Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 10 septembre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle :

…les femmes françaises ayant en moyenne deux enfants, ce qui fait une sérieuse différence avec les pays voisins.

La raison majeure de votre réforme est liée à trois facteurs : l'échec de la réforme Fillon de 2003, qui visait à assurer un financement pérenne des retraites ; le très fort taux de chômage des jeunes et des seniors, qui grève les caisses de retraite ; le choix d'une fiscalité particulièrement injuste, qui vous pousse à faire payer votre réforme par les salariés à 85 %, notamment par les jeunes générations. Vous avez toujours à la bouche les mots « jeunes générations », mais vous préemptez le Fonds de réserve prévu pour elles, alors qu'elles entrent plus tard sur le marché du travail.

Pourquoi les Français sont-ils si opposés à votre réforme ? Plusieurs réponses sont possibles. Soit ils sont plus bornés que la moyenne des Européens, mais alors il faudrait que vous le leur disiez. Soit vous n'avez pas encore réussi à la leur expliquer parce que votre pédagogie n'est pas la bonne : si 85 % des Français sont contre, cela prouve que quelque chose ne va pas dans votre discours. Soit, enfin, et c'est ce que je pense, ils ressentent qu'il y a d'autres choix possibles et que les vôtres sont particulièrement injustes et particulièrement mal répartis, notamment pour une moitié de la société, c'est-à-dire pour les femmes.

Monsieur le ministre, ce n'est pas faute de vous avoir interpellé sur les conséquences de votre réforme pour les femmes, mais, à chaque fois, avec dédain et arrogance, vous avez balayé d'un revers de main nos arguments en disant que le problème ne tenait pas à la retraite des femmes mais à leur carrière.

Aujourd'hui, heureusement, les associations féminines et les manifestantes ont réussi à mettre sur le devant de la scène la situation des femmes et la faiblesse de leurs retraites. Car, sous votre gouvernement, elles vivent une quadruple peine.

D'abord, leurs salaires sont inférieurs de 17 à 25 % à ceux des hommes, qu'elles soient cadres ou ouvrières. La discrimination salariale est tenace en France, en dépit des promesses de M. Sarkozy, qui avait demandé à Xavier Bertrand, alors ministre du travail, d'y mettre fin au 1er janvier 2010.

Deuxième peine : seules 44 % des femmes réussissent à avoir une carrière complète. Elles ont des interruptions plus longues que les hommes : en moyenne quatre ans et trois mois. Seuls 2 % des salariés masculins s'arrêtent pour l'éducation de leurs enfants.

Troisième peine : à la retraite, ces inégalités s'accentuent. En effet, quatre femmes retraitées sur dix touchent moins de 600 euros ; en moyenne leur retraite est de 40 % inférieure à celle des hommes. Une inégalité salariale de 20 % en moyenne aboutit donc à une inégalité deux fois plus importante. Voilà pourquoi j'ai commencé en disant que les retraites sont un miroir grossissant des injustices et des inégalités.

Tous droits confondus, la retraite moyenne des femmes est de 1 027 euros – en droit direct, elle n'est que de 827 euros –, tandis que celle des hommes atteint 1 600 euros. Bien évidemment, il y a chez les femmes comme dans le reste de la société de grandes disparités et de grandes inégalités, et des femmes cadres supérieures ont une retraite tout à fait correcte, mais cela signifie que nombre de pensions se situent en dessous de la moyenne de 827 euros. Toutes les études réalisées sur les précédentes réformes de votre majorité révèlent qu'elles ont été particulièrement défavorables eux femmes, surtout la réforme de 1993.

La quatrième peine, c'est le report de l'âge légal de 60 à 62 ans et le report de l'âge du taux plein de 65 à 67 ans. Les associations et les syndicats, lors de leurs auditions devant la délégation aux droits des femmes, ont particulièrement attiré notre attention sur ces deux allongements. Je cite une syndicaliste : « Aujourd'hui, une femme qui peut prendre sa retraite à 60 ans, pour obtenir 50 à 100 euros de plus, prolonge son temps d'activité ou, pour avoir un taux plein, continue à travailler jusqu'à 65 ans. Ce seront donc majoritairement des femmes qui iront jusqu'à 67 ans. »

C'est la raison pour laquelle – mais vous ne voulez pas l'entendre – nous proposons de donner un droit de partir à 60 ans. À chacun de faire ses calculs, sachant que la décision de prendre sa retraite est corroborée à des comportements individuels. Il y a bien sûr des règles communes et il faut évidemment fixer des bornes, mais il faut aussi prendre en compte les choix personnels. Je souligne que, lorsque vous avez annoncé brutalement que les fonctionnaires ne bénéficieraient plus du droit à la retraite après quinze ans au titre des trois enfants et qu'ils avaient jusqu'au 13 juillet pour bénéficier pleinement du dispositif existant, il y a eu un mouvement important de demandes de départ car nombre d'entre eux, en particulier des femmes, avaient envisagé autrement leur carrière.

Telle est notre différence avec vous, monsieur le ministre. Pour nous, le départ à la retraite est un choix à la fois collectif et individuel. Les femmes ne sont pas toutes égales devant ce choix : il y a celles qui savent qu'elles vont avoir des retraites pleines, et les femmes chefs de familles qui sont conscientes qu'elles auront beaucoup plus de difficultés. Vous, vous réagissez surtout en comptable, vous vous focalisez sur les chiffres, sur la démographie, sur l'économie. Vous oubliez que l'enjeu des retraites est avant tout social et humain.

Aussi, en conclusion, je veux vous poser deux questions : alors que les précédentes réformes ont déjà lésé les femmes, qu'allez-vous faire pour lutter contre cette injustice à l'égard de la moitié de la société française ? Est-ce que les femmes sont condamnées à toujours perdre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion