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Séance en hémicycle du 10 septembre 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme des retraites (nos 2760, 2770, 2768, 2767).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de dix heures cinquante-sept minutes pour le groupe UMP, onze heures quarante-neuf minutes pour le groupe SRC, trois heures une minute pour le groupe GDR, quatre heures trente minutes pour le groupe Nouveau Centre et vingt-quatre minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits à l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, mes chers collègues, la retraite est le miroir grossissant des inégalités et des injustices de notre société. Je veux vous faire part d'une enquête réalisée à la veille de nos débats et présentée lundi après-midi à l'Assemblée nationale par le Laboratoire de l'égalité, association rassemblant des acteurs de la promotion de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Cette enquête est représentative de la société française : 83 % des Français et des Françaises estiment qu'une réforme est nécessaire ; 75 % déclarent penser à leur future retraite avec plaisir mais avec lucidité – la moitié d'entre eux, et six femmes sur dix, ont peur d'avoir moins d'argent – ; une majorité est favorable à un système de retraite choisie. L'enquête montre aussi que le recul du départ à la retraite cristallise les opinions négatives : 62 % sont contre les 62 ans et 84 % contre les 67 ans.

Dès lors, monsieur le ministre, pourquoi faites-vous ce choix si violemment rejeté par les Français ? En dépit de ce qu'a dit M. Copé – qui d'ailleurs n'assiste guère à nos débats –, la nature de votre choix apparaît au grand jour.

Certes, il y a des réalités démographiques : nul ne nie l'allongement de la durée de la vie ni l'arrivée de la génération du baby boom à l'âge de la retraite. Mais peu rappellent dans cet hémicycle que la fécondité de notre pays est la plus forte d'Europe,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

…les femmes françaises ayant en moyenne deux enfants, ce qui fait une sérieuse différence avec les pays voisins.

La raison majeure de votre réforme est liée à trois facteurs : l'échec de la réforme Fillon de 2003, qui visait à assurer un financement pérenne des retraites ; le très fort taux de chômage des jeunes et des seniors, qui grève les caisses de retraite ; le choix d'une fiscalité particulièrement injuste, qui vous pousse à faire payer votre réforme par les salariés à 85 %, notamment par les jeunes générations. Vous avez toujours à la bouche les mots « jeunes générations », mais vous préemptez le Fonds de réserve prévu pour elles, alors qu'elles entrent plus tard sur le marché du travail.

Pourquoi les Français sont-ils si opposés à votre réforme ? Plusieurs réponses sont possibles. Soit ils sont plus bornés que la moyenne des Européens, mais alors il faudrait que vous le leur disiez. Soit vous n'avez pas encore réussi à la leur expliquer parce que votre pédagogie n'est pas la bonne : si 85 % des Français sont contre, cela prouve que quelque chose ne va pas dans votre discours. Soit, enfin, et c'est ce que je pense, ils ressentent qu'il y a d'autres choix possibles et que les vôtres sont particulièrement injustes et particulièrement mal répartis, notamment pour une moitié de la société, c'est-à-dire pour les femmes.

Monsieur le ministre, ce n'est pas faute de vous avoir interpellé sur les conséquences de votre réforme pour les femmes, mais, à chaque fois, avec dédain et arrogance, vous avez balayé d'un revers de main nos arguments en disant que le problème ne tenait pas à la retraite des femmes mais à leur carrière.

Aujourd'hui, heureusement, les associations féminines et les manifestantes ont réussi à mettre sur le devant de la scène la situation des femmes et la faiblesse de leurs retraites. Car, sous votre gouvernement, elles vivent une quadruple peine.

D'abord, leurs salaires sont inférieurs de 17 à 25 % à ceux des hommes, qu'elles soient cadres ou ouvrières. La discrimination salariale est tenace en France, en dépit des promesses de M. Sarkozy, qui avait demandé à Xavier Bertrand, alors ministre du travail, d'y mettre fin au 1er janvier 2010.

Deuxième peine : seules 44 % des femmes réussissent à avoir une carrière complète. Elles ont des interruptions plus longues que les hommes : en moyenne quatre ans et trois mois. Seuls 2 % des salariés masculins s'arrêtent pour l'éducation de leurs enfants.

Troisième peine : à la retraite, ces inégalités s'accentuent. En effet, quatre femmes retraitées sur dix touchent moins de 600 euros ; en moyenne leur retraite est de 40 % inférieure à celle des hommes. Une inégalité salariale de 20 % en moyenne aboutit donc à une inégalité deux fois plus importante. Voilà pourquoi j'ai commencé en disant que les retraites sont un miroir grossissant des injustices et des inégalités.

Tous droits confondus, la retraite moyenne des femmes est de 1 027 euros – en droit direct, elle n'est que de 827 euros –, tandis que celle des hommes atteint 1 600 euros. Bien évidemment, il y a chez les femmes comme dans le reste de la société de grandes disparités et de grandes inégalités, et des femmes cadres supérieures ont une retraite tout à fait correcte, mais cela signifie que nombre de pensions se situent en dessous de la moyenne de 827 euros. Toutes les études réalisées sur les précédentes réformes de votre majorité révèlent qu'elles ont été particulièrement défavorables eux femmes, surtout la réforme de 1993.

La quatrième peine, c'est le report de l'âge légal de 60 à 62 ans et le report de l'âge du taux plein de 65 à 67 ans. Les associations et les syndicats, lors de leurs auditions devant la délégation aux droits des femmes, ont particulièrement attiré notre attention sur ces deux allongements. Je cite une syndicaliste : « Aujourd'hui, une femme qui peut prendre sa retraite à 60 ans, pour obtenir 50 à 100 euros de plus, prolonge son temps d'activité ou, pour avoir un taux plein, continue à travailler jusqu'à 65 ans. Ce seront donc majoritairement des femmes qui iront jusqu'à 67 ans. »

C'est la raison pour laquelle – mais vous ne voulez pas l'entendre – nous proposons de donner un droit de partir à 60 ans. À chacun de faire ses calculs, sachant que la décision de prendre sa retraite est corroborée à des comportements individuels. Il y a bien sûr des règles communes et il faut évidemment fixer des bornes, mais il faut aussi prendre en compte les choix personnels. Je souligne que, lorsque vous avez annoncé brutalement que les fonctionnaires ne bénéficieraient plus du droit à la retraite après quinze ans au titre des trois enfants et qu'ils avaient jusqu'au 13 juillet pour bénéficier pleinement du dispositif existant, il y a eu un mouvement important de demandes de départ car nombre d'entre eux, en particulier des femmes, avaient envisagé autrement leur carrière.

Telle est notre différence avec vous, monsieur le ministre. Pour nous, le départ à la retraite est un choix à la fois collectif et individuel. Les femmes ne sont pas toutes égales devant ce choix : il y a celles qui savent qu'elles vont avoir des retraites pleines, et les femmes chefs de familles qui sont conscientes qu'elles auront beaucoup plus de difficultés. Vous, vous réagissez surtout en comptable, vous vous focalisez sur les chiffres, sur la démographie, sur l'économie. Vous oubliez que l'enjeu des retraites est avant tout social et humain.

Aussi, en conclusion, je veux vous poser deux questions : alors que les précédentes réformes ont déjà lésé les femmes, qu'allez-vous faire pour lutter contre cette injustice à l'égard de la moitié de la société française ? Est-ce que les femmes sont condamnées à toujours perdre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Hier, en fin de matinée, le Gouvernement a eu un moment de lucidité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Il fut bref, en effet.

Nous avons alors entendu le ministre du travail expliquer que la question de la démographie avait été très largement réglée par la réforme de 2003 et qu'il fallait aujourd'hui traiter le problème de la crise – c'est ce que nous disons depuis le début du débat. Et puis, après ce bref moment, il en est revenu à son éternel argument : il faut apporter une réponse démographique au déficit.

À travers l'article 5 qui prévoit le report de l'âge légal, vous apportez, monsieur le ministre, une réponse qui vaut marqueur idéologique et qui est un alibi. J'aurai l'occasion d'y revenir car je pense que cette réforme constitue aussi un alibi pour faire oublier vos turpitudes dans le domaine des finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

La crise a-t-elle changé la démographie française ? Évidemment non. Auparavant, votre politique était déjà incapable de maintenir une croissance de l'emploi telle qu'elle était prévue lors de la réforme de 2003. Avec la crise, l'emploi a baissé. Mais ce n'était pas une fatalité : il suffit de comparer avec quelques-uns de nos voisins pour constater qu'on peut avoir subi une crise très forte et empêcher la hausse du chômage.

La question qui se pose n'est donc pas démographique. Certes, l'aspect démographique est important, quel que soit le système de retraite, mais la réforme de 2003, qui a indexé la durée de cotisation sur l'augmentation de l'espérance de vie pour maintenir constant le rapport entre cotisants et retraités, règle la question démographique. Si le dispositif a été confronté à de nouveaux déficits, c'est parce que vous avez été incapables de maintenir la croissance de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Voilà un argument imparable, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous dites que la crise conduit à des déficits qui ont vingt ans d'avance : c'est complètement faux. On peut évidemment faire des projections, mais la nature profonde du déficit du système de retraite, c'est que l'emploi a baissé, que la masse salariale n'a pas augmenté et que, par conséquent, les recettes ont baissé.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Il faut y répondre par des mesures appropriées. Face à la crise, il faut agir sur ses causes, c'est-à-dire agir sur l'emploi et agir en trouvant des recettes nouvelles. Vous ne faites ni l'un ni l'autre.

Vous nous dites qu'il n'y a qu'une solution : changer l'âge légal. Vous avez raison d'affirmer que la durée de cotisation ne peut constituer une réponse puisqu'elle est programmée jusqu'en 2020, mais le report à 62 ans n'est pas fondamentalement démographique puisqu'il s'agit en réalité d'un impôt sur les salariés les plus modestes !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous faites cotiser des salariés qui ont toutes leurs annuités, qui auraient droit à la retraite, mais qui seront obligés de cotiser pour rien. C'est un impôt supplémentaire. Vous allez transformer des salariés qui pouvaient devenir de jeunes retraités en vieux chômeurs, comme le disait ce matinChristophe Sirugue.

Alors, vous parlez de courage.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Est-ce du courage, monsieur le ministre, de faire cotiser pour rien des salariés qui ont déjà toutes leurs annuités ?

Est-ce du courage, monsieur le ministre, de liquider la seule épargne qui a été constituée – dans une période où un gouvernement qui gérait mieux que vous a réduit les déficits – pour passer un cap démographique à partir de 2020, lorsque l'effet des classes d'âge jouera à plein, parce que vous êtes incapables de répondre sérieusement au déficit qui s'est creusé ?

Est-ce du courage de faire payer, à travers le report à 62 ans et l'augmentation de cotisation pour les fonctionnaires, 25 milliards d'euros aux salariés quand vous ne faites contribuer les revenus du capital qu'à hauteur de 2 milliards ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Eh bien non ! Monsieur le ministre, le courage serait de supprimer ce bouclier fiscal indécent !

Comment peut-on, dans une situation comme la nôtre, accepter de verser des chèques aux plus grandes fortunes de notre pays,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…à des contribuables dont on sait que, grâce aux niches fiscales et tout en ayant des revenus du capital très élevés, ils arrivent parfois à s'exonérer d'impôt sur le revenu ? Comme le bouclier fiscal porte non pas sur le revenu réel mais sur le revenu déclaré, ces fortunes se font rembourser tous leurs impôts, y compris la CSG et, bien sûr, l'ISF puisque le bouclier a été créé pour cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Est-ce du courage de ne pas remettre en cause les 30 milliards d'euros de cadeaux fiscaux octroyés par vos gouvernements successifs depuis 2002 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Ces cadeaux fiscaux expliquent très largement le fait que la France, contrairement à d'autres pays, n'ait pas réduit son déficit public avant la crise. En effet, on retrouve entièrement ces 30 milliards dans le déficit, c'est-à-dire que ce sont les générations futures – les jeunes d'aujourd'hui – qui vont les payer.

Est-ce du courage de liquider le Fonds de réserve alors que la politique cohérente aurait été de continuer à l'abonder ?

Le vrai courage, monsieur le ministre, serait d'agir sur les causes, c'est-à-dire sur l'emploi. Dans votre discours, la croissance est visiblement quelque chose qui tombe du ciel. Eh bien, ce n'est pas vrai !

Certes, la France subit le même cycle économique que les autres pays européens, mais la croissance à moyen terme dépend principalement d'une chose : la capacité d'un pays à créer des emplois.

Quand vous nous présentez le chômage dû à la crise comme une fatalité, vous oubliez le cas de l'Allemagne. Ce pays a traversé la crise comme nous et en a même plus souffert en termes de production puisqu'il est plus ouvert au commerce international. Cependant, alors que les deux pays avaient le même taux de chômage harmonisé en juillet 2008 – environ 7,5 % –, celui de l'Allemagne se situe désormais légèrement en dessous de 7,5 %, tandis que le nôtre dépasse les 10 %. Nous comptons 600 000 chômeurs de plus, alors que l'Allemagne a traversé cette crise sans augmentation du chômage.

Eh bien oui, on peut agir sur la croissance quand on agit sur l'emploi. Je vais vous donner d'autres chiffres, en remontant un peu en arrière.

Durant les quatre années de gouvernement de MM. Balladur et Juppé – vous voyez que je reviens aux premières réformes – la croissance française était de 1,5 % en moyenne, quand la croissance européenne était de 2 %. Pourquoi ? Parce que la France créait peu d'emplois – environ 80 000 par an –, moins que nos partenaires européens.

Sous le gouvernement de Lionel Jospin, la croissance française est passée à 3 %, alors que la croissance européenne restait à 2 %. Cela montre bien que tout le discours consistant à raconter que la croissance est tombée du ciel ou venait d'ailleurs est contredit par les chiffres. La France affichait 3 % de croissance alors que l'Europe restait à 2 ou 2,5 %, parce que notre pays créait 400 000 emplois par an, deux millions en cinq ans. Dans ces conditions, le pouvoir d'achat du revenu disponible augmentait de 3,4 % au lieu de 1,5 % comme au cours des années précédentes.

Si les déficits, y compris ceux des régimes de retraite et des comptes sociaux, se sont creusés à partir de 2002, c'est parce que la croissance de l'emploi n'a pas été au rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Alors, oui, nous remettrons en cause cette réforme. Après nombre de mes collègues, je vous le dis à mon tour : nous sommes fiers d'avoir abaissé l'âge d'ouverture des droits à la retraite à 60 ans.

À cette époque-là, ceux qui partaient à la retraite avaient souvent 44 voire 45 annuités de cotisations.

Le bon critère démographique, celui qui est juste, c'est le critère de la durée de cotisation, pour une raison simple : quand on est entré tôt sur le marché du travail, on a le droit d'en partir tôt. C'est d'autant plus juste que les ouvriers ont sept ans d'espérance de vie de moins que les cadres et que l'écart passe même à près de dix ans si l'on retient le critère d'espérance de vie en bonne santé. Maintenir l'âge légal des droits à la retraite à 60 ans pour les personnes qui ont toutes leurs annuités, c'est tenir compte de cette profonde inégalité dans les espérances de vie.

Plus que cela, c'est aussi permettre de choisir. Il faut ouvrir l'éventail des choix de retraite, tout en respectant la solidarité non seulement entre générations mais aussi entre concitoyens. Il faut permettre à ceux qui le souhaitent de partir plus tôt ou plus tard. La seule façon de le faire, est de laisser la possibilité de faire valoir ses droits à la retraite à 60 ans et de laisser jouer son rôle à la durée de cotisation – le droit de partir restant lié à l'accumulation d'un nombre d'annuités suffisant.

Certains pays ont ouvert cette possibilité, notamment la Suède, dont je suis d'ailleurs loin d'approuver le système de comptes notionnels même s'il a l'avantage d'ouvrir complètement les possibilités de choix dès lors que la neutralité actuarielle est respectée, c'est-à-dire que le choix ne coûte rien à la collectivité et qu'il est compatible avec l'équilibre. Quand elle a fait sa réforme, la Suède a abaissé l'âge d'ouverture des droits à la retraite de 65 à 61 ans. Ce n'était pas pour réduire la durée d'activité mais pour permettre d'ouvrir les choix, parce que cela fait partie des libertés importantes.

Votre projet est une réforme alibi pour faire oublier toutes celles que vous n'avez pas faites. En dix ans, vous aurez doublé la dette de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Alors, s'il vous plaît, les discours sur la rigueur financière, vous êtes les plus mal placés pour les faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ce sont des amateurs qui ne savent pas compter !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En juillet 2002, la dette de la France était de 900 milliards d'euros. Selon les propres chiffres de Bercy, quand vous quitterez les affaires en juillet 2012, la dette de la France s'élèvera à 1 800 milliards d'euros. La Cour des comptes estime que son montant pourrait même atteindre 2 000 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Dans une telle situation, qu'allez-vous laisser aux générations futures ? Des charges d'intérêts pesant entre 45 et 50 milliards d'euros par an, voire davantage, c'est-à-dire beaucoup plus que le déficit des retraites à couvrir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Comment prétendre donner confiance aux jeunes quand votre politique ne consiste qu'à laisser des dettes et à faire main basse sur les seules ressources qui avaient été constituées dans une période – la seule depuis vingt ans – où la France avait réduit la dette et les déficits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Eh bien oui, nous continuerons à défendre la possibilité de prendre ses droits à la retraite à partir de 60 ans pour une raison simple : c'est la seule façon de défendre les plus modestes.

Je crois que les Français ont bien compris qu'était possible une autre réforme que la vôtre, qui fait payer la crise aux salariés, qui est profondément injuste et qui, surtout, ne résout rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le président, j'ai été empêché de m'exprimer hier soir, à une heure il est vrai tardive.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Mais c'était finalement une excellente chose et je remercie ceux qui m'ont permis de ne pas m'exprimer hier soir de pouvoir le faire aujourd'hui, puisque, entre-temps, une personnalité majeure de la majorité a tenu des propos assez révélateurs que personne n'a relevés depuis ce matin au cours des débats. Je vous dirai un peu plus tard le nom de cette personnalité très importante qui, à demi-mot, a avoué que vous seriez obligés de revenir sur ce montage ne tenant pas la route sur le plan de l'équilibre financier global.

Durant sa campagne, le président Sarkozy avait mené une communication en teasing, un terme anglais qui désigne la pratique suivante : on dit une première chose pour appâter ; on en dira une deuxième plus tard ; on conclura au bout du bout.

Au cours de son premier mandat, il aura réussi à nous faire « travailler plus », ce qui est l'objet de ce report de 60 à 62 ans de l'âge légal de départ en retraite. Quant à « gagner plus », la formule teasing est certainement promise pour le mandat suivant. Chacun aura compris que le slogan ne comportait en réalité qu'un seul engagement : travailler plus.

La retraite n'est pas une maladie, mais un droit ; elle n'est pas une charge mais donne à nombre de nos concitoyens la capacité de participer pleinement au développement économique et social de notre pays. Trop souvent les retraités sont regardés comme une charge alors qu'ils sont une chance pour l'ensemble de notre économie et pour toutes les générations. Cela va mieux en le disant de temps en temps au cours de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous nous abreuvez de données démographiques mais, sans être un spécialiste de ces questions, j'ai bien compris que la réalité est la même qu'en 2003. À première vue, des personnes qui n'auraient pas encore vu le jour en 2003 ne sont guère susceptibles d'avoir 60 ans dans les dix ans qui viennent. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Sans être un bon mathématicien, je me dis par conséquent que les données démographiques disponibles en 2003 sont strictement les mêmes qu'aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Puisqu'en 2003 vous aviez trouvé la solution, c'est bien une autre raison qui vous amène aujourd'hui à faire de nouvelles propositions. C'est une raison à double clic, ainsi que Pierre-Alain Muet, brillant économiste, vient d'en faire la démonstration : la crise, certes réelle, mais aussi le fait que vous vous arc-boutez sur le bouclier fiscal avec cette volonté de rompre tout pacte de solidarité nationale sur le plan de la justice et de l'équilibre des revenus.

Finalement, tout le monde va subir cet engagement du « travailler plus ». Nous l'avons démontré hier soir. Il était tard, mais j'ai écouté avec attention et j'ai compris que les carrières longues seront plus longues.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Même si vous nous dites « on fera moins que si c'était pire », comme le relève Alain Vidalies, il y aura bien une obligation de travailler plus longtemps.

Les plus précaires, les plus fragiles – notamment les femmes, comme vient de l'expliquer brillamment Catherine Coutelle – vont être les premières victimes.

Pire, le Premier ministre a fait un aveu hier soir : les partenaires sociaux qui gèrent l'assurance chômage vont devoir intégrer la réforme des retraites dans la prochaine convention de l'assurance chômage. Les jeunes retraités deviendront de vieux chômeurs, comme le disait l'un de mes collègues ce matin.

Chacun a bien compris que le chômage financera ce que la retraite ne financera plus. Ce tour de passe-passe est parfaitement inacceptable et nous ne devons avoir de cesse de le dénoncer.

Le secrétaire d'État et le rapporteur argumentent. Au passage, je dirai à M. Jacquat que je préfère qu'il tienne des propos à l'oral dans cet hémicycle, puisqu'ils seront ainsi consignés au Journal officiel, plutôt que de nous renvoyer à la lecture de son rapport, comme si nous étions de bons ou de mauvais élèves.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Ce qui compte, c'est ce qui est dit ici. Ce qui est écrit dans les rapports n'éclaire malheureusement pas beaucoup l'application de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Pardonnez-moi de m'être un peu emporté hier, lorsque vous avez souhaité que nous nous reportions à la page 28, je crois, de votre rapport. En tout état de cause, c'est quand même mieux quand le rapporteur qui est là pour éclairer le débat le fait à l'oral dans l'hémicycle de façon à ce que ce soit convenablement transcrit.

Le rapporteur – mais aussi nos collègues du Nouveau Centre, qui sont plus libéraux que les plus libéraux – nous parlent d'étatisation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Selon eux, dès l'instant où l'on se réfère à la fiscalité, c'est que l'on étatise ! Dans notre conception, la fiscalité est progressive et juste, elle redistribue la richesse et instaure une solidarité nationale. C'est peut-être une étatisation au sens où vous l'entendez, mais au service de l'intérêt général et de la solidarité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Pour vous, à droite, l'étatisation, c'est pour servir les intérêts de quelques-uns. Je n'insiste pas sur vos pratiques, mais je signale que nous n'avons pas la même approche. Dans le domaine de la culture, par exemple, nous souhaitons que le budget de la nation soutienne la création artistique, alors que vous prônez l'arrêt des subventions à ces activités et la création de fondations. Vous préférez que chacun ait un bon mécène choisissant ses artistes plutôt que l'existence d'un financement public permettant à tous l'expression artistique la plus large possible.

Ce sont deux conceptions différentes de l'État et de l'usage des finances publiques. Si nous souhaitons une contribution fiscale, c'est pour que la solidarité soit plus forte, au nom de l'intérêt général.

M. Tron a fait hier une démonstration assez exceptionnelle, en tentant de nous expliquer que les recettes fiscales étaient aléatoires alors que le chômage et l'emploi ne l'étaient pas. Il faut être un peu « gonflé » – passez-moi l'expression ! Voilà un gouvernement qui, après avoir créé le licenciement permanent et abusif par l'instauration de conventions qui permettent de faire pression sur les salariés pour les obliger à accepter des licenciements sans conditions ou presque, et après avoir créé le statut d'auto-entrepreneur qui permet à des centaines de milliers de personnes de ne plus cotiser à rien,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…lesquelles personnes, d'ailleurs, n'auront pas droit à grand-chose dans la réforme dont nous discutons, voilà un gouvernement, donc, qui vient nous expliquer qu'il n'y a aucun aléa sur le terrain de l'emploi et que celui-ci représente un élément solide par rapport à la fiscalité. Je dois me pincer pour me prouver que je ne rêve pas quand j'entends asséner de telles vérités qui n'en sont pas.

Lorsque, en 1945, le Conseil national de la Résistance a créé le régime de répartition, la démographie était plus favorable : les non-actifs étant moins nombreux, le financement de leur retraite était moins lourd. La financiarisation de l'économie était également bien moindre : les stocks-options, les dividendes et les revenus des banques n'atteignaient pas des niveaux aussi éhontément insupportables qu'aujourd'hui. Alors que tout le monde se serre la ceinture et qu'on continue de parler de crise, on estime à 85 % l'augmentation des dividendes versés par les sociétés du CAC 40 au cours de l'année écoulée, ce qui montre bien que ce secteur est moins aléatoire que les salaires.

La répartition a un autre sens aujourd'hui qu'hier : elle consiste à faire en sorte que l'ensemble des revenus de l'activité économique et du travail produits par une génération en activité profite solidairement à la génération qui l'a précédée. Il n'est plus question seulement des revenus du travail.

