Monsieur le président de la commission des affaires sociales, pourquoi l'espérance de vie à la retraite est-elle la plus longue en France ? Précisément parce que les Français peuvent encore prendre leur retraite à 60 ans ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En tout état de cause, vous ne pouvez pas dire que cette espérance de vie demeurera la plus longue après la réforme ; nous n'en savons rien.
Vous évoquez la question démographique, mais il convient de la prendre en compte dans sa globalité. La France a la chance d'être l'un des rares pays d'Europe dans lesquels le renouvellement des générations est assuré. Selon l'INED, le taux de fécondité y est en effet de 2,14 enfants par femme. En Allemagne, le renouvellement naturel n'est plus assuré depuis 1972 et la population diminue depuis 2002 ; en Espagne, le taux de fécondité est de 1,4 ; en Suède, il est de 1,75 ; en Hongrie, la population a baissé de 8 % depuis 1982 ; en Lettonie, la population aura baissé de 26 % en 2060 ; au Portugal, les projections démographiques sont alarmantes ; en République Tchèque, le taux de fécondité est de 1,5 et en Italie, il est de 1,38 – il était même de 1,19 en 1995. Ces chiffres ne sont pas inventés : ils figurent dans un document de la commission des affaires sociales. On ne peut pas comparer un pays comme la France, où le renouvellement des générations ne pose pas de problème, et des pays qui, parce que leur population baisse, sont confrontés à un véritable défi démographique. Votre argument démographique n'est donc pas valable.
J'en viens maintenant à la question de la population active. La tranche d'âge des 29-59 ans est aujourd'hui proportionnellement plus nombreuse qu'il y a cinquante ans : 54,3 % contre 53,7 %. Mais le véritable problème, ce n'est pas le nombre d'actifs, c'est le nombre d'actifs qui travaillent. Or, actuellement, le taux de chômage est trop élevé. Les cotisations sont donc moindres et les caisses de retraite voient leurs recettes diminuer. C'est ce problème-là qu'il faut régler, et il n'a rien à voir avec la démographie.
On nous dit que les salariés prennent leur retraite à 61 ans et qu'il n'est donc pas gênant de repousser l'âge légal à 62 ans. Cela fait tout de même une année de plus et, à 60 ans, ça compte. Mais, surtout, pourquoi liquident-ils leur retraite à 61 ans ? Parce qu'ils ne sont déjà plus au travail : seuls 58 % des actifs âgés de 55 à 59 ans ont un emploi. Les entreprises considèrent en effet que ces travailleurs sont usés ; elles les mettent donc en longue maladie, en invalidité ou au chômage, notamment en utilisant la procédure de la rupture conventionnelle. Et qui paie ? Non pas les caisses de retraite, mais les ASSEDIC et l'assurance maladie. Vous prétendez régler le problème des retraites, alors que vous appauvrissez les autres branches de la sécurité sociale.
J'ajoute que, le dispositif « longues carrières » s'appliquant aux personnes ayant commencé à travailler avant 18 ans, le report de l'âge légal de départ à 62 ans implique que ceux qui ont commencé à 18 ans cotiseront 44 années.
En fait, vous vous satisfaites d'un taux de chômage élevé. Il vous permet de dresser les salariés les uns contre les autres, en désignant ceux qui ont un emploi comme des privilégiés qui doivent se serrer la ceinture pour ceux qui sont au chômage.
Votre solidarité, votre prétendue équité – ce mot que vous avez sans cesse à la bouche – ne s'applique, pour vous, qu'entre les travailleurs et ceux qui n'ont pas d'emploi, mais jamais entre les rentiers et les salariés ! Pour notre part, nous proposons que les rentiers paient plus, car les rentes, ça ne sert pas à grand-chose : ce qui sert, c'est l'investissement et le travail. Nous, députés du Parti de gauche et du Parti communiste, assumons le fait d'être pour un transfert vers le travail des sommes qui sont aujourd'hui affectées aux dividendes.
Pour ce qui est du fameux pourcentage de la valeur ajoutée, j'attire votre attention sur le fait que l'on prend systématiquement pour référence la date de 1983. Mais la part du travail dans la valeur ajoutée était de 85 % en 1945 et de 67,5 % en 1970 ; elle est remontée à 72,5 % en 1983, et elle est de 65 % depuis 1996. Il y a donc bien une baisse du travail dans la valeur ajoutée.