La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
J'ai reçu le lundi 6 juillet 2009, à quatorze heures quinze, une motion de censure déposée par MM. Jean-Marc Ayrault, Gérard Charasse et 142 membres de l'Assemblée, en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.
La motion de censure a été notifiée au Gouvernement et affichée.
L'Assemblée prend acte de ce dépôt.
Les modalités de discussion de cette motion seront examinées par la conférence des présidents qui se réunit ce matin à dix heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Richard Mallié et plusieurs de ses collègues réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n°s 1782, 1742).
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à la discussion de cette proposition de loi la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de cinquante heures.
En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles des rapporteurs et présidents des commissions, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.
Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont en tout état de cause qu'indicatifs.
La parole est à M. Richard Mallié, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, mes chers collègues, cela fait plusieurs années que je travaille sur ce dossier et nous voici, enfin, réunis pour examiner une proposition de loi, fruit de ces années de travail et de réflexion.
Par deux fois, en 2007, le Conseil économique, social et environnemental a conduit des études approfondies sur ce sujet. Le rapport établi par Léon Salto ainsi que l'étude présentée par Jean-Paul Bailly constituent des analyses solides et doivent être salués. De plus, en 2007 également, un rapport du Conseil d'analyse économique, rédigé par Pierre Cahuc, Patrick Artus et André Zylberberg, a permis d'apporter un point de vue nouveau sur le sujet.
Comme vous le voyez, la question du travail dominical est à l'origine d'un débat légitime et important, s'agissant d'un sujet où trop souvent l'irrationnel l'emporte sur les faits.
Il faut être attentif à ne pas caricaturer un texte dont l'objet n'est ni de supprimer le repos du dimanche, ni d'ouvrir la voie à une généralisation du travail dominical…
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Mais si !
…mais, peut-être, est-ce un voeu pieux !
Avant toute chose, ce texte réaffirme, en préambule, que, « dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».
Cette proposition de loi a également pour vocation d'apporter des aménagements à ce principe et des garanties nécessaires à une pratique assez généralement constatée dans notre pays. Il s'agit bien d'une réponse technique à des problèmes techniques incontestables.
Il s'agit d'apporter des réponses ciblées à des questions spécifiques.
Ce texte n'a pas pour objectif d'autoriser tous les commerces à ouvrir le dimanche, mais bien d'adapter les règles applicables aux zones touristiques, aux périmètres d'usage de consommation exceptionnel et aux commerces de détail alimentaire.
Naturellement, évoquer le principe du repos dominical, c'est accepter d'aborder les multiples enjeux que recouvre cette question. Je rappellerai brièvement ces enjeux, que nous avons tous présents à l'esprit.
Le débat est d'abord juridique, voire historique. Tandis que le repos hebdomadaire est respecté sous l'Ancien Régime pour des raisons religieuses et sociétales, la Révolution de 1789 remet en cause cet état de fait. Napoléon Bonaparte alla plus loin, déclarant même qu'il était contraire au droit divin d'empêcher l'homme de travailler le dimanche pour gagner son pain, qu'il avait autant de besoins le dimanche que les autres jours de la semaine. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je suis en train de vous expliquer, écoutez-moi !
Au cours du XIXe siècle, différentes positions se sont affrontées sur le sujet. Au milieu du siècle, ce fut tout d'abord le lundi qui s'imposa comme jour de repos hebdomadaire. Mais ce « saint Lundi » était un jour de fête réservé essentiellement aux ouvriers. Puis, en 1892, une loi fut adoptée afin d'accorder le repos hebdomadaire aux femmes et aux enfants. Enfin, c'est un amendement voté par la Chambre des députés en 1902 qui deviendra loi, promulguée en 1906 : quinze ans après qu'ont eut accordé le repos hebdomadaire aux femmes et aux enfants, elle assurait à une grande partie du monde salarial un repos hebdomadaire d'une durée de vingt-quatre heures, fixé de préférence le dimanche. N'oublions pas qu'à cette époque, il y a précisément 103 ans de cela, la plupart des ouvriers et employés étaient privés de repos et ne disposaient pas d'un seul jour libre par an.
On sait que le principe du repos dominical, posé par la loi du 13 juillet 1906, va de pair, dès l'origine, avec des dérogations. D'ailleurs, en 1914, 30 % seulement des boutiques l'appliquaient. Je rappelle quand même qu'on dénombrait plus de 25 347 dérogations dès 1913 ! Elles concernaient les coiffeurs, les cordonniers ou encore les merciers. Dans les années vingt, le président du Conseil de l'époque, Alexandre Millerand, avait d'ailleurs déclaré : « Il y a sur le repos dominical autant d'exceptions qu'il y a de communes ». Ce constat n'est donc pas nouveau, mais la complexité des règles applicables aujourd'hui amène parfois à l'absurde.
De l'incohérence, on passe parfois à l'injustice, comme c'est le cas avec les zones touristiques.
Je me permets de faire référence à l'exemple du magasin de chaussures de plage autorisé à ouvrir le dimanche, tandis que le commerce voisin vendant des chaussures de ville ne pourra le faire.
L'enjeu est aussi économique. La question des effets économiques des dérogations à la règle du repos dominical n'est pas facile.
Mais comment ne pas tenir compte de la demande réelle des consommateurs dans les grandes agglomérations, en particulier lorsqu'ils sont jeunes ? Comment ne pas prendre en considération les évolutions du commerce, à commencer par le développement considérable des achats par Internet ?
En effet, certains avancent l'idée que le travail dominical porterait atteinte aux commerces de centre ville. L'achat sur Internet, qui a augmenté de 26 % au premier trimestre 2009, apparaît tout de même comme un concurrent plus que sérieux.
Certains syndicats mettent en avant qu'un achat sur Internet n'est pas à proprement parler un acte d'achat, mais, jusqu'à preuve du contraire, l'argent ainsi dépensé ne le sera pas dans un commerce traditionnel.
Enfin, l'enjeu est bien sûr social. Le dimanche n'est pas une journée comme les autres, ne l'a jamais été et ne doit en aucun cas le devenir.
Cela étant, en cette période difficile pour l'économie et l'emploi dans notre pays, plusieurs magasins, qui bénéficiaient en toute bonne foi d'arrêtés préfectoraux, sont attaqués devant la justice afin qu'ils cessent d'employer des salariés le dimanche. Actuellement, il n'est pas possible de faire l'économie de milliers d'emplois.
Face à cette terrible situation, nous avons un devoir de pragmatisme pour trouver des solutions. Ce texte permet de définir un cadre juridique national, mais la décision d'application se fera au niveau local, car nul ne connaît mieux son territoire que celui qui y vit. Nous ne voulons pas la généralisation du travail dominical, mais la prise en compte des situations spécifiques. Je tiens d'emblée à préciser que les dispositions proposées ne sont en aucun cas synonymes d'ouverture automatique des établissements concernés le dimanche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ces mesures sont de trois ordres. La première consiste à simplifier le régime applicable dans les communes et zones touristiques. Le Conseil économique, social et environnemental considère, dans le rapport Salto de février 2007, que, « pour des raisons d'équité et de cohérence commerciale, l'autorisation d'ouverture le dimanche pour les commerces situés en zones ou communes touristiques » doit s'appliquer à l'ensemble des commerces, et, à cette occasion, il appelle « l'attention sur la situation particulière des travailleurs saisonniers ou à temps partiel ». Cette proposition a été adoptée par le CES à une très large majorité, aucun syndicat ne s'y opposant. Cette mesure clarifie le régime juridique existant, concernant d'emploi de salariés le dimanche dans les communes et dans les zones touristiques. Il est vrai que l'on entend par zone tout ou partie d'une commune. Aujourd'hui, selon le code du travail, dans tout ou partie d'une commune touristique ou thermale, le repos hebdomadaire peut être donné par roulement dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d'ordre sportif, récréatif ou culturel.
Je propose simplement, mes chers collègues, de permettre l'emploi de salariés le dimanche dans tous les commerces de détail à l'intérieur des zones touristiques, et non plus uniquement dans ceux qui mettent à disposition du public des biens et services « d'ordre sportif, récréatif ou culturel ».
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est plus vaste !
Certains ont vainement essayé de faire l'amalgame entre le classement des communes touristiques selon le code du travail et le classement des communes touristiques selon le code du tourisme – deux procédures distinctes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
L'une relève de la loi du 14 avril 2006, l'autre de l'article R. 3132-20 du code du travail. Cela explique que 500 communes environ sont aujourd'hui classées communes touristiques au sens du code du travail contre 3 500, au minimum, aux termes du code du tourisme. Ainsi, si une commune est touristique au sens du code du tourisme, elle ne le sera pas forcément selon le code du travail.
La deuxième mesure de ce texte est également une recommandation du CES. Il s'agit de l'adaptation aux modes de vie actuels du régime des dérogations accordées dans les commerces de détail alimentaire. Aujourd'hui, dans ces commerces, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de midi. Comme l'ont noté les différents travaux du CES sur le sujet, l'heure de midi ne tient pas compte des rythmes de vie actuels. En pratique, ces commerces sont souvent ouverts jusqu'à douze heures trente, voire treize heures.
À cet égard, le Conseil économique, social et environnemental a lui-même évoqué la nécessité de « mettre le droit en accord avec les faits ».
Ce texte propose donc de porter de midi à treize heures l'heure à partir de laquelle le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche dans les commerces de détail alimentaire.
Enfin, il a été décidé de prendre acte de l'évolution des modes de vie dans les plus grandes agglomérations.
Cette évolution est symbolisée par quelques zones où l'usage veut que la consommation de fin de semaine, c'est-à-dire le samedi et le dimanche, est très forte. Le Conseil économique et social a en effet mis l'accent à différentes reprises sur les nouveaux rythmes de vie et les nouveaux comportements de consommation dans les très grandes agglomérations.
C'est pour répondre à cette évolution que la présente proposition de loi ouvre au préfet la possibilité de délimiter des périmètres d'usage de consommation exceptionnel, qui seraient caractérisés, au sein d'unités urbaines de plus d'un million d'habitants, par des habitudes de consommation de fin de semaine, par l'importance de la clientèle concernée et par son éloignement de ce périmètre : autrement dit, seraient concernés les lieux où l'on a l'habitude de consommer le samedi et le dimanche, sur les sites où il existe de grands flux de clientèle ces jours-là.
Dans ces seuls périmètres, le repos hebdomadaire pourra être donné par roulement, pour tout ou partie du personnel, dans les établissements de vente au détail.
Ce texte réglemente la mise en oeuvre de ce régime en l'assortissant de conditions exigeantes. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En effet, cette possibilité doit être encadrée par des garanties nouvelles au profit des salariés.
Ces conditions concernent d'abord la procédure à suivre. Le conseil municipal prend l'initiative de la demande et le conseil de communauté sera nécessairement consulté par le préfet. Ce dernier fixera ensuite le périmètre de la zone.
Ces conditions concernent également la nature des garanties accordées. En effet, les dérogations ne pourront être attribuées par le préfet qu'au vu d'un accord collectif ou, à défaut, d'une décision unilatérale de l'employeur prise après référendum auprès des personnels concernés.
L'accord collectif devra décrire les contreparties accordées aux salariés concernés, repos compensateur et majorations salariales.
Il devra également mentionner les engagements pris en termes d'emploi et en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées.
En l'absence d'accord collectif applicable, une décision unilatérale de l'employeur pourra être prise après avis des représentants du personnel et après un référendum. Dans ce cas, le texte prévoit que le salarié bénéficiera au minimum d'un doublement de salaire et d'un repos compensateur.
Dans tous les cas, les salariés concernés auront le droit de refuser de travailler le dimanche sans que des sanctions puissent être prises de ce fait à leur encontre.
Le texte de la proposition de loi est sans ambiguïté : « Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d'une entreprise bénéficiaire d'une autorisation de déroger à la règle du repos hebdomadaire ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement ». L'examen en commission a d'ailleurs permis d'enrichir ce droit de refus, grâce à un amendement de M. Vercamer. Il a été précisé qu'une entreprise ne pourrait refuser d'embaucher une personne qui refuse de travailler le dimanche.
De plus, à la suite d'échanges avec les partenaires sociaux, un amendement a été adopté en commission renvoyant à la négociation collective le soin de déterminer les conditions dans lesquelles l'employeur devra prendre en compte l'évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical.
Cet amendement dispose en outre qu'en l'absence d'un tel accord, l'employeur aura l'obligation, chaque année, de proposer au salarié travaillant le dimanche une priorité en vue d'occuper un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche.
Cet amendement ouvre aussi la possibilité à tout salarié travaillant le dimanche de demander, à tout moment, à bénéficier d'une priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail le dimanche.
Je souhaite d'ailleurs que cette notion de priorité ne dépasse pas les trois mois et c'est pourquoi j'ai déposé un amendement dans ce sens.
Le CES a entièrement raison quand il déclare : « Il est souvent argué que le choix de travailler le dimanche n'est pas véritablement libre et même qu'il est assez souvent contraint. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pour autant, ce qui est vraiment contraignant, c'est l'absence d'opportunité qui interdit tout choix. ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
De nouvelles règles claires et légitimes sont donc proposées. Nous comptons sur le Gouvernement pour en surveiller la stricte application.
Pour conclure, je souhaite citer le sénateur Poirrier, rapporteur du texte de 1906 : « Une majorité s'est faite à l'Assemblée pour indiquer qu'il fallait entrer dans la voie du repos hebdomadaire sans imposer une règle stricte à tout le monde. Nous n'avons que trop la manie de réglementer sur toutes choses et nous finirons par concevoir au XXIe siècle une civilisation dans laquelle le plus grand nombre de citoyens sera molesté par une minorité qui n'aura pas de profession. Il faut que, dans une loi relative au repos hebdomadaire, nous fassions quelque chose d'aussi libéral et d'aussi pratique que possible. Il faut que, dans une loi relative au repos hebdomadaire, nous gênions le moins possible le fonctionnement de la vie du peuple ».
Je vous propose simplement, par ce présent texte, d'y contribuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, la proposition de loi que nous avons l'honneur d'examiner aujourd'hui repose sur deux convictions.
La première, c'est que notre société a besoin de repères stables pour permettre aux salariés et à leurs familles de se retrouver, d'échanger, de vivre ensemble.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est loupé !
Depuis 1906, année de la création du ministère du travail, c'est le principe du repos dominical qui prévaut pour répondre à cette demande légitime.
Je suis heureux que votre proposition de loi réaffirme ce principe, à la fois dans son titre et dans son article 1er, qui dispose que, dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. On ne peut, me semble-t-il, être plus clair sur un droit auquel nous sommes tous très attachés et qui représente aussi, historiquement, une conquête sociale importante.
Depuis qu'elle a été instaurée, cette règle générale a été appliquée avec souplesse et pragmatisme pour permettre des dérogations dans un certain nombre de situations. C'est le cas notamment pour les entreprises dont la chaîne de production ne peut être arrêtée, pour les services publics relatifs à la santé ou à la sécurité des personnes, ou pour certaines activités commerciales nécessaires à la continuité de la vie sociale. Au total, le code du travail identifie 180 activités qui peuvent employer des salariés le dimanche de plein droit, sans autorisation préalable. En 2008, ce sont 2,8 millions de salariés qui travaillent habituellement le dimanche, soit un peu plus d'un salarié sur dix.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ça suffit comme ça !
La seconde conviction qui anime votre texte, c'est qu'il n'est plus possible d'autoriser d'autres dérogations sans qu'elles correspondent à des critères clairement identifiés et sans que des contreparties sérieuses et des garanties juridiques strictes soient apportées aux salariés concernés.
Cette conviction s'exprime alors qu'on constate une demande sociale très forte en faveur de l'ouverture des commerces le dimanche dans certaines zones et communes touristiques ainsi que dans certains périmètres d'usage de consommation exceptionnel des plus grandes agglomérations de notre territoire national. Il n'appartient pas au législateur de prononcer l'illégitimité de cette demande, pas plus qu'il ne saurait se contenter d'adapter le droit pour entériner un certain nombre de situations de fait qui perdurent depuis des décennies.
Tels sont les deux écueils que cette proposition de loi veut éviter.
La responsabilité du législateur, en effet, votre responsabilité, c'est de faire évoluer le droit actuel pour conserver l'équilibre indispensable entre le respect du principe du repos dominical, d'une part, et le caractère exceptionnel des dérogations qui peuvent lui être apportées pour répondre à la demande sociale, d'autre part.
Cet équilibre, votre proposition de loi l'a trouvé en constatant la nécessité d'adapter les dérogations au principe du repos dominical dans les communes et les zones touristiques ainsi que dans certaines grandes agglomérations, répondant ainsi à une demande sociale incontestable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Qui pourrait contester, en effet, qu'il est normal de permettre aux commerces d'ouvrir le dimanche dans un certain nombre de zones et de communes touristiques, simplement parce que c'est ce jour-là qu'ils trouveront une clientèle ?
Qui pourrait contester que, dans les plus grandes métropoles de notre territoire national, il n'est pas forcément absurde d'autoriser l'ouverture sur deux jours des commerces situés dans certains périmètres d'usage de consommation exceptionnel…
…plutôt que de contraindre les consommateurs à défier, dans les commerces, chaque samedi, les lois de la densité et les limites de la patience ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Qu'est-ce que c'est que ce gouvernement qui ne fait pas respecter la loi ?
Qui pourrait contester que, dans un pays où l'heure du déjeuner dominical a progressivement glissé de midi à treize heures, il est sans doute logique qu'on autorise les commerces alimentaires à suivre cette évolution en employant leurs salariés, non plus jusqu'à midi, mais jusqu'à treize heures ?
En réalité, personne ici, j'en suis convaincu, ne conteste la réalité de ces évolutions ni la nécessité d'y répondre,…
…et ce serait faire offense à tous ceux qui, jusque dans notre majorité, ont fait part de leurs réserves sur ce texte que de leur prêter cette intention.
La difficulté qui est apparue n'était pas de reconnaître la nécessité d'adapter les dérogations au repos dominical pour répondre à un certain nombre de situations nouvelles, mais de le faire en respectant les grands équilibres sur lesquels a toujours reposé l'application de ce principe : répondre à la demande des consommateurs, faciliter l'activité des entreprises, protéger les salariés concernés.
Les débats que vous avez eus ont permis d'améliorer considérablement la rédaction de ce texte pour trouver un équilibre qui respecte l'esprit de la proposition de loi initiale et répond aux principales inquiétudes soulevées.
Je voudrais remercier ceux qui, comme Marc Le Fur, Bernard Reynès, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, François Baroin ou Jean-Frédéric Poisson, ont permis de donner plus de force à cette proposition de loi, dont ils sont désormais co-signataires.
Je voudrais également remercier ceux qui, au sein du groupe UMP, sous l'égide de son président, Jean-François Copé, et en lien avec mes prédécesseurs, Xavier Bertrand puis Brice Hortefeux, ont permis que ce travail d'approfondissement porte ses fruits.
Je voudrais enfin souligner la qualité des échanges que nous avons eus avec les partenaires sociaux. Si la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007 ne s'applique pas aux propositions de loi, je me félicite des échanges qui ont eu lieu en amont de cette initiative parlementaire et qui ont permis de modifier certains aspects du texte. Je note d'ailleurs avec satisfaction que votre proposition de loi réaffirme à plusieurs reprises la primauté systématique qui doit être donnée à l'accord collectif en matière de contrepartie conventionnelle. Je note également que les travaux préalables à cette proposition de loi ont pu utilement être éclairés par la réflexion conduite par le Conseil économique, social et environnemental, notamment en ce qui concerne les communes touristiques.
Au terme de ces échanges et de ces consultations, votre proposition de loi propose donc d'aménager le principe du repos dominical de trois manières.
Premièrement, vous avez souhaité que l'horaire maximal d'ouverture des commerces alimentaires soit fixé à treize heures, au lieu de douze heures actuellement. Cette évolution correspond à une préconisation du Conseil économique, social et environnemental et, plus simplement, à la réalité des horaires qui sont aujourd'hui ceux de notre société.
Deuxièmement, vous avez souhaité que la loi ouvre une possibilité de déroger au repos dominical dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnel, les PUCE, des plus grandes agglomérations de notre territoire national. C'est une évolution qui tient compte de la réalité de la demande et des comportements des consommateurs de ces agglomérations, qui souhaitent ne pas être contraints de concentrer leurs achats sur une seule journée.
Cette dérogation répond de fait à la demande des salariés, qui veulent disposer de nouvelles opportunités d'emploi et de gains de pouvoir d'achat, et à celle des entreprises, qui veulent pouvoir développer leur activité en fin de semaine.
Enfin, vous avez voulu clarifier les conditions auxquelles peut s'appliquer la dérogation au repos dominical dans les communes et zones touristiques correspondant aux critères énoncés par le code du travail. Il faut dire qu'au fil des années, la législation concernant ces communes était devenue inadaptée aux réalités du terrain et largement incompréhensible, pour les touristes comme pour les professionnels eux-mêmes.
Les choses seront désormais plus claires. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) À partir du moment où il existe une activité touristique régulière et soutenue qui justifie l'ouverture des commerces dans une commune ou une zone touristique, et où le maire le demande, le préfet pourra autoriser, sous le contrôle du juge, tous les commerces de cette commune ou de cette zone à employer des salariés le dimanche.