Quand on s'enferme et qu'on nous enferme dans ce discours, c'est pour punir les salariés et les faire culpabiliser : comme ils sont moins nombreux, ça ne va plus « rigoler » pour eux. Il va falloir qu'ils cotisent le double ou le triple et qu'ils travaillent plus longtemps. Sinon, on ne s'en sortira pas ! Or il existe, par ailleurs, une multitude de situations, en dehors des niches fiscales, où l'argent rapporte en dormant.

À ce point de mon propos, je citerai, comme je l'ai annoncé, M. Borloo, que l'on dit promis à un avenir encore plus brillant que celui qu'il a connu jusque-là. Je l'ai entendu déclarer publiquement qu'il fallait passer maintenant à des financements du XXIe siècle pour les retraites. Cela signifie que les financements du XXe siècle, fondés sur une répartition axée davantage sur le monde du travail parce que les recettes fiscales étaient moins exubérantes qu'aujourd'hui, ne valent plus et qu'il faut élargir l'assiette. En disant cela, il avoue clairement, premièrement, que votre projet n'est pas financé ; deuxièmement, qu'il faudra remettre au pot des financements par le biais d'un élargissement de l'assiette et certainement d'une fiscalité plus juste.

Quand un personnage aussi éminent de la majorité met en cause de manière aussi fondamentale ce que vous êtes en train de faire, cela prouve que vous faites aujourd'hui le « job », mais sans le degré de conviction et surtout la capacité nécessaires pour que les choses aboutissent.

Pour nous, je le répète, la répartition signifie que toute l'activité économique d'une génération doit profiter, justement répartie, à la génération qui l'a précédée, qui a été au boulot avant elle, et avec laquelle nous devons être solidaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

L'article 5 est le coeur de la réforme des retraites, qui propose un dispositif bien équilibré, justifié par plusieurs raisons.

La première, n'en déplaise à ceux que nous entendons depuis ce matin, est l'évolution démographique. Cette évolution parle d'elle-même et ne peut être contestée : l'espérance de vie a augmenté de 6,3 années depuis 1982 ; le nombre de retraités est aujourd'hui de 15,5 millions et passera à 18 millions en 2030 et à 23 millions en 2050 ; alors qu'il y avait quatre actifs pour un retraité en 1960, il n'y en a plus que 1,7 aujourd'hui et il y en aura 1,5 en 2050. Ces faits, indéniables, montrent bien que, même si la crise financière et économique qui sévit partout dans le monde – et qui n'a pas son origine en France mais dans les pays anglo-saxons – a accentué les problèmes que connaît notre système de retraite, ceux-ci ont pour cause essentielle et profonde l'évolution démographique.

Deuxièmement, choisir de reculer de façon très progressive, de quatre mois par génération, l'âge légal de départ à la retraite jusqu'en 2018 est le seul moyen pour éviter, soit une augmentation des cotisations, soit une baisse du niveau des retraites – nous verrons, si jamais une autre majorité arrivait au pouvoir en 2012, ce que je ne crois pas, si elle remet en cause cette réforme – soit, ce qui serait encore pire, l'éclatement de notre régime de retraite par répartition.

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

Personne, là non plus, ne peut contester ce risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Lemasle

On peut se livrer à toutes les interprétations que l'on veut, les chiffres sont là.

La troisième raison qui justifie le projet de réforme proposé par le Gouvernement et par M. Éric Woerth est que tous nos voisins européens ont choisi la même voie : l'Espagne, les Pays-Bas, l'Allemagne ont porté l'âge de la retraite de 65 à 67 ans, le Royaume Uni de 65 à 68 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

Quatrième raison : le financement de la réforme fait appel pour partie à l'impôt, et donc à la solidarité, à hauteur de 4 milliards d'euros. Cette solidarité concerne notamment – ce que personne, là encore, ne peut contester – les hauts revenus et les revenus du capital, ce qui va dans le sens de l'équité fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

D'autres mesures sont prises qui vont dans le sens de l'équité sociale : les dispositions relatives à la pénibilité du travail et aux carrières longues, lesquelles ne sont prises en compte que depuis 2003 grâce à la réforme Fillon, que l'opposition n'a pas voulu voter à l'époque.

Un orateur du groupe socialiste a qualifié ce matin le départ en retraite à 60 ans de « bouclier social des plus modestes ». C'est surtout le système par répartition qui est le bouclier social des plus modestes et c'est lui que le Gouvernement et la majorité parlementaire veulent sauvegarder.

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

Il y va – et c'est un point qui devrait nous réunir – de l'intérêt de nos enfants et de nos petits enfants. C'est à eux qu'il faudrait penser plutôt que de se cantonner dans des vues à court terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Guénhaël Huet

Le choix du Gouvernement et de la majorité parlementaire est celui du moyen et du long terme, c'est-à-dire de la responsabilité. Il s'oppose à celui des socialistes qui est le choix du court terme, c'est-à-dire de la démagogie. Au-delà des manifestations, qu'il faut prendre en compte et respecter, une grande majorité de l'opinion publique l'a très bien compris. Vous le comprendrez, vous aussi, dans les jours, les semaines et les mois qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Mes propos seront en effet très modérés…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…en comparaison avec le coup de poignard que constitue votre projet de réforme.

L'article 5 est déterminant puisqu'il recule de deux ans l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite.

Je ne m'attarderai pas sur l'injustice créée par ce recul. Je me bornerai à citer le cas des Français qui ont commencé à travailler à 18 ans et qui devront cotiser 44 ans, pour montrer que cette disposition ne constitue pas une grande avancée sociale. Vous ne pouvez pas le nier et je vois, monsieur le ministre, dans votre manière de taper sur votre table un signe du remords qui vous tenaille.

Votre texte est un coup de poignard digne de Ravaillac contre une des réformes les plus emblématiques du gouvernement de la gauche de 1981, qui permettait enfin aux Français qui avaient beaucoup travaillé de bénéficier d'un temps de repos bien mérité à la fin de leur vie, temps qu'ils consacraient souvent à la vie associative, autre élément que vous allez tuer avec ce projet.

Je vais m'employer à dénoncer les mensonges proférés par la droite.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ce matin, nous avons écouté – certains, du côté de la majorité, avec un amour aveuglé ; d'autres, du côté de l'opposition, avec une vision éclairée et complètement atterrée – les propos de M. Jean-François Copé. Venu probablement de son cabinet d'avocat où il est sans doute retourné maintenant – cet homme cumule beaucoup de fonctions –, il a apostrophé M. Ayrault…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…et lui a demandé si les socialistes, en cas de victoire en 2012, ce qui ne peut faire de doute, rétabliraient le droit à la retraite à 60 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

La réponse figure dans les milliers de tracts que nous avons distribués qui dans les marchés, qui sous les portes des appartements. Je pourrai vous en apporter si vous le souhaitez. Les déclarations des uns et des autres hier soir, celles de Ségolène Royal comme celles de Jean-Marc Ayrault, qui est également très présent sur ce texte…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…dans l'hémicycle ou dans les couloirs pour faire un travail collectif, étaient toutes claires à ce sujet : la réponse est oui.

Or le président du groupe UMP a redemandé la parole, dans le cadre d'un rappel au règlement, pour reprocher à M. Ayrault d'avoir beaucoup parlé mais de ne pas avoir répondu à sa question.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

M. Jean-François Copé est quelqu'un d'intelligent et il n'est pas sourd.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Être intelligent ne signifie pas toujours que l'on prend de bonnes décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Son attitude contribue à une volonté délibérée d'essayer de noyer le poisson,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…et de faire croire que nous n'avons pas de projet.

Malgré la clarté de nos réponses, il semble que vous soyez atteints de surdité.

Je le répète donc : si nous revenons au pouvoir, nous rétablirons la retraite à 60 ans. D'ailleurs, nous allons faire un exercice collectif, mes chers collègues. Si nous revenons au pouvoir, la retraite, ce sera à… 1… 2… 3… 4…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Soixante ans ! (« Godillots ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je souhaiterais maintenant poser quelques questions à M. Woerth. Depuis que vous êtes au gouvernement, monsieur le ministre – c'est-à-dire depuis très longtemps : vous avez occupé plusieurs postes –, vous avez toujours eu cette attitude de professeur qui sait tout et qui, face à des élèves qui n'ont visiblement pas le niveau pour comprendre la justesse et la finesse de ses démonstrations, leur explique qu'il maîtrise l'économie, que ses choix sont les seuls possibles, avec l'assurance de celui qui sait et qui ne ment jamais.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Vous êtes pourtant l'un de ceux qui ont battu le record d'Europe du déficit budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Oui, vous combattez dans la catégorie des poids lourds, des poids super-lourds, vous êtes même classé hors catégorie.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Alors, je trouve un peu fort de café, quand on a été aussi mauvais, de parler d'un ton professoral. À votre place, je me ferais tout petit petit, je m'esquiverais en catimini, et j'éviterais d'aller dire à la face du Parlement combien j'ai échoué en économie.

Vous prétendez que le programme de la gauche ne pourrait pas être appliqué. Laissez donc à la gauche le soin de choisir son programme. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Dans une démocratie, majorité et opposition ont chacun le leur. Nous appliquerons le nôtre dès 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je ne vous cache pas, chers collègues, que vos réactions me font un certain plaisir. Cela prouve que le remords qui tenaille M. le ministre est collectif…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Je sens déjà les flammes de l'Enfer ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…et que, à votre tour, vous savez que vous aurez du mal à expliquer vos positions à vos électeurs. D'ailleurs, ils vous le diront sans détours en mai et en juin 2012.

Je voudrais encore m'adresser à M. le ministre, qui essaie de défendre son président.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

En effet, vous avez un excellent soutien, monsieur le ministre, du moins en termes de verbiage.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Plusieurs de mes collègues ont rappelé que le Président avait menti, beaucoup menti ! En 2007, il avait dit qu'il ne toucherait jamais aux retraites. Il l'avait répété en 2008. Mais, patatras, voilà qu'il change d'avis : rien n'était plus important. Le rôle de l'opposition, c'est bien de dénoncer ces mensonges. Ces déclarations ont été enregistrées, filmées, nous avons toutes les preuves, et vous osez prétendre que le Président n'est pas un menteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Qu'on aille chercher Marisol Touraine ! Qu'elle le fasse taire ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

N'est-on pas un menteur quand on affirme blanc un jour et noir le lendemain – même si Blanc et Noir ont fait partie de votre majorité ? Laissez donc à la gauche le soin de dire certaines vérités : le Président de la République a menti, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je sais bien que l'UMP a l'habitude de mentir. Ce matin, nous avons entendu la déclaration de votre ami et compagnon Nicolin. Son mensonge était tellement énorme que je me suis senti agressé.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ce grand révolutionnaire nous disait que, depuis des mois, la gauche n'arrête pas d'attaquer L'Oréal.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Vous voulez vous refaire une beauté ! L'Oréal aura du travail, avec vous ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Certes, je n'ai pas lu les déclarations de tout le monde, dans tous les journaux. Peut-être pourra-t-on trouver un entrefilet quelque part, mais, en ce qui me concerne, je n'ai jamais entendu aucun de mes amis de gauche attaquer l'entreprise L'Oréal. Nous avons régulièrement attaqué ceux qui profitent. Je vous confirme qu'à titre personnel – mais je ne suis pas le seul – je n'apprécie pas beaucoup Liliane Bettencourt. Nager dans le luxe comme elle le fait, cela me paraît extrêmement indécent. Cela dit, M. Nicolin n'est pas un idiot, et sa confusion n'en est pas une : elle est sciemment entretenue pour semer le trouble.

Monsieur le ministre, vous ne cessez de faire des comparaisons, mais uniquement quand cela vous arrange. Ainsi, je ne vous ai pas entendu comparer le mode de fonctionnement démocratique des Parlements européens. L'Assemblée nationale française doit être la seule assemblée où le temps est compté, minuté, où il y a un temps couperet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Le Sénat lui-même n'est pas soumis à de telles règles. Ce matin, l'un de nos collègues expliquait qu'il y a d'autres références dans le monde. Prenez la Bolivie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Si vous connaissiez ce pays, vous ne feriez pas « Ah ! », vous sauriez que le grand capital et les libéraux ont écrasé, plumé, la population…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…tandis qu'ils habitaient dans les quartiers riches des faubourgs inférieurs de La Paz. Et vous sauriez aussi que, dans ce pays, on a diminué l'âge de départ à la retraite. Savez-vous, monsieur le ministre, quel fut l'un des premiers actes politiques du Président de la République bolivienne, lors de son premier mandat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Il a diminué son salaire de trois à quatre fois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous voyez à quoi je fais allusion. D'un côté, un progressiste diminue son salaire présidentiel ; de l'autre, il ne vous a pas échappé que quelqu'un l'a augmenté.

Pour terminer, monsieur le ministre,… (« Enfin ! » sur les bancs du groupe UMP. – « Encore ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…je voudrais rappeler que, dans le passé, certaines carrières étaient très longues.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Et, en Bolivie, il y a des carrières très profondes !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Vous êtes en train d'inventer les carrières très très très longues, auxquelles correspondront des retraites très très très courtes et très mal payées. J'espère que la raison viendra vous éclairer et que, dans un effort de lucidité, vous reconnaîtrez que la justice, la justesse et la raison économique sont de notre côté. Retirez votre infâme projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Dord

Cette intervention est décisive ! Nous sommes à un tournant du débat ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, mes chers collègues, la loi Fillon, que nous avons votée en 2003, avait fait un choix clair, celui de l'allongement de la durée de cotisation. C'était un choix de justice, particulièrement à l'égard de ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt – dont le nombre reste important, même s'il a été réduit par l'âge de la scolarité obligatoire – et à l'égard des seniors qui ne retrouvent pas d'emploi. Avec la crise et la dégradation accentuée de l'équilibre des retraites, vous choisissez de relever l'âge légal et, au-delà, l'âge de la retraite sans décote. Face à une variable économique, vous privilégiez la réponse par la seule variable démographique. Il était pourtant possible d'apporter des réponses plus différenciées.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Ainsi, vous auriez pu lier l'effort et la solidarité, c'est-à-dire prolonger la loi de 2003 en privilégiant la réponse par l'allongement de la durée de cotisation.

En anticipant certes un peu sur le simple partage de l'espérance de vie, ne valait-il pas mieux, en termes d'équité, aller jusqu'à 42 annuités d'ici à 2016, plutôt que de relever l'âge de départ de deux ans ? Avez-vous réalisé les simulations nécessaires ou n'avez-vous fait votre choix qu'en fonction d'échéances qui ne sont pas celles du système des retraites ?

Au-delà, il est clair que la réponse majeure devrait résider dans l'amélioration du taux d'activité des différentes classes d'âge. Mais elle exige une action en profondeur sur le court et le moyen terme. J'ai entendu ce matin les propositions du groupe socialiste. D'autres ont été faites, par exemple, récemment, par l'Institut Montaigne. Toutes mériteraient d'être discutées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il est clair, enfin, que l'on ne pourra apporter une réponse d'ensemble, si l'on veut vraiment assurer l'équilibre, que par le recours à d'autres ressources, en faisant appel à l'ensemble des revenus et, pour une part plus significative, aux revenus du capital. Mais vous êtes paralysés par l'existence du bouclier fiscal sur la prise duquel vous restez désespérément crispés…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Voilà ! Écoutez attentivement, chers collègues de l'UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

…et c'est ce qui vous interdit désormais toute progression dans ce débat. Je doute, monsieur le ministre, si vous voulez réellement rétablir les équilibres financiers dans notre pays, que cette prise reste longtemps solide. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je voudrais rassurer nos collègues de l'actuelle et précaire majorité – précaire dans la durée –, surtout si elle s'obstine dans la politique de régression sociale qu'elle mène depuis huit ans : oui, oui et oui, dès 2012, lorsque nous serons à nouveau aux responsabilités, nous abrogerons votre loi scélérate.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Pourquoi l'abrogerons-nous ? Tout simplement, monsieur Méhaignerie, parce que cette loi est injuste et inéquitable. Nous proposerons immédiatement le retour aux 60 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

À taux plein, monsieur Giscard d'Estaing ! Si vous êtes intéressé, pour ce qui concerne votre retraite, soyez rassuré. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Depuis que vous êtes aux responsabilités, vous nous dites : « Travaillez plus pour gagner plus. » Vous ne vous êtes pas trompés sur une chose : il faut travailler plus longtemps, puisque vous nous proposez d'augmenter de 4 ans la durée de cotisation pour toucher une retraite à taux plein.

Le problème, ce n'est pas de travailler plus ou plus longtemps, c'est que vous nous dites un mensonge éhonté. Aujourd'hui, un grand nombre de nos concitoyens, notamment les jeunes et les seniors, voudraient bien travailler, mais vous êtes dans l'incapacité de leur offrir le moindre emploi. Malgré la manipulation des chiffres du chômage, vous êtes obligés de reconnaître que le chômage des jeunes est en augmentation, tout comme celui des seniors.

Vous assénez des contrevérités cyniques en expliquant que, puisqu'il y a allongement de la durée de la vie, il convient d'allonger la durée du travail. Mais l'allongement de l'espérance de vie est particulièrement inégal et inéquitable. Vous savez bien que l'espérance de vie d'un individu varie en fonction de la carrière professionnelle qu'il aura accomplie : l'espérance de vie d'un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d'un cadre. Il faut donc bien mesurer tous les paramètres avant de mettre en place une réforme qui, en réalité, est une régression sociale, un recul des droits sociaux.

Vous avez effectivement un objectif clair, net et précis : en fait, vous souhaitez que plus personne, dans ce pays, ne puisse bénéficier d'une retraite à taux plein.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

En raison de votre désastreuse politique de l'emploi, les jeunes sont en effet dans l'incapacité de trouver un travail avant l'âge de 23 ou 24 ans, tandis que vos amis du MEDEF licencient à partir de 56 ans les seniors auxquels vous proposez de travailler jusqu'à 62 ou 63 ans.

C'est un problème de mathématiques très simple, du niveau de la deuxième année du cours élémentaire, je pense donc que la plupart de nos collègues pourront le comprendre et faire le calcul : pour parvenir à 41 années et demie de cotisation, il faudra continuer de travailler beaucoup plus longtemps que ce que vous prévoyez.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Mes chers amis de la majorité, vous avez l'occasion de vous ressaisir, de faire preuve d'un peu d'humanité et de comprendre la situation réelle du pays en revenant sur cette sinistre loi que vous nous infligez, en retirant votre texte. Faites en sorte qu'il y ait une véritable négociation avec les partenaires sociaux et que l'on puisse, dans cette assemblée, discuter projet contre projet, puisque nous avons, pour notre part, un projet qui, contrairement au vôtre, est juste, équitable et financé pour les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Vous nous dites que vous ne baisserez pas le montant des retraites. Cela signifie, permettez-moi de vous le dire, que vous changez radicalement de politique en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je ne prendrai que deux exemples.

La première baisse des pensions est le fait de M. Balladur. En faisant en sorte que l'on prenne en compte dans le calcul de leur montant non plus les dix mais les vingt-cinq meilleures années, il a provoqué une diminution importante des retraites du secteur privé.

En outre, vous nous dites que ceux qui ne parviendraient pas au nombre total d'annuités pourraient quand même partir plus tôt, avec une décote. Il est vrai que vous êtes les spécialistes, les champions du monde, de la décote. Vous avez même été des précurseurs en la matière.

Je rappellerai la fameuse décote instituée par le sinistre décret Vasseur ; notre collègue Daniel Garrigue sait bien de quoi je veux parler. Les agriculteurs sont conduits à finir leur vie dans la misère à cause de retraites dont le montant, du fait de l'application de la décote, est de 450 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Il faut le rappeler ! On ne parle pas assez de cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

C'est cette décote que vous voulez généraliser à l'ensemble des travailleurs qui n'auront pas eu la chance d'avoir une carrière complète. Voilà ce que vous proposez en fait de maintien du pouvoir d'achat des retraites !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis d'autant plus inquiet que vous prétendez aujourd'hui être les garants du maintien de la qualité du système de retraite, que nous saurions, pour notre part, assurer avec nos propositions. Je veux bien écouter vos arguments, mais comment allez-vous financer tout cela ? Non seulement vous siphonnez le Fonds de réserve des retraites mais vous aviez oublié de l'abonder ! Vous êtes donc mal placés pour nous donner des leçons d'orthodoxie financière et de bonne gestion, dans le secteur des retraites comme dans d'autres. En fait, vous êtes dans l'incapacité de financer une politique équitable et juste de protection sociale, qu'il s'agisse de la petite enfance ou de la vieillesse.

Vous avez effectivement un problème : vous êtes complètement déconnectés du pays réel, ce pays réel qui s'est retrouvé à manifester, le 7 septembre, pour réclamer la justice sociale. Il est vrai que vous connaissez mieux la situation et les problèmes de Mme Bettencourt que celle des ouvriers de Billancourt.

Je voudrais, monsieur le ministre, que vous ayez le courage de nous dire qu'avec votre réforme, synonyme de régression sociale, vous prenez tout simplement votre revanche sur l'incontestable avancée de 1981, qui était le fait de François Mitterrand et de la gauche et permettait à ceux qui avaient travaillé dur de partir à la retraite dès 60 ans.

Le problème de la pénibilité du travail, que nous aborderons ultérieurement, est un problème essentiel, qu'il faudra bien prendre en compte. Cependant, lorsque vous indiquez que vous allez assimiler la pénibilité à une invalidité, non seulement vous commettez un contresens politique mais vous lancez une insulte à ceux qui arrivent usés en fin de carrière.

Mes chers collègues, vous avez encore la possibilité de vous ressaisir en votant les amendements que le groupe socialiste vous présentera. M. Garrigue vous a appelés à la raison. Si vous ne voulez pas écouter la voix de la raison qui s'élève des bancs de la gauche, écoutez du moins celle qui s'est élevée de vos bancs. Certains ont effectivement bien compris que c'est aujourd'hui le droit à la retraite égal et équitable pour tous qui est en jeu.

Je vous en prie, dans la difficile situation sociale que nous vivons, ne désespérez pas un peu plus ceux qui éprouvent les plus grandes difficultés à joindre les deux bouts non pas le 30, mais dès le 20 du mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je voudrais tout d'abord que nous nous entendions sur un point pour éviter faux débats et diversion. Les retraites vont-elles coûter plus cher ? La réponse est oui. Je le précise, car on semble parfois prétendre que nous nierions cette évidence, cette réalité. Nous ne la nions pas : les retraites coûteront plus cher.

Pour autant, votre solution est-elle la seule ? (« Non ! »sur les bancs du groupe SRC.) Non. Il y a votre solution, il y a la solution du parti socialiste, il y a la solution des députés communistes et du Parti de gauche. Vous affirmez qu'il n'y a pas d'autre choix possible, mais il serait plus juste de dire que vous n'avez pas, vous, d'autre choix, car vous ne voulez pas toucher aux revenus financiers, dont l'accumulation a provoqué la crise. Compte tenu de cette exigence, dans cette logique, votre solution est effectivement la bonne, mais ce n'est pas celle qu'attendent les Français.

Déclarer que la crise exige cette réforme, comme le fait M. Copé, c'est lancer le débat d'une manière très intéressante, et sur le fond. Malheureusement, vous avez désormais pris l'habitude de parler de la crise comme d'un OVNI : on ne sait plus qui a fait quoi, ni pourquoi, ni comment, et la crise serait descendue du ciel !

Si l'on veut trouver la bonne solution, il faut se demander qui est responsable de la crise. Si l'on ne répond pas à cette question, on n'a aucune chance de trouver la bonne solution.

Cela a été dit et redit, y compris par les plus grands économistes, et je le répète même s'il peut y avoir des divergences à ce propos : les responsables de la crise sont les spéculateurs, les banquiers, les politiques, les institutions financières. Ce ne sont pas les communistes et le Parti de gauche qui disent que les marchés financiers se sont gavés de liquidités jusqu'à l'overdose, c'est Patrick Artus, qui, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas communiste. Voilà donc qui est responsable de la crise.

J'ai envie de remercier M. Copé pour sa franchise…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

…car il ose dire aux Français qu'ils vont devoir payer les conséquences d'une crise dont ils ne sont pas responsables, et ce pour épargner ceux qui en sont responsables. C'est tout de même extravagant, et il faut que cela soit dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Ne prenez pas vos désirs pour des réalités, monsieur Sandrier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Votre projet de loi est très cohérent, comme l'a très justement dit M. Dord. Il ne justifie aucune inquiétude à cet égard, mais ce n'en est pas moins une capitulation pour apaiser la colère des « dieux invisibles », pour reprendre l'expression du prix Nobel d'économie Paul Krugman, même si lesdits dieux ne sont pas si invisibles que cela, puisque ce sont les marchés financiers.

J'en viens aux propositions des députés communistes et du Parti de gauche.

Je ne vous fais pas le reproche d'avoir souvent à la bouche les mots de justice, d'égalité et de respect pour qualifier votre projet de loi, car il est normal de se donner de tels objectifs. Simplement, si vous êtes ainsi attachés à la justice, taxez – comme notre proposition de loi le prévoit – les revenus financiers comme les salaires : pas plus que les salaires, juste comme les salaires. Il ne s'agit pas de supprimer les revenus financiers, il s'agit d'assurer une justice, une égalité, entre la taxation des salaires et celle des revenus financiers. Si vous voulez de la justice, en voilà !

Votre argument massue est qu'une telle mesure, pourtant une mesure de justice, ferait fuir certains, ce qui laisse penser que, dans notre pays, tout le monde n'aimerait pas tant que cela la justice.

Tout d'abord, certains ont déjà fui, puisque l'évasion fiscale nous coûte très cher ; d'aucuns parlent de 25 milliards d'euros, d'autres de 50. En tout cas, ces milliardaires-là sont partis et vous acceptez non seulement qu'ils fuient la patrie, ce qui n'est pas très moral, mais surtout qu'ils prennent en otages les Français qui, eux, n'ont pas les moyens de fuir. On demande donc à ceux qui restent en France, c'est-à-dire l'ensemble des classes moyennes et des plus pauvres, de payer pour ceux qui ont la capacité de fuir. C'est moralement intenable ! Cette réalité s'explique par le fait que vous ne touchez surtout pas à la liberté de circulation des capitaux, au contraire de celle des êtres humains.

Il est vrai que, tout seuls, nous ne pouvons pas tout, et qu'il faudrait des mesures internationales. Oui, vous avez raison, mais il faut prendre un certain nombre de mesures. Comme disait quelqu'un dont – pardonnez-moi – je ne me rappelle plus le nom,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

…il faut mondialiser la solidarité et la justice sociale, et non les privilèges de quelques-uns.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Après la taxation des revenus financiers, nous proposons une deuxième mesure, une mesure d'efficacité économique. Ce n'est pas nous qui l'inventons, c'est la Cour des comptes, alors présidée par Philippe Séguin, qui l'affirmait dans son rapport de 2007 : les trois quarts des exonérations de cotisations ne servent pas à développer une politique de l'emploi. Cela représente environ 25 milliards d'euros. Ce ne sont pas là des réalités virtuelles ou négligeables.

Dans le même ordre d'idées, un journal recensait hier la totalité des niches fiscales et sociales dans notre pays. Elles représentent plus de 140 milliards d'euros ! Je ne sombrerai pas dans la démagogie en réclamant la suppression de toutes, mais rendez-vous compte, tout de même, de la somme : 140 milliards d'euros ! Et vous cherchez de l'argent ! On devrait pouvoir en trouver.

J'en arrive à l'élément qui est sans doute le plus important de notre proposition : la modulation des cotisations des entreprises. Une entreprise qui verserait plus pour les dividendes, plus pour les revenus financiers que pour les salaires et l'emploi, serait pénalisée par une hausse des cotisations. À cela, vous répondez que nous pénalisons les entreprises. Pas du tout ! Nous ne compromettons pas leur compétitivité, puisqu'il s'agit simplement d'un transfert entre la rémunération du capital et la rémunération du travail, et surtout de cotisations supplémentaires pour les caisses de retraite.

Enfin, c'est une mesure de salubrité économique car, si cet argent va vers l'emploi et les salaires, donc vers des cotisations sociales et, par conséquent, vers la sécurité sociale et les retraites, il ne va pas vers les dividendes et la spéculation, ce qui nous a enfoncés aujourd'hui dans la crise.

S'agissant des cotisations, le COR indique que si on les augmente de 0,26 % par an, cela fera 110 milliards d'euros à l'échéance 2050. Hier soir, j'ai entendu le Premier ministre parler de 75 milliards de déficit à l'échéance 2050. Je pense qu'il s'est trompé de chiffre puisqu'au mois de février, il avait parlé de 100 milliards. Eh bien, l'augmentation de 0,26 % par an des cotisations rapporterait en 2050 110 milliards d'euros, cette somme correspondant au chiffre annoncé par le Premier ministre. Vous n'allez tout de même pas nous faire pleurer sur une augmentation de 0,26 %, alors que ce chiffre est cinq fois inférieur à l'inflation annuelle et que les cotisations n'ont pas augmenté depuis vingt ans !

Concernant les problèmes de rééquilibrage, je rappellerai un seul chiffre : en huit ans, la ponction des actionnaires sur les entreprises est passée de 25 % des richesses créées à 36,2 %. C'est tout un programme…

Je terminerai par deux points qui sont au centre de votre argumentation.

Premièrement, vous affirmez que l'abaissement de l'âge de la retraite de 65 à 60 ans est la cause de tous nos maux. Mais l'histoire montre que vous n'avez jamais accepté les progrès sociaux les plus importants, pas plus la retraite à 60 ans que les congés payés. Il ne fallait surtout pas accorder les congés payés ! Pourquoi payer des gens à ne rien faire ? À l'époque, c'était inimaginable ! De plus, qu'allaient-ils faire de leur temps libre ? Non seulement, il fallait les payer à ne rien faire, mais en outre, ils risquaient de faire des bêtises ! C'est tout le débat des années trente. Ce n'est pas la peine de secouer la tête comme cela, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Mais si ! Vous voulez que l'on parle des communistes des années cinquante ? Et Mao, qu'est-ce qu'il aurait pensé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

À l'époque du débat sur la journée de dix heures, vos semblables disaient qu'une telle mesure n'était pas envisageable, car elle mettrait à genoux les entreprises…

Deuxièmement, j'en viens à vos propos sur les régimes de retraite des autres pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je ne reviendrai pas sur tous vos arguments pour déterminer quel pays est plus ou moins…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Prendre comme exemple des pays qui ont le même horizon politique et économique que vous n'a guère de valeur. Pour eux, comme ici, le pouvoir absolu doit être détenu par les marchés financiers. La liberté totale de circulation des capitaux a été acceptée à Lisbonne, la concurrence tourne au délire, comme l'a dit Joseph Stiglitz : telle est aujourd'hui l'ambiance générale en Europe. S'appuyer sur des pays qui font la même chose pour dire que nous souhaitons faire comme eux, ce n'est pas un argument fondamental !

En revanche, lorsque nous sommes seuls à faire quelque chose, avons-nous obligatoirement tort ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Il faut en effet se poser la question. M. Méhaignerie me répondra s'il le souhaite. Pour ma part, je citerai trois exemples où la France a été seule. Avons-nous eu tort lorsque nous avons mis à bas la monarchie absolue en Europe ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

La France a-t-elle eu tort d'être la seule à déclarer la République ? A-t-elle eu tort de rédiger la Déclaration des droits de l'homme ? Elle était pourtant seule ! Eh bien, non, elle n'avait pas tort. Aujourd'hui, en déposant notre projet de réforme, nous non plus n'avons pas tort ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Depuis 1982, nous savons que le régime de retraite par répartition va être en déficit. Nous le savons grâce à une confession de Jacques Delors, alors ministre de l'économie, qui avait appelé l'attention du Gouvernement en indiquant à l'époque que cela ne coûterait pas très cher, puisque cela concernait la génération qui sortait de la guerre, celle des années 40-45. Jacques Delors avait également souligné que ce problème pèserait lourd ultérieurement sur notre régime de répartition, lequel est basé sur la solidarité entre les générations, les actifs payant pour les retraités.

Nous le savons aussi depuis le Livre blanc de Michel Rocard, qui avait alerté l'opinion sur le déséquilibre structurel du régime de retraite. Je dois le dire, depuis les années 82 à 90, la gauche n'a pas fait grand-chose en la matière. Les seules réformes ont été présentées et votées par la majorité, malgré une contestation permanente de la gauche. À chaque fois, la gauche s'est opposée au texte pour, ensuite, le reprendre comme base. Ainsi, M. Ayrault nous a fait une brillante démonstration pour expliquer que nous avions eu raison d'allonger la durée de cotisation, alors qu'à l'époque, cette mesure avait fait l'objet d'un véritable tollé de la part de la gauche !

Depuis cette date, l'opposition s'oppose aux réformes tendant à équilibrer le régime de retraite. Malgré ces réformes, nous constatons pour 2010 un déficit de 32 milliards, au bas mot 11 % du montant des pensions, ce qui n'est pas anodin. Le nombre d'actifs est maintenant de 1,8 pour un retraité, alors qu'en 1960, il était de 4. Par conséquent, le système ne peut qu'être déséquilibré puisqu'il y a moins d'actifs pour financer des retraités plus nombreux – ce qui est une bonne chose puisque l'espérance de vie augmente.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Il s'agit donc d'équilibrer notre régime de retraite.

Depuis deux jours, j'entends parler de projet et de contre-projet. C'est un peu court, car il y a le projet socialiste, le projet communiste, le projet UMP, et je dois dire que le Nouveau Centre, lui aussi, a un projet. (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Par conséquent, il n'y a pas deux projets, il y en a quatre !

M. Sandrier vient de faire une démonstration sur le projet communiste. Il a sa logique, qui consiste à maintenir coûte que coûte le niveau des pensions, la retraite à 60 ans, etc. Le manque à gagner serait compensé par un prélèvement sur les flux financiers et sur le capital. Bref, il préconise un mixte entre le régime de répartition et le régime par capitalisation…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

…puisque ce dernier consiste à prendre sur le capital pour financer nos systèmes de retraite. C'est un choix, qui n'est pas celui du Nouveau Centre, mais que l'on peut partager au sein du Front de gauche.

Ensuite, il y a le projet socialiste, qui n'est pas très clair.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Vous nous chantez sur tous les tons que vous voulez revenir à l'âge de départ à 60 ans. Dans le même temps, M. Ayrault dit que vous êtes d'accord pour le nombre d'années de cotisation. J'irai même plus loin : Mme Guigou a dit tout à l'heure que le Parti socialiste était prêt à l'augmenter encore. En conséquence, si vous partez à la retraite sans avoir les annuités nécessaires, votre pension sera amputée.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Ce qui veut dire que les socialistes sont pour une diminution du montant des retraites !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

C'est un choix, que nous ne partageons pas au Nouveau Centre.

L'UMP, quant à elle, prévoit d'augmenter l'âge de la retraite à taux plein, avec des compensations : je pense à la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Les vingt-cinq meilleures années au lieu de dix, c'est un progrès ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Jean-Luc Préel le répète depuis une dizaine d'années, le Nouveau Centre envisage un régime par points ou par comptes notionnels, qui permettrait l'extinction des régimes spéciaux, lesquels avaient été créés à l'époque pour des métiers pénibles – qui ne sont peut-être plus aussi pénibles aujourd'hui – et l'instauration d'un régime universel. Les points seraient plus ou moins importants en fonction de la pénibilité du travail, ce qui permettrait - à partir, bien sûr, d'un certain âge pour ne pas déséquilibrer le système - de prendre une retraite à la carte et d'établir une certaine équité entre les salariés du public et du privé.

M. le ministre a trouvé le projet intéressant, mais a estimé que ce n'était pas le moment de le mettre en oeuvre, car il s'agit d'une réforme systémique qui est trop lourde. Aussi, le Gouvernement propose-t-il un projet de loi qui vise à maintenir le niveau des pensions, mais en augmentant le nombre d'années de cotisation, notamment en reculant l'âge de départ, ce qui est un moyen d'équilibrer le système.

En termes de compensation, le projet vise à améliorer les carrières longues, en prenant comme base l'âge de 17 ans – le Nouveau Centre, lui, propose 18 ans. Le Gouvernement va prendre également en compte la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Un amendement gouvernemental abaisse à 10 % le taux d'incapacité, ce qui permet de tenir compte de certaines maladies : les troubles musculo-squelettiques, par exemple. Surtout, le texte prévoit certaines mesures de prévention. Car le Nouveau Centre estime que c'est très bien de prendre en compte la pénibilité, mais que c'est encore mieux de la prévenir et de s'assurer que les salariés sont en bonne santé.

Le texte est donc assez bien équilibré. C'est pourquoi le Nouveau Centre le soutient, tout en présentant des amendements pour l'améliorer, s'agissant notamment de la prise en compte de la pénibilité, dont nous souhaitons aussi élargir l'assiette.

Cela étant, nous soutenons le Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

…car, aujourd'hui, il serait inconcevable de ne pas essayer d'obtenir un équilibre, qui permettrait parallèlement de commencer à réfléchir à un nouveau système de retraite, toujours basé sur la répartition, mais par points ou comptes notionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Je voudrais rappeler quelques données sur la place de la réforme que nous conduisons en France dans le paysage européen.

La quasi-totalité de nos voisins ont réformé leur système de retraite, ou sont en train de le faire, en proposant des mesures liées à l'âge.

Dans la quasi-totalité des réformes accomplies à l'étranger, il a été décidé d'augmenter progressivement l'âge d'ouverture des droits à la retraite. C'est le cas en Espagne, avec le passage progressif de 65 à 67 ans, aux Pays-Bas, avec le même niveau d'âge, au Royaume-Uni, avec le passage progressif de 65 à 68 ans, et en Suède, avec le passage à 61 ans.

Dans d'autres cas, la réforme a porté – éventuellement conjointement avec une action sur l'âge d'ouverture des droits – sur l'âge-pivot, âge qui n'a pas d'équivalent en France, en dessous duquel la pension fait l'objet d'une décote, quelle que soit la durée de cotisation, c'est-à-dire également sur un paramètre d'âge. C'est le cas en Allemagne et aux États-Unis, où l'âge-pivot est reporté de 65 à 67 ans, et au Japon, où il passe de 60 à 65 ans.

La nécessité d'agir sur l'âge de la retraite est donc une idée partagée par tous nos voisins.

Deuxièmement, une fois la réforme des retraites menée à son terme, le système français continuera, M. le ministre l'a rappelé, à être l'un des plus favorables d'Europe. L'âge d'ouverture des droits en France, qui sera de 62 ans en 2018, restera parmi les plus bas d'Europe. La comparaison avec l'Allemagne est révélatrice et mérite d'être détaillée. Dans ce pays, l'âge d'ouverture des droits est aussi celui du taux plein. Il est aujourd'hui de 65 ans et sera porté à 67 ans d'ici à 2029. Le système allemand propose, comme en France, des départs anticipés pour les carrières longues. Aujourd'hui, les personnes qui ont cotisé 35 années ou plus peuvent liquider leur pension à 63 ans, mais avec une décote liée à l'âge : 7,2 % pour un départ à 63 ans aujourd'hui et 3,6 % pour un départ à 64 ans. Mais, en 2031, les Allemands ont déjà décidé que les personnes qui auront cotisé 35 ans pourront toujours partir à la retraite à 63 ans, mais avec une décote plus forte : 14,4 %, tandis que celles qui auront cotisé 45 ans devront attendre 65 ans pour liquider leur pension sans décote. En dehors de ces deux dispositifs, l'âge d'ouverture des droits sera, pour les autres salariés, de 67 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

J'y reviendrai !

En France, le Gouvernement souhaite porter l'âge d'ouverture des droits à 62 ans en 2018…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

…et permettre à certaines personnes, grâce au dispositif des carrières longues, de liquider la pension sans décote à partir de 58 ans. En Allemagne, l'âge d'ouverture des droits pour une retraite à taux plein est de 65 ans aujourd'hui et il sera progressivement porté à 67 ans, sauf pour les carrières longues où il restera à 65 ans, mais pour 45 ans de cotisation.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. En quelle année ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Voilà !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

En France, en revanche, l'âge d'ouverture des droits pour une retraite à taux plein sera progressivement porté à 62 ans, et à 62 ans seulement, et il sera au maximum de 60 ans pour les carrières longues et les personnes qui seront concernées par le dispositif de la pénibilité.

Je voudrais également rappeler, car c'est un point que l'on n'a pas souvent évoqué, que la réforme des retraites en Allemagne a aussi prévu un système qui intègre automatiquement un facteur de viabilité, c'est-à-dire un ratio entre les cotisants et les retraités. Si ce ratio se dégrade, les pensions allemandes ne sont pas revalorisées. Ce fut le cas entre 2001 et 2004 sous le gouvernement socialiste conduit par M. Schröder.

Troisièmement, dans un grand nombre de pays, les réformes ont été menées par des gouvernements de gauche, comme en Allemagne. En Espagne, Felipe Gonzalez a fait adopter, en 1995, le relèvement de l'âge de départ à la retraite à 65 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Revenez à l'époque de Franco, pendant que vous y êtes !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

José Luis Zapatero – et je reviens à une époque plus proche, parce que, visiblement, cela vous gêne – vient de déclarer, le 1er février de cette année : « Le plus commode pour nous, ce serait de ne rien faire et de laisser cette tâche ingrate aux gouvernements qui seront aux manettes en 2020 ou 2025. »

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Combien de chômeurs en Espagne ? Combien de précaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Écoutez bien ! Je poursuis : « Mais, si nous voulons sauver les caisses de sécurité sociale encore excédentaires, il nous faut agir maintenant. Ou alors, tout simplement, notre système de retraite implosera. »

Le problème est exactement le même en Italie. M. Prodi a décidé de poursuivre le relèvement de l'âge de la retraite et M. Veltroni, leader du parti de la gauche, disait, en 2007, que des négociations sur le report de l'âge de la retraite étaient absolument nécessaires.

Je reviens à l'Allemagne. La réforme engagée par vos amis socialistes dirigés par Gerhard Schröder a préparé le terrain à celle de 2007 portée par M. Müntefering, ministre du travail et des affaires sociales, qui a reculé l'âge légal de départ à la retraite à 67 ans. M. Müntefering disait : « Nous devons agir. Avant, les travailleurs entraient sur le marché du travail à 16 ans en moyenne, ils travaillaient 48 heures hebdomadaires et touchaient une retraite pendant dix ans. Aujourd'hui, l'entrée dans le monde du travail se situe en moyenne à 21 ans, on travaille au maximum 40 heures par semaine et la retraite est perçue pendant dix-sept ans. En 1960, il y avait encore huit personnes actives pour un retraité, aujourd'hui, ce ne sont plus que 3,2 actifs, en l'an 2030 il ne seront plus que deux. » Cette perspective est plus lointaine pour nous.

Certes, en Allemagne, vos amis socialistes ont été battus en 2010. Néanmoins, dans l'opposition, les instances dirigeantes du parti, et c'est tout à leur honneur, ont décidé, fin août, donc il y a quelques jours,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

…de demander un report de trois ans de la période de convergence. Ils n'ont pas demandé le changement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Aujourd'hui, ils demandent que l'on revienne en arrière !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Mes chers collègues, je crois que l'UMP et le Gouvernement sont parfaitement en phase avec les socialistes européens sur cette question et nous partageons avec eux le sens des responsabilités ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Vous êtes ringards, mes chers collègues ! La gauche la plus ringarde est en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Pourquoi auriez-vous raison contre l'Europe entière ? Il est peut-être temps que vous puissiez prendre auprès de vos amis socialistes des leçons de responsabilité ! Aujourd'hui, vous faites le choix du cynisme,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

…qui conduit simplement à protéger vos petits intérêts politiciens (Protestations sur les bancs du groupe SRC),…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

…au lieu de vous engager au service de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je vous conseille de suivre votre représentante à l'Internationale socialiste et d'être plus assidus dans cette organisation. Vous y apprendriez, je pense, le sens des responsabilités dont vous ne faites pas preuve aujourd'hui ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Si nous sommes aussi nombreux à participer au débat sur l'article 5, c'est bien évidemment parce que cet article est au coeur des injustices contenues dans le projet de loi. En effet, le report de l'âge légal de 60 à 62 ans est un recul historique. Nous aurons l'occasion, lorsque nous examinerons l'article 6, d'évoquer également le report de l'âge de départ à taux plein de 65 à 67 ans, qui va gravement pénaliser les femmes et tous les salariés qui ont eu des parcours hachés, des carrières incomplètes, sans oublier les jeunes, qui entrent aujourd'hui dans la vie professionnelle de plus en plus tard.

Avec l'article 5, qui marque un recul historique de l'âge légal de départ à la retraite, nous sommes au coeur du coeur. Il était également – l'avez-vous seulement remarqué ? – au coeur des revendications des 2,5 millions de manifestants mardi dernier, après les 2 millions du 24 juin, qui deviendront certainement 3 millions le 23 septembre. Cette mobilisation fut exceptionnelle. Les annonces du Président de la République, Nicolas Sarkozy, mercredi, et les déclarations, hier soir, de François Fillon ne sont pas à la hauteur des attentes des manifestants qui se sont exceptionnellement mobilisés contre les mesures d'âge, aujourd'hui fortement contestées par les Français. Toutes les enquêtes d'opinion le montrent, une large majorité de Français vous demande aujourd'hui de reculer et d'abandonner cette mesure de report de l'âge légal de départ à la retraite.

M. Sarkozy, a fait, mercredi matin, des annonces cosmétiques puisqu'il a indiqué qu'il resterait inflexible sur les mesures d'âge, qui sont pourtant au centre de la contestation. J'ai eu l'occasion de le préciser en commission mercredi soir : s'agissant de la pénibilité, nous sommes finalement passés d'une mesure homéopathique – 10 000 salariés concernés chaque année, soit 1,5 % des 700 000 départs à la retraite – à une mesure cosmétique : 30 000 salariés concernés, donc à peine 5 %. Or nous savons que la pénibilité touche durement 15 % environ des salariés prenant leur retraite. Nous sommes donc très loin du compte.

Le pouvoir reste donc sourd à ces revendications. J'ai été aussi été très surpris par les déclarations de François Fillon, hier soir, sur France 2. Je n'ai pas eu l'occasion, monsieur le ministre, de vous écouter, car vous êtes intervenu très tard et, à cette heure, de nombreux Français étaient déjà couchés – et c'était aussi mon cas. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous étions là, nous ! Nous siégions !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous verrons, ce soir, qui sera encore présent ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

J'ai été très surpris par cette forme de mépris et de condescendance. On s'est beaucoup extasié sur le côté impassible du Premier ministre hier soir, sur France 2. Cette décontraction est tout à fait déplacée. C'est la décontraction de ceux qui savent qu'ils vont partir, comme d'ailleurs la plupart des ministres, qui sont déjà résignés parce qu'ils savent eux aussi qu'ils vont quitter le Gouvernement. À force de dire aux Français : « Circulez, il n'y a rien à voir, nous ne bougerons pas, nous sommes droits dans nos bottes ! », vous vous préparez à rencontrer des difficultés considérables dans les prochaines semaines.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Dormez !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Une crise sociale se prépare et elle ira en s'amplifiant. Les organisations syndicales ont largement insisté sur ce point hier.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Dodo !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Vous avez fait un pilier du report de l'âge de départ à la retraite à 62 ans. Vous l'avez dit, cette mesure injuste est au coeur de votre plan. On sait également que le financement de la réforme sera assuré à 92 % par les salariés. Vous en avez fait simplement une approche comptable et financière. Donc, vous tentez de tenir bon sur cette mesure d'âge, parce que vous savez que, sans elle, vous ne pourrez pas financer votre réforme.

S'agissant de la pénibilité, je rappellerai à M. Bur, qui vient de faire des comparaisons avec l'Europe, que, chaque année, 160 000 salariés allemands cessent leur activité par anticipation, par le biais de conventions collectives, et ce bien avant les dates qu'il a données. Il aurait pu citer la Pologne : 270 000 salariés sont concernés par les dispositifs liant départ anticipé à la retraite et pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous sommes très loin des 30 000 salariés qui seront concernés par le volet « incapacité physique » du plan gouvernemental.

La droite a effectivement agi, dans le passé, sur les retraites. Vous avez organisé la baisse des pensions de 20 % en 1993 et 2003. Et vous voulez parachever votre oeuvre non pour sauver le régime par répartition – nous ne sommes pas dupes ! – mais pour avoir le scalp de l'acquis social historique qu'est la retraite à 60 ans ! Vous en avez fait un marqueur politique. C'est ce que vous voulez absolument démolir aujourd'hui, après les 35 heures, le code du travail, le service public et la sécurité sociale ! Cela fait partie de votre plan politique.

Je pense que vous n'y parviendrez pas parce que vous vous attaquez à un symbole. Vous auriez dû chercher à savoir quelles étaient les personnes qui ont défilé mardi. Dans mon département, ils étaient 40 000 sous la pluie, sous des trombes d'eau ! C'est un record historique ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et ils seront plus nombreux la prochaine fois ! M. Minc parle de « chorégraphie » des syndicats. Mais c'étaient des défilés et les ouvriers y étaient nombreux. Même dans un département comme celui de la Loire, il y avait de nombreux ouvriers de ce qui reste de l'industrie, puisqu'il y a eu 3 500 licenciements en deux ans ! Ils étaient là parce qu'ils sont profondément attachés à la possibilité de partir à 60 ans.

Votre plan ignore une inégalité sociale fondamentale, l'inégalité devant l'espérance de vie. À 35 ans, l'écart entre un cadre supérieur et un ouvrier est de 7 ans mais ce qui est important, c'est l'état de santé. Il est dégradé après 60 ans chez 30 % des ouvriers, 20 % des cadres. Vous ne prenez pas du tout cet élément en compte dans votre texte. Les victimes de l'article 5, ce seront d'abord les ouvriers, ceux qui ont commencé à travailler jeunes, qui ont exercé les métiers les plus pénibles, les plus durs, et qui ont les plus petites retraites.

Pour terminer, je veux évoquer un aspect qui n'a pas encore été abordé et parler de réforme sociétale. Nous avons une grande richesse dans ce pays, c'est la vie associative. Il y a aujourd'hui 15 millions de bénévoles, un peu plus d'un million d'associations, dans le sport, les loisirs, la culture, le social. Ce sont elles qui font vivre le lien social dans nos territoires et favorisent la cohésion sociale. Un grand nombre des bénévoles ont plus de 60 ans, 55 % des personnes âgées de plus de 60 ans ont une activité bénévole dans les associations. J'ai croisé comme vous de nombreux bénévoles, ce week-end, dans ma circonscription, ils sont très découragés à l'idée d'avoir à travailler deux ans de plus. On va décourager l'engagement associatif.

Vous critiquez beaucoup les 35 heures, mais elles ont eu au moins un mérite, c'est de dégager du temps pour l'engagement associatif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Là, vous allez crucifier toutes les volontés de ces retraités bénévoles qui sont au coeur des bureaux associatifs. Vous allez leur porter un coup fatal et vous en porterez la responsabilité.

Pour toutes ces raisons, nous devons mener le débat jusqu'au bout et vous devez reculer, entendre le message que vous ont adressé ces millions de Français mardi et prendre enfin la mesure de la crise que nous sommes en train de traverser par votre faute. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Beaucoup d'entre vous regardent au-delà des frontières, et je me disais qu'il y avait tout de même M. Geoffroy, Patrick Ollier et quelques autres qui ont la fibre gaulliste. Fermez les yeux, messieurs, pensez au général ! Que dirait-il de vous s'il vous voyait faire appel à l'étranger pour justifier des coups tordus ? Le mimétisme, c'est une camisole, et vous ne dites pas toute la vérité.

Prenons par exemple les Allemands, que vous connaissez bien, monsieur Bur, puisqu'ils sont de l'autre côté du Rhin. Leur réforme doit être mise en oeuvre en 2029. Savez-vous combien d'années de cotisation il faut en Allemagne pour avoir droit à la retraite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Trente-cinq ans, avec un niveau de pension inférieur au nôtre, c'est ça le problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Connaissez-vous les Allemands ? Rappelez-vous comment, à l'époque du CPE, ils regardaient avec espoir vers les rives de la Seine le peuple français se lever contre le gouvernement, parce que nous avons eu le courage de faire ce qu'ils n'osaient pas faire. C'est toujours la même situation. Nous ne défendons pas seulement les droits des Français. Comme depuis deux siècles, nous portons les espoirs et les valeurs progressistes bien au-delà de nos frontières. C'est nous qui donnons de l'espérance aux autres. C'est d'ailleurs une façon de donner des perspectives à l'Europe qui, telle qu'elle est construite aujourd'hui, désespère.

Et ne faites pas injure à nos collègues socialistes en disant que Schröder était socialiste. Il est administrateur de Gazprom (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), il n'est pas socialiste ! Vous confondez tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Frêche est-il socialiste ? Strauss-Kahn est-il socialiste ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

On a évoqué la démographie. Vous savez que la natalité est excellente chez nous, mais vous n'en parlez jamais…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…parce que vous dissimulez la vérité. Jusqu'à nouvel ordre, il y a un lien entre la natalité et la démographie.

Vous faites des comparaisons, mais vous savez bien que comparaison n'est pas raison, et vous péchez par omission, monsieur Bur. Le jour du jugement dernier, vous devrez en rendre compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

En Allemagne, le taux de natalité est de 1,4 enfant par femme, 1,31 en Italie. Il y a donc un problème, c'est vrai, chez les Allemands et chez les Italiens.

Chez nous, la situation est bien meilleure et il y a des richesses. La preuve, c'est que vous les répartissez d'une certaine manière. Il faut toujours faire de la pédagogie, surtout que vous avez la tête un peu dure, et, avec les documents que je vais vous montrer, je vais vous mettre le nez sur quelques réalités.

Ce premier schéma concerne l'augmentation des dividendes par rapport à la valeur ajoutée. Pour ne pas remonter jusqu'à Vercingétorix, on va partir de l'année calamiteuse de l'arrivée de sa majesté impériale rue du faubourg Saint-Honoré.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. En 1981 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce sont alors environ 15 % de la valeur ajoutée qui partaient en dividendes. Vous voyez où nous en sommes aujourd'hui ! Vous avez trouvé des sous à mettre dans les poches des actionnaires. Les dividendes ont augmenté et, dans le même temps, depuis que Nicolas Sarkozy est là, il y a eu – voyez ce deuxième schéma – 700 000 chômeurs de plus. C'est le résultat de votre politique, et c'est ce qui permet à Pierre Méhaignerie de prétendre que nous accordons plus d'aides sociales. Évidemment ! Vous fabriquez des chômeurs : la moindre des choses, c'est de ne pas les condamner à la famine comme certains d'entre vous seraient prêts à le faire.

Regardez maintenant comment ont évolué les cadeaux fiscaux aux actionnaires. Depuis que Nicolas Sarkozy est arrivé, ils sont passés de 19,4 à 30,7 milliards. Ce sont des chiffres de l'ACCOSS et de l'URSSAF, ils ne sortent pas de L'Humanité. Les riches, vous les aimez tant que vous les défendez avec zèle. Je vous comprends d'ailleurs. Vous êtes des travailleurs consciencieux, vous avez été envoyés ici pour cela et vous essayez d'être dignes de la confiance que les privilégiés vous ont accordée.

Les revenus supérieurs à 500 000 euros ont progressé de 80 % entre 2004 et 2009. Dans la même période, les foyers redevables de l'ISF ont progressé de 70 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Des riches, des privilégiés, il y en a, et vous les multipliez comme quelqu'un multiplia les petits pains ou les poissons.

Regardez maintenant cette photo. Dans certains pays, on aurait écrit « wanted ». Savez-vous qui c'est ? Carlos Ghosn. Son salaire est de 8 millions d'euros alors que 9 000 emplois sont supprimés chez Renault. Et ce n'est évidemment pas par les actionnaires, qui s'en mettent plein les poches, que les salariés seront indemnisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame Roig, vous vous indignez parce que vous défendez les vôtres, qui vous ont envoyée ici. Moi, je défends leurs victimes. Nous n'avons pas les mêmes amis, nous n'avons pas les mêmes valeurs. Vos valeurs, ce sont celles de la Bourse. Les miennes, ce sont celles du Panthéon.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Josée Roig

Ce sont celles du spectacle et vous êtes un mauvais acteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous, c'est Carlos Ghosn. Moi, c'est Victor Hugo.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Brard, vous avez tout à fait le droit de vous exprimer…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous me direz en vertu de quel article du règlement.

Il faut toujours faire référence aux sages. L'un de nos collègues l'a dit hier : quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Dord

Cela fait quarante-deux fois que vous la faites !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

On a parlé dans les affaires récentes de soutiens des partis politiques, mais on oublie l'essentiel. D'où vient la fortune de mamie Liliane ? C'est ça le problème. Et comment la réduit-on pour partager ? Donc, de l'argent, il y en a.

Monsieur le président, je ne vais pas vous montrer le document suivant parce que je sens que cela vous donnerait de l'urticaire. Il concerne M. Lagardère, dont la rémunération a augmenté de 46 % alors que le résultat net de son groupe baissait de 77 %.

Voilà vos amis, madame Roig, et je comprends que cela vous fasse entrer en transes parce que je lève le voile de vos turpitudes. Ce n'est pas du théâtre comme en Avignon, c'est la réalité, et je comprends que cela vous fâche.

On a parlé de délocalisations. J'avais prévenu M. Nicolin que j'allais parler de lui, il m'a répondu que, hélas, il ne serait pas là. Lui se met à genoux non pas devant la Sainte ampoule mais devant le Veau d'or. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et le Veau d'or, de nouveau, c'est mamie Liliane. On pourrait aussi citer Alain Delon, délocalisé fiscal, que le Président de la République a choisi pour représenter la France à Shanghai.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Quelle honte ! Ils trahissent la France, l'intérêt collectif, la solidarité, et ce sont eux que vous choisissez, adulez, soutenez. Nous, nous les vilipendons comme, hier, nous avons vilipendé les Coblençards, qui trahissaient la France. Il faut choisir dans la vie, surtout lorsqu'on est dans le champ politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame Roig, vous n'êtes pas venue pour rien aujourd'hui. Il faut choisir de quel côté l'on est. Nous, nous sommes avec les opprimés. Vous, vous êtes avec ceux qui les oppriment et les passent à l'essoreuse comme avec les vieilles machines à laver de nos grands-mères, où il ne reste ensuite plus rien dans le tissu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous êtes les suppôts de ce que l'on appelait autrefois les 200 familles. Votre devoir, en tant que représentants du peuple français, c'est de faire preuve de patriotisme, et l'on n'est pas patriote lorsque l'on est avec ceux qui combattent les intérêts de la France. Vous, vous les soutenez, et vous pleurnichez avec ceux qui sont déjà tellement riches mais qui expliquent que, si on leur en prend un peu, cela leur fera de la peine.

À propos d'ailleurs de mamie Liliane, j'ai de la compassion pour elle. Vous imaginez cette femme qui a éduqué sa fille avec tellement d'amour, avec des principes, pour qu'elle ait une vie droite, qu'elle ait de l'amour filial pour sa maman ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Si c'est vous qui le dites, ce n'est pas une raison pour vous croire.

J'en reste là. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) L'essentiel, et c'est notre rôle, c'est de faire tomber le masque, de montrer pour qui vous roulez, et de prouver que votre loi n'est pas nécessaire. Chaque année, la richesse du pays augmente en moyenne de 2 %, la question est de savoir comment on les répartit. Votre choix, c'est de les mettre dans les poches déjà pleines. Nous, c'est de les donner aux gens qui n'ont rien dans leur assiette. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Je ne ferai pas les mêmes rappels historiques que Jean-Pierre Brard,…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Vous n'avez pas non plus les mêmes capacités !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

…mais je présenterai certains éléments qui vont aussi vous plaire, je pense, mes chers collègues de la majorité.

Depuis deux ou trois jours que le débat a commencé ici, un certain nombre d'éléments se sont fait jour. M. Woerth a indiqué hier, et nous l'avons relevé, que cette réforme ne provenait pas d'un souci d'équilibre démographique mais qu'elle était le résultat de la crise, crise qu'il faut faire payer aux Français, en particulier ceux ayant les plus bas revenus.

Non seulement vous le reconnaissez ici, mais certains d'entre vous vont jusqu'à l'écrire. J'ai ainsi reçu une lettre de nos collègues Jean-Pierre Door et Arnaud Robinet invitant à une très intéressante réunion sur un « nouveau compromis social offensif pour les retraites ». Cette lettre exprime les choses de manière très claire : « La désindustrialisation, les délocalisations, la montée de l'exclusion et des emplois précaires ont contribué à dégrader le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités. Dans ce contexte, l'emploi est donc une variable fondamentale pour le financement de notre système de retraite. » Chers collègues, merci de cette franchise ! Quand nous le disons, nous, cela peut être sujet à caution, mais quand c'est vous qui l'écrivez sur papier à en-tête de l'Assemblée nationale, quand c'est vous qui le dites et que cela peut figurer au Journal officiel, cela devient beaucoup plus parlant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je continue de citer votre prose, datée de septembre 2010, sans plus de précision. Une petite phrase à la fin de cette lettre est particulièrement intéressante : « En principe, un projet de réforme sera prêt entre mi-juin et fin juin, et il sera examiné en juillet en conseil des ministres, avant d'être discuté à l'Assemblée nationale en septembre prochain. » Je ne sais pas si c'est dû au fait que M. Soubie n'avait pas encore terminé de rédiger les amendements, le projet de loi ou les explications de texte, mais il y a visiblement un problème dans la manière dont vous abordez le débat.

Puisqu'il est question sur les bancs de la majorité de « compromis social offensif », et que les arguments théoriques généraux ont été avancés par les uns et les autres, prenons deux cas concrets de salariés de ce pays.

Le premier est celui des personnels techniques des réseaux et infrastructures de transport, personnels d'État ou, après transfert des compétences, des collectivités territoriales. Ce sont ces personnels qui entretiennent nos routes, au quotidien et en cas d'intempéries, qui interviennent lors d'accidents de la circulation... Entre 45 et 54 ans, 4,7 % d'entre eux décèdent au cours de leur vie active, et, au-delà de 55 ans, ce chiffre monte à plus de 7 %. Un graphique illustre les accidents du travail que subissent ces salariés selon l'âge, toutes catégories confondues, mais davantage encore au plus bas de l'échelle. Je ne vous le montre qu'en passant, pour que le président ne me vitupère pas.

Ces personnels ont eu un avocat qui les a défendus magnifiquement. Je me permets de le citer afin de vous faire entendre ses mots pour parler de leur espérance de vie réduite, de la dangerosité de leur travail, des produits toxiques qu'ils manipulent, de leurs horaires décalés : « Les agents du corps d'exploitation des travaux publics de l'État sont à l'évidence dans le cas d'un métier pénible, sans bénéficier d'un régime de retraite leur permettant un départ anticipé sans perte financière. Ils encourent par exemple un risque d'accident du travail jusqu'à vingt fois supérieur à celui des autres agents du ministère. Le risque est quasiment doublé à partir de 45 ans. L'impact de la pénibilité de leur métier se mesure également après la vie active, lorsqu'ils ne sont plus exposés, car ils décèdent en moyenne trois ans et demi plus tôt que les autres agents retraités des catégories B et C de ce même ministère. » Les études qu'il a conduites « montrent que les risques et leur gravité augmentent considérablement avec l'âge » : « La pénibilité et la dangerosité des missions d'exploitation sont de plus en plus difficiles à supporter. Les arrêts de travail sont en moyenne deux fois plus longs chez les agents en fin de carrière. »

Leur avocat décrit donc une situation telle que ces agents ne sauraient travailler deux années de plus sans que leur condition devienne excessivement difficile. Aussi demandait-il pour eux « une bonification de leur temps de service qui permette un départ anticipé avec une pension à taux plein » : « Il serait juste que les agents ayant au moins quinze années de service actif bénéficient d'une bonification pour la liquidation de leur pension, qui permettrait d'anticiper leur départ à la retraite de cinq ans au plus, sans perte financière. »

Cet avocat de profession exerce en ce moment une autre activité. La lettre dont je viens de lire des extraits date du 15 octobre 2008 et est signée Jean-Louis Borloo (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), alors ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire – son intitulé ministériel a quelque peu changé depuis lors. Plus intéressant encore : cette lettre était adressée au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Éric Woerth. M. Woerth avait alors répondu à son collègue que le cas de ces agents serait pris en considération dans le cadre de la réforme des retraites. Il ne rejeta aucun de ses arguments.

Le cas très concret de ces agents publics de l'État pour lesquels sont intervenus deux ministres encore en exercice, même s'ils ont changé d'attributions, montre que la réforme que vous proposez – le recul de deux ans de l'âge de départ à la retraite – accroîtra pour ces personnels non seulement le risque d'accidents du travail mais également, et davantage encore, malheureusement, le risque de décès au cours de leur activité.

Je souhaite évoquer un second type de salariés, en prenant l'exemple d'un dirigeant qui a eu 60 ans et demi en 2009 et a fait valoir qu'ayant cotisé 38 ans dans l'entreprise où il a travaillé, il était normal qu'il bénéficie d'une retraite. Il s'agit de M. Henri Proglio. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

M. Proglio, autre salarié de ce pays, dans la même situation de salarié, normalement, que les agents qui s'occupent jour et nuit de nos routes, un homme qui allie par ailleurs compétence et talent, personne ne le nie, a ainsi déclaré dans Les Échos du 4 février 2010 : « Ayant cotisé pendant 38 ans dans l'entreprise, il est normal que je bénéficie d'une retraite à 60 ans et demi. » Veolia, qui lui a servi au moment de sa retraite une coquette somme, chiffrée à plusieurs centaines de milliers d'euros, a fait savoir que « l'ensemble des retraites perçues par M. Henri Proglio est limité à 50 % de sa rémunération brute au cours de ses trois derniers exercices », comme si la situation était on ne peut plus normale.

Des arguments assénés un peu vigoureusement vous laissent-ils sans réplique ? Ce qu'a versé Veolia, la Caisse nationale d'assurance vieillesse n'en a pas été privée ; nous ne sommes pas dans le cas de financements publics. Néanmoins, en quoi le projet de réforme des retraites que vous mettez aujourd'hui sur la table améliorera-t-il, dans le cadre d'un « compromis social offensif », pour reprendre le titre de la réunion qui se tiendra deux jours avant la manifestation du jeudi 23 septembre, la situation de ces agents de l'État que j'ai évoqués, comme le demandait M. Borloo à M. Woerth il y a deux ans ? En rien ! Au contraire, leur situation s'aggravera. Et en quoi la situation de salariés du type de M. Proglio, les revenus qu'ils perçoivent au moment de leur départ à la retraite participeront à un « compromis social offensif » ? En rien non plus ! Au lieu de corriger les inégalités, de diminuer les injustices sociales, votre projet de loi va les aggraver.

J'ai beaucoup parlé de la réunion préparée par nos collègues. Peut-être connaîtront-ils, du coup, un certain succès ? Deux jours avant la manifestation, ils pourraient inviter certains des manifestants ; ce serait intéressant.

Enfin, leur lettre comporte une phrase que je fais volontiers mienne : « La restauration de la confiance est également un élément essentiel pour rassurer les ménages sur leur avenir. » Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues de la majorité, quel que soit le résultat de nos débats, quel que soit le vote de l'Assemblée la semaine prochaine et celui du Sénat dans les semaines à venir, il y a une chose que vous n'aurez pas réussie, parce que la manière dont vous avez conduit les négociations et les discussions sont indignes du débat démocratique que nous attendions ; ce que vous n'aurez pas réussi, c'est à restaurer la confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

M. Roy s'étant félicité de l'état du pays qu'il citait, la Bolivie, je souhaite porter à sa connaissance quelques éléments d'information. Le taux de pauvreté en Bolivie est de 60 %. Il s'agit du 117e pays pour l'indice de développement humain. La France n'est après tout que le 8e, et je peux tout à fait comprendre que notre collègue souhaite aller en Bolivie, où l'espérance de vie est en outre de 66 ans, contre 77 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes en France. Choisissez d'autres exemples à l'avenir, monsieur Roy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

À ce stade de la discussion sur l'article 5, l'un des plus importants de cette funeste réforme, je me contenterai de trois observations.

Tout d'abord, monsieur le ministre, vous avancez à l'appui de votre projet des éléments démographiques qui seraient incontournables, comme si vous veniez de les découvrir. Certes, nous vivons plus longtemps dans notre pays, et c'est une bonne chose, mais vous oubliez de dire que si la durée de vie s'allonge, la richesse du pays augmente aussi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

En un demi-siècle, notre produit intérieur brut a doublé. Il ne convient donc pas de séparer les questions de démographie et d'allongement de la durée de vie de celles de l'augmentation de la richesse et donc de son partage.

Ensuite, je dénonce l'idée, que vous avez souvent mise en avant, selon laquelle aligner l'ensemble des dispositions vers le bas – comme vous le faites – serait une marque de solidarité, de justice. Chaque fois que vous supprimez des dispositions avantageant les salariés, vous le présentez comme une mesure de solidarité. Je ne peux l'accepter.

Enfin, permettez-moi d'appeler votre attention sur les pratiques d'un grand groupe, ArcelorMittal, cette entreprise qui possède un site à Gandrange que le Président de la République connaît bien puisqu'il y a entamé son voyage de noces.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

ArcelorMittal se sépare actuellement de 1 250 salariés. Comment procède-t-elle ? Elle demande à tous les salariés de plus de 57 ans de signer une rupture conventionnelle, cet instrument que vous avez inventé, le ministre Xavier Bertrand ayant porté le texte.

En échange, Arcelor-Mittal leur paie les trois années de salaire ainsi que le montant du rachat des années de cotisation nécessaires pour atteindre l'âge de la retraite. Ces pratiques démontrent que votre politique non seulement prive les régimes sociaux de cotisations sociales, mais écarte du monde du travail les salariés seniors, comme on les appelle. Et ce n'est pas tout ! Figurez-vous que l'entreprise, se trouvant ainsi démunie d'un certain nombre de compétences, va parfois rechercher ses anciens salariés afin de leur confier des missions sous le statut d'auto-entrepreneur. Je rappelle, de surcroît, qu'en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail, les salariés sont éligibles aux indemnités de chômage.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à vérifier l'existence de ce type de pratiques proprement scandaleuses – et je poserai directement la question au ministère du travail – qui ont cours également dans un certain nombre d'autres entreprises.

Nos collègues du groupe GDR ont été à l'initiative d'un débat sur le bilan de la rupture conventionnelle, lors duquel Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés, représentait le Gouvernement. Je lui ai soumis les cas que je viens de citer, mais elle a été incapable de me répondre. Elle m'a promis une réponse écrite, que je n'ai toujours pas reçue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Les ministres évitent d'écrire en ce moment !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ainsi que l'a excellemment démontré Alain Vidalies tout à l'heure, en portant à 62 ans l'âge légal de départ à la retraite, vous vous condamnez à piocher dans les caisses de l'UNEDIC – le Premier ministre lui-même l'a reconnu – pour donner à toute cette frange de travailleurs sans emploi âgés de 58 ou 59 ans des moyens de subsister.

L'article 5 est le coeur de votre injuste projet. C'est pourquoi je suppose que, tous, nous voterons les amendements tendant à le supprimer. En tout cas, nous, nous les défendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous avons fini d'entendre les orateurs inscrits sur l'article 5. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Mes chers collègues, mon intervention sera brève, car je vois la fatigue marquer certains visages.

J'ai écouté l'ensemble des interventions. Recherchant la part de vérité qu'elles pouvaient contenir (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), reconnaissant leur part d'excès et de caricature,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…je pensais au grand article que François Furet avait consacré dans Le Monde, quelques semaines avant sa mort, aux élections législatives de 1997. Il écrivait alors : « Sur l'emploi, la droite n'a pas dit grand-chose de peur de déplaire et la gauche a dit des choses fausses pour plaire. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je me demande si cette phrase n'est pas toujours d'actualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

J'ai le droit de m'exprimer, monsieur.

De ces cinq heures de débat sur l'article 5, je retire quelques leçons. Ainsi que l'ont souligné certains collègues de la majorité, deux faits nouveaux éclairent notre discussion. Tout d'abord, dans Le Parisien du 7 septembre, Martine Aubry a déclaré, et c'est le coeur du débat : « Je défends la liberté de partir à 60 ans, cela ne signifie pas donner une retraite à taux plein. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Ayez l'honnêteté de le dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette phrase explique, selon moi, l'absence de Martine Aubry lors du débat télévisé d'hier soir. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Ce n'était pas un débat. C'étaient des monologues !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Pourriez-vous me laisser m'exprimer ? Je vous ai écoutés sans faire de commentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Quant à Gérard Collomb, le maire de Lyon, il déclarait ce matin, dans le même journal : « Je ne comprends pas très bien la position du PS. Les socialistes doivent sortir du flou, de l'ambiguïté. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Depuis le début de la discussion, nous sommes dans le flou, l'ambiguïté et, j'ai parfois tendance à le penser, le mensonge.

Nous avons à faire face à des choix difficiles. À ce propos, je me souviens de l'audition par la commission – et certains de ses membres l'ont rappelé – de M. Bellanger, le président de la Confédération française des retraités, qui représente plusieurs centaines de milliers de retraités. Que nous a dit M. Bellanger ? « Notre confédération pense que le relèvement de l'âge minimum est inévitable. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Évidemment, une fois qu'on est retraité, on est tiré d'affaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Mais il ajoutait – et cela s'adresse à la majorité : « Ce relèvement ne serait injuste que si l'on ne prenait pas en compte la situation particulière des gens qui ont commencé très tôt leur vie professionnelle. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Pour être équilibrée, la réforme doit en effet prendre en compte la situation de ces personnes. Or, nous avons rappelé hier que, chaque année, 130 000 à 150 000 des 700 000 personnes partant à la retraite pourraient partir à 60 ans ou avant. Dans quel pays, cette solution est-elle prévue ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La plupart de ces personnes seront, je l'espère, des ouvriers qui ont commencé tôt leurs carrières et qui exercent des métiers pénibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, on nous dit que tout vient de l'Élysée,...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…mais nous avons travaillé durant quatre mois, et vous auriez pu vous associer à ces réflexions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Mes chers collègues, je vous en prie.

Poursuivez, monsieur le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Les solutions alternatives, vous les connaissez ; elles sont plus préjudiciables que celles que nous avons choisies.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

L'augmentation des cotisations des actifs entraînerait une perte de pouvoir d'achat et menacerait la croissance. Quant à l'augmentation des cotisations des entreprises et à la baisse des pensions, j'y reviendrai tout à l'heure.

J'ai écouté Mme Guigou, qui est partie, et M. de Rugy, qui a déclaré : « Vous n'avez pas les résultats de l'Allemagne en matière d'emploi. » C'est cocasse ! J'ai là un article du Monde dans lequel on peut lire que les Allemands, pour assurer la compétitivité et la croissance des emplois, ont réduit la durée des prestations chômage,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…les prestations sociales et les dépenses d'assurance maladie, revu la fiscalité,...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…augmenté la TVA et réformé les retraites. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Alors, que M. de Rugy ne nous dise pas que nous n'avons pas les résultats de l'Allemagne !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Vous faites la même chose, mais sans obtenir de résultats !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Reste, bien entendu, l'argument des revenus financiers et des hauts revenus, auquel je souscris. Oui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, si nous voulons penser aux Français qui ont manifesté ces derniers jours, des engagements doivent être pris, non pas dans le cadre de la réforme des retraites, mais lors du prochain débat budgétaire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ces engagements peuvent être annoncés dès maintenant. Il est vrai que les hauts revenus, qui ont pris l'ascenseur au cours des dernières années, peuvent participer à la réduction du déficit d'une façon plus significative que le seul prélèvement de 1 % qui a été prévu pour les retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Mes chers collègues, je pense à ceux qui sont inquiets, qui ont manifesté ces derniers jours ou qui envisagent de le faire le 23 septembre. Je leur demande d'étudier les mesures qu'ont prises les pays dont le taux de chômage est aujourd'hui inférieur à 5 % : ce ne sont pas celles que l'opposition nous a proposées, car elle va plutôt dans l'autre direction. Par ailleurs, y a-t-il beaucoup de pays qui permettent à 130 000 ou 150 000 personnes de partir à la retraite à 60 ans ou avant ? (« Dans quelles conditions ? » sur les bancs du groupe SRC.) J'en connais très peu. J'ajoute que des mesures de justice fiscale devront être prises dans le prochain budget. Enfin, je rappelle à ceux qui sont inquiets qu'après cette réforme, c'est en France que l'espérance de vie à la retraite restera la plus longue : 23 ans dans notre pays, contre 20 ans en Allemagne et 19 ans au Royaume-Uni. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Telles sont les raisons pour lesquelles cette réforme est à la fois efficace et juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 149 , 183 et 398 , tendant à supprimer l'article 5.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 149 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, pourquoi l'espérance de vie à la retraite est-elle la plus longue en France ? Précisément parce que les Français peuvent encore prendre leur retraite à 60 ans ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En tout état de cause, vous ne pouvez pas dire que cette espérance de vie demeurera la plus longue après la réforme ; nous n'en savons rien.

Vous évoquez la question démographique, mais il convient de la prendre en compte dans sa globalité. La France a la chance d'être l'un des rares pays d'Europe dans lesquels le renouvellement des générations est assuré. Selon l'INED, le taux de fécondité y est en effet de 2,14 enfants par femme. En Allemagne, le renouvellement naturel n'est plus assuré depuis 1972 et la population diminue depuis 2002 ; en Espagne, le taux de fécondité est de 1,4 ; en Suède, il est de 1,75 ; en Hongrie, la population a baissé de 8 % depuis 1982 ; en Lettonie, la population aura baissé de 26 % en 2060 ; au Portugal, les projections démographiques sont alarmantes ; en République Tchèque, le taux de fécondité est de 1,5 et en Italie, il est de 1,38 – il était même de 1,19 en 1995. Ces chiffres ne sont pas inventés : ils figurent dans un document de la commission des affaires sociales. On ne peut pas comparer un pays comme la France, où le renouvellement des générations ne pose pas de problème, et des pays qui, parce que leur population baisse, sont confrontés à un véritable défi démographique. Votre argument démographique n'est donc pas valable.

J'en viens maintenant à la question de la population active. La tranche d'âge des 29-59 ans est aujourd'hui proportionnellement plus nombreuse qu'il y a cinquante ans : 54,3 % contre 53,7 %. Mais le véritable problème, ce n'est pas le nombre d'actifs, c'est le nombre d'actifs qui travaillent. Or, actuellement, le taux de chômage est trop élevé. Les cotisations sont donc moindres et les caisses de retraite voient leurs recettes diminuer. C'est ce problème-là qu'il faut régler, et il n'a rien à voir avec la démographie.

On nous dit que les salariés prennent leur retraite à 61 ans et qu'il n'est donc pas gênant de repousser l'âge légal à 62 ans. Cela fait tout de même une année de plus et, à 60 ans, ça compte. Mais, surtout, pourquoi liquident-ils leur retraite à 61 ans ? Parce qu'ils ne sont déjà plus au travail : seuls 58 % des actifs âgés de 55 à 59 ans ont un emploi. Les entreprises considèrent en effet que ces travailleurs sont usés ; elles les mettent donc en longue maladie, en invalidité ou au chômage, notamment en utilisant la procédure de la rupture conventionnelle. Et qui paie ? Non pas les caisses de retraite, mais les ASSEDIC et l'assurance maladie. Vous prétendez régler le problème des retraites, alors que vous appauvrissez les autres branches de la sécurité sociale.

J'ajoute que, le dispositif « longues carrières » s'appliquant aux personnes ayant commencé à travailler avant 18 ans, le report de l'âge légal de départ à 62 ans implique que ceux qui ont commencé à 18 ans cotiseront 44 années.

En fait, vous vous satisfaites d'un taux de chômage élevé. Il vous permet de dresser les salariés les uns contre les autres, en désignant ceux qui ont un emploi comme des privilégiés qui doivent se serrer la ceinture pour ceux qui sont au chômage.

Votre solidarité, votre prétendue équité – ce mot que vous avez sans cesse à la bouche – ne s'applique, pour vous, qu'entre les travailleurs et ceux qui n'ont pas d'emploi, mais jamais entre les rentiers et les salariés ! Pour notre part, nous proposons que les rentiers paient plus, car les rentes, ça ne sert pas à grand-chose : ce qui sert, c'est l'investissement et le travail. Nous, députés du Parti de gauche et du Parti communiste, assumons le fait d'être pour un transfert vers le travail des sommes qui sont aujourd'hui affectées aux dividendes.

Pour ce qui est du fameux pourcentage de la valeur ajoutée, j'attire votre attention sur le fait que l'on prend systématiquement pour référence la date de 1983. Mais la part du travail dans la valeur ajoutée était de 85 % en 1945 et de 67,5 % en 1970 ; elle est remontée à 72,5 % en 1983, et elle est de 65 % depuis 1996. Il y a donc bien une baisse du travail dans la valeur ajoutée.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

C'est bien cela que nous dénonçons et voulons modifier en remontant la part du travail dans la valeur ajoutée, afin de remplir les caisses de retraite.

Pour nous, il faut en rester à l'âge légal de 60 ans. Comme nous l'avons déjà dit, votre loi, injuste socialement, est une contre-réforme revancharde, inspirée par des membres de l'UMP et du MEDEF qui n'ont jamais accepté le passage de 65 à 60 ans. C'est en fait une réduction générale du temps de travail que nous préconisons, au moyen des 35 heures – avec une évolution possible vers les 32 heures (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) – et du maintien de la retraite à 60 ans.

Vous ne cessez de répéter qu'il est normal de travailler plus longtemps : si l'espérance de vie augmente, alors la durée du travail doit augmenter. Mais pourquoi devrait-il en être ainsi ? D'où sort cette norme, si ce n'est de votre imagination ? Il n'y a aucun motif à ce que l'on travaille plus quand l'espérance de vie augmente ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'y a pas de raison de faire l'inverse non plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Pourquoi travaille-t-on ? C'est cela, la question, et pas de savoir si l'on attribue 100 %, 75 % ou 50 % des gains d'espérance de vie à la retraite !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

C'est le principe de la répartition, voilà tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Je vais y venir, monsieur le ministre.

J'ai envie de citer une phrase d'une chanson d'Henri Salvador, récemment décédé. Comme vous le savez, ce n'était pas un gauchiste, puisqu'il soutenait l'UMP – en l'occurrence, le candidat de l'UMP contre lequel j'étais en lice dans ma circonscription…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

Vous ne prétendez tout de même pas qu'il en est mort ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Dans sa chanson Le travail, c'est la santé, Henri Salvador disait : « Les prisonniers du boulot font pas de vieux os », ce qui me paraît une affirmation de bon sens ; songez-y !

Quelle est pour vous la signification du travail ? Est-ce une obligation morale ? À vous entendre, on pourrait parfois le croire. Ou n'est-ce tout simplement qu'une obligation d'augmenter les profits des entreprises ? M. Dord a souligné tout à l'heure que pour préserver la notation – une baisse de celle-ci pouvant aggraver la situation –, il fallait travailler plus. Mais pourquoi faut-il travailler plus ? Hier, c'était pour gagner plus. Aujourd'hui, c'est pour travailler mieux, ce que je trouve étonnant car l'expérience a montré que la qualité du travail diminue à mesure que l'on intensifie son rythme. Les travailleurs se trouvent d'ailleurs souvent dans une situation qui les mène au bord de la schizophrénie : ils voudraient pouvoir faire du bon travail, mais l'intensification des rythmes qui leur est imposée les en empêche. (« Les 35 heures ! sur les bancs du groupe UMP.) Non, ce n'est pas à cause des 35 heures (« Mais si ! » sur les bancs du groupe UMP), c'est l'organisation du travail dans les entreprises qui est à l'origine de cette situation insupportable.

Nous considérons que la finalité du travail n'est pas de travailler plus, mais de produire les biens dont la société a besoin. Lorsque ces biens ont été produits, ce n'est pas la peine de travailler plus, cela ne sert à rien, sinon à gaspiller, à produire des bien inutiles, des biens jetables. Pour prospérer, le capitalisme a inventé les biens de courte durée : autrefois, un lave-linge durait trente ans, aujourd'hui, il faut s'estimer heureux quand il tient sept ans, tant la qualité a diminué. Outre les désagréments pour les consommateurs, ce système est évidemment néfaste pour la planète.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Bon, ça suffit, on ne va pas passer deux heures là-dessus !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Contrairement à ce que vous affirmez, il n'y a pas de fatalité, pas de solution unique. Notre pays étant riche, le débat doit porter non pas sur la façon de travailler plus, mais sur la répartition des richesses, et nos propositions iront bien dans ce sens.

Par ailleurs, notre collègue Bur, je crois, nous a accusés de vouloir passer à la financiarisation des retraites…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

À la fiscalisation des retraites, effectivement. Mais ce n'est pas le cas ! Dans les retraites, il y a une part de cotisations, mais actuellement de nombreux éléments du salaire ne sont pas soumis à cotisations : je pense à l'intéressement, à la participation, aux stock-options. Si l'on soumet ces éléments du salaire à cotisations, on récupère déjà près de 5 milliards d'euros.

Vous ne parlez pas non plus de la partie « solidarité » – les trimestres pour les chômeurs, le minimum vieillesse –, qui peut être financée par la fiscalité. Si l'on avait une plus grande fiscalité, il n'y aurait pas de déficit du FSV.

Enfin, je veux évoquer la compensation entre régimes, dont on a découvert l'existence lors d'une audition. Savez-vous que la caisse de retraite des anciens commerçants – l'actuel RSI – est alimentée à hauteur de 4 ou 5 milliards d'euros par de la fiscalité, sous la forme d'une taxe sur les grandes surfaces ? Il existe déjà des éléments de fiscalité permettant la compensation entre régimes, ne venez donc pas nous dire, lorsque nous proposons d'augmenter la cotisation patronale et de soumettre à cotisations les stock-options, l'intéressement et la participation, qu'il s'agit d'une fiscalisation de la retraite ! En réalité, il s'agit simplement de faire participer tout le monde au financement des retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Anny Poursinoff, pour soutenir l'amendement n° 183 .

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais sans doute répéter des choses qui ont déjà été dites (« Ce n'est pas la peine ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

C'est la première fois que je défends un amendement dans cet hémicycle, peut-être sentez-vous une certaine émotion de ma part…

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

…et même si je déteste répéter des choses que d'autres ont déjà dites, il me semble que c'est la règle dans cet hémicycle, une règle à laquelle je vais me conformer cette fois-ci (« Vous n'y êtes pas obligée ! » sur les bancs du groupe UMP) car il s'agit en l'occurrence de choses importantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

L'idée que l'on ne puisse faire autrement que d'augmenter la durée de travail parce que la durée de vie augmente me semble complètement aberrante, car elle va contre le sens du progrès. Pour les humains, le progrès serait plutôt de travailler moins pour vivre mieux. Pourquoi les énormes gains de productivité obtenus au fil des années n'ont-ils pas bénéficié au travail ? Ces gains ont été accaparés par les plus riches – qui ne trouvent d'ailleurs rien de mieux à faire que de partir à l'étranger –, alors que, s'agissant de gains de temps libre, ils pourraient nous servir à avoir une vie meilleure.

L'objet de cette réforme est de nous prendre les deux années de retraite les plus agréables : entre 60 et 62 ans, on a souvent encore beaucoup d'énergie, on peut profiter de son temps libre, par exemple en s'investissant dans des associations. Ce que vous nous dites, c'est qu'après avoir trimé toute une vie, il va encore falloir continuer ! Cette période va être très dure à vivre pour les personnes qui ont des métiers difficiles : il y aura des accidents du travail, des gens vont tomber malades et ne pourront pas profiter de leur retraite. Prétendre que l'espérance de vie va continuer à augmenter, comme par magie, alors que l'on va travailler deux années de plus, n'a aucun sens ! Pour ma part, je suis persuadée que c'est impossible. Comment cela pourrait-il être le cas, alors que notre nourriture est contaminée par les pesticides, que notre eau est de mauvaise qualité, que nous sommes irradiés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

…et que nombre de nos concitoyens exercent des métiers très durs ? Ainsi, on ne sait pas du tout quel effet aura sur la santé le fait de passer, durant toute sa vie, la journée entière devant un écran d'ordinateur. Nous assurer que l'on va vivre plus vieux, alors que l'on va travailler plus pour gagner moins, me semble complètement stupide. Cette idée de prolonger la durée de la vie professionnelle n'est ni un progrès ni une fatalité. De nombreuses personnes sont descendues dans la rue pour exprimer leur souhait de voir supprimer cette disposition, et je les soutiens.

Je suis infirmière…

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

…et j'ai beaucoup travaillé auprès d'aides-soignantes, notamment à domicile. Ce sont des métiers extrêmement durs, qui nécessitent par exemple de soulever des personnes âgées hémiplégiques, de retourner des malades dans leur lit pour procéder à leur toilette. Franchement, je ne vois pas comment on va pouvoir demander à une aide-soignante de soixante ans de continuer à effectuer ces tâches épuisantes au moins deux années supplémentaires. Je ne sais pas comment vous en êtes venus à cette idée, alors qu'il existe d'autres solutions, financières notamment, qui ont été décrites, mais dont vous ne voulez pas entendre parler.

Pourquoi ne pas plutôt partager le travail ? Actuellement, les chômeurs servent d'épouvantails pour rendre les salariés dociles et leur faire accepter de bas salaires. Tel est votre discours : « Si vous n'acceptez pas les conditions de travail que l'on vous impose, si vous refusez de travailler plus longtemps, vous serez chômeurs et ne pourrez plus nourrir votre famille. » Ce n'est pas en faisant régner la peur que l'on bâtit une société de justice, une société où l'on se sent bien, où chacun peut vivre tranquillement en recevant sa part de travail et de richesse. Il faut donc supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Marisol Touraine, pour soutenir l'amendement n° 398 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je serai extrêmement brève, monsieur le président (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), puisque nous avons déjà eu l'occasion de prendre la parole tout au long de la journée pour exposer nos arguments. Je ne reviendrai donc pas sur l'injustice fondamentale que représente le relèvement de l'âge légal de 60 à 62 ans, pas plus que sur la nocivité de cette mesure dans le contexte actuel du marché de l'emploi.

En fait, je n'avais même pas prévu de prendre la parole pour soutenir cet amendement de suppression, mais j'estime que les propos de M. Méhaignerie ont dépassé les bornes. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je m'étonne d'une telle mauvaise foi de sa part, qui s'apparente à un péché commis au préjudice de la démocratie ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Les socialistes en ont pourtant l'habitude, de la mauvaise foi !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je comprends, monsieur le président de la commission des affaires sociales, que vous ayez les nerfs à vif, car votre commission a beaucoup travaillé. Elle a auditionné, elle a rencontré des experts, discuté, échangé, analysé…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Et après tout cela, vous n'avez toujours pas compris ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…tout cela pour quoi, au bout du compte ? Pour que l'Élysée envoie un projet sur lequel les députés n'ont absolument rien à dire, ne disposent d'aucune marge de manoeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je comprends fort bien que M. Méhaignerie trouve désagréable qu'on lui rappelle que tout se décide de l'autre côté de la Seine, alors qu'il a présidé à des travaux importants.

Par ailleurs, monsieur le président de la commission, il est toujours risqué de faire parler les morts, et pour ma part je ne me hasarderai pas à gloser sur les propos qu'a pu tenir tel historien célèbre que vous avez cité tout à l'heure. Permettez-moi cependant de vous rappeler que son vote ne vous a jamais été acquis ! (« Justement ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Quoi qu'il en soit, François Furet n'ayant jamais voté pour vous, vous n'avez pas à le citer pour nous donner des leçons !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Enfin, monsieur le président de la commission des affaires sociales, pouvez-vous affirmer qu'aujourd'hui la retraite à 60 ans se donne à taux plein ? Vous dites que Martine Aubry a expliqué dans la presse qu'elle voulait défendre la liberté de partir en retraite à 60 ans, ce qui ne signifiait pas la possibilité pour tout le monde de partir à 60 ans à taux plein. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Selon vous, il y a là une ambiguïté.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Dord

C'est Gérard Collomb qui a parlé d'ambiguïté !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Non, c'est M. le président de la commission qui a utilisé ce mot ! Monsieur Méhaignerie, pouvez-vous dire qu'un Français qui part à 60 ans bénéficie automatiquement d'une retraite à taux plein ? Vous ne pouvez certainement pas le dire, puisque c'est faux ! Pourquoi voudriez-vous que les socialistes s'engagent sur une chose qui n'existe pas actuellement, qui ne correspond pas à la réalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Les socialistes s'engagent à maintenir la liberté de partir à 60 ans, ce que vous êtes en train de remettre en cause. Ils s'engagent à garantir le bouclier social que représente l'âge légal de départ en retraite à 60 ans, que vous voulez remettre en cause, mais ils ne s'engagent pas à garantir à tous une retraite à taux plein, quelles que soient les conditions dans lesquelles ils ont acquis leurs droits – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, je le répète.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

C'est sûr, les socialistes ne s'engagent pas sur grand-chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

L'hypocrisie est de votre côté : c'est vous qui faites semblant de trouver des ambiguïtés là où il n'y en a pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, franchement, vous nous avez habitués à moins d'hypocrisie et à plus de qualité dans les débats que nous avons avec vous. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Dord

Quand on manque d'arguments, on commence à insulter ses collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur les trois amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

J'ai écouté les quarante-deux orateurs qui se sont exprimés depuis ce matin pendant nos six heures de débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

J'ai aussi écouté à l'instant nos trois collègues qui viennent de défendre leurs amendements et j'avoue, chère Marisol Touraine, que j'ai été un petit peu choqué par ce que vous venez de dire concernant le président Pierre Méhaignerie, car le médecin que je suis n'a pas noté qu'il avait les nerfs à vif.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

En revanche, je vous ai trouvée en légère crise d'hyperexcitabilité. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

J'ai la chance d'appartenir au COR depuis que Lionel Jospin l'a mis en place. Je crois d'ailleurs être le seul parlementaire dans ce cas et je ne le regrette absolument pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

C'est en effet une des seules choses pour lesquelles on puisse remercier M. Jospin !

Le COR est indépendant. Il produit un travail excellent et les réformes sur les retraites, aussi bien celle de 2003 que celle d'aujourd'hui, s'appuient sur ses travaux. Ce que nous voulons ici – et c'est aussi le but du COR –, c'est que tous les Français arrivent à la retraite en bonne santé afin de pouvoir en profiter.

Or je suis troublé depuis quelques jours car j'ai l'impression qu'il y a, plus particulièrement du côté du parti socialiste, une remise en cause de la retraite par répartition. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Ce matin, nos collègues communistes nous faisaient ainsi comprendre qu'il y avait leur version et la vôtre. Dominique Dord a bien insisté lui aussi sur ce point.

J'ai le sentiment que nous sommes tombés dans la politique politicienne au lieu de faire de la politique sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Parce que vous, vous ne faites pas de politique politicienne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Yves Bur vous a parlé tout à l'heure de l'Allemagne. Personnellement – mais je suis allé régulièrement dans ce pays avec des députés de gauche comme de droite –, je note qu'ils ont réussi là-bas leur réforme des retraites dans la paix et la tranquillité ; la gauche et la droite ont travaillé main dans la main.

À partir du moment où nous voulons garder le système par répartition avec un niveau de retraite décent, on doit s'appuyer sur les travaux du COR, qui démontrent bien que ce qui est proposé, c'est-à-dire le décalage progressif de l'âge d'ouverture des droits de 60 à 62 ans, est, du point de vue démographique comme du point de vue économique, la solution qu'il faut retenir.

Par ailleurs, on constate que, partout – en dehors des pays où le régime a été changé, c'est-à-dire où a eu lieu une réforme systémique et non paramétrique – où on a voulu garder le système par répartition, on a mis en place ce type de décalage.

Je voudrais ajouter à ce qui vient d'être dit à l'instant que, dans notre pays, actuellement, les deux tiers des personnes partent avec une retraite à taux plein.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Donc François Mitterrand a eu raison de mettre la retraite à 60 ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Monsieur Néri, je vous invite à rester aussi courtois que vous l'êtes habituellement.

Mme Billard a évoqué l'espérance de vie. Puisque M. Brottes ne veut pas que je lise les rapports,…

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

…je vous renvoie à mon texte. Il y est écrit, page 21, que l'espérance de vie après 60 ans était de seize ans en 1950. Actuellement, elle est de vingt-quatre ans et l'INSEE indique que, dans les années à venir, elle va encore augmenter. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

On ne peut donc pas dire, comme je l'ai entendu, que l'espérance de vie va diminuer.

Le constat est là : nous sommes dans un pays où l'on vit de plus en plus longtemps, et de plus en plus en bonne santé. N'oublions pas en effet que l'espérance de vie est liée à la condition générale. Or nous avons une excellente politique de santé par rapport à d'autres pays,…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Avec ce que vous faites au système de santé, c'est mal parti !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Vous savez bien que l'espérance de vie n'est pas la même pour tous !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

…et c'est pour cela qu'elle continuera à augmenter.

Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté ces trois amendements et j'émets donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur le vote des amendements identiques nos 149 et 183 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Vous avez raison, madame Touraine : il y a deux projets. Nous, nous repoussons l'âge légal de départ à la retraite, tandis que vous, vous baissez les pensions.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Mais qui parmi nous a parlé de baisser les pensions ? C'est n'importe quoi !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Ce sont donc bien deux projets différents. Celui du parti socialiste consiste à baisser les retraites. Ce qu'a dit hier Mme Aubry sur les 60 ans est clair : cela signifie la baisse des pensions.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Mais non, monsieur le ministre, ce n'est pas la baisse des pensions, et vous le savez bien !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

On peut garder la possibilité de partir à 60 ans, mais on part avec une super décote : c'est la super injustice.

Vous niez la question de l'âge, ce qui n'est pas possible. Si vous aviez accepté de considérer que toute discussion sur les retraites implique une discussion sur l'âge de départ, nous aurions pu négocier et considérer que tout était ouvert.

Regardez ce qu'ont fait d'autres pays. Pardonnez-moi de le redire au moins pour la vingt-cinquième fois, mais je me répète parce que vous vous répétez vous aussi sans arrêt.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Dans les autres pays, on a mis sur la table la question de l'âge de la retraite. Pourquoi ne le ferions-nous pas en France ?

Ce que dit Pierre Méhaignerie – et il a bien raison –, c'est que l'on peut repousser à 62 ans l'âge de la retraite tout en acceptant l'idée qu'une partie de nos compatriotes ne partira pas à cet âge pour un certain nombre de raisons précises, qui sont très simples : on partira à 60 ans – voire avant – si on a commencé à travailler très tôt, ou bien si l'on souffre de pénibilité dans son travail.

Quand on fait le total, que j'ai donné hier et que Pierre Méhaignerie a rappelé, cela donne 100 000 à 150 000 personnes, en intégrant les catégories actives de la fonction publique, sur une génération de 750 000 personnes partant à la retraite chaque année. Ce chiffre est très significatif. Je pense que l'on couvre l'ensemble des ouvriers et des employés ayant eu des carrières difficiles et pénibles. C'est donc un système parfaitement juste.

Vous niez aussi régulièrement le fonctionnement même du système par répartition. En effet, ce système porte pour ainsi dire dans son code génétique le fait que ce sont les actifs qui paient les retraites.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Vous dites sans arrêt que ce sont les salariés qui vont payer. C'est d'ailleurs une manière rapide de voir les choses, car ceux qui paient, ce sont les personnes qui cotisent dans les différents régimes de retraite – salariés indépendants, paysans, etc. Bref, ce sont les actifs qui paient les retraites : c'est en cela que consiste le système.

Il est bien naturel qu'à certains moments – Mme Billard l'a dit – le contribuable prenne le relais, car il faut financer le coût de la solidarité. Or, en France il est très élevé. Par exemple, dans le régime général – celui de la CNAV –, un tiers de ce qui est versé en pension l'est au titre de la solidarité. Il est donc normal que le contribuable finance le système. C'est bien le cas aujourd'hui et ce sera encore plus vrai à l'avenir, puisque les 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires que nous mettons, et qui concernent à la fois les entreprises et les particuliers, viennent abonder directement ou indirectement le Fonds de solidarité vieillesse.

La répartition, c'est bien cela : il est normal que les actifs fassent un effort pour les retraites, parce que le système de retraite est fondé sur ce principe. Mais il y a, à côté, un autre système, le système social, fondé sur toute une série de dispositifs qui concernent, non pas les retraités, mais des personnes dans une autre situation. Si l'on confond tout, on ne comprend plus rien à l'organisation du système français.

Vous niez aussi que la compétitivité des entreprises puisse être touchée par vos propositions. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Vous taxez les entreprises. C'est un choix. Mais quand on taxe les entreprises à la hauteur de ce que vous annoncez, on appauvrit évidemment la France, c'est-à-dire que l'on réduit la compétitivité, que l'on crée du chômage supplémentaire et donc de nouvelles difficultés pour le financement des systèmes sociaux et pour celui des retraites.

Enfin, vous niez l'idée qu'il y ait une relation entre la retraite et le travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

C'est un salaire différé, mais cela vous ne le savez pas car vous n'avez jamais travaillé !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Or la retraite est indissociable du travail. Si vous n'avez jamais travaillé, vous n'avez pas de retraite ; vous avez autre chose.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Il existe alors d'autres systèmes. Si vous avez choisi, à un moment donné, de travailler moins, vous avez une retraite plus petite que celui qui a choisi de travailler plus. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Et le chômage, qu'est-ce que vous en faites ? Ce que vous dites est scandaleux !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Il y a donc un lien indissociable entre les deux.

Le système de solidarité permet aux Français qui ont travaillé moins parce qu'ils ont subi le chômage ou qu'ils se sont arrêtés pour un certain nombre de raisons – la maladie, le handicap ou encore une maternité – de rester dans le système de retraite. Cela, c'est juste. Mais il est logique que quelqu'un ayant choisi de travailler moins ait aussi une retraite moins importante qu'une personne ayant décidé de travailler plus. C'est la logique du système par répartition. Si vous la niez, vous ne liez plus la retraite et le travail. Or ils sont indissociables. Au fond, la retraite et le travail, c'est la même chose.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Pour les carrières longues, je voudrais tout de même vous rappeler que vous n'avez eu aucun état d'âme, entre 1981 et 2002, à faire travailler les gens pendant 46 ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En effet, quand on partait à la retraite à 60 ans en ayant commencé à travailler à 14 ans – et il y a eu beaucoup de personnes dans cette situation, même si c'est moins vrai maintenant –, on avait travaillé 46 ans. Cela n'a jamais choqué personne à gauche dans cet hémicycle. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Maintenant,vous nous dites : « Mon Dieu ! les gens vont travailler 43 ans. » Mais à l'époque où vous étiez aux commandes, il y a des gens qui travaillaient 46 ans et vous n'avez jamais pris une seule mesure pour les empêcher de travailler aussi longtemps !

Au contraire, avec le dispositif sur les carrières longues, nous limitons la durée de cotisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Enfin, la mesure d'âge consistant à passer de 60 à 62 ans est une mesure juste. Il n'y a aucune injustice à augmenter la durée d'âge, parce que la durée de vie augmente…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

…et il y a bien un lien entre la durée de vie et la durée passée au travail.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

C'est ainsi parce que le système de retraite, en France, est organisé comme cela, et c'est le cas également dans tous les pays du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 149 , 183 et 398 .

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Des amendements favorables aux travailleurs !

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 150

Nombre de suffrages exprimés 150

Majorité absolue 76

Pour l'adoption 52

Contre 98

(Les amendements identiques nos 149 , 183 et 398 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 55 .

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Cet amendement, que j'ai déjà présenté tout à l'heure lors de mon intervention sur l'article 5, lie l'effort et la solidarité en prévoyant, plutôt que de relever l'âge de la retraite, d'allonger la durée de cotisation, en l'occurrence quarante-deux annuités en 2016.

D'ailleurs, j'aurais pu rectifier mon amendement pour qu'il se limite à cela. Évidemment, le dispositif doit être complété par un effort portant sur le taux d'activité des différentes classes d'âge, et en ayant aussi la volonté d'élargir les ressources de façon beaucoup plus significative, notamment en direction des revenus du capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

La solution proposée par cet amendement pour arriver à l'équilibre du système me laisse tout à fait perplexe. En effet, elle reviendrait, pour préserver notre système par répartition, à demander une durée de cotisation de 47 années. Dès lors, le report de l'âge légal paraît de beaucoup préférable. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

En France comme dans d'autres pays – pas dans tous – les droits à la retraite sont fondés sur une durée de cotisation et un âge. Les deux sont indissociables : il faut atteindre l'âge minimal de départ – aujourd'hui 60 ans, et 62 ans en 2018 – avec une durée de cotisation. Cette organisation est bonne.

Prétendre faire porter l'effort sur la seule durée de cotisation revient à tromper les Français : pour équilibrer le système de retraite comme nous le faisons en ne jouant que sur la durée, il faudrait que celle-ci atteigne quarante-sept ans. Ce serait totalement injuste, et inatteignable.

Le Gouvernement n'est donc pas favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

L'argumentation développée par le rapporteur et le ministre me paraît spécieuse. Vous raisonnez comme si l'on prenait uniquement des mesures démographiques !

En relevant de deux ans l'âge légal, vous n'arrivez pas plus à équilibrer le système des retraites, puisqu'il manque 15 milliards d'euros. Aucune mesure démographique ne suffira, seule, à rééquilibrer le système. Il faut donc d'autres mesures, et c'est ce que j'ai dit.

Je regrette que l'absence de simulations nous empêche de savoir ce que l'on obtiendrait en relevant la durée de cotisation à quarante-deux annuités d'ici à 2016, tout en relevant l'âge légal de la retraite d'ici à 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Le député qui vient de s'exprimer est logique : il sent bien que les gens, les salariés, les couches populaires, n'acceptent pas ce recul de l'âge légal. C'est évident, les manifestations l'ont montré et continueront à le montrer. Nous n'en sommes qu'au début.

Avec le Gouvernement, c'est la double peine : vous reculez de deux ans l'âge légal et vous augmentez la durée de cotisation ! Quand on regarde les études, même celles de votre ministère… – écoutez donc un peu ce que je dis, monsieur le ministre, cela vous servira puisque apparemment vous ne regardez même pas les études de votre propre ministère !

Les études de la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, montrent qu'aujourd'hui les entrepreneurs – je ne parle pas des petits entrepreneurs, qui travaillent, eux, je parle des autres ! – considèrent qu'à 58 ans et demi, les salariés sont fatigués et doivent prendre leur retraite. C'est d'ailleurs pourquoi on voit tant de seniors licenciés, liquidés ! J'ai le document ici, je peux vous l'apporter, cela vous servira.

Ensuite, deux ans, ça coûte cher ! Il y a aujourd'hui plusieurs millions de gens qui sont au chômage. Le Premier ministre a été formidable, de ce point de vue ; il l'a expliqué : ceux-là auront, pour terminer, l'assurance chômage. Excusez-moi, mais c'est aux patrons et aux organisations syndicales qu'il revient de négocier là-dessus !

Qu'est-ce que cela veut dire ? On prend d'un côté ce que l'on ne prend pas de l'autre. En tous cas, vous êtes comme un certain Guizot, bien connu dans l'histoire de France, à qui on demandait pourquoi il faisait toujours payer les plus pauvres. Eh bien, il répondait d'un ton solennel : « Vous n'avez pas compris ? C'est qu'ils sont les plus nombreux ! »

C'est la même politique aujourd'hui. C'est la double peine, disais-je : il faudra travailler plus longtemps, alors qu'il y a des millions de gens au chômage ; il faudra cotiser en même temps plus longtemps. On peut même laisser l'âge légal à 60 ans : c'est ce que propose ce député de la majorité, qui sent bien que les réactions à ce projet de loi sont très mauvaises ; mais il veut tout de même faire baisser le niveau des pensions !

On licencie les gens à partir de 55 ans et demi ; ceux qui continuent à travailler devront le faire jusqu'à 62 ans, alors que le chômage augmente ; et avec la précarité, la flexibilité, les carrières hachées, beaucoup, même si on laissait l'âge légal à 60 ans, verront de toute façon le niveau de leur pension baisser, à cause de l'allongement des années de cotisation. À 60 ans, beaucoup n'auront pas assez d'annuités et subiront la décote ! Les pensions sont pourtant déjà terriblement basses.

C'est pourquoi il faut une autre réforme, et notamment d'autres formes de financement. La Cour des comptes vous en a suggéré, le Conseil d'orientation des retraites aussi. Monsieur le rapporteur, vous disiez que vous étiez le seul ici…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

J'y suis depuis le début moi aussi. Je rétablis tout simplement la vérité, c'est M. Jospin qui a eu l'honneur de nous nommer.

Il y a donc des propositions. La Cour des comptes le dit : les exonérations patronales, cela fait 63 milliards d'euros, alors que, comme le disaient Philippe Séguin et la Cour des comptes, ces exonérations ne créent pas un seul emploi et n'ont qu'un effet d'aubaine ! En traduisant le langage fleuri de notre regretté collègue, ça fait des gros cadeaux pour les grandes entreprises, qui font déjà des profits tout à fait extraordinaires.

C'est pourquoi je comprends, mais je suis contre. Vous parliez de compétitivité. Je viens de voir que la productivité des salariés français est la plus élevée de tous les pays industrialisés, et même du monde ! Je viens de voir aussi – je vous donnerai le tableau, si vous ne l'avez pas vu – que la France a gagné une place en compétitivité par rapport à l'an dernier, alors que vous prétendez qu'elle faiblit. Ça veut dire que ça travaille dur !

Comme disait Bernard Thibault, au lieu de faire travailler toujours les mêmes toujours plus et toujours plus longtemps, travaillons tous ! Faisons travailler les millions de chômeurs ; mis au travail, ils produiront de la richesse ; ensuite, répartissons autrement ces richesses-là.

Les entreprises du CAC 40 se portent très bien, alors que ce sont elles qui nous ont menés dans la crise que nous connaissons : la question de la démographie ne se pose plus, la vraie question, c'est la crise, comme l'a dit M. Fillon. Or ce sont les entreprises du CAC40, à qui on a donné quelques centaines de milliards, qui sont responsables de la crise. Oh, mais elles, elles se portent bien, elles profitent de la crise ; elles ont augmenté leurs profits de 85 %. Et à qui veut-on faire payer la crise ? Aux salariés, aux couches populaires, aux gens simples. Ce sont eux qui seront les plus frappés !

Je suis donc tout à fait contre cet amendement, mais je voulais donner cette explication. Ce projet de loi instaure la double peine. Certains veulent en infliger une seule, d'autres veulent une double peine : c'est trop, et trop, c'est trop.

(L'amendement n° 55 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 52 .

La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Avec cet amendement, auquel j'associe bien sûr notre éminente collègue Valérie Rosso-Debord, il ne s'agit pas de remettre en cause l'âge de départ à la retraite fixé à 62 ans, mais simplement de mettre l'accent sur des situations singulières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Pour les assurés nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951, c'est-à-dire qui auront 60 ans au cours du second semestre 2011, le recul de l'âge légal de départ à la retraite entraîne une modification substantielle de leurs anticipations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Cette modification est particulièrement dommageable pour ceux qui, chômeurs de longue durée, épuiseront leurs droits à l'assurance chômage au cours de l'année 2011. Ceux-ci risquent en effet de se trouver sans ressources pendant une période de quatre mois, voire plus dans le cas où la fin de l'indemnisation chômage ne coïncide pas avec la retraite initialement prévue.

On peut bien sûr envisager d'appliquer à ces situations le dispositif « allocation équivalent retraite », mais alors celle-ci devra être adaptée pour compenser intégralement l'allocation chômage versée.

C'est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

C'est un problème réel, qui a été évoqué récemment en commission ; nous en avons longuement parlé entre nous. Interrogé sur cette proposition formulée par Jean-Pierre Nicolas et Valérie Rosso-Debord, auxquels s'associent de nombreux parlementaires sur tous les bancs, le Gouvernement nous avait indiqué qu'il réfléchissait.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de vos réflexions ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Pas du tout, nous pouvons vous répondre sans téléphoner à l'Élysée.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Nous devons continuer à travailler sur le sujet que vous évoquez, monsieur Nicolas, puisque en commission j'avais indiqué – à la suite d'une demande de Valérie Rosso-Debord – que le Gouvernement était évidemment tout à fait prêt à travailler sur la continuité entre les systèmes sociaux et la retraite, et que ce lien se ferait grâce à l'allocation équivalent retraite.

Nous en avons parlé en commission ; M. le Premier ministre a confirmé hier nos indications ; nous sommes en train d'y travailler. Une grande partie des mesures à prendre sont d'ordre réglementaire, et nous serons amenés – d'ici, je l'espère, à la fin du débat – à vous proposer des mesures de la nature que vous demandez. Bien sûr, elles seront prises comme nous l'avons dit en commission et comme le Premier ministre l'a indiqué hier.

Compte tenu de ces explications et de ces engagements, je vous serais reconnaissant de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font, comme dirait M. Méhaignerie !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Ils ont beaucoup réfléchi, mais ils ne savent toujours pas ce qu'ils font.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Je note l'engagement du Gouvernement de procéder à un pointage pour que les assurés qui se trouvent dans cette situation ne soient pas défavorisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Dans ces conditions, avec l'accord de ma collègue Valérie Rosso-Debord, je retire l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'amendement n° 52 est repris par M. Gremetz.

La parole est à M. Alain Vidalies.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il y a des limites à tout. On nous explique depuis des heures qu'il n'y a que cette réforme qui soit possible et puis, tout d'un coup, quand on passe aux travaux pratiques, on s'aperçoit que des gens qui sont nés en 1951, après le 1er juillet, vont se trouver, après le vote de la loi, dans l'impasse pendant quatre mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Mais il faudrait aussi s'intéresser au cas des gens qui auront 60 ans entre le 1er juillet et le 31 décembre 2012. Eux, ce n'est pas pendant quatre mois qu'ils vont se trouver dans l'impasse, c'est huit mois. Et pour ceux qui auront 60 ans en 2013, ce sera douze mois.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

C'est l'application de ce que vous nous demandez de voter.

Il est extraordinaire, voire extravagant, de vous entendre dire – la perspective des élections cantonales y est peut-être pour quelque chose – que des gens vont se trouver dans une impasse. Le Gouvernement a dit qu'il allait réfléchir, M. Soubie réfléchit toujours, donc nous n'avons pas de réponse.

Mais, monsieur le ministre, je voudrais revenir sur une question que je vous ai déjà posée plusieurs fois et à laquelle vous avez fini par me dire que vous alliez réfléchir. Elle porte sur la situation de 50 000 à 80 000 personnes, vous êtes le seul à connaître exactement le chiffre, qui ont quitté leur entreprise il y a deux ou trois ans, à la suite de licenciements économiques ou dans le cadre des ruptures conventionnelles par exemple, et pour qui un projet de sortie de crise prévoyait la prise en compte de la période maximale d'indemnisation par l'UNEDIC, parfois relayée par les entreprises, pour faire la soudure avec la retraite à 60 ans. Que va-t-il se passer pour elles ? Si on applique votre texte, elles vont se trouver pendant quatre mois, huit mois, un an, voire deux ans, sans ressources. Je connais un cadre de la caisse d'épargne dans ce cas, il va se retrouver quatre ou huit mois sans rien parce que la convention avait été signée au mois de janvier.

Certes, vous m'avez répondu que vous alliez réfléchir à la question, mais il ne s'agit pas seulement de proposer l'AER, il s'agit de respecter, alors qu'un engagement public a été pris, les droits de ces personnes.

Nous discutons sans savoir ce que vont faire les responsables pour les retraites complémentaires, ce qui n'est quand même pas rien, et les partenaires sociaux pour l'indemnisation du chômage, sans savoir ce qu'il va être possible de faire pour l'AER. Alors, évidemment, devant l'impasse, on en arrive à cet amendement dans lequel on se demande s'il ne serait pas prudent de suspendre la loi pour les premières personnes qui sont concernées. À mon avis, vous auriez mieux fait d'y réfléchir avant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Les députés de la majorité et le Gouvernement lui-même ne peuvent accepter ce genre de situation, mais, même si c'est mieux que rien, l'amendement proposé ne règle qu'une petite minorité des problèmes posés.

Monsieur le rapporteur, je sais que vous avez l'habitude d'écouter plutôt l'Élysée, mais je voudrais que vous m'écoutiez.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Vous n'avez pas écouté le Conseil d'orientation des retraites, vous ne m'écoutez pas, mais ce n'est pas nécessaire puisqu'on vous a tout écrit et qu'il n'y a plus qu'à appliquer.

Si vous aviez entendu hier le plaidoyer, pas très chaleureux d'ailleurs, pas très enthousiaste, du Premier ministre pour défendre laborieusement son projet, tout seul évidemment, sans contradicteur, ce genre d'émission n'est pas fait pour débattre, vous sauriez que des centaines de milliers de personnes vont se retrouver sans rien, au chômage, et que ce sera aux acteurs sociaux de discuter et de décider comment résoudre ce problème. Ces gens seront hors la loi. Quel va être leur avenir ? Si la loi s'applique telle que vous la proposez, ils n'auront rien du tout. Il faut régler cela entre les organisations syndicales et le MEDEF mais les organisations syndicales disent qu'il n'y a jamais d'accord possible avec le MEDEF. D'ailleurs, le MEDEF reconnaît, dans un journal sérieux comme Les Echos, que la loi proposée par le Gouvernement lui va bien. Il n'a pas de remarques à formuler.

On va prolonger l'allocation équivalent retraite, mais cela concerne qui ? Je comprends le souci du député qui a déposé cet amendement, parce qu'il se rend compte que des gens vont se retrouver dans cette situation, et qu'il propose donc de prolonger un peu plus l'AER. Il essaie de résoudre les problèmes de ces gens qui l'ont interpellé, sans aucun doute.

Ce texte ne vaut rien, ou plutôt il est très dangereux, très injuste, mais il n'est pas encore voté. Certes, il peut passer ici parce qu'on est revenu au temps où les députés avaient le petit doigt sur la couture du pantalon…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Oui, c'est ça, quelqu'un appelait godillots les députés qui ne font que voter ce qu'on leur demande de voter de là-haut.

Donc je reprends cet amendement pour voir si vous allez avoir le courage de voter, mes chers collègues, cette toute petite amélioration pour une petite catégorie de gens. Si vous ne le faites pas, c'est sûr que ces gens-là vont payer. Ce n'est pas un grand amendement mais le fait que je le reprenne va nous permettre de voir où en sont les députés de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Je voudrais dire à M. Gremetz que si lui était, hier soir, devant sa télé, moi j'étais ici dans l'hémicycle, à effectuer mon travail de député, profitant cependant de la pause pour regarder une partie de l'émission.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Moi, j'étais à Marseille et je débattais des retraites avec les gens, pas avec les godillots d'ici !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

En commission, j'ai reconnu que la question de Valérie Rosso-Debord, qui indiquait que ces personnes risquaient, si nous ne faisions rien, de se retrouver sans ressources dans quelques mois, était une vraie question.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Je sais que le Gouvernement travaille sur ce sujet car j'avais posé la question en tant que rapporteur. J'avais demandé s'il y avait des pistes. Une solution avait été avancée, celle de l'AER.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

M. le ministre avait répondu que nous allions prolonger et adapter le dispositif existant. Notre ami Alain Vidalies lui-même avait indiqué que l'amendement lui semblait justifié, qu'il était même heureux de constater que le Gouvernement parlait du fonds de réserve et de l'AER, qui avait été imaginée en son temps par le parti socialiste. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.). Il avait même ajouté que cette contribution pourrait réparer les dégâts de la réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Nous sommes là sur une excellente piste. Le Gouvernement s'est engagé à l'étudier, il faut la chiffrer. Nous sommes dans l'équilibre. La commission, dans sa sagesse, a rejeté les amendements mais, comme le ministre vient de l'indiquer, la réflexion se poursuit. En tout cas, je puis vous assurer que nous serons aussi vigilants que vous vis-à-vis du Gouvernement en qui nous avons totalement confiance.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Le Gouvernement prendra bien évidemment les mesures qui s'imposent pour couvrir tous les cas des personnes qui seraient par exemple au chômage mais qui auraient cotisé assez pour partir aujourd'hui à taux plein et qui seraient décalées par le dispositif de l'allocation équivalent retraite. L'amendement va dans ce sens mais il ne couvre pas tous les cas de figure. Il faut une réponse plus globale.

Le Premier ministre a défini hier les contours d'une réponse plus globale. Le Gouvernement est en train de travailler avec les différents ministères concernés, il n'y a pas que le ministre du travail qui soit concerné. Nous proposerons, en cours de discussion, un dispositif complet pour couvrir, dans le cadre de la répartition des pouvoirs entre les uns et les autres, assurance chômage et autres, les situations de précarité dues au report de l'âge de la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Avec mon collègue Nicolas et de nombreux autres députés UMP qui avaient souhaité qu'une réponse soit apportée à cette question, nous sommes un peu étonnés de voir nos amis socialistes, tout comme hier sur l'amendement de M. Bertrand permettant le versement des pensions le 1er du mois, venir un peu à la remorque d'une bonne idée afin de pouvoir éventuellement s'y raccrocher comme à une roue de secours. Mais enfin, c'est une habitude.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Il se trouve que c'est la majorité qui a rédigé cet amendement et que c'est elle qui interroge le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Les questions ont été posées, les réponses qui nous sont apportées nous satisfont.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Nous faisons confiance au Gouvernement et au ministre, qui est un honnête homme.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Votre amendement essaie de gommer la première application de la loi que vous défendez. Quelle rationalité ! Alors, ne nous donnez pas de leçons.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Sur l'équilibre général, j'aimerais bien comprendre ce que vous êtes en train de faire.

M. le Premier ministre a expliqué hier que la moyenne des retraites en France – c'est une moyenne, cela pourra choquer des gens qui reçoivent moins – s'élevait à 1 100 euros. Le fait de reporter de 60 à 62 ans l'âge légal de la retraite fait que des gens vont se retrouver sans rien parce qu'ils seront en fin de droits. Et quand on vous dit que vous allez faire payer le prix de la crise aux plus pauvres, aux gens qui sont les plus en difficulté, vous nous répondez, comme M. le rapporteur à l'instant, que vous aussi, à droite, vous prenez en compte cette situation humaine et que vous allez prolonger l'AER. Mais quel est le montant de l'AER ? 980 euros par mois.

Seriez-vous en train de nous dire que vous allez verser aux personnes concernées une allocation mensuelle de 980 euros par mois au titre de l'AER alors que le niveau moyen des pensions est de 1 100 euros par mois ? Qui peut croire à cette histoire ? Qui va payer ? Pourquoi faites-vous cette réforme si c'est pour faire payer par les fonds de l'UNEDIC ce qui l'est aujourd'hui par les fonds de la retraite ? Cela n'a strictement aucun intérêt ! Il y a un loup quelque part. Nous aimerions bien savoir.

Monsieur Jacquat, si vous pensez vraiment que cette réforme n'est acceptable qu'à condition que l'AER couvre toute la période pendant laquelle des centaines de milliers de personnes n'auront plus accès à la retraite et seront dans une pauvreté absolue, cela signifie que ni vous ni l'UMP ne voterez le texte à l'issue de la navette si le Gouvernement ne propose pas un dispositif répondant à votre demande. Moi, je note votre engagement et je vous donne rendez-vous. Que vous ayez une réponse favorable le moment venu n'a aucun sens si la préoccupation du Gouvernement est de résoudre un problème financier. Vous voyez bien que l'on est en train de raconter des histoires. Quand on passe aux travaux pratiques, vous êtes vous-mêmes effrayés par les conséquences sociales de votre propre réforme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Nous sommes au coeur du sujet. On nous dit que des centaines de milliers de gens vont se trouver dans la misère, mais que le Gouvernement réfléchit et va trouver une solution. Notons qu'il n'a toujours pas réfléchi et qu'il n'a toujours pas trouvé de solution. Ne pas penser aux dégâts humains que va causer la réforme que l'on est en train de faire, pour nous parlementaires, ça fait drôle ! Certes, nous ne serons pas touchés ici, mais cela concerne beaucoup de gens. On a posé la question au Premier ministre hier et il a donné la réponse. Cela a été tranché à l'Élysée et la réponse va rester la même : c'est l'UNEDIC, les assurances chômage qui vont devoir prendre en charge la situation, à condition que le MEDEF et les organisations syndicales aboutissent à un accord. Or, selon celles-ci, un tel accord ne pourra jamais être trouvé sur ces questions. La négociation risque de durer dix, douze ou quatorze ans, et pendant ce temps que fera-t-on pour ces gens qui n'auront aucune ressource ?

