soyez patients, nous formaliserons tous ces problèmes, nous a-t-on promis. Mais rien n'est venu, sinon ces quatre petites propositions reléguées à la fin de votre texte, sur l'aquaculture, la pêche marine, l'organisation des chambres d'agriculture et la transmission des terres agricoles. Tout cela n'est pas sérieux, monsieur le ministre.
Je crois sincèrement en votre bonne volonté ; je trouve que vous défendez bien les intérêts de la France dans le monde, et en particulier à Bruxelles ; mais vous oubliez que nous aussi sommes des territoires de la République, qui ont besoin de textes adaptés. En d'autres termes, il faut une loi d'orientation agricole, un modèle spécifique pour nos pays sans hiver. Vous avez la possibilité, aujourd'hui, de vous engager solennellement à installer, dans les six mois qui viennent, une mission de codification des milliers de textes dispersés dans le code de l'environnement, le code rural, le code forestier ou le code de l'urbanisme. Cette codification pourrait se faire à droit constant ; ce serait déjà une avancée considérable. Faites-le ! Nous avons par ailleurs engrangé suffisamment d'idées pour concevoir une loi d'orientation agricole spécifique : demandez à toutes les professions ! Je vous le dis depuis longtemps.
Je conclurai en évoquant deux défis majeurs, parmi tant d'autres évoqués par Louis-Joseph Manscour, Huguette Bello et plusieurs orateurs de notre groupe comme de la majorité. Le premier défi concerne le chlordécone, au sujet duquel une étude vient d'être publiée après des années de recherche. Le président Ollier, qui me regarde, a écrit un rapport pragmatique, assorti de propositions. Un deuxième plan pour 2010-2013 est par ailleurs attendu, mais ce n'est pas suffisant. On a même rogné sur les crédits – les 36 millions d'euros sur trois ans… Or l'étude du professeur Multigner et du professeur Blanchet vient d'être publiée : elle affirme qu'il existe un lien fort entre la présence de chlordécone dans le sang et le cancer de la prostate. On a aussi découvert que nos compatriotes ayant vécu en métropole, lorsqu'ils rentrent au pays, sont plus exposés que les populations ayant conservé un mode d'alimentation traditionnel. Vous le voyez, lorsque l'alimentation traditionnelle est remise en cause, c'est tout un pan d'une culture qui s'en va. Je vous demande, monsieur le ministre, d'en tenir compte, et de ne pas renvoyer à des mesures un peu cosmétiques qui ne répondent pas aux attentes des professionnels.
J'en viens au second défi, et je vous remercie du courrier que vous avez adressé aux députés d'outre-mer qui vous ont écrit, comme je remercie, d'ailleurs, le Président de la République, qui a parlé de mesures de compensation. Quel sens y a-t-il à baisser la garde devant les multinationales américaines et la banane dollar, et à passer des accords bilatéraux avec la Colombie et le Pérou, ouvrant ainsi le marché au détriment de toutes nos productions – et de celles de l'agriculture hexagonale –, pour d'hypothétiques profits qui résulteraient de nos exportations industrielles en Amérique latine ? Du fait de cette ouverture, nos économies sont désormais exposées. Et les compensations ? Nous les attendons, et présenterons plusieurs amendements en ce sens. Elles ont été promises par le Président de la République aux députés de l'outre-mer, et d'ailleurs à d'autres députés de la nation ; j'espère donc qu'elles verront le jour, car elles ne figurent pas dans votre projet de loi.
Ce n'est pas un opposant qui vous parle, mais un homme qui éprouve de l'amertume, et qui attend de votre part des engagements encore plus forts, des engagements tenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous très inquiets pour l'avenir du monde agricole. Cette inquiétude tient d'abord à l'extrême incertitude de beaucoup d'agriculteurs quant à l'avenir de leurs exploitations, compte tenu, en premier lieu, de la disparition de mécanismes de régulation, de la grande volatilité des prix – notamment depuis deux ans –, du poids des charges résultant, en particulier pour les jeunes exploitants, des investissements liés à l'éco-conditionnalité et dont la rentabilisation devient très difficile.
Le deuxième facteur est la dispersion accélérée de certaines catégories de producteurs. Il est beaucoup question, dans le texte, des organisations de producteurs et des interprofessions ; de fait, les situations sont très contrastées. Je suis élu dans un département où tous les types de production agricole sont représentés. Si la viticulture ou l'élevage de volailles, par exemple, sont par nature des secteurs très organisés, pour d'autres, la dispersion s'aggrave dramatiquement : je pense notamment aux producteurs de lait et à certains éleveurs, confrontés à une grande distribution dont on n'a jamais réussi à maîtriser la puissance, en particulier dans les rapports inégaux qu'elle entretient avec les producteurs.
Troisième facteur : la banalisation des filières. Autrefois, des exploitants compensaient les difficultés d'une filière par la réussite d'autres filières, traditionnellement plus fortes. Aujourd'hui, avec la dérégulation, toutes les filières sont dans des situations à peu près comparables.
Une telle situation est paradoxale au regard des besoins alimentaires du monde, des exigences de sécurité s'agissant de l'origine et de la qualité des produits, des atouts de l'Europe dans une compétition internationale en perpétuelle évolution, et de ce que devrait être le caractère stratégique de l'agriculture pour l'Union européenne.
Que pouviez-vous faire dans ce contexte, monsieur le ministre ? Votre texte a un mérite : complété par un certain nombre d'amendements parlementaires, il va aussi loin qu'il est possible dans le sens où nous souhaiterions que s'oriente demain l'Union européenne. Telle est, me semble-t-il, la démarche de fond qui vous a inspiré et que l'on retrouve dans l'accent mis sur la contractualisation, le renforcement des interprofessions avec les indices de tendances de marché – modestes substituts aux éléments de prix –, le regroupement des producteurs et la gestion des aléas. Mais l'on voit aussi les limites de ce projet de loi : sur la question des prix, il faut sans doute regretter l'intervention de la direction générale de la concurrence – c'est elle qui, il y a quelques mois, a contribué à aggraver les difficultés de la filière laitière. Je pense aussi aux coûts de main-d'oeuvre, sur lesquels nous ne sommes plus seulement concurrencés par les pays du Sud, mais aussi, par exemple, par l'Allemagne, en particulier pour les fruits et légumes. L'Allemagne respecte-t-elle vraiment les règles ? La question mérite tout de même d'être posée. Ne faudrait-il pas reconsidérer l'assiette de nos cotisations sociales, au moins pour certaines catégories de production ? Cela dit, je sais bien que ces questions dépassent de loin le champ du projet de loi.
Vous me permettrez aussi d'évoquer, car c'est un sujet auquel vous fûtes sensible en d'autres temps, la question des retraites agricoles : si elle ne dépend plus de votre ministère, elle reste un élément de contexte du projet de loi.
La vraie question est en réalité de savoir quelle sera la réponse de l'Europe sur tous ces sujets, sur lesquels vous vous efforcez, monsieur le ministre, de progresser. Ce texte, d'une certaine façon, traduit une prise de position avant les futures négociations sur la PAC en 2013.
Il faut souhaiter que, lors de la négociation de la PAC et de son avenir, vous alliez bien au-delà des positions qu'exprime ce texte. En effet, dans cette nouvelle PAC, il faudra évidemment s'orienter vers une simplification bien plus poussée, notamment par la remise en cause des droits historiques.
Si nous voulons conserver une agriculture en Europe, nous devons continuer de défendre la préférence communautaire, c'est-à-dire à la fois l'indépendance alimentaire et une répartition équilibrée, sur tout le territoire, des activités agricoles. Nous devons également parvenir à préserver une part minimale de négociation et, au moins, des mécanismes d'intervention.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer – car c'est le plus important – dans quel esprit et avec quels espoirs vous abordez cette négociation de l'après-PAC, prévue en 2013, et quelles sont vos chances de voir alors se concrétiser les jalons que vous posez aujourd'hui par l'intermédiaire de ce projet de loi ?
Je souhaite enfin évoquer brièvement un sujet à propos duquel j'ai déposé des amendements sur lesquels nous reviendrons, mais que je sais imparfaits. Il s'agit du problème des conflits de voisinage, récurrent dans plusieurs régions.
Dans notre nouveau monde rural, les agriculteurs sont tout à fait minoritaires ; ils partagent du reste de plus en plus souvent les aspirations et les préoccupations de ceux que l'on appelle les néo-ruraux. Cependant, nous devons absolument trouver un dispositif qui protège les exploitants agricoles des recours dont ils font régulièrement l'objet de la part de personnes venues s'installer alors qu'ils pratiquaient déjà une activité de culture ou d'élevage.
La solution pourrait venir soit du code civil, soit de chartes de territoire auxquelles devraient adhérer les nouveaux arrivants, soit de conventions conclues devant un notaire. On limiterait ainsi, autant que possible, ce type de contentieux, qui empoisonne la vie des agriculteurs et entrave le développement des activités dans le monde rural.
Telles sont les observations dont je voulais vous faire part. Monsieur le ministre, ce projet est une tentative pour aller de l'avant, mais il n'aura de sens que si les pistes que vous y ouvrez sont confirmées par nos discussions sur l'avenir de la PAC au niveau de l'Union européenne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, alors que l'agriculture française est confrontée à une crise majeure, le Gouvernement nous présente un projet de loi qui répond à certaines inquiétudes des professions agricoles. Ce texte conditionne l'avenir des filières agricoles françaises au cours des trente années à venir.
Le constat est simple et complexe à la fois ; il mêle crise structurelle et conjoncturelle.
Élu d'une circonscription à dominante rurale marquée du sceau de l'agriculture – les monts du Lyonnais représentent une part importante de la ruralité dans le département du Rhône –, je ne peux que soutenir un projet de loi qui apporte des solutions aux problèmes que traverse notre agriculture.
Depuis le début de cette crise, j'ai rencontré de très nombreux représentants de la filière agricole. J'ai en effet la chance d'avoir, dans une zone de montagne de ma circonscription, la plus grosse production laitière de France. Tous ces jeunes m'ont dit l'amour de leur métier, leur passion de l'exercer, mais aussi la souffrance d'être impuissants face à la baisse de leurs revenus, qui atteint près de 34 % en moyenne. La plupart d'entre eux ont déployé des ressources insoupçonnables pour faire face à cette crise. Vous le savez, ils veulent d'abord affirmer leur aspiration à vivre dignement.
L'agriculture évolue, se transforme, s'adapte ; elle sait relever les défis croissants de l'Europe et de la mondialisation. Certains n'ont eu d'autre choix que de mettre fin à leur activité. D'autres se sont tournés vers une issue plus dramatique. Ne l'oublions jamais.
Monsieur le ministre, ce projet de loi, déjà modifié par nos collègues sénateurs, va, osons le dire, dans le bon sens. Son premier objectif est de consacrer, pour la première fois, une politique publique de l'alimentation.
Je n'insisterai que sur quelques points qui me paraissent importants. Il est indispensable de renforcer la compétitivité de notre agriculture. La France compte aujourd'hui 326 000 exploitants agricoles, contre 1,6 million en 1970. Nous devons leur offrir de nouveaux outils, en leur permettant de vivre de leur production tout en assurant, par le renouvellement des générations, une présence vitale dans nos campagnes, facteur d'aménagement du territoire.
L'objectif de stabiliser le revenu des producteurs par les contrats écrits, rendus obligatoires par la loi, entre producteurs et transformateurs est également primordial. Ces contrats assureront une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les différents acteurs de la filière.
Les interprofessions, dont le pouvoir d'action et les missions sont renforcés par l'article 7, y puiseront la puissance d'intervention qui nous a tant manqué ces dernières années. La commission de médiation veillera au bon fonctionnement de ce dispositif, en lien avec l'installation législative de l'observatoire des prix et des marges. Nous devrons nous aussi, parlementaires, évaluer cette politique, si nous ne voulons pas assister à la naissance contre-productive de nouveaux équilibres forcés.
Les outils de couverture des risques climatiques, sanitaires, environnementaux et économiques que crée le texte contribueront eux aussi à stabiliser le revenu des agriculteurs.
Vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, les réponses à apporter se situent également au niveau européen.
L'État doit soutenir l'installation de nos jeunes afin de rendre la profession rémunératrice et attractive. Les articles qui lui sont consacrés ont répondu pour partie aux interrogations des jeunes générations, dont les attentes sont nombreuses et précises.
La politique de sauvegarde du foncier est elle aussi essentielle. La pression foncière est parfois écrasante pour les jeunes agriculteurs qui s'installent ; la région périurbaine de Lyon en fournit un exemple.
Cette politique doit être globale et impliquer l'échelon local. C'est tout l'intérêt des principales dispositions du titre III. J'y souscris, et j'irai même plus loin : l'aménagement du territoire est l'affaire de tous, car les agriculteurs sont essentiels au tissu rural et à la préservation des terres agricoles.
J'ajoute que certains élus locaux qui souhaitent modeler leur PLU à leur façon pour faire de l'urbanisme durable prennent souvent pour prétexte la loi et le législateur, selon eux contraignants, pour invoquer tel ou tel changement de destination des zones cadastrales et justifier leur impuissance à satisfaire les demandes croissantes d'urbanisation. La préservation du capital foncier est elle aussi l'affaire de tous. Chacun doit donc assumer ses responsabilités et tendre vers l'intérêt général.
J'espère que le plan régional d'agriculture durable remédiera à ces incohérences en donnant naissance à une politique volontariste de sauvegarde des terres agricoles.
Notre agriculture est le coeur battant de nos campagnes ; ne l'oublions jamais. C'est aussi une partie de l'identité de notre pays, qui souffre aujourd'hui. « Vous pouvez arracher l'homme du pays, mais vous ne pouvez pas arracher le pays du coeur de l'homme », écrivait Dos Passos. Le lien séculaire qui unit l'agriculture et la nation est aujourd'hui encore plus vital pour notre pays. Nous souhaitons tous que ce pacte soit renouvelé, et durablement.
J'espère évidemment, monsieur le ministre, que les quelques amendements que j'ai déposés enrichiront votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Robert Lecou. (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comment ne pas prendre part à un tel débat ?
Nous sommes tous fils, petits-fils, arrière-petits-fils de paysans. Nous habitons un merveilleux pays ; il suffit de traverser la France pour le constater. Ainsi, me rendant récemment dans le nord du Cotentin pour y visiter une installation française exemplaire, j'ai traversé cette belle Normandie – vous la connaissez bien, monsieur le ministre – après avoir quitté le non moins beau Languedoc-Roussillon, ma terre natale.
Vous nous invitez donc à débattre, puisque vous avez décidé de légiférer afin de moderniser l'agriculture française. L'objectif est pertinent, l'intention est louable, mais la tâche est ardue, et elle est essentielle. Vous faites preuve de courage et de clairvoyance ; vous êtes à l'écoute et vous êtes un homme de terrain.
Si la tâche est ardue, c'est en raison de l'importance de l'agriculture. Il y a quatre cents ans, Sully et Henri IV ont fait le nécessaire pour que la France soit une terre nourricière. Aujourd'hui, l'agriculture constitue toujours un secteur fondamental de notre pays.
Mes chers collègues, le monde dans lequel nous vivons et la difficile période de crise que nous traversons conduisent à réaffirmer l'importance de l'économie réelle. Or l'agriculture, comme les secteurs de production en général, est bien au fondement de cette économie réelle.
L'agriculture, c'est la vie. L'agriculture, c'est l'alimentation ; c'est l'indépendance de la France ; c'est aussi la lutte contre la faim dans le monde. La France est une grande nation qui apporte beaucoup à ses citoyens, mais aussi, plus largement, au monde entier. Du reste, notre économie elle aussi se nourrit de l'agriculture puisque celle-ci, avec l'ensemble du secteur agro-alimentaire, profite à notre balance commerciale. À une époque où la balance commerciale française est en difficulté, nous pouvons donc nous féliciter de nos vins et spiritueux et, plus généralement, de notre secteur agro-alimentaire.
L'agriculture, c'est aussi la sécurité alimentaire, c'est l'entretien de l'espace, ce sont des territoires vivants ; c'est le maillage de la France. Ce sont des femmes et des hommes passionnés, enracinés, attachés à leur terre, à leur production, à leur travail.
Or l'agriculture française est en crise. Certes, les agriculteurs sont habitués aux calamités, qui relèvent parfois de l'impondérable, avec lesquelles ils doivent composer et qu'ils acceptent. Mais, aujourd'hui, ils sont confrontés à la crise de la mévente, à la concurrence déloyale, au fait que les normes environnementales appliquées en France au nom de la sécurité alimentaire ne le sont pas ailleurs et à une baisse considérable des revenus, qui dépasse les 30 %. C'est insupportable. Cette crise fait perdre à l'agriculture l'équivalent d'un département tous les dix ans.
Dans ce contexte, nous avons la responsabilité de prendre part à la réflexion, mieux, à l'action visant à défendre et à sauver notre agriculture. Il faut accompagner les agriculteurs. Il faut réguler l'agriculture au lieu de la livrer à une liberté sauvage.
Il faut aussi simplifier l'agriculture. Je songe ici à tous ces agriculteurs qui, le soir venu, après une journée de rude labeur à l'extérieur, se transforment en secrétaires administratifs pour remplir papiers et imprimés.
Il était bon, me semble-t-il, de rappeler tout cela, pour bien comprendre le sens du projet que vous nous proposez aujourd'hui d'examiner.
Si vous me le permettez, j'évoquerai mon vécu, qui s'enracine dans le territoire de ma circonscription, que je connais bien et où la viticulture marque son empreinte sur les paysages comme sur l'économie locale. Dernièrement, lors d'une réunion publique dans mon village de Saint-Privat, j'ai été très surpris de la composition de l'assistance : on y voyait de nombreux néo-ruraux, et les anciens étaient absents. Sur le chemin du retour, j'ai également vu des jachères là où se trouvaient auparavant des vignes.
Si, sur le plan qualitatif, la viticulture a vraiment fait sa révolution, elle n'en mérite pas moins, monsieur le ministre, d'être accompagnée. Les marchés doivent être régulés pour remédier aux conséquences des fluctuations des récoltes et une contractualisation vraiment équitable avec le négoce doit permettre une rémunération correcte des viticulteurs et des producteurs.
Je veux également évoquer la difficile situation de l'ostréiculture sur le territoire de ma circonscription. Avant de regagner cet hémicycle, j'ai d'ailleurs appelé le représentant des ostréiculteurs de Thau.
En raison de la mortalité des naissains, nous risquons de connaître à la fin de l'été une pénurie de certaines catégories d'huîtres, notamment les huîtres usuelles. Les fêtes de Noël s'annoncent également comme une période de possible pénurie.
Dans ce domaine, nous devons, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous encourager à passer les trois très difficiles années qui nous attendent, car le programme de recherche actuellement en cours ne suffira pas. En l'absence de stocks, nous devons permettre aux ostréiculteurs de traverser cette période difficile avant de renouer avec la belle production qu'ils connaissent habituellement.
Je veux aussi parler de la pêche. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Oui, mes chers collègues, de la pêche ! Je rends hommage au ministre qui, récemment, a su condamner sans délai des actes de piraterie commis par certains à l'encontre de pêcheurs de thon qui, eux, respectaient le calendrier et les quotas définis par la loi.
Il n'en est cependant pas moins vrai que la pêche doit être réorganisée. Je souhaiterais à cet égard que la politique commune de la pêche soit régionalisée. Il n'est effectivement pas normal que l'on applique en Méditerranée des règlements conçus pour la mer Baltique ou la mer du Nord.
Il importe également d'aider la pêche artisanale et la pêche côtière, petites activités respectueuses de l'environnement.
Il nous faut aussi nous attacher – vous vous y employez d'ailleurs, monsieur le ministre – à pacifier les relations entre les pêcheurs, les chercheurs, les scientifiques et les associations environnementales. C'est par la discussion autour d'une table et non dans le conflit que les problèmes du secteur de la pêche seront réglés.
Il vous reste encore beaucoup de travail, monsieur le ministre. Il vous faudra surtout, soutenu et accompagné par nous, faire en sorte que l'Europe considère que la politique agricole commune est nécessaire et mettre l'accent sur la préférence communautaire.
C'est aussi au niveau mondial que les choses doivent être réglées. Je souhaite donc que les thèmes de l'agriculture et de l'alimentation soient pris en compte lors de la réunion du G20 qui se tiendra en France.
Je conclurai en évoquant l'installation des jeunes. Un amendement gouvernemental porte sur les ADASEA, qui aident à l'installation des jeunes agriculteurs et à la transmission des propriétés. Dans certains territoires, ces associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles fonctionnent très bien. Peut-être serait-il opportun de laisser les organisations agricoles départementales gérer et procéder aux choix souhaitables plutôt que de réserver ces problématiques, en supprimant les ADASEA, aux seules chambres d'agriculture.
Cette loi, monsieur le ministre, est essentielle. Elle doit permettre une modernisation de l'agriculture. Si nous vous faisons confiance, je n'en souhaite pas moins que nos amendements rendent cette loi encore meilleure pour nos agriculteurs, pour la vie, pour la France et pour le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous remercie.
Les temps indiqués sur la feuille jaune sont indicatifs et je ne saurais empêcher un orateur de s'exprimer, mais je vous indique que, pour l'instant, nos collègues auront utilisé en moyenne le double du temps prévu !
Jamais nous n'aurons terminé l'examen du texte vendredi dans ces conditions, monsieur le président !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons est examiné en urgence et, en effet, il est urgent de faire des réformes structurelles essentielles pour l'avenir de notre agriculture. Il est urgent de donner un signe fort à nos agriculteurs.
Nous ne sommes plus au XIXe siècle, lorsque deux Français sur trois étaient ruraux et vivaient de la terre. Aujourd'hui, l'agriculture, la pêche, la forêt et l'agroalimentaire n'occupent plus que 5 % de la population active, mais, par l'enjeu économique de ses productions, par les territoires qu'elle façonne, par la place de la gastronomie dans notre culture, par l'influence de l'alimentation sur notre santé, l'agriculture reste au coeur de la vie des Français. Nous devons maintenir ce lien de confiance entre les Français et les agriculteurs.
Il faut renforcer la compétitivité de l'agriculture et contribuer à la stabilisation du revenu des agriculteurs.
Il faut également permettre aux agriculteurs de mieux défendre leurs intérêts dans une chaîne de répartition de la valeur souvent trop déséquilibrée. Pour ce faire, il faut renforcer l'observatoire des prix et des marges et l'élargir à l'ensemble des produits de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture. Le rôle des interprofessions agricoles et des organisations de producteurs prendra alors toute son ampleur. Pour l'heure, il doit encore être sérieusement renforcé.
Deux grands axes sont à retenir : solidarité, des consommateurs envers le secteur agricole, et responsabilité, du secteur agricole envers les consommateurs.
Ces grands axes sont les points de départ d'une politique agricole rénovée et re-légitimée.
L'agriculture française traverse une très grave crise, qui se traduit par une baisse des revenus agricoles de 34 % en 2009. Elle doit se préparer à des évolutions majeures des politiques européennes qui interviendront en 2012 et 2013, avec la réforme de la PAC.
Assurer la sécurité alimentaire de notre pays et participer à celle de l'Europe et du monde implique de moderniser notre agriculture et notre pêche pour leur donner les moyens de faire face à la multiplication des crises sanitaires et à l'instabilité croissante des marchés de matières premières.
La qualité des produits agricoles constitue un axe majeur, tant au niveau national qu'au niveau international. Elle contribue à la mise en place du modèle européen d'une agriculture économiquement et socialement durable.
Pour que l'agriculture reste un secteur primordial de l'économie européenne, cette ligne de conduite doit être tenue et renforcée par le respect de normes rigoureuses et un niveau de sécurité alimentaire parmi les plus élevés au monde. Nous ne pourrons plus faire l'économie d'un débat à propos du maintien de certains outils de régulation. En effet, les quotas laitiers et les droits de plantation sont les vecteurs d'un revenu assuré aux producteurs et le gage d'une qualité certaine. Ces dispositifs sont d'autant plus importants que nous disposons en France d'instances qui sont en mesure d'en assurer une bonne gestion.
Je reviens quelques instants sur les droits de plantation, lesquels ont largement fait leur preuve en matière viticole.
Ces outils participent aussi à la défense d'un savoir-faire particulier ou d'un lien aux territoires et à l'histoire, d'une identité et d'une spécificité auxquelles les consommateurs sont profondément attachés et auxquelles ils font confiance. Dans le contexte de la crise que traversent actuellement nos économies et, plus généralement, nos sociétés, les citoyens accordent toujours plus d'importance à la valeur des choses, donc à la qualité de ce qu'ils consomment.
Ce projet de loi de modernisation de l'agriculture tend à faire de l'alimentation la priorité de l'agriculture et de la pêche et inscrit une politique globale de l'alimentation dans le code rural.
La politique de qualité souhaitée par ce projet de loi passe par le respect de trois grandes priorités : sécurité alimentaire, équilibres territoriaux et maintien des outils de régulation. J'insiste particulièrement, monsieur le ministre, sur ce dernier point.
Le texte que nous allons étudier est un premier pas vers une ambition plus haute. La qualité alimentaire appelée de nos voeux et de ceux des consommateurs ne pourra être obtenue sans un principe de régulation minimum sous la forme des quotas laitiers ou des droits de plantation. Je souhaite une prise de position forte de la France au niveau européen.
Je sais pouvoir compter sur votre pugnacité, monsieur le ministre, pour défendre les intérêts de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Moderniser notre agriculture, telle est l'ambition, monsieur le ministre, du projet de loi que vous nous présentez. Pour en avoir longuement débattu, article par article, avec les organisations professionnelles de mon département, j'ai conscience de devoir exprimer aujourd'hui la situation, les attentes et les problèmes des agriculteurs hauts-alpins et, plus généralement, des agriculteurs de montagne.
Voyons tout d'abord leur situation. Découragés par la baisse insupportable de plus d'un tiers de leurs revenus, sans perspective au-delà de l'actuelle PAC, travaillant dans des conditions climatiques particulièrement difficiles – cette année spécialement – entre la neige et la grêle, les inondations et les coulées de boue, les agriculteurs des Hautes-Alpes ne croient plus qu'une loi résoudra leurs problèmes, et ils ne croient pas davantage en leur propre avenir.
Pourtant, ce sont des montagnards. Forts d'une volonté de s'accrocher à leurs terres, ils se montrent ainsi constructifs malgré leurs difficultés et reconnaissent les avancées du projet de loi de modernisation agricole que vous nous présentez et ils en attendent des résultats.
C'est donc dans cet esprit que je traduis leurs attentes : oui à une vraie politique de l'alimentation. Oui aux contrats écrits entre producteurs et acheteurs – je pense en particulier aux arboriculteurs de ma circonscription, qui vendent cette année les pommes à un prix inférieur à leur coût de production. Comment pourraient-ils continuer ainsi ? Qui d'autre accepterait de travailler à perte ?
Oui à l'accord du 17 mai dernier entre la grande distribution et les producteurs sur la modulation des marges en cas de crise.
Oui à l'observatoire des prix et des marges, en espérant ne pas être déçue par la pratique.
Oui à la mise en conformité au droit communautaire en matière de mise sur le marché et d'utilisation des produits phytosanitaires. Il est urgent, monsieur le ministre, de procéder par voie d'ordonnance pour harmoniser notre réglementation avec celle des autres pays européens, concurrents directs chez qui les conditions en vigueur sont beaucoup plus favorables et beaucoup moins contraignantes que celles qui s'imposent aux agriculteurs français.
Oui aux amendements votés par le Sénat, tendant à introduire des dispositions dont la plupart m'avaient aussi été proposées par les agriculteurs des Hautes-Alpes. Je pense en particulier à la possibilité de créer un groupement agricole d'exploitation en commun, ou GAEC, entre époux. Les jeunes agriculteurs réclamaient cela depuis des années.
Oui, enfin, à la lutte contre la disparition des terres agricoles, à deux conditions toutefois. D'une part, une certaine souplesse doit permettre à des retraités agricoles aux maigres revenus de transformer quelques parcelles pour en vivre. D'autre part, et surtout, il faut qu'il reste de jeunes agriculteurs pour exploiter ces terres dans nos montagnes !
Cela m'amène au principal problème qui se pose dans nos territoires.
La montagne que je défends, que j'aime, où je suis née et où je vis, n'est plus un territoire propice à l'agriculture, notamment à l'élevage, qui pourtant contribuait depuis des siècles à l'entretien de la montagne.
Non reconnue dans sa spécificité par la loi de modernisation agricole, suspendue pour sa survie à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels et aux diverses primes dont la pérennité au-delà de l'année 2013 n'est pas assurée, l'agriculture de montagne est en survie et l'élevage en grand danger de disparition.
Combien d'attaques cette nuit ? Combien de victimes ? Dans quel alpage ont-ils frappé ? Telles sont les questions que l'on se pose chaque matin dans les Hautes-Alpes en cette saison d'estive.
Les réponses sont données par les radios locales : « Cette nuit, une violente attaque, malgré la présence de bergers et de chiens de protection, a fait trente victimes, dix mortes, vingt blessées » ou bien : « le loup a été vu en plein jour, à trois mètres d'une bergerie, emportant une chevrette » ou bien encore, dans Le Dauphiné libéré de ce jour : « l'ONCFS dénombre seize loups regroupés en trois meutes dans la vallée de l'Ubaye », c'est-à-dire dans la circonscription voisine de la mienne, celle de Daniel Spagnou, que j'associe à mon propos.
Monsieur le ministre, l'exaspération des éleveurs est à son comble.
Certains troupeaux ont été victimes de trois attaques en quelques jours, d'autres de cinq attaques en deux semaines. On les redescend progressivement dans les bergeries, ce qui n'est pas sans poser de gros problèmes pour l'alimentation des bêtes et pour l'entretien de la montagne.
Comment accepter le sacrifice organisé par l'État de l'élevage en montagne dans un département comme le mien qui compte 287 000 ovins pour 130 000 habitants ?
En cette période de restrictions budgétaires, comment peut-on admettre qu'un loup, si l'on additionne le coût de la protection, des indemnisations et des salaires de la gestion des deux cents spécimens recensés par le ministère de l'écologie, coûte environ 50 000 euros par an aux contribuables ? C'est une insulte aux éleveurs et à toute la profession agricole, retraités compris.
Permettez-moi de vous demander si vous considérez que l'on modernise l'agriculture lorsqu'on condamne les paysans à vivre comme au début du XIXe siècle, avant la disparition du loup et la loi du 3 août 1882, défendue par l'un de vos prédécesseurs, M. de Mahy, qui fixait des primes fortement incitatives pour « la persécution du loup ». La plus élevée rapportait 200 francs, elle était attribuée « lorsqu'il est prouvé qu'un loup s'est jeté sur des êtres humains ». Comment ne pas penser à nouveau à ce risque aujourd'hui, alors que les montagnards et les touristes croisent les loups à proximité des habitations ou sur les chemins de randonnée ?
Je ne suggère pas de revenir aux pièges, aux fosses à loups, aux empoisonnements et autres cruautés autrefois encouragées par l'État. Je constate seulement que le retour en arrière voulu par les pouvoirs publics conduit à imposer une vie indigne aux agriculteurs et à réactiver, en les détournant de leur vocation initiale, les lieutenants de louveterie, créés par Charlemagne…
Il s'agissait d'un corps de spécialistes capables de « débarrasser le pays de ces bêtes farouches ».
Aujourd'hui, nos agriculteurs courent après des loups qu'ils n'attrapent jamais. Aussi plaiderai-je pour le droit à la légitime défense des troupeaux par les éleveurs. Quant aux mesurettes proposées par le protocole et l'arrêté consacrés au loup, elles montrent à l'évidence leur inefficacité.
Monsieur le ministre, je respecte votre travail et votre engagement. Je sais que cette situation n'est pas de votre fait et je voterai votre projet de loi de modernisation de l'agriculture, mais je veux affirmer solennellement à cette tribune que l'idéologie protectrice du loup défendue par ceux que j'appelle les « bobo-écolo-urbains », est irresponsable et dangereuse pour la montagne.
Elle conduira inexorablement à la disparition de l'élevage plutôt qu'à sa modernisation. Je me devais de vous le dire avant qu'il ne soit trop tard. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à ce stade de la discussion générale, beaucoup d'éléments ont déjà été évoqués concernant l'appréciation de ce projet de loi. Néanmoins, il me semble encore nécessaire de rappeler que je déplore profondément, à l'instar de l'ensemble de mes collègues d'outre-mer, de voir nos territoires, nos agriculteurs et nos pêcheurs exclus de ce texte.
En commission, le rapporteur et le ministre ont en permanence renvoyé nos propositions vers les conclusions du comité interministériel de l'outre-mer du 4 novembre 2009 qui, selon eux, avait déjà traité le sujet.
Or je suis dans l'obligation de faire deux constats. Tout d'abord, les mesures décidées à cette occasion sont tout de même assez faibles ; elles sont, en tout état de cause, très loin de redéfinir un modèle d'agriculture d'avenir pour les outre mers. Ensuite, et c'est plus grave encore, alors qu'il avait été décidé de prendre sept petites mesures en faveur de l'île de La Réunion, plus de huit mois après leur adoption, les professionnels m'ont confirmé que seules deux d'entre elles avaient connu un début d'application.
Au-delà de ce projet de loi sur l'agriculture, je remarque que le Gouvernement a déjà, à plusieurs reprises, renvoyé les questions relatives à l'outre mer à des textes réglementaires, rédigés sur le coin du bureau d'un ministère et adoptés sans débat avec les représentants du peuple que nous sommes.
Pour les Français d'outre-mer, rien ne peut justifier un tel traitement. Que des spécificités propres à nos territoires requièrent des mesures adaptées, c'est une évidence. Pour autant, il est incompréhensible de placer systématiquement près de deux millions de Français dans un régime d'exception.
Monsieur le ministre, ce n'est pas uniquement notre orgueil qui est blessé : c'est tout bonnement une partie des Français qui se voit littéralement exclue du droit commun. Mon propos ne se veut pas polémique, mais il ne se veut pas non plus anecdotique. Les outre-mer sont des territoires socialement sinistrés, où la jeunesse est en quête de repères et où l'agriculture vit la même crise financière, la même crise morale, et la même crise existentielle que partout en France. En bref, ne croyez pas que la crise soit moins pénible au soleil.
J'espère que vous serez sensible aux modifications que mes collègues et moi-même vous proposons afin que cet oubli soit réparé dès cette semaine.
Pour en venir à l'ensemble du projet de loi, on peut regretter un certain manque d'ambition, et déplorer son caractère fourre-tout.
Ce texte vise d'abord à moderniser l'agriculture et la pêche. Or que constatons-nous ? Il comporte quelques mesures, certes de bon sens, en matière de sécurité alimentaire, mais qui ne s'attaquent pas aux vrais problèmes sanitaires tels que l'utilisation des antibiotiques dans l'élevage ou le niveau sanitaire des produits importés, sans oublier, bien entendu, l'usage des produits phytosanitaires totalement absents de ce texte.
Au demeurant, je ne crois pas que le mélange dans un même texte de thèmes traitant de problématiques aussi particulières que le sanitaire, la forêt, l'enseignement ou la pêche et la crise de l'agriculture soit de nature à régler de manière appropriée les problèmes posés dans chacun de ces domaines.
De fait, dans la plupart de ces secteurs votre texte ressemble davantage à une compilation d'ajustements souhaités par votre administration qu'à une réelle ambition pour poser les bases du modèle économique de l'agriculture de demain.
C'est bien entendu ce que l'on remarque sur la question de la crise agricole.
L'introduction de l'assurance récolte ou l'intronisation du contrat sera-t-elle de nature à définir un nouveau modèle ? J'en doute. Qu'adviendra-t-il des agriculteurs après la réforme de la PAC ? Quels seront les enjeux de la négociation à l'OMC ? Je ne crois pas que le contrat que vous prônez sera réellement de nature à modifier le déséquilibre des relations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs dès lors qu'il ne sera pas accompagné de mesures fortes de protection de nos marchés.
Votre mesure phare risque donc de devenir bancale si la France n'impulse pas une politique volontariste au niveau de l'Europe et de l'OMC afin de protéger les consommateurs et de garantir un avenir aux agriculteurs.
Finalement, l'agriculture française ne saurait être un secteur viable et une activité d'avenir sans une véritable révolution au niveau international, mais également au niveau local. À l'évidence, ce que votre projet sème ne permettrait pas à cette nécessaire révolution de germer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, lors d'une réunion de la commission des affaires économiques consacrée à l'examen ce projet de loi, vous avez dit : « C'est une révolution. » Vous n'étiez pas le premier à utiliser ce terme en matière agricole : en 1963, mon compatriote auvergnat, le regretté Michel Debatisse, publiait La Révolution silencieuse. Diplômé de la grande école primaire de Palladuc, dans le Puy-de-Dôme, celui qui en 1979 fut durant trois ans le premier secrétaire d'État aux industries agroalimentaires, avait pris conscience que l'agriculture devait se moderniser, tant dans ses structures que dans ses pratiques.
Aujourd'hui, le contexte est totalement différent. La concurrence internationale et européenne reste toutefois la règle, même si elle s'est exacerbée : on en vient à trouver dans nos cantines scolaires de la viande bovine provenant d'Allemagne, d'Espagne et du Brésil à côté de celle d'origine française. Cela suscite tout de même quelques questions.
Chacun connaît l'histoire de cet accident dans le tunnel de Fourvière, où un camion transportant des fraises allemandes vers l'Espagne en a heurté un autre, espagnol, qui remontait des fraises vers l'est de l'Europe… Et tant pis pour les rejets de carbone ! Disons que les règles du commerce international s'appliquent et qu'on ne peut pas toujours s'y opposer.
Aujourd'hui, le nombre d'exploitations continue de diminuer ; en zone de montagne, cette régression est plus rapide qu'ailleurs. On constate une baisse préoccupante du moral des agriculteurs qui expriment une certaine inquiétude. Leurs revenus ont été grossièrement chahutés durant toute l'année 2009 : les prix du lait ont subi une évolution catastrophique tout comme ceux observés sur les marchés ovins et porcins. Élu d'une zone de montagne, je sais que les reprises de laiteries ont connu quelques difficultés qui ne sont pas tout à fait terminées. Le problème de l'incertitude des ramassages demeure.
Monsieur le ministre, nous approuvons votre credo. Permettez-moi de le résumer en citant vos propos : agriculture et pêche ont vécu sur un modèle dépassé. « Je suis un régulateur fort » dites-vous, en ajoutant : « Nous avons repris la main en Europe, je milite pour l'organisation des filières. Je me suis opposé aux négociations avec les pays du MERCOSUR. » Sur ce dernier point, nous ne pouvons que vous féliciter.
L'alimentation est désormais inscrite en premier, avant l'agriculture, dans l'énoncé de votre ministère, il s'agit bien là du secteur stratégique par excellence, quels que soient les époques et les lieux. Même si votre projet de loi ne peut pas être parfait, nous l'approuverons.
Je souhaite tout de même vous faire part de quelques remarques ponctuelles.
Premièrement, laissons la liberté aux organisations de producteurs.
Laissons les vivre ! Nous devons disposer de plusieurs circuits de distribution ; c'est une bonne chose. Comme vous le disiez vous-même, monsieur le ministre, même si les organisations de producteurs ne sont pas interdites, dans ce domaine, la liberté est l'âme du commerce.
Deuxième point, en cas de changement de destination des terres, qu'elles soient utilisées pour la construction d'habitations, de routes, l'implantation de zones d'activités, ou d'autres usages, une taxe a été créée : encore faut-il qu'elle soit fléchée afin de permettre l'installation des jeunes agriculteurs.
Troisièmement, les associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, sont reconnues sur le terrain. Elles sont indispensables lors de la phase de pré-installation des jeunes agriculteurs ; elles jouent un rôle déterminant dans le montage des dossiers ; elles conseillent et elles suivent les agriculteurs en difficulté. Nous voudrions que les crédits qui leur sont attribués soient bien fléchés et leur reviennent directement.
Je veux aussi aborder le problème de la filière bois. À ce sujet, j'ai relu le discours du Président de la République à Urmatt. Il fixe des objectifs à la forêt de montagne : elle devrait produire 40 % de bois de plus qu'aujourd'hui. Il y va du bon état de la forêt – il faut permettre aux jeunes pousses de se développer –, et de la bonne utilisation de nos ressources. Plutôt que d'importer du bois en provenance des pays scandinaves ou des pays de l'Est, il serait préférable d'utiliser du bois français. Les propriétaires doivent comprendre que c'est aussi leur intérêt, d'autant que nous disposons de scieries qui constituent des pôles d'excellence dans les zones rurales et de montagne et qu'il faut faire travailler.
Monsieur le ministre, je terminerai en évoquant cet autre livre de Michel Debatisse, Paysans dans la Burle – la burle est ce vent glacial qui souffle entre 1 200 et 1 400 mètres, dans mon département, aux alentours du Mézenc – dont le sous-titre est : Le Courage de changer. Cet ouvrage devrait pouvoir nous inspirer et vous inspirer dans le programme que vous vous êtes fixé. Il nous faut avoir le courage de changer : il y va de la France, de l'avenir de son agriculture et du destin de ses paysans. Il est nécessaire de penser ensemble la ville et la campagne. C'est pourquoi nous voterons votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, une nouvelle fois le monde agricole est en crise, une crise, hélas ! durable, structurelle et généralisée. Les chiffres l'attestent : la baisse des revenus des agriculteurs a atteint en moyenne, toutes filières confondues, 32 %. Nos producteurs se voient offrir aujourd'hui des prix d'achat inférieurs au coût de revient de leurs produits, sans que le consommateur en bénéficie pour autant. Alors que le chiffre d'affaires de l'industrie agroalimentaire a atteint 138 milliards d'euros en 2007, nos exportations ont chuté de 20 %, ce qui représente une perte de trois milliards d'euros. L'Allemagne et certains pays de l'Est récupèrent ces parts de marché.
Dans le même temps, les surfaces cultivées baissent régulièrement : en soixante ans, la France a perdu près de cinq millions d'hectares de surfaces agricoles, soit 8 500 hectares par mois. Dans mon département, l'Eure, si cher à notre ministre, 4 400 hectares ont disparu en quinze ans. Par ailleurs, le secteur agricole emploie aujourd'hui 750 000 personnes, contre deux millions il y a trente ans. La diminution corrélative du nombre des exploitations au niveau national, qui était de 19 300 par an, s'est brutalement accélérée depuis 2005, pour passer à 30 000 disparitions annuelles.
Ce bilan dramatique, qui n'est pas exhaustif, laisse entrevoir la souffrance de nos agriculteurs. Bien entendu, personne n'ignore qu'une partie des réponses relève de l'Union européenne. Mais si l'Europe avait initialement une politique agricole ambitieuse, force est de constater qu'elle s'est peu à peu détournée de cette priorité, en en laissant aux États membres la gestion courante. Il faut donc, et je sais que le ministre s'y emploie quotidiennement, revaloriser l'agriculture au niveau européen et convaincre le Parlement et la Commission des opportunités que peut offrir une agriculture européenne ambitieuse et innovante, face à la concurrence effrénée que lui livrent notamment les pays émergents.
J'en viens au projet de loi lui-même. Fondé sur la notion de politique publique de l'alimentation, il permet de développer une approche suffisamment transversale des problématiques soulevées. Le cap que vous souhaitez donner à l'agriculture française, monsieur le ministre, permettra non seulement de répondre au défi de l'alimentation de la population française, mais également de préparer avenir. En effet, la FAO estime qu'en 2050, si l'hypothèse démographique se vérifie, il faudra augmenter la production agricole mondiale de près de 70 %, pour répondre aux besoins de neuf milliards d'habitants. Nous devons donc assumer le choix d'une agriculture de qualité, laquelle a un coût, auquel doit correspondre un prix juste et rémunérateur.
Le titre Ier du projet de loi permet de définir une véritable politique de l'alimentation en France. Le développement des circuits courts favorisera le rapprochement du producteur et du consommateur, tout en respectant les critères du développement durable. Il faut remettre les agriculteurs au centre du jeu, en mettant en oeuvre les dispositifs nécessaires pour que leur travail puisse leur garantir un revenu stable. Une meilleure organisation des producteurs permettra indéniablement de mieux peser dans les négociations commerciales. Toutefois, il faudra éviter toute sectorisation excessive qui pourrait amoindrir la portée de l'article 3. La mise en place des filières et des contractants n'aura de sens qu'à partir du moment où l'observatoire des prix et des marges pourra travailler dans la plus grande transparence.
La compétitivité des agriculteurs est essentielle dans une économie mondialisée. Le monde agricole a l'habitude de la concurrence. Il faut lui donner les moyens de ses ambitions. À ce propos, le principe de la réassurance de l'agriculture représente un changement extrêmement important : les agriculteurs ne peuvent plus être soumis en permanence aux aléas climatiques, avec pour seul dispositif assurantiel le fonds de garantie des calamités agricoles. Il faudra néanmoins veiller à ce que le niveau de déclenchement de l'intervention de la réassurance publique soit satisfaisant.
Par ailleurs, je tiens à souligner l'importance de la préservation des terres agricoles. La protection du foncier agricole est devenue aujourd'hui un enjeu majeur. Les chiffres sont connus de tous, mais il est toujours bon de rappeler que pas moins de deux cents hectares de terres agricoles disparaissent chaque jour en France, soit l'équivalent d'un département français au cours des dix dernières années. C'est considérable et cela mérite réflexion.
Ce phénomène s'explique par plusieurs facteurs, notamment par l'absence d'une stratégie globale d'aménagement de l'espace. Pourtant, les outils juridiques existent, qu'il s'agisse des SCOT ou des plans départementaux d'aménagement rural. Nous ne pouvons poursuivre cette consommation dramatique des espaces naturels sans réagir. Il faut donc anticiper et faire preuve d'une grande pédagogie.
On peut comprendre le souhait des agriculteurs de vendre leurs terres à bon prix, afin d'améliorer leur retraite, inexistante ou insuffisante. Mais, aujourd'hui, les jeunes qui souhaitent s'installer ne le peuvent pas, en raison de la rareté et du prix du foncier agricole. Il faut donc se féliciter que l'article 13 institue une taxe sur les cessions, dont le produit sera consacré à l'installation des jeunes agriculteurs, même si l'on peut regretter son taux soit fixé à 10 %, car ce sera certainement insuffisant.
Monsieur le ministre, après l'appel de Paris, le 19 décembre dernier, où vous avez exhorté l'Union européenne à rester fidèle aux objectifs de la PAC tels qu'inscrits dans les traités, vous nous proposez un projet de loi ambitieux pour sauver notre agriculture. Nous soutiendrons ce projet, qui devra impérativement redonner à notre agriculture une partie de l'oxygène dont elle a besoin.
N'oublions jamais, mes chers collègues, que notre responsabilité est immense. Nos enfants hériteront de la terre que nous leur laisserons. Les Français aiment leurs agriculteurs et nous le démontrent chaque jour. Montrons-leur une image d'unité nationale pour leur manifester notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, quand on fait une loi, on se fixe un objectif. En l'espèce, celui-ci est simple, concret, précis : il s'agit de permettre à notre agriculture de gagner en compétitivité. Voilà l'essentiel ; ne nous dispersons pas.
Au demeurant, nous pouvons être raisonnablement optimistes. La demande mondiale est en train de croître et devient solvable. Dans des pays tels que la Chine et l'Inde, on assiste à l'apparition d'une classe moyenne, désormais capable d'acheter nos produits et qui se tourne de plus en plus vers une alimentation carnée. Ne laissons pas ces marchés aux Américains du nord et du sud, aux pays de l'Océanie, aux Russes et aux Ukrainiens !
Certes, il faut tenir compte du commerce de proximité et du bio, mais ces secteurs ne peuvent survivre que s'ils demeurent des niches. Notre agriculture doit donc rester orientée pour l'essentiel vers des marchés porteurs et conséquents au plan international.
Pour lui permettre de gagner en compétitivité, il nous faut tenir compte de la concurrence, qu'elle soit extra-européenne – on en a beaucoup parlé –, mais aussi intra-européenne. Or, on a trop négligé l'apparition, sur le marché agricole, de l'Allemagne, qui nous dame le pion dans de multiples secteurs : la fraise, l'asperge, le lait ou la viande de porc. C'est un véritable sujet, monsieur le ministre, et je connais votre expertise dans le domaine des relations franco-allemandes. N'oublions pas que l'Europe fut en quelque sorte fondée sur un partage : à l'une l'industrie, à l'autre l'agriculture. Le problème, c'est que celle à qui revenait l'agriculture est en train de se faire supplanter dans ce domaine par celle qui tient déjà l'industrie.
Sans nuire aux excellentes relations que nous entretenons avec l'Allemagne, cela pose un problème de fond,…
…pour l'agriculture, bien entendu, mais également pour l'agroalimentaire de manière générale – nous ne parlons pas suffisamment du couplage de ces deux secteurs. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Certes, les thèmes législatifs ayant trait à l'agroalimentaire sont moins nombreux, mais c'est le véritable sujet : ce projet de loi concerne non seulement les paysans, mais aussi les ouvriers ! (Mêmes mouvements.) Si, dans une circonscription comme la mienne, nous avons la chance d'avoir un taux de chômage de 6 %, alors que la moyenne nationale est de 10 %, c'est parce que nous avons un secteur agroalimentaire riche et important. Les salaires sont peut-être modestes, mais les papas et les mamans rentrent à la maison avec un salaire ; cela compte, et j'y tiens.
Nous devons donc travailler sur un certain nombre de problèmes liés à l'agroalimentaire. Je pense en particulier aux troubles musculo-squelettiques, question essentielle pour bon nombre de nos compatriotes sur laquelle je me permettrai de vous soumettre des propositions dans les mois qui viennent.
Monsieur le ministre, il est d'autant plus regrettable que l'agroalimentaire ne figure pas dans votre texte que je tiens à vous délivrer publiquement un satisfecit pour vous être investi dans un dossier majeur, extrêmement complexe et délicat : celui d'Entremont. Rappelons-nous en effet que la crise laitière en cachait une autre, plus grave encore : on exigeait des agriculteurs qu'ils vendent leur lait toujours moins cher. L'affaire Entremont était délicate, car l'entreprise n'étant pas en liquidation, la marge de manoeuvre de la puissance publique était étroite. Or vous êtes parvenus à vous en sortir, monsieur le ministre.
Nous devons favoriser l'apparition des champions de demain. À cet égard, il faut se féliciter du rapprochement d'Entremont et d'une grande coopérative normande ou de la création, en Bretagne, de Triskallia, qui fédère un certain nombre de coopératives du grand Ouest. Encore faut-il que, face à ces champions, qui auront du pouvoir, le monde agricole puisse défendre ses intérêts.
Par ailleurs, l'aléa est un élément essentiel en agriculture, qu'il soit lié au climat, aux maladies ou à l'économie. Naguère, la PAC permettait de l'atténuer ; la PAC n'existe plus, et l'on peut le regretter. l'Europe a commis, me semble-t-il, une erreur fondamentale en privilégiant les aides directes plutôt que les aides aux marchés. En effet, il suffit souvent d'une aide peu élevée, une aide à l'export par exemple. Hélas ! nous avons préféré les aides directes, qui coûtaient beaucoup plus cher. Il est vrai qu'à cette époque, lors des négociations des années 1980-1990, la France n'a pas été écoutée, mes chers collègues de gauche.
Toujours est-il que nous devons atténuer l'aléa en utilisant des moyens franco-français. Or, nous avons créé un très bon dispositif en la matière : la dotation pour aléa, dont je me réjouis qu'elle ait évolué lors de l'examen de la dernière loi de finances, grâce à un amendement que j'ai eu l'honneur de défendre. Alors qu'auparavant, on ne retrouvait l'argent de sa DPA qu'en cas de crise sanitaire ou climatique, désormais, on peut également en bénéficier lors d'une crise économique. Qu'est-ce que la DPA ? Elle relève d'un principe d'une simplicité évangélique : dans les périodes de vaches grasses, on met de l'argent de côté pour les périodes de vaches maigres. Il faut que nous progressions fiscalement dans ce domaine, mais voilà l'essentiel du produit.
Monsieur le ministre, vous proposez de conditionner le bénéfice de la DPA à la souscription d'une assurance. Sur le principe, je n'y suis pas opposé, mais cela complique quelque peu le dispositif, qui n'est déjà pas simple. Actuellement, l'assurance est très limitée. Ainsi dans le département des Côtes-d'Armor, que je représente, un millième des hectares donne lieu à une assurance récoltes. C'est pourquoi je souscris entièrement à l'une des propositions de notre excellent rapporteur (« Absolument ! » sur les bancs du groupe UMP) – il fait d'ailleurs l'unanimité dans cette enceinte (Sourires sur les bancs du groupe SRC) –, qui consiste à permettre à l'exploitant d'être dispensé de souscrire une assurance lorsque la DPA n'est pas trop importante.
Encore une fois, je suis d'accord avec vous sur le projet d'assurance, mais pour que celle-ci soit efficace, une réassurance est nécessaire. Vous vous battez en ce sens au plan européen, et c'est très bien. Mais ce serait mieux si nous avions également l'assurance fourrage, car l'assurance récolte ne concerne que les céréaliers, et non les éleveurs. En outre, même si j'aime beaucoup Groupama et le Crédit agricole, il conviendrait que la concurrence soit un peu plus développée.
Tant qu'à substituer un système d'assurance publique de type « catastrophes naturelles », à un système d'assurance privée, faisons en sorte d'y introduire en même temps ce qui est l'un des avantages du privé, à savoir la concurrence ! Je sais que vous y travaillez et je m'en réjouis.
Par ailleurs, je vous ai écouté, monsieur le ministre, et je suis d'accord avec vous sur l'opportunité d'aller vers le contrat. Pour ce faire, il n'est pas nécessaire de recourir à la loi : dans ma région, les producteurs qui fournissent des légumes à des entreprises de surgélation telles que Bonduelle ont conclu avec elles des contrats, et ils en sont plutôt satisfaits.
C'est vrai !
Cela dit, si l'on peut se féliciter que les entreprises en question soient d'une taille suffisante pour prétendre à une ambition mondiale, encore faut-il que les producteurs soient en mesure de s'organiser pour éviter que le rapport de force ne soit par trop inégal. Vous imaginez bien que face à Lactalis, un producteur laitier isolé ne fait pas le poids !
Nous devons faire en sorte que les organisations de producteurs reconnues puissent se regrouper en fédérations, ce qui permettra aux agriculteurs de traiter avec les grandes entreprises dans un rapport de forces plus équilibré.
J'ai déposé un amendement en ce sens et j'espère, mes chers collègues, que vous l'accueillerez favorablement. Si nous ne donnions pas aux agriculteurs les moyens de se regrouper, nous passerions à côté de l'essentiel.
Monsieur le ministre, nous savons bien que cette loi doit se faire sous contrainte : nos finances publiques sont exsangues et nous ne pouvons plus, comme nous le faisions naguère, multiplier les crédits et les niches fiscales. Quels sont les leviers sur lesquels nous pouvons encore agir ? Il est un amendement qui a fait un certain bruit, celui relatif à « l'impôt paperasse », spécificité franco-française ! L'allégement de cette contrainte ne coûtera rien, au contraire, il se traduira par une réduction du nombre de fonctionnaires. L'amendement que j'ai déposé vise à réduire la contrainte réglementaire – mais je ne l'exposerai pas en détail pour le moment, car M. le président ne manquerait pas de me rappeler à l'ordre, et il n'aurait pas tort. (Sourires.)
Mon amendement a suscité des critiques très relayées par la presse. Ainsi, dans ma région, cinquante associations ont appelé leurs militants à manifester, et il en est résulté une manifestation de… cinquante personnes !
Celles-ci connaissaient d'ailleurs si bien les lieux qu'elles se sont trompées : au lieu de venir manifester devant ma permanence, elles se sont regroupées devant la CAF ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.) J'espère que la presse se montrera aussi empressée à relayer le succès de la manifestation qui s'est déroulée aujourd'hui à Rennes, avec la mobilisation de 500 agriculteurs pour défendre l'amendement en question !
Pour ma part, j'estime qu'il vaut mieux écouter les agriculteurs, qui se lèvent tôt pour aller travailler, plutôt que ceux qui nuisent, qui gênent, qui empêchent : même si le point de vue de ces derniers peut être considéré comme légitime, il faut savoir les remettre à leur place ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Lors de cette manifestation, les agriculteurs, qui sont très bons en communication, avaient procédé à une petite mise en scène : un agriculteur portait le maillot de l'équipe allemande de football, tandis qu'un autre portait le maillot bleu de l'équipe de France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Alors que le premier courait sans aucune difficulté, le porteur du maillot français poussait devant lui une brouette surchargée de paperasse. (Rires et exclamations.)
Finissons-en avec l'impôt paperasse afin de donner à nos agriculteurs les moyens d'être compétitifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je me contenterai de vous faire remarquer, monsieur le président Le Fur, que vous avez parlé pendant douze minutes alors que le temps de parole indiqué par votre groupe était de cinq minutes. (Sourires.)
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte ambitieux va créer des outils novateurs pour nos agriculteurs. Je pense, bien sûr, au renforcement de la contractualisation et des filières courtes, dont nous avons pu mesurer toute la pertinence, chez nous, en Franche-Comté, avec la filière Comté.
C'est vrai ! C'est une belle filière !
La filière a su protéger en grande partie nos éleveurs de la crise du lait, qui a touché si durement les producteurs d'autres régions.
Je souhaite saluer également les mesures qui vont introduire plus de transparence dans les prix et les marges, l'instauration de mécanismes d'assurance qui protégeront les agriculteurs contre les aléas climatiques et sanitaires, ou les mesures visant à stopper la perte du foncier agricole.
Alors que le revenu des agriculteurs a connu une chute historique de 34 % en 2009, nous devons agir afin de les mettre à l'abri de tels mouvements et préserver la position de quasi-leader en Europe de notre pays, ainsi que son identité agricole fondée sur la diversité et la qualité de nos produits dans un environnement préservé.
Mon propos portera essentiellement sur les articles traitant de la filière bois et des spécificités de l'agriculture de montagne, puisque je suis élue du Jura. Troisième massif forestier d'Europe, la forêt française, dont les trois quarts des surfaces appartiennent à des propriétaires privés, représente un actif stratégique, tant en termes environnementaux qu'en termes d'aménagement du territoire et d'activité économique. La forêt est au centre du défi énergétique et climatique, tout autant par son effet « puits de carbone » que par les utilisations du bois qui en sont issues. Mais elle reste une ressource largement sous-exploitée.
La vision portée par le Président de la République à Urmatt et la mission qu'il a confiée à Jean Puech pour promouvoir la gestion dynamique de la forêt privée ont déjà conduit à un certain nombre de nouvelles mesures. Il s'agit tout d'abord de la création du Fonds stratégique bois, lancé il y a quelques mois pour abonder les investissements visant à consolider et développer prioritairement les secteurs de la scierie, de la construction et de la production d'énergie ; il s'agit ensuite du décret de mars dernier relevant le seuil de la quantité de bois devant être incorporée dans les constructions neuves ; enfin, de la conditionnalité des exonérations fiscales patrimoniales.
Nous allons franchir, avec ce projet de loi, de nouvelles étapes dans la dynamique d'encouragement de la filière bois. L'article 15 vient renforcer la mobilisation du bois en étendant l'obligation de réalisation des plans simples de gestion ; il définit la mise en oeuvre de la politique forestière à travers des plans pluriannuels régionaux de développement forestier et des stratégies locales de développement forestier. Je souhaite insister sur l'importance, pour le renforcement de la politique régionale, de faire de la chambre régionale l'interlocuteur privilégié au sein du comité chargé de préparer le plan pluriannuel régional de développement forestier.
Je me réjouis également que le Sénat ait entériné une mesure de bon sens que j'avais défendue il y a quelques mois et qui n'avait pas pu aboutir pour des raisons techniques. Il s'agit de renforcer la cohérence du regroupement forestier, en créant une obligation d'information des propriétaires de terrains boisés en cas de vente d'une parcelle contiguë d'une superficie inférieure ou égale à quatre hectares. Pour ne pas alourdir le dispositif, nous avions choisi de créer une information simple, laissant la possibilité au vendeur de conclure la vente avec un tiers. La commission a décidé de créer, de manière très encadrée, un droit de préférence. Cette solution me semblant équilibrée, je soutiendrai l'article en l'état.
Je souhaite également attirer une nouvelle fois votre attention, monsieur le ministre, sur les spécificités de notre agriculture de montagne. J'ai déposé avec certains de mes collègues des amendements à ce sujet, que nous aborderons au fur et à mesure de la discussion. Ils portent notamment sur la contractualisation et l'encouragement au maintien de la proximité entre producteurs et transformateurs.
Je souhaite néanmoins insister dès à présent sur l'amendement déposé avec mon collègue Binetruy, relatif aux dégâts occasionnés par les populations animales nuisibles non couvertes par le fonds national de garantie des calamités agricoles. Je ne parle pas du loup, mais des campagnols, qui ravagent régulièrement les exploitations agricoles, causant d'importantes pertes matérielles et financières. Afin de trouver rapidement une solution, nous demandons la tenue d'une étude sur ce sujet pour aboutir à une prise de décision. Les agriculteurs victimes de ce fléau attendent un soutien légitime. Il s'agit de permettre légalement l'éradication de ce phénomène qui génère de très gros handicaps. Je vous invite à venir voir à quoi ressemblent en ce moment les prairies du Haut-Jura : ce ne sont plus que des étendues de terre ravagées !
Enfin, j'attire votre attention sur un amendement que je dépose après l'article 11, visant à mieux prendre en compte les obligations concrètes des exploitants forestiers en matière de récupération de la TVA sur les véhicules. Cette mesure, qui concerne très peu de personnes et existe déjà pour les exploitants de remontées mécaniques, est une mesure de bon sens ; qui plus est, cela limiterait le nombre de véhicules circulant sur les exploitations.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre attention et de votre bienveillance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, je voudrais profiter de l'examen de cette loi de modernisation de l'agriculture pour vous interpeller sur une matière dont traite en partie votre projet : la pêche.
Vous avez inscrit dans votre texte un certain nombre d'évolutions relatives aux organismes professionnels et aux structures représentatives de la pêche qui, si elles constituent des avancées incontestables, laissent en suspens un certain nombre de questions au coeur de la crise que traverse la pêche. Or il est indispensable de répondre à ces questions si l'on veut envisager la modernisation de la pêche.
Entre autres avancées, il faut relever la mise en place du comité d'évaluation, qui permettra aux professionnels de la pêche de se rapprocher des milieux scientifiques, en vue de réduire l'incompréhension qui prévaut actuellement au sujet de la préservation de la ressource halieutique. Ce rapprochement devrait être particulièrement intéressant en ce qui concerne les espèces placées sous quotas – notamment le cabillaud. Eu égard à l'importance de cet enjeu, il est essentiel que la compréhension et la coopération l'emportent sur la colère.
Au sujet des quotas, je veux évoquer une situation que vous connaissez, monsieur le ministre. La totalité des quotas de cabillaud ayant été prélevés durant les six premiers mois de l'année, les palangriers sont désormais cloués à quai. Vous avez, je crois, reçu tout récemment leurs représentants…
C'est exact.
…qui s'inquiètent de leur situation pour les six mois à venir, étant donné l'impossibilité qui leur est faite d'exercer leur profession. Un certain nombre d'armements de pêche risquant de se trouver dans une situation extrêmement difficile, je vous remercie de bien vouloir me faire connaître les dispositions que vous entendez prendre afin de surmonter cette difficulté.
Vous préconisez également une rationalisation de l'organisation professionnelle dans les départements et les régions, en autorisant notamment le rassemblement des comités locaux en comités départementaux ou interdépartementaux. Cette demande avait été formulée par un certain nombre de comités locaux, notamment bretons. Il est dommage que, sur ce point, vous ayez écarté l'idée du volontariat et préféré prendre des dispositions coercitives, ce qui ne paraît pas très cohérent au regard de la volonté affichée par votre texte de voir la profession se responsabiliser.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur un certain nombre de sujets relatifs à la pêche française, dont votre projet de loi ne traite pas, mais qui sont pourtant essentiels si l'on veut moderniser ce secteur d'activité. Comme vous le savez, la pêche française a connu une évolution très négative de sa flotte : le nombre de navires est passé en vingt ans de 11 000 à 5 000. Les tonnages ont diminué et les plans d'orientation pluriannuels présentés par les gouvernements successifs ont réduit fortement la capacité de pêche afin d'adapter celle-ci à l'évolution de la ressource halieutique.
Juste avant de quitter son ministère, votre prédécesseur avait mis en place un plan pour une pêche durable et responsable, articulé autour de trois objectifs : premièrement, moderniser la flottille, deuxièmement, aboutir à pêche conforme aux principes du développement durable, troisièmement, renforcer la sécurité dans un secteur qui, en dépit des progrès technologiques, n'a pas vu le nombre d'avaries de mer et de morts en mer diminuer au cours des dernières années. Nous avons déploré, encore récemment, la perte de plusieurs pêcheurs sur le littoral de Bretagne et de Normandie en raison d'avaries de mer survenues le plus souvent sur des bateaux vieillissants.
Aujourd'hui, le Fonds européen pour la pêche, qui a succédé à l'Instrument financier d'orientation de la pêche, empêche la modernisation de la flottille, que nous ne pouvons accompagner sur fonds publics. Cela signifie que, demain, seuls les grands armements, au capital très concentré, pourront procéder à cette modernisation. Monsieur le ministre, comment entendez-vous agir pour faire évoluer la doctrine de l'Union européenne sur ce point et favoriser la modernisation de la flottille, qui était l'un des objectifs de votre prédécesseur ?
Par ailleurs, certaines des aides attribuées par le Gouvernement pour aider la pêche à sortir de ses difficultés, je pense notamment à l'aide personnalisée au pêcheur ou au fonds de prévention des aléas de la pêche, font aujourd'hui l'objet d'une demande de remboursement de la part de l'Union, qui les considère comme contraires aux règles communautaires. Monsieur le ministre, qu'entendez-vous faire pour que ces demandes ne viennent pas plomber définitivement la compétitivité des armements de pêche ?
Enfin, comment moderniser durablement la pêche française sans rééquilibrer les relations entre la production et la grande distribution ? Le Président de la République avait déclaré à Lorient, voici maintenant deux ans, mieux comprendre la colère des pêcheurs qui ne veulent pas mourir que la violence des fraudeurs et des voyous. Aujourd'hui, à Brest, dix-sept pêcheurs vont passer en correctionnelle pour avoir, au moment de la crise de la pêche, détruit dans une grande surface – je conviens que ce n'est pas bien de l'avoir fait – un certain nombre de produits qui avaient été importés et d'autres qu'ils avaient vendus. Je précise qu'ils avaient vendu sept tonnes de poisson pour 15 000 euros à des grandes surfaces qui, sans procéder à aucune transformation, avaient revendu ce stock 53 000 euros.
Cela signifie que la loi de modernisation de l'économie, censée permettre la baisse des prix à l'étalage, a provoqué en réalité une baisse des prix à la production sans que pour autant, à l'étalage, le prix des produits prélevés et capturés par les pêcheurs ait diminué.
Monsieur le ministre, jugez-vous la modernisation du secteur de la pêche et le juste revenu des pêcheurs compatible avec les principes posés par la loi de modernisation de l'économie ? Qu'entendez-vous faire pour rééquilibrer ces relations ?
J'espère que notre débat sera l'occasion pour vous d'apporter des réponses à ces questions, réponses sans lesquelles il ne peut y avoir de modernisation de la pêche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez posé de très bonnes questions !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les discussions à venir sur les articles de ce projet de loi ont été et seront l'occasion de débattre des mesures proposées et amendées par le Parlement au regard de leur motivation économique, sociale ou financière. Au préalable, cependant, la discussion générale est l'occasion d'exprimer, avec toute la solennité et la gravité qui s'imposent, les enjeux de la modernisation de l'agriculture et de la pêche.
Pour ma part, je résumerai ces enjeux en un mot : urgence. L'urgence d'un monde rural en désarroi, l'urgence d'une profession lessivée, l'urgence d'emplois menacés ! Quand je parle d'urgence agricole, il ne s'agit pas de simples mots car, en l'occurrence, les mots sont en deçà de la réalité. Vous-même, monsieur le ministre, en ouvrant hier la discussion sur ce texte, avez parlé d'une agriculture et d'une pêche menacées.
Élu du sud du département de Vaucluse, dans un bassin de production fruitier et légumier, entre Cavaillon, L'Isle-sur-la-Sorgue, Apt et Pertuis, je mesure chaque jour le recul de l'agriculture sur mon territoire. Il suffit de sillonner les chemins de campagne ou encore de se rendre sur le marché d'intérêt national de Cavaillon pour mesurer l'ampleur des dégâts. Espace agricole en recul, filières amont et aval en crise, emplois salariés fragilisés : les symptômes sont omniprésents et se déclinent à l'identique un peu partout dans le pays.
Voyez-vous, mes chers collègues, la différence avec les crises historiques que nous avons connues il y a vingt ans dans le secteur des fruits et légumes, c'est la perte d'espoir. Il y a vingt ans, nos paysans espéraient encore, leurs enfants reprenaient l'exploitation, investissaient et croyaient en des lendemains meilleurs.
Aujourd'hui, il reste environ 360 000 exploitants, et je peux vous dire que ceux de mon département sont épuisés.
C'est pourquoi la future loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche est un rendez-vous qui ne doit pas être manqué. Avant d'aller plus loin dans l'analyse du texte, j'émets le regret que le coefficient multiplicateur n'ait jamais pu être appliqué, notamment du fait des réticences de Bercy.
Ce rendez-vous ne doit pas être manqué, car la crise qui frappe notre agriculture est la conséquence d'une économie mondialisée qui bouleverse les échanges, déplace l'emploi, déstabilise les marchés traditionnels.
Ce rendez-vous ne doit pas être manqué, car il doit être l'occasion d'adapter le droit à la réalité de la société, pour redonner à nos exploitations les moyens de la compétitivité et un cadre commercial sécurisé et moralisé.
Il n'est pas envisageable que, demain, nos agriculteurs n'aient plus la maîtrise de notre marché intérieur, au point de nous trouver en situation de dépendance alimentaire. Il n'est pas envisageable non plus que, demain, la grande nation agricole qu'est la France ne soit plus présente sur les marchés européens et mondiaux.
Il y a un avenir pour l'agriculture française, nous en sommes tous persuadés, sans quoi nous ne serions pas dans cet hémicycle pour décider des moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir.
Monsieur le ministre, vous avez su, face à la crise, faire preuve d'une grande réactivité. Les mesures d'urgence mises en oeuvre dans le cadre du plan de Poligny et le dispositif d'allégement de charges sur l'emploi saisonnier démontrent combien vous avez pris la mesure de l'urgence agricole.
Au-delà de ces mesures de soutien, la LMA doit apporter de vraies réponses structurelles à nos exploitants. L'engagement personnel du Président de la République, la mobilisation sans précédent des parlementaires de la majorité au côté des organisations professionnelles agricoles, la procédure parlementaire accélérée témoignent de notre détermination de construire, avec vous, une agriculture forte et durable, au double sens du terme.
D'ailleurs, le texte que nous examinons à compter de ce jour comporte des avancées historiques. L'accroissement du revenu agricole et le dynamisme de nos structures passent par une organisation plus efficace des filières.
En faisant de la contractualisation la règle qui régit les rapports entre producteurs et acheteurs, nous apportons tout d'abord une réponse concrète à la nécessaire sécurisation des relations commerciales et des prix, selon des critères validés et partagés, qui devront porter sur les prix, les volumes, la qualité et les délais.
En acceptant ensuite de reprendre la proposition des parlementaires visant à rendre permanente l'interdiction des remises, rabais et ristournes, le Gouvernement a répondu à une attente très forte du monde agricole.
Enfin, en traduisant dans la loi les accords de modération des marges sur la vente de fruits et légumes en cas de crise conjoncturelle, signés par les principales enseignes de distribution le 17 mai dernier, le Gouvernement a répondu favorablement à une demande urgente et pressante.
Désormais, ceux des distributeurs qui n'auront pas conclu un accord de modération et dont le chiffre d'affaires « fruits et légumes » excédera 100 millions d'euros, paieront une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales. Ceux qui ne respecteront pas l'accord signé encourront une amende pouvant atteindre 2 millions d'euros. Les engagements pris sont aujourd'hui des engagements tenus.
Il en va de même de la démarche assurantielle : les activités agricoles sont dépendantes d'aléas climatiques et sanitaires qui accroissent leur vulnérabilité. Afin de faire face aux conséquences économiques de ces aléas, les exploitations bénéficieront d'un filet de sécurité, dont la portée doit être générale et l'accès facilité, de manière à éviter que certaines d'entre elles se retrouvent en marge du dispositif.
Monsieur le ministre, je veux saluer avec enthousiasme la qualité des avancées majeures obtenues grâce à votre détermination, à votre écoute et à la qualité des travaux qui ont présidé à l'élaboration de ce texte. Mais je veux aussi insister avec force sur les chantiers qui restent à ouvrir rapidement, car il y va de la survie de nombreuses exploitations.
Je veux parler, bien sûr, des coûts de main-d'oeuvre, qui pèsent si lourdement sur nos exploitations et qui nous placent en situation de faiblesse vis-à-vis de nos concurrents, au sein de l'Union européenne comme au dehors. Le Gouvernement s'est déclaré prêt à étudier toutes les pistes susceptibles d'alléger le coût du travail permanent, en particulier dans la filière des fruits et légumes.
Monsieur le ministre, c'est une bonne nouvelle, mais il faut aller vite, très vite. Les agriculteurs, qui proposent des modes de financement alternatifs de la protection sociale agricole, attendent que nous prenions à bras-le-corps le dossier de la main-d'oeuvre agricole et de l'allégement des coûts de production, car c'est ainsi que nous gagnerons la bataille de la compétitivité.
D'autres distorsions sont dues aux contraintes sanitaires et environnementales, qui rendent intenable la situation de nos exploitants par rapport à des concurrents bien moins vertueux.
Je défendrai un amendement sur la valorisation des produits français, car le label « produit en France » est une garantie de qualité, bénéfique pour l'emploi dans nos territoires, pour l'économie française en général et pour le financement de la protection sociale agricole.
Monsieur le ministre, chaque fois que l'agriculture a connu de graves crises, notre famille politique a su assumer ses responsabilités et se mettre à la manoeuvre. Nos forces ont toujours été à l'origine des grandes avancées du monde agricole. Aujourd'hui plus encore qu'hier, il ne peut en être autrement. L'action que vous menez depuis plusieurs mois en atteste, et ce projet de loi en apporte une nouvelle preuve. Les agriculteurs comptent cependant sur nous tous pour aller encore plus loin et plus vite. Je souhaite ardemment que les débats et travaux des jours à venir en fassent la meilleure démonstration. Les agriculteurs nous font encore confiance : à nous tous de ne pas les décevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La modernisation de l'agriculture est en marche, et c'est un vaste chantier que je vous remercie, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs Michel Raison et Christian Patria, monsieur le président Patrick Ollier, d'avoir abordé avec lucidité et pragmatisme. Si ce n'est pas encore la panacée, ce sera, à n'en pas douter, un outil de négociation sur le plan européen, en espérant que les autres pays s'alignent sur les bonnes dispositions françaises.
Les agriculteurs sont des acteurs à part entière d'une économie certes performante, mais ils ont besoin, autant et peut-être plus que certains autres, d'être soutenus dans leur combat pour sortir d'une crise qui touche l'ensemble de la filière agricole. C'est bien là la véritable urgence.
Je reviendrai cependant sur quelques avancées souhaitables et attendues de cette loi. Je pense à l'assouplissement de certaines des modalités permettant de renforcer l'attractivité des baux cessibles hors cadre familial, ou à la mesure visant à ce que, sans remettre en cause la sécurité juridique du dispositif actuel, le régime de déclaration s'applique aux seuls biens effectivement libres de location.
S'agissant de la désignation des assesseurs des tribunaux paritaires, il serait bon de lever les difficultés liées au nouveau mode de scrutin, en permettant aux préfets d'organiser des élections complémentaires afin de confirmer le rôle des assesseurs et la légitimité de ces tribunaux très spécifiques.
Le droit rural ne permet pas aux exploitants fermiers de céder leur exploitation, du fait de l'incessibilité des baux ruraux. Pour faire de l'exploitation agricole une entreprise à part entière, il faut établir un cadre juridique clair, qui ne se limite pas aux éléments du fonds agricole qui peuvent être nantis.
Certains agriculteurs n'ont plus la possibilité d'exploiter des terres agricoles après la reprise exercée par le bailleur, alors même qu'ils ne peuvent bénéficier d'une retraite pleine et entière. Il est donc nécessaire, et urgent, que le preneur ait la possibilité de demander la prorogation du bail pour une durée égale à celle lui permettant d'atteindre l'âge auquel il peut prétendre à une retraite à taux plein.
D'autre part, une partie de l'agriculture étant désormais biologique, l'heure est sans doute arrivée d'inciter la restauration collective à afficher sa préférence pour les produits biologiques, et les agriculteurs volontaires à développer des circuits de proximité pour ces produits prometteurs.
N'oublions jamais qu'il n'existe pas une agriculture, mais des agriculteurs, des hommes et des femmes fiers de leur métier et qui souhaitent avant tout vivre décemment du revenu de leur travail et obtenir un véritable statut social de chef d'exploitation.
La loi de modernisation agricole doit non seulement favoriser l'allégement des charges afin d'anticiper les situations difficiles, mais aussi permettre l'évolution de ce métier noble, dans l'esprit même du modèle d'exploitation familiale que nous connaissons tous.
Elle ne doit pas être la loi du verbe et des idées généreuses, mais un texte de vérité et de réalisme, qui facilite l'installation des jeunes, issus ou non du milieu agricole et rural.
Le renouvellement des générations doit être une préoccupation constante. Les jeunes agriculteurs sont fondés à réclamer une vraie couverture sociale pendant la période précédant l'installation ; une période d'essai pour l'installation en société ; le renforcement du répertoire à l'installation ; la création d'un fonds de garantie contre les aléas économiques et pour l'amortissement de leur maison. Autant de propositions que j'ai souvent entendues lors des rencontres que nous avons eues, mes collègues Dino Cinieri, François Rochebloine et moi-même, avec des professionnels et des responsables du secteur agricole.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je sais votre intention de confier aux chambres d'agriculture les missions jusqu'alors assumées par les ADASEA, ce qui signifie la disparition programmée de ces structures pourtant très utiles pour l'installation-transmission et pour la mise en oeuvre des politiques agricoles, car elles sont au plus près des agriculteurs, notamment dans le département de la Loire où une centaine d'installations sont aidées chaque année.
Ma question, monsieur le ministre, est donc brûlante de réalisme : comment seront financées à l'avenir, et de façon pérenne, ces missions de service public, en tenant compte également du coût social des salariés de ces structures ? Dans la Loire, par exemple, seize emplois sont concernés.
Pour conclure, je me réjouis que le Sénat ait introduit dans le texte la réforme des critères d'indexation des prix des fermages, suivant les termes de la proposition de loi n° 2528 que j'avais déposée à l'Assemblée nationale et qu'un grand nombre de mes collègues avaient cosignée.
Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les agriculteurs, les producteurs et les éleveurs savent que, par la régulation, la contractualisation, l'organisation des filières, et grâce aux diverses dispositions que nous allons adopter, nous préparons l'agriculture et la pêche françaises à affronter avec confiance les prochains défis européens. Je souhaite, monsieur le ministre, comme Pierre Méhaignerie et Marc Le Fur, que cela puisse se faire sans l'habituelle brouette de paperasse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, à l'heure où l'agriculture traverse une crise sans précédent, et malheureusement durable, le texte que vous nous soumettez était attendu.
Il serait déraisonnable de prétendre ou d'espérer qu'il puisse à lui seul résoudre toutes les difficultés que rencontrent les agriculteurs. Pour autant, ce texte a le mérite de préférer au statu quo la recherche de solutions et de perspectives, et il présente l'avantage de ne pas se satisfaire d'un constat, mais de tenter de définir un cadre et de fixer un cap pour les années à venir.
Une des ambitions affichées par votre projet est de rénover la relation commerciale entre producteurs et transformateurs et de sécuriser ainsi le revenu des agriculteurs, mis à mal dans des proportions inacceptables par la volatilité des prix. Pour y parvenir, vous nous proposez de faire le choix de la contractualisation, garante de la stabilité du revenu. À cet instant, je veux redire que la contractualisation ne peut être efficace que si les producteurs disposent d'un réel pouvoir de négociation ; il faut pour cela, monsieur le ministre, que les interprofessions retrouvent la capacité d'établir des recommandations de prix.
Dans le même esprit, il faut s'assurer que tous les agriculteurs pourront bénéficier de cette contractualisation. Pour ce faire, il me semble important que l'État puisse intervenir et être le garant de l'efficacité de ce dispositif. On pourrait même imaginer que la contractualisation s'opère de manière collective, afin de ne pas laisser un ou plusieurs producteurs à l'écart du dispositif.
La contractualisation doit aussi permettre – et c'est tout aussi important – de garantir des prix différenciés aux agriculteurs qui ont fait le choix de produire sous un signe officiel de qualité. L'exemple de la contribution volontaire obligatoire, ou CVO, mise en oeuvre pour les fromages AOP d'Auvergne, et qui a pour objet de générer une plus-value pour les producteurs de lait et de permettre des actions collectives de promotion, est éclairant. En effet, les difficultés rencontrées par les producteurs pour obtenir une revalorisation de la CVO, et cela malgré un accord signé, illustre, si besoin était, l'intérêt et même la nécessité de l'intervention de la puissance publique.
Enfin, la contractualisation ne sera efficace que si elle s'inscrit dans une démarche plus globale de régulation de la production et de gestion des marchés au niveau européen, et si elle s'accompagne, en particulier dans les régions de montagne, de la pérennité des mesures compensatoires des handicaps naturels.
Au-delà de cet objectif affiché de restaurer le revenu des agriculteurs, revenu qui, je le répète, n'est pas aujourd'hui décent, il convient de rappeler que, dans cette conjoncture particulièrement difficile, l'autre défi que nous devons relever est celui du renouvellement des générations, et donc de l'installation des jeunes, qui doit, monsieur le ministre, demeurer une priorité et bénéficier des moyens nécessaires.
Je souhaite, à cet effet, et comme l'ont fait plusieurs de mes collègues, que nous nous montrions très vigilants et qu'une attention toute particulière soit apportée au devenir des ADASEA et de leurs personnels, qui jouent un rôle important dans ce dispositif et pour lesquels des évolutions sont prévues.
Monsieur le ministre, il n'y a pas une agriculture, mais des agricultures,…
…vous le rappelez vous-même régulièrement. Je ne saurais donc terminer – vous n'en serez pas étonné – sans dire un mot de l'agriculture de montagne. Je n'ai pas besoin de convaincre le président de la commission…
Qui est de tout coeur avec l'Association nationale des élus de la montagne !
…ni les rapporteurs de ce que l'aménagement de ces territoires dépend directement, peut-être plus que d'autres, de la vitalité de l'activité agricole.
Je souhaiterais attirer votre attention, comme l'a fait ma collègue du Jura et comme le fera certainement dans quelques minutes Martial Saddier, sur un fléau qui ravage les prairies d'altitude de nos massifs, de l'Auvergne à la Franche-Comté en passant par les Alpes : il s'agit de la prolifération du campagnol terrestre, un animal moins sympathique qu'il n'en a l'air, qui dévaste de manière cyclique les prairies d'altitude et prive tout simplement les éleveurs de fourrage, mettant en péril l'existence même des exploitations. Dans le seul département du Cantal, ce sont à ce jour 38 000 hectares qui sont infestés !
C'est un vrai problème.
Il est indispensable que les pertes de fourrage occasionnées, souvent plus préjudiciables encore que les effets d'une sécheresse, puissent faire l'objet d'une indemnisation et – pourquoi pas ? – bénéficier d'une extension du fonds de garantie des calamités agricoles. Des amendements ont été déposés en ce sens. Ils ont été déclarés irrecevables en vertu de l'article 40, ce dont je prends acte, mais il importe que nous trouvions ensemble une réponse à ce fléau qui peut être fatal à des exploitations déjà fragilisées par la crise.
En conclusion, monsieur le ministre, je salue votre ambition d'ouvrir des perspectives à notre agriculture et aux agriculteurs de notre pays, tout comme je salue votre action et votre engagement à Bruxelles pour convaincre nos partenaires européens du bien-fondé d'une politique agricole commune digne de ce nom, qui viendra parfaitement compléter les orientations que vous dessinez dans cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, Michel Raison a commencé son propos en rappelant que l'agriculture passionne la France et les Français. C'est vrai, mais il existe aujourd'hui autant de perceptions de ce métier qu'il y a de sortes d'agriculteurs et d'agricultures.
Force est de constater que le monde agricole a changé autour de nous et qu'une réadaptation législative est nécessaire. Sur ce projet de loi que nous examinons, beaucoup a déjà été dit. Je n'évoquerai donc que quelques points qui me tiennent à coeur.
Tout d'abord, le foncier agricole est une ressource non renouvelable et particulièrement fragile aujourd'hui, comme l'a encore dit Michel Raison. Le foncier agricole est souvent sacrifié à la réalisation de structures ou de bâtiments publics, mais aussi – malheureusement – à l'urbanisation des zones rurales.
Force est de constater aussi que les implantations d'infrastructures nécessaires aux besoins des populations – écoles, collèges, routes, contournements, déviations ou même lignes à grande vitesse – se font surtout sur les terres agricoles. Il faut aider les maires à trouver des solutions et des compensations et à progresser dans l'élaboration de leurs documents d'urbanisme.
Des réponses importantes sont apportées dans ce projet de loi au moyen de différentes mesures : création d'une commission départementale qui se prononcera sur tous les documents d'urbanisme ; mise en place d'un observatoire de la consommation des terres agricoles ; taxation de la spéculation sur le foncier agricole, dont le produit sera reversé aux jeunes agriculteurs.
Ensuite, je dirai un mot de l'Europe : on en parle, mais ce sont les agriculteurs qui la connaissent le mieux, puisqu'ils sont les premiers à devoir se plier à ses décisions, que souvent ils ne comprennent pas. Ils doivent prendre en compte la dimension internationale et européenne du cadre réglementaire dans lequel s'inscrit l'agriculture.
L'Union européenne a notamment mis en oeuvre, à côté de la politique agricole commune en faveur des marchés, une politique de développement des territoires ruraux – c'est le deuxième pilier, à travers le Fonds européen agricole pour le développement rural, ou FEADER – pour l'amélioration de la compétitivité des secteurs agricole et forestier. La simplification des procédures faciliterait la compréhension des subventions et leur obtention.
Toutefois, il nous faut rester vigilant sur les prises de décision au niveau de la Commission européenne, susceptibles de porter atteinte au travail réalisé par les professionnels français. L'exemple récent du vin rosé en est une parfaite illustration.
La décision en question, si elle avait été confirmée, aurait eu des conséquences dramatiques pour les vins de Provence, en défigurant le rosé et en niant tout le travail effectué depuis de longues années par les professionnels de ce secteur.
La promotion du modèle agricole français au sein de l'Union européenne est essentielle. Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que vous soyez le ministre de la réconciliation et du dialogue entre le monde agricole français et l'Europe.
Par ailleurs, le projet de loi vise à renforcer la couverture des risques. Les agriculteurs de mon département viennent de mesurer l'importance d'un tel dispositif, étant donné la situation dramatique dans laquelle ils se trouvent. En effet, le Var est sinistré. Mes collègues varois en ont parlé : il y a eu vingt-huit morts et l'agriculture a été atteinte dans toutes ses composantes – élevage, viticulture, maraîchage, horticulture – dans les 44 communes touchées.
Outre leur matériel, leur exploitation et leur habitation, les exploitants ont perdu leur outil de travail, c'est-à-dire la terre, ravagée par des torrents dévastateurs. Bien entendu, aucun d'entre eux n'est assuré, car l'assurance sur les récoltes coûte beaucoup trop cher, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre. Il est donc essentiel de subventionner les primes d'assurance à hauteur de 65 %, afin de les inciter à se tourner vers ces dispositifs. Bien entendu, la reconnaissance du caractère de calamité agricole est nécessaire pour pallier la perte du fonds et de la récolte.
Je tiens à vous remercier ici très sincèrement, monsieur le ministre, au nom de l'ensemble des agriculteurs varois sinistrés que vous avez rencontrés. En effet, vous êtes venu le 25 juin dans les zones dévastées. Les agriculteurs ont apprécié votre présence à leurs côtés et ont entendu les mesures concrètes que vous avez d'ores et déjà annoncées, comme le déblocage d'un million d'euros d'aides pour les prêts à taux bonifiés et l'intervention auprès de la Commission européenne afin que les aides de la PAC soient versées le plus rapidement possible. Vous avez aussi promis d'intervenir auprès des compagnies d'assurances pour qu'elles modulent leurs franchises et vous avez sollicité de la Mutualité sociale agricole qu'elle annule les cotisations de l'année.
Les agriculteurs espèrent et attendent la reconnaissance de la calamité agricole, mais vous les avez rassurés également sur ce point. Ils attendent aussi de vous revoir en septembre prochain, comme vous vous y êtes engagé. En résumé, ils vous remercient, monsieur le ministre.
Nous vous souhaitons toute l'énergie et toute la volonté possibles : vous en aurez besoin pour défendre l'agriculture et les agriculteurs français. Nous vous soutiendrons, afin que la France reste le premier pays agricole de l'Europe et passe le cap de la modernisation et de l'adaptation aux nécessités d'aujourd'hui, en permettant aux agriculteurs de bénéficier d'un revenu assuré. Ils lutteront ainsi à armes égales avec nos voisins européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, je voudrais d'abord vous dire que votre réputation de négociateur, de ministre qui respecte le monde agricole et d'Européen convaincu est parvenue jusqu'à nos territoires lointains. (Rires sur de nombreux bancs.) Je vous ai encore vu samedi dernier passer de longues minutes à écouter les agriculteurs parler de problèmes bien difficiles.
Chacun comprendra donc que je fais la part des choses entre votre action actuelle et ce que je voudrais tant essayer de dire.
Que je parte de mon petit village de montagne pour aller vers le vaste monde, ou que je parte du vaste monde pour revenir, en passant par l'Europe, vers mon petit village, je rencontre partout la même réalité. Je ne sais pas comment les choses étaient autrefois ; je n'étais pas là pour les voir. Mais en 2010 – ce moment où, certes, les guerres et les crises jettent la terreur et l'effroi un peu partout, mais où tant de lieux sur notre planète vivent en paix – pourquoi n'entend-on pas de temps en temps, ici ou là, un paysan heureux ? Pourquoi n'entend-on pas un seul agriculteur se réjouir d'avoir fait le bon choix, et dire qu'il prépare tout naturellement son fils à prendre sa succession ?
Quel que soit le sens dans lequel je parcours le monde, cela, je ne l'entends pas – pays développés, pays émergents, pays modernes, peu importe : partout, c'est la même histoire. En quelques décennies, ce qui apparaissait comme l'une des plus nobles activités de ce bas monde serait brutalement devenue inutile ! Car ceux qui s'efforcent d'en vivre se considèrent eux-mêmes comme inutiles, et même oubliés. C'est tout de même curieux que l'on retrouve ce même sentiment sur toute la surface de notre planète !
Et si le problème ne concernait que la terre ! Mais non, il concerne aussi la mer, pour laquelle les marins, les courageux marins, ont le même amour que l'on peut avoir pour la montagne – si belle quand elle est belle, mais où un soudain cri d'effroi peut venir briser ce qui n'était que beauté et jouvence.
Pourquoi, un peu partout, le paysan est-il ce délaissé que l'on n'entend plus ? Pourquoi, partout, ne peut-il plus s'organiser, pourquoi perd-il son statut ? Les folles herbes de l'oubli doivent-elles prendre le dessus, dès lors que l'on est au-dessous du seuil de productivité nécessaire ?
Aurions-nous renoncé à être ce que nous sommes – des hommes liés à leur territoire, des hommes étroitement liés à une terre où ils se sont succédé de père en fils depuis si longtemps, sans que les guerres, les révolutions, les guerres civiles même viennent briser cet éternel recommencement ?
Aujourd'hui, pourtant, en quelques années, tout se délite, et nous sommes incapables d'arrêter cette tragédie qui n'est rien d'autre que la fin d'une civilisation !
On formera toujours des ingénieurs et des aviateurs ; mais si le tronc et la racine sont pourris, serons-nous encore capables de former des paysans, des bergers, des pêcheurs ? Ces métiers doivent aussi se transmettre de père en fils, de génération en génération, de territoire en territoire. Saurons-nous le faire si nous perdons à ce point tous nos repères ?
Et toi, France, vieille France, chère France, où vas-tu pour laisser choir ainsi ton agriculture éternelle ? C'est elle, pourtant, qui t'a permis de devenir ce que tu es, elle qui t'a permis d'être respectée sur toute la planète, elle qui a donné un statut à ce pays tout entier, elle qui, de peuples, de provinces et de nations même, fiers de leur État comme de leur originalité, a fait un pays !
Au soir de leur vie, partout, ces hommes, et parfois leurs femmes, sont en larmes. Leurs seuls compagnons, ce sont les arbres, qui bientôt rentreront dans leur cuisine – leurs fils, leurs petits-fils les ont délaissés depuis si longtemps pour essayer d'aller gagner leur vie ailleurs. Alors peu importe ce qu'il y a sur l'étiquette : made in…, made in…
Vous pourriez penser que mon regard est désespéré. Mais je vous dis précisément ce que ressent un homme qui a dépassé la cinquantaine, qui a été berger, qui est fils de paysan…
…et qui a vu un autre monde.
Oui, je pense qu'un autre monde est possible.
La construction européenne est, je le dis, une nécessité absolue, ne serait-ce que pour éviter les odieux carnages du passé entre Français et Allemands. Mais aujourd'hui, nous vivons en paix : avons-nous le droit de payer si cher cette participation à une Europe qui n'est plus toujours notre amie ? Avons-nous le droit de renier ce que nous avons de plus sacré sans maudire, ni même murmurer ?
Est-il raisonnable de passer de 4 millions de paysans à 500 000, et ensuite, lorsque notre génération s'en ira – bientôt –, à 150 000 paysans et même un peu moins ? Je ne le crois pas. Chacun sait qu'il n'est pas facile de lier les deux choses, mais est-il raisonnable que nous n'encouragions même plus nos paysans à produire, quand un milliard d'hommes sur terre ne mangent pas à leur faim ?
Monsieur le ministre, j'ai bien compris le sens de votre démarche. Vous voulez aller vers le consommateur : c'est une bonne chose ; il faut lui parler et le remettre au centre de nos préoccupations ; il faut lui expliquer ce qu'est un pays uni, harmonieux, qui se donne toutes les chances de vivre et qui donne à chacun de ses enfants une chance égale.
Vous avez raison de miser sur le contrat ; je crois beaucoup plus au contrat qu'à la contrainte, mais à condition que chacun soit en mesure de mettre en oeuvre son contrat et de veiller à son application.
Vous avez raison de penser au foncier et à son devenir. Dans notre civilisation devenue brutale, violente, des milliers d'hectares sont absorbés par une urbanisation féroce et sans limites. Alors, comme pour se donner bonne conscience, pour se donner un peu d'espoir, on concède autant de terres aux parcs nationaux et aux réserves foncières, ces sanctuaires de notre temps – oui, pour se donner bonne conscience, pour que de grands hommes puissent apparaître sur les écrans de télévision pour dire que l'on protège la nature, que l'on protège la campagne, on détruit 30 % de notre territoire agricole, et on en gèle 30 % ailleurs.
Alors, oui à la taxe sur le territoire qui disparaît ; mais, monsieur le ministre, pensez à la taxe pour les territoires que l'on gèle inutilement, ou plutôt seulement pour donner bonne conscience à des gens qui pourtant ne la retrouveront plus : il est trop tard, ils ont oublié qui ils étaient.
J'ai suivi votre projet, monsieur le ministre, et je le comprends. Mais il faut que nous nous mobilisions tous pour vous aider à aller plus loin. La France n'est pas ce qu'elle dit être aujourd'hui, ou plutôt ce qu'elle ose à peine murmurer. Elle est beaucoup plus que cela. Elle doit régénérer l'Europe tout entière, et c'est l'Europe qui doit ouvrir les portes vers un monde qui mange et qui partage. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Je vais essayer de redescendre des Pyrénées après cette homélie poétique tout à fait admirable : merci à Jean Lassalle de nous avoir fait respirer l'air des hauteurs. Nos agriculteurs ne vont pas bien, ce plaidoyer leur mettra du baume au coeur.
Nos agriculteurs ne vont pas bien, je ne fais pas preuve d'une grande originalité en le disant. Je rappellerai simplement qu'une grande majorité d'entre eux ont perdu plus de la moitié de leurs ressources l'année dernière : ils méritent bien sûr notre soutien, et pour de nombreuses raisons. S'il fallait n'en retenir qu'une, ce serait bien sûr que les agriculteurs, les paysans – avec toute la noblesse de ce terme –, sont l'âme de nos campagnes et la mémoire vive de nos terroirs.
Je vais bien sûr parler de terroirs. Au sein du monde rural, les viticulteurs occupent une place primordiale. Monsieur le ministre, il faut profiter de ce texte pour adresser un signal fort à la viticulture, qui souffre énormément dans nos régions.
Si l'on ne peut qu'approuver les objectifs affichés en ce domaine par votre projet de loi, les moyens et les outils prévus pour les atteindre me semblent pour partie insuffisants.
Les deux principaux, qui devront bien sûr être utilisés pour permettre aux viticulteurs comme aux agriculteurs de vivre décemment de leur métier, sont la diminution des charges et la régulation des prix. Beaucoup l'ont dit : ils sont tout à fait nécessaires.
Mais la loi de modernisation agricole doit aussi nous donner l'occasion de renforcer la compétitivité des exploitations et des entreprises viti-vinicoles, notamment à l'exportation, débouché majeur qui permet d'équilibrer les comptes. Des amendements ont notamment été déposés pour améliorer le dispositif crédit d'impôt export, qui est un vrai succès : nous en voyons des résultats très sensibles, mais deux ans sont une période beaucoup trop courte.
Il faut aussi saisir l'occasion de renforcer les fonds propres de l'ensemble des exploitations, grâce à l'assouplissement de la base de calcul des revenus accessoires – c'est vrai pour les agriculteurs comme pour les viticulteurs.
Enfin, seul l'allégement des charges sera à même de faciliter la transmission des entreprises agricoles, nécessaire si, comme le disait Jean Lassalle tout à l'heure, nous voulons avoir encore des paysans fils de paysans.
L'un des objectifs essentiels est de mieux encadrer les relations entre producteurs et acheteurs. Cela passe, bien sûr, par la contractualisation, mais aussi par une régulation de l'offre et des prix. La contractualisation ne sera pas suffisante si nous ne nous donnons pas les moyens de cette régulation.
La possibilité qui serait donnée aux interprofessions d'établir des indicateurs de tendance de marché est certes une avancée, mais la vocation première de ce dispositif est, comme son nom l'indique, d'assurer plus de transparence, d'améliorer l'information des opérateurs et de leur permettre ainsi de mieux faire valoir leurs intérêts dans les négociations commerciales.
La protection donnée au producteur par ce dispositif reste fragile, beaucoup trop fragile. C'est pourquoi il semble important de prévoir deux autres dispositifs.
Le premier, de portée générale, consisterait à interdire la vente de denrées agricoles en dessous du prix de revient. Il faut que nous ayons le courage de trancher ce vieux débat.
Le second, de portée plus limitée, consisterait à restreindre l'interdiction aux vins AOC et IGP. Contrairement aux autres productions, les vins AOC ou IGP, comme tous les autres produits sous signe de qualité et d'origine, répondent à un cahier des charges précis et font donc face à des coûts incompressibles. Le respect du cahier des charges est impératif pour garantir la qualité des produits.
Cette qualité dépend très étroitement du prix versé au producteur, et justifie donc la fixation d'un prix minimum. C'est une demande qui, pour être nouvelle, est de plus en plus fréquente, et qui vise à maintenir une production viticole de qualité.
La fixation de ce prix se ferait à un niveau individuel et non collectif, et pour cause : de même qu'il y a, comme cela a été dit tout à l'heure, des agricultures, il y a aussi des viticultures.
Ce dispositif ne remettrait pas en cause la concurrence entre les filières, bien au contraire, ni entre les opérateurs. La fixation du prix resterait libre au niveau du consommateur.
La moralisation des relations contractuelles repose aussi sur l'approfondissement du dialogue au sein des interprofessions. Il n'est pas question de revenir dessus. L'interprofession est le cadre privilégié pour la définition de relations contractuelles plus équilibrées. Le modèle interprofessionnel doit être soutenu et consolidé. Il n'est pas nécessaire d'amender sur ce point les textes qui existent déjà.
Il me semble important aussi de clarifier, à l'occasion de ce projet de loi de modernisation agricole, les règles en matière d'étiquetage des vins. La simplification de l'offre faite au consommateur est un objectif essentiel pour l'ensemble de la filière.
Aujourd'hui, pour un même vin, une étiquette doit mentionner « appellation d'origine protégée » ou « appellation d'origine contrôlée ». La multiplicité de telles mentions ne peut qu'entraîner la confusion dans l'esprit du consommateur.
Il convient que, dans un souci de cohérence et de lisibilité de l'offre, une seule de ces mentions soit obligatoire, mais à condition qu'elle soit réellement obligatoire – en l'occurrence, la mention « appellation d'origine contrôlée » immédiatement précédée du nom de l'appellation concernée, et à condition que l'on sache exactement quelles sont ces appellations et quels sont les produits concernés.
Enfin, inscrire l'agriculture dans un développement durable des territoires est aujourd'hui une obligation. Les signes de qualité et d'origine doivent participer de la protection de l'environnement et garantir une agriculture durable. Chez moi, nous appelons cela les « climats ». Aussi serait-il judicieux que la pratique soit transformée en règle de droit et que, sur proposition des organismes de défense et de gestion, des mesures environnementales soient intégrées directement aux cahiers des charges. C'est, je crois, un voeu très largement partagé.
Monsieur le ministre, l'immobilisme est la mère de tous les maux. Si Ève avait eu à recoudre les feuilles de vigne de son cher Adam, elle n'aurait peut-être pas écouté le chant du serpent. (Rires.)
Nos agriculteurs, nos viticulteurs n'en attendent pas moins de nous à l'occasion de l'examen de ce projet de loi et, bien sûr, de la prochaine réforme de la PAC. Ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mes chers collègues, nous sommes arrivés au terme de la session ordinaire.
Je rappelle qu'il a été donné connaissance à l'Assemblée, au cours de la première séance du mardi 22 juin 2010, du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire pour le jeudi 1er juillet 2010.
En conséquence, je constate la clôture de la session ordinaire 2009-2010 et déclare ouverte la session extraordinaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de modernisation agricole doit être, comme son nom l'indique, une chance pour permettre aux agriculteurs de posséder un outil pragmatique et moderne, un outil qui réponde à leurs attentes, et je voudrais ici me faire l'interprète ici des éleveurs creusois et, au-delà, des éleveurs du bassin allaitant.
Il faut d'abord que chacun prenne conscience que les éleveurs sont ceux qui nous garantissent et nous garantiront l'indépendance et la sécurité alimentaires. Pour cela, ils doivent produire suffisamment et dans les meilleures conditions possibles.
Le discours des lobbies anti-viande est un discours irresponsable. C'est un discours anti-éleveurs et anti-économique qui, en fin de compte, ne peut que mettre en danger la sécurité alimentaire du pays.
Je voudrais aborder des questions pratiques que les agriculteurs se posent et qu'ils m'ont demandé de relayer. L'amélioration de leurs conditions de travail, et, au-delà, de leurs revenus, passe par des réponses appropriées, monsieur le ministre.
Il devrait être tenu compte du chiffre d'affaires de l'exploitation pour fixer le montant de l'aide de minimis. La reprise à l'identique est souvent plus qu'aléatoire. Il faut absolument supprimer la notion de reprise à l'identique pour que, lorsque l'exploitation est éclatée et qu'il n'existe pas de repreneur pour l'exploitation dans son ensemble, les différents repreneurs puissent se partager, par exemple, les primes au maintien du troupeau des vaches allaitantes en fonction de la surface et du cheptel repris. Si les PMTVA ne sont pas activées, il faut certes accorder une possibilité de transfert temporaire à la réserve départementale mais, au bout de trois ans, il faut les rayer de l'exploitation.
Il faut aussi supprimer la possibilité d'avoir 40 % de génisses dans la PMTVA. Il faut passer à 20 % en année N, à 10 % en année N + l, à 0 % en année N + 2.
II faut absolument revenir sur le règlement ridicule qui régit le transport des chevaux lourds. Nous exportons beaucoup de nos chevaux lourds et de nos poulains en particulier vers l'Espagne ou l'Italie. Cette année, il est devenu plus que difficile d'exporter dans des conditions acceptables.
En zone de polyculture-élevage, telle que la Creuse, le déclenchement de la prime à la brebis à partir de cinquante brebis est très pénalisant pour les nombreux producteurs qui ont moins de cinquante brebis. Il faut faire sauter le verrou de l'année de référence 2007. C'est très important pour tous ces agriculteurs qui ont plusieurs productions.
La redevance élevage, qu'à l'époque j'avais qualifiée de taxe à la bouse de vache, est, dans le bassin allaitant, une erreur sans nom qui fait de gros dégâts dans les têtes, mais également dans les résultats comptables des exploitations.
Le Président de la République a eu raison, à l'occasion du salon de l'agriculture, de dénoncer les contraintes environnementales. Il est grand temps de se pencher sur l'éco-conditionnalité, les contraintes et les contrôles afférents. Tout cela conduit au ras-le-bol des éleveurs et à une perte sérieuse de compétitivité par rapport à nos partenaires européens.
Nous allons revenir sur la retraite à soixante ans. Dans ce contexte, les éleveurs de plus de soixante ans ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent plus bénéficier de l'indemnité compensatoire de handicap naturel et de la prime herbagère agro-environnementale, surtout au moment où l'on parle de plus en plus du travail des seniors.
Autre sujet très sensible dans le milieu rural, le comportement des personnels de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques est de plus en plus mal supporté sur le terrain. C'est une source d'entrave à l'amélioration des exploitations avec des conflits de plus en plus lourds. Il est grand temps de les placer, comme d'ailleurs les personnels de l'ONC, sous la tutelle du préfet.
Je voudrais également me faire l'interprète des maires des petites communes rurales, qui subissent de la part de l'ONF un racket éhonté. Ils veulent recouvrer la liberté de gérer leur forêt comme bon leur semble, sans subir la tutelle des agents de l'ONF, qui leur font souvent faire n'importe quoi, pour un coût important.
Je voudrais aussi évoquer ce qui pourrait sembler un détail mais qui, en réalité, n'en est pas un : il faut à nouveau autoriser la mise en marché des fraises de veau. C'est un produit inoffensif et succulent, et cela permettrait de mieux valoriser le cinquième quartier. Les têtes de mouton françaises vont toutes à l'équarrissage, mais, comme il y a des consommateurs, on importe des têtes de mouton d'Irlande. C'est pour le moins curieux !
Enfin, je voudrais dire que je suis très satisfait que constater que ce texte permettra enfin la constitution de GAEC entre époux.
J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez répondre favorablement sur ces points extrêmement importants et apporter des améliorations significatives concernant la vie et la compétitivité des entreprises et des entrepreneurs agricoles. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Si nos populations résident de plus en plus en ville, elles restent très attachées au monde rural, particulièrement à l'agriculture, aux agriculteurs et à leur devenir.
En effet, dans chaque famille française, il y a une histoire passée ou récente qui rend chacun de nos concitoyens attentif au devenir de l'agriculture française. Attentif à ce que nous restions la première puissance agricole européenne – c'est l'acte de production. Attentif à la préservation des espaces agricoles, de la trame verte, de la trame bleue, de nos forêts – c'est ce que j'appelle la « carte postale de France », qui fait de notre pays la première destination touristique au monde, ce à quoi l'agriculture contribue très largement. Attentif enfin à la ferme de France, formidable outil de fabrication de produits de qualité, respectueux de l'environnement. Bref, attentif à une alimentation de qualité.
Ce projet de loi de modernisation agricole répond parfaitement à ces interrogations et vise à remplir ces objectifs. Je soutiens donc ce texte, qui permettra de conforter la puissance agricole française en Europe et dans le monde, en préservant notamment l'outil de production qu'est le foncier et en orientant résolument nos produits agricoles vers l'alimentation de nos concitoyens.
J'aurais pu vous parler d'agriculture biologique, mais, depuis l'adoption du plan de relance de l'agriculture biologique en 2004, beaucoup de choses ont été faites en sa faveur dans notre pays, même si des progrès sont encore possibles.
J'aurais pu vous parler d'apiculture, mais l'Institut technique de l'apiculture française a enfin été mis en place. Il lui reste maintenant à se prendre en main.
J'aurais pu, en tant qu'ancien directeur d'une organisation de producteurs de fruits, vous parler de contractualisation. J'y suis extrêmement favorable.
Mais compte tenu de mon temps de parole, je préfère concentrer mon propos sur l'agriculture de montagne.
Cela ne vous étonnera pas de la part du président de la commission permanente du Conseil national de la montagne. D'autres collègues l'ont fait avant moi, notamment Vincent Descoeur, secrétaire général et bientôt président de l'Association nationale des élus de la montagne.
Inutile de vous rappeler, monsieur le ministre, les handicaps naturels auxquels sont confrontés les agriculteurs de montagne, qui nécessitent une politique spécifique.
Inutile de vous rappeler le rôle majeur de la politique herbagère dans les zones de montagne : vous le connaissez.
Inutile également de vous rappeler la pression foncière en zone de montagne, notamment dans certains hauts lieux touristiques d'hiver ou d'été, où la pression est au-delà de ce que l'on peut imaginer.
Je salue ce texte, car tous les outils qui permettront de préserver les espaces agricoles sont les bienvenus, surtout s'ils sont mis au service des jeunes agriculteurs.
Les agriculteurs de montagne ont compris, depuis plus de quarante ans, qu'il fallait faire de la qualité des produits, de la qualité organoleptique et environnementale, une priorité, comme ils ont compris combien la maîtrise de la production, la régulation sous signe de qualité, était la seule solution pour survivre, la seule solution pour donner une plus-value à leurs produits.
Là encore, monsieur le ministre, je salue votre action et vous demande de l'appliquer de façon spécifique aux zones de montagne, où le lien historique entre producteur, produit et territoire, est gage de qualité, de réussite et donc d'installation de jeunes agriculteurs. Il se trouve d'ailleurs que le taux d'installation de jeunes le plus élevé se trouve être celui d'un département de montagne. L'agriculture est le premier acteur – social, économique et environnemental – d'une montagne durable.
Politique de l'herbe, risques naturels, produits sous signe de qualité, pistes de ski entretenues, sentiers d'été, paysages façonnés, pluriactivité, tout cela rime avec agriculture en zone de montagne.
Pour nombre de nos territoires, c'est une question de survie.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous qui, comme moi, habitez en zone de montagne, ou qui venez dans nos territoires pour skier l'hiver ou randonner l'été, sachez que la montagne a besoin de notre agriculture, sans laquelle elle ne pourra pas vivre.
Enfin, vous seriez étonné que je ne vous parle pas de l'arvicola terrestris, plus communément appelé campagnol terrestre. Il se trouve que, dans ma vie professionnelle antérieure, j'ai travaillé pendant près de dix ans en Haute-Savoie, sinon uniquement sur ce sujet, du moins notamment sur les dégâts causés par l'arvicola terrestris aux prairies haut-savoyardes, et plus particulièrement aux arbres fruitiers.
Cet animal est au demeurant sympathique, et il paraît anecdotique d'en parler à l'Assemblée nationale. Permettez-moi pourtant de prendre quelques secondes pour développer mon propos. Cet animal, vous ne le connaissez pas, et pourtant vous l'avez vu, toutes et tous, puisqu'en traversant les zones de montagne, lorsque vous pensiez voir des taupinières de taupes, c'étaient en fait des tumulus de campagnols terrestres.
Ce campagnol, le plus gros qui soit présent en France, vit en montagne, pèse 130 grammes, et a la particularité de renouveler 80 % de son eau cellulaire, non pas en buvant, mais en mangeant 80 % de son poids chaque jour.
Cet animal est d'autant plus sympathique qu'il se reproduit deux mois après sa naissance et fait quatre à six portées par an, chacune de quatre à six petits en moyenne. Un simple calcul mathématique donne donc le résultat suivant : à partir de deux individus au mois de février, on obtient entre 100 et 130 individus au mois de septembre. Et, lorsque le cycle biologique se met en route, la population monte jusqu'à 1 500 individus par hectare, ce qui entraîne une destruction de fourrage de l'ordre de 100 %.
Nous souhaitons lutter contre cet animal d'une façon respectueuse de l'environnement. Les agriculteurs qui sont ici ne veulent plus recourir aux anticoagulants, mais ils ont besoin de votre aide pour que soit mis sur pied un système d'indemnisation des dégâts causés par les nuisibles non couverts par les dégâts de gibier, et pour trouver des produits homologués qui soient respectueux de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La crise agricole mondiale que nous traversons est plus grave que toutes celles qui ont jalonné le XXe siècle. Elle est d'ampleur planétaire. La France est particulièrement touchée car, en tant que premier exportateur agricole européen, elle est, plus que les autres, soumise aux aléas du marché mondial.
Dès lors, la présente loi de modernisation de l'agriculture doit être bien plus qu'une simple addition d'articles et d'amendements. Rendez-vous compte, chers collègues, qu'à travers elle nous avons l'occasion de changer la donne en profondeur, de redonner confiance à la plus noble des professions, de contrecarrer les effets néfastes d'une logique de marché poussée à l'extrême, et de donner un signal fort à nos partenaires européens dans l'optique de la réforme de la PAC en 2013.
Pour ce faire, ce texte, d'une importance capitale pour l'avenir de nos campagnes, doit nous permettre de revenir à des pratiques simples, où un dur labeur mérite une juste rémunération, où la qualité et la sécurité alimentaires sont valorisées, où le foncier agricole est préservé, où nos agriculteurs, personnification de cette France qui se lève tôt, doivent se sentir soutenus par leurs pouvoirs publics.
Cette mission, nous la mènerons à bien ensemble, avec les organisations interprofessionnelles, en renforçant tout d'abord la compétitivité du secteur agricole.
Ainsi, nous pourrons désormais nous appuyer sur des contrats écrits obligatoires entre producteurs et premiers acheteurs, contrats dont il nous faut encore encadrer la rédaction par décret. Cet élément-clé garantira une stabilité des prix, au même titre que l'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, dont nous devons renforcer les prérogatives, et que le système de réassurance publique de garantie des risques, qui peut-être un nouvel élément de régulation.
D'un autre côté, comme bon nombre d'entre vous, je tiens à ce que nous inscrivions l'agriculture et la forêt dans un développement durable des territoires.
Afin de préserver le foncier agricole, nous devrons veiller au maintien des terres cultivables, d'abord en donnant à une commission de contrôle les outils nécessaires lui permettant de remplir efficacement sa mission de surveillance, puis en instaurant une taxe sur les plus-values réalisées sur les cessions de terrains nus devenus constructibles.
J'ai bon espoir que nous parvenions ainsi à l'élaboration d'un texte équilibré et juste. Toutefois, je souhaiterais ouvrir le débat sur certains points que nous pourrions approfondir, car il est toujours temps de bien faire !
Tout d'abord, s'agissant du contrat entre producteur et premier acheteur, je trouverais dommage que l'on ne s'appuie pas davantage sur les recommandations de la commission d'examen des pratiques commerciales, notamment en matière de négociation des conditions générales de vente dans le secteur agricole et alimentaire.
De plus, il nous faut poursuivre notre réflexion sur des questions très importantes, notamment pour mon département, la Loire, telles que la préservation de notre ressource en eau, ou que l'incohérence entre la protection du foncier agricole, renforcée par le présent texte, et les objectifs fixés par la loi « engagement national pour le logement », visant à dégager toujours plus de nouvelles zones constructibles.
Enfin, il nous faut nous interroger sur le devenir des ADASEA, qui fait l'objet d'un amendement du Gouvernement. Ce dernier entend faire disparaître ces associations départementales d'accompagnement des structures agricoles en confiant leurs missions de service public aux chambres d'agriculture.
Les ADASEA, associations de petite taille, allient compétence, réactivité et faible coût de fonctionnement. L'économie de 15 millions d'euros réalisée par cette mesure sera donc anéantie par la suppression de plus de 300 emplois, sans oublier les milliers de jeunes agriculteurs qui ne pourront s'installer faute d'avoir trouvé une exploitation, alors que c'est le métier même de cette association de les aider dans leurs démarches et de les mettre en relation avec les cédants.
Je crois nécessaire de prendre le temps de la réflexion car, premièrement, les chambres d'agriculture, donc la profession, ne pourront financer les missions importantes assumées jusqu'à présent par les ADASEA, et deuxièmement, celles-ci travaillent déjà de concert, dans certains départements, avec les chambres d'agriculture, pour la plus grande satisfaction aux deux parties et de la filière. Est-il vraiment opportun de légiférer sur ce point ?
Vous l'aurez compris, les défis à relever sont nombreux, d'autant qu'il pèse sur nous, en ces circonstances difficiles, une véritable obligation de résultat. Mais il faut que nous gardions à l'esprit qu'en défendant ce texte, avec Jean-François Chossy, François Rochebloine et l'ensemble des agriculteurs, arboriculteurs et viticulteurs ligériens, c'est notre identité que nous préservons. C'est un pan entier de notre culture, de notre savoir-faire, que nous protégeons. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Depuis le début de la discussion générale, les intervenants ont tous évoqué la situation difficile de nos agriculteurs, chacun dans leur territoire, chacun dans leur filière, compte tenu de la chute exceptionnelle de leurs revenus.
Il est vrai que, depuis la dernière loi d'orientation, le monde agricole a connu en quelques années des bouleversements importants. C'est donc dans un contexte particulièrement difficile que vous nous avez proposé, monsieur le ministre, à l'automne dernier, un grand débat sur l'agriculture. Celui-ci a permis de constater que le fonctionnement de l'économie agricole était gravement perturbé. Les agriculteurs n'ont plus de visibilité, plus de repères, tant les prix varient d'une campagne à l'autre. Ils ont peu de pouvoir, face à l'aval des filières, pour influer sur les cours malgré les efforts qu'ils font pour s'organiser. Ils sont de plus en plus exposés à la concurrence internationale, les marchés étant désormais guidés par les prix mondiaux.
Ce projet de loi doit donc être l'occasion d'accompagner notre agriculture pour l'aider à passer ce cap difficile et la préparer à relever les échéances des prochaines années.
Chacun le sait, l'agriculture ne peut plus fonctionner selon ses anciens schémas, car les défis à relever sont nombreux. Il faut accroître le lien entre production, alimentation, nutrition et santé, mieux tenir compte de l'environnement dans les modes de production, gérer l'accroissement des risques tels que les aléas climatiques ou la recrudescence des menaces sanitaires, faire face à la forte instabilité des marchés et contenir la diminution régulière de l'espace rural.
Dans ce projet de loi, monsieur le ministre, vous vous êtes donné deux objectifs : répondre à court terme à l'urgence de la crise agricole et préparer à moyen terme notre agriculture aux changements prévisibles de la politique agricole commune après 2013. À cette fin, vous proposez de nouveaux outils pour mieux organiser, mieux réguler, mieux orienter la politique agricole. Vous souhaitez, par la contractualisation, organiser les rapports entre producteurs, transformateurs et distributeurs.
Cette orientation est une bonne chose pour les agriculteurs, à condition toutefois qu'elle soit bien expliquée, et bien comprise par les intéressés. Il est vrai que la contractualisation cristallise parfois les peurs, lesquelles ne sont pas sans rappeler celles suscitées il y a vingt-cinq ans par la mise en place des quotas laitiers.
La contractualisation ne doit pas faire peur, dès lors que les relations commerciales entre producteurs et transformateurs sont bien formalisées. Il faudra toutefois veiller à ce qu'elle ne donne pas tous les pouvoirs aux industriels, sans garantie de prix rémunérateurs pour les producteurs. Des garde-fous seront donc indispensables pour parvenir à un rapport de forces équilibré entre producteurs, transformateurs et distributeurs. La contractualisation doit donner plus de visibilité aux investisseurs et assurer un minimum de rentabilité aux producteurs. Elle doit aussi permettre de maintenir une production sur tout le territoire national.
Il est vrai que tout reste à faire, monsieur le ministre. C'est un chantier complexe qui va se mettre en place. Vous le savez, les contrats seuls ne feront pas tout. Pour être efficaces et crédibles, ils ne devront pas se limiter au seul territoire national. Ils devront s'appuyer sur une régulation des marchés à l'échelle européenne pour stabiliser les prix et permettre de réagir en cas de crise. Vous avez engagé la démarche auprès de la Commission européenne et je sais que vous défendrez avec beaucoup d'énergie la position de la France.
Pour réussir et pour permettre aux agriculteurs de vivre correctement de leur métier, il sera impératif de prendre aussi en considération les autres priorités maintes fois évoquées par le monde agricole.
Les agriculteurs veulent redevenir compétitifs et retrouver de la visibilité. Cela passe par un allégement de leurs charges, par une fiscalité adaptée, par une meilleure gestion des risques, par une simplification des procédures administratives qui pénalisent, voire découragent les investisseurs. Monsieur le ministre, les agriculteurs vous l'ont dit lors de vos nombreux déplacements, ils souhaitent ne plus être soumis à des contraintes plus fortes que celles imposée à leurs compétiteurs européens.
Les agriculteurs souhaitent également que soit garanti en toute transparence un partage plus équitable de la valeur ajoutée. Cela passe par un renforcement de l'observatoire des prix et des marges, afin qu'il devienne un outil incontesté pour protéger les producteurs. Cela passe aussi par une meilleure organisation des filières de production.
Concernant l'organisation des producteurs, il est vrai que les débats n'ont pas abouti à un consensus. À l'occasion du projet de budget de l'agriculture pour 2010, j'avais évoqué la crainte des associations d'éleveurs de ne plus être reconnues comme l'un des modes d'organisation des producteurs. Par souci de pragmatisme, vous avez maintenu les organisations non commerciales de producteurs, en particulier dans le secteur de l'élevage. Vous avez reconnu qu'il n'existait pas de solution identique pour toutes les filières agricoles et qu'un des atouts majeurs de l'agriculture était sa diversité. Il apparaît en effet difficile de priver les éleveurs de cette liberté fondamentale qu'est le choix de leur mode de commercialisation. Il est toutefois prévu qu'un bilan de l'organisation économique des différents modes de commercialisation sera effectué au regard de leur contribution au revenu des producteurs. Je formule le souhait que ce bilan soit fait en toute transparence, de manière sincère, objective et exhaustive.
Je ne voudrais pas terminer mon intervention sans évoquer la situation des jeunes agriculteurs ni celle des retraités agricoles.
Le renouvellement des générations est une clé essentielle de la dynamique de nos territoires. Un nouveau dispositif d'accompagnement de l'installation a été mis en place en 2009. Il est impératif de prévoir les moyens suffisants pour sa mise en oeuvre. Des ajustements sont à envisager pour faciliter l'installation des porteurs de projets, pour accompagner les cédants grâce à des mesures incitatives, pour encourager la transmission et accompagner les jeunes dans leur formation agricole.
J'évoquerai, pour terminer, la situation des retraités agricoles, qui ont participé en leur temps au développement de notre agriculture. Ils demandent à ne pas être les oubliés de la réforme des retraites. Il est vrai que, grâce à votre action, des mesures sont prévues pour revaloriser les pensions les plus faibles. Un point de blocage demeure toutefois : l'alignement du régime des agriculteurs sur le régime général pour le calcul de la retraite. En effet, celle des agriculteurs reste calculée sur la totalité de la carrière et non sur les vingt-cinq meilleures années. Je profite donc de ce débat pour savoir s'il est dans votre intention de demander que cette mesure d'équité soit intégrée au projet de loi sur les retraites. Je vous remercie pour l'attention que vous porterez à cette demande. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce projet de loi de modernisation agricole me laisse une impression très mitigée.
J'en comprends les objectifs et je les partage. Lutter pour une meilleure alimentation et une meilleure qualité des aliments, protéger davantage les producteurs de fruits et légumes, préserver l'espace agricole, mieux gérer les forêts, tout cela va dans le bon sens.
Mon sentiment sur les moyens de parvenir à ces objectifs est plus réservé. Oui, les objectifs de ce texte sont louables, mais fallait-il une loi pour cela ? Sur certains points, certainement, mais sur bien des aspects du texte – j'y reviendrai –, notamment à l'article 1er, nous sommes en présence d'une loi déclarative, bavarde, quand son rôle est de fixer des obligations et d'ouvrir des droits.
Le propos tenu par Pierre Mazeaud, lors de ses voeux au président de la République en 2005, illustre parfaitement mon sentiment sur ce texte : « Comment ne pas avoir l'impression, parfois, que l'on veut une “grande loi” sur tel sujet majeur, avant d'avoir une idée bien définie de son contenu ? Et que, lorsqu'elle est finalement promulguée, la “grande loi” est devenue un catalogue de mesures utiles, certes, mais hétéroclites et très en retrait de l'exaltant dessein premier ? »
Depuis des années, les juristes constatent une dégradation de la qualité de la loi. Nous-mêmes, nous nous plaignons de lois trop touffues, nous lançons de grands programmes de simplification et de clarification du droit.
Commençons par bien faire notre travail, lors de l'écriture de la loi, en retirant des textes soumis à notre examen tout ce qui ne relève pas du domaine législatif. Veillons mieux à la coordination juridique entre les différents codes, posons-nous la question de savoir si les outils que nous nous apprêtons à créer n'existent pas déjà, avant de voter de nouvelles dispositions.
Mais, pour cela, il faut avoir le temps de travailler, et je veux ici exprimer solennellement mon mécontentement concernant les conditions inadmissibles dans lesquelles nous avons examiné ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Que ce soit pour préparer l'examen du texte en commission ou pour le passage en séance publique, nous avons eu tout au plus quatre jours utiles.
S'agissant du travail en commission,…
…le texte a été mis en ligne le vendredi 4 juin, à onze heures cinquante, pour une date limite de dépôt des amendements fixée au lendemain, dix-sept heures.
Pour la séance publique, ce fut la même chose : le texte de la commission a été mis en ligne le mercredi soir, pour une limite de dépôt des amendements fixée au samedi suivant.
Comment étudier sérieusement un texte dans ces conditions ? On me dira que cela n'a pas empêché de voir arriver un flot d'amendements : il y en aurait eu certainement moins si nous avions eu le temps de les étudier en détail, de nous concerter pour faire le tri et de nous regrouper sur quelques amendements plutôt que de déposer dix fois le même…
Ce texte m'inquiète par sa complexité, par le parfum d'économie administrée et de bureaucratie qui s'en dégage. Je crains fort que nous ne soyons en train de monter une série d'usines à gaz qui, étant finalement inutilisables, ne serviront à rien.
Sur la contractualisation, je suis assez dubitatif. Mon expérience des relations commerciales, en tant que chef d'entreprise notamment, m'a montré, que lorsqu'il existe une relation économique très déséquilibrée, on peut instaurer toutes les protections que l'on veut en faveur de la partie faible, celui qui est en position de force trouvera toujours les moyens de contourner les règles.
Sur la contractualisation, ce sera très simple. L'acheteur sera obligé de proposer un contrat, mais le producteur ne sera pas obligé de l'accepter. Très vite, il comprendra qu'il a tout intérêt, s'il veut continuer à travailler avec tel intermédiaire ou telle centrale d'achat, à décliner la proposition de contrat écrit.
Sur d'autres sujets, comme l'urbanisme, on complexifie inutilement les règles, en instituant une commission supplémentaire – j'y reviendrai dans le débat – qui n'empêchera rien, mais retardera les dossiers. L'expérience de l'urbanisme commercial est pourtant patente : les commissions ne servent à rien, et ne font que créer des coûts supplémentaires.
Vous l'aurez compris, le contenu utile de cette loi me semble bien maigre.
D'un autre côté, je n'ai rien trouvé dans le texte qui suscite en moi une hostilité radicale. Je déplore surtout que l'on n'ait pas suffisamment travaillé la qualité juridique de sa rédaction. Nous en sommes, nous parlementaires, les premiers responsables. Il faut que nous prenions conscience que d'autres auront à appliquer la loi une fois promulguée. Nous avons une responsabilité vis-à-vis d'eux. Il est de notre devoir de parlementaires de veiller à la qualité de la loi, ce que nous ne faisons pas assez à mon sens.
Monsieur le ministre, votre projet de loi de modernisation de l'agriculture me donne une nouvelle fois l'occasion de me faire l'écho de toute la profession agricole, dans ses doutes comme dans ses inquiétudes majeures et légitimes face à l'avenir.
C'est peu dire que les agriculteurs placent leurs espoirs dans votre action et dans les politiques que vous engagez. Ma circonscription, très rurale, compte 816 exploitations, très disparates, et toutes les productions y sont représentées. La crise y a été terriblement ressentie. Des baisses drastiques de revenu ont entraîné pour certains des cessations d'activité tragiques. C'est tout un pan de l'économie locale qui s'effondre si l'on prend en compte les emplois induits.
En parfait connaisseur du sujet, monsieur le ministre, vous avez su prendre les mesures d'urgence sur les plans structurel et conjoncturel, et je vous en sais gré. Le plan de relance a permis à des agriculteurs de faire face à des problèmes de trésorerie – pas à tous, malheureusement, car certains sont déjà fort endettés.
Parallèlement, vous avez su mobiliser une grande majorité des États européens sur votre ligne politique, avec la garantie de régulation des marchés et de stabilité des prix.
Aujourd'hui, votre projet de loi apporte de nouvelles avancées, des mesures concrètes globalement très appréciées du monde agricole, que ce soit sur la nécessité de la contractualisation, sur le regroupement des organisations de producteurs et des organisations interprofessionnelles, sur la mise en place d'un observatoire des prix et des marges ou encore d'un observatoire de la consommation des terres agricoles.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je suis très concernée par les problèmes de l'agriculture. Je me suis d'ailleurs beaucoup impliquée dans le groupe de travail constitué par notre président de groupe, Jean-François Copé, sur la sécurité et l'indépendance alimentaires, à l'issue duquel nous vous avons apporté, lors des assises de décembre 2009, quelques propositions concrètes.
C'est pourquoi, si j'entends bien ce que comporte votre projet de loi, dont vous avez su nous confirmer qu'il ne répondrait malheureusement pas à toutes les difficultés actuelles de la profession, je veux vous dire à nouveau, monsieur le ministre, ce que ne comprennent pas nos agriculteurs.
C'est d'abord la complexité des contraintes administratives. J'étais récemment chez un agriculteur de ma circonscription qui me disait passer plus de 400 heures pas an à remplir des dossiers, soit plus d'une heure par jour. En outre, comme il a diversifié son activité, la lourdeur de ces contraintes s'est accentuée.
Ce sont aussi les contraintes environnementales, de plus en plus lourdes, plus fortes que celles mises en place au niveau européen.
C'est, enfin, la généralisation de mesures incomprises ; en ce qui concerne les cultures intermédiaires, les fameuses CIPAN – les cultures intermédiaires pièges à nitrates –, elles sont impossibles à mettre en place sur tous les territoires. Nos agriculteurs ne comprennent pas ces mesures qu'on leur impose et qui ne les satisfont pas.
Monsieur le ministre, nos agriculteurs veulent vivre de leur travail, qu'ils exercent avec passion, dans le souci de protéger l'environnement, et qu'ils souhaitent transmettre de génération en génération, ce qui est de plus en plus difficile aujourd'hui. Je compte sur vous pour répondre à de nombreuses inquiétudes. Je suis certaine que l'examen de la prochaine réforme de la PAC sera l'occasion d'y pourvoir. Mais, satisfaite du projet de loi que vous nous présentez, je le voterai en toute sincérité et en toute confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, vous vous êtes interrompu à minuit pour ouvrir la session extraordinaire. Vous avez ainsi montré la volonté politique du Gouvernement d'inaugurer celle-ci par un texte aussi important…
…que la loi de modernisation de l'agriculture. Monsieur le ministre, je tenais à saluer cette volonté, que vous savez partagée par les députés de votre majorité.
Il est urgent d'adapter notre agriculture aux défis très importants qu'elle a à relever. Nous le savons, cela a été dit dans cet hémicycle sur tous les bancs ; depuis des mois, semaine après semaine, nous vous avons interpellé, monsieur le ministre, sur la gravité de la situation. Toutes les productions sont touchées et le revenu des agriculteurs a chuté de 20 à 30 % au cours des deux dernières années.
Que peuvent faire le Gouvernement et la majorité avec ce projet de loi ?
Contrairement à ce qu'a dit notre collègue Tardy, que j'ai écouté avec étonnement, ce texte vise des objectifs auxquels nous devrions tous adhérer : définir une politique publique de l'alimentation, soutenir les filières agro-alimentaires et agro-industrielles en améliorant leur compétitivité, notamment en rééquilibrant les relations entre les opérations au sein des filières, et inscrire l'activité de l'agriculture et de la forêt dans un développement durable des territoires. Ce sont des objectifs qui devraient nous rassembler.
Au-delà, monsieur le ministre, ce n'est pas seulement dans cet hémicycle que nous allons relever les défis auxquels a à répondre le monde agricole. En l'occurrence, je m'adresse au ministre qui défend, à Bruxelles, à travers la pérennité de la politique agricole commune, toute une filière de notre économie nationale.
Monsieur le ministre, vous avez lancé, en décembre dernier, avec vingt et un de vos homologues européens, l'« appel de Paris pour une politique agricole et alimentaire commune ». Aujourd'hui, 40 % du budget de l'Union européenne est consacré à l'agriculture.
Je veux féliciter notre rapporteur pour son excellent travail, qui a d'ailleurs été salué par nombre d'orateurs à cette tribune.
Certains d'entre nous ont montré, par le dépôt d'amendements très précis, qu'ils étaient à l'écoute des syndicats agricoles, mais aussi des filières agro-alimentaires, de l'industrie, ainsi que des défenseurs de l'environnement. Ce texte marque un progrès, car il adapte le cadre dans lequel les producteurs et les agriculteurs exerceront demain leur noble mission.
Monsieur le ministre, le Gouvernement doit être très attentif au travail des députés, que traduisent les amendements retenus par notre commission. Le Sénat a fait un excellent travail,…
…mais nous devons encore améliorer le texte. Au-delà des principes, monsieur le ministre, je vous appelle à la vigilance, car je ne voudrais pas, à cette heure tardive, rappeler dans quel état se trouve chacune de nos filières, que ce soit la viande bovine, le lait, la viticulture, les fruits et légumes, etc.
Il y a urgence à apporter des solutions durables.
J'ai regretté que vous n'ayez pas retenu la suggestion que je vous avais faite il y a plusieurs mois, au nom des députés du Nouveau Centre, de décréter une sorte d'« année blanche » durant laquelle seraient gelés les remboursements des emprunts des agriculteurs.
Certes, vous me répondrez que près de 1,9 milliard d'euros de prêts de trésorerie ont été consentis, mais la situation financière reste très tendue et le désespoir s'est installé dans nos campagnes.
Nous allons bientôt aborder la discussion des articles et je suis certain, monsieur le ministre, que vous prêterez la plus grande attention à certains de nos amendements. Contrairement à mon collègue Tardy, j'estime que la discussion de ce texte, couplée à votre détermination à Bruxelles, sous l'impulsion du Président de la République, qui a fait, il y a quelques mois, un grand discours en Maine-et-Loire, réaffirme la volonté politique d'aider le secteur essentiel de l'agriculture, au-delà de la filière agro-alimentaire. C'est aussi l'un des enjeux de notre débat de ce soir. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dire que le texte qui nous est présenté aujourd'hui était attendu, c'est peu dire ! Avec la crise agricole et l'effondrement sans précédent des revenus des agriculteurs qui l'a caractérisée, avec les perspectives liées à l'évolution de la politique agricole européenne et les menaces liées à la conjoncture économique globale, avec la multiplication des contraintes réglementaires, le monde rural dans son ensemble a été fortement déstabilisé ces dernières années et s'inquiète de son avenir.
Je ne puis passer sous silence la crise laitière, qui a placé tant d'agriculteurs en grande difficulté du fait d'une baisse de revenu de l'ordre de 50 % en un an, alors que les prix au détail, eux, n'ont jamais diminué. Ce fut une dure épreuve, une crise européenne qui risquait de mettre à mal tout un système, du petit producteur à la coopérative. Souvenons-nous à quel point les agriculteurs ont connu, des mois durant, inquiétude et désespoir, face à la vente à perte de leur lait, au point d'adopter des modes de contestation très inhabituels chez eux, comme la grève.
Au-delà des mesures d'urgence prises par le Gouvernement, qui a heureusement fait preuve de réactivité, les producteurs doivent être rémunérés à un juste prix. Il est vrai que cette crise nous a rappelé les limites d'un système de libre-échange qui s'affranchirait de toute régulation.
Le groupe Nouveau Centre, pour sa part, n'a cessé de vous alerter, monsieur le ministre, sur l'ampleur de cette crise agricole et sur les graves enjeux liés à l'instabilité des prix et à l'accélération des mutations qui touchent l'économie agricole sur nos territoires, en particulier en montagne et en zones défavorisées, où le risque est grand de voir disparaître en nombre les exploitations, comme l'a souligné tout à l'heure, avec beaucoup de talent, Jean Lassalle.
Ce tissu de petites, voire très petites exploitations, qui survivent dans des régions aux rendements plus faibles et plus irréguliers que d'autres, aux conditions climatiques, de sol ou de relief moins favorables, ont toutes leur raison d'être, car elles font vivre au pays des hommes et des femmes, elles maintiennent des activités et une économie locale, elles entretiennent et façonnent le paysage, bref, elles donnent une identité à nos territoires, une âme à nos montagnes, et c'est aussi ce qui fait la richesse de la France.
Nous sommes plus que jamais attachés au maintien de cette agriculture raisonnée, de proximité, à taille humaine…
…et familiale. Elle contribue à la diversité, elle est respectueuse de l'environnement et, cela va de soi, respectueuse des consommateurs pour peu, bien sûr, que les règles économiques qui lui sont imposées le permettent et n'aillent pas à l'encontre des besoins vitaux. Alimentation, santé, environnement, voici trois mots clés qu'il ne faut pas opposer, mais au contraire lier et combiner, ce que votre projet de loi, monsieur le ministre, tente de faire, j'insiste sur ce point.
À cet instant, je voudrais évoquer les graves difficultés du secteur des fruits et légumes. Comment admettre, en effet, que tous les dispositifs mis en oeuvre ces dernières années restent sans résultat face à des pratiques commerciales aussi abusives, aussi inéquitables que les remises, rabais, ristournes, prix après vente, et autres avantages obtenus dans des conditions aussi déloyales qu'opaques ?
Les producteurs ne demandent rien d'autre que de faire du commerce équitable.
La garantie des prix est-elle seulement possible dans un marché européen totalement ouvert à la concurrence mondiale, aux importations massives de fruits et légumes proposés à la vente quelle que soit la saison ? Curieuse conception du développement durable ! Comment admettre des distorsions de concurrence que viennent encore aggraver, notamment, les différences de coût de la main-d'oeuvre, comme l'a d'ailleurs rappelé Jean Dionis du Séjour dans son intervention ?
Dans un département tel que la Loire, mes collègues Jean-François Chossy et Dino Cinieri sont, tout comme moi, bien placés pour mesurer ces difficultés et les contradictions d'un système qui exige tout à la fois des agriculteurs réactivité, souplesse, adaptation, compétitivité, sécurité, qualité. Et pourtant, cette agriculture de taille moyenne ou modeste, tente de résister pour ne pas disparaître. Avouons, cependant, que nous ne sommes pas loin du point de rupture et que, face à l'incertitude du lendemain, notre responsabilité collective est grande.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous soutiendrons une approche équilibrée des enjeux agricoles, une approche qui ne perde pas de vue, au nom du productivisme et d'une course à la rentabilité dont on ne voit plus la fin, la mission première de l'agriculture : nourrir les hommes et bien les nourrir.
Si nous savons combien les marges de manoeuvre nationales sont étroites, en particulier dans le contexte actuel de crise générale, nous comptons très sincèrement sur votre sens de l'écoute et sur votre pragmatisme pour parvenir à proposer ensemble les réponses les plus appropriées et redonner à notre agriculture la place qu'elle mérite en France et en Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je tiens d'abord à vous remercier d'être aussi nombreux à cette heure tardive, ce qui témoigne de la qualité et de l'importance des débats que nous avons aujourd'hui, et à vous remercier, ensuite, de la pertinence de toutes vos interventions et remarques au cours de cette discussion générale.
Ce débat de qualité témoigne de l'attachement, que je tiens à saluer, de la représentation nationale au monde paysan et à la pêche. Il témoigne également de la préoccupation profonde de l'ensemble des représentants de la nation devant la gravité de la situation de l'agriculture et de la pêche aujourd'hui, qu'il s'agisse des grandes cultures, de l'élevage, des fruits et légumes, de la viticulture, de la pêche ou de l'ostréiculture. Aucune filière n'est épargnée et vous avez tous, dans la diversité des territoires que vous représentez, évoqué les différentes inquiétudes de chacun.
Vous avez exprimé des inquiétudes réelles sur la volatilité des prix, sur la disparition des terres agricoles – notamment dans les départements d'outre-mer, je tiens à le préciser, où le phénomène est particulièrement marqué –, sur la concurrence déloyale dans le monde, sur l'ensemble des phénomènes qui touchent notre agriculture, sans oublier le campagnol terrestre sur lequel j'ai beaucoup appris ce soir ! Grâce à Martial Saddier, j'ai élargi mes connaissances sur ce petit rongeur si sympathique à regarder ! (Sourires.)
Reprendre chacune des interventions risquerait d'être long et quelque peu fastidieux pour chacun d'entre vous, surtout à cette heure. Sachez, néanmoins, que j'ai noté avec attention chacune d'entre elles et que j'aurai l'occasion d'y répondre au cours du débat. Je me contenterai donc de simplifier, un peu à l'extrême, les positions des uns et des autres qui ne recoupent, d'ailleurs, pas forcément – nous venons encore de le constater récemment – les lignes politiques de nos différentes familles respectives !
Il y a, globalement, ceux qui pensent que ce texte ne va pas dans le bon sens – c'est évidemment leur droit –, ceux qui considèrent qu'il ne changera rien et ceux, dont je fais naturellement partie (Sourires), qui estiment qu'il marquera un changement essentiel dans l'histoire agricole française, mais qu'il devra aussi s'appuyer sur une régulation européenne des marchés et sur un renouvellement de la politique agricole commune.
Les raisons invoquées par ceux qui considèrent que ce texte ne va pas dans la bonne direction sont, je le note au passage, totalement contradictoires. Ainsi, certains estiment qu'il est beaucoup trop administratif – je pense notamment à ce qu'a dit Pierre Méhaignerie. D'autres, en revanche, lui reprochent de tendre vers une libéralisation totale et débridée de l'agriculture française. Je répondrai simplement aux uns comme aux autres que ce texte vise un seul objectif : une responsabilisation accrue des agriculteurs, qui auront alors plus de chances de s'en sortir grâce au prix de leurs produits, qu'ils pourront commercialiser dans de bonnes conditions. Je ne vois pas comment on peut s'opposer à l'esprit de responsabilité dont ce projet est porteur.
Ce texte responsabilisera aussi davantage le consommateur, lequel décide finalement de la valeur du produit agricole qu'il est prêt à acheter.
Ce projet de loi défend un seul modèle : celui d'une agriculture durable, présente sur tout le territoire, sur la base de nouveaux équilibres économiques où l'agriculteur ou le pêcheur parviendra à réduire sa dépendance des intrants et des carburants de façon à diminuer ses coûts de production. En effet, soyons lucides, nous ne parviendrons pas à augmenter le prix dans les proportions que nous voulons pour l'agriculteur ou pour le pêcheur, et ce n'est même pas souhaitable, car le consommateur en pâtirait. Par conséquent, la seule solution est bien de réduire le coût de production pour que le prix proposé par le producteur soit le meilleur possible.
Je tiens d'ailleurs à préciser, s'agissant de l'agriculture durable, que, pour le Gouvernement, la ligne rouge à ne pas franchir est représentée par toute mesure qui aboutirait à faire revenir les agriculteurs ou les pêcheurs sur les efforts considérables qu'ils accomplissent depuis des années pour mieux respecter l'environnement. Par respect des agriculteurs et des pêcheurs en France qui ont consenti ces efforts, nous ne devons pas prendre de décisions aboutissant à jeter à nouveau la suspicion sur eux. Je le dis solennellement : les premiers défenseurs de l'environnement dans ce pays sont les agriculteurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Ils sont les premiers à avoir agi pour l'environnement. Je n'accepterai pas – vous voterez ensuite en conscience – des amendements qui conduiraient à rouvrir des guerres inutiles et stériles entre les défenseurs de l'environnement et les défenseurs de l'agriculture, qui ne se situent pas dans des camps différents, mais ont, au contraire, les mêmes intérêts ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
C'est pour tout le monde… (Sourires.)
Une deuxième catégorie de parlementaires, dont je note avec bonheur qu'ils sont assez peu nombreux, pense que ce texte ne changera rien. Je m'adresse ici particulièrement aux élus des départements d'outre-mer, chez qui j'ai noté le scepticisme le plus profond.
Je partage entièrement leurs préoccupations quant à l'avenir de l'agriculture outre-mer. Nous avons besoin de nous orienter vers la diversification et de sécuriser les productions. Nous devons veiller attentivement aux négociations conduites avec un certain nombre de pays d'Amérique du Sud, s'agissant de la banane en particulier. Nous devons répondre aux inquiétudes profondes causées par le chlordécone. Je m'engage ce que nous répondions à ces préoccupations dans les ordonnances dont le principe sera posé par ce texte. Pour être encore plus concret, je m'engage à me rendre, dès la rentrée, dans les départements d'outre-mer afin d'étudier avec vous les mesures concrètes que nous pourrons faire figurer dans ces ordonnances.
En réponse à ceux qui ont exprimé d'autres doutes sur les changements que ce texte pourra entraîner, je reprendrai brièvement quelques éléments. Aujourd'hui, près de 80 % des agriculteurs passent encore des accords oraux de gré à gré avec leurs industriels et leurs fournisseurs. Nous allons créer une obligation de contrat écrit pour tous les industriels. C'est un véritable changement.
Le Fonds de garantie des calamités agricoles doit pourvoir à toutes les difficultés et à la quasi-totalité des risques agricoles. Nous allons élargir ce fonds et développer les dispositifs assurantiels. C'est aussi un vrai changement.
Nous disposons actuellement d'un observatoire qui se contente de faire figurer des données sur Internet sans considérer toutes les filières agricoles, sans examiner les coûts de production. Nous allons en créer un qui concernera toutes les denrées agricoles, qui touchera les coûts de production et qui aura à sa tête quelqu'un de compétent, pouvant rendre une analyse précise sur les marges réalisées par les uns ou les autres. C'est un vrai changement.
Nous n'avons actuellement aucun dispositif pour freiner la disparition des terres agricoles, alors que d'autres pays s'en sont dotés. Nous allons créer un observatoire, une commission, qui effectuera un suivi, ainsi qu'une taxe dont le produit sera affecté à l'installation des jeunes agriculteurs. C'est un vrai changement.
Nous n'avons actuellement aucun élément pour réorganiser les filières de production, les organisations de producteurs, les interprofessions. Le projet de loi comporte justement toute une série de dispositions pour mieux organiser ces organisations de producteurs, ces interprofessions – notamment monsieur le rapporteur Guédon, dans le secteur de la pêche. C'est un vrai changement.
J'en arrive donc à la conclusion que ceux qui sont dans la troisième catégorie, ceux qui pensent que ce texte marquera un changement majeur, ont raison, et je les incite à continuer à plaider en ce sens. Je suis d'accord avec eux et je les remercie du soutien qu'ils lui apportent.
Comme je le disais dans mon intervention liminaire, ce texte me semble indispensable pour nous faire entrer dans un monde agricole nouveau, pour défendre notre modèle agricole français, qui ne pourra être défendu que si nous sommes capables une nouvelle fois de changer, une nouvelle fois de demander aux agriculteurs de s'adapter, une nouvelle fois de leur demander de faire des efforts supplémentaires pour être les plus pertinents et les plus forts possible dans le monde européen qui se dessine. Il est indispensable pour gagner en compétitivité, pour stabiliser le revenu, pour garantir la diversité des productions, pour définir un lien plus étroit, plus constructif, entre le producteur, l'industrie agroalimentaire, le distributeur et, finalement, le consommateur.
Je reconnais aussi, avec beaucoup d'humilité, qu'il ne résoudra pas tous les problèmes de compétitivité de l'agriculture française. Il y a naturellement des dispositifs qui relèvent du règlement ou d'autres dispositions.
Lorsque nous décidons, avec le Président de la République, d'autoriser la circulation des camions de 44 tonnes, cela ne relève pas de la loi, mais c'est une vraie amélioration de la compétitivité de notre agriculture.
Oui, il y a un problème de coût du travail dans l'agriculture en France. Oui, il faudra poser la question du coût du travail permanent après avoir posé celle du coût du travail non permanent et y avoir apporté une réponse – qui s'élève à 170 millions d'euros par an pour le budget de l'État.
Oui, monsieur Dionis du Séjour, nous devons avancer aussi sur ce sujet.
Au-delà de ces mesures réglementaires indispensables, la clé du succès de cette loi sera, bien entendu, notre capacité à faire bouger l'Union européenne dans le sens que nous souhaitons tous ici, toutes familles politiques confondues.
J'ai été très touché par les appréciations que vous avez portées sur le travail européen que nous essayons tous ensemble de conduire.
Ce changement de l'Europe vis-à-vis de l'agriculture est indispensable.
Je n'ai pas aimé l'Europe telle qu'elle s'est comportée en 2009 vis-à-vis de son agriculture. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je n'aime pas l'Europe quand elle met trois mois pour intervenir sur le marché du lait alors qu'elle sait que des milliers de producteurs, en France et dans tous les pays européens, sont en train, pour parler clair, de crever la bouche ouverte parce que les prix du lait se sont effondrés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je n'aime pas l'Europe quand elle n'écoute pas ses concitoyens.
Je n'aime pas l'Europe quand elle n'arrive plus à voir la réalité en face.
Je n'aime pas l'Europe quand, au lieu de défendre ses propres intérêts, elle cède aux intérêts du MERCOSUR en ouvrant avec lui des négociations qui auront un impact négatif pour l'ensemble des éleveurs en France et dans les autres pays européens.
Je n'aime pas l'Europe quand elle oublie ses agriculteurs ou, pire, lorsqu'elle les méprise.
Je souhaite que l'Europe que nous allons défendre en 2010, celle vers laquelle nous nous orientons, celle que nous avons réussi à faire bouger, régule les marchés, autorise les producteurs à mieux s'organiser pour mieux défendre ses intérêts face aux industriels ou aux distributeurs.
Je souhaite une Europe capable de modifier son droit de la concurrence sans s'y attacher comme à un dogme intangible alors que le monde a changé. Pourquoi les textes européens ne pourraient-ils pas changer dans un monde qui, lui-même, devient différent ?
Je souhaite une Europe capable d'imposer la transparence aux marchés agricoles, de donner l'information nécessaire aux producteurs, de voir la réalité telle qu'elle est plutôt que de s'attacher à des dogmes vieux de plus d'un demi-siècle et qui ne sont plus adaptés à la réalité que vivent aujourd'hui les producteurs et les paysans de France et d'ailleurs.
Pour conclure – avant que nos débats ne reprennent demain –, je souhaite que les sceptiques, les opposants au projet comme ses soutiens précieux acceptent de travailler tous ensemble en bonne intelligence pour améliorer le texte que le Gouvernement vous propose. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 1er juillet 2010, à une heure cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma