Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, alors que l'agriculture française est confrontée à une crise majeure, le Gouvernement nous présente un projet de loi qui répond à certaines inquiétudes des professions agricoles. Ce texte conditionne l'avenir des filières agricoles françaises au cours des trente années à venir.
Le constat est simple et complexe à la fois ; il mêle crise structurelle et conjoncturelle.
Élu d'une circonscription à dominante rurale marquée du sceau de l'agriculture – les monts du Lyonnais représentent une part importante de la ruralité dans le département du Rhône –, je ne peux que soutenir un projet de loi qui apporte des solutions aux problèmes que traverse notre agriculture.
Depuis le début de cette crise, j'ai rencontré de très nombreux représentants de la filière agricole. J'ai en effet la chance d'avoir, dans une zone de montagne de ma circonscription, la plus grosse production laitière de France. Tous ces jeunes m'ont dit l'amour de leur métier, leur passion de l'exercer, mais aussi la souffrance d'être impuissants face à la baisse de leurs revenus, qui atteint près de 34 % en moyenne. La plupart d'entre eux ont déployé des ressources insoupçonnables pour faire face à cette crise. Vous le savez, ils veulent d'abord affirmer leur aspiration à vivre dignement.
L'agriculture évolue, se transforme, s'adapte ; elle sait relever les défis croissants de l'Europe et de la mondialisation. Certains n'ont eu d'autre choix que de mettre fin à leur activité. D'autres se sont tournés vers une issue plus dramatique. Ne l'oublions jamais.
Monsieur le ministre, ce projet de loi, déjà modifié par nos collègues sénateurs, va, osons le dire, dans le bon sens. Son premier objectif est de consacrer, pour la première fois, une politique publique de l'alimentation.
Je n'insisterai que sur quelques points qui me paraissent importants. Il est indispensable de renforcer la compétitivité de notre agriculture. La France compte aujourd'hui 326 000 exploitants agricoles, contre 1,6 million en 1970. Nous devons leur offrir de nouveaux outils, en leur permettant de vivre de leur production tout en assurant, par le renouvellement des générations, une présence vitale dans nos campagnes, facteur d'aménagement du territoire.
L'objectif de stabiliser le revenu des producteurs par les contrats écrits, rendus obligatoires par la loi, entre producteurs et transformateurs est également primordial. Ces contrats assureront une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les différents acteurs de la filière.
Les interprofessions, dont le pouvoir d'action et les missions sont renforcés par l'article 7, y puiseront la puissance d'intervention qui nous a tant manqué ces dernières années. La commission de médiation veillera au bon fonctionnement de ce dispositif, en lien avec l'installation législative de l'observatoire des prix et des marges. Nous devrons nous aussi, parlementaires, évaluer cette politique, si nous ne voulons pas assister à la naissance contre-productive de nouveaux équilibres forcés.
Les outils de couverture des risques climatiques, sanitaires, environnementaux et économiques que crée le texte contribueront eux aussi à stabiliser le revenu des agriculteurs.
Vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, les réponses à apporter se situent également au niveau européen.
L'État doit soutenir l'installation de nos jeunes afin de rendre la profession rémunératrice et attractive. Les articles qui lui sont consacrés ont répondu pour partie aux interrogations des jeunes générations, dont les attentes sont nombreuses et précises.
La politique de sauvegarde du foncier est elle aussi essentielle. La pression foncière est parfois écrasante pour les jeunes agriculteurs qui s'installent ; la région périurbaine de Lyon en fournit un exemple.
Cette politique doit être globale et impliquer l'échelon local. C'est tout l'intérêt des principales dispositions du titre III. J'y souscris, et j'irai même plus loin : l'aménagement du territoire est l'affaire de tous, car les agriculteurs sont essentiels au tissu rural et à la préservation des terres agricoles.
J'ajoute que certains élus locaux qui souhaitent modeler leur PLU à leur façon pour faire de l'urbanisme durable prennent souvent pour prétexte la loi et le législateur, selon eux contraignants, pour invoquer tel ou tel changement de destination des zones cadastrales et justifier leur impuissance à satisfaire les demandes croissantes d'urbanisation. La préservation du capital foncier est elle aussi l'affaire de tous. Chacun doit donc assumer ses responsabilités et tendre vers l'intérêt général.
J'espère que le plan régional d'agriculture durable remédiera à ces incohérences en donnant naissance à une politique volontariste de sauvegarde des terres agricoles.
Notre agriculture est le coeur battant de nos campagnes ; ne l'oublions jamais. C'est aussi une partie de l'identité de notre pays, qui souffre aujourd'hui. « Vous pouvez arracher l'homme du pays, mais vous ne pouvez pas arracher le pays du coeur de l'homme », écrivait Dos Passos. Le lien séculaire qui unit l'agriculture et la nation est aujourd'hui encore plus vital pour notre pays. Nous souhaitons tous que ce pacte soit renouvelé, et durablement.
J'espère évidemment, monsieur le ministre, que les quelques amendements que j'ai déposés enrichiront votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)