Le député qui vient de s'exprimer est logique : il sent bien que les gens, les salariés, les couches populaires, n'acceptent pas ce recul de l'âge légal. C'est évident, les manifestations l'ont montré et continueront à le montrer. Nous n'en sommes qu'au début.
Avec le Gouvernement, c'est la double peine : vous reculez de deux ans l'âge légal et vous augmentez la durée de cotisation ! Quand on regarde les études, même celles de votre ministère… – écoutez donc un peu ce que je dis, monsieur le ministre, cela vous servira puisque apparemment vous ne regardez même pas les études de votre propre ministère !
Les études de la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, montrent qu'aujourd'hui les entrepreneurs – je ne parle pas des petits entrepreneurs, qui travaillent, eux, je parle des autres ! – considèrent qu'à 58 ans et demi, les salariés sont fatigués et doivent prendre leur retraite. C'est d'ailleurs pourquoi on voit tant de seniors licenciés, liquidés ! J'ai le document ici, je peux vous l'apporter, cela vous servira.
Ensuite, deux ans, ça coûte cher ! Il y a aujourd'hui plusieurs millions de gens qui sont au chômage. Le Premier ministre a été formidable, de ce point de vue ; il l'a expliqué : ceux-là auront, pour terminer, l'assurance chômage. Excusez-moi, mais c'est aux patrons et aux organisations syndicales qu'il revient de négocier là-dessus !
Qu'est-ce que cela veut dire ? On prend d'un côté ce que l'on ne prend pas de l'autre. En tous cas, vous êtes comme un certain Guizot, bien connu dans l'histoire de France, à qui on demandait pourquoi il faisait toujours payer les plus pauvres. Eh bien, il répondait d'un ton solennel : « Vous n'avez pas compris ? C'est qu'ils sont les plus nombreux ! »
C'est la même politique aujourd'hui. C'est la double peine, disais-je : il faudra travailler plus longtemps, alors qu'il y a des millions de gens au chômage ; il faudra cotiser en même temps plus longtemps. On peut même laisser l'âge légal à 60 ans : c'est ce que propose ce député de la majorité, qui sent bien que les réactions à ce projet de loi sont très mauvaises ; mais il veut tout de même faire baisser le niveau des pensions !
On licencie les gens à partir de 55 ans et demi ; ceux qui continuent à travailler devront le faire jusqu'à 62 ans, alors que le chômage augmente ; et avec la précarité, la flexibilité, les carrières hachées, beaucoup, même si on laissait l'âge légal à 60 ans, verront de toute façon le niveau de leur pension baisser, à cause de l'allongement des années de cotisation. À 60 ans, beaucoup n'auront pas assez d'annuités et subiront la décote ! Les pensions sont pourtant déjà terriblement basses.
C'est pourquoi il faut une autre réforme, et notamment d'autres formes de financement. La Cour des comptes vous en a suggéré, le Conseil d'orientation des retraites aussi. Monsieur le rapporteur, vous disiez que vous étiez le seul ici…