On nous parle d'une proposition que l'on nous fera au cours de la navette. Cela veut déjà dire que l'on n'a pas pris le temps de la réflexion. Mais, admettons que cela soit vrai, pourquoi ne commencerions-nous pas par adopter cet amendement qui touche une petite minorité de gens, quitte à le remplacer ensuite par le bon amendement que nous présentera le Gouvernement et qui s'adressera aux centaines de milliers de gens concernés ? Comme le dit le dicton populaire, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ! C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues de la majorité, de voter l'amendement déposé par l'un d'entre vous, qui me paraît aller dans le bon sens sans pour autant résoudre le problème, loin s'en faut ! Au moins, nous verrons s'il y a une volonté politique dans tout ça ! Vous voyez que je ne suis pas extrémiste moi, contrairement à ce qu'on dit ! Je ne suis pas pour le tout ou rien !

En adoptant cet amendement, nous ferions au moins un petit pas, car cela fait longtemps que je suis parlementaire et je sais bien ce que deviennent les propositions que l'on doit nous faire au cours de la navette : elles se perdent toujours en route dans les formidables bouchons qui se créent entre le Sénat et l'Assemblée nationale ! Résultat : les promesses sur des points essentiels n'ont jamais été tenues. Alors, montrez votre bonne volonté, mesdames, messieurs de la majorité, et votez l'amendement déposé par votre collègue, qui prend en compte un vrai problème, même s'il ne le résout qu'au centième. Un centième vaut mieux que rien du tout !

(L'amendement n° 52 n'est pas adopté.)

(L'article 5 est adopté.)

Article 5

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est reprise.

Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements, nos 580 et 117 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Christine Marin, pour soutenir l'amendement n° 580 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Marin

Cet amendement oecuménique ne devrait pas soulever de passions.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Marin

Il s'agit de supprimer la limite d'âge pour les membres des conseils d'administration des caisses primaires d'assurance maladie. Aujourd'hui, cette limite est à 65 ans, ce qui ne correspond plus vraiment aux réalités sociologiques et démographiques de notre pays. Surtout, elle est en pleine contradiction avec l'esprit de la réforme des retraites. J'avais présenté une proposition de loi tendant à supprimer cette limite d'âge et je profite de ce texte pour vous demander d'y mettre définitivement un terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 117 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Cet amendement poursuit le même objectif que celui de Mme Marin : le hasard fait bien les choses ! Par souci de cohérence avec ce projet de loi, il vise à porter à 67 ans l'âge limite pour les membres des conseils d'administration des caisses.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Ces amendements sont tous deux de bon sens. La commission a préféré l'amendement n° 117 rectifié pour des raisons rédactionnelles, mais tout le monde est gagnant dans l'opération. Donc, avis favorable à l'amendement n° 117 rectifié et défavorable à l'amendement n° 580 , bien qu'il y ait peu de différence entre les deux.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Le Gouvernement est du même avis que la commission. Vous poursuivez le même but, madame Marin. Il y aurait là un décalage de deux ans, ce qui signifie que l'on pourrait être désigné membre du conseil d'administration d'une caisse jusqu'à 67 ans. Les mandats étant de six ans, on pourrait ainsi aller jusqu'à 73 ans. Cela dit, je précise qu'il n'y a pas de limite d'âge pour les représentants des retraités.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Madame Marin, peut-on considérer que vous retirez votre amendement et que vous cosignez le 117 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Marin

Absolument, je cosigne des deux mains, si M. Tian l'accepte.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Bien évidemment.

(L'amendement n° 580 est retiré.)

(L'amendement n° 117 rectifié est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. François Bayrou. (M. le président ne prononce pas la diérèse.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Comme nous nous connaissons depuis plusieurs dizaines d'années, monsieur le président, je peux peut-être vous rappeler une fois de plus qu'on ne dit pas « Bayrou » (prononcé sans la diérèse), mais « Bayrou » (M. Bayrou prononce à la béarnaise). Permettez-moi cette petite coquetterie d'identité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je vous prie de bien vouloir m'en excuser, car en prononçant je me suis rendu compte de mon erreur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Voilà donc pour la première rectification.

J'en viens à la seconde. Il y a eu à l'instant une passe d'armes entre Pierre Méhaignerie d'un côté et Mme Marisol Touraine de l'autre autour de François Furet. Pierre Méhaignerie a cité une phrase de François Furet, Mme Marisol Touraine a contesté car, dit-elle, « jamais François Furet ne vous a donné son vote. »

J'aurais dit à Mme Marisol Touraine si elle avait été là…

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Et je dis à ceux qui l'applaudissaient avec enthousiasme, qu'elle aurait été bien inspirée de se renseigner auprès de ceux qui connaissaient bien François Furet, et qui ont bien connu et aimé l'évolution de sa pensée.

Puisque nous sommes là uniquement dans le domaine des intuitions, je voudrais vous donner lecture du dernier article de François Furet, paru dans Le Débat la veille de sa mort. Il est mort d'un accident cérébral en jouant au tennis, comme vous le savez, et voici ce qu'il écrivait dans l'article publié dans le numéro que Le Débat a publiéen hommage à son oeuvre. Il y parlait des élections de 1997, et du chômage, qui avait servi de thème à cette élection :

« Comme le remède en ce domaine passe avant tout par une diminution du coût du travail, et donc par un allégement des dépenses sociales, cette voie n'est pas facile à mettre en oeuvre ni même à proposer, tant la protection sociale est devenue un tabou dans l'opinion, sans parler des multiples intérêts organisés autour du maintien du statu quo. De ce fait, la droite n'a pas dit grand-chose, de peur de déplaire, » – c'est la phrase que citait Pierre Méhaignerie – « et la gauche a proposé de fausses solutions, pour plaire […].

« Ces craintes, jointes à celles que provoquait l'indispensable réforme de la sécurité sociale entreprise par Juppé, avaient soudain formé comme un sentiment national […] loin d'ouvrir l'histoire nationale sur l'avenir, elles en sont la crispation parodique. Elles ont la tristesse des utopies mortes, dont elles rejouent la partition sans y croire. Elles forment l'héritage naturel et mélancolique du mensonge mitterrandien. »

Voilà ce que François Furet écrivait ; ce sont les dernières lignes qu'il a écrites avant de mourir, ce qui devrait donner une indication sur son vote à Mme Marisol Touraine.

C'était la seconde rectification : cela arrive à tout le monde de dire des bêtises.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Ceux qui ont aimé François Furet voulaient juste corriger cette affirmation.

Ce n'est pas pour cela, naturellement, que j'ai demandé la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Je l'ai demandée car nous arrivons au noyau dur de l'injustice de ce texte. Je n'ai pas partagé l'avis de ceux qui voyaient dans la transition de 60 à 62 ans une injustice, ou un texte scélérat, car je pense nécessaire au contraire de rééquilibrer nos régimes de retraite.

Mais je pense que la profonde injustice de ce texte se trouve dans la transition de 65 à 67 ans, pour ceux qui n'auraient pas acquis le nombre d'annuités nécessaires. Nous ne devrions pas l'accepter, et je souhaite développer quelques arguments en ce sens.

Le premier de ces arguments est que je pense, monsieur le ministre, que vos chiffres sont faux, qu'ils sont biaisés, et que la présentation qui en est faite cherche à abuser la représentation nationale et l'opinion. Ou alors vous avez été abusé vous-même par ceux qui vous ont raconté ce que vous avez répété à satiété, ainsi que le Premier ministre hier soir encore, qu'il y aurait dans cette mesure un tiers du financement de la réforme. Je prétends que c'est faux, en reprenant vos chiffres.

Vos chiffres sont les suivants : 18 % d'une classe d'âge fait valoir ses droits à la retraite à l'âge de 65 ans au lieu de les faire valoir préalablement. Parmi ceux-ci, il y a 60 % de femmes et 40 % d'hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Il se trouve que 44 % des femmes seulement arrivent à obtenir les annuités d'une carrière complète, alors que 86 % des hommes y parviennent, ce qui signifie aussi que la pension des femmes est inférieure de 42 % en moyenne à la pension des hommes.

Si donc il n'y a que 18 % des personnes qui partent à 65 ans, si les femmes sont très largement majoritaire au sein de ces 18 %, si la pension des femmes est inférieure de 42 % à la pension des hommes, alors il est clair aux yeux de tous qu'il est impossible qu'il y ait là un tiers du financement de votre réforme. Ce n'est pas de la politique, ni de l'idéologie, c'est de l'arithmétique élémentaire.

Et, de surcroît, 80 % de ceux qui prennent leur retraite à 65 ans ne sont plus dans l'emploi, mais dans d'autres situations. Cela veut dire que les dépenses sont assumées par d'autres caisses que les caisses de retraite, elles sont assumées par l'UNEDIC, par les caisses assurant les minima sociaux, et par le minimum vieillesse. De ce point de vue, les économies qui seront faites par l'ensemble de l'action publique en direction des personnes qui prennent leur retraite sont évidemment infiniment inférieures au tiers du financement que vous avez annoncé pendant tous les débats préalables sur cette affaire, et je serais curieux qu'un des membres du Gouvernement me dise en quoi ce raisonnement arithmétique est faux. Je ne crois donc pas à vos chiffres, et je pense que de ce point de vue on abuse la représentation nationale. C'est le premier point.

Deuxièmement, cette disposition touche ceux qui ont les pensions de retraite les plus faibles. L'augmentation de cet âge est particulièrement ciblée sur ceux qui attendent 65 ans parce qu'ils ne peuvent pas toucher une pension suffisante à leurs yeux. Ce sont donc les pensions les plus faibles qui sont ainsi ciblées, et évidemment ce sont les pensions des femmes qui sont majoritairement atteintes, des femmes qui ont interrompu leur carrière pour élever des enfants, ou des femmes qui sont entrées tard dans la carrière à cause des charges familiales qu'elles assumaient. De ce point de vue, il y a une terrible injustice à faire payer une part de la réforme par ceux qui sont les plus faibles et qui ne peuvent pas se défendre.

On a encore essayé d'abuser l'opinion par l'utilisation des mots. Lorsque l'on dit qu'il s'agit d'une retraite à taux plein, beaucoup de nos compatriotes entendent que ces gens, ces femmes et ces hommes, qui n'auraient pas travaillé, auraient cependant des retraites pleines. La vérité, nous le savons tous dans cet hémicycle, est que ce ne sont pas des retraites pleines. Ces personnes ont seulement le droit de faire valoir les droits qu'elles ont acquis et d'avoir des retraites proportionnelles aux annuités qu'elles ont assurées. Il me semble qu'il y a là quelque chose de très frappant.

La vérité est que vous aller condamner ces personnes, dont 80 % n'ont pas d'emploi, à rester deux ans de plus au chômage, ou à se trouver deux ans de plus aux minima sociaux et dans certains cas au minimum vieillesse. Cela est terriblement choquant pour nous.

Pour finir, nous ne devrions pas accepter, nous tous ici, une mesure de cet ordre. Car il n'y a pas sur ces bancs une personne, pas une femme et pas un homme, qui relèvera d'un dispositif de cet ordre. Tous, protégés que nous sommes par nos carrières professionnelles ou par le régime spécial que nous nous sommes donné en tant que parlementaires, nous sommes à l'abri de ce que nous imposons aux plus faibles de nos compatriotes. Par un mouvement d'honneur et de fierté, nous ne devrions pas l'accepter. Nous devrions au contraire revendiquer, s'il y a une réforme juste, et qui entraîne en effet que l'on prolonge l'activité pour pouvoir toucher sa retraite, qu'au moins nous ne la fassions pas supporter à ceux qui n'ont personne pour les défendre. Parce que ceux-là n'ont pas de syndicats, ceux-là sont isolés, ils n'ont pas de voix qui parlent en leur nom ; c'est pourquoi nous nous honorerions en renonçant au contenu de cet article 6 et à l'injustice qu'il comporte.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Marisol Touraine, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Puisque M. Bayrou m'a interpellé de façon directe et dans des termes discourtois, je lui dirai deux choses.

D'une part, je ne l'autorise pas à préjuger des rapports que je pouvais avoir avec François Furet. Vous avez fait comme si vous aviez le privilège de l'avoir aimé et de l'avoir connu, mais vous ne savez rien des liens que j'ai pu avoir avec lui, directement ou familialement. Je ne vous autorise donc pas à tenir de tels propos dans cet hémicycle.

La deuxième chose que je voulais vous dire est que si François Furet s'est incontestablement éloigné de François Mitterrand, cela ne veut pas dire pour autant qu'il avait abandonné les idéaux de la gauche. Il y a eu un débat qui a partagé la gauche à cette époque-là, et qu'il a, lui, porté. Et vous le savez très bien.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Un mot pour dire à Mme Touraine que je lui donne naturellement acte des relations, que j'ignore absolument, qu'elle a pu avoir avec François Furet. Mais si elle avait été présente au début de mon intervention…

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

…elle aurait entendu que je n'ai rien dit de désagréable à son endroit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

J'ai seulement dit qu'elle préjugeait du vote de François Furet. De ce point de vue-là, je ne crois pas me tromper, et la lecture que j'ai faite de la page où il juge la prise de pouvoir de Lionel Jospin et où il condamne l'appareil intellectuel qui a conduit à cette prise de pouvoir était transparente quant au vote que vous avez évoqué. Le texte de François Furet que Pierre Méhaignerie a cité était tout à fait exact et montrait clairement ses intentions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Ce n'était pas un rappel au règlement ; l'intervention sera donc retranchée du temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Après ces échanges brillants et pleins d'émotion sur François Furet, je voudrais revenir au texte.

Comme mes collègues de l'UMP, j'ai voté sans états d'âme l'article 5…

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

…portant l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans. La démographie et les contraintes financières nous l'imposaient.

Je sais bien que, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, le système de retraite ne peut pas corriger des injustices ancrées depuis longtemps dans notre société. Mais j'aurais souhaité que, dans les nouvelles dispositions que le Gouvernement a proposées, il y en ait une qui concerne les femmes, en particulier pour ce qui est du passage de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans.

Je voudrais cependant rappeler que nous avons déjà fait un certain nombre de choses en faveur des femmes. Nous avons fortement augmenté le minimum vieillesse : au terme du quinquennat, cette augmentation sera de 25 %. Il est aujourd'hui de 709 euros pour une personne seule. C'est peu…

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

…Et 57 % des bénéficiaires sont des femmes. Mais comme l'indique l'étude de Terra Nova, c'est quand même bien supérieur aux minima sociaux pour les actifs. Le Gouvernement a également augmenté la pension de réversion de 11 %. Dans ce texte, il prend en compte les indemnités de congé de maternité dans le calcul de la pension de retraite. Mais comme ce sont les femmes qui vont accoucher maintenant qui bénéficieront de cette disposition, elle ne coûtera pas un centime à l'État avant 2022, l'étude d'impact du projet le signale. Enfin, les femmes qui ont eu au moins trois enfants et qui perçoivent l'assurance vieillesse des parents au foyer, bénéficient de 27 années de cotisations pour un montant égal au SMIC. Quant aux femmes fonctionnaires, elles pourront, pendant encore cinq ans, toucher une retraite sans décote lorsqu'elles ont eu trois enfants et ont été quinze ans en activité.

Après d'autres oratrices et après François Bayrou, je rappellerai quelques chiffres connus, mais qu'il faut marteler. En moyenne, les femmes ont une retraite inférieure de 40 % à celle des hommes. Elles ne sont que 44 % à effectuer une carrière complète contre 86 % des hommes. Enfin, une femme sur trois travaille jusqu'à 65 ans pour éviter de subir une décote.

Monsieur le ministre, vous avez toujours dit avec force – et je partage cet avis – qu'une telle situation trouve son origine dans l'inégalité de rémunération entre hommes et femmes à l'intérieur de l'entreprise, qui est estimée à 23 %. D'ailleurs, même les femmes qui n'ont pas d'enfant ont un salaire inférieur à celui des hommes. C'est bien là le vrai problème. L'inégalité des retraites ne fait que refléter celle des rémunérations et des promotions.

Toutefois, si atteindre l'égalité des salaires doit être notre action prioritaire, il est difficile d'attendre que cette égalité soit réalisée pour agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Nous redoutons que le projet de loi sur l'égalité salariale ne puisse être discuté ni voté dans les mois qui viennent, alors que le Premier ministre nous avait parlé, lors de l'installation de l'observatoire de la parité, d'un tel projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Le Premier ministre avait parlé de 2010, effectivement.

Certes, prendre des mesures en faveur des femmes dans le domaine des retraites ne réglerait pas ce problème. Mais cela donnerait un coup de pouce aux femmes qui ont beaucoup de mal à concilier vie professionnelle et vie familiale.

D'autre part, tous les rapports montrent que les mères de deux enfants ou plus ont une retraite inférieure de 25 % à celle des femmes qui n'ont pas d'enfants. Alors que l'ensemble des femmes ont déjà une retraite inférieure de 40 % à celle des hommes, voyez ce que cela signifie.

Il est vrai, monsieur le ministre, que le problème se situe dans l'entreprise, dont trop souvent les dirigeants considèrent qu'une femme qui a des enfants est moins motivée, moins disponible, moins impliquée. Hélas, pour les femmes cadres s'applique toujours le système anywhere any time. Bien sûr, les femmes ont une majoration de la durée d'assurance pour les enfants ; mais le nombre de trimestres n'est pas le seul critère à retenir. Il y a également le niveau des pensions.

J'ai déposé un amendement sur cet article qui vise à maintenir 65 ans comme date de perception de la retraite à taux plein pour les mères qui ont donné deux enfants ou plus à notre pays. Je mesure la difficulté que son application présente. Mais il n'est pas en contradiction avec la réglementation européenne dans la mesure où, entre une femme qui a deux enfants et une femme qui n'en a pas, il y a déjà discrimination dans le niveau de rémunération et de retraite.

Je signale que M. Vanneste, qui a dû s'absenter, a déposé un amendement qui maintient l'âge d'attribution de la retraite à taux plein à 65 ans pour les mères de trois enfants.

Je sais, monsieur le ministre, que vous allez m'opposer le coût d'une telle mesure. Mais peut-on connaître les chiffres ? Vous me direz aussi que cela équivaut à ouvrir une brèche : après les mères de famille, quelle autre catégorie ?

Mais je me permets de faire remarquer que, dans le service public, et c'est très bien, les femmes qui ont trois enfants et quinze ans d'activité peuvent partir avec une retraite sans décote. De plus, les femmes qui travaillent dans le secteur privé ont l'angoisse de perdre leur travail dans une compétition mondiale difficile, alors que celles qui travaillent dans le secteur public ont, heureusement, la garantie de l'emploi.

Comme l'a dit le Président de la République au congrès de Versailles, une réforme juste suppose de donner plus à ceux qui ont moins. C'est dans la droite ligne de cet engagement que je présente sur cet article un amendement qui tend à exonérer du report de 65 à 67 ans les mères de deux enfants ou plus qui, par ailleurs, font la fierté de notre pays.

Monsieur le ministre, j'ai conscience que cela suppose de revenir sur une mesure fondamentale de votre réforme. Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'un tel geste serait un symbole fort pour les femmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Chers collègues de la majorité, heureusement que la rapporteure de l'observatoire de la parité se permet de rappeler quelques vérités fortes. Je suis en effet étonnée qu'après avoir élaboré ensemble un rapport sur la réforme des retraites, que Mme Zimmermann a présenté à la tribune au début de la discussion, absolument personne dans vos rangs ne reprenne les propositions que nous avons pourtant votées à l'unanimité.

Dans ma longue intervention de ce matin, j'avais lié les deux problèmes du report de l'âge de 60 ans et de celui de 65 ans. Mais je rejoins les propos de M. Bayrou et de Mme Brunel : le report à 67 ans aggrave fortement la situation. Il l'aggrave pour tous ceux qui ont de petites retraites, c'est-à-dire à 80 %, des femmes. C'est pour cela que nous nous battons pour elles.

Je cite simplement cet extrait du rapport que nous avons toutes et tous adopté, page 29 : « La délégation considère donc que le report de 65 à 67 ans de l'âge auquel le bénéfice d'une retraite à taux plein est ouvert affectera particulièrement les femmes qui ont déjà des retraites inférieures aux hommes » – sur ce point, les chiffres sont bien connus, mais vous les avez niés, monsieur le ministre, pendant des semaines – « et qu'il conviendrait donc de maintenir à 65 ans l'âge du taux plein. » Je vous demande, chers collègues de la majorité, de défendre cette position de la délégation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Il s'agit d'un article emblématique de ce texte et, pour nous, de l'une des injustices majeures qu'il comporte. Votre choix de relever à 67 ans l'âge auquel on peut percevoir une retraite sans décote va toucher directement, pendant très longtemps, des personnes qui ont eu des carrières difficiles. Catherine Coutelle vient de rappeler ce que cela va représenter pour les femmes en particulier.

Personne ne peut rester insensible à cette situation et certains, dans la majorité, ont montré aussi que la situation des femmes dans notre pays atteint un degré d'inégalité qui devient insupportable. Et, au moment du passage à la retraite, joue toute une série d'inégalités qui se sont progressivement cumulées au cours de la vie professionnelle.

Face à cette situation, au-delà des grands discours appelant à la mobilisation en faveur de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, au-delà les engagements pris, aujourd'hui comme par le passé, pour en faire enfin une réalité, il y a des mesures concrètes à prendre dès maintenant.

Il ne faut évidemment pas abandonner l'objectif que nous devons avoir collectivement d'assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ; sinon, il est vain d'espérer qu'au terme d'un parcours professionnel les conditions de retraite puissent être sensiblement équivalentes. Les femmes touchent une retraite inférieure en moyenne de 40 % à celle des hommes : dans ces conditions, il y a certes des mesures à prendre pour le moyen et le long terme, mais il y a aussi une urgence pour améliorer la situation actuelle. Or ce projet de loi aura un impact direct, immédiat, sur des générations de femmes, celles-là mêmes qui ont subi de plein fouet la période des discriminations, les congés de maternité mal tolérés par les entreprises – dans ce domaine, les mentalités ont un peu évolué, mais pas suffisamment – en bref sur des populations qui ont déjà été fragilisées au cours de leur vie professionnelle.

Si l'on veut agir concrètement en faveur de l'égalité au moment de la retraite entre les hommes et les femmes, et lutter contre la précarité des femmes retraitées, la première mesure à prendre consiste à renoncer à élever l'âge auquel on peut prétendre à une retraite à taux plein.

Désormais, les jeunes rencontrent d'extraordinaires difficultés pour entrer dans la vie active, il s'agit même là d'une des caractéristiques du monde du travail depuis de nombreuses années. Plusieurs générations de jeunes ont déjà dû subir un parcours du combattant au cours duquel ils accumulent les stages, les petits boulots et les CDD. Nous savons parfaitement qu'il faut aujourd'hui environ dix ans pour qu'un jeune se stabilise dans un emploi, cette question a été au coeur du débat consacré au revenu de solidarité active. Par définition, ces personnes qui ont mis dix ans avant d'entrer définitivement dans la vie professionnelle n'auront pas, à 60 ou 62 ans, le nombre de trimestres nécessaires à une retraite à taux plein. Vous exigez donc d'elles une carrière professionnelle qui devra être la plus longue possible.

Plusieurs générations d'actifs entrées dans la vie professionnelle depuis une vingtaine d'années arriveront à l'âge de la retraite au moment où entreront en vigueur les dispositions de l'article 6 ; elles vont prendre de plein fouet le relèvement de la borne d'âge de 65 à 67 ans pour bénéficier d'une recette à taux plein. Aujourd'hui, déjà, un retraité sur six doit attendre ses 65 ans pour prendre une retraite sans décote. Nous ne parlons pas d'une population minoritaire, mais de cohortes de nombreux retraités.

Vous n'avez que le mot de justice à la bouche ; la justice impliquerait que vous renonciez aux dispositions de l'article 6. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Le sujet traité à l'article 6 préoccupe tout le monde, y compris ceux qui s'apprêtent à voter le texte.

Les problèmes posés sont semblables à ceux que nous avons soulevés en abordant le relèvement de 60 à 62 ans de l'âge légal d'ouverture du droit à la retraite, seulement, cette fois-ci, nous franchissons un degré supplémentaire, notamment sur le plan humain. Il faut rappeler que cette mesure concerne des personnes qui ne disposent pour vivre que de quelques centaines d'euros par mois. Cela pose tout de même un problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Les explications qui nous ont été fournies sur cette disposition ne sont pas convaincantes, pas plus que les arguments qui nous ont été opposés en commission, ou ceux présentés au rapporteur pour avis de la commission des finances lorsqu'il a tenté de remettre en cause cet article ou du moins de nuancer largement certains de ces effets – des membres de la délégation de l'Assemblée aux droits des femmes viennent de le rappeler.

À la page 242 du rapport de M. Jacquat, on trouve, en lisant le compte rendu des travaux de la commission, ces propos quelque peu étonnants dans la bouche du ministre : « On peut partir avant 65 ans ou 67 ans avec une décote. C'est un droit. Dans les autres pays, la retraite à taux plein intervient à 65 ans, et il existe parfois des âges pivots. En France, on pourra bénéficier du taux plein à 67 ans en 2018. Les différents systèmes sont difficilement comparables. » Mais, monsieur le ministre, il faut choisir ! Soit les systèmes sont comparables, soit ils ne le sont pas. Vous ne pouvez pas nous faire la leçon sur la base de comparaisons avec les autres systèmes pour ce qui concerne la première borne d'âge, et nous dire que les « systèmes sont difficilement comparables » lorsque l'on vous interroge sur les conséquences du passage à 67 ans. Pour ma part, je considère que votre seconde position est la plus sérieuse ; en tout cas, il vous faut faire un choix. En revanche, il est effectivement difficile de comparer les deux bornes d'âge : elles ont chacune leur propre logique, et elles concernent des populations très différentes.

Le rapporteur de la commission des finances lui-même a signé des lignes que nous pourrions reprendre. Il a aussi fait des propositions qui ne vous ont pas convaincu. Quant au rapport de M. Jacquat, il précise certains éléments, notamment concernant les femmes, que nous ne faisions que subodorer. À la page 239, il est ainsi indiqué que : « En moyenne, les femmes liquidant à 65 ans au titre de l'âge sont sans emploi depuis vingt ans. » Cette donnée est importante et révélatrice.

Vous avez la conviction – et il s'agit d'une vraie divergence entre nous – que le seul déplacement de la première borne d'âge aura un effet direct sur l'employabilité de personnes qui n'auront plus d'autre solution que de se retrouver sur le marché du travail. Vous espérez que le passage de 60 à 62 de cette borne induira une remontée de l'emploi des personnes de plus de cinquante-cinq ans puisque vous expliquez le déficit de notre pays en la matière par la proximité de l'âge de 60 ans. Nous ne sommes pas d'accord mais, en tout cas, c'est votre thèse depuis le début de ce débat.

Seulement, peut-on trouver quelqu'un pour croire que ce raisonnement puisse s'appliquer à la seconde borne d'âge ? Sérieusement, le passage de celle-ci de 65 à 67 ans peut-il avoir la moindre incidence sur les chances des personnes concernées de trouver un emploi ? Quelqu'un pense-t-il que, lorsqu'on est exclu du marché du travail, on peut y retourner à 65 ou à 66 ans ? Personne n'y croit !

Certes, vous pouvez toujours nous dire qu'il y a des déficits et qu'il faut les combler à n'importe quel prix, mais en dehors du fait que nous nous opposons à cet argument, ne croyez-vous pas que, précisément, le prix à payer est franchement trop élevé ?

Au-delà de nos divergences sur ce texte, sur le plan social, tout le monde peut ressentir – M. Bayrou l'a dit fortement tout à l'heure – combien il s'agit d'une mesure profondément injuste. Franchement, si c'est injuste, alors, il ne faut pas le faire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

L'article 6 fait partie des articles les plus importants du projet de loi.

Il faut que l'on nous explique pourquoi le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans a nécessairement pour conséquence le décalage de 65 à 67 ans de l'âge de départ à taux plein.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

J'ai eu beau écouter tous les arguments qui nous ont été présentés, avoir lu tous les documents distribués et suivi tout ce qui a été diffusé par les radios et les télévisions, je n'ai rien trouvé qui justifie véritablement que le relèvement de la première borne d'âge – relèvement dont je comprends la philosophie, mais que je combats – oblige à relever la seconde borne.

Tout se passe comme si, pour le Gouvernement, l'allongement de la période d'activité devait faciliter le passage direct de l'emploi à la retraite. Pourtant, d'ores et déjà, six Français sur dix sont sans emploi lorsqu'ils partent à la retraite. Comment ces personnes qui aujourd'hui déjà veulent travailler pourront-elles s'inscrire dans le dispositif proposé ?

Ce dispositif est particulièrement préoccupant pour les femmes, mais c'est aussi le cas pour toutes les personnes précaires qui, lorsque nous les rencontrons dans nos permanences, nous font part de ce que l'on ne peut appeler autrement que des « galères ». Comment peut-on imaginer qu'elles devront attendre 67 ans pour prétendre entrer dans un dispositif qui ne leur assurera même pas pour autant des ressources leur permettant de vivre dignement ?

Comme Mme Marisol Touraine, je veux aussi parler du message que nous envoyons aux jeunes générations. L'année dernière, dans mon avis budgétaire sur la partie « Solidarité » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », j'avais choisi de traiter le thème des jeunes : ce n'est rien de dire que leur entrée dans la vie active est aujourd'hui d'une incroyable difficulté. Malheureusement, le temps mis par un jeune pour se stabiliser professionnellement en France est supérieur de sept à dix ans à celui constaté dans des pays comparables. Alors, proposer à tous ces jeunes des dispositifs prévoyant que l'accès à la retraite ne se fait plus à 60 mais à 62 ans, plus à 65 mais à 67 ans, n'est-ce pas les faire douter de l'intérêt même du système par répartition que, dans cette enceinte, nous voulons tous défendre ?

Une autre question se pose : quelle est l'incidence de l'article 6 sur le revenu de solidarité active ? M. Christian Eckert évoquait tout à l'heure les conséquences du départ négocié entre employeur et salarié qui induit, au bout du compte, un basculement sur l'UNEDIC. Avec l'article 6, le risque est extrêmement grand de voir le RSA devenir le passage obligé de fin de carrière pour les nombreuses personnes qui devront attendre 67 ans afin de bénéficier d'une retraite à taux plein. Il faut tout de même prendre en compte cet élément. Malheureusement, pour les personnes les plus âgées qui pourront en bénéficier, le revenu de solidarité active risque de devenir une variable d'ajustement. En fait, il va s'opérer un basculement équivalent à celui décrit par M. Eckert mais, cette fois, vers une porte ouvrant sur le RSA devenu le vestibule d'attente du départ à la retraite. Pour ma part, je n'avais pas compris que le RSA devait servir à cela ; je croyais qu'il s'agissait au contraire d'un dispositif destiné à stimuler le retour à l'emploi.

Il s'agit d'un problème très lourd, non seulement financièrement, mais surtout humainement. Comment voulez faire croire aux Français que votre réforme des retraites constitue une opportunité pour travailler plus longtemps, alors même qu'aujourd'hui les seniors sont remerciés par les entreprises bien avant 60 ans ? Le dispositif que vous voulez mettre en place leur demande tout simplement d'attendre encore jusqu'à leurs 67 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Tout en dissociant, je le répète, le problème du report de l'âge légal de celui du passage de 65 à 67 ans, nous sommes également extrêmement mobilisés pour contrer ce que propose l'article 6 : un message en trompe-l'oeil qui ne correspond pas à la réalité de ce que vivent les gens en situation de précarité ni à la réalité de la politique menée par les entreprises pour le maintien des seniors au travail, et qui provoquera des difficultés financières. Celles-ci, bien sûr, n'apparaîtront pas dans un premier temps dans les chiffres de la prise en charge de la retraite – mais c'est sans aucun doute un élément d'explication de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, votre projet de loi a avant tout pour objet de faire des économies, de boucher les déficits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

En effet, votre politique a consisté depuis un certain nombre d'années à mettre délibérément en faillite les régimes de sécurité sociale pour nourrir les régimes de capitalisation, abordés en fin de texte. Votre démarche se lit à travers les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Vous connaissez leur succession d'articles répartis par thèmes, mais la clef se trouve toujours dans l'annexe B, qui décrit les prévisions annuelles en matière de croissance, de masse salariale, de recettes et de dépenses par branches – assurance maladie, famille, ATMP, vieillesse –, avec en bas le solde, c'est-à-dire l'addition pour les Français. Pour 2008 et pour 2009, le Gouvernement nous a présenté des PLFFS qui prévoyaient des déficits importants les premières années, mais avec toujours cette perspective de retour à l'équilibre en 2012 ou 2013. Pourquoi ces années-là, je vous laisse chercher la réponse, mes chers collègues. Or, pour la première fois, en novembre dernier, l'UMP a en toute connaissance de cause voté un PLFSS qui prévoit un déficit annuel de 30 milliards d'euros, dont la moitié dans la branche vieillesse, sans aucune perspective de retour un jour à l'équilibre. Vous êtes donc forcés de faire des économies. La mesure clef de votre projet de loi, c'est le report de l'âge légal ouvrant droit à partir en retraite de 60 ans à 62 ans, prévu à l'article 5.

L'article 6 a un contenu encore plus scandaleux : c'est le passage de 65 à 67 ans pour bénéficier d'une retraite sans décote. Vous poursuivez le processus de fragilisation et de paupérisation des futurs retraités, mettant en oeuvre à votre façon le slogan du sarkozysme de 2010 : non pas « travailler plus pour gagner plus », mais « travailler plus longtemps pour gagner beaucoup moins ».

L'échange de tout à l'heure entre Martine Billard et le président Méhaignerie nous a sans doute tous touchés. Il portait sur l'espérance de vie, ses causes et les moyens de préserver le mécanisme qui nous en fait gagner chaque année. Martine Billard a dit avec bon sens que si l'espérance de vie augmente à un rythme important dans notre pays, c'est aussi en partie parce que nous avons la retraite à 60 ans et que nos concitoyens, partant relativement jeunes par rapport à d'autres pays, peuvent vivre en meilleure santé. Le raisonnement est imparable. Mais alors, que dire des conséquences prévisibles du report de 65 à 67 ans ? Elles seront dramatiques. Je rappelle en effet que l'espérance de vie en bonne santé est de 61,3 ans pour les hommes et de 62,4 ans pour les femmes.

Il est vrai que l'UMP ne semble pas très fière du contenu et des conséquences de l'article 6. Souvenons-nous de la campagne de publicité lancée par le Gouvernement dès le mois de juin pour vendre ce projet de loi avant même qu'il n'ait été rédigé et a fortiori discuté dans cet hémicycle. J'en rappelle les points essentiels : une réforme progressive – « l'âge de départ à la retraite […] sera progressivement porté à 62 ans en 2018 » –, prenant en compte le taux d'emploi des seniors – « l'augmentation de l'âge légal de départ à la retraite n'a de sens que si elle s'accompagne d'un changement profond de la place des seniors dans le monde du travail » –, et puis en tout petits caractères, comme si on en avait honte, le passage de 65 à 67 ans, –« parallèlement à l'augmentation de l'âge légal, l'âge d'annulation de la décote sera porté à 67 ans en 2023 ». Les auteurs de la campagne publicitaire sentaient bien que cette mesure était difficile à vendre et que tout le monde se rendrait compte de son caractère à la fois asocial et antisocial.

Qu'en est-il de l'emploi des seniors à l'âge de 65 ans ? Plus de 85 % des personnes sont déjà en dehors de l'emploi. Elles vont donc se trouver dans la situation de devoir attendre, attendre et attendre encore. À cet égard, on a évoqué l'allocation équivalent-retraite, le RSA, et nous aurons l'occasion d'évoquer l'équilibre général des régimes.

Je veux alimenter nos réflexions à partir d'un article paru dans Les Échos le 28 juillet dernier, qui complètera notre discussion sur l'amendement cosigné par Mme Rosso-Debord et M. Nicolas : selon une étude de Pôle emploi, « Le report de 65 à 67 ans de l'âge pour bénéficier d'une retraite sans décote coûtera près de 300 millions d'euros par an à l'assurance chômage ». Cela part du constat que de 20 000 à 30 000 personnes par an ne pourront pas automatiquement basculer du chômage à la retraite, resteront plus longuement en situation de chômage et pourront donc probablement percevoir plus longtemps une allocation de l'UNEDIC. Cette dépense supplémentaire ne prend pas en compte l'allocation de solidarité spécifique ni le RSA. M. le ministre va sans doute nous donner des éléments complémentaires sur ce point. Mais l'évaluation du coût ne prend pas en compte non plus les conséquences du relèvement de l'âge minimal légal de départ de 60 à 62 ans. L'article indique que le chiffrage est en cours de réalisation et qu'il sera communiqué aux partenaires sociaux en septembre 2010. Nous y sommes. Je suppose que vous allez nous transmettre les résultats puisque vous devez déjà les avoir. Nous serons très intéressés de les connaître.

Cette mesure de report de l'âge de la retraite sans décote va provoquer une plus grande précarité et une plus grande pauvreté chez les personnes concernées. Nous voyons là l'indifférence de l'UMP à l'égard de la situation de cette partie de la population française. Monsieur Woerth, monsieur Tron, la fréquentation des puissants et des grandes fortunes vous a fait perdre le contact avec la population réelle et le sens commun. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Prenez conscience, monsieur Woerth, de votre évolution sociologique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail

Vous insultez facilement, monsieur Mallot !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce n'est pas une insulte, monsieur Woerth. Je constate que vous avez perdu le sens des réalités, que vous ne connaissez pas la réalité de ce que vivent nos concitoyens et que cela n'est probablement pas étranger à vos fréquentations. (Mêmes mouvements.) Continuez, mes chers collègues, vous voyez que vous commencez à comprendre ce qu'il en est.

Monsieur le ministre, vous avez, dans vos propos, à de nombreuses reprises, invoqué le programme du Conseil national de la résistance.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Malherbe

Cela vous va bien d'en parler, monsieur Mallot !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Largement autant que vous, mon cher collègue. Je rappelle que le programme du Conseil national de la résistance prévoyait d'instaurer des régimes de retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours. Votre projet de loi nous en éloigne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

François Bayrou a évoqué « le noyau dur de l'injustice ». Or il y a une différence de taille entre sa position et la nôtre : nous, nous considérons que, au moins dans l'esprit du Gouvernement, les deux mesures de relèvement des bornes d'âge sont intimement liées, conçues pour être indissociables. Nous partageons le raisonnement de François Bayrou sur le relèvement de l'âge pour le départ sans décote et ses conséquences en termes de précarité et de pauvreté, mais il vaut aussi bien pour le relèvement de 60 à 62 ans car ces deux mesures ont été conçues pour produire les mêmes effets.

En effet, la réforme des retraites ne résulte pas seulement d'une approche comptable ou financière. Certes, c'est d'abord une réforme qui a été conçue pour satisfaire les agences de notation – Claude Guéant l'avait très bien expliqué dans un entretien accordé au Financial Times. Mais il y a derrière ces deux mesures une cohérence idéologique. Quelle est la finalité du projet idéologique et politique de la droite au pouvoir ? Il s'agit de démanteler progressivement…

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

…le pacte social et républicain dans ce pays. Cela passe évidemment par l'action de vider les caisses de l'État et de réduire sa capacité à agir. Vous l'avez parfaitement réussi, monsieur le ministre : on a évoqué la suppression des mécanismes de progressivité sur le plan fiscal mais aussi les déficits accumulés par ce gouvernement. C'est également la mise à bas du code du travail, avec derrière la remise en cause idéologique des 35 heures que vous impulsez à votre tour, et bien évidemment le démantèlement des services public.

S'agissant des retraites, votre projet idéologique prend la forme d'une fusée à trois étages.

Le premier étage a été construit avec les deux premières réformes, celle dite Balladur en 1993 et celle dite Fillon en 2003. Elles ont eu des conséquences dramatiques en termes de diminution du montant des pensions des retraités : moins 20 % !

Le deuxième étage de votre projet de démantèlement d'un système de répartition juste, efficace et solidaire, c'est ce que vous venez de voter, mes chers collègues : la fin de la retraite à 60 ans. Vous vouliez un symbole, un scalp politique. C'est fait. Vous venez de remettre en cause cet acquis historique auquel les Français étaient très attachés.

Le troisième étage de la fusée, c'est bien évidemment le passage de 65 à 67 ans pour obtenir une retraite sans décote. La conséquence, c'est que vous allez pénaliser les salariés les plus modestes en allongeant leur période de précarité, mais aussi les pénaliser en termes de pauvreté alors qu'il s'agit de populations qui ont déjà les pensions les plus modestes. Je veux rappeler que le minimum vieillesse est d'un peu plus de 700 euros mensuels et que le seuil de pauvreté est fixé à 910 euros.

Aujourd'hui, sans les conséquences de votre réforme, un million de retraités sont déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Nous avons largement évoqué le cas des femmes et une forme de consensus s'est établie quant aux conséquences pour elles d'un relèvement de 65 à 67 ans puisque déjà un tiers d'entre elles doit attendre 65 ans pour ne pas subir de décote.

Après Marisol Touraine et Christophe Sirugue, je voudrais revenir sur les jeunes générations et m'adresser en particulier à Pierre Méhaignerie qui vantait tout à l'heure les mérites des modèles scandinaves de « flexisécurité », associant une relative facilité des licenciements à des dispositifs de sécurisation pour les travailleurs, basés notamment sur la formation.

Pierre Méhaignerie, en lecteur attentif du journal Le Monde, n'aura pas manqué de très bonnes descriptions de ce que donnent ces modèles en période de crise : ils produisent des dégâts considérables en termes de chômage.

Il y a quinze jours, Philippe Azkenazy a écrit une tribune sur le sujet, plus précisément sur le chômage des jeunes dans ces pays. Avec la crise, le taux de chômage est remonté à 9 % en Suède et en Finlande, monsieur Méhaignerie. Au Danemark, il atteint 7 % en partant de plus bas.

Chez les jeunes de moins de 25 ans, le taux de la population active atteinte par le chômage se situe actuellement à 12 % au Danemark, à 22 % en Finlande et à près de 25 % en Suède, ce qui est plus élevé qu'en France.

Cependant, en France, nous observons tous sur le terrain des indicateurs extrêmement préoccupants quant à la montée de la précarité et de la pauvreté dans cette tranche d'âge des 16-25 ans.

Que ce soit dans les CCAS ou dans les conseils généraux à travers le fonds d'aide des jeunes en difficulté, par exemple, ou le fonds logement unique, nous constatons que cette catégorie est durement frappée par le chômage et par la pauvreté.

Rappelons que 20 % des jeunes hommes et 25 % des jeunes femmes de moins de vingt-cinq ans se situent en dessous du seuil de pauvreté.

En conclusion, nous sommes convaincus que les trois étages de cette fusée constituent un démantèlement du système de répartition solidaire, juste et efficace pour les retraites.

Vous êtes en train d'obstruer et d'obscurcir encore plus l'avenir des jeunes, alors que la situation est déjà dramatique. Je pense que vous n'avez pas mesuré les conséquences de votre réforme, notamment pour les jeunes générations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Messieurs les ministres, nous examinons ce texte depuis quelques heures, le débat progresse et nous pouvons déjà nous rendre compte que les députés UMP – peut-être à force d'entendre nos arguments – semblent de plus en plus inquiets quant aux conséquences de votre réforme des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Dord

Nous tremblons de peur ! Nous sommes terrorisés !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Tout à l'heure, messieurs les ministres, vous n'avez même pas voulu leur accorder une petite douceur, accepter un amendement des députés UMP visant à atténuer des injustices. On voit bien que le trouble commence à grandir dans les rangs de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Nous avons encore quelques heures pour pouvoir vous le démontrer.

Permettez-moi, messieurs les ministres, de vous dire que vous êtes un peu comme dans une bulle, insensibles, dit mon collègue Juanico.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Une bulle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Oui, monsieur le secrétaire d'État, dans une bulle, bien loin des préoccupations des Français, de la réalité d'un marché du travail qui rejette jeunes et seniors, qui précarise les salariés avec des temps partiels subis, de petits contrats, de longues périodes de chômage.

Le nombre d'annuités cumulées par les salariés ne cesse de baisser. Au moment de liquider leur retraite, deux salariés sur trois ne sont déjà plus en emploi car licenciés, chômeurs, inaptes, malades. C'est cela aussi la réalité de notre pays, mais vous n'en tenez pas compte.

Vous ne percevez pas non plus que, pour les Français, la retraite n'est pas qu'une question de milliards d'euros et de signaux adressés aux marchés financiers.

Pour nos concitoyens, la retraite, c'est bien sûr bénéficier de pensions permettant de vivre dignement, et pas de la solidarité. Sans revenir au cas des femmes, je tiens à dire que je partage tous les propos tenus et je me suis déjà exprimée sur ce sujet dans le cadre de l'article 5.

Au passage, je me permettrai d'indiquer à Mme Brunel qu'à côté des petits avantages accordés, elle a oublié de signaler la suppression de la demi-part fiscale pour les femmes qui ont élevé des enfants. Plutôt que des avantages accordés, ce sont des acquis qui ont disparu.

Pour nos concitoyens, la retraite, c'est l'aspiration à un repos bien mérité après des années de travail, c'est l'envie légitime de pouvoir en profiter et si possible en bonne santé, c'est l'envie de se donner le temps pour ses projets personnels.

En relevant l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et le seuil de pension sans décote de 65 à 67 ans, vous vous attaquez à des publics qui connaissent déjà des difficultés certaines : les salariés aux carrières incomplètes, les femmes en particulier.

Vous prenez aux Français des années de bien-être, vous entamez leurs espérances, leurs envies. Vous rognez sur leur temps à consacrer aux autres, à leur famille. Vous amputez leur pouvoir d'achat : combien de femmes et d'hommes ne pourront pas aller jusqu'à 67 ans et ne pourront donc pas bénéficier d'une pension complète ?

Comme on le constate dans nos villes, au contact de la réalité, le temps de la retraite n'est pas le temps de l'inactivité, de l'inutilité. Essentiel à notre société, il est le temps consacré aux autres. C'est aussi ce qui fait la richesse de notre pays, le lien social, la vie associative, culturelle et sportive.

Mes chers collègues, ne l'oublions pas, il y a une vie après le travail. Cette vie riche et utile doit être digne.

Les Français vous l'ont dit mardi dernier ; ils vous le rediront le 23 septembre. Allez-vous les entendre, messieurs les ministres ?

Allez-vous aussi entendre les demandes visant à conserver pour les femmes le seuil de 65 ans comme âge de départ sans décote ? En Allemagne, pays que vous citez souvent en exemple, l'âge de départ à la retraite est fixé à 60 ans pour les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Messieurs les ministres, chers collègues, reporter l'âge légal de départ en retraite à 62 ans est déjà profondément injuste. Que penser du report à 67 ans du seuil permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein ?

Ceux qui ont travaillé tout au long de leur vie vont devoir travailler encore plus. À ceux qui ont eu une carrière chaotique, passant de petits boulots en missions d'intérim, aux personnes qui font par exemple des travaux d'entretien ou qui travaillent pour les associations d'aide à domicile, comme nous en connaissons tous, que proposez-vous ? De poursuivre leur activité jusqu'à 67 ans parce qu'elles n'auront pas d'autres choix.

Les travailleurs pauvres vont devenir des retraités pauvres. Qui va être concerné par cette mesure ? Principalement les femmes, répétons-le. Ce sont elles qui partent majoritairement – 60 % d'entre elles – à 65 ans.

Pourtant, le taux d'emploi des femmes de plus de 60 ans est très faible. Elles sont donc nombreuses à être en situation de chômage ou de précarité.

Les femmes ont une espérance de vie de sept années supérieure à celle des hommes. Mais au moment de leur départ à la retraite, elles perçoivent une pension inférieure de 42 % à celle des hommes, en moyenne, parce qu'elles sont moins bien rémunérées que les hommes, parce que leurs carrières sont plus chaotiques.

En reculant l'âge de départ à taux plein de 65 à 67 ans, vous allez allonger de fait la situation précaire des femmes qui, tout au long de leur vie, ont eu une double voire une triple activité, en élevant leurs enfants et en exerçant une activité professionnelle. C'est une injustice supplémentaire pour ces femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je voudrais poser une question à propos de l'organisation des débats et de la séance de ce soir.

Une rumeur circule : certains, je ne sais qui exactement, souhaiteraient que la séance se prolonge fort avant dans la nuit, jusqu'à demain matin.

Au nom de mon groupe, je voudrais indiquer que rien ne nous semble justifier une séance de nuit différente de celles qui se sont déroulées ces derniers jours.

Vous avez un agenda, mais vous êtes protégés par le temps programmé qui ne nous permet pas de dépasser un certain temps de parole. Sur un débat comme celui-là, il me semblerait anormal que l'on nous demande de travailler non stop, surtout que nous avons commencé mardi et que nous ne nous sommes pas arrêtés depuis.

Au nom de mon groupe, j'exprime donc le souhait que la prochaine séance soit une séance de nuit normale, nous permettant d'avoir des conditions de travail normales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma