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Intervention de Jean-Marie Morisset

Réunion du 30 juin 2010 à 21h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Morisset :

Depuis le début de la discussion générale, les intervenants ont tous évoqué la situation difficile de nos agriculteurs, chacun dans leur territoire, chacun dans leur filière, compte tenu de la chute exceptionnelle de leurs revenus.

Il est vrai que, depuis la dernière loi d'orientation, le monde agricole a connu en quelques années des bouleversements importants. C'est donc dans un contexte particulièrement difficile que vous nous avez proposé, monsieur le ministre, à l'automne dernier, un grand débat sur l'agriculture. Celui-ci a permis de constater que le fonctionnement de l'économie agricole était gravement perturbé. Les agriculteurs n'ont plus de visibilité, plus de repères, tant les prix varient d'une campagne à l'autre. Ils ont peu de pouvoir, face à l'aval des filières, pour influer sur les cours malgré les efforts qu'ils font pour s'organiser. Ils sont de plus en plus exposés à la concurrence internationale, les marchés étant désormais guidés par les prix mondiaux.

Ce projet de loi doit donc être l'occasion d'accompagner notre agriculture pour l'aider à passer ce cap difficile et la préparer à relever les échéances des prochaines années.

Chacun le sait, l'agriculture ne peut plus fonctionner selon ses anciens schémas, car les défis à relever sont nombreux. Il faut accroître le lien entre production, alimentation, nutrition et santé, mieux tenir compte de l'environnement dans les modes de production, gérer l'accroissement des risques tels que les aléas climatiques ou la recrudescence des menaces sanitaires, faire face à la forte instabilité des marchés et contenir la diminution régulière de l'espace rural.

Dans ce projet de loi, monsieur le ministre, vous vous êtes donné deux objectifs : répondre à court terme à l'urgence de la crise agricole et préparer à moyen terme notre agriculture aux changements prévisibles de la politique agricole commune après 2013. À cette fin, vous proposez de nouveaux outils pour mieux organiser, mieux réguler, mieux orienter la politique agricole. Vous souhaitez, par la contractualisation, organiser les rapports entre producteurs, transformateurs et distributeurs.

Cette orientation est une bonne chose pour les agriculteurs, à condition toutefois qu'elle soit bien expliquée, et bien comprise par les intéressés. Il est vrai que la contractualisation cristallise parfois les peurs, lesquelles ne sont pas sans rappeler celles suscitées il y a vingt-cinq ans par la mise en place des quotas laitiers.

La contractualisation ne doit pas faire peur, dès lors que les relations commerciales entre producteurs et transformateurs sont bien formalisées. Il faudra toutefois veiller à ce qu'elle ne donne pas tous les pouvoirs aux industriels, sans garantie de prix rémunérateurs pour les producteurs. Des garde-fous seront donc indispensables pour parvenir à un rapport de forces équilibré entre producteurs, transformateurs et distributeurs. La contractualisation doit donner plus de visibilité aux investisseurs et assurer un minimum de rentabilité aux producteurs. Elle doit aussi permettre de maintenir une production sur tout le territoire national.

Il est vrai que tout reste à faire, monsieur le ministre. C'est un chantier complexe qui va se mettre en place. Vous le savez, les contrats seuls ne feront pas tout. Pour être efficaces et crédibles, ils ne devront pas se limiter au seul territoire national. Ils devront s'appuyer sur une régulation des marchés à l'échelle européenne pour stabiliser les prix et permettre de réagir en cas de crise. Vous avez engagé la démarche auprès de la Commission européenne et je sais que vous défendrez avec beaucoup d'énergie la position de la France.

Pour réussir et pour permettre aux agriculteurs de vivre correctement de leur métier, il sera impératif de prendre aussi en considération les autres priorités maintes fois évoquées par le monde agricole.

Les agriculteurs veulent redevenir compétitifs et retrouver de la visibilité. Cela passe par un allégement de leurs charges, par une fiscalité adaptée, par une meilleure gestion des risques, par une simplification des procédures administratives qui pénalisent, voire découragent les investisseurs. Monsieur le ministre, les agriculteurs vous l'ont dit lors de vos nombreux déplacements, ils souhaitent ne plus être soumis à des contraintes plus fortes que celles imposée à leurs compétiteurs européens.

Les agriculteurs souhaitent également que soit garanti en toute transparence un partage plus équitable de la valeur ajoutée. Cela passe par un renforcement de l'observatoire des prix et des marges, afin qu'il devienne un outil incontesté pour protéger les producteurs. Cela passe aussi par une meilleure organisation des filières de production.

Concernant l'organisation des producteurs, il est vrai que les débats n'ont pas abouti à un consensus. À l'occasion du projet de budget de l'agriculture pour 2010, j'avais évoqué la crainte des associations d'éleveurs de ne plus être reconnues comme l'un des modes d'organisation des producteurs. Par souci de pragmatisme, vous avez maintenu les organisations non commerciales de producteurs, en particulier dans le secteur de l'élevage. Vous avez reconnu qu'il n'existait pas de solution identique pour toutes les filières agricoles et qu'un des atouts majeurs de l'agriculture était sa diversité. Il apparaît en effet difficile de priver les éleveurs de cette liberté fondamentale qu'est le choix de leur mode de commercialisation. Il est toutefois prévu qu'un bilan de l'organisation économique des différents modes de commercialisation sera effectué au regard de leur contribution au revenu des producteurs. Je formule le souhait que ce bilan soit fait en toute transparence, de manière sincère, objective et exhaustive.

Je ne voudrais pas terminer mon intervention sans évoquer la situation des jeunes agriculteurs ni celle des retraités agricoles.

Le renouvellement des générations est une clé essentielle de la dynamique de nos territoires. Un nouveau dispositif d'accompagnement de l'installation a été mis en place en 2009. Il est impératif de prévoir les moyens suffisants pour sa mise en oeuvre. Des ajustements sont à envisager pour faciliter l'installation des porteurs de projets, pour accompagner les cédants grâce à des mesures incitatives, pour encourager la transmission et accompagner les jeunes dans leur formation agricole.

J'évoquerai, pour terminer, la situation des retraités agricoles, qui ont participé en leur temps au développement de notre agriculture. Ils demandent à ne pas être les oubliés de la réforme des retraites. Il est vrai que, grâce à votre action, des mesures sont prévues pour revaloriser les pensions les plus faibles. Un point de blocage demeure toutefois : l'alignement du régime des agriculteurs sur le régime général pour le calcul de la retraite. En effet, celle des agriculteurs reste calculée sur la totalité de la carrière et non sur les vingt-cinq meilleures années. Je profite donc de ce débat pour savoir s'il est dans votre intention de demander que cette mesure d'équité soit intégrée au projet de loi sur les retraites. Je vous remercie pour l'attention que vous porterez à cette demande. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

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