Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les discussions à venir sur les articles de ce projet de loi ont été et seront l'occasion de débattre des mesures proposées et amendées par le Parlement au regard de leur motivation économique, sociale ou financière. Au préalable, cependant, la discussion générale est l'occasion d'exprimer, avec toute la solennité et la gravité qui s'imposent, les enjeux de la modernisation de l'agriculture et de la pêche.
Pour ma part, je résumerai ces enjeux en un mot : urgence. L'urgence d'un monde rural en désarroi, l'urgence d'une profession lessivée, l'urgence d'emplois menacés ! Quand je parle d'urgence agricole, il ne s'agit pas de simples mots car, en l'occurrence, les mots sont en deçà de la réalité. Vous-même, monsieur le ministre, en ouvrant hier la discussion sur ce texte, avez parlé d'une agriculture et d'une pêche menacées.
Élu du sud du département de Vaucluse, dans un bassin de production fruitier et légumier, entre Cavaillon, L'Isle-sur-la-Sorgue, Apt et Pertuis, je mesure chaque jour le recul de l'agriculture sur mon territoire. Il suffit de sillonner les chemins de campagne ou encore de se rendre sur le marché d'intérêt national de Cavaillon pour mesurer l'ampleur des dégâts. Espace agricole en recul, filières amont et aval en crise, emplois salariés fragilisés : les symptômes sont omniprésents et se déclinent à l'identique un peu partout dans le pays.
Voyez-vous, mes chers collègues, la différence avec les crises historiques que nous avons connues il y a vingt ans dans le secteur des fruits et légumes, c'est la perte d'espoir. Il y a vingt ans, nos paysans espéraient encore, leurs enfants reprenaient l'exploitation, investissaient et croyaient en des lendemains meilleurs.
Aujourd'hui, il reste environ 360 000 exploitants, et je peux vous dire que ceux de mon département sont épuisés.
C'est pourquoi la future loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche est un rendez-vous qui ne doit pas être manqué. Avant d'aller plus loin dans l'analyse du texte, j'émets le regret que le coefficient multiplicateur n'ait jamais pu être appliqué, notamment du fait des réticences de Bercy.
Ce rendez-vous ne doit pas être manqué, car la crise qui frappe notre agriculture est la conséquence d'une économie mondialisée qui bouleverse les échanges, déplace l'emploi, déstabilise les marchés traditionnels.
Ce rendez-vous ne doit pas être manqué, car il doit être l'occasion d'adapter le droit à la réalité de la société, pour redonner à nos exploitations les moyens de la compétitivité et un cadre commercial sécurisé et moralisé.
Il n'est pas envisageable que, demain, nos agriculteurs n'aient plus la maîtrise de notre marché intérieur, au point de nous trouver en situation de dépendance alimentaire. Il n'est pas envisageable non plus que, demain, la grande nation agricole qu'est la France ne soit plus présente sur les marchés européens et mondiaux.
Il y a un avenir pour l'agriculture française, nous en sommes tous persuadés, sans quoi nous ne serions pas dans cet hémicycle pour décider des moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir.
Monsieur le ministre, vous avez su, face à la crise, faire preuve d'une grande réactivité. Les mesures d'urgence mises en oeuvre dans le cadre du plan de Poligny et le dispositif d'allégement de charges sur l'emploi saisonnier démontrent combien vous avez pris la mesure de l'urgence agricole.
Au-delà de ces mesures de soutien, la LMA doit apporter de vraies réponses structurelles à nos exploitants. L'engagement personnel du Président de la République, la mobilisation sans précédent des parlementaires de la majorité au côté des organisations professionnelles agricoles, la procédure parlementaire accélérée témoignent de notre détermination de construire, avec vous, une agriculture forte et durable, au double sens du terme.
D'ailleurs, le texte que nous examinons à compter de ce jour comporte des avancées historiques. L'accroissement du revenu agricole et le dynamisme de nos structures passent par une organisation plus efficace des filières.
En faisant de la contractualisation la règle qui régit les rapports entre producteurs et acheteurs, nous apportons tout d'abord une réponse concrète à la nécessaire sécurisation des relations commerciales et des prix, selon des critères validés et partagés, qui devront porter sur les prix, les volumes, la qualité et les délais.
En acceptant ensuite de reprendre la proposition des parlementaires visant à rendre permanente l'interdiction des remises, rabais et ristournes, le Gouvernement a répondu à une attente très forte du monde agricole.
Enfin, en traduisant dans la loi les accords de modération des marges sur la vente de fruits et légumes en cas de crise conjoncturelle, signés par les principales enseignes de distribution le 17 mai dernier, le Gouvernement a répondu favorablement à une demande urgente et pressante.
Désormais, ceux des distributeurs qui n'auront pas conclu un accord de modération et dont le chiffre d'affaires « fruits et légumes » excédera 100 millions d'euros, paieront une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales. Ceux qui ne respecteront pas l'accord signé encourront une amende pouvant atteindre 2 millions d'euros. Les engagements pris sont aujourd'hui des engagements tenus.
Il en va de même de la démarche assurantielle : les activités agricoles sont dépendantes d'aléas climatiques et sanitaires qui accroissent leur vulnérabilité. Afin de faire face aux conséquences économiques de ces aléas, les exploitations bénéficieront d'un filet de sécurité, dont la portée doit être générale et l'accès facilité, de manière à éviter que certaines d'entre elles se retrouvent en marge du dispositif.
Monsieur le ministre, je veux saluer avec enthousiasme la qualité des avancées majeures obtenues grâce à votre détermination, à votre écoute et à la qualité des travaux qui ont présidé à l'élaboration de ce texte. Mais je veux aussi insister avec force sur les chantiers qui restent à ouvrir rapidement, car il y va de la survie de nombreuses exploitations.
Je veux parler, bien sûr, des coûts de main-d'oeuvre, qui pèsent si lourdement sur nos exploitations et qui nous placent en situation de faiblesse vis-à-vis de nos concurrents, au sein de l'Union européenne comme au dehors. Le Gouvernement s'est déclaré prêt à étudier toutes les pistes susceptibles d'alléger le coût du travail permanent, en particulier dans la filière des fruits et légumes.
Monsieur le ministre, c'est une bonne nouvelle, mais il faut aller vite, très vite. Les agriculteurs, qui proposent des modes de financement alternatifs de la protection sociale agricole, attendent que nous prenions à bras-le-corps le dossier de la main-d'oeuvre agricole et de l'allégement des coûts de production, car c'est ainsi que nous gagnerons la bataille de la compétitivité.
D'autres distorsions sont dues aux contraintes sanitaires et environnementales, qui rendent intenable la situation de nos exploitants par rapport à des concurrents bien moins vertueux.
Je défendrai un amendement sur la valorisation des produits français, car le label « produit en France » est une garantie de qualité, bénéfique pour l'emploi dans nos territoires, pour l'économie française en général et pour le financement de la protection sociale agricole.
Monsieur le ministre, chaque fois que l'agriculture a connu de graves crises, notre famille politique a su assumer ses responsabilités et se mettre à la manoeuvre. Nos forces ont toujours été à l'origine des grandes avancées du monde agricole. Aujourd'hui plus encore qu'hier, il ne peut en être autrement. L'action que vous menez depuis plusieurs mois en atteste, et ce projet de loi en apporte une nouvelle preuve. Les agriculteurs comptent cependant sur nous tous pour aller encore plus loin et plus vite. Je souhaite ardemment que les débats et travaux des jours à venir en fassent la meilleure démonstration. Les agriculteurs nous font encore confiance : à nous tous de ne pas les décevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)