Au cours des échanges qui ont structuré le travail sur cette proposition de loi, deux objections majeures ont été avancées, auxquelles je souhaite répondre sans détour.
La première porte sur un supposé risque de généralisation progressive à toutes les communes de la disposition relative aux communes et aux zones touristiques. Cet argument a notamment été relayé auprès des membres de votre assemblée dans un courrier qui vous a été adressé par le président du groupe socialiste. Je reconnais volontiers l'habileté de la démarche, qui visait à instiller le doute jusque sur les rangs de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mais je dois à la vérité de rappeler que cette proposition de loi ne modifie en aucune manière les conditions de classement d'une commune en commune touristique au sens du code du travail.
Aujourd'hui, 500 communes sur 36 000 sont concernées par un tel classement. Quant à dire que le flou de ces critères permettrait la généralisation du classement en zone touristique, il suffit de constater que le rythme moyen de progression du nombre de communes touristiques est de trois par an en moyenne depuis dix ans.
Je rappelle en outre qu'une commune ne pourra obtenir cette dérogation que sur la demande de son maire et avec l'accord du préfet, ce qui constitue une double garantie de liberté des collectivités locales et de légalité du processus de décision placé sous le contrôle du juge administratif. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La seconde objection évoquait un risque de remise en cause du droit au repos dominical pour les salariés travaillant dans un périmètre d'usage de consommation exceptionnel et, plus généralement, le risque de voir se développer des pressions sur le salarié afin qu'il accepte de renoncer à ce droit.
Or votre proposition de loi accorde une garantie très forte aux salariés de ces zones, (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC) en précisant que « le refus de travailler le dimanche pour un salarié d'une entreprise bénéficiaire d'une telle autorisation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement ».
Le volontariat des salariés doit être respecté, et pour que les choses soient parfaitement claires, je suis personnellement favorable à ce qu'un amendement reconnaisse la possibilité pour un salarié de revenir sur son choix au terme d'une période donnée. (Applaudissements et « Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Ces deux objections étant levées, mesdames et messieurs les députés, il est heureux que la représentation nationale se saisisse d'un sujet aussi important pour nos concitoyens que celui des dérogations au repos dominical, qu'elle en débatte et qu'elle examine tous les avis, parfois divergents, qui se sont exprimés sur cette question, qu'elle propose ensuite à la discussion un texte équilibré (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.), tenant compte de tous les intérêts en présence. À travers l'examen de ce texte, c'est aussi l'utilité du travail parlementaire qu'il nous revient de saluer aujourd'hui.
C'est pourquoi je suis certain que votre assemblée tiendra compte du long travail préparatoire qui a présidé à la rédaction de cette loi…
…et ne remettra pas en cause les équilibres de ce texte qui protège les salariés, soutient les entreprises qui les emploient et répond aux attentes d'une très grande majorité de Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Ce n'est pas ce qu'ils ont dit dans les sondages !
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
La parole est à M. Bernard Reynès, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Le secteur du commerce relevant de ses attributions, la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a souhaité se saisir pour avis de la présente proposition de loi, qui réaffirme le principe du repos dominical et adapte les dérogations à ce principe.
Cette proposition reprend une partie des dispositions d'une précédente proposition de loi, n° 1254, qui avait fait l'objet d'un rapport initial et d'un rapport supplémentaire de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales en décembre 2008, ainsi que d'un avis de la commission des affaires économiques, confié à Mme Catherine Vautrin.
L'objectif ici poursuivi n'est nullement, comme on l'a trop souvent prétendu, d'ouvrir les vannes au travail dominical dans tous les commerces et tous les services, en tous points du territoire. Votre rapporteur ne soutiendrait pas une telle proposition, qu'il juge inutile et dangereuse.
En effet, ce scénario emporterait ce que l'on peut appeler des « effets de cannibalisme », c'est-à-dire le grignotage du chiffre d'affaires des commerces qui ne veulent ou ne peuvent ouvrir le dimanche,…
…ainsi que de ceux, notamment dans le secteur du commerce de détail alimentaire, qui bénéficient déjà du droit d'ouvrir le dimanche.
Une libéralisation sans limite de l'ouverture dominicale des commerces aurait un effet proprement dévastateur sur le petit commerce de proximité,…
…qui est une richesse irremplaçable de notre patrimoine urbain, social et culturel.
En outre, l'élargissement de l'ouverture dominicale des commerces, reposant sur une vision individualiste et consumériste de la société, compromettrait les équilibres familiaux des salariés contraints de travailler le dimanche, et réduirait encore le champ des espaces et des moments susceptibles de donner lieu à des activités liées au « vivre ensemble », notamment des activités associatives, bref contribuerait à la disparition de ce « point de repère symbolique » dont parle le Conseil économique et social dans son rapport sur Les Mutations de la société et les activités dominicales.
Pourquoi me suis-je rallié à la présente proposition de loi ? C'est d'abord parce qu'elle permet de stabiliser l'existant.
La première proposition de loi, déposée en mai 2008, introduisait une brèche dans le principe du repos dominical en instituant des zones d'attractivité commerciale exceptionnelle expérimentales – les ZACE –, dans lesquelles le travail le dimanche aurait été possible. Ces zones avaient vocation à être généralisées. Dans sa version initiale, la seconde proposition ne me paraissait pas plus acceptable car la même notion la sous-tendait. La substitution des périmètres d'usage de consommation exceptionnel – les PUCE – aux ZACE a rendu le texte non seulement acceptable, mais aussi nécessaire et utile, puisqu'il n'y a pas de généralisation, mais un constat de l'existant.
La présente proposition de loi permet ainsi d'éviter la rupture brutale d'équilibres de consommation solidement ancrés, mais aussi d'équilibres sociaux non moins solidement ancrés, défendus par les salariés concernés eux-mêmes et dont la mise en cause pourrait avoir des conséquences graves, surtout en cette période de crise.
Si je me suis rallié à cette proposition, c'est aussi parce qu'elle permet, dans le respect des équilibres actuels, de simplifier des situations trop complexes, en particulier en zone touristique.
En effet, le régime d'autorisation actuel repose sur un critère lié à la nature des biens vendus. Ce critère est à l'origine d'un abondant contentieux. On a cité l'exemple des boutiques de lunettes de soleil, qui peuvent ouvrir le dimanche, et des boutiques de lunettes de vue, qui ne le peuvent pas, mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, ces situations absurdes étant nombreuses.
Le passage à un régime simplifié d'autorisations de plein droit me paraît donc une bonne chose. À cet égard, j'aimerais apporter deux précisions.
La première, c'est qu'il ne suffit pas d'être une commune touristique pour pouvoir bénéficier de ce régime de dérogations ; il faut dissiper la confusion qui règne sur cette notion. Il existe deux régimes distincts : l'un applicable aux « communes touristiques et stations classées de tourisme », qui relève du code de tourisme ; l'autre applicable aux « communes touristiques ou thermales et aux zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente », qui relève du code du travail.
Seul le classement sur le fondement du code du travail, qui repose sur des critères précis figurant à l'article L. 3132-20, ouvre droit au régime dérogatoire en matière d'ouverture dominicale des commerces. Ces critères ne sont pas modifiés par le projet de loi ; aujourd'hui, 494 communes et 29 zones en bénéficient et personne n'a l'intention d'ouvrir les vannes ; le Gouvernement vous le confirmera.
En outre, les grandes surfaces incluses dans le périmètre de ces communes et zones touristiques relevant du régime propre au commerce de détail alimentaire ne pourront ouvrir que jusqu'à 13 heures le dimanche matin.
Enfin, je souscris à cette proposition de loi parce qu'elle pose comme principe fondamental le volontariat des salariés dans les PUCE,…
…principe que je vous proposerai, au nom de la commission des affaires économiques ainsi que d'un certain nombre de collègues, de renforcer.
Notre commission a réalisé un travail constructif puisque trois de ses amendements ont été adoptés par la commission des affaires sociales, dont deux étaient portés au départ par nos collègues socialistes, ce qui témoigne de l'esprit de dialogue et de consensus...
Et d'ouverture, comme les huîtres ! (Rires sur les bancs du groupe GDR.)
…qui a été le nôtre. Outre un amendement rédactionnel, notre commission est ainsi à l'origine de deux dispositions. Lorsque la majorité des établissements intéressés le demande, le préfet devra retirer les arrêtés d'extension d'ouverture dominicale des commerces pris sur le fondement de l'article L. 3132-20 du code du travail, alors qu'il s'agit pour l'heure d'une simple faculté. Par ailleurs, le refus d'une offre d'emploi impliquant de travailler le dimanche ne constituera pas un motif de radiation de la liste des demandeurs d'emploi.
Nous vous présenterons en outre deux amendements.
Le premier, qui constitue une version légèrement rectifiée d'un amendement que nous avions adopté en commission, prévoit que, dans le cadre de la procédure d'établissement par le préfet de la liste des communes touristiques ou thermales et des zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente dans lesquelles il peut être dérogé au repos dominical, sera consulté le comité départemental du tourisme,…
…au sein duquel sont représentés les organismes consulaires, les syndicats, ainsi que les EPCI concernés, afin d'établir un parallèle avec la procédure d'octroi des autorisations sollicitées par les commerces situés dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnels. Cet amendement vous sera présenté par mon collègue Jean Gaubert et moi-même.
Le second vise à réaffirmer le principe du volontariat.
La présente proposition de loi consacre un droit au refus, qui comporte plusieurs éléments. Le refus de travailler le dimanche par un salarié d'une entreprise bénéficiaire d'une telle autorisation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. De même, une entreprise bénéficiaire d'une telle autorisation ne peut prendre en considération le refus d'une personne de travailler le dimanche pour rejeter sa candidature. Enfin, le salarié d'une entreprise bénéficiaire d'une autorisation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire.
En outre, le texte précisait, avant les délibérations de la commission des affaires sociales, que seuls les salariés ayant donné explicitement leur accord peuvent travailler le dimanche. On comprend l'intérêt de cette précision, qui permet d'obtenir un consentement clair, transparent et incontestable du salarié au travail dominical.
…mais aussi pour l'employeur, qui est ainsi mieux à même de gérer son personnel et d'organiser ses équipes en disposant d'une plus grande visibilité sur leur disponibilité.
Cependant, la question qui se pose est celle de la réversibilité de cet engagement, qui doit s'exercer sans trahir la confiance d'un employeur qui a pu embaucher un salarié précisément pour étoffer ses équipes le dimanche,…
…mais aussi sans contrainte excessive pour le salarié, qui doit pouvoir revenir à des horaires moins atypiques et plus compatibles avec la vie familiale, en particulier lorsque la famille s'agrandit, ou en cas de maladie ou de dépendance d'un proche.
Afin de ménager l'équilibre entre les droits du salarié et les contraintes de l'employeur, notre commission avait proposé un amendement disposant que cet accord écrit serait renouvelable tacitement tous les ans, mais que le salarié pourrait renoncer à ce renouvellement automatique, faculté dont il aurait été informé par écrit par son employeur.
Cette disposition semblait également de nature à encourager les salariés à « sauter le pas » du travail dominical, en leur permettant de ne pas se lier les mains une fois pour toutes.
La commission des affaires sociales a écarté notre proposition et a retenu celle qui nous est aujourd'hui présentée en séance publique.
Cette proposition distingue deux hypothèses. S'il existe un accord collectif dans l'entreprise souhaitant bénéficier d'une dérogation, c'est cet accord qui organisera les modalités selon lesquelles l'employeur doit – c'est donc une obligation – tenir compte de l'évolution de la situation personnelle du salarié.
C'est une précision intéressante.
À défaut d'accord collectif, la commission des affaires sociales propose un « droit de préférence ».
J'entends l'argument selon lequel si, dans une petite structure, vous recrutez un salarié qui accepte de travailler le dimanche et change d'avis un an après, vous ne pouvez vous en séparer mais vous trouvez en même temps en difficulté pour faire fonctionner votre entreprise.
J'entends également celui selon lequel il ne faudrait pas pénaliser les petites structures par rapport aux grosses. En même temps, le principe du volontariat, dans cette rédaction, ne me paraît pas garanti. Or il est essentiel : dans les petites structures, il suppose que des postes sans travail le dimanche soient disponibles ou viennent à se libérer, ce qui est peu plausible.
C'est pourquoi plusieurs collègues et moi-même avons déposé un amendement qui réaffirme le principe du volontariat : là où un accord collectif intervient, c'est à lui de fixer les modalités de la réversibilité de l'assentiment du salarié. À défaut d'accord collectif, nous proposons d'introduire une réversibilité annuelle : lorsque le salarié refuse de continuer à travailler le dimanche, ce refus prend effet dans les trois mois suivant sa notification à l'employeur. Le vote de cet amendement, essentiel à nos yeux, nous permettra de donner un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi. Ainsi, le dernier obstacle à son adoption sera levé.
Cette proposition de loi reste fidèle à des valeurs essentielles sur le repos dominical tout en témoignant d'un pragmatisme indispensable pour sortir d'un imbroglio juridique, et permettre ainsi de stabiliser l'existant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, pour cinq minutes.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, je me réjouis, au nom de la majorité de ma commission, qu'un texte de loi apporte enfin les clarifications nécessaires au régime dérogatoire du travail le dimanche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce texte ne porte que sur cela. À la commission des affaires économiques, nous avons du mal à comprendre que persistent dans notre réglementation certaines absurdités, qui conduisent, notamment dans le cas des communes dites touristiques, à des situations tout à fait invraisemblables. Je peux en parler en connaissance de cause,…
…beaucoup plus que certains ici présents qui ne connaissent pas ces problèmes.
Tout d'abord, je tiens à remercier le rapporteur Richard Mallié et ceux qui n'ont pas accepté – j'en fais partie – une évolution du droit qui aurait abouti à des élargissements du régime dérogatoire insupportables et inacceptables. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je les remercie car ils ont su, dans le cadre de la coproduction législative qui nous est chère, faire évoluer une proposition de loi qui, dans sa version initiale, pouvait faire croire qu'il y avait une arrière-pensée.
Mais vous n'avez pas lu le texte, monsieur Brard ! Lisez-le d'abord avant de vous exprimer !
Ceux qui, au sein de la majorité, n'acceptaient pas que l'on remette en cause le repos dominical…
…ont eu raison d'affirmer cette volonté légitime et de faire en sorte que le texte soit plus précis. Ainsi, monsieur le ministre, il n'y a aujourd'hui aucune équivoque possible : il s'agit bien d'un texte qui ne traite que de l'aménagement de quelques dérogations au repos dominical qui, lui, est sacralisé dans son principe. À cet égard, je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur – ainsi que M. le rapporteur pour avis qui, au départ, faisait partie de ceux qui doutaient de la possibilité de parvenir à un tel texte. S'il avait fallu aller plus loin pour parvenir à un accord au sein de la majorité, j'aurais été à leurs côtés. Ainsi, nous nous retrouvons ensemble aujourd'hui, au terme d'un dialogue constructif, au sein d'une majorité apaisée, unie dans une volonté de modernité, ce qui permet de clarifier les choses.
Mesdames, messieurs de l'opposition, il n'est pas acceptable de confondre l'examen de ce texte avec un débat politicien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il n'est pas acceptable de laisser penser que la majorité veut, par des moyens détournés, étendre le travail du dimanche. C'est absolument faux, et nous allons en faire la démonstration tout au long de ce débat ! C'est une attitude politicienne que la majorité condamne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Eckert, si vous aviez lu le code du tourisme ! C'est le président de la commission qui s'adresse à vous : ce que vous avez dit en réunion de commission ne correspond au contenu ni du code du tourisme ni du code du travail. Vos propos sont faux !
Un président de commission ne doit pas s'exprimer ainsi dans l'hémicycle ! Respectez la commission !
En raison du peu de temps dont je dispose, je n'insisterai que sur deux points.
S'agissant du tourisme, certains évoquent une possibilité de dérogation cachée, soupçonnent de malice des collègues de la majorité,…
imaginent que l'on pourrait élargir l'ouverture du dimanche en utilisant certaines dispositions de la législation en vigueur – c'est ce qu'a écrit M. Ayrault. Mais il faut lire le code du travail : les critères fixés pour définir les communes touristiques intègrent le rapport entre population permanente et population saisonnière, le nombre d'hôtels, de gîtes, de campings, de lits, le nombre de places dans les parkings, etc. Dès lors, comment voulez-vous qu'avec des éléments aussi précis, les communes qui ne satisfont pas à ces critères puissent être concernées par le régime dérogatoire ? La réglementation actuelle est si précise qu'il n'y a que 497 communes classées en zone touristique alors que beaucoup d'autres voudraient entrer dans ce classement.
De plus, je rappelle qu'outre ces critères, il faut prendre en compte la volonté des maires. On oublie trop souvent le détenteur de l'autorité municipale qu'est le maire, élu au suffrage universel pour décider de l'avenir de sa commune avec la confiance de sa population ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Si la commune satisfait aux critères, la demande de classement du maire est légitime.
Je vous demande, mesdames, messieurs de l'opposition, de prendre en compte l'existence du maire et des conseils municipaux, dont vous faites fi !
Voilà, chers collègues, les points sur lesquels je voulais intervenir pour vous montrer que cette proposition de loi n'aménage que quelques dérogations. Nous sommes satisfaits de ces aménagements. Il ne s'agit en aucun cas d'un texte susceptible de créer un quelconque problème de société. Il faut respecter le suffrage universel (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) qui donne au maire le pouvoir de décider de l'avenir de sa commune, autant dans les PUCE que dans les zones touristiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président Ollier, vous venez de dire qu'il fallait respecter le suffrage universel. Voilà un réveil tardif ! Que n'en convainquez-vous le Président de la République ? Je pense, par exemple, aux résultats du référendum de 2005. Vous vous êtes assis dessus ! Vous avez piétiné la volonté populaire, et vous avez le culot de dire aujourd'hui qu'il faut respecter le suffrage universel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur Brard, le rappel au règlement doit avoir un rapport avec l'application du règlement et l'organisation des débats.
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Martine Billard.
Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, nous examinons une nouvelle proposition de loi sur le travail du dimanche puisque l'examen de la précédente, en décembre dernier, avait tourné court entre l'examen en commission et l'inscription à l'ordre de jour de la séance, malgré une réécriture dictée depuis l'Élysée... Nous nous souvenons des propos du président du groupe UMP, venu en séance nous annoncer : « Nous allons profiter de la trêve des confiseurs pour continuer d'y travailler ». Aucun texte n'était finalement réapparu en janvier mais nous en sommes aujourd'hui à la quatrième version de la même proposition de loi.
Nous pouvons nous interroger sur cette obstination qui pousse le Président de la République, le rapporteur, et derrière eux la majorité UMP, à imposer un texte dont ils sont seuls à être convaincus qu'il soit utile. De toute évidence, le Président de la République n'admet pas que ses désirs ne soient pas suivis d'effets.
Nous voyons ici l'application de la sentence présidentielle proclamée dernièrement à Versailles : « La crise nous rend plus libres d'imaginer un monde plus libre. » Entendons par là que nous n'en avons pas fini avec le renard libre dans le poulailler libre.
Au demeurant, une fois de plus, vous détournez l'esprit de la loi en recourant à la procédure de la proposition de loi d'initiative parlementaire plutôt qu'à celle d'un projet de loi du gouvernement, et ce pour vous affranchir de l'obligation de concertation avec les syndicats. La méthode est certes bien rodée, mais n'en reste pas moins une violation flagrante du principe de concertation que vous aviez encouragé et soutenu lors de l'examen de la loi de modernisation sociale en prévoyant une négociation préalable avec les partenaires sociaux. Ne venez pas me dire que vous vous êtes concertés avec eux : discuter et négocier, ce n'est pas la même chose. Si les deux mots sont différents, ce n'est pas un hasard.
Un fil conducteur apparaît dans l'ensemble des versions : l'impunité pour ceux qui sont hors la loi, comme à Plan-de-Campagne, à Éragny ou à Thiais, et le refus d'inscrire dans la loi des contreparties obligatoires en termes de salaire et de repos compensateur, malgré les grands discours sur le « travailler plus pour gagner plus ».
Le texte qui nous est soumis est construit autour d'une tromperie flagrante. En effet, il commence par proclamer à nouveau, dans le code du travail, le principe selon lequel « le repos hebdomadaire est donné le dimanche », enjolivé maintenant par la formule : « dans l'intérêt des salariés ». Or si le principe du repos dominical existe, tout travail le dimanche ne peut donc être qu'une exception et, comme toute exception, devrait donner lieu à contreparties pour les salariés. Mais vous videz ce principe de sa substance en ajoutant, dans le nouvel article L. 3132-25 du code du travail, l'expression « de droit » pour le repos hebdomadaire par roulement.
Effectivement, monsieur Muzeau. Car cela signifie que dans les communes touristiques ou thermales, ainsi que dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, les salariés n'auront plus le choix : ils ne pourront plus refuser de travailler le dimanche, sous peine de licenciement, et leur entreprise n'aura plus d'obligation de contrepartie salariale ou de repos compensateur. Il y a donc bien tromperie, contradiction entre la préalable affirmation de principe et la réalité précisée ensuite. C'est une grande première parce que, jusqu'ici, le travail du dimanche n'était pas de droit dans le code du travail, y compris dans les communes touristiques.
