…le pacte social et républicain dans ce pays. Cela passe évidemment par l'action de vider les caisses de l'État et de réduire sa capacité à agir. Vous l'avez parfaitement réussi, monsieur le ministre : on a évoqué la suppression des mécanismes de progressivité sur le plan fiscal mais aussi les déficits accumulés par ce gouvernement. C'est également la mise à bas du code du travail, avec derrière la remise en cause idéologique des 35 heures que vous impulsez à votre tour, et bien évidemment le démantèlement des services public.
S'agissant des retraites, votre projet idéologique prend la forme d'une fusée à trois étages.
Le premier étage a été construit avec les deux premières réformes, celle dite Balladur en 1993 et celle dite Fillon en 2003. Elles ont eu des conséquences dramatiques en termes de diminution du montant des pensions des retraités : moins 20 % !
Le deuxième étage de votre projet de démantèlement d'un système de répartition juste, efficace et solidaire, c'est ce que vous venez de voter, mes chers collègues : la fin de la retraite à 60 ans. Vous vouliez un symbole, un scalp politique. C'est fait. Vous venez de remettre en cause cet acquis historique auquel les Français étaient très attachés.
Le troisième étage de la fusée, c'est bien évidemment le passage de 65 à 67 ans pour obtenir une retraite sans décote. La conséquence, c'est que vous allez pénaliser les salariés les plus modestes en allongeant leur période de précarité, mais aussi les pénaliser en termes de pauvreté alors qu'il s'agit de populations qui ont déjà les pensions les plus modestes. Je veux rappeler que le minimum vieillesse est d'un peu plus de 700 euros mensuels et que le seuil de pauvreté est fixé à 910 euros.
Aujourd'hui, sans les conséquences de votre réforme, un million de retraités sont déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Nous avons largement évoqué le cas des femmes et une forme de consensus s'est établie quant aux conséquences pour elles d'un relèvement de 65 à 67 ans puisque déjà un tiers d'entre elles doit attendre 65 ans pour ne pas subir de décote.
Après Marisol Touraine et Christophe Sirugue, je voudrais revenir sur les jeunes générations et m'adresser en particulier à Pierre Méhaignerie qui vantait tout à l'heure les mérites des modèles scandinaves de « flexisécurité », associant une relative facilité des licenciements à des dispositifs de sécurisation pour les travailleurs, basés notamment sur la formation.
Pierre Méhaignerie, en lecteur attentif du journal Le Monde, n'aura pas manqué de très bonnes descriptions de ce que donnent ces modèles en période de crise : ils produisent des dégâts considérables en termes de chômage.
Il y a quinze jours, Philippe Azkenazy a écrit une tribune sur le sujet, plus précisément sur le chômage des jeunes dans ces pays. Avec la crise, le taux de chômage est remonté à 9 % en Suède et en Finlande, monsieur Méhaignerie. Au Danemark, il atteint 7 % en partant de plus bas.
Chez les jeunes de moins de 25 ans, le taux de la population active atteinte par le chômage se situe actuellement à 12 % au Danemark, à 22 % en Finlande et à près de 25 % en Suède, ce qui est plus élevé qu'en France.
Cependant, en France, nous observons tous sur le terrain des indicateurs extrêmement préoccupants quant à la montée de la précarité et de la pauvreté dans cette tranche d'âge des 16-25 ans.
Que ce soit dans les CCAS ou dans les conseils généraux à travers le fonds d'aide des jeunes en difficulté, par exemple, ou le fonds logement unique, nous constatons que cette catégorie est durement frappée par le chômage et par la pauvreté.
Rappelons que 20 % des jeunes hommes et 25 % des jeunes femmes de moins de vingt-cinq ans se situent en dessous du seuil de pauvreté.
En conclusion, nous sommes convaincus que les trois étages de cette fusée constituent un démantèlement du système de répartition solidaire, juste et efficace pour les retraites.
Vous êtes en train d'obstruer et d'obscurcir encore plus l'avenir des jeunes, alors que la situation est déjà dramatique. Je pense que vous n'avez pas mesuré les conséquences de votre réforme, notamment pour les jeunes générations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)