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Intervention de Alain Suguenot

Réunion du 30 juin 2010 à 21h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Suguenot :

Je vais essayer de redescendre des Pyrénées après cette homélie poétique tout à fait admirable : merci à Jean Lassalle de nous avoir fait respirer l'air des hauteurs. Nos agriculteurs ne vont pas bien, ce plaidoyer leur mettra du baume au coeur.

Nos agriculteurs ne vont pas bien, je ne fais pas preuve d'une grande originalité en le disant. Je rappellerai simplement qu'une grande majorité d'entre eux ont perdu plus de la moitié de leurs ressources l'année dernière : ils méritent bien sûr notre soutien, et pour de nombreuses raisons. S'il fallait n'en retenir qu'une, ce serait bien sûr que les agriculteurs, les paysans – avec toute la noblesse de ce terme –, sont l'âme de nos campagnes et la mémoire vive de nos terroirs.

Je vais bien sûr parler de terroirs. Au sein du monde rural, les viticulteurs occupent une place primordiale. Monsieur le ministre, il faut profiter de ce texte pour adresser un signal fort à la viticulture, qui souffre énormément dans nos régions.

Si l'on ne peut qu'approuver les objectifs affichés en ce domaine par votre projet de loi, les moyens et les outils prévus pour les atteindre me semblent pour partie insuffisants.

Les deux principaux, qui devront bien sûr être utilisés pour permettre aux viticulteurs comme aux agriculteurs de vivre décemment de leur métier, sont la diminution des charges et la régulation des prix. Beaucoup l'ont dit : ils sont tout à fait nécessaires.

Mais la loi de modernisation agricole doit aussi nous donner l'occasion de renforcer la compétitivité des exploitations et des entreprises viti-vinicoles, notamment à l'exportation, débouché majeur qui permet d'équilibrer les comptes. Des amendements ont notamment été déposés pour améliorer le dispositif crédit d'impôt export, qui est un vrai succès : nous en voyons des résultats très sensibles, mais deux ans sont une période beaucoup trop courte.

Il faut aussi saisir l'occasion de renforcer les fonds propres de l'ensemble des exploitations, grâce à l'assouplissement de la base de calcul des revenus accessoires – c'est vrai pour les agriculteurs comme pour les viticulteurs.

Enfin, seul l'allégement des charges sera à même de faciliter la transmission des entreprises agricoles, nécessaire si, comme le disait Jean Lassalle tout à l'heure, nous voulons avoir encore des paysans fils de paysans.

L'un des objectifs essentiels est de mieux encadrer les relations entre producteurs et acheteurs. Cela passe, bien sûr, par la contractualisation, mais aussi par une régulation de l'offre et des prix. La contractualisation ne sera pas suffisante si nous ne nous donnons pas les moyens de cette régulation.

La possibilité qui serait donnée aux interprofessions d'établir des indicateurs de tendance de marché est certes une avancée, mais la vocation première de ce dispositif est, comme son nom l'indique, d'assurer plus de transparence, d'améliorer l'information des opérateurs et de leur permettre ainsi de mieux faire valoir leurs intérêts dans les négociations commerciales.

La protection donnée au producteur par ce dispositif reste fragile, beaucoup trop fragile. C'est pourquoi il semble important de prévoir deux autres dispositifs.

Le premier, de portée générale, consisterait à interdire la vente de denrées agricoles en dessous du prix de revient. Il faut que nous ayons le courage de trancher ce vieux débat.

Le second, de portée plus limitée, consisterait à restreindre l'interdiction aux vins AOC et IGP. Contrairement aux autres productions, les vins AOC ou IGP, comme tous les autres produits sous signe de qualité et d'origine, répondent à un cahier des charges précis et font donc face à des coûts incompressibles. Le respect du cahier des charges est impératif pour garantir la qualité des produits.

Cette qualité dépend très étroitement du prix versé au producteur, et justifie donc la fixation d'un prix minimum. C'est une demande qui, pour être nouvelle, est de plus en plus fréquente, et qui vise à maintenir une production viticole de qualité.

La fixation de ce prix se ferait à un niveau individuel et non collectif, et pour cause : de même qu'il y a, comme cela a été dit tout à l'heure, des agricultures, il y a aussi des viticultures.

Ce dispositif ne remettrait pas en cause la concurrence entre les filières, bien au contraire, ni entre les opérateurs. La fixation du prix resterait libre au niveau du consommateur.

La moralisation des relations contractuelles repose aussi sur l'approfondissement du dialogue au sein des interprofessions. Il n'est pas question de revenir dessus. L'interprofession est le cadre privilégié pour la définition de relations contractuelles plus équilibrées. Le modèle interprofessionnel doit être soutenu et consolidé. Il n'est pas nécessaire d'amender sur ce point les textes qui existent déjà.

Il me semble important aussi de clarifier, à l'occasion de ce projet de loi de modernisation agricole, les règles en matière d'étiquetage des vins. La simplification de l'offre faite au consommateur est un objectif essentiel pour l'ensemble de la filière.

Aujourd'hui, pour un même vin, une étiquette doit mentionner « appellation d'origine protégée » ou « appellation d'origine contrôlée ». La multiplicité de telles mentions ne peut qu'entraîner la confusion dans l'esprit du consommateur.

Il convient que, dans un souci de cohérence et de lisibilité de l'offre, une seule de ces mentions soit obligatoire, mais à condition qu'elle soit réellement obligatoire – en l'occurrence, la mention « appellation d'origine contrôlée » immédiatement précédée du nom de l'appellation concernée, et à condition que l'on sache exactement quelles sont ces appellations et quels sont les produits concernés.

Enfin, inscrire l'agriculture dans un développement durable des territoires est aujourd'hui une obligation. Les signes de qualité et d'origine doivent participer de la protection de l'environnement et garantir une agriculture durable. Chez moi, nous appelons cela les « climats ». Aussi serait-il judicieux que la pratique soit transformée en règle de droit et que, sur proposition des organismes de défense et de gestion, des mesures environnementales soient intégrées directement aux cahiers des charges. C'est, je crois, un voeu très largement partagé.

Monsieur le ministre, l'immobilisme est la mère de tous les maux. Si Ève avait eu à recoudre les feuilles de vigne de son cher Adam, elle n'aurait peut-être pas écouté le chant du serpent. (Rires.)

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