Vous essayez d'expliquer qu'il y a une différence entre le code du tourisme et le code du travail quant à la définition des communes touristiques. Mais vous n'êtes pas si sûrs de vous puisque la commission des affaires sociales vient d'adopter, ce matin, un amendement tendant à substituer l'expression « commune d'affluence touristique » à celle de « commune touristique ».
Mais c'est à cause de vous que cet amendement a été proposé ! Vous ne voulez pas voir la réalité !
Voilà un nouveau concept qui va dans le sens de la simplification et de la clarification de la loi : nous aurons donc dorénavant les communes touristiques au regard du code du tourisme, et les communes d'affluence touristique ! Cela voudrait dire qu'il y a en France des communes touristiques qui n'ont pas d'affluence touristique. C'est une grande nouveauté ! (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Le travail du dimanche est donc banalisé, d'autant que les dérogations ne seront plus accordées au cas par cas par l'autorité administrative, mais seront de droit pour tout commerce de détail inclus dans le zonage.
Mais la notion de communes touristiques ne répondant pas à toutes les situations, vous inventez, après diverses versions, une nouvelle catégorie : les PUCE, dans les zones urbaines de plus d'un million d'habitants. Cela prouve, là aussi, que l'on ne s'inscrit pas dans une logique de simplification. Les nouvelles zones qui avaient été proposées en mai 2008 regroupaient l'Île-de-France et les Bouches-du-Rhône. Il s'agissait de régulariser des zones qui n'étaient pas conformes à la loi. Dans la version de novembre, Lyon et Lille ont été ajoutées. Aujourd'hui, on nous dit que Lyon ne sera pas concernée, mais il reste une ambiguïté dans la mesure où le rapporteur indique qu'il n'y aurait pas, à ce jour, d'usages constatés de consommation exceptionnelle de fin de semaine alors que dans le Vieux-Lyon, déclaré en zone touristique, le repos hebdomadaire par roulement sera dorénavant de droit.
Par ailleurs, dans l'agglomération lyonnaise, il existe plusieurs enseignes de l'ameublement qui peuvent décider d'ouvrir à tout moment le dimanche depuis l'amendement Debré du 20 décembre 2007, et ce sans contrepartie pour les salariés.
Le rapporteur a expliqué en commission – on retrouve son argumentation en page 89 du rapport – que la notion de fin de semaine n'est pas « une définition juridique, mais une définition lexicale qui peut en l'occurrence désigner le samedi et le dimanche, ou le dimanche seul ». Mais comme même ses collègues de l'UMP étaient quelque peu sceptiques sur la notion de définition lexicale, la commission vient de réduire, par un amendement voté ce matin, la fin de semaine au dimanche. C'est un peu mieux ou moins pire, il faut le reconnaître.
À Paris, par un artifice de rédaction qui ne s'applique qu'à cette ville, c'est le préfet, et non le maire, qui décidera soit de classer Paris entièrement en ville touristique, soit de délimiter des zones touristiques précises dans la capitale.
Exactement, monsieur Lecoq : qu'en est-il du respect du suffrage universel à Paris ? Dorénavant, le conseil de Paris n'aura plus son mot à dire alors que, jusqu'ici, il émettait tout de même un avis avant la décision du préfet de Paris. Celui-ci décidera tout seul si Paris doit être une commune touristique dans sa totalité ou quelles seront les zones touristiques situées dans la capitale.
Compte tenu de « l'indépendance » du préfet de Paris par rapport au Président de la République…
…et des déclarations de ce dernier sur la nécessité d'ouvrir tout Paris au travail du dimanche, on ne peut que s'inquiéter.
À Paris, il s'agit clairement de permettre aux grands magasins et aux commerces des grandes avenues d'imposer le travail du dimanche toute l'année à leurs salariés, même si leur activité ne relève ni du domaine culturel ni de l'accueil des touristes. Comme si, le dimanche à Paris, les touristes n'avaient pas assez de possibilités de s'épanouir au cours de promenades ou de visites dans des sites culturels variés et splendides, et comme s'il fallait absolument les envoyer dans les temples de la consommation de biens matériels de peur qu'ils ne sachent pas comment s'occuper et boudent la capitale.
De plus, à l'heure actuelle, sept zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente existent dans Paris, dont trois d'ailleurs dans la circonscription dont je suis l'élue.
Relevant de l'article L. 3132-25, le travail dominical sera dorénavant de droit dans ces zones, donc sans contrepartie. Au regard du nouvel article L. 3132-25-2 des périmètres d'usage de consommation exceptionnel pourront donc être délimités par le préfet de région à Paris. Dans ces nouveaux périmètres, des contreparties pour travail du dimanche seront dues aux salariés.
À moins que M. le ministre ne nous précise la manière dont le Président de la République envisage les choses pour Paris, nous allons nous retrouver avec deux types de situation : des périmètres où des contreparties seront accordées pour le travail du dimanche, et des périmètres relevant de la loi précédente où il n'y en aura pas.
Concrètement, lorsque les commerces du quartier des Halles seront ouverts le dimanche, dans le cadre du nouveau dispositif de PUCE, les salariés recevront des contreparties obligatoires. En revanche, dans les sept zones délimitées précédemment – relevant de l'article L. 3132-25 –, il n'y aura pas de contreparties. Ainsi, dans la circonscription dont je suis l'élue, certains salariés auront droit à des contreparties, d'autres non. On peut donc douter de la pérennité des contreparties en salaire et en repos pour le travail du dimanche quand il y aura concurrence entre les deux types de dispositif.
La majorité veut nous faire croire qu'elle aurait finalement trouvé un texte de consensus après la cacophonie de décembre dernier, et qu'elle agirait au nom de la modernité à laquelle tout le monde serait sommé de s'adapter alors que ce n'est qu'un bégaiement de l'histoire du XIXe siècle.
À ce titre, l'avis de la commission des affaires économiques est un florilège d'arguments fumeux, partant du constat de l'étalement urbain et de la perte de temps lors des trajets professionnels avant de conclure sur une statistique qui laisse coi : selon une étude du CREDOC de novembre 2008, 36 % des Français déclarent manquer de temps pour faire ce qu'ils ont à faire.
En quoi cela justifie-t-il la remise en cause du principe du repos dominical sur lequel repose l'ordre public social ? Si la question est un problème de temps libre, ce n'est certainement pas en mettant de plus en plus de personnes au travail le dimanche que vous dégagerez du temps. La meilleure solution est de rétablir les 35 heures !
S'il s'agit d'un problème de pouvoir d'achat, augmentez les salaires, à commencer par le SMIC qui n'a pas connu de coup de pouce depuis trois ans. En outre, tous nos concitoyens n'ont pas besoin de consommer plus : certains consomment déjà beaucoup trop pour ce que peut supporter notre planète !
Dans l'opinion, les oppositions au travail du dimanche dépassent les positionnements gauche-droite. Saisi par le Premier ministre Dominique de Villepin en 2007, le Conseil économique et social avait rendu un avis négatif sur l'ouverture dominicale. Il s'était dit opposé à toute généralisation et avait adopté une posture de prudence extrême sur un sujet dont il expliquait qu'il est d'abord celui d'un choix de société.
La majorité des Français refusent de travailler le dimanche, alors que vous prétendez de manière récurrente qu'ils souhaitent une ouverture des magasins ce jour-là. L'enquête du CREDOC de l'automne 2008 n'est pas aussi simpliste et affirmative que vos propos. Vous n'en avez retenu que ce qui vous arrangeait pour travestir la réalité. Tant que l'élargissement du travail du dimanche n'était qu'une vague perspective, les réponses de nos concitoyens étaient en partie contradictoires. Tout en souhaitant à une très courte majorité l'ouverture le dimanche – 52 % selon le CREDOC en septembre 2008 –, ils étaient dans le même temps opposés massivement au fait de devoir eux-mêmes travailler le dimanche – 61 % selon la même enquête.
Selon une enquête de l'institut IPSOS, publiée en décembre dernier, une écrasante majorité de nos concitoyens – 84 % – est attachée au repos du dimanche, notamment les salariés du secteur privé qui, évidemment, sont les premiers concernés. Les deux tiers estiment qu'ils n'auront pas la possibilité de refuser si l'employeur leur demande de travailler. Vous leur avez déjà fait le coup avec les heures supplémentaires qui devaient être des « heures choisies » ; ils ne vous croient plus !
Si les Français sont contre ces mesures, c'est aussi le cas des syndicats. Ainsi, la CGT, la CGC, l'UNSA, la CFDT, la CFTC, FO et les Solidaires sont contre toute déréglementation du travail dominical, en raison des répercussions négatives qu'elle aurait sur l'économie et la société françaises.
L'opposition à ce texte vient également des syndicats patronaux. Ainsi, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises dénonce cette proposition de loi. Elle analyse l'ouverture du dimanche comme un facteur de destruction d'emplois. C'est également le cas de la Confédération des commerçants de France, du Club des managers de centre-ville, de la Fédération nationale des centres-villes et de la Fédération française des associations de commerçants. Ils renouvellent leur opposition à cette dernière mouture de la proposition de loi Mallié.
Depuis sept ans que vous êtes au pouvoir, vous n'avez eu de cesse de réduire les droits sociaux – particulièrement ceux des salariés – et de démanteler le code du travail. Cette politique n'a fait que s'aggraver depuis deux ans. Ce n'est plus de la régression sociale, mais une véritable dépression sociale que vous imposez au pays, et qui touche en premier lieu nos concitoyens les plus modestes. Après avoir déplafonné les heures supplémentaires, mis fin aux 35 heures, aux RTT de même qu'aux repos compensateurs, c'est la possibilité du travail jusqu'à soixante-dix ans que vous avez introduite.
Cette liste n'est hélas pas exhaustive. Mais les mauvais coups que vous avez portés n'étaient sans doute pas suffisants pour satisfaire vos a priori idéologiques. Votre plan anti-crise en est une preuve supplémentaire. Il n'apporte aucune réponse à nos compatriotes frappés de plein fouet par les licenciements ou le chômage partiel. Pour eux, vous avez comme seule proposition : ouvrir le dimanche les magasins des chaînes de la grande distribution spécialisée.
Vous affirmez que cette mesure devrait créer des emplois et augmenter le pouvoir d'achat. Ce n'est pas l'analyse des organismes, dont le CREDOC, qui ont étudié les effets positifs comme négatifs de l'ouverture du dimanche.
En réalité, votre objectif n'est pas de stabiliser et encore moins de réduire le chômage ni d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés, mais seulement de régulariser les violations répétées de la loi,…
…enfin sanctionnées par les tribunaux, notamment dans le Val-d'Oise (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC), dont se sont rendues coupables certaines enseignes qui ne supportent plus de devoir attendre et, qui sait, de devoir payer les amendes qui leur ont été infligées.
C'est d'ailleurs pour cela qu'il y a urgence : cette loi doit passer avant la date limite de paiement des amendes, fixée à ces enseignes.
Par la même occasion, vous permettez une extension-banalisation du travail du dimanche.
Au passage, il est profondément choquant que des ministres aient fait l'éloge de ces chaînes commerciales qui développent leur activité en toute illégalité. II est encore plus choquant de rendre légal ce qui est illégal au lieu de sanctionner les tricheurs (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Quand il s'agit des salariés ou des chômeurs, vous n'hésitez pas à renforcer les sanctions. C'est une fois de plus la loi du « deux poids, deux mesures ».
Il faut dire que votre méthode est désormais bien huilée. Une première loi propose une expérimentation ou un champ limité d'application. Puis, dans un second temps, avant même que les effets produits par les premières dispositions ne soient quantifiables, vous généralisez ce qui n'était au départ qu'une expérimentation. C'est ainsi que vous démantelez chaque jour un peu plus le droit du travail dont le droit au repos dominical est un symbole devenu pour vous inacceptable, comme l'est le droit aux arrêts maladies et aux arrêts maternité pour le porte-parole de l'UMP (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Demandez à M. Frédéric Lefebvre !
Votre loi constitue donc une prime aux tricheurs, à ceux qui ne respectent pas la loi, aux délinquants en cravate. Vous cherchez sans cesse à criminaliser les chômeurs, les bénéficiaires des minima sociaux ou de la sécurité sociale, les salariés, les syndicalistes. En revanche, à chaque fois que se présente l'occasion de dépénaliser les conduites frauduleuses des entreprises et de leurs dirigeants, vous n'hésitez pas. L'utilisation des expressions « usages constatés » et « habitudes de consommation de fin de semaine » ne fait que renforcer le caractère d'amnistie générale pour les patrons fraudeurs. C'est choquant et inacceptable.
Cette proposition est aussi une aberration économique. Vous annoncez que l'ouverture du dimanche permettrait une augmentation du chiffre d'affaires de 30 %. D'où vient ce chiffre extraordinaire ? Par quel miracle le pouvoir d'achat des ménages ferait-il un bond aussi soudain ? Vous faites comme si le pouvoir d'achat des Français était extensible à l'infini. À pouvoir d'achat constant, les Français seraient en mesure de dépenser plus et auraient donc besoin d'effectuer leurs achats le dimanche ? Donnez-nous votre recette !
Si les entreprises qui ne respectent pas la loi présentent des chiffres d'affaires flatteurs, cela tient au fait qu'étant les seules à ouvrir, elles se retrouvent sans véritable concurrence. Si l'ouverture du dimanche devait se généraliser, le chiffre d'affaires comme les marges de ces entreprises se réduiraient mécaniquement.
Vous prétendez aussi que le travail du dimanche créerait des emplois. Les études à notre disposition contredisent cet argument.
Tout comme la croissance, l'emploi ne sera pas au rendez-vous. L'effet majeur sera avant tout de déplacer l'activité de la semaine vers le dimanche, et donc des centres villes vers les zones commerciales des chaînes de magasins…
…ou, dans les grandes agglomérations comme Paris, Lille ou Marseille, de mettre en danger le commerce des communes périphériques au profit des centres villes. Le comble pourrait d'ailleurs être qu'à terme, les enseignes de Plan-de-Campagne préfèrent revenir à Marseille pour échapper aux contreparties salariales, si Marseille devait être classée commune touristique. L'enquête du CREDOC, pourtant commandée par Bercy, est très claire sur le sujet.
De plus, si l'on tient compte des effets sur le commerce de proximité, cette proposition de loi est même alarmante pour l'emploi. En effet, son adoption signerait l'acte de décès des artisans et des commerçants des centres-villes. Ils sont bien souvent l'âme des quartiers, grâce à l'animation qu'ils permettent. À chiffre d'affaires égal, ils emploient trois fois plus de personnel que les grandes enseignes. Cette destruction d'emploi que certains estiment à plus de 30 000 emplois ne sera pas compensée. D'ailleurs vos statistiques n'indiquent jamais le nombre exact de salariés travaillant le dimanche dans le commerce non alimentaire, le seul qui serait significatif sur le sujet.
Enfin, l'ouverture du dimanche, c'est la certitude d'une augmentation des prix. Pour de multiples raisons, le coût d'une ouverture dominicale est estimé trois fois plus élevé que celui d'une ouverture en semaine : les charges de fournisseurs sont plus élevées, tout comme les frais de communication.
Ainsi, dans un article paru le 18 novembre dans le journal Le Monde, Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS, expliquait : « L'impact théorique de l'ouverture dominicale est ainsi ambigu (…) Ceux qui travaillent le dimanche perdent des heures en semaine ; au total, l'impact sur leur salaire est très faible. » S'il n'y a pas de contrepartie, il est encore plus faible, bien évidemment ! « C'est probablement ce qui amène l'UMP à préconiser un paiement double de la rémunération de base le dimanche », suppute Philippe Azkenazy. Mais cette préconisation est tout de suite bafouée par la réalité de ce texte. « Or déjà, sans un tel doublement, les études nord-américaines sont unanimes : l'ouverture dominicale se traduit par une augmentation des prix de l'ordre de 4 % », indique Philippe Azkenazy.
Qu'en sera-t-il en France en cas de doublement de la rémunération ? Nous ne disposons d'aucune étude d'impact, d'aucune donnée officielle sur la question. La hausse sera-t-elle de 5 %, de 6 %, de 7 % ? Aussi Philippe Askenazy invite-t-il à « poser aux Français une question complète : souhaitez-vous une ouverture dominicale des commerces quitte à subir une hausse des prix ? »
Je crains que vous ne connaissiez pas d'avance la réponse, ce qui vous a incités à ne pas poser la question.
Venons-en à la supposée liberté de ceux qui veulent travailler le dimanche. Franchement, je trouve cette affirmation quelque peu cynique. Les arguments que vous avancez traduisent votre méconnaissance profonde de la condition salariale (Protestations sur les bancs du groupe UMP) que vivent au quotidien les salariés du privé. Le lien de subordination, que vous niez régulièrement, non seulement existe dans la loi, mais il est bien concret.
Qui embauche ? Qui impose ou accorde des heures supplémentaires ? Qui autorise les dates de congés ? Qui licencie ?
La liste des éléments de subordination s'arrête d'autant moins là que vous n'avez cessé de réduire les droits des salariés au bénéfice de leurs employeurs. Dans Le Parisien du vendredi 3 juillet, un article rappelle les conditions dans lesquelles les salariés du fabricant d'ampoules électriques OSRAM se sont vus contraints d'accepter des baisses de salaires. Ils ont été obligés d'accepter sous la menace d'être licenciés. Et vous osez essayer de nous faire croire que des salariés pourront refuser de travailler le dimanche !
La liberté de travailler le dimanche est du même ordre que celle d'accepter une baisse de salaire, de travailler à temps partiel, de se retrouver avec des horaires décalés, de choisir ses dates de vacances ou d'utiliser ses droits à RTT. Dans les enseignes à succursales multiples, une grande partie du personnel – souvent féminin – est non seulement au SMIC, mais aussi à temps partiel. Les salaires sont donc souvent de l'ordre de 750 euros mensuels quand le seuil de pauvreté est à 880 euros. Ce sont souvent des mères de famille qui n'auront pas le choix.
Alors oui, c'est la loi du plus fort qui s'impose : celle de l'employeur qui a la liberté de mettre fin au contrat de travail. En la matière, il n'y a pas de volontariat qui tienne, mais la perspective de se retrouver au chômage qui contraint.
Si vous souhaitez augmenter le pouvoir d'achat, ce n'est certainement pas en ouvrant les magasins le dimanche ou en généralisant les heures supplémentaires que vous y parviendrez, mais c'est en revalorisant les petits salaires de manière significative et en portant le SMIC à 1 500 euros nets (« Très bien ! » sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Votre proposition conduit également à une désorganisation de la vie sociale. Vous n'avez à aucun moment pris en compte cet élément dans le texte que vous présentez. Les professions touchées seraient beaucoup plus nombreuses que les seules professions commerciales. Avez-vous par ailleurs quantifié les besoins – en gardes d'enfant, en crèches ou en transports publics – ainsi créés ?
Pour cette seule raison, le texte doit être réexaminé après qu'une étude d'impact sérieuse aura été fournie à l'ensemble des parlementaires, comme la réforme de la Constitution l'a d'ailleurs prévu pour les projets de loi. Il est vrai qu'en choisissant la forme de la proposition de loi, vous éludez cette obligation.
À terme, c'est pourtant l'organisation de toute la société qui sera touchée, mais aussi les choix de vie. Faut-il consacrer son temps libre à la seule consommation pour faire tourner le système ? Tourner le dos aux activités sportives ou culturelles ? Comme j'ai déjà eu l'occasion de le demander à M. le ministre – qui s'est bien gardé de me répondre –, que deviendront les dizaines de milliers de rencontres sportives du dimanche si l'on fait disparaître le repos dominical et le bénévolat qu'il permet ?
La remarque vaut aussi pour les activités culturelles, les concerts amateurs qui, ce jour-là, se tiennent par milliers, ou même les sorties entre amis, les visites aux grands-parents, les anniversaires en famille. Que deviendra la vie familiale quand l'un travaillera le dimanche et l'autre pas, et que chacun aura des jours de repos différents ?
Le travail du dimanche fait donc peser une réelle menace sur la vie familiale, mais aussi sportive, culturelle et associative.
La civilisation que vous nous proposez se limite à la consommation pour la consommation ; le consommateur y prévaut sur le citoyen. Chacun s'accorde pourtant à dire que la société a besoin de retisser les liens sociaux, qu'il existe un mouvement général en faveur d'une amélioration des conditions de vie ; or vous nous proposez d'aller en sens contraire.
C'est d'autant plus absurde que vous tournez ainsi le dos aux objectifs du Grenelle de l'environnement, le présent texte étant également une aberration pour la planète : le fait d'ouvrir des grandes surfaces et des galeries marchandes une journée supplémentaire a un impact environnemental et énergétique indiscutable, qu'il s'agisse de l'éclairage artificiel, du chauffage ou de la climatisation, ou encore des déplacements émetteurs de gaz à effet de serre. Cette surconsommation énergétique inutile, supérieure aux économies réalisées grâce au changement d'horaire entre hiver et été, est, je le répète, en totale contradiction avec le Grenelle de l'environnement. Il est vrai que nous nous habituons à l'idée que ce dernier, après avoir fait beaucoup de bruit, accouche de bien peu d'avancées.
Vous tournez aussi le dos à un développement du territoire inscrit dans le cadre du Grenelle. Le schéma du commerce en grande surface des années soixante-dix est un non-sens écologique, et il est complètement dépassé. C'est en grande partie le développement anarchique de ce type de commerces à la porte de nos villes qui a conduit au « tout voiture », au détriment des transports collectifs. Leur concentration toujours plus importante pousse à la désertification croissante des territoires ruraux mais aussi de certaines zones urbaines de banlieues. Elle défigure les entrées de nos villes par des zones toutes identiques, toutes aussi laides et sales, et s'oppose à un développement équilibré du territoire.
C'est d'autant plus vrai que vous ne donnez pas aux collectivités locales le droit de décider, in fine, de l'opportunité des dérogations. La réalité est que, à tout moment, l'autorité administrative, c'est-à-dire le préfet, aura le dernier mot. Or, qui est mieux à même que les élus locaux d'apprécier et d'ajuster les besoins des salariés et des consommateurs, bref, des citoyens, sur un territoire donné ?
En dehors des actionnaires des chaînes de magasins spécialisés dans l'ameublement, le jardinage ou les articles de sport, les partisans du travail le dimanche ne sont décidément pas nombreux.
Après avoir proposé de s'abstenir de prendre ses RTT, de faire des heures supplémentaires et de reporter l'âge de la retraite à soixante-dix ans, votre nouvelle trouvaille est d'imposer le travail le dimanche aux salariés modestes. C'est bien peu face à la crise et au regard de l'échec des précédentes dispositions, et ce n'est pas rassurant.
Ce texte de casse sociale est détestable en son principe, tant il sape les fondements de notre ordre public social en tentant insidieusement de ne reconnaître comme relations humaines dignes de ce nom que les échanges marchands et les réflexes conditionnés de la consommation. Loin de simplifier les choses, elle les complexifie, introduit des distorsions de concurrence et de nouvelles possibilités de contournement de la loi, et prépare de futurs contentieux.
Au nom de la majorité de nos concitoyens qui refusent cette banalisation du travail le dimanche, je vous le répète : nos dimanches ne sont ni à vendre ni à acheter ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
En réalité, tout est fait pour exercer une pression à la baisse sur les salaires. Votre slogan n'est plus « travailler plus pour gagner plus », car il faut désormais travailler pour un salaire de misère. C'est le modèle américain que vous voulez nous imposer, avec les dégâts qui s'ensuivront – on voit en effet où ce modèle a conduit !
Cette proposition de loi est donc une aberration économique, sociale et environnementale et, au nom des députés, Verts, communistes, du parti de gauche et des DOM-TOM, du groupe GDR, je vous demande de voter son rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Vous auriez pu faire plus long : beaucoup de points méritaient d'être développés !
(M. Bernard Accoyer remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
Cela doit être un crève-coeur, pour lui, d'être obligé de dire le contraire de ce qu'il pense !
Avez-vous lu le journal Ouest-France de lundi, monsieur le président de la commission des affaires sociales ?
Dans un débat difficile, le premier danger est la caricature et l'exploitation de la peur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « Oh ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Une idée simple, même fausse, a en effet toujours plus de puissance qu'une idée vraie mais complexe. Or j'ai été stupéfait des contrevérités proférées par le président du groupe SRC ce matin.
Non seulement, à l'en croire, la moitié de la population française résiderait dans des zones où l'on travaille le dimanche, mais le maire n'aurait pas à donner son avis ! (« À Paris ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Or l'un des points essentiels du texte est de placer le maire au coeur du système, et le président Ayrault, mes chers collègues, a parlé de la France tout entière – je vois à vos réactions que l'argument pèse.
Je ne crois pas du tout que le texte conduira à une extension démesurée du travail le dimanche : comme l'ont rappelé M. le ministre et M. le rapporteur, les extensions ont d'ailleurs été rares au cours des dix dernières années. Le président du groupe SRC a évoqué la ville de Vitré, dont je suis maire ; bien que celle-ci soit touristique, je n'aurai jamais l'occasion, non plus que de nombreux maires qui siègent sur ces bancs, de demander l'ouverture dominicale des commerces.
La raison en est simple : j'écoute les salariés de ma ville, et la situation ne l'exige pas.
Je suis autant attaché que vous, chers collègues de l'opposition, au repos dominical ; mais j'estime n'avoir pas le droit d'occulter certaines réalités : dans plusieurs zones, comme à Marseille, les salariés tiennent à travailler le dimanche – des référendums locaux l'ont d'ailleurs montré.
Un référendum dans toutes les zones concernées montrerait que les salariés sont d'accord pour travailler le dimanche.
Nous savons par ailleurs que les étrangers passent souvent trente-six heures à Paris, avant de visiter Rome, Londres ou Madrid : pourquoi, si ce séjour comprend le dimanche, ne pas leur donner la possibilité de consommer ? Tels sont les deux cas d'exception qu'il convient de prendre en compte.
Je veux également répondre à Mme Billard. Nos débats n'éviteront sans doute pas la caricature, le schématisme et la confusion.
J'en parlerai, mon cher collègue.
S'agissant des concertations, je rappelle que M. le rapporteur a mené trois vagues d'auditions des partenaires sociaux.
Ces auditions ont permis d'élaborer des amendements qui prévoient de laisser une large place aux accords collectifs, y compris dans les zones touristiques. En outre, un amendement de M. Vercamer tend à imposer une obligation de négociation.
Vous ne cessez d'entretenir la confusion sur le nombre de communes concernées – 500 ou 5 000 – par la nouvelle dénomination de « zones touristiques d'affluence exceptionnelle » ; or cette dénomination vise précisément à distinguer les communes touristiques de celles qui resteront soumises aux dispositions générales du code du travail.
Troisième point : la proposition de loi protège le commerce alimentaire de proximité, puisqu'elle l'exclut du champ des dérogations, à la fois dans les communes touristiques et dans les zones exceptionnelles de consommation.
Vous ne m'écoutez pas ! (« Si ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mes collègues du groupe UMP, à quelques exceptions près, ne souhaitent pas l'extension démesurée du travail le dimanche. (« C'est faux ! » sur quelques bancs du groupe SRC.) Vous êtes vraiment, chers collègues de l'opposition, dans la caricature permanente : c'est à décourager de prendre la parole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous êtes tellement mal à l'aise que vous ne trouvez plus d'arguments !
Mes chers collègues, s'il vous plaît.
Monsieur le président de la commission, veuillez poursuivre.
…afin qu'un comité, composé de trois membres de l'opposition et de trois membres de la majorité, évalue le dispositif chaque année.
Les caricatures que l'on entend, monsieur le président, montrent la médiocre qualité du débat ; je le regrette personnellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'appelle chacun d'entre vous, mes chers collègues, à éviter les excès, les interruptions bruyantes et, car il y en a eu, les réflexions désobligeantes pour les orateurs. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Vos rappels à l'ordre doivent aussi s'adresser à la majorité, monsieur le président !
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ne vous inquiétez pas pour moi, ma chère collègue.
Le sujet, hautement symbolique, occupe notre assemblée depuis presque deux ans – on se souvient en effet de la réponse du secrétaire d'État en charge de la consommation d'alors, M. Luc Chatel, à une question du groupe SRC. Il se situe, comme l'ont rappelé les précédents orateurs, au croisement des questions d'économie, de société, de qualité de vie ou encore de transports.
Il est donc très complexe. C'est pourquoi je regrette, mes chers collègues, que l'on fasse, une fois encore, comme si le débat opposait une méchante droite à une gentille gauche.
La situation actuelle, monsieur Brard, tient en grande partie aux maires de toutes couleurs politiques qui, outrepassant les autorisations légales, ont laissé des commerces ouvrir le dimanche.
Troisièmement, la disparité des situations rendent tout à fait incompréhensibles la réglementation et les pratiques.
Je ne suis pas sûr que les arguments qui ont été avancés pour démontrer cette absurdité soient tous d'une grande portée, mais admettons qu'une telle absurdité existe.
Vous avez, ma chère collègue, parlé des enquêtes d'opinion : encore faudrait-il que, vous aussi, vous les lisiez jusqu'au bout.
Car, sur ce sujet, nos concitoyens cultivent une certaine ambiguïté : ils veulent bénéficier de l'ouverture des commerces et des services le dimanche, mais ne souhaitent pas, à titre personnel, contribuer à leur fonctionnement.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est la quatrième sur le sujet.
…et votre sens de l'écoute, monsieur le rapporteur : je le dis en souriant, mais sans ironie.
Il est vrai que, entre la majorité et l'opposition, les différences philosophiques sont assez profondes.
Votre intervention, madame Billard, suscite plusieurs questions. Vous dites par exemple que l'ouverture du dimanche entraînera des augmentations de prix, des baisses de salaire et de chiffre d'affaires, que l'efficacité de cette mesure n'est pas du tout démontrée. Vous considérez que, pour cette raison, la réglementation devrait empêcher l'ouverture dominicale des commerces, mais vous ne précisez pas dans quelle proportion. On retrouve bien là une philosophie plutôt gauchère – pour parler sobrement – qui prône, en priorité, la réglementation. À l'inverse, nous considérons que le marché finira par avoir raison des augmentations de prix et des diminutions de chiffre d'affaires. En la matière, les études d'impact et les enquêtes prospectives sont extrêmement difficiles à élaborer. Il paraît tout aussi aléatoire d'assurer que cela va créer des emplois, de la richesse, et grossir les chiffres d'affaires, que de prétendre que cela va entraîner une diminution de la richesse nationale. Il est impossible de le déterminer.
Je souhaite cependant attirer l'attention sur quelques éléments relevés dans l'intervention de Mme Billard. Le premier concerne l'« intérêt des salariés », notion introduite par un amendement dont le président Méhaignerie et moi-même sommes cosignataires et que vous interprétez comme une restriction à la force du principe. Notre volonté était au contraire de donner tout son sens à l'expression « l'intérêt des salariés », qui figure constamment dans la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation à propos des décisions portant sur l'organisation du travail et sur les contrats. Il ne s'agit donc pas de restreindre le champ d'application et la portée du principe.
D'autre part, faut-il se satisfaire d'avoir à régulariser des situations illégales ? Certainement pas. Au regard de l'organisation du travail du Parlement, c'est sans doute l'un des aspects les moins satisfaisants.
Mais comment faire autrement, sans interdire purement et simplement l'ouverture dominicale des commerces ?
Vous nous reprochez par ailleurs en permanence de tout ignorer du monde salarial, mais vous semblez oublier, ma chère collègue, que de nombreux salariés sont déjà concernés par le travail dominical et que, dans bon nombre de ces entreprises, des accords salariaux satisfaisants ont été passés, des dispositions salariales exemplaires ont été prises. Une grande partie de ces salariés souhaitent pouvoir continuer de travailler le dimanche.
Il semble que la question du volontariat traverse tous les débats à caractère social qui ont lieu dans notre hémicycle. Il est vrai qu'elle est délicate : nous ne méconnaissons pas le lien de subordination qui existe entre le salarié et son employeur, mais nous savons aussi qu'il n'est pas l'alpha et l'oméga de leurs relations. D'ailleurs, la CGT elle-même, syndicat révolutionnaire entre tous et qui a votre faveur, cher Jean-Pierre Brard, signe parfois des accords interprofessionnels où figure un article portant sur le volontariat des salariés : elle ne refuse donc pas le volontariat en tant que tel, mais demande qu'on l'organise en prenant en compte la réalité du lien de subordination, qu'on l'aménage de la manière la plus favorable ou la moins déséquilibrée possible. Plusieurs amendements ont été déposés. La commission et le rapporteur Mallié ont accepté que le principe du volontariat soit réaffirmé, avec celui de sa réversibilité. De notre point de vue, cela est parfaitement satisfaisant.
Enfin, votre conclusion, ma chère collègue, jetait sur tout votre discours un éclairage particulier. Vous craignez la généralisation du travail dominical : nous aussi, et nous sommes nombreux, de ce côté de l'hémicycle, à avoir fait connaître notre opposition de principe. Cette généralisation aurait bien, sur les services publics, sur les transports, sur l'énergie, l'impact que vous avez décrit. Mais le texte qui nous est présenté n'aura pas cet effet, car les risques de la banalisation du travail dominical sont contenus et fort réduits.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l'UMP votera ce texte. En conséquence, j'invite la représentation nationale à ne pas adopter la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Hutin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous accusez le président de notre groupe de caricaturer. Mais qu'a fait Richard Mallié en parlant du Second Empire ? Certes, on ne peut nier que ce régime ait vu le développement de l'industrie et qu'il ait permis aux salariés d'aller à la messe le dimanche, mais on peut douter qu'il ait été exemplaire pour ce qui est de la qualité de vie des ouvriers, de leurs horaires, du travail des enfants, des accidents du travail. Un penseur de ce temps, Alphonse Aulard, disait – et la formule a été reprise par Forain, ancêtre de Philippe Martin – : « Ah ! que la République était belle sous l'Empire ! » Il ne faudrait pas que, avec ce texte, cette treizième législature donne une telle impression.
Nous avons le choix entre deux sociétés : d'une part, celle de la fraternité, du social, du sport le dimanche, de la famille, de la convivialité (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) et, pour ceux qui le souhaitent, de la spiritualité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; d'autre part, celle du caddie.
La métropole lilloise, dans le Nord-Pas-de-Calais, a donné plusieurs familles fondatrices de grands groupes de distribution et d'hypermarchés : elles habitent de l'autre côté de la frontière, en Belgique, ne paient pas l'impôt en France, mais viennent y voter, chaque dimanche d'élection, souvent après la messe. Avec ce texte, nous sommes plus éloignés de ce que disait Jean Gabin : nous ne ferons plus jamais rien « le dimanche au bord de l'eau » et les nouveaux « millionnaires du dimanche » seront les propriétaires de ces grandes enseignes.
Nous allons bien sûr voter la motion de rejet préalable fort bien défendue par Martine Billard, car nous ne voulons pas que tous les dimanches deviennent des lundis de Pentecôte travaillés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, chacun aura été sensible à la qualité de la démonstration de Martine Billard. Hélas, on a beau être excellente pédagogue, que faire face à des autistes ? On a bien compris, ce matin, que la majorité s'était pris les pieds dans le tapis, et que cela explique tous les délais qui ont retardé ce débat.
Comme souvent, le plus intéressant est l'attitude de Pierre Méhaignerie, qui est toujours la bonne ou la mauvaise conscience de la droite – selon qu'on l'observe d'un côté ou de l'autre. Nous avons perçu son embarras, lorsqu'il a expliqué qu'il n'y aurait sûrement pas beaucoup d'extensions. En fait, il n'est sûr de rien, parce qu'il sait bien que, quand on commence à tirer sur un bout de laine, on finit par tout détricoter. Pierre Méhaignerie nous dit qu'il faut prendre en compte la réalité. Mais, mes chers collègues, depuis quand est-il recommandé de faire la politique du chien crevé au fil de l'eau ? Il faut avoir des convictions et les défendre. Et c'est par conviction que nous nous opposons au travail du dimanche. Il est bien connu que, chez les jeunes, aujourd'hui, dans les réunions conviviales, on boit de plus en plus d'alcool. À vous entendre, il faudrait prendre en compte la réalité et laisser faire. Ils se droguent davantage ? Là aussi, il faut prendre en compte la réalité et laisser faire !
Tel n'est pas notre point de vue. Nous, nous avons des convictions. Les salariés ont conquis des droits tout au long de l'histoire du mouvement ouvrier. Ces droits, il faut les défendre. Vous avancez à pas de loup, parce que vous voulez, vous, les détruire. Pour cela, tout est bon : ainsi, vous inventez la notion de commune d'affluence touristique. J'aimerais que notre collègue Éric Raoult nous dise si, grâce à sa magnifique église construite par Perret, Le Raincy peut être considéré comme une commune d'affluence touristique.
Permettra-t-il que, en raison de la présence de cette église, les commerces soient ouverts en dehors des horaires actuellement pratiqués ?
Imaginons que, demain, un maire de gauche soit élu au Raincy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le Gouvernement prétend que l'on pourra revenir en arrière, mais vous savez bien que ce n'est pas vrai. Une fois que les acquis sont détruits, il est extrêmement difficile de revenir en arrière.
En réalité, vous légalisez l'illégalité. Comme notre collègue l'a dit, vous donnez une prime aux délinquants et aux voyous, par exemple aux patrons de Virgin. Vous menez ce que l'on appelait autrefois une politique de classe. Quand, pour se faire entendre, des salariés humiliés sont obligés de séquestrer légitimement, sinon légalement, leur patron, c'est illégal – le Premier ministre l'a rappelé. Mais quand un patron oblige les salariés à travailler en dehors des horaires légaux, y compris la nuit, c'est légal, puisque cela répond au besoin de rentabilisation du capital. Dès lors qu'il s'agit de remplir certaines poches, vous êtes prêts à vous agenouiller devant le Veau d'or. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Quant à moi, je crois à la vie en famille.
J'entendais tout à l'heure une collègue invoquer l'argument du libre choix.
Je ne suis pas clérical, comme certains de vos amis, monsieur Clément ! Héritiers de Jaurès, nous sommes des laïcs ! Or, la laïcité de la loi de 1905, c'est avant tout la liberté de conscience – y compris la liberté d'aller à la messe le dimanche, en famille, pour ceux qui ont la foi ! Las, vous détruisez jusqu'à cette liberté, parce que vous ne croyez à rien sinon à l'argent ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je suis d'ailleurs convaincu que c'est là l'une des raisons qui expliquent les hésitations de M. Méhaignerie : au fond de sa conscience, appuyée sur la foi, il sait bien qu'il est en train de commettre une mauvaise action, et se demande s'il s'agit d'un péché véniel ou d'un péché mortel ! (Rires sur divers bancs.) Oui, cher collègue, vous allez devoir vous confesser pour avoir prêté votre main à cet acte – sans regarder où vous la posez : dans celle de M. Mallié, en un pacte diabolique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Au fond, que voulez-vous ? Vous voulez supprimer les citoyens et ne conserver que des salariés, taillables et corvéables à merci, disponibles selon les besoins des employeurs !
Songez au Président de la République – parfois proche de tenir des propos ridicules – qui a dû téléphoner à des commerçants pour que Michelle Obama puisse faire ses courses ; n'aurait-on pas pu imaginer – même s'il est difficile de se le représenter dans une telle posture – qu'il propose à Mme Obama et à ses enfants une visite culturelle ? Imaginons donc le Président de la République devant la Victoire de Samothrace, ou contemplant cette belle Italienne qu'on appelait la Joconde. (Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Voilà qui aurait non seulement permis à Michelle Obama de connaître le patrimoine culturel de la France, mais aussi au Président de la République lui-même de se cultiver, plutôt que d'ouvrir Plan-de-Campagne sans limites ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Scandaleux ? Est-il plus scandaleux d'avoir Johnny Hallyday et Doc Gynéco pour références, ou Marguerite Yourcenar ?
Nos valeurs ne sont pas cotées à la Bourse, mais au Panthéon et à l'Académie française ; nous ne fréquentons pas les mêmes lieux ! Vos amis sont banquiers : vous faites pression sur les salariés tandis que M. Milhaud, ancien président des caisses d'épargne, M. Bouton, ancien président de la Société générale, ou M. Forgeard, d'EADS, qui ont chacun ruiné leurs établissements, sont libres ! Pour eux, vous n'êtes jamais trop bons ! Et pendant ce temps, vous pressurez les salariés.
J'en reviens – et j'en finirai ainsi – à notre chère collègue qui, tout à l'heure, indiquait que le choix serait « libre ». Imaginez cette femme seule, avec ses trois enfants, obligée de travailler le dimanche matin : est-ce cela la liberté, lorsque vous n'êtes que trois ou quatre dans un magasin ?
Que signifie tout cela ? Cette liberté-là est celle de la poule face au renard ! M. Darcos est le renard ; M. Mallié le loup – il a le poil plus revêche ! (Rires.) Vous, monsieur Darcos, êtes plus patelin, mais le résultat sera le même pour cette femme et ses trois enfants, qu'elle sera contrainte de laisser parce que le salaire qui lui est servi ne lui permettra pas de payer leur garde.
Dans ces conditions, les enfants feront des sottises ! Heureusement, vous avez déjà la parade : votre loi sur les bandes organisées. Ainsi, pendant que vous déroulez le tapis rouge pour les tenants des grandes surfaces, vous envoyez la répression sur ces pauvres gamins abandonnés parce que vous contraignez leurs parents à travailler aux moments où ils devraient vivre en famille ! Je ne suis pas nostalgique, mais j'estime qu'il faut conserver le repas dominical, de même que les sorties dominicales. (« La poule au pot ! » sur les bancs du groupe UMP.) Passer le dimanche dans les grandes surfaces ne constitue pas une sortie culturelle ! Ayez le courage, monsieur Mallié, de le dire à vos électeurs et à ceux dont vous êtes le fondé de pouvoir dans cette Assemblée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Il va de soi que le groupe Nouveau Centre est lui aussi opposé à la généralisation du travail le dimanche.
Plusieurs députés SRC.Alors ? Pourquoi voter ce texte ?
D'ailleurs, nous tous ou presque sur ces bancs partageons cette opposition à une généralisation dont beaucoup nous parlent, mais qui ne figure pourtant pas dans ce texte. En effet, les groupes SRC et GDR tentent de nous faire croire qu'il n'existait jusqu'à présent aucune dérogation dans le code du travail, et que ce texte ferait une entaille dans le repos dominical, pourtant sanctuarisé – et même davantage encore grâce à cette proposition de loi. C'est faux : il existe déjà 180 dérogations, accordées par des gouvernements de toutes couleurs politiques !
Plusieurs députés GDR. C'est suffisant !
Ces dérogations ont trait à divers secteurs : transports, santé, sécurité ou encore communication, par exemple. Naturellement, elles évoluent avec le temps : qui, à la création du droit au repos dominical en 1905, pouvait imaginer que la télévision existerait en 1960 ? Il a bien fallu autoriser une dérogation pour que la télévision émette le dimanche, afin que ceux qui se reposent la regardent ! Il est donc bien normal que le code du travail ait évolué.
La vie de nos concitoyens évolue de façon continue, de même que leurs habitudes de consommation. Cette proposition de loi vise à effectuer un aménagement supplémentaire, pour lequel le groupe Nouveau Centre – comme la plupart d'entre nous ici – souhaite ne pas aller trop loin. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Il s'agit en effet d'aménager le code du travail afin d'améliorer l'ouverture du commerce de détail en fonction des habitudes d'achat des Français, mais aussi là où les étrangers en visite sur notre territoire peuvent connaître nos produits.
J'ai bien entendu Mme Billard, qui a été caricaturale – comme la plupart des intervenants sur ce texte jusqu'à présent, y compris lors des épisodes précédents. Il ne s'agit pas d'obliger les gens à travailler le dimanche ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Il s'agit simplement de lever l'interdiction de travailler le dimanche. Ceux qui sont hardiment opposés au texte au motif que les commerçants n'en veulent pas peuvent se rassurer : puisqu'ils n'en veulent pas, ils n'ouvriront pas ! Dans certains lieux, certains commerces seront toutefois autorisés à ouvrir le dimanche, afin de pouvoir offrir leurs produits dans les zones touristiques ou frontalières, en particulier, où c'est souvent déjà le cas.
Nous sommes attachés aux contreparties offertes aux salariés, ainsi qu'au principe du volontariat. Nous avons donc déposé un certain nombre d'amendements, dont certains, comme l'a indiqué le président Méhaignerie, ont été acceptés au titre de l'article 88 comme d'autres l'avaient été précédemment en commission – et j'en suis heureux. Les cinquante heures de débat que nous aurons permettront de clarifier les positions des uns et des autres, y compris celle des auteurs du texte et du Gouvernement, sur cet aménagement complémentaire de la loi. Dès lors, il va de soi que le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette motion de rejet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 377
Nombre de suffrages exprimés 377
Majorité absolue 189
Pour l'adoption 144
Contre 233
(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Christian Eckert.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, nous examinons cette quatrième version de la proposition de loi de notre collègue Richard Mallié alors que la troisième a failli être examinée au mois de décembre dernier, juste avant Noël. « Mallié IV » nous est soumise en juillet, au coeur de l'été : c'est plus facile et plus discret ! En outre, il s'agit d'une proposition de loi.
Chers collègues, je prie ceux qui ont choisi de quitter l'hémicycle de le faire dans le plus grand silence, par respect pour l'orateur.
Je vous remercie, monsieur le président. Peut-être ont-ils un rendez-vous à midi ?
Contrairement à ce qui a déjà été dit plusieurs fois, y compris par M. le ministre et par son éphémère prédécesseur, il s'agit bien d'une proposition de loi, disais-je, et non d'un projet de loi. Tout est là et j'ai la faiblesse de penser que ce choix n'est pas dû au hasard. En effet, la loi sur la représentativité et la démocratie sociale vous contraindrait, s'il s'agissait d'un projet de loi, à organiser la concertation avec les partenaires sociaux.
Les propositions de loi sont désormais à la mode : après celle de M. Poisson, voici celle de M. Mallié.
Revenons sur la genèse de ces « textes Mallié ». La première version du texte date du 7 septembre 2007. Permettez-moi de vous en donner quelques extraits ; aujourd'hui, en effet, vous prétendez que le dernier texte est a minima, ou en retrait. Or, l'évolution constatée au fil des quatre versions prouve tout le contraire ! La première proposition de loi du 7 septembre 2007 prévoyait que, « dans les zones agglomérées regroupant plus de 200 000 habitants, le repos hebdomadaire peut également être donné un autre jour sur la base du volontariat des salariés, par roulement pour tout ou partie du personnel, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année » – j'en passe et des meilleures.
Cette première version demandait qu'un accord prévoie obligatoirement des contreparties salariales et fasse mention du nouveau jour de fermeture hebdomadaire fixé pour l'établissement. Ce texte était simple ; il n'évoquait en aucun cas les communes touristiques, obligeait à un accord social, permettait des dérogations pour cinq ans et imposait une période d'évaluation prise en compte dans la décision éventuelle de renouvellement de l'autorisation.
Le deuxième texte, présenté le 22 mai 2008, évoquait quant à lui les communes et les zones touristiques ou thermales. S'il conservait le principe de l'autorisation pour cinq ans, il disposait – pour la première fois – qu'en l'absence d'accord salarial, un référendum serait nécessaire.
Ce deuxième texte faisait également mention des ZACE, les zones d'attractivité commerciale exceptionnelle, et prévoyait que des autorisations d'ouverture puissent y être accordées à titre expérimental, pour cinq ans et seulement en Île-de-France et dans les Bouches-du-Rhône.
Le troisième texte, allant de mal en pis, évoquait encore le cas des communes touristiques et thermales, mais imposait toujours une autorisation administrative – les préfets étant obligés d'intégrer les contreparties convenues entre les organisations syndicales. Dans ces zones touristiques, la notion de volontariat était maintenue.
Il était encore question des ZACE en novembre 2008, dans les agglomérations de plus d'un million d'habitants, mais toujours pour une durée limitée et soumises à des autorisations administratives.
Nous en venons à ce texte prétendu a minima, qui aurait été vidé de sa substance…
…selon vos propos. Or mes chers collègues, qu'est-ce qui a changé ? Dans les communes touristiques, les autorisations sont accordées de plein droit : cela veut dire qu'il n'y a plus de notion de volontariat ni de contreparties pour tous les types de commerces dans toutes les communes touristiques. La messe est dite. Ce prétendu texte a minima est pire que le précédent !
Il y a une autre évolution majeure : cette fois, les ZACE ont disparu, avant même d'exister. Elles sont devenues des PUCE, soit des périmètres d'usage de consommation exceptionnel, et non le petit animal sympathique qui fait tant s'agiter nos animaux de compagnie ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Venons-en au titre. Je vais, là encore, montrer l'évolution de ce que vous dites aujourd'hui être une loi différente de celle présentée au mois de décembre, et que vous avez vous-mêmes rejetée.
Dans le premier texte, il s'agissait de « garantir aux salariés concernés par le travail du dimanche une majoration salariale et un repos compensateur, dans le cadre d'accords entre partenaires sociaux sur des périmètres déterminés ». On peut faire plus simple, mais tel était le titre de cette première proposition.
Avec le deuxième texte, cela se gâtait, puisqu'il visait à « rénover les dérogations au repos dominical ». M. Mallié ne manque pas d'imagination ! Beaucoup de salariés commencent toutefois à savoir ce que signifie le mot « rénover » !
Le troisième texte visait, lui, à « définir les dérogations au repos dominical dans les grandes agglomérations, les zones touristiques et les commerces alimentaires ». On ne rénovait plus les dérogations, on les définissait !
J'en arrive au summum : le titre du texte qui vous est soumis aujourd'hui est simple, comme vous pouvez le constater. Il s'agit d'une proposition de loi visant à « réaffirmer le principe du repos dominical et adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires ». Tout est dans le titre ! Vous comprendrez, mes chers collègues, le rideau de fumée qui occulte le contenu de ce texte si vous analysez cet intitulé avec moi.
J'évoquerai d'abord sa première partie : « Réaffirmer le principe du repos dominical ». Or, que dit actuellement le code du travail dans son article L. 3132-3 ? « Le repos hebdomadaire est donné le dimanche. » Point, fermez le ban !
Est-il nécessaire de changer la moindre virgule à cette phrase qui existe déjà dans notre code du travail ? Le seul fait de vouloir réaffirmer ce droit dans la loi – car nous faisons la loi, non de la communication – montre que le doute existe.
J'en viens à la dernière partie du titre : « ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires ». Une lecture rapide pourrait faire croire que le mot « volontaires » se rapporte à l'ensemble de ce qui précède. Et pourtant, nous verrons plus loin, en analysant le texte, que ce mot ne porte que sur les PUCE, c'est-à-dire certaines grandes agglomérations.
S'agissant de cette expression « certaines grandes agglomérations », la difficulté pour Richard Mallié était de résoudre le problème de Plan-de-Campagne et de quelques autres zones en Île-de-France. (« C'est exact ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Aussi fallait-il trouver un critère. Chacun sait que la loi s'applique à tous et que nous légiférons ici pour l'ensemble du territoire national. Le Conseil constitutionnel, d'ailleurs, aura à se poser des questions sur les affirmations contenues dans le texte. Mais l'expression « certaines grandes agglomérations » vous a posé quelques problèmes ! Nous le savons, ce texte a provoqué des remous dans la majorité et les députés UMP de Lyon étaient contre. Toute l'astuce a été de trouver une formule qui vise Plan-de-Campagne, mais pas Lyon et, au passage, d'enquiquiner un peu les gens de l'agglomération lilloise !
L'artifice a consisté à parler des unités urbaines de plus d'un million d'habitants – nous reviendrons sur la situation de Lyon qui, en aucun cas, je l'affirme, n'est exclue du champ de ce texte.
S'agissant de la présentation, s'il y a eu un article additionnel, sur lequel nous reviendrons, la proposition initiale se limitait à un seul, pour deux raisons. D'abord, parce que nous avons affaire pour la première fois au temps programmé et chacun sait qu'il est possible de s'inscrire dans la discussion de chaque article. Par conséquent, se borner à un seul article ne permettait qu'une seule discussion sur les articles !
La deuxième raison est beaucoup plus perverse : en mélangeant dans un seul et même article deux situations extrêmement différentes, on entretenait la confusion. C'est ainsi que des ministres parlaient de volontariat partout, que le président de la commission des affaires économiques lui-même affirmait que tout résidait dans le volontariat. En mettant le volontariat un peu en haut, un peu au milieu et un peu en bas, mais en arrangeant bien les articles, en jouant sur une lecture un peu rapide – nos collègues n'ayant pas forcément le temps de décortiquer chacun des textes de cette véritable diarrhée législative qui nous saisit en ce moment –, tout a été fait d'évidence pour entretenir la confusion.
J'en cite deux exemples. Les articles nouveaux L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 parlent de volontariat. Mais si vous lisez attentivement, vous constatez que cela ne s'applique qu'à l'article L. 3132-20, qui existe déjà, et au nouvel article L. 3132-25-1, c'est-à-dire les PUCE.
Autrement dit, mes chers collègues qui êtes attachés au repos dominical, il faut comprendre, et nous aurons l'occasion de le répéter, que la notion de volontariat ne s'applique que dans les nouvelles zones que vous avez inventées, c'est-à-dire les PUCE.
Paradoxalement, l'article L. 3132-25-5, qui exclut les grandes surfaces alimentaires – je vous en donne acte – porte sur l'ensemble des deux articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1.
Il y a donc confusion dans la présentation, en relation avec l'application du temps programmé pour la première fois dans cette législature. Votre perversité a probablement nécessité un certain temps de préparation. Elle nécessitera de notre part du temps pour les explications et les commentaires.
À ceux de nos collègues de droite qui disent que le texte a bien évolué, et que, dans « Mallié IV », il n'y aurait plus rien de « Mallié III », je pose une seule question, la seule qui devrait valoir au moment de voter : qu'est-ce qui a changé entre la proposition de loi que nous avons majoritairement rejetée au mois de décembre et celle que nous examinons aujourd'hui ? Rien ! Opposez-nous des faits, pas des mots ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Quel article a changé ?
Le seul changement, c'est que vous étiez passés par amendement, après une réunion à l'Élysée – comme aujourd'hui ! – de cinq dimanches autorisés par le maire à huit. Mais cela ne figurait pas dans la proposition de loi. Et c'est cela qui a disparu. L'évolution par amendement introduit, apparemment, sur les conseils appuyés du Président de la République, a sauté.
Il n'y a plus de Parlement, il n'y a que le Président de la République ! Pourquoi s'agit-il d'une proposition de loi ? L'exécutif n'est-t-il pas capable de déposer un projet ?
Une deuxième chose a changé, sur laquelle j'appelle votre attention. Les dérogations dans les communes touristiques étaient jusqu'à présent accordées sur la base d'autorisations administratives et obligeaient à des contreparties. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd'hui, vous introduisez subrepticement, dans l'article qui concerne les zones touristiques et thermales, une notion d'autorisation de plein droit. De plein droit, cela veut dire sans volontariat, sans contrepartie, sans doublement du salaire, contrairement à ce que vous racontez partout sur les ondes !
Vous êtes conservateur ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Sur ce point, monsieur Raoult, je m'honore d'être conservateur !
Pour cette proposition de loi, vous utilisez la procédure accélérée. Pourquoi ? Y a-t-il urgence, tout à coup, au coeur de l'été, à relancer un débat qui dure depuis six ans et sur lequel, à l'évidence, certains se sont cassé les dents ?
Vous observerez, mes chers collègues, que l'examen au Sénat de cette proposition de loi – si, par malheur, vous la votiez – est prévu pour le 22 juillet et que notre session s'achève peu après. Aurez-vous l'audace de convoquer une CMP le 25 juillet à dix-huit heures…
Je le crains. Et j'en veux pour preuve les propos du Président de la République, qui a déclaré, le 30 juin 2009, à la Défense, que ce problème serait réglé avant l'été.
C'est peut-être un peu optimiste à l'heure qu'il est, mais quoi qu'il en soit, vous chercherez à le régler avant l'automne.
Je voudrais souligner la faiblesse du rapport. J'ai beaucoup de sympathie pour Richard Mallié (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), qui est un homme de conviction, chacun le sait. Mais, je suis désolé de le dire, il a rendu un rapport faible. Après trois précédentes propositions de loi et six ans de travail, il se contente de quinze pages…
…si je retire le compte rendu de la discussion qui a eu lieu en commission, et encore deux sont-elles quasiment vides puisqu'elles ne contiennent que deux lignes, alors que le sujet suscite à l'évidence, ce qui est sain, débat dans notre pays, pour ne pas parler du débat dans cet hémicycle.
Le rapport est faible parce qu'il ne dit rien, qu'il n'écrit rien sur ce qui se passe à l'étranger. Il ne dit rien, il n'écrit rien sur les salaires, notamment dans les métiers concernés. Il ne dit rien, il n'écrit rien sur les contreparties existantes, là où des dérogations sont déjà accordées. Les gens sont-ils payés double, plus que le double – cela arrive –, moins que le double ? Combien sont-ils ? Aucune information ne figure dans le rapport.
Le rapport ne dit rien, n'écrit rien sur la situation des femmes.
Les femmes sont, on le sait, les plus nombreuses à travailler dans un commerce et les plus touchées par les conséquences du travail dominical sur la vie familiale.
Certes, on nous sert la complainte sur Plan-de-Campagne, sur Éragny, sur le Val-d'Oise. J'aurais préféré, monsieur le rapporteur, que vous nous disiez que la France est le pays d'Europe où l'on travaille le plus le samedi, d'après une étude d'Eurostat de 2004 sur les douze pays qui composaient alors la Communauté. Et pour le travail le dimanche, la France se situe dans le haut de la fourchette, parmi les trois pays qui travaillent le plus le dimanche. Seuls le Royaume-Uni et les Pays-Bas promeuvent massivement le travail le dimanche, qui représente autour de 15 % du travail habituel. Dans les autres pays, la part des salariés travaillant le dimanche se situe à 10 %, voire en dessous.
En Allemagne par exemple persiste un fort consensus contre le travail le dimanche.
Même la fédération des entreprises du commerce l'exclut de ses revendications actuelles, tandis que le syndicat des services VERDI y est défavorable.
C'est pour cela que Mme Obama ne s'est pas rendue en Allemagne pendant le week-end !
D'ailleurs, en Allemagne, une grande majorité des magasins de centre-ville n'appliquent pas la loi de 1997 qui faisait passer les heures obligatoires de fermeture de dix-huit heures trente à vingt heures en semaine.
En Norvège, depuis le 1er avril 2003, les magasins ont une totale liberté d'horaires d'ouverture, ceux-ci pouvant aller jusqu'à vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais le travail dominical reste encore très strictement encadré.
La Suède est dans une zone grise, avec des autorisations qui sont accordées au niveau local sur la base d'accord de branche – pourquoi pas ? – alors que l'Espagne, plutôt libérale depuis la loi de juin 2000, affiche de fortes disparités régionales : Madrid autorise vingt-six dimanches par an pour les établissements de plus de 300 mètres carrés alors que la Catalogne et le Pays Basque appliquent la loi a minima.
Avec plus de 25 % de travail dominical global, en additionnant les habituels et les occasionnels, la France se situe en haut de la fourchette dominicale et c'est, je le répète, le pays européen où l'on travaille le plus le samedi. Au total, la France apparaît comme un pays où les salariés travaillent déjà beaucoup le week-end. Rien dans ces comparaisons européennes ne justifie d'accroître la charge de travail dominical des salariés en France.
J'aurais aimé, monsieur le rapporteur, trouver des éléments de cette nature pour profiter de ce que certains appellent le benchmarking des autres pays, notamment européens – c'est d'ailleurs une pratique habituelle et appréciée du président Méhaignerie. Je n'ai pas trouvé ce genre d'éléments dans le rapport. Heureusement, on peut trouver beaucoup d'informations notamment sur Internet.
J'ajoute que le différentiel de salaire accordé au salarié travaillant le dimanche, que vous dites justifié par le coût d'opportunité élevé auquel le salarié fait face en allant travailler le dimanche – renonciation à des activités avec les personnes qui ne travaillent pas, garde d'enfants, etc. – ne sera plus de mise si la banalisation du travail le dimanche se produit, ce que nous craignons. À terme, les majorations de salaires disparaîtront. À ce propos, toujours pour les amateurs de benchmarking, le cas de la Grande-Bretagne est très révélateur : aucune prime n'est versée à un ouvrier qui travaille le dimanche dans un site de production industriel fonctionnant en continu.
D'ailleurs, ce mécanisme est déjà en vigueur en France puisque l'amendement Debré, la sénatrice, qui a été adopté par votre majorité le 20 décembre 2007, donne aux magasins d'ameublement la liberté d'ouvrir le dimanche.
Auparavant, une majoration salariale et un repos compensateur étaient prévus par la convention collective dans ce secteur. L'arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2009 rend inapplicable cette convention dès lors que le salarié travaille habituellement le dimanche. CQFD !
L'un des objectifs de votre proposition de loi est de légaliser les enseignes hors la loi. Curieux pour le législateur que de dire : il y a un usage, certains ne respectent pas les règles, sont condamnés par les tribunaux, eh bien, on va faire une loi, comme ça ces personnes vont revenir dans le droit commun.
Beaucoup de conducteurs prennent des PV devant les radars – on en parle beaucoup en ce moment. Eh bien, faisons une loi et changeons les choses, puisque c'est un usage constaté. Je vous épargnerai les exemples sur l'utilisation de l'alcool, du cannabis, de la cigarette ou de bien d'autres choses.
Il y a là une première contradiction. Martine Billard l'a dit, c'est une forme de loi d'amnistie que vous nous proposez, il faut l'assumer.
D'ailleurs, l'inspection du travail a décidé d'utiliser la voie judiciaire pour que Leroy Merlin cesse d'employer illégalement les salariés le dimanche dans le Val-d'Oise, L'entreprise risque une astreinte de 100 000 euros par dimanche en infraction. Pour ses trois magasins, cela fait 300 000 euros d'amende. Eh bien, que dit Leroy Merlin en gros – je vous épargne la lecture complète de l'article : « Ce n'est pas grave, j'attends la loi ; on nous a promis qu'elle serait bientôt votée. »
Voilà, mes chers collègues, ce qui arrive quand on veut faire des lois d'amnistie. D'ailleurs, alors que Leroy Merlin avait été récemment condamnée à verser 3,6 millions d'euros, les organisations syndicales ont proposé d'abandonner les 3,6 millions d'euros à condition que soit accordée une majoration de salaires dans les enseignes concernées.
Le Conseil constitutionnel appréciera ces lois faites sur mesure, ces lois faites pour des intérêts particuliers, au détriment, beaucoup le craignent et le disent, de l'intérêt général.
Certes, certains d'entre vous sont probablement de bonne foi, et je ne suis pas sûr que même le rapporteur ait souhaité que ce texte aborde la dérogation de plein droit dans les communes touristiques.
Je pense, et il le craint lui-même, qu'à force d'empiler des choses différentes sur un texte qui, au départ, pouvait paraître anodin, l'inconstitutionnalité vous guette, mes chers collègues. En tout cas, nous saisirons le Conseil constitutionnel sur cette question, entre autres.
Je voudrais maintenant approfondir un peu l'état des lieux pour que chacun comprenne la situation d'aujourd'hui.
Tout d'abord, on nous dit que les dérogations existantes, c'est compliqué, qu'il y a en a beaucoup, que personne ne s'y retrouve. En réalité, c'est relativement simple, en tout cas au moins aussi simple que le texte qui nous est proposé.
Des dérogations sont actuellement prévues pour les entreprises qui, pour des raisons techniques ou d'intérêt majeur, doivent travailler en continu ; elles font l'objet d'accords généralement collectifs et cela ne pose pas de problèmes majeurs.
Par ailleurs, cinq dimanches par an peuvent être accordés par les maires, dans toute la France, sauf à Paris, où c'est le préfet qui accorde ces autorisations.
Dans ce cas, je vous signale, mes chers collègues, qu'aujourd'hui rien n'oblige au doublement du salaire.
Dans les zones touristiques, et c'est là toute la nuance, sont autorisées les activités liées au tourisme durant la saison dans les communes touristiques. Ces autorisations sont accordées pour des durées temporaires et donnent lieu à des contreparties.
Quelles sont les communes concernées, du moins actuellement ? Aujourd'hui, on nous dit que les communes touristiques visées sont les communes à prendre au sens du code du travail.
Mais il y a aussi les communes touristiques liées au code du tourisme. C'est un peu compliqué, je le reconnais, et cela méritait clarification. Être une commune touristique au sens du tourisme, on comprend un peu ce que cela veut dire, mais être une commune touristique au sens du code du travail, on comprend moins.
Alors, on a cherché les différences, on a regardé ce que disent les textes actuels.
Une loi, datée du 14 avril 2006, c'est pas vieux, constatant que la notion de communes touristiques était vague, a cherché à préciser ce qu'est une commune touristique. Aux termes de cette loi, les communes touristiques au sens du code du tourisme sont les communes qui mettent en oeuvre une politique locale du tourisme – bon…
…très précis en effet – qui offrent des capacités d'hébergement pour l'accueil d'une population non résidente, qui bénéficient au titre du tourisme dans les conditions du code des collectivités territoriales de la dotation supplémentaire touristique, etc. Ces communes peuvent être dénommées touristiques et la loi renvoie à un décret. Or ce décret est paru, figurez-vous.
Oui, cela arrive, il y a des décrets qui paraissent. Le décret est paru le 2 septembre 2008, et il est entré en application en mars 2009. Il précise que les critères notamment pris en compte sont…
…premièrement, le rapport entre la population permanente et la population saisonnière.
…le nombre de gîtes, le nombre de campings, le nombre de lits et le nombre de places offertes dans les parcs de stationnement automobile.
Et le décret donne un tableau : il faut multiplier les chambres d'hôtels par deux, les résidences secondaires par quatre, prendre la racine carrée de la taille du maire… et on arrive, après avoir divisé par la population…
Voilà ce que dit le code du tourisme. C'est à peu près la même chose dans le code du travail, mais dit dans l'autre sens, c'est-à-dire que les préfets saisis par les maires vont se prononcer peut-être, en tout cas d'après vous, de deux façons différentes : une première fois sur la base du code du tourisme, ils vont donner leur accord à l'appellation commune touristique, et puis, une seconde fois, le même préfet saisi par le même maire ou par une enseigne pourrait, d'après vous, dire que la commune n'est plus commune touristique au sens du code du travail. J'avoue que pour une loi qui voulait simplifier la notion de commune touristique, c'est pas mal ! D'autant qu'un amendement adopté ce matin en commission a inventé une troisième catégorie pour faire simple.
Toujours dans l'état des lieux, j'en viens aux contreparties du travail du dimanche. S'il est vrai qu'il est payé double dans certains établissements, les volontaires doivent parfois se contenter d'une majoration de 50 %.
Vous prétendez avoir trouvé la recette miracle en prévoyant l'ouverture de négociations, selon un procédé auquel vous avez déjà eu recours pour la loi sur l'intéressement et la participation. Mais reconnaissez que, en rendant leur ouverture et non leur conclusion obligatoire, vous n'allez pas bien loin.
Quant au volontariat, un problème vous aura peut-être échappé. Si l'obligation pour le salarié de travailler le dimanche figure dans le contrat de travail, le dispositif sera évidemment sécurisé, mais à quel prix ? Dans un célèbre établissement des Champs-Élysées dont le nom commence par un V et finit par un n, les syndicats luttent contre cette disposition, qui revient à établir une discrimination à l'embauche. De même, le renoncement à la réversibilité constitue un changement évident des modalités du contrat de travail, susceptible d'entraîner sa nullité.
Toujours dans l'état des lieux, je relèverai une bêtise, parmi d'autres. Qui n'a entendu dire que le côté droit et le côté gauche des Champs-Élysées n'étaient pas soumis au même régime ? Le Président de la République lui-même, ainsi que Brice Hortefeux, l'ont répété à leur tour. Or rien n'est plus faux. Cette avenue serait-elle hémiplégique le dimanche, les magasins étant ouverts sur un trottoir et fermés sur l'autre ? Rien n'est plus faux. Comme d'autres lieux de la capitale classés par la préfecture en « zone touristique d'affluence exceptionnelle » – la rue des Francs-Bourgeois, par exemple, ou une partie du boulevard Saint-Germain –, les Champs-Élysées bénéficient d'un régime spécifique autorisant le dimanche l'activité des établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés aux activités de détente ou de loisirs d'ordre sportif, récréatif ou culturel – et ce des deux côtés de l'avenue. Ceux qui ont prétendu le contraire l'ont inventé de toutes pièces.
Certains regrettent de pouvoir acheter le dimanche des lunettes de soleil, mais non des lunettes de vue.
À mon sens, cela n'a rien d'une catastrophe. Une personne qui a commandé des lunettes peut passer les retirer en semaine à l'heure du déjeuner, en fin de journée ou le samedi. L'impossibilité d'effectuer cette démarche le dimanche ne pénalise en rien notre économie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Caricature ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas une caricature : vous avez cité cet exemple à dix reprises ; permettez-nous de répondre au moins une fois devant la représentation nationale !
Il faudrait prévoir un accord de branche ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Les notaires et tous ceux qui exercent une profession libérale travaillent-ils ce jour-là ? Au lieu d'ouvrir les commerces le dimanche, chers collègues de la majorité, cessez donc de fermer les services publics toute la semaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La dernière anecdote que l'on a racontée sur l'ouverture des magasins le dimanche met en scène Mme Obama.
La visite que celle-ci a effectuée un dimanche, sur les Champs-Élysées, largement couverte par la presse, a été commentée en choeur par les ténors de la majorité. Évidemment, ont objecté certains, Mme Obama aurait pu se rendre dans un musée, ou parcourir les Champs-Élysées la veille ou le lendemain. Quoi qu'il en soit, était-il nécessaire que l'Élysée fasse ouvrir des commerces le dimanche ?
Imaginez la situation des salariés qui avaient prévu une sortie en famille ce jour-là, et qui ont été envoyés au travail sur un simple coup de fil,…
…au motif que Mme Obama voulait faire des courses. Quelle indécence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mais, si elle avait été à Berlin, comme d'ailleurs à Barcelone, les magasins auraient également été fermés. Autant dire que l'argument de la visite de Mme Obama, qui peut faire sourire, est spécieux. D'ailleurs, joue-t-on au tennis à Wimbledon le dimanche ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) M. Hortefeux a cité l'exemple du Luxembourg, dont mon département est frontalier. Les magasins n'y sont pas ouverts le dimanche, pas plus qu'en Allemagne. Ce jour-là, les Français sont plus nombreux à travailler que les Portugais, les Espagnols, les Italiens, les Allemands ou les Luxembourgeois. Sur ce chapitre, la France arrive au neuvième rang sur douze pays classés.
À présent, regardons de plus près la population concernée.
Selon l'INSEE, 3,6 millions de personnes travaillent régulièrement le dimanche, et leur nombre double si l'on compte ceux qui le font de manière occasionnelle. Ne pensez-vous pas que cela suffit, quand on sait que ceux qui pratiquent le travail dominical sont les moins nombreux à souhaiter qu'il se généralise ?
J'entends un autre argument : dans les usines sidérurgiques ou les mines, dans les services de santé, comme les urgences,…
…dans des services de sécurité, dans les restaurants, les cafés et les hôtels, dans les transports publics et privés, bien des gens travaillent déjà le dimanche. Si l'on ne peut remettre en cause leur activité, il n'est pas question de l'étendre.
Quant aux femmes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui sont les plus touchées par ces questions,…
S'il en arrange peut-être 2 %, il en dérange 98 %, et nous ne légiférons pas pour la minorité.
Au fait que les femmes sont les plus touchées par le travail dominical, s'ajoute le fait qu'elles perçoivent de faibles salaires et, dans le cas des caissières de supermarché, qu'elles pratiquent des horaires discontinus. En outre, l'amplitude des horaires d'ouverture est de plus en plus grande. Quand un magasin ferme à vingt heures, et qu'elles doivent encore nettoyer, faire la caisse et prendre les transports en commun, il est parfois vingt et une heures trente quand elles rentrent chez elles. Imaginez la vie des femmes qui travaillent dans des magasins fermant à vingt-deux heures : elles rentrent chez elles à partir de vingt-trois heures trente, au moment où les transports collectifs sont plus rares, et doivent se lever tôt le matin pour préparer leurs enfants avant de les conduire à l'école. Croyez-vous réellement que le travail dominical les arrangera ?
Encore un mot sur les salaires. Aujourd'hui, Patricia, quarante-six ans, qui touche 543 euros nets par mois, voit sa rémunération passer à 1 400 euros nets si elle travaille le dimanche. Formidable, direz-vous ? Mais, si son salaire était correct, elle ne serait pas obligée de travailler le dimanche pour vivre décemment. Au moment même où vous refusez d'augmenter le SMIC, vous savez que, si le travail dominical se généralise, les salaires ne seront plus majorés. C'est le cas en Grande-Bretagne, où les contreparties au travail dominical ont été supprimées.
D'ailleurs, les majorations que vous prévoyez ne concernent pas tout le monde : dans les zones touristiques qui vont se développer, la loi ne majore pas certains salaires et la situation dans les PUCE ne sera pas la même avant et après l'adoption de la loi. D'où le problème des conventions collectives, dont on se sait si elles resteront en vigueur.
J'ajoute que le coût induit par le travail du dimanche est plus important pour les salariés. La garde des enfants, quand elle existe, est plus onéreuse ce jour-là, les transports sont moins nombreux et le restaurant d'entreprise fonctionnera moins, s'il fonctionne !
J'en viens à mon vingtième point, qui concerne les étudiants. Eux, me direz-vous, le travail du dimanche les arrange.
…il m'est arrivé de voir des étudiants dormir le lundi matin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Quand je leur demandais s'ils avaient fait la fête la veille, ils me répondaient qu'ils avaient travaillé : le salaire de leurs parents était trop élevé pour qu'ils puissent obtenir une bourse, mais insuffisant pour leur permettre de suivre des études sans une activité salariée. Connaissez-vous les chances de succès de ceux qui étudient dans ces conditions ?
Être pionne n'empêche pas de devenir députée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Une forte proportion des étudiants qui ont une activité professionnelle réussissent moins bien leurs études, quand ils ne les abandonnent pas.
Je proposerai tout à l'heure, indépendamment de l'augmentation des bourses, un certain nombre de moyens pour ne pas envoyer les étudiants vers des métiers de la vente pour lesquels ils ne sont d'ailleurs ni formés ni qualifiés. Un certain nombre d'organisations syndicales, y compris patronales, nous l'on dit : employer des étudiants, c'est bien gentil, mais ils ne connaissent pas le travail. Evidemment, vendre des savonnettes, cela va toujours, mais du matériel de bricolage ou de l'ameublement, ce n'est pas évident.
Mais, me direz-vous, cela arrange les familles recomposées. Mais refusez-vous à ces familles, qui ont été décomposées, le droit de se recomposer autrement ? Des femmes seules peuvent très bien retrouver un compagnon. De toute façon, cette proposition de loi fera bien plus de dégâts dans les familles ordinaires qu'elle ne résoudra des problèmes de garde alternée dans quelques cas. Sachez que chez les infirmières, une des professions qui travaille le plus le dimanche, l'on trouve l'un des plus fort taux de divorce et de séparation.
Votre grand argument, c'est que le travail du dimanche se fera sur la base du volontariat. C'est faire peu de cas du lien de subordination entre l'employeur et le salarié. Quelle liberté aura vraiment ce dernier, pour lequel son emploi est vital, sur le plan matériel mais aussi pour se sentir utile socialement ? Il sera mis devant « le choix de Sophie » : travailler le dimanche ou risquer de perdre son emploi, même mal payé. Quant à ses problèmes familiaux, à lui de les résoudre. Il y a en réalité une certaine perversité à parler de volontariat, et même de demander aux salariés de se déclarer volontaires pour travailler le dimanche.
Voici d'ailleurs un cas qui va vous intéresser, monsieur Mallié : selon un article du 27 janvier dernier, l'hypermarché Géant Casino de Salon-de-Provence a licencié un salarié qui avait refusé de travailler le dimanche 14 décembre. Il avait pourtant fait savoir un mois auparavant qu'il n'était pas volontaire. Après avoir fait tous les dimanche pendant sept ans, il avait désormais quelqu'un dans sa vie et voulait lui consacrer plus de temps. Le directeur du magasin lui a fait part de son point de vue par un courrier indiquant : « Je vous avais rappelé qu'afin de satisfaire notre clientèle en cette période, nous devions mettre en place les structures nécessaires ; que dans la mesure du possible, votre demande serait respectée, mais que, dans un souci d'équité, il était possible que vous soyez amené à travailler. » La bourde de la direction est patente. Cette mise à pied motivée par écrit est une grande première. Cela confirme ce que nous avons toujours dit : le travail du dimanche fondé sur le volontariat est une vaste fumisterie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quand bien même nous accepterions l'idée que le volontariat est possible en temps normal, l'est-il en période de crise, quand le salarié est fragilisé ? Aujourd'hui, celui qui cherche un emploi a moins que jamais le choix de refuser les conditions et les contraintes que ne lui impose peut-être pas, mais que lui « suggère » son employeur potentiel. Quant à un éventuel referendum, c'est une solution bidon, du moins dans les petites entreprises. On voit mal comment on pourrait l'organiser sans une « amicale pression » de l'employeur.
Certes, la notion de travail bénévole se généralise. Frédéric Lefebvre proposait de travailler pendant les congés de maternité et de maladie. British Airways vient de demander à ses salariés de travailler un mois sans rémunération. On peut donc toujours imaginer des travailleurs bénévoles. Mais qu'on se rassure, le fait de refuser de travailler le dimanche ne sera pas un critère de licenciement, d'après vous. Allez donc le dire aux salariés de Continental, qui avaient accepté d'abandonner leurs RTT pour que l'entreprise continue : aujourd'hui ils sont tous au chômage.
Il est évident qu'il y aura discrimination à l'embauche. Imaginez l'entretien de recrutement : bien sûr, on ne demandera pas « acceptez-vous de travailler le dimanche ? », mais « au fait, au cas où cela se présenterait, que pensez-vous du travail dominical ? » Le chômeur, qui sait que d'autres attendent à la porte, et auquel le banquier vient de rappeler son découvert, peut-il répondre sans contrainte ? Il sera volontaire, même s'il ne le veut pas.
Je ne vois pas le rapport.
Le refus de travailler le dimanche peut donc entraîner une mise à pied, un licenciement.
Mais on parle de réversibilité. Selon un amendement, en cas de besoin ponctuel, pour un événement familial, le salarié devrait pouvoir demander à ne pas travailler le dimanche pendant un certain temps. Cette question a grandement agité la majorité – à cette heure, je ne sais pas où nous en sommes – et, je lui en donne acte, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Que proposait M. Mallié ? Que si un salarié souhaite ne pas travailler le dimanche – ou souhaitait, je ne sais pas où on en est des amendements. La commission s'est réunie de neuf heures dix à neuf heures vingt-sept pour en examiner un bon paquet…
En effet.
M. Mallié propose donc que ce salarié ait un droit de priorité. Mais priorité pour quoi ? Pour retrouver un emploi sur lequel on ne travaille pas le dimanche s'il en existe dans le même établissement ou la même entreprise. Autrement dit, « allez vous faire voir chez Plumeau ! » Vous n'avez pas d'emploi, mais j'ai respecté la loi : vous avez un droit de priorité, faites-en ce que vous voulez ! Ce n'est pas sérieux, c'est tromper les gens. Mais on nous annonce que le problème de la réversibilité est réglé. Cet amendement, c'est du vent. Nous verrons dans le cours de la discussion s'il en vient d'autres, plus intelligents et en tout cas plus efficaces. J'observe en tout cas que cette question agite beaucoup, et à juste titre, la majorité.
C'est bien de l'amendement que vous avez déposé que je parle.
J'en viens au texte de façon un peu plus détaillée. Ce texte instaure la confusion en posant deux questions, auxquelles il apporte des réponses différentes en essayant de faire croire qu'elles sont satisfaisantes. En fait, on mélange tout. Les ZACE sont devenues des PUCE, les communes touristiques, on ne sait plus trop – pendant un temps, la droite prétendait qu'il s'agissait seulement des zones touristiques, mais il est bien écrit dans le texte qu'il s'agit des deux. Donc, quand on prétend, en espérant vendre ce texte, qu'il a été vidé de sa substance, c'est faux, c'est un mensonge. Je me permets d'utiliser ces termes puisque hier, monsieur le rapporteur, vous parliez en public d'escroquerie et de malhonnêteté intellectuelle de la part des socialistes.
Cela vous gêne, je le comprends. D'ailleurs, en commission un certain nombre de collègues de droite ont été ébranlés en vérifiant dans le texte même que nos arguments étaient justifiés. Vous pouvez toujours sauter sur votre chaise en criant « volontariat, volontariat », et « doublement du salaire, doublement du salaire », ce n'est pas, si on lit le texte, vrai partout, ni même partout dans les PUCE.
Nous reviendrons sur cette question d'accord salarial, sauf si vous acceptez nos amendements qui prévoient le doublement du salaire au minimum.
Commençons par les communes touristiques. Vous avez entretenu la confusion,…
…je vais essayer de remettre un peu d'ordre.
Dans les communes touristiques, votre texte ne prévoit aucune contrepartie.
Dans les communes touristiques, votre texte ne prévoit aucun volontariat.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est déjà le cas !
Eh bien, assumez.
Monsieur Ollier, vous affirmiez en commission que tout se ferait sur la base du volontariat.
Non ! Je vous renvoie au rapport. Ce n'est pas des PUCE que vous parliez en disant cette phrase.
M. Reynès lui, au moins, assume, en écrivant noir sur blanc dans son rapport que dans les zones touristiques et thermales, le travail ne se fait pas sur la base du volontariat. Arrêtez de dire, comme l'a fait le ministre en réponse à une question d'actualité, que les communes touristiques seront définies et le volontariat assuré, ainsi que le doublement du salaire. C'est une escroquerie pour ce qui concerne les communes touristiques. Nous reviendrons ensuite sur le cas des PUCE.
D'ailleurs, Jean Leonetti, lui-même, pourtant vice-président du groupe UMP, est troublé, puisqu'il fait état de l'existence d'inégalités, non seulement sur le territoire, entre les zones, mais aussi dans le temps, entre la situation avant et après le vote de la loi. Quant au président de la commission des affaires culturelles, Pierre Méhaignerie, il a déclaré : « Faire croire à tous les salariés travaillant le dimanche que leur salaire sera doublé est une bourde monumentale. »
La majorité et le Gouvernement doivent accepter un certain nombre de nos amendements. Ils sont simples et clairs et visent, d'une part, à ce que, dans les zones et communes touristiques, le travail dominical se pratique sur la base du volontariat, et, d'autre part, à ce que ce dernier donne lieu à un doublement du salaire et à un repos compensateur. Si ces amendements ne sont pas adoptés, de fait, vous nous donnerez raison.
Vous entretenez dans l'opinion publique l'idée que le salaire du dimanche sera doublé et que le travail se fera sur la base du volontariat, alors que, en réalité, dans les communes touristiques, ce ne sera jamais le cas.
Précisément, quelles sont les communes touristiques ? Il y a une différence entre les communes touristiques au sens du droit du travail et celles qui le sont au sens du code du tourisme. En ce qui concerne cette dernière approche, le décret du 2 septembre 2008 est très précis : peuvent être qualifiées de communes touristiques, celles qui disposent d'un office du tourisme classé – comme cela doit être le cas à La Défense – ; celles qui organisent, en période touristique des animations compatibles avec le statut des sites et des espaces naturels, et celles qui disposent d'une capacité d'hébergement et d'une population non permanente dont le rapport à la population municipale est supérieur ou égal à un pourcentage prévu par un tableau publié dans le décret. Un calcul prend en compte le nombre de chambres en hôtellerie classée, multiplié par deux ; du nombre de lits en résidence de tourisme, multiplié par un ; du nombre de logements meublés multipliés par quatre… je pourrais poursuivre cette énumération.
Ce calcul fait également intervenir le nombre de chambres d'hôtes, multiplié par deux, et le nombre d'anneaux de plaisance, multipliés par quatre. Je vous épargne les autres éléments.
Par exemple, pour qu'une commune de 10 000 habitants soit considérée comme une commune touristique, il faut qu'elle dispose d'une capacité d'hébergement équivalant à 4,5 % de sa population, soit 450. Il suffit donc que cette commune dispose de cinquante chambres d'hôtels et de vingt logements meublés – ce qui n'est pas énorme pour une commune de 10 000 habitants –, de cinquante résidences secondaires – c'est le cas, par exemple, dans la commune dont je suis le maire – et de dix chambres d'hôtes. Ne comptons pas les anneaux de plaisance – toutes les communes ne sont pas en bord de mer – ou les terrains de camping…
Vous nous disiez tout à l'heure qu'il n'était pas facile de bénéficier du statut de commune touristique, qu'il fallait pour cela remplir certains critères : voilà les critères en question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cette commune a-t-elle un intérêt touristique ? A-t-elle un office du tourisme classé ?
Il suffit donc que cette commune de 10 000 habitants compte cinquante chambres d'hôtel, vingt logements meublés, cinquante résidences secondaires et dix chambres d'hôtes pour remplir les critères qui en font une commune touristique.
Combien y a-t-il de communes touristiques au sens du code du tourisme ? Le Conseil national du tourisme a fait une estimation sur la base du dernier décret…
On voit bien que vous n'avez jamais dirigé une commune touristique ! Vous en parlez savamment sans les connaître.
Il suffit de considérer neuf des plus grandes communes touristiques : Paris, Lyon, Marseille, Lille, Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Grenoble, Rennes, sans même prendre toutes les autres en compte, pour que 5,2 millions d'habitants, soit environ 10 % de la population française, soient concernés.
Imaginez ce qu'il adviendra avec le décret qui permet une augmentation du nombre de ces communes ! En effet, contrairement à ce qui a été dit, il n'y aura pas seulement trois ou quatre communes touristiques supplémentaires par an. Le Conseil national du tourisme nous a indiqué avoir actuellement 150 dossiers en instance, en précisant que, avec l'entrée en vigueur progressive du code du tourisme, le nombre des candidats ne cesse d'augmenter.
Sur la question des communes touristiques, j'ai découvert, ce matin, à neuf heures vingt et une, un amendement, approuvé par le rapporteur et la commission, présentant la nouvelle notion défendue par la majorité. J'espère que tous les députés seront là quand vous défendrez cette idée. Je ne pense pas tomber dans la caricature, même si mes propos peuvent être parfois ironiques, en la résumant ainsi : puisqu'il y a un débat…
Il y a bien un débat puisque M. Mallié parle de cinq cents communes touristiques, et M. Ayrault de cinq à six mille.
S'agit-il de clore ce débat, ou de rassurer le Conseil constitutionnel ? Toujours est-il que la majorité nous propose d'écarter la notion de commune touristique au sens du code du tourisme – nous avons vu le résultat – et du code du travail, pour parler désormais des « communes d'affluence touristique ». (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je ne sais pas si cet amendement sera voté, mais les bras m'en tombent !
Nous y voyons vraiment plus clair ! C'est très précis ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Jean Mallot a interrogé le rapporteur en commission : « Qu'est-ce qu'une commune d'affluence touristique ? Comment mesurez-vous l'affluence touristique ? » Flottement. Cela devrait manifestement se comprendre de soi-même.
Il existe donc une loi qui comprend de nombreux critères – telle donnée est multipliée par deux, telle autre par trois et telle autre par quatre pour parvenir à 4,5 % afin de définir une commune touristique – mais, finalement, elle ne sert à rien puisque vous décider d'inventer un truc, sans aucun critère, que vous appelez « communes d'affluence touristique ». On ne sait pas si un nombre minimum d'hôtels est requis dans la commune. Faut-il que la mer ou la montagne soit proche, faut-il une offre de tourisme industriel, de tourisme à la ferme ? Nous n'en savons rien. Nous savons seulement qu'il y aura de nouvelles communes d'affluence touristique.
C'est donc comme cela que vous répondez au trouble de votre majorité et à celui de l'opinion publique !
C'est comme cela que vous répondez au débat qui se déroule dans le pays ! En tout cas, il est clair, puisque je défends une motion en ce sens, que ce point, au moins, mérite d'être renvoyé en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez parlé de confusion et de malhonnêteté intellectuelle en évoquant nos arguments, mais expliquez-moi comment les mêmes préfets répondront aux mêmes maires, soit que leur commune est touristique, au sens du code du tourisme, soit qu'elle l'est au sens du code du travail – dans ce cas tous les commerces peuvent ouvrir tous les dimanches –, soit qu'elles seront labellisées « communes d'affluence touristique » !
Je vois difficilement comment on pourrait faire moins simple et moins confus ! Un renvoi de la proposition de loi en commission permettrait, pour le moins, de clarifier une notion aussi obscure.
Finalement, les juridictions trancheront afin de discerner éventuellement entre les communes touristiques et communes d'affluence touristique, cependant, une question plus grave encore se pose, me semble-t-il. Quels sont les commerces qui pourront être ouverts ?
Jusqu'à aujourd'hui, je vous rappelle que seuls les commerces liés au tourisme pouvaient ouvrir le dimanche. Avec la proposition de loi que nous discutons, tous les commerces le pourront. On pourra acheter des lunettes de vue, des vêtements ou des chaussures, faire ses achats au « brico-marché » ou à la quincaillerie. Tous les magasins des zones touristiques pourront ouvrir toute l'année, sans que s'applique la règle du volontariat et sans contrepartie. Montrez-moi donc quel article de la proposition de loi ou quel amendement contredit ce que je viens de dire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Une telle réforme a un intérêt économique, rétorquerez-vous. J'ai rarement vu des cars de touristes japonais remplis d'outillage, d'électroménager ou de matelas ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) En tout cas, avec votre proposition, de loi, demain, cela pourrait être le cas !
Je remercie sincèrement les collègues de la majorité qui sont restés dans l'hémicycle. Je crois savoir que les autres sont partis pique-niquer à l'Élysée. Nous aurions d'ailleurs pu en profiter pour voter immédiatement, mais nous ne le ferons pas : nous voulons aller au bout du débat. Tous les députés ont-ils bien remarqué ce qui est inscrit, pour la première fois, dans la version de la proposition de loi que nous examinons : désormais, dans les communes touristiques, tous les commerces pourront de plein droit, ouvrir toute l'année ? Vous dites qu'il s'agit d'une loi a minima, que ce texte est, aujourd'hui, équilibré, et qu'il a bien évolué. Pourtant, jamais vous n'aviez osé aller jusque-là dans les versions précédentes.
Je le répète : il y a beaucoup de personnes de bonne foi dans cet hémicycle. Je ne suis pas sûr que toutes aient compris ce qu'elles allaient être amenées à voter. Mes chers collègues, je vous invite à lire la proposition de loi. Le vote n'aura pas lieu aujourd'hui, mais, dans quelques jours, la semaine prochaine. Le dimanche peut porter conseil et servir à la réflexion.
Certes, parfois, nous forçons le trait, nous manions l'ironie, mais, en toute simplicité, mes chers collègues, je vous invite à lire cette proposition de loi et les rapports parlementaires ; vous constaterez que nos arguments ne relèvent nullement de l'escroquerie intellectuelle.
Ainsi, non seulement tous les commerces des communes touristiques sont concernés, mais encore la règle du volontariat ne s'y appliquera pas. Ce point est désormais clair, il a bien fallu que vous l'assumiez en répondant aux questions qui étaient posées. Dans les communes touristiques, il n'y aura pas de volontariat. Dans tous les commerces, l'employeur pourra demander à ses salariés de travailler le dimanche.
Il y a deux jours, un journal relatait ainsi que, selon un ponte de l'UMP : « Le texte sur le travail sur le dimanche est un gros paquet de m…erde. Avec son courrier, Ayrault a mis une bombe sous la ligne de flottaison de la majorité. »
Chers collègues de la majorité, nos arguments ne sont pas contestables et ne seront pas contestés. Si vous prenez le temps d'analyser et de décortiquer le texte, vous reconnaîtrez que cette quatrième version est pire que les précédentes. Je reviendrai, à ce propos, sur la tribune parue dans Le Monde en novembre 2008 et signée par cinquante-huit députés UMP.
En tout cas, chacun comprend que ces dispositions risquent de faire tache d'huile. En effet, dans une commune touristique, un commerçant dont l'activité n'est pas liée au tourisme pourra, non pas employer ses salariés de force,…
…mais exiger d'eux qu'ils travaillent le dimanche, puisqu'il n'y aura pas de volontariat. Il améliorera ainsi son chiffre d'affaires au détriment de son concurrent, implanté dans la commune voisine qui n'aura pas reçu le label : « commune touristique ».
Ce n'est pas du tout contradictoire ; je persiste et je signe.
J'en termine sur ce point, en rappelant les propos du Président de la République. Après nous avoir bassiné…
…ou, si vous préférez, inondé de propos sur le régime prétendument différent qui s'appliquerait au trottoir de gauche et au trottoir de droite des Champs-Élysées, il a indiqué que le quartier de La Défense était également un quartier touristique et que, du reste, « tout Paris devrait l'être ».
Or, que se passerait-il si, une fois le texte voté, le préfet décidait, comme le souhaite le Président de la République, de classer Paris parmi les communes touristiques ? Eh bien, tous les commerces parisiens pourraient être ouverts tous les dimanches, sans volontariat ni contrepartie pour les salariés. Mesurez bien les conséquences d'une telle mesure, mes chers collègues !
Ce n'est pas notre conception de la vie, notamment de la vie économique. Peut-être est-ce la vôtre, mais, dans ce cas, faites comme M. Devedjian : assumez-le ! Ne vous dissimulez pas derrière un rideau de fumée, en prétendant, comme vous le faites depuis huit jours, que cette proposition de loi ne prévoit que des dérogations réservées à quelques communes et fondées sur le volontariat des salariés. Heureusement que nous avons un peu soufflé sur les braises.
Assumez, mon cher collègue : annoncez clairement que vous êtes favorables à ce qu'à Paris, tous les commerces puissent ouvrir le dimanche, sans volontariat ni doublement du salaire !
Expliquez qu'il en va de l'intérêt majeur de l'économie de la ville, de la région, du pays ! Vous avez le droit de le penser, et je respecte cette conviction. Mais, encore une fois, ne faites pas croire aux Français que votre proposition de loi protège les salariés, dont le salaire sera doublé.
S'agissant des zones touristiques, je vous l'accorde : la demande doit venir du maire.
Toutefois, je remarque – je traiterai du cas de Paris ultérieurement – qu'il n'est pas fait référence au conseil municipal.
Les maires sont suffisamment intelligents pour consulter leur conseil municipal !
Afin de renforcer la transparence du dispositif, nous avons suggéré, dans un amendement de repli, que le conseil municipal se prononce, plutôt que le maire. Certes, le conseil municipal est très largement en accord avec son maire.
Mais il est plus facile d'exercer des pressions sur un individu seul. Dès lors, même s'il a la capacité de résister, le maire sera plus sensible à celles-ci que le conseil municipal.
N'oubliez pas que le maire doit rendre des comptes à son conseil municipal !
Fidèle à votre stratégie du rideau de fumée, le texte est rédigé de telle manière qu'il n'est pas facilement compréhensible. En effet, l'article 2 dispose que la liste des communes touristiques est établie « par le préfet sur proposition de l'autorité administrative visée à l'article L. 3132-26 du code du travail ». Quelques députés zélés et leurs collaborateurs efficaces ont donc exhumé cet article, qui précise que ladite autorité administrative est le maire, sauf à Paris, où il s'agit du préfet.
Ainsi, s'agissant de Paris, c'est au préfet qu'il revient de faire la demande et d'accorder l'autorisation ! Celui-ci peut donc décider – en toute indépendance, cela va de soi – de s'adresser à lui-même une demande visant à classer Paris parmi les communes touristiques. Pour ce faire, il n'a pas besoin de consulter le maire, et encore moins le conseil municipal.
Une fois qu'il aura reçu sa propre proposition, le préfet va donc l'étudier…
…et se demander si Paris est une commune touristique. Au sens du code du travail, du code du tourisme ou en fonction de l'affluence touristique ? On l'ignore, mais nul doute qu'il analysera le dossier en toute objectivité…
…et qu'il conclura que Paris est bien une commune touristique. Quant au maire de la capitale, première ville touristique mondiale,…
…il a déclaré : « J'ai toujours considéré que certains quartiers de Paris devaient suivre d'autres règles que des quartiers plus résidentiels. Mais je m'oppose fermement au classement en ville touristique de l'ensemble du territoire parisien. Le texte est un subterfuge pour imposer une déréglementation du droit du travail à l'échelle de toute une ville. »
Monsieur le président Méhaignerie, vous qui, ce matin, avez vanté les pouvoirs du maire et reproché à certains de nos collègues de ne pas respecter son autorité et sa bonne foi ou de mettre en doute sa capacité à administrer sa commune en toute harmonie et dans la concertation, reconnaissez qu'il s'agit là d'une disposition ubuesque. Certes, ma démonstration était un peu teintée d'ironie, mais admettez que cela pourrait faire la une du Canard enchaîné. Nous serions en effet les seuls à mettre en oeuvre une telle législation. Aussi seriez-vous bien inspirés, mes chers collègues de la majorité, de corriger cette disposition. Il en va du sérieux de notre assemblée.
Autre question – car vous n'avez pas encore tout vu –,…
…il est fait référence, dans le texte, aux « commerces de biens et de services ». Or, si je sais à peu près ce qu'est un commerce de biens, j'ai moins de certitudes en ce qui concerne les commerces de services. Toutefois, après avoir un peu réfléchi, je me suis dit que pouvaient être concernés les banques, la sécurité, les transports, l'entretien, les crèches – M. Bertrand a d'ailleurs annoncé, lorsqu'il s'est promené à Éragny, que, bientôt, les crèches seraient ouvertes le dimanche. Les salariés de ces secteurs d'activité auront-ils droit au doublement de leur salaire ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est déjà le cas !
Ce doublement est en effet prévu pour les salariés du commerce, mais qu'en est-il des femmes de ménage, des agents de sécurité ou des convoyeurs de fonds ? Ce point méritera d'être éclairci lors de la discussion des articles. En tout état de cause, l'utilisation de l'expression : « commerces de biens et de services »…
…me semble comporter des risques de dérives.
Par ailleurs, le risque d'assécher le petit commerce de centre-ville est grand – et je rappellerai tout à l'heure les déclarations des représentants des associations de commerçants et des fédérations de commerçants de centre-ville.
Tous craignent que cette généralisation du travail dominical, notamment dans les communes touristiques, ne crée une concurrence à laquelle ils ne pourront pas faire face. Mais, sur ce point, vous avez une réponse ! Vous nous dites, en effet, que vous avez exclu du champ d'application de la proposition de loi les commerces alimentaires. Soit, mais un hypermarché est-il un commerce alimentaire ?
Pour le déterminer, faut-il calculer la part du chiffre d'affaires, celle de la surface commerciale ou encore celle des bénéfices liée au rayon alimentaire ? Peut-être faut-il plutôt retenir le nombre des salariés affectés à ce rayon ? Admettez, en tout cas, que la notion de commerce alimentaire mériterait d'être précisée, à moins que vous n'attendiez des hypermarchés qu'ils ouvrent le dimanche, tout en fermant certains rayons…
Autre facteur d'inégalité source de contentieux : le fameux amendement dit « Ikea », ou « Debré », à la loi LME de 2007, qui autorise l'ouverture des commerces d'ameublement le dimanche. Outre qu'elle est entrée en conflit avec la convention collective, qui prévoyait des compensations salariales, cette mesure a posé d'autres problèmes. En effet, certaines enseignes – Leroy Merlin, par exemple – ont fait valoir qu'elles vendaient aussi de l'ameublement, en plus d'autres produits, et qu'à ce titre, elles pouvaient également ouvrir le dimanche, ce qui a donné lieu à un contentieux. Si, comme vous le prétendez, vous voulez clarifier les choses, ne laissez pas cohabiter dans différents textes des dispositions aussi imprécises.
Nous avons vu que cette proposition de loi pourrait faire tache d'huile, puisque les commerçants des villes voisines des communes touristiques demanderont certainement de pouvoir également ouvrir le dimanche. Vous arguez d'ailleurs d'une situation similaire pour justifier l'ouverture des commerces dans les régions frontalières. Vous déplorez ainsi que les habitants du Nord se rendent en Belgique le dimanche pour faire leurs achats, mais vous ne semblez pas envisager que le phénomène puisse se produire à l'intérieur de notre territoire, si deux communes voisines ne bénéficient pas du même statut.
J'en ai terminé avec la partie de mon intervention relative aux communes touristiques et thermales – celle qui, vous en conviendrez, pose le plus de problèmes – et j'en viens à la deuxième partie, relative aux PUCE.
Pour l'instant, j'ai la parole, mon cher collègue.
Le PUCE, périmètre urbain de consommation exceptionnel, semble constituer à vos yeux une énorme révolution par rapport à la ZACE, dont vous n'avez pas voulu dans la proposition Mallié III. Il s'agirait selon vous d'un dispositif plus équilibré. Mais c'est la même chose, mes chers collègues ! Les cinquante-huit députés de droite qui ont signé la tribune « Le travail le dimanche, une mauvaise idée » en novembre dernier peuvent relire le nouveau texte pour vérifier que très peu de choses ont été modifiées. On a renoncé à faire passer de cinq à huit le nombre de dimanches pour lesquels un maire peut demander une dérogation et on a rajouté la possibilité d'ouvrir de plein droit dans les communes touristiques. S'il y a un changement, il va plutôt dans le mauvais sens !
Les PUCE…
…sont réservés aux unités urbaines de plus d'un million d'habitants. Il fallait faire entrer dans ce dispositif la zone commerciale de Plan de Campagne, dont la situation est effectivement préoccupante, mais aussi l'Île-de-France – bref, il fallait régulariser les enseignes hors la loi !
Le problème est qu'il fallait nécessairement que la loi fixe un seuil et s'applique à tous au-dessus de ce seuil : dire que seront concernées les communes entre 1,1 et 1,125 million d'habitant risquait d'aboutir à ce que le Conseil constitutionnel juge cette loi un peu trop ciblée.
L'application de ce critère aurait dû se traduire par l'instauration de PUCE à Paris, Lyon, Marseille et Lille. Mais puisque retenir Lyon gênait un certain nombre de parlementaires – il en était de même à Lille, mais on n'en a pas tenu compte –, vous avez décrété qu'à Lyon, il n'y avait pas d'usage de consommation exceptionnel de fin de semaine ! Et tous vos discours au sujet de cette proposition de loi ne font état que de Paris, Lille et Marseille ! Est-ce à dire que les commerçants lyonnais ferment le samedi ? Nous avons demandé à plusieurs reprises au rapporteur, en commission, ce qu'il entendait par usage de consommation exceptionnel de fin de semaine. Systématiquement, il a répondu qu'il s'agissait du samedi et du dimanche.
Il me semble qu'à Lyon, on achète sans doute autant le samedi qu'en Île-de-France, à Lille ou à Marseille.
Or, vous affirmez de façon péremptoire que Lyon ne faisait pas partie du dispositif.
Il pourrait fort bien arriver, mes chers collègues, qu'un préfet saisi par une commune de l'unité urbaine constate l'existence d'un usage de consommation exceptionnel de fin de semaine. Il n'est pas exclu non plus que s'instaure un usage de consommation exceptionnel le dimanche.
Est-il impossible que certaines enseignes lyonnaises s'emploient à instaurer, progressivement et subrepticement, un usage de consommation exceptionnel le dimanche, comme cela s'est passé précédemment à Plan de Campagne ou à Éragny, dans le Val-d'Oise ?
Parfaitement ! Rien n'empêche que les pratiques illégales deviennent légales !
Nous avons proposé un certain nombre d'amendements pour sécuriser le dispositif. Le premier, que vous avez repoussé, consistait à dire qu'en cas de nouveaux manquements à la loi sur le repos dominical, le juge peut être saisi en référé, de façon à obtenir la fermeture administrative de l'établissement. Notre deuxième amendement visait à ce que l'appréciation de l'usage de consommation exceptionnel se fasse au moment du vote de la loi, afin que l'on ne se retrouve pas à nouveau dans une situation comparable dans cinq ou dix ans.
Si vous êtes attachés à ce que ce texte épargne la ville de Lyon, pour notre part, nous sommes attachés à construire un texte qui résiste au temps et ne favorise pas les situations d'illégalité, ce qui nous obligerait à refaire une loi d'amnistie dans quelques années.
Au sujet des effets frontières, vous dites que l'agglomération lilloise est proche de la Belgique, mais vous refusez de considérer la situation des zones du territoire proches d'un PUCE. Or les effets « frontières » risquent d'être sources de contentieux.
Que dire encore de l'inégalité des situations entre les zones touristiques et les PUCE ? Lorsqu'un PUCE sera situé dans une commune labellisée commune touristique, il me semble que l'employeur aura tout intérêt à se placer dans le cas le plus favorable pour lui, c'est-à-dire celui de la commune touristique – qui n'entraîne pas de doublement de salaire, pas de contrepartie, et n'exige pas le volontariat.
Jean Gaubert nous a donné la semaine dernière un exemple flagrant. Je pense que le Conseil constitutionnel appréciera à sa juste mesure l'inégalité entre les salariés. Cette inégalité pourra d'ailleurs se produire entre les salariés d'une même entreprise. Ainsi, une grande enseigne ayant un établissement à Plan-de-Campagne et un autre à Marseille – à condition que la ville ait reçu le label touristique – comprendra des salariés travaillant sous des statuts différents. Je sais d'ailleurs que vous craignez que votre texte n'encoure l'inconstitutionnalité pour cette raison.
C'est le préfet de région qui délimitera les PUCE, et, sur ce point, monsieur le rapporteur, je vous concède un progrès entre Mallié III et Mallié IV.
…je ne m'en efforce pas moins d'être objectif. Alors que dans la proposition Mallié III, l'avis seulement du conseil municipal était sollicité, dans le texte actuel, c'est la demande qui conseil municipal ou du maire qui l'est. Reconnaissez tout de même que cette avancée mineure n'est franchement pas à la hauteur du recul que l'on constate dans le même temps, à savoir l'autorisation de plein droit mise en place dans les zones touristiques.
Nous aurions souhaité que l'instauration d'un PUCE nécessite non seulement la demande du conseil municipal, mais aussi l'avis des autres acteurs de la vie économique du territoire, notamment la chambre des métiers, la communauté de communes, le district ou la communauté d'agglomération. Nous avons également déposé des amendements visant à ce que ces avis soient des avis conformes, et nous verrons bien, lors de leur examen, si vous partagez notre préoccupation de sécuriser le dispositif.
Si j'ai reconnu l'existence d'une avancée, je dois également souligner les points négatifs du texte. Vous vous appuyez sur une obligation de dialogue social.
Ce serait là une intention louable si vous n'ajoutiez pas que lorsque le dialogue social n'aura pas fonctionné – a priori, vous allez défendre un amendement visant à imposer le démarrage du dialogue social –, alors il pourra y avoir une décision unilatérale de l'employeur. Bel exemple de démocratie sociale !
Négociez, dialoguez, mais aboutissez, sinon l'employeur prendra une décision unilatérale ! C'est, à mon sens, aussi provocateur que l'ironie que j'emploie pour décrire ce dispositif.
C'est le droit ! L'organisation du travail relève de la compétence de l'employeur !
Écrire dans un texte de loi qu'à défaut d'accord collectif, c'est la décision unilatérale de l'employeur qui s'applique, me paraît pour le moins provocateur.
Vous allez me dire que vous avez tout prévu et qu'en cas de décision unilatérale de l'employeur, celle-ci doit être approuvée par référendum. Imaginez-vous un commerce de moyenne importance, employant cinq ou six salariés, organiser un référendum ? On ne sait même pas qui sera appelé à voter,…
…mais dormez tranquilles, braves gens, il y a aura un référendum, et peu importe dans quelles conditions ! Nous avons proposé un certain nombre d'amendements afin de préciser et d'améliorer les choses sur ce point.
Je vais accélérer un peu, car le temps passe vite…
Puisque vous avez voulu imposer le temps programmé, nous allons mener le débat dans ce cadre. Nous parlerons, libre à vous de nous répondre ou non.
Vous parlez surtout pour ne rien dire ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je laisse juges ceux qui m'auront écouté de savoir si j'ai parlé pour rien.
Mes chers collègues, cette décision unilatérale de l'employeur est suivie d'un référendum. Mais il peut y avoir aussi un accord social, un accord collectif entre les salariés et l'employeur. Sans accord, il y aura, nous dites-vous, doublement du salaire et attribution d'un repos compensateur.
Vous n'excluez pas cependant qu'un accord puisse prévoir que les contreparties seront inférieures au doublement du salaire et à l'attribution du repos compensateur. Là encore, sous la pression amicale de l'employeur, qui expliquerait que les temps sont durs mais qu'il pourrait ne pas licencier si chacun faisait un effort, les salariés pourraient être amenés à accepter une proposition moins intéressante.
Bon nombre d'entre vous font sûrement preuve de bonne foi. Pourquoi alors ne pas accepter notre amendement tendant à inscrire dans la loi que, s'il y a un accord, celui-ci ne pourra prévoir moins que le doublement du salaire et l'attribution d'un repos compensateur ? C'est simple et de bon sens ! Cette disposition garantirait l'intérêt des salariés.
Si vos intentions sont bien celles que vous affichez, vous devriez accepter cet amendement. Voyez, même si nous ne souhaitons pas l'adoption de ce texte, nous avons quelques idées pour en atténuer le caractère néfaste.
J'en viens à la question de la réversibilité, que beaucoup d'entre vous réclament fort justement. Les choses évoluant au cours de la vie, on peut être amené à souhaiter revenir sur une décision. J'ai dit tout à l'heure le mal que je pensais de l'amendement du rapporteur Mallié. J'ai cru comprendre que des discussions étaient en cours pour faire évoluer sa rédaction. En tout cas, il serait inacceptable que ce texte ne prévoie pas une disposition simple aux termes de laquelle l'engagement d'un salarié, à un moment donné, pourrait être revu ultérieurement. Nous avons également demandé que cet accord soit écrit.
Comme nous ne sommes pas les seuls à l'avoir fait, cette proposition va sans doute aboutir.
Nous vous suggérerons également, et cette mesure est loin d'être anodine, de veiller à ce que l'acceptation du travail dominical ne se fasse pas pendant la négociation du contrat de travail. Cette acceptation ne pourra intervenir qu'à la fin de la période d'essai du salarié. Puisque vous nous dites – et je crois à votre bonne foi – que le refus du travail dominical ne peut pas être une cause de licenciement, le report à la fin de la période d'essai, c'est-à-dire au moment où le contrat devient valable, de l'acceptation du travail dominical vous permettra de sécuriser le dispositif. Nous ferons alors preuve d'un peu moins de défiance à l'égard de ce texte.
Renvoyez le texte en commission, et nous aurons l'occasion d'en débattre !
J'en viens rapidement à quelques arguments économiques. Vous prétendez que les chiffres d'affaires seront augmentés, que l'économie sera ainsi boostée et que l'emploi s'en trouvera amélioré. Je vous suggère de réfléchir avec moi au fait que ce qu'un salarié n'aura pas pu dépenser la semaine, il ne pourra pas le dépenser le dimanche. C'est un argument de bon sens.
Heureusement que vous n'êtes pas dirigeant d'entreprise ! C'est vraiment n'importe quoi !
En France, comme dans de nombreux autres pays, la consommation est fonction de la demande. Y a-t-il un goulet d'étranglement de l'offre commerciale qui provoquerait un ralentissement de la consommation ? Je ne le crois pas. Certes, vous pouvez le penser, quant à vous. Mais je crois surtout que nous devrions engager une réflexion sur la consommation maîtrisée au lieu de mettre en oeuvre des dispositifs qui conduisent à des achats d'impulsion, lesquels engendrent souvent des situations de surendettement.
Un jour, vous faites une loi pour favoriser les achats, et le lendemain vous proposez un texte contre le surendettement. Vous n'êtes pas à une contradiction près.
Il est clair que l'ouverture dominicale augmente les prix. Toutes les études le montrent : aux États-Unis, l'ouverture généralisée des commerces a entraîné une augmentation des prix de l'ordre de 5 %. Vous m'expliquerez comment en payant double les salariés et en ayant des frais de fonctionnement qui augmentent – éclairage, chauffage, climatisation –, les prix pourraient baisser.
En plus, ce sont ceux qui achèteront la semaine qui paieront les surcoûts engendrés par le travail dominical.
La question des commerces de centre-ville a déjà été évoquée. Je passerai donc sur ce point. Le commerce est un champ de concurrence qui, immanquablement, entraînera un effet d'entraînement : le voisin voudra faire la même chose. Vous le savez, l'ouverture dominicale augmente le chiffre d'affaires de ceux qui ouvrent au détriment de ceux qui n'ouvrent pas.
C'est principalement cet argument qui nous fait craindre la généralisation du travail dominical. L'aveu sur l'argument économique, vous le faites vous-même dans le rapport et dans vos déclarations. Combien de fois n'ai-je entendu le rapporteur dire : avec ce projet de loi, nous ne créerons peut-être pas d'emplois ; au mieux, nous en préserverons quelques-uns.
C'est un aveu pour reconnaître que, sur le plan économique, votre proposition de loi ne va pas créer d'emplois.
Et que dire de ceux qui seront supprimés dans les commerces qui n'ouvriront pas le dimanche ?
D'autres arguments que je balayerai plus rapidement et qui seront certainement développés dans le cadre de la discussion générale, mettent en avant les questions sociétales.
Il n'y a pas que le commerce dans la vie. L'être humain existe autrement que par la possession de biens matériels. Votre conception de la vie n'est pas la nôtre. D'abord, la famille doit pouvoir se retrouver, selon nous, ailleurs que derrière un caddie ; autour d'un repas, d'une activité commune, sportive, culturelle, une fête. Pour les enfants, le rendez-vous du dimanche en famille est un facteur de stabilité, d'équilibre. Pour les couples, il est important d'avoir une relation plus calme, en dehors des contraintes matérielles. Il est bon de pouvoir rendre visite aux grands-parents, aux parents. Vous connaissez tous ces arguments que je ne reprendrai pas en détail.
Avec votre proposition de loi, vous allez aussi déstabiliser la vie associative, que vous matraquez par ailleurs, du reste.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est vrai !
C'est souvent le dimanche qu'on se réunit, qu'on fait la fête du quartier, de l'école. Autant de moments pour créer ce lien social, si nécessaire. Le bénévolat se perd, entend-on très souvent. Ceux qui travailleront le dimanche s'engageront de moins en moins.
Un mot seulement de la religion. Ce n'est pas notre propos central. Reconnaissons quand même que les offices, les mariages, les baptêmes, les communions, même pour les non-pratiquants sont des moments forts. Des centaines de milliers de salariés seront privés, en totalité ou en partie, de ces moments forts. Si c'est ce que vous souhaitez, votez cette loi.
La vie culturelle est également fortement active les dimanches : musées, expositions, visites de sites, promenades culturelles, autant de renoncements au profit des marchands.
Le sport se pratique souvent en groupe, même pour les sports individuels lorsqu'on fait des compétitions, le jogging du dimanche matin, la sortie en groupe en VTT, la piscine ensemble, le week-end de ski. Poussez le caddie, voilà l'activité sportive que vous proposez ! Le gamin ira tout seul jouer son match de foot, votre fille fera seule son gala de danse, devant des gradins vides. Pendant ce temps-là, les parents seront à Auchan.
Les élections ont souvent lieu le dimanche, mes chers collègues. On a déjà beaucoup de mal à trouver des assesseurs.
N'y aurait-il pas lieu d'amender votre texte ? On demandera que les dimanches d'élections le travail soit interdit dans les commerces.
Le vivre-ensemble semble ne pas compter pour vous. Pourtant, les études montrent que, le dimanche, on regarde moins la télévision, on reste plus longtemps à table, on fait plus de câlins. Banaliser, niveler par le bas, voilà ce que vous souhaitez. Mais ce n'est pas notre conception des choses. Nous recherchons, quant à nous, la stabilité dans les couples et dans les familles. Les enfants vivront ainsi dans un milieu plus apaisé, moins dans l'urgence.
La consommation raisonnée, maîtrisée, est une valeur qu'il faut développer. Tout ce qui se passe aujourd'hui le montre. L'offre est suffisante. Notre monde vit de plus en plus vite. Or devant l'accélération des déplacements, et des biens, la circulation plus rapide de l'information, il faut préserver plus encore les temps de pause.
Il y a le confort des uns : il m'est parfois arrivé de regretter que tel ou tel commerce ne soit pas ouvert le dimanche parce que j'avais oublié de faire une course, mais j'y ai survécu. Derrière ce confort pour quelques-uns, il y a aussi le statut et la vie des salariés. Notre société doit parfois se protéger contre ses propres envies. Nous avons ainsi été amenés à prendre des décisions sur le tabac, l'alcool, la vitesse, alors qu'à titre individuel on pouvait peut-être le regretter. Nous fixons des règles parce que nous estimons que l'intérêt général le commande. Il est de notre rôle d'hommes politiques de résister à la tentation de la facilité.
Cette proposition de loi va encore à l'encontre du Grenelle de l'environnement. Ouvrir plus longtemps, c'est en effet chauffer plus, éclairer plus, climatiser plus. À cet égard, nous aurions aimé disposer d'informations sur le bilan carbone de ce texte. Certes, c'est peut-être un peu compliqué. En tout cas, les évolutions climatiques nous invitent à réfléchir davantage sur les décisions que nous prenons.
À propos de carbonisation,…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est le PS qui est carbonisé !
…un sondage de ce matin montre quelle est la position des Français : 55 % de nos compatriotes sont opposés à ce texte, 31 % y sont très opposés, seuls 12 % y sont très favorables.
Nous commenterons ensemble ces résultats.
Pour 86 % des sondés, le dimanche est un jour fondamental pour la vie de famille, sportive, culturelle ou spirituelle, et pour 85 %, le dimanche doit rester un jour de repos pour le plus grand nombre. Nous voilà éclairés !
J'hésite, sauf si vous insistez, à vous livrer un certain nombre d'avis divers et variés. La CGPME, par exemple, se montre hostile au dispositif. Elle fait de la résistance. Les fédérations nationales des centres-villes, la fédération française des associations de commerçants, le club des managers de centre-ville nous envoie des lettres de plusieurs pages pour nous dire les problèmes que ce texte pose.
La Confédération des commerçants de France nous dit que cela va désertifier les centres-villes. D'après un sondage, 92 % de ses adhérents sont contre ce texte et ne souhaitent pas généraliser l'ouverture de leur commerce le dimanche.
Certains, à droite, sont troublés – j'ai fait allusion aux propos de Pierre Méhaignerie.
Bien que les députés alsaciens, ne soient pas concernés par le texte, comme doit le confirmer un amendement, notre collègue Éric Straumann déclare : « Nous sommes philosophiquement contre ce texte, qui ne s'inscrit pas dans la tradition sociale démocrate de notre région, même si le droit local nous épargnera ses effets. »
J'avais également l'intention, mais le temps passe, de revenir sur la tribune que cinquante-huit d'entre vous ont signé dans Le Monde : relisez-la en regard de Mallié IV, et vous verrez qu'il n'y a pas une virgule à y changer.
M. Mallié nous parle régulièrement de l'avis du CES, lequel, en février 2007, émettait pourtant l'avis suivant : « Après avoir pesé l'ensemble des arguments et procédé à un large tour d'horizon, le Conseil économique et social considère qu'il est nécessaire de conserver un point d'ancrage stable pour la vie familiale, le lien social et les activités associatives. Une extension généralisée de l'ouverture dominicale des commerce entraînerait des modifications structurelles substantielles de l'organisation et du fonctionnement de la société. De même l'équilibre entre les diverses formes de commerce pourrait se voir remis en cause de façon accélérée. »
Nicolas Dupont-Aignan a dit ce qu'il pensait du sujet ; quant à Frédéric Lefebvre, je vous épargnerai ses déclarations.
Des organisations syndicales, qui ne sont pas forcément les plus à gauche, comme la CFDT,…
…la CFTC, la CGT, FO, nous envoient des lettres circonstanciées. Voici quelques extraits de celle envoyée par FO : « Ce texte soi-disant en retrait par rapport aux propositions antérieures impacterait fortement le repos hebdomadaire. » « Cette proposition de loi maintiendrait l'essentiel des voies d'extension permettant ainsi une généralisation du travail le dimanche. » « À cela s'ajoutent les incohérences entre les objectifs affichés et les effets induits par cette proposition de loi. » « Sous prétexte de défense du pouvoir d'achat, on développerait des contreparties à la carte, une inégalité de traitement des salariés travaillant le dimanche et la modération salariale pour tous. »
Mais, sachant que vous avez grandi dans une boulangerie, monsieur Mallié, je ne résiste pas à vous donner lecture de la lettre de la Fédération des entreprises de boulangerie et pâtisserie françaises. Les boulangers nous disent la chose suivante : « Nous sommes opposés à ces demandes de dérogation, car elles contraindraient nos entreprises à ouvrir également sept jours sur sept sous l'effet de la concurrence. »
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Les boulangeries sont déjà ouvertes le dimanche !
« Or nos entreprises étant à faibles effectifs, elles ne peuvent s'organiser pour mettre en place un roulement de leur personnel assurant une ouverture sept jours sur sept. Par ailleurs, on peut légitimement s'interroger sur l'intérêt économique d'une libéralisation dans ce domaine, car actuellement la multiplicité des points de vente de pain permet au consommateur de s'approvisionner au quotidien. Aussi, l'ouverture sept jours sur sept n'aura pour conséquence ni une augmentation des volumes de pain consommé ni un accroissement de l'économie du secteur. »
La CFTC vous a suggéré de procéder à une évaluation et à une expérimentation, comme vous l'avez déjà fait sur certains de vos projets de loi antérieurs.
Je salue M. Devedjian, qui a au moins le mérite d'assumer ses positions et défend le travail le dimanche pour tout le monde.
M. Lefebvre nous parle de modernité – on à l'habitude ; M. Leonetti, quant à lui, est troublé.
J'en termine par un argument de poids : le nombre de mails que nous avons reçus.
Depuis deux ans que je suis député, j'ai connu à trois reprises un afflux de courrier de la part de mes électeurs et, plus largement, des Français.
Monsieur Eckert, je vais suspendre la séance pendant quelques minutes, pour des raisons techniques.
Motion de renvoi en commission
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente-cinq, est reprise à treize heures quarante.)
À trois reprises donc, depuis le début de cette législature, j'ai été assailli de mails. La première fois, c'était à l'occasion de la loi sur les OGM, loi passée de justesse après un petit accident de procédure, qui témoignait bien d'un problème dont l'opinion se préoccupait. La deuxième fois, ce fut pour la loi HADOPI : inutile de vous rappeler qu'elle a, elle aussi, subi un petit accident parlementaire. La troisième fois enfin, c'est à propos du travail du dimanche, texte sur lequel nous recevons chaque jour de plus en plus de courrier.
J'ai dit tout à l'heure notre ferme opposition à ce texte, d'abord pour des questions de principes et de conception de la vie. Il s'agit de nos ambitions individuelles et collectives et de la place que l'on choisit d'assigner aux biens matériels.
Mais comme je crains que vous ne soyez tentés de ne pas voter cette motion de renvoi en commission…
J'ai effectivement une petite inquiétude – mais si nous votions maintenant, je pense qu'elle serait acceptée. (Sourires)
Comme je crains que cette motion ne soit malgré tout repoussée, je voudrais insister sur un certain nombre de nos amendements, de nos propositions. Encore une fois, cela ne nous conduira certainement pas à voter votre texte – mais je pense que nous aurons fait oeuvre utile si ces amendements le rendent un petit peu moins mauvais.
Je vous rappelle d'abord que nous demandons que la garantie du doublement du salaire soit effective dans tous les cas – ce qui n'est pas vrai dans le texte tel qu'il est aujourd'hui, contrairement à ce que vous dites.
Nous demanderons également, par amendement, que la notion de volontariat – même si nous n'y croyons pas beaucoup – soit au moins inscrite dans la loi pour les communes touristiques, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Nous demanderons également à limiter les dérogations dans les zones touristiques aux commerces en lien avec le tourisme.
Nous demanderons à limiter les dérogations d'ouvertures dans les zones touristiques aux saisons touristiques – même si je reconnais qu'à Paris, dans les zones concernées, il n'est pas facile de parler de saisons touristiques.
Quant aux étudiants, dont vous dites que le travail du dimanche représente pour eux une occasion importante de gagner un peu d'argent,…
…nous vous suggérerons plutôt de créer des emplois spécifiques, en lien avec les collectivités, pour encadrer la vie associative, culturelle ou sportive.
Concernant les PUCE, nous proposons d'envisager des mesures de retrait progressif.
Mes chers collègues, je remercie toutes celles et tous ceux qui m'ont un peu aidé à préparer cette courte intervention (Sourires), mais aussi les collègues de la majorité qui ont eu la courtoisie de m'entendre jusqu'au bout, M. le ministre et le rapporteur – que j'ai pu parfois irriter, mais c'est la règle du débat démocratique.
Je pense que, quelle que soit l'issue des votes, notre bataille est en voie d'être gagnée : nous avons porté le débat devant l'opinion publique. Vous avez été contraints, ce matin même, d'accepter en catastrophe quelques amendements, tardivement déposés, et à mon avis sans peu de valeur, mais qui prétendent résoudre les problèmes que nous avons soulevés.
Chacun prendra ses responsabilités lors du vote, tout à l'heure. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale ;
Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ;
Suite de la discussion de la proposition de loi sur le repos dominical et les dérogations à ce principe.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma