La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (nos 2060, 2138).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures cinquante et une pour le groupe UMP, huit heures dix-neuf pour le groupe SRC, trois heures seize pour le groupe GDR, quatre heures deux pour le groupe NC et quarante et une minutes pour les députés non inscrits.
Cet après-midi, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
J'aperçois M. Brottes qui, j'imagine, sollicite un rappel au règlement…
Monsieur le président, je serai bref, sachant que, dans huit heures dix-neuf, nous n'aurons plus le droit de nous exprimer…
Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1 – à vous de juger s'il s'agit bien d'un rappel au règlement ou s'il vous faudra le décompter sur le temps de parole qui nous est imparti. Au demeurant, je ne saurai abuser de votre bienveillance, ni mettre en colère M. le ministre chargé de l'industrie qui considère mes rappels au règlement inutiles et superfétatoires.
Il m'en faut beaucoup pour me mettre en colère !
Contrairement à ce qu'en dit une rumeur qui a couru, je n'abuse pas de ce genre de procédé : ce n'est que mon quatrième rappel au règlement depuis le début de ce débat. Avouez que ce n'est pas beaucoup…
Monsieur Brottes, je ne fais pas de procès d'intention. Je juge sur les actes et les paroles.
Cette discussion générale est passionnante : lorsqu'elle s'achèvera, 70 % de nos collègues s'y seront exprimés – le fait est assez rare –, dont plus de 95 % sont défavorables au texte, ce qui correspond peu ou prou aux résultats de la consultation qui a eu lieu dans le pays.
J'imagine donc que l'issue de nos débats est très incertaine puisque j'entends très peu de députés se prononcer en faveur de ce texte.
La Poste va devenir une société anonyme dont nous n'avons toujours aucune idée de la valeur, faute d'avoir obtenu de réponse quant à sa valeur : M. Balligand nous a fait savoir cet après-midi que la Caisse des dépôts et consignations n'avait toujours pas donné son accord pour entrer dans le capital. Et pour ce qui est de la participation de l'État, vérification faite entre les deux séances, nous n'en avons trouvé aucune mention explicite dans le budget ; ajoutons qu'il n'y a aucun financement du fonds de péréquation…
Bref, nous débattons d'un texte qui mérite quelques éclaircissements avant de passer à l'examen des amendements. D'où ma remarque liminaire, monsieur le président, en vous remerciant de votre bienveillance.
Je ne veux pas tomber dans le jeu perfide de M. Brottes qui ne respecte en aucun cas, me semble-t-il, un règlement que je connais un peu.
Mais je ne peux pas le laisser énoncer devant tous ceux qui nous observent, notamment grâce aux médias, une série de contrevérités. Aussi vais-je rappeler, pour éclairer les membres de la majorité, qu'une annexe au projet de loi de finances – dont M. Brottes a parfaitement connaissance – précise que : « Conformément à la décision du Président de la République, il est prévu d'augmenter le capital de La Poste de 2,7 milliards, dont 1,5 milliard pour la Caisse des dépôts et consignations et 1,2 milliard pour l'État. La souscription interviendra en 2010 une fois la transformation en société anonyme opérée. La libération se fera de manière progressive. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Aussi, monsieur le président, si vous en avez la possibilité, je vous demanderai de veiller à ce que M. Brottes n'utilise pas à mauvais escient le règlement pour tenter de diffuser des contrevérités dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Sylvie Andrieux.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l'industrie, mes chers collègues, cela fait maintenant plusieurs mois que nous nous battons, à gauche, aux côtés des usagers, contre le projet du Gouvernement et du Président de la République de changement de statut de La Poste en société anonyme et contre l'ouverture de son capital.
S'il est vrai que l'émergence d'un concurrent qui rivaliserait avec La Poste dans le domaine de la distribution du courrier sur tout le territoire national est peu probable, le développement d'autres opérateurs sur des marchés plus lucratifs peut être déstabilisant.
Les nouvelles technologies obligent La Poste à repenser son fonctionnement et ses services. Dans le même temps, le maintien d'un service public de qualité sur tout le territoire national est plus que jamais une exigence incontournable.
Dans ce contexte, les besoins d'investissements minimaux de La Poste ont été évalués à 6,3 milliards d'euros, alors que, fin 2008, le groupe avait 1,7 fois plus de dettes que de fonds propres. Le résultat net du groupe La Poste était de 529 millions d'euros en 2008, en recul de 44 % par rapport à 2007.
Face à cette situation, que propose le Gouvernement que vous représentez, monsieur le ministre ? Une seule et unique mesure, qui passe en grande partie à côté des enjeux réels du débat : le changement de statut.
Ne nous trompons pas, si le changement de statut de La Poste doit être assorti de garanties qui ne figurent actuellement pas dans ce texte, c'est bien l'absence de mesures portant sur la définition, le financement et la régulation du service public qui doit attirer toute notre attention.
La transformation de La Poste d'EPIC en société anonyme à capitaux publics suscite les oppositions les plus fortes, reposant sur la crainte fondée que celle-ci ne devienne qu'une entreprise commerciale comme les autres, orientée exclusivement vers le profit et perdant de vue ses missions de service public, contrairement à vos affirmations. Sur ce point, nous estimons que les conditions dans lesquelles intervient cette transformation ne sont pas opportunes.
En effet, le changement de statut a pour première série de conséquences de modifier les règles de fonctionnement de La Poste, en soumettant en principe l'entreprise au droit privé.
Malgré le succès reconnu de la votation citoyenne en octobre dernier où 2,3 millions de personnes se sont exprimées contre la privatisation de la Poste, vous entendez toujours soumettre le service public le plus cher au coeur des Français – nombre de collègues en ont fait état – aux lois du marché et aux règles du profit.
Dans les Bouches-du-Rhône, plus de 123 000 personnes ont exprimé leur soutien à une Poste 100 % publique. Peut-être avaient-elles déjà eu vent de la non-reconduction par la direction départementale de la Poste, des contrats de location des bureaux suivants : La Valentine, L'Estaque, Saint-Tronc, Saint-André, Saint-Julien, Montolivet, Montredon, les Olives, Sainte-Anne, Notre-Dame-Limite, Bompard, National et Libération. La direction envisage-t-elle leur fermeture ?
Toujours dans les Bouches-du-Rhône, il est prévu la création de huit Relais Poste pour remplacer des bureaux de poste. Je le rappelle, ces Relais Poste peuvent être tenus par n'importe quel commerce – boucherie, épicerie, etc. – sans exigence de secret professionnel ni devoir de réserve.
Voilà notamment les raisons pour lesquelles nous exigeons de la part du Gouvernement des garanties quant aux règles de fonctionnement de La Poste.
Le contrôle de l'État doit être renforcé. Il doit pleinement assumer son rôle décisionnaire en termes de stratégies financières et ne doit pas laisser les dirigeants de l'entreprise décider seuls.
Le changement de statut de la Poste ne paraît pas justifié par des impératifs de développement, mes collègues l'ont rappelé. Jean-Paul Bailly affirmait lui-même en 2007 que « la forme juridique de La Poste n'est absolument pas un frein à sa modernisation et à sa préparation pour l'ouverture à la concurrence ». Alors pourquoi vouloir changer ?
Personne ne conteste que La Poste n'a pas besoin d'un changement de statut pour réformer son organisation et son fonctionnement. Aucune analyse convaincante n'a été avancée pour démontrer que, dans le contexte actuel, une ouverture de capital présente des avantages par rapport aux autres modes de financement possibles de La Poste, tels que l'endettement ou l'investissement public.
La conquête de marchés étrangers ne semble pas non plus, à l'heure actuelle, une priorité pour La Poste. La commission Ailleret a elle-même appelé dans son rapport à la plus grande prudence à cet égard.
Je me permettrai de rappeler, comme cela a déjà été fait à plusieurs reprises, que les évolutions de France Télécom et de GDF ont bien montré que l'ouverture de capital était inéluctablement la première étape vers la privatisation des entreprises publiques, contrairement à ce que vous voudriez nous faire croire.
Réformer une entreprise aussi importante que La Poste, par son poids économique et social et par sa place dans la vie quotidienne des Français, ne peut se faire sans rassembler un consensus auprès de ses employés. C'est loin d'être le cas aujourd'hui.
Une fois encore, rien que dans les Bouches-du-Rhône, plus de quatre-vingt-treize emplois d'exécution ont été supprimés cette année, dont cinquante et un à Marseille.
En 2010, il est prévu ce que la direction appelle « une première vague de réorganisation ». Son objectif est de supprimer vingt-sept emplois sur neuf regroupements de bureaux. Les tournées seront très certainement réorganisées, voire réduites et les territoires les plus enclavés de moins en moins desservis. Les usagers ont perdu 3 281 heures de guichet chaque semaine, soit l'équivalent de la fermeture de cinquante-cinq bureaux de poste !
Depuis 2002, sur l'ensemble du territoire, 52 000 emplois ont été supprimés et les salaires stagnent à moins de 1 600 euros pour la moitié des postiers, contre 74 % d'augmentation pour les dix plus gros salaires. Pour satisfaire les futurs actionnaires, l'objectif de la Poste est de supprimer sur cinq ans 40 % des emplois de guichetiers.
Mais les enjeux se situent aussi en termes de financement et de régulation du service public postal.
Plus que La Poste elle-même, ce sont les besoins des usagers et des territoires qui doivent être au coeur de la réflexion sur le service public postal. Sur ces points, le projet du Gouvernement pèche par une très grande faiblesse de propositions.
Aujourd'hui, La Poste est chargée de quatre missions de service public, définies depuis la loi du 20 mai 2005 : le service universel postal, la contribution à l'aménagement et au développement du territoire, le transport et la distribution de la presse et l'accessibilité bancaire.
Ces missions, vous les rappelez dans ce projet de loi : c'est bien, mais malheureusement largement insuffisant. Il aurait pu, en concertation avec les usagers et les collectivités territoriales, créer de nouveaux droits, correspondant aux besoins réels que doit satisfaire le service public postal.
Il peut s'agir, par exemple, des horaires d'ouverture des bureaux de poste ou des services offerts par le postier lors de la distribution du courrier. Nous le constatons chaque jour dans nos circonscriptions, le facteur a un réel rôle social.
Nous sommes également particulièrement déçus que votre projet, monsieur le ministre, ne réponde pas au principal danger qui menace La Poste : le financement du service public et plus précisément du service universel et de la contribution à l'aménagement et au développement du territoire.
La source de financement que constitue le domaine réservé va nécessairement se tarir ; et ce n'est pas le fonds de compensation du service universel postal qui pourra le combler tant ses ressources sont insuffisantes – sans parler de son effectivité, qui reste à démontrer.
Ce système, qui aujourd'hui ne fonctionne pas, pourrait être amélioré, en élargissant par exemple les activités dont le chiffre d'affaire est pris en compte pour calculer la contribution au fonds de compensation.
Les missions d'aménagement et de développement du territoire représentent pour La Poste des coûts considérables qui doivent être compensés par un fonds de péréquation. Comme le permet la directive européenne, ce sont l'ensemble des opérateurs postaux qui devraient contribuer à ce fonds.
Dans tous les cas, nous n'accepterons pas que l'État se désengage et fasse supporter aux usagers, par le biais d'une hausse des tarifs, la compensation des surcoûts. Le principe de l'égalité d'accès de tous au service postal en serait gravement remis en cause.
Sur ce point, les exemples européens de privatisation de La Poste devraient conduire le Gouvernement à plus de précaution et de réflexion.
Nous regrettons enfin que la place de l'usager ne soit pas plus présente dans ce projet de loi, alors qu'il devrait être au coeur de l'évolution du service public postal. Il convient de mieux l'associer à la régulation, en renforçant par exemple la présence de ses représentants au conseil d'administration de La Poste et dans les instances de régulation. Encore un rendez-vous manqué pour le Gouvernement…
Non seulement ce texte n'est pas acceptable car rien ne justifie le changement de statut juridique de La Poste, mais il n'apporte de surcroît aucune garantie. Il est surtout inacceptable en ce qu'il n'aborde pas les véritables enjeux que sont la définition, le financement et la régulation du service public. Cela vous fait rire, monsieur le ministre…
Parce que les Français sont attachés au service public, à la venue de leur facteur dans les quartiers ou les zones rurales, où il est bien souvent le seul représentant du service public, il nous semble impératif, au-delà des clivages politiques, de ne pas sacrifier La Poste sur l'autel de la loi du marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui revêt une importance toute particulière pour la majeure partie des membres de cet hémicycle.
Tous ceux qui sont élus dans des circonscriptions rurales, comme moi, savent bien que La Poste n'est pas, et ne sera jamais, une entreprise comme les autres. Dans chaque village où se trouve La Poste, elle joue un rôle primordial dans la vie de chacun.
Le postier n'est pas seulement celui qui, chaque matin, par tous les temps, vous apporte votre courrier.
Le postier, c'est le banquier de proximité, c'est l'ami, c'est aussi parfois le confident… La Poste, c'est surtout un lieu de rencontre, d'échange qui permet à ceux qui sont isolés de rompre leur solitude. En d'autres termes, La Poste a contribué à faire vivre nos campagnes depuis toujours.
Mais loin de cette image d'Épinal, La Poste est aujourd'hui une entreprise qui doit changer pour ne pas mourir.
C'est un fait – et ceux qui le contestent se voilent la face. Comment cette entreprise pourra-t-elle survivre dans un contexte où la communication numérique monte en force et où la concurrence va se durcir ?
C'est la raison pour laquelle il me semble essentiel de soutenir ce projet de loi.
À ce titre, je tiens à féliciter le Gouvernement qui sait, lorsqu'il le faut, se saisir des questions importantes avec force et courage.
Je tiens également à souligner les apports du Sénat qui font que le texte qui nous est soumis aujourd'hui est équilibré et répond à toutes les inquiétudes.
Je comprends très bien ceux qui s'inquiètent de l'avenir de La Poste.
Mais, si nous les comprenons, nous ne saurions accepter les mensonges et la désinformation qui entourent ce texte.
La Poste est, et restera, une entreprise publique. Elle fait partie du patrimoine des Français, patrimoine que nous ne voulons pas voir bradé.
C'est pourquoi ce texte précise que La Poste est un service public à caractère national. Il réaffirme de surcroît les quatre grandes missions de service public assurées par La Poste : le service universel postal, l'aménagement et le développement du territoire grâce à son réseau de points de contact, le transport et la distribution de la presse, l'accès aux services bancaires. La Poste restera donc, au quotidien, dans la vie de chacun.
Par ailleurs, j'ai toujours été attentif à ce que les services publics demeurent des éléments de revitalisation territoriale.
En Haute-Corse, je me suis très tôt inquiété de la permanence des bureaux de poste dans de petites communes comme Murato, Pino ou encore Rogliano.
J'ai organisé une réunion avec les responsables régionaux de La Poste, en présence de l'association des maires de mon département. Il a bien été précisé qu'il n'y aurait pas de privatisation de ce service public, ce que tous les élus ont compris.
C'est pourquoi vous comprendrez que je suis resté attentif à ce que ce projet de loi ne puisse en aucun cas porter atteinte au maillage territorial existant.
Je me félicite donc que ce texte inscrive dans le marbre de la loi le principe du maintien d'un réseau minimal de 17 000 points de contact.
De même, la signature d'un « contrat d'entreprise » qui détermine les objectifs des missions de service public attribuées à La Poste, tend à renforcer encore son rôle social, territorial et économique.
Aussi, loin de la caricature, ce projet de loi est un projet de développement, une chance pour une entreprise qui compte pour tous les Français. Il permettra à cette belle entreprise d'investir dans la modernisation de ses agences, dans la diversification de ses services afin d'envisager sereinement les lourds défis de la concurrence.
Au fond, il s'agit d'engager La Poste dans un processus de pérennisation et d'amélioration de la qualité des services publics postaux, dans le cadre d'une économie concurrentielle.
Ce projet de loi remplit donc tous les objectifs assignés, tout en répondant aux craintes de nos concitoyens. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne ne peut contester la nécessité de moderniser et d'adapter La Poste, parce qu'elle sera soumise à une concurrence plus forte…
…parce que le service du courrier perdra de son importance du fait du recours accru à d'autres moyens de communication, parce qu'elle a besoin de développer de nouveaux services avec beaucoup plus de force, comme le colis ou l'express.
Reste que La Poste est le service public par excellence, celui auquel nos compatriotes sont légitimement le plus attachés, surtout lorsqu'ils habitent en milieu rural, où La Poste joue un rôle essentiel pour rompre l'isolement, en apportant les informations et en fournissant un minimum de services indispensables.
Deux aspects de votre projet me préoccupent fortement, monsieur le ministre. L'intervention d'un autre partenaire, en l'espèce la Caisse des dépôts, ne serait-ce que pour apporter les moyens financiers nécessaires à la modernisation, me semble plutôt une bonne idée sur le principe. Un problème se pose cependant : qu'en est-il de la pérennité de l'engagement de la Caisse des dépôts ?
Nous constatons depuis quelque temps qu'il est fait appel de manière systématique et répétée à la Caisse des dépôts.
On fait appel à elle quand il s'agit d'apporter des concours aux entreprises, via OSEO en particulier, quand il s'agit de créer le fonds spécial d'investissement, quand il s'agit de prendre en charge la trésorerie des organismes de sécurité sociale via l'ACOSS – la CDC heureusement y a donné un coup d'arrêt-, ou encore lorsqu'il s'est agi de renforcer certains investissements dans les universités ou au ministère de la Justice. Jusqu'où pourra-t-elle aller ? La commission de surveillance a déjà manifesté des préoccupations qui paraissent justifiées à beaucoup d'entre nous.
Cette inquiétude est d'autant plus fondée que la notion de personne morale de droit public, dont on nous dit qu'elle serait un garde-fou, est une notion extrêmement incertaine en ce qu'elle n'est définie nulle part. Il reviendra par conséquent aux juges d'en apprécier la portée. En ce domaine, tout est sujet à précision, à interprétation, voire à requalification. Cette notion de personne morale de droit public n'est pas aussi solide que l'on veut bien nous le faire croire.
La réalité du service pose un autre problème. Nous avons voté en 2005 - je l'ai voté avec la majorité d'alors - une loi sur le service postal qui marquait une volonté forte de défendre le service postal dans notre pays. Patrick Ollier y avait pris à l'époque une part importante, je m'en souviens. Nous avions voté un certain nombre de dispositions faisant référence à la notion de service universel. Nous avions également posé la règle, pour au moins 90 % des Français, d'une distance maximale de cinq kilomètres avec le « point poste » le plus proche – dans notre esprit, il s'agissait avant tout des bureaux de poste. Nous avions pris des dispositions très fortes et manifesté dans le prolongement d'un autre texte, la loi de 2004 sur le développement des territoires ruraux, la volonté d'apporter au monde rural les garanties dont il a besoin.
Or, aujourd'hui, malgré ces textes, le service postal, sur le terrain, se dégrade progressivement. On nous dit qu'il faut fixer un certain nombre de « points poste », mais il y a des différences considérables entre un bureau de poste, une agence postale communale et un simple « point poste ». Ce ne sont pas les mêmes services qui sont mis à la disposition des citoyens. Nous constatons par ailleurs que bien souvent, des pressions sont exercées sur certaines collectivités pour descendre lentement d'un type d'organisation à l'autre. Or, cette situation est tout de même paradoxale à un moment où le monde rural n'est pas du tout, comme on pouvait le craindre voici vingt ou trente ans, en déclin. Au contraire la plupart des zones rurales de notre pays font preuve d'un certain dynamisme et voient leur population augmenter. Dans mon propre arrondissement, le dernier recensement a fait apparaître 6 000 habitants supplémentaires dont plus de 3 000 en zone rurale. Parallèlement, la qualité du service ne cesse de se dégrader. À cela s'ajoute la chute du nombre des médecins en milieu rural, ce qui imposerait une véritable régulation.
Nous attendons que des dispositions fermes soient prises. L'inquiétude est forte.
Nous avions également voté, au moment de la généralisation de la distribution du Livret A, des dispositions pour garantir l'accessibilité bancaire. Si ce processus se poursuit, nous savons bien qu'elle ne pourra pas être garantie dans les conditions que nous avons voulu imposer.
Entre le tableau que vous affichez et la réalité du terrain, le décalage est extrêmement préoccupant.
Ce texte vient accentuer une rupture qui, de l'avis de bon nombre d'entre nous, n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, un an après la publication du rapport Ailleret et à peine un mois après l'examen de ce projet de loi par le Sénat, l'Assemblée est amenée à se prononcer sur l'avenir de La Poste et, plus encore, sur l'avenir d'un service public à la française, de proximité, probablement le service public par excellence, celui auquel les Français tiennent le plus, celui que la France rurale ne veut pas, ne peut pas voir disparaître.
La question qui se pose à nous, parlementaires et élus de la République, est de savoir s'il faut, en approuvant ce texte, accepter de brader ce patrimoine collectif qu'est La Poste.
Une fois de plus, le Gouvernement et sa majorité tentent de minimiser les enjeux du projet en nous expliquant qu'il se résume à une querelle simpliste, manichéenne, entre, d'un côté, des modernisateurs favorables au changement de statut de La Poste, et, de l'autre, des conservateurs attachés au maintien du statut de droit public de cet établissement public à caractère industriel et commercial.
C'est ici faire injure aux 2,3 millions de Français qui se sont clairement exprimés, lors de la votation citoyenne soutenue par les radicaux de gauche, en faveur du maintien du statut actuel de La Poste. Et ils sont de plus en plus nombreux à redouter ce changement qui constitue la première étape de sa privatisation. Il n'y aura bientôt plus que la majorité pour faire semblant de croire que ce texte ne vise en rien, à terme, à démanteler le service public postal en privatisant l'entreprise La Poste.
Avec mes collèges radicaux de gauche, nous sommes, quant à nous, fermement opposés à ce qui se trouve au coeur du projet de loi : le changement de statut de La Poste en société anonyme, et donc la mort de ce service public à la française. Car aujourd'hui, son statut d'EPIC garantit un service qui rythme le fonctionnement de notre société grâce, notamment, à la distribution du courrier six jours sur sept et à J plus un.
Comment pourrions-nous croire, monsieur le ministre, qu'une société anonyme, fût-elle transitoirement à capitaux publics, sera en mesure de répondre à ces exigences, tout en assurant une double mission d'aménagement du territoire et de maintien du lien social ?
Nous n'acceptons pas que La Poste entre dans la course sans fin vers le profit et la rentabilité au détriment, inévitablement, de sa mission essentielle de service public, de sa mission de service de l'intérêt général ou encore de sa mission d'égalité dans le traitement de ses usagers, quel que soit leur statut social ou leur situation géographique.
À coups de RGPP et de refontes budgétaires, la politique du Président de la République agresse et affaiblit le pacte républicain. Et nous subissons de plein fouet l'accélération des fermetures de centres de perception, de brigades de gendarmerie, d'hôpitaux, de tribunaux, de classes et d'écoles. Nous le subissons particulièrement dans nos départements ruraux comme celui du Lot dont je suis élue, où le démantèlement des services publics pénalise gravement la population et l'isole chaque jour encore davantage du reste du territoire national.
L'ancrage territorial de l'État, pilier essentiel de la péréquation et de la solidarité nationale, ne cesse de se rétrécir. Faut-il rappeler que lors de sa visite à Cahors, en avril 2008, le Président de la République a souhaité faire du Lot un département pilote en matière de réorganisation des services administratifs ? Depuis, il n'est pas revenu, mais moi qui suis sur le terrain, je puis vous assurer que plus que de réorganisation, c'est bien de disparition qu'il s'agit !
En ligne de mire et à courte vue, il y a donc désormais, derrière La Poste, de nouvelles cibles : le service postal universel, l'aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse, l'accessibilité bancaire, autant de services publics et d'amortisseurs sociaux qui doivent être assurés par des acteurs publics, et donc régis par des règles de droit public.
Pour nous, radicaux de gauche, aider La Poste doit revenir à lui permettre de remplir au mieux ses tâches de service public et à lui permettre de franchir les difficultés structurelles qu'elle rencontre, à plus forte raison dans la perspective de l'ouverture du marché à la concurrence au 1er janvier 2011.
Nous considérons comme une dérive le remplacement des bureaux de poste par des agences postales communales et des relais postes commerçants. Dans mon département, les Lotois le constatent : il ne reste plus que onze bureaux de poste « centres », le reste des « points poste » étant répartis entre des guichets annexes, des agences postales et des relais communaux. Les uns après les autres, nos bureaux de poste fusionnent, comme à Souillac et à Martel, se réorganisent, comme à Cahors, préfecture de 20 000 habitants pourtant, où les horaires d'accueil du public se réduisent significativement.
Cela quand les bureaux ne disparaissent pas tout simplement comme à Arcambal, Vers, Fontanes, Albas, Douelle, Payrignac, Montfaucon, ou encore Castelfranc qui, le 1er janvier prochain, verra, comme les autres communes citées précédemment, son bureau de poste fermé et remplacé par une simple agence postale. Puis pourrait venir le tour du bureau de Cénevières, de celui de Lauzès. Je m'arrête ici, car la liste serait trop longue tant les atteintes à nos bureaux communaux et les suppressions d'emplois qui vont avec sont importantes. Dans ces conditions, comment ne pas considérer qu'il s'agit tout simplement d'une régression pour la qualité de vie et de services en zones rurales ? Comme de nombreux élus, je suis attachée aux bureaux de plein exercice.
La disposition introduite par le Sénat visant à conserver les 17 000 points de contact n'offre aucune garantie suffisante car ce qui compte, c'est le ratio entre ces différentes structures. La Poste doit maintenir son extraordinaire maillage territorial. La présence postale, lien social unique et indispensable, en particulier dans les zones rurales ou dans les quartiers populaires, est menacée. Ce service public est notre bien commun, enraciné au plus profond de la vie des villages et des quartiers, où la question de la présence postale revêt une dimension humaine très forte.
Donner les moyens à La Poste de s'en sortir, c'est d'abord respecter son statut d'EPIC qui n'est en rien archaïque ni dépassé – pas plus qu'il n'est incompatible avec les réglementations européennes.
Monsieur le ministre, prenez vos responsabilités et cessez de vous abriter derrière des faux-semblants ou derrière Bruxelles. Vous devez assumer les choix du Gouvernement de démanteler le service public postal en vous attaquant à l'établissement public qui le fait vivre.
Mes chers collègues, La Poste a prouvé qu'elle pouvait s'adapter avec son statut actuel ; son intervention dans les secteurs concurrentiels a d'ailleurs été réalisée avec succès. Par conséquent, un débat responsable et intelligent doit porter sur les moyens de rendre compatible la modernisation devenue nécessaire avec le maintien des missions de service public. La Poste dispose à l'heure actuelle de tout l'outillage juridique pour se défendre face à ses concurrents.
Monsieur le ministre, la transformation de La Poste en société anonyme est dangereuse pour les usagers comme pour les salariés de cet établissement. Aujourd'hui, l'avenir de La Poste ne peut se concevoir que dans le cadre d'un service public national maîtrisé par l'État. Or, il ne s'agit pas de la logique à laquelle obéit le présent texte. Dans ces conditions, je ne vois pas comment les radicaux de gauche, attachés au service public postal, pourraient lui apporter leur soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Marie-Line Reynaud. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'entreprise La Poste et aux activités postales vise à faire basculer cette entreprise publique vers le droit commun des sociétés anonymes. Ce changement juridique de statut annonce la première étape, c'est une évidence, de la privatisation de ce service public.
Depuis que cette réforme est envisagée, vous essayez, monsieur le ministre, de créer l'illusion que La Poste restera une entreprise publique. Or, à l'issu des travaux du Sénat, aucune disposition du texte ne prévoit expressément une participation majoritaire et pérenne de l'État au capital de la nouvelle société anonyme. Vous avez déclaré, avant l'ouverture de l'examen du projet par le Sénat : « Je vais la rendre " imprivatisable. " »
Mais nous nous souvenons tous ici du débat sur le statut de Gaz de France, où le ministre de l'économie et des finances de l'époque, aujourd'hui Président de la République, avait tenu des propos similaires. Depuis, GDF, après la fusion avec le groupe Suez, a été privatisé. Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que les Français ne puissent plus croire en la parole de l'État.
Avec ce projet de loi, nous avons une certitude : le Gouvernement n'a toujours rien compris à la crise financière qui frappe durement les économies de la planète.
C'est la meilleure ! Ce sont les socialistes qui n'ont rien compris ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La libéralisation à outrance de l'économie et de la finance nous a menés à cette crise qui s'abat durement sur nos concitoyens. Or vous proposez, aujourd'hui, comme vous le faisiez hier, d'appliquer cette méthode libérale en privatisant, à terme, La Poste.
Pour justifier le changement de statut de La Poste, vous invoquez la législation européenne et en particulier la directive postale ; mais que contient-elle réellement ? Ce texte européen prévoit, pour l'essentiel, l'ouverture complète à la concurrence du secteur postal le 1er janvier 2011. La suppression du monopole est donc une obligation mais le texte ne mentionne pas la nécessité de privatiser ou de modifier les statuts des entreprises nationales historiques. La Commission européenne n'a d'ailleurs jamais formulé d'injonction relative à un changement de statut. Partout où le statut de la poste a changé, comme en Suède, on observe une diminution du nombre de bureaux de poste et des effectifs, ainsi qu'une augmentation des tarifs du prix du timbre.
La réalité est donc très simple : vous modifiez le statut de l'entreprise pour lui permettre de faire face à son insuffisance de fonds propres. Cette insuffisance résulte d'une dette qui atteint désormais 6 milliards d'euros. L'origine de cette dette n'est pas due à une mauvaise gestion de l'entreprise, c'est votre responsabilité qui est en cause. En effet, vous avez refusé d'accompagner financièrement le groupe La Poste, pour lui permettre de maintenir les 17 000 points contacts sur le territoire.
Là encore, monsieur le ministre, ce n'est pas la faute de Bruxelles. La Commission européenne autorise de telles interventions financières dans la mesure où cette mission de service public est considérée par ladite commission comme relevant de la compétence des États membres.
Les groupes socialistes des deux assemblées vous ont demandé de soumettre ce texte au vote du peuple français par la voie du référendum. Vous avez refusé, car vous savez que les Français se sont fortement mobilisés pour sauver ce grand service public.
La votation citoyenne organisée cet automne fut un grand succès, avec près de 2 300 000 votants, dont plus de 17 500 dans mon petit département de Charente qui compte 350 000 habitants.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. La Chante libre ! (Sourires.)
D'ailleurs, l'anagramme de « Charentais », c'est « anarchiste » ! (Sourires.)
Une grande majorité de votants s'est exprimée contre le changement de statut de La Poste. Comme vous êtes, mesdames et messieurs de la majorité, avec le Président de la République, très friands de sondages, nous vous en offrons un, avec cette votation, qui est gratuit et fondé sur un échantillonnage record. Vous avez tort de minimiser ce phénomène et de le balayer d'un revers de main. Les Français refusent la remise en cause des services publics que le Président de la République et le Gouvernement organisent de façon méthodique et systématique, afin de mettre en application le dogme du tout-libéral. Hier, GDF et France Télécom,…
Ah non ! France Télécom, c'est vous qui l'avez privatisée ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Non, c'est vous qui avez ouvert le capital de France Télécom en octobre 1997 !
Les députés de la majorité ne sont que trois en séance, mais ils sont têtus !
…aujourd'hui, La Poste, demain, peut-être, la SNCF, EDF ou la RATP. Quand cesserez-vous cette vente à la découpe irresponsable de nos entreprises de services publics ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Au dodo !
La Poste est non seulement le plus ancien et le plus emblématique de nos services publics mais elle reste dans l'esprit de nombreux de nos concitoyens comme les PTT, les Postes Télégraphes et Téléphones. C'est aussi le premier employeur de France après l'État. Elle est un maillon essentiel du lien social par sa présence sur tout le territoire avec la distribution du courrier six jours sur sept et ses 17 000 points de contact. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne coupe jamais la parole à personne : j'aimerais que vous m'écoutiez !
La Poste est aussi un acteur indispensable pour maintenir le prix unique du timbre.
Ce nouveau statut de société anonyme va de surcroît aggraver une inégalité déjà patente sur le terrain.
Nous sommes nombreux, sur tous les bancs de l'Assemblée, à constater dans nos territoires ruraux ou urbains la réduction des amplitudes horaires et le non-remplacement des agents absents, quand ce n'est pas la fermeture pure et simple de trop nombreux bureaux de postes.
De trop nombreux bureaux de postes de plein exercice sont transformés en agences postales communales, puis en points de contact. J'en veux pour preuve l'exemple de mon département : en 2002, on dénombrait 122 bureaux de postes de plein exercice, c'est-à-dire des bureaux où l'on réalisait toutes les opérations et prestations de La Poste. Aujourd'hui, on ne compte plus que treize bureaux de plein exercice en Charente. Les autres ont été remplacés dans le meilleur des cas par des agences postales communales ou des relais poste chez un commerçant.
En ce qui concerne la distribution du courrier, nous sommes passés de quarante-deux centres de distribution à neuf !
On peut très raisonnablement déduire que pour tout le département de la Charente, on passera de cent vingt-deux points de contacts en 2002 à quinze agences postales demain, soit moins d'une agence par canton, avec une disparition ou une transformation quasi certaine de l'ensemble des bureaux annexes existants.
Les députés de la majorité sont si peu nombreux ! Le débat ne les intéresse-t-il donc pas ? Sans doute vont-ils arriver…
Ainsi, mis à part les quinze agences bancaires, tous les autres points de contacts seront à la charge des collectivités locales.
Cette situation nouvelle permettra plus ou moins à La Poste d'affirmer qu'elle reste dans les normes du service universel. Si, à terme, il y a privatisation totale de l'entreprise, tous ces petits points de contact postaux seront très vite supprimés.
La situation de mon département n'est malheureusement pas un cas isolé. En dix ans, les gouvernements de droite successifs auront permis de massacrer et finalement de supprimer totalement la présence postale dans l'ensemble de notre pays, par la fermeture d'un nombre important de bureaux dans tous nos départements. Même si cela vous dérange, monsieur le ministre, c'est un nouvel exemple, s'il en était besoin, de la volonté gouvernementale de privatiser un à un l'ensemble de nos services publics à la française.
Il est aujourd'hui évident que l'unique objectif de la droite est de faire de notre pays en 2012 un clone du Royaume-Uni que Mme Thatcher a abandonné en 1990,…
Ce sont les travaillistes qui ont libéralisé le secteur ! Assumez ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
…le règne du « tout privatisé » et du « moins d'État possible », avec les résultats désastreux que connaissent encore les Britanniques vingt ans après.
L'État doit être le garant de l'équité territoriale et mener une politique d'aménagement de l'ensemble des territoires. Mais vous fermez les tribunaux, les hôpitaux, les casernes de gendarmerie, bref, toutes les institutions qui, présentes dans nos départements, contribuent à alimenter le lien social. Comme toujours, les élus locaux devront prendre le relais de l'État pour pallier la disparition des services publics nationaux. Le paysage de nos campagnes a changé, les écoles sont devenues des salles des fêtes, et les postes des logements communaux.
Pour conclure, mes chers collègues, si le Gouvernement nous demande de débattre en urgence de ce projet de loi, c'est dans le seul but d'obtenir son adoption définitive avant que la loi organique relative à l'article 11 de la Constitution soit adoptée, et ainsi s'éviter le vote sanction du peuple français.
Aimer La Poste, monsieur le ministre, ce n'est pas la privatiser comme vous le proposez : c'est conforter ses missions de service public. C'est penser aux 200 000 facteurs qui déposent chaque jour de la semaine les lettres et les colis, particulièrement nombreux en cette période de fêtes, dans les 30 millions de boîtes aux lettres que compte notre pays.
Si vous aimez La Poste, mes chers collègues, votez contre ce projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ai l'impression, chers collègues de la majorité, que, ce soir, l'opposition vous dérange, vous fatigue car elle représente une écrasante majorité de Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La Poste est le dernier service public qui vient tous les jours chez chacun d'entre nous et auquel nous pouvons nous adresser quelle que soit notre condition sociale. Elle symbolise l'égalité et donc une partie de notre devise républicaine. C'est pourquoi votre projet, loin de cette symbolique, nous inquiète et nous paraît inacceptable à plus d'un titre.
En ce qui me concerne, moi qui suis, comme beaucoup d'entre vous, député d'une circonscription rurale, je m'interroge tout particulièrement sur l'article 2, qui traite de l'intégration des quatre missions d'intérêt général de La Poste.
Tout d'abord, je tiens à relativiser l'enthousiasme de votre gouvernement, pour qui la consécration de ces quatre missions est un élément fort, une sorte de victoire sur le libéralisme. C'est même presque une victoire contre vous-mêmes ! En fait, cette « victoire » ne fait que transposer les obligations rappelées par la troisième directive européenne ; elle est donc toute relative.
Mais au-delà de la déclaration de principe, je m'interroge sur sa traduction dans la réalité, sur sa concrétisation. Cela ne sert à rien, cela n'apporte aucune garantie supplémentaire si le financement des surcoûts des missions de service public n'est pas assuré.
Deux de ces points m'interpellent particulièrement dans la perspective de l'aménagement des territoires ruraux.
En ce qui concerne le premier, celui du service postal universel, toutes les garanties doivent être données afin qu'il participe au développement équilibré de nos territoires et à la nécessaire cohésion sociale et territoriale. Il faut réaffirmer l'indispensable égalité des citoyens devant le service public et garantir à tous les Français, sur n'importe quel point du territoire, la présence d'un service public postal qui offrira les mêmes droits à un même prix abordable pour tous.
Mon deuxième sujet d'inquiétude concerne l'aménagement et le développement du territoire par le biais de la présence postale. La loi de 2005 – plusieurs collègues l'ont déjà dit – interdit que plus de 10 % de la population d'un département se trouve à plus de cinq kilomètres et à plus de vingt minutes d'un point de contact de La Poste. La nouvelle loi prévoit de fixer le nombre de ces points de contact à 17 000. Cette belle déclaration de principe ne nous dit rien cependant sur la qualité de la présence postale : sous les termes de « points de contact » se retrouvent – cela a également déjà été dit – les bureaux de plein exercice, les agences postales communales et les relais commerçants. Or ces trois catégories recouvrent des réalités et un service rendu au public bien différents.
En effet, si dans un bureau de plein exercice, comme l'indique son nom, un client peut effectuer toutes les opérations qu'il souhaite, ce n'est pas le cas dans les agences postales communales, où il ne pourra accomplir certaines opérations financières, comme l'ouverture d'un compte. Quant aux relais commerçants, le service rendu est encore plus réduit.
Je m'y suis déjà rendu, mon cher collègue ! Je fréquente La Poste. J'y ai même un compte.
En ce qui concerne plus particulièrement les agences postales communales, leur pérennité est gravement menacée si La Poste devient une société anonyme, car il est fort probable que le droit européen mettra en cause les contrats passés avec les communes, entraînant ainsi la disparition de ces agences.
Beaucoup ici sont maires, monsieur le ministre – vous l'avez été vous-même…
Mais vous n'avez pas de fonctionnaires de la collectivité qui tiennent des agences postales. Je ne le crois pas. Or, dans les petites communes rurales, les secrétaires de mairie occupent souvent aussi les postes de l'agence postale. Entre-temps les secrétaires de mairie ont été titularisés. Imaginez qu'ils n'aient pas la possibilité, plus tard, de continuer : que vont faire ces communes de leurs secrétaires de mairie titulaires ? C'est un vrai problème.
En outre, les mêmes communes ont entrepris des travaux importants d'accessibilité. C'est très à la mode, n'est-ce pas ?
Des travaux de mise en sécurité également. Ce sera même obligatoire. Qu'est-ce que cela va devenir ?
L'avenir que vous nous promettez, c'est en fait La Poste à la mode Canada Dry : elle aura la couleur du service public mais n'aura même pas le goût du service public. Et ce ne sera plus un service public.
Les inquiétudes que j'exprime devant vous sont justifiées par d'autres exemples européens de privatisation plus ou moins rampante. Ainsi, nos voisins d'outre-Rhin ont supprimé 13 000 bureaux de poste sur 26 000. Et parmi les 13 000 restants, beaucoup ne sont plus des bureaux de plein exercice.
Ce problème récurrent d'aménagement du territoire par le maintien d'une présence postale suffisante et de qualité passe, bien entendu, par des moyens financiers adéquats. Or cette présence a un coût : 380 millions d'euros. Un coût que l'État ne compense que très partiellement, et pour combien de temps ? Comment La Poste pourra-t-elle assumer ?
Je pense donc que votre projet dessine un avenir sombre pour le service postal à la française, car vous ne donnez finalement aucune garantie concernant les tarifs en zone rurale ou dans les zones les plus reculées, vous ne dites rien de la péréquation tarifaire, vous ne garantissez pas l'absence d'augmentation du prix unitaire du timbre ou de la prestation dans certaines zones.
Vous le savez sans doute – ce sont des chiffres tout récents –, 61 % du résultat d'exploitation provient du courrier. Nous assistons déjà à une baisse drastique des volumes : c'était moins 3,5 % par an jusqu'alors, ce sera moins 6 % en 2009 et moins 30 % jusqu'en 2015.
Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à émettre des doutes quant à la pertinence de votre texte. Le 3 octobre dernier, je vous le rappelle, 2,3 millions de Français ont tenu à exprimer leur opposition catégorique au changement de statut de La Poste. C'est pour cela que j'ai dit au début de mon propos que nous représentions ce soir largement une majorité de Français.
Vous avez beau déclarer que La Poste sera « imprivatisable », je citerai mon collègue et ami François Brottes, qui vous a rétorqué que l'adjectif « imprivatisable » n'était ni français ni de droite.
Par ailleurs, le dogmatisme dont vous faites preuve en ce qui concerne les services publics ainsi que votre libéralisme à tout crin se sont déjà traduits en 2003 et 2006 par la réduction de la participation de l'État en dessous du seuil fatidique de 50 % dans le capital de France Télécom comme de Gaz de France. La Poste, imprivatisable, dites-vous ? Permettez-moi, pour une fois, de douter de votre bonne foi !
Pourquoi en arriver là alors que la directive européenne n'oblige pas à ce changement de statut ? Pourquoi vous obstinez-vous à vouloir transformer La Poste, à vouloir la privatiser en catimini ?
Je tiens à vous dire également combien votre texte est loin de tous vos communiqués de presse et de vos déclarations martiales sur la préservation du service public à la française. C'est en fait une nouvelle remise en cause du service public et de la politique d'aménagement du territoire.
Pour conclure, je veux vous dire, monsieur le ministre, que vos déclarations rassurantes ne reflètent en rien la réalité et les incertitudes du texte. Notre collègue Daniel Garrigue, qui appartient toujours, je crois, à votre majorité,…
Personne dans cet hémicycle ne dit qu'il ne faut pas moderniser. Mais pas comme vous la faites ! Moderniser, oui, privatiser, non !
Ce texte, c'est une remise en cause du service public. Ce sera une catastrophe pour les zones rurales, et vous le savez, monsieur le ministre. J'espère qu'au printemps, elles sauront s'en souvenir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui nous est présenté comme un texte visant à renforcer la compétitivité du groupe La Poste dans une économie mondialisée et un contexte de forte concurrence européenne.
Or ce texte, par l'idéologie néolibérale qui l'a inspiré, ne peut être interprété que comme visant à mettre en cause le service universel postal.
En effet, votre projet de loi, monsieur le ministre, entérine l'ouverture totale à la concurrence. Il procède à la transposition de la troisième directive postale européenne en n'en retenant que les dispositions les plus libérales.
C'est ainsi qu'il met un terme au secteur réservé qui faisait toute la force du service universel postal à la française, en transformant – c'est là le coeur de votre projet de loi – le statut de La Poste et en faisant d'un établissement public à caractère industriel et commercial une société anonyme. Il ne s'agit donc ni plus ni moins que d'une libéralisation du secteur postal.
Cette libéralisation profitera avant tout aux concurrents du secteur privé. Comme pour la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », il n'y aura aucune contrainte pour les acteurs du secteur privé lorsque La Poste devra continuer d'assumer seule les missions de service public sur l'ensemble du territoire. Aux opérateurs privés les niches les plus rentables, délaissant la distribution dans les zones les moins accessibles, au profit de la collecte et du tri !
Vous dites que le statut d'EPIC de La Poste ne favoriserait pas son développement économique et limiterait son dynamisme commercial. C'est faux : aujourd'hui, La Poste est un des acteurs européens les plus dynamiques de son secteur.
On nous dit qu'elle aurait besoin de capitaux nouveaux pour la modernisation de son réseau et de ses outils, pour le développement de ses activités : colis et logistique, Or, dans le même temps, alors qu'on affirme que rien ne changera sur les missions de service public, on constate sur le terrain la mise en oeuvre d'une politique dite de modernisation, synonyme de disparitions de milliers de bureaux de postes au profit d'agences postales communales ou de relais-postes situés dans les commerces.
La modernisation des centres de tri nous fait craindre, quant à elle, que ces sites sous-exploités puissent être utilisés par la concurrence.
Si La Poste a besoin de capitaux nouveaux, comme on nous le dit, on suppose que ce serait pour le déploiement de sa stratégie à l'international. Or 2,7 milliards d'euros de fonds publics vont être mis à sa disposition par l'État pour ces opérations externes. On est en droit de s'interroger sur une telle stratégie, encouragée par les pouvoirs publics, qui se fera au détriment des investissements sur notre territoire.
La question qui aurait dû prévaloir dans ce projet de loi, c'est celle de l'aménagement du territoire. Il aurait été nécessaire d'inscrire dans ce texte que « le service public postal fournit ses services en répondant aux exigences d'aménagement du territoire. »
Dois-je rappeler que l'aménagement du territoire est considéré comme une « exigence essentielle » dans la directive postale européenne de 1997 ? Selon le point 19 de l'article 2 de cette directive, l'aménagement du territoire constitue l'une des « raisons générales de nature non économique qui peuvent amener un État membre à imposer des conditions pour la prestation des services postaux ». Inscrire cette notion dans le projet de loi aurait permis de s'assurer que le Gouvernement souscrit bien à cette exigence.
En effet, les services d'intérêt général ont des spécificités qui doivent être prises en compte. À cet égard, lors de l'examen de la proposition de la troisième directive postale, l'UNI-Europa Poste, qui représente les syndicats postaux de tous les États membres – plus d'un million d'employés sur un effectif total de 1,6 million – a bien noté un déficit d'analyse et d'évaluation de l'impact économique et social. Elle a également souligné les effets sur l'emploi de la réduction du secteur réservé, et a regretté que « les études retenues par la Commission pour arrêter ses propositions ne se soient pas intéressées aux répercussions sur la cohésion sociale et territoriale, ni à l'emploi ».
Personne ne peut accepter que l'aménagement du territoire fasse les frais de ce projet de loi. Seule la préservation des services publics peut garantir la solidarité, la cohésion sociale et territoriale. Cette cohésion doit relever d'une vraie volonté politique en termes d'aménagement du territoire, volonté politique qui manque cruellement à votre gouvernement et à la direction de l'entreprise publique La Poste.
En effet, aujourd'hui sur nos territoires, nous sommes nombreux à constater que dans nos régions, nos départements et nos cantons, le maillage territorial par les bureaux de poste ne cesse d'être détricoté.
Mon département a valeur d'exemple car il illustre parfaitement le besoin de services publics forts, ancrés dans les territoires, et les manquements de l'État à cette exigence. Comme pour la carte judiciaire, la carte hospitalière, la carte ferroviaire, nous nous trouvons, avec ce texte, acculés à la mobilisation pour la défense des services publics sur nos territoires. Sur l'ensemble du département de l'Aveyron, on compte quatre-vingt-un bureaux de poste de plein exercice, quatre-vingt-une agences postales communales, dix-huit relais poste commerçants. Il convient d'emblée de faire la distinction entre ces différents types de sites qui sont tous labellisés par la direction de La Poste comme « point de contact », mais recouvrent des réalités fort différentes. La Poste en effet use et abuse du terme « point de contact », arguant que la France en compte 17 000, soit autant qu'en 1914. En réalité, les différences sont nombreuses…
Sur treize prestations essentielles au courrier, l'agence postale communale n'en propose que neuf et le relais poste que deux ; sur douze prestations financières types, l'agence postale communale n'en propose que quatre, assorties de restrictions – retraits plafonnés à 300 euros – et le commerçant en « point poste », une seule : un retrait limité à 150 euros par semaine, si l'argent est disponible en caisse !
Les faits sont là : les directions départementales de La Poste exercent une pression sans précédent sur les élus des communes pour transformer les bureaux de poste de plein exercice en agences postales communales.
Elles n'hésitent pas à intimider les maires de ces communes qui, bien souvent, pensent ne pas avoir d'autre choix que d'accepter cette transformation pour conserver un point de contact. Tout cela se passe bien sûr à l'insu des salariés de La Poste et de leurs représentants syndicaux, comme me l'a fort opportunément rappelé l'une de leurs responsables aveyronnaise.
Il faut aujourd'hui tout le courage de certains élus pour s'opposer à ces méthodes, qui seront aggravés par le nouveau texte de loi. Ainsi à Najac, l'une de nos bastides aveyronnaises touristiques, le maire a vu, sans concertation aucune, l'amplitude horaire de son point de contact passer de trente et une heures à dix-sept d'heures d'ouverture hebdomadaire ; ainsi à Livinhac-le-Haut, dès l'élection du maire, la direction locale de La Poste a pris rendez-vous avec lui pour essayer de lui imposer la transformation de son bureau de poste en agence postale communale ; Ainsi à Firmi, La Poste, unilatéralement, avait décidé de diminuer l'amplitude horaire du bureau de poste de vingt-trois heures à quinze heures par semaine et des tracts, que je peux vous montrer, monsieur le ministre, ont même été distribués par La Poste dans ce bureau pour indiquer les nouveaux horaires sans en prévenir le maire. Celui-ci s'en est ému auprès du directeur qui lui a répondu, avec un laconisme confinant à la désinvolture, que le bureau ne serait désormais ouvert que trois heures tous les matins, soit quinze heures par semaine.
Non, je ne rêve pas, c'est la réalité, mon cher collègue. Un nouveau courrier et une nouvelle action du maire ont finalement permis à cette commune de bénéficier d'une ouverture de vingt heures par semaine. La liste de tels exemples, monsieur le ministre, n'est pas exhaustive.
La logique de La Poste est simple et perverse : elle organise la pénurie. En effet, plus on diminue l'amplitude horaire d'un bureau de poste, plus on en diminue l'activité et moins il peut faire de chiffre d'affaire. Or l'évaluation des bureaux, et donc leur maintien, est fondée sur leur activité. Et sitôt que l'activité en baisse, la direction de La Poste préconisera immanquablement le passage en agence postale.
Cette politique de restriction généralisée confine au non-sens quand on voit qu'à Cransac, cité thermale de ma circonscription, le point de contact n'est ouvert que le matin au moment où les curistes effectuent leurs soins, mais est fermé l'après-midi quand ces mêmes curistes devraient pouvoir bénéficier des services de La Poste.
Au problème des restrictions horaires s'ajoute celui de l'accessibilité bancaire. La politique qui vise à transformer les bureaux de poste en agences postales communales est une atteinte réelle à l'accessibilité de tous, notamment des plus démunis et des plus isolés, à un service bancaire. Aujourd'hui dans un bureau de poste, tout un chacun peut avoir accès à un conseiller financier ; dans une agence postale communale, non : si vous voulez voir un conseiller financier, il faudra prendre rendez-vous pour qu'il se déplace chez vous ! (Exclamations sur divers bancs.)
Comme, dans le même temps, ces conseillers financiers sont soumis à des objectifs chiffrés, ils préféreront rester dans leur bureau à voir le plus possible de clients plutôt qu'à perdre du temps en se déplaçant. C'est ainsi que tout un pan de la population n'a plus accès, dans les faits, à un service bancaire digne de ce nom. Le rôle d'acteur de proximité des guichetiers, des facteurs était la garantie d'une persistance du lien social.
C'est pour le retrouver qu'il faut changer La Poste !
Aujourd'hui ce lien social est mis à mal, et son état sera aggravé par le présent texte.
Pour terminer, j'évoquerai les contractuels de La Poste. Le personnel se divise en deux groupes quasi égaux en nombre : les fonctionnaires et les contractuels. Ces derniers sont 120 000 en CDD, mais leur situation ne cesse de se dégrader. Il y a eu, suite à des recours aux prud'hommes, requalification en CDI pour des personnes ayant effectué des dizaines de CDD successifs. Dans mon département, une contractuelle de La Poste est actuellement en CDI après avoir bénéficié, si l'on peut dire, de quatre-vingt-sept CDD.
Vous faites le procès de La Poste, mais vous voulez défendre un établissement qui n'est pas à la hauteur ! C'est d'un ridicule !
Non, ce n'est pas ridicule, monsieur le ministre : c'est la réalité des territoires !
Les Français pourront constater que la gauche ne change pas…
À chaque agence postale communale créée, c'est un poste de salarié de La Poste en moins. Dans l'Aveyron, on demande à certains agents, considérés comme surnuméraires, d'aller travailler dans d'autres départements, ce qui entraîne pour eux de longs déplacements sans possibilité d'utiliser les transports en commun. Au moment où nous parlons de développement durable et de la taxe carbone, ces agents vont être doublement pénalisés. Plus de quatre-vingts emplois de postier ont été supprimés en 2009 dans mon département.
Si je cite tous ces exemples, ce n'est pas pour faire le procès de La Poste : c'est pour attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que des logiques déjà à l'oeuvre aujourd'hui ne pourront qu'être amplifiées par l'adoption de ce texte. Il est évident qu'à terme, ne subsisteront que les activités rentables. Qui peut croire un seul instant, sachant ce qu'est déjà la politique de La Poste aujourd'hui, que demain, dans le cadre d'une société anonyme, les bureaux de poste refleuriront sur tout le territoire, qu'on embauchera des facteurs pour délivrer le courrier dans les hameaux les plus isolés ? Personne, monsieur le ministre ! Certainement pas les 2,3 millions de votants, dont 22 000 Aveyronnais, qui ont participé à la votation citoyenne pour la préservation de La Poste.
C'est à eux que je souhaite délivrer un message d'espoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'avenir de La Poste est bien sûr un sujet de préoccupation pour chaque citoyen et nous sommes tous particulièrement attachés à cette entreprise.
La Poste n'est pas une entreprise publique comme les autres : elle est l'un des plus anciens de nos services publics et le symbole du service public de proximité. Nous sommes autant attachés au passage régulier du facteur qu'au bureau de poste lui-même.
Le passage du facteur six jours sur sept et la présence de La Poste sur l'ensemble du territoire à travers ces 17 000 points de contact constituent un lien social indiscutable, lui assurant une notoriété et une image positive auprès de l'ensemble des Français. Car il faut le dire : La Poste est une entité ancrée dans le coeur des Français. Bien plus qu'une entreprise, elle est, dans notre inconscient collectif, l'un des piliers de la vie communale, au même titre que l'école et la mairie. Le postier, à l'instar du maire et de l'instituteur, est bien souvent le dernier lien avec le monde extérieur, particulièrement dans le monde rural, par exemple dans certains villages de ma circonscription du Nord-Mayenne – circonscription que vous connaissez bien, monsieur le ministre.
Toutefois, si La Poste n'est pas une entreprise publique comme les autres, elle n'en est pas moins soumise à l'obligation de faire évoluer ses structures et ses métiers pour garantir la qualité de ses services dans la durée ainsi que l'emploi de ses personnels.
Parce que le 1er janvier 2011 le marché postal européen n'aura plus de frontières, elle va devoir fournir un effort considérable pour se hisser au niveau de ses grands concurrents, allemand ou néerlandais notamment, qui ont entamé de longue date leur métamorphose.
L'ouverture totale à la concurrence, le 1er janvier 2011, du marché du courrier, sur lequel La Poste bénéficie aujourd'hui d'une situation de monopole, est le premier défi qu'il va falloir relever.
Le second défi tient à la montée en puissance d'internet : les volumes de courrier de La Poste ont déjà diminué de 10 % depuis deux ans et, dans quelques années, la baisse pourrait atteindre 30 % ou 50 % ! Chaque jour 150 milliards de courriels sont échangés à travers le monde.
La modernisation de La Poste constitue donc une véritable nécessité pour lui permettre de lutter à armes égales avec ses concurrents, d'offrir un service de qualité à nos concitoyens et de faire face à ces évolutions majeures que sont la disparition totale du monopole et l'essor du courrier électronique.
Le texte que nous examinons aujourd'hui est donc nécessaire et propose de bonnes réponses.
Le projet de loi a été enrichi par le Sénat et apporte des garanties indiscutables. Il conforte La Poste en tant qu'établissement public présent sur l'ensemble de notre territoire ; il réaffirme ses quatre missions de service public : le service universel postal, l'aménagement du territoire, l'accessibilité bancaire et le transport de la presse.
En ce qui concerne la mission d'aménagement du territoire, clairement réaffirmé dans le texte par l'impératif de maillage territorial de La Poste (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), déjà inscrit dans la loi de 2005, le Sénat a souhaité renforcer ce mécanisme en inscrivant dans la loi un seuil-plancher de 17 000 points de contact. Cette disposition est très importante car elle favorise le maintien de points de contact, en particulier en milieu rural : dans mon département de la Mayenne, 94,2 % de la population est à moins de cinq kilomètres d'un point de contact de La Poste, autrement dit à moins de vingt minutes de trajet automobile.
Ce taux est tout à fait convenable pour un département rural.
Ce texte donnera donc à La Poste les moyens indispensables pour faire face aux enjeux de demain tout en la confortant dans ses missions de service public et en préservant, en renforçant même, la situation de ses personnels.
Mais je suis persuadé que nous pouvons aller encore plus loin (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), en particulier pour un meilleur service rendu aux usagers.
Tout d'abord, il faut améliorer les horaires d'ouverture des bureaux car, au cours de mes déplacements dans ma circonscription, j'entends des gens s'en plaindre. À la campagne, ils déplorent que les bureaux ne soient pas ouverts à temps complet et soient parfois fermés deux, voire trois jours d'affilée.
Il me semble nécessaire de proposer des dispositifs souples, adaptés aux spécificités locales et garantissant que les horaires d'ouverture des bureaux et des points de contact correspondent aux modes de vie de la population desservie.
En ce qui concerne les partenariats établis avec les petits commerces, il conviendrait que La Poste fasse l'effort financier que tous les acteurs du monde rural attendent de sa part.
Il y a encore un écart important entre l'aide financière qu'elle apporte aux communes rurales pour le maintien d'un poste à temps partiel d'agent des collectivités locales dans une agence postale communale, et celle apportée dans le cadre d'un relais poste dans un commerce privé. Il faudrait harmoniser ces aides et, en tout cas, ne pas négliger cette dimension d'aménagement du territoire.
Sous cette réserve visant à rendre un service accru à nos concitoyens…
…et notamment à ceux qui vivent dans les territoires ruraux, et parce que moi aussi j'aime La Poste, monsieur le ministre, je voterai sans hésitation pour votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pour sa privatisation ! Pour le désert en zones rurales !
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous débattons d'un sujet à bien des égards emblématique des incertitudes qui pèsent sur notre pacte social et national.
Il en va de l'avenir de La Poste et plus généralement de celui des services publics qui occupent une place importante dans le modèle français hérité du Conseil national de la Résistance, au point même de faire partie de notre identité nationale.
Mes chers collègues, en ces temps où il est beaucoup question d'identité nationale, je m'étonne qu'aussi peu d'acteurs de notre vie politique soulignent à quel point les services publics à la française font partie intégrante de notre patrimoine commun, de notre organisation économique et sociale, de la vie quotidienne de tous les Français, bref de ce fameux plébiscite de tous les jours que constitue le vouloir vivre ensemble républicain.
Cela étant, ces services publics ont aussi besoin de réforme et d'une plus grande rigueur dans leur fonctionnement.
Il s'agit seulement de transformer La Poste en société anonyme, afin de lui permettre d'accompagner l'ouverture à la concurrence européenne du marché postal, et il existe une garantie absolue du maintien des missions de service public et de la préservation d'un capital à 100 % public, nous jure-t-on.
Mes chers collègues, nous savons tous que ce débat est biaisé. Pardonnez-moi mais j'ai le sentiment que, d'un côté comme de l'autre dans cet hémicycle, on ne dit pas toute la vérité à nos concitoyens.
Pour commencer, il est bien évident que c'est la libéralisation européenne du marché postal qui impose le changement de statut en société anonyme.
Mes collègues du parti socialiste notamment réfutent cette réalité évidente (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.), parce qu'ils ne veulent pas assumer devant les Français les conséquences d'une décision dont ils furent co-responsables à Bruxelles un certain 15 juin 1997, sous le gouvernement de Lionel Jospin.
On me répondra que les textes européens n'interdisent pas la propriété publique d'une entreprise opérant dans le secteur concurrentiel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est qu'à moitié vrai, vous le savez bien. En même temps, la Commission européenne estime qu'une entreprise détenue par un État bénéficie d'une garantie illimitée de la part de ce dernier, ce qui fausserait irrémédiablement la sacro-sainte concurrence libre et non faussée.
Cette prétendue non-interdiction est un mythe, une fable : une fois de plus, la Commission européenne n'avance pas à visage découvert, de peur de provoquer la colère des peuples.
S'il en avait été autrement, pourquoi avoir transformé deux autres entreprises publiques EDF et GDF en sociétés anonymes lors de l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence ?
La contrainte juridique de la transformation de La Poste en société anonyme est donc impérieuse, n'en déplaise au parti socialiste et à ses alliés.
Symétriquement, que penser de la promesse de préserver l'intégrité publique du capital de la future société anonyme, comme le jure, la main sur le coeur, le ministre de l'industrie que je crois sincère ?
Une fois encore, ne nous racontons pas d'histoires entre nous, chers collègues : ce que la loi fait, la loi peut le défaire, réduisant à rien la promesse d'éternité publique du capital de La Poste.
En réalité, comme EDF, La Poste va chercher à s'implanter sur d'autres marchés européens, ce qui nécessitera des alliances financières, des partenariats, par le biais d'échanges d'actions, par exemple. Alors, il sera temps de changer la loi d'une pichenette, comme ce fut le cas pour GDF.
Mes chers collègues de la majorité, personne ne peut croire à cet argument brandi par le Gouvernement avec une telle insistance que l'on peut se demander s'il n'a pas besoin de s'en convaincre lui-même.
Vous prendriez sans doute le risque de ne pas être crus par les Français si vous vous en prévaliez pour justifier votre vote. À cet égard, je vous invite à vous en remettre aux mises en garde de l'opposition socialiste qui a pour elle un argument imparable, celui de l'expérience.
Je crois le PS lorsqu'il affirme que la transformation de La Poste en SA est en réalité la porte ouverte à sa privatisation rampante, puisque c'est très exactement ce qu'il a fait lui-même avec France Télécom à la fin des années 1990, lorsqu'il était au pouvoir. Avec quels résultats !
Ainsi donc, nous voyons bien que le débat engagé de part et d'autre de l'hémicycle est un jeu de dupes, pour la simple et bonne raison qu'aucun des deux bords ne veut voir la cause profonde du démantèlement progressif, du détricotage de nos services publics.
Ils sont co-responsables du fatal engrenage de la privatisation de nos services publics nationaux qu'ils ont l'un et l'autre abandonné sur un coin de table, lors d'obscures négociations à Bruxelles.
Pour la même raison sans doute, les deux bords de l'hémicycle ont voté ou laissé voter avec plus ou moins de franchise ce fameux traité de Lisbonne dont la ratification bafoue le référendum du 29 mai 2005.
C'est la même chose !
Alors, mes chers collègues de la majorité, si vous souhaitiez vraiment convaincre les Français que La Poste restera publique, prenez au moins le soin d'inscrire de vraies garanties dans le texte de loi.
Pourquoi ne pas aller jusqu'à fixer à 70 % la participation minimum de l'État, afin de permettre des échanges de participation sur 30 % du capital, sans donner de minorité de blocage bien sûr à des partenaires extérieurs ? Pourquoi ne pas rendre obligatoire un référendum ? Pourquoi ne pas exiger les trois cinquièmes des voix du Parlement pour garantir vraiment la préservation du capital public ?
Hélas, chers collègues, je doute que le Gouvernement vous suive, pas plus d'ailleurs que l'opposition, trop heureuse de vous laisser faire le sale boulot tout en faisant mine de s'opposer à une décision qu'elle accepte, au fond, mais qu'elle ne veut pas assumer devant les Français.
Rêvons un peu : admettons que vous inscriviez ce genre de garanties réelles.
Cela ne suffirait pas, car la libéralisation du marché postal continuerait à se développer avec toutes ses conséquences funestes – elles se font d'ailleurs sentir alors même que La Poste est un établissement public détenu à 100 % par l'État.
Il serait alors difficile d'empêcher de lourdes réductions d'emplois et la généralisation du travail précaire, comme cela se produit depuis dix ans à France Télécom, comme cela s'observe dans les pays européens tels que l'Allemagne qui ont pris de l'avance dans la libéralisation du secteur postal.
En revanche, il serait encore possible de limiter les ravages d'une désertification postale que recèle intrinsèquement la recherche à tout prix de la rentabilité financière, au détriment des zones sous-peuplées comme les zones rurales.
Un fonds postal de péréquation territorial a été créé pour prévenir ce risque, ce qui prouve d'ailleurs qu'il ne s'agit en rien d'un risque imaginaire. Hélas, ce fonds est structurellement déficitaire, et son financement assuré par La Poste à hauteur de l'abattement de taxe professionnelle dont elle bénéficie est très injuste puisqu'il repose en dernier ressort sur les épaules des contribuables locaux et des usagers.
La vraie solution ne serait-elle pas de taxer l'ensemble des opérateurs postaux qui vont être amenés à intervenir sur le marché français, puisque vous acceptez tous cette libéralisation ? Cette taxe financerait un réseau de bureaux de poste dignes de ce nom, plutôt que de s'en remettre à des agences postales communales ou à des points poste qui sont parfois utiles mais qui ne peuvent pas être la seule garantie et qui ne constituent jamais qu'un service public limité, au rabais, sans garantie réelle de continuité.
Fixer le seuil de participation de l'État au capital de La Poste à 70 % minimum, et taxer l'ensemble des opérateurs postaux intervenant sur le territoire français pour garantir un vrai financement de l'aménagement du territoire : voilà deux mesures additionnelles simples et fiables qui pourraient permettre de sauver les meubles, si vous décidiez, mes chers collègues, de voter en faveur de ce projet de loi qui nous est soumis.
Pour ma part, je n'ai qu'une certitude : en l'état, jamais je ne voterai pour ce texte de privatisation déguisée du service public postal, non pas parce qu'il n'est pas le meilleur, mais parce qu'il procède de cette libéralisation des services publics en Europe qui condamne nos services publics et remet en cause notre système français.
Monsieur le président, je m'en voudrais de ralentir le déroulement de nos travaux, mais pas plus que le ministre je n'apprécie de me faire traiter de menteur.
Or tout à l'heure, M. le ministre a semble-t-il esquissé l'idée que je puisse avoir évoqué des données inexactes à propos du budget.
Monsieur le président, c'est très important et cela concerne directement nos travaux.
Ce n'est pas un rappel au règlement !
J'ai compulsé le projet de loi de finances. Dans son rapport joint en annexe, comme chaque année, l'Agence des participations de l'État rend compte à la fois de son travail et de ses intentions.
Monsieur Brottes, c'est sur le fond du sujet que vous intervenez, et non sur le déroulement de nos travaux.
Clairement, nous sommes très loin d'un rappel au règlement, mais je vous écoute.
Monsieur le président, je parle de la forme, celle du PLF dont vous connaissez la consistance et qui, au demeurant, reste le socle de toute la politique gouvernementale, y compris lorsqu'il s'agit de recapitaliser des entreprises publiques qui seront peut-être bientôt privatisées.
Je répète qu'aucune ligne de ce projet de loi de finance n'engage explicitement l'État. Effectivement, l'Agence des participations de l'État évoque le sujet dans un rapport annexé, mais cela ne vaut pas engagement de l'État. Dans les mêmes termes, le rapport de l'agence indique que la Caisse des dépôts va recapitaliser La Poste à hauteur de 1,2 milliard d'euros. À aucun moment, la Caisse des dépôts n'a pris un engagement de ce type.
Cela vaut pour le budget de l'État et pour la Caisse des dépôts. Nous prenons acte de cette indication de l'agence, mais elle ne vaut pas engagement de l'État. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Conformément à l'article 49, alinéa 8, du règlement de l'Assemblée nationale, j'exprime le souhait que les derniers propos de M. François Brottes soient déduits du temps de parole du groupe socialiste (Protestations sur les bancs du groupe SRC) puisqu'il ne s'agissait en aucun cas d'un rappel au règlement.
Je lui rappellerai, une fois de plus, de se référer à l'annexe du compte d'affectation spéciale des participations financières de l'État. M. le député François Brottes ne semble pas exercer minutieusement son travail d'exploration de parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, sauf erreur de ma part, tout cela relève de l'autorité du président en exercice.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous débattons ici de l'un des plus anciens services publics.
En effet, très tôt dans son histoire, la France a mis en place une administration des postes, afin de permettre à chacun de pouvoir envoyer et recevoir des courriers personnalisés, adressés et scellés.
Ce service, très populaire, a connu de nombreuses évolutions organisationnelles et technologiques. Il est encore en pleine évolution et il en connaîtra d'autres, souhaitables très certainement.
Nous n'abordons donc pas ce nouveau texte législatif avec une approche nostalgique…
Pas du tout !
Nous l'abordons en mesurant et en affirmant fortement ici ce que représente le service postal public pour tous les Français, pour tous les résidents de ce pays et en particulier pour les plus fragiles. Il est un lien entre eux et avec le reste du monde, mais aussi une représentation concrète de l'égalité des droits, offrant l'accès égalitaire à un service public indispensable à la qualité de vie quotidienne.
La remise en cause de cette égalité de traitement aurait un impact sur la crédibilité des affirmations républicaines beaucoup plus important que les tenants du libéralisme à tout prix ne pourraient le penser.
La remise en cause de La Poste comme service public dépasserait largement la question du service rendu lui-même ; elle est un marqueur de projets de société opposés qui pourraient s'affronter durement.
Alors pourquoi transformer le statut de La Poste pour en faire une société anonyme ? Personne ici n'est dupe.
Ce projet de loi n'a pas été rédigé pour répondre à une quelconque injonction européenne qui n'existe d'ailleurs pas en matière de statut de société. Il a été rédigé pour répondre à une idéologie ultra-libérale que vous continuez à porter, malgré ce que la crise actuelle nous enseigne sur les dérives financières et mercantiles.
Vous nous dites que la transformation en société anonyme ne remet pas en cause le caractère de service public de La Poste.
Monsieur le ministre, vous prétendez que La Poste est « imprivatisable ». Malheureusement personne ne vous croit. Dans l'opinion publique, personne ne vous croira non plus, pas plus les défenseurs du service public que les partisans de la privatisation. Au moins, de ce point de vue, vous faites l'unanimité !
Au lieu de ce changement de statut inutile et dangereux, il faudrait mener une réflexion approfondie sur la présence postale en milieu rural, en montagne et dans les zones urbaines sensibles, en y associant les usagers, les élus et les employés de La Poste.
Une organisation syndicale a ainsi proposé la création, à partir des services de La Poste, de maisons de services au public, lesquelles regrouperaient dans un même lieu les différents services nécessaires à un territoire donné : poste, borne Internet, relais de Pôle emploi, distribution de micro-crédits, organisation de services de proximité ou informations relatives aux services d'aide à la personne, toutes solutions à imaginer selon les besoins du territoire. Ces maisons de service au public auraient l'intérêt de recréer du lien social dans des territoires isolés ou difficiles, ce qui est aussi la mission de La Poste : les Français, dans leurs millions de lettres et de signatures, nous parlent ainsi de leur besoin de services de proximité.
Dans mon département d'Ille-et-Vilaine, près de 33 000 personnes ont participé à la votation citoyenne, et le « non » a recueilli 98 % des suffrages. Dans plus de soixante-sept villes et communes, y compris rurales, deux cents points de vote ont été ouverts à la population, laquelle, toutes catégories et tous âges confondus, a rejeté le projet de changement de statut de La Poste. De très nombreux élus se sont aussi mobilisés et exprimés ; de nombreux conseils municipaux et des communautés de communes de ma circonscription ont délibéré sur des motions pour s'opposer à ce projet de transformation de La Poste en société anonyme et défendre le maintien d'un service public de qualité accessible à tous.
C'est ainsi le cas de la communauté de communes de Guichen, qui s'est prononcée pour le retrait du projet de loi postale, pour l'ouverture d'un débat public concernant l'avenir du service postal, et a demandé la tenue d'un référendum sur le service public postal. Cette motion a été adoptée à trente-six voix, deux votants s'étant abstenus ; et je puis vous assurer, monsieur le ministre, que cette collectivité n'est pas monochrome sur le plan politique.
Vous aviez une formidable occasion de proposer aux Français une réponse de service public rénové pour assurer la qualité, la proximité et l'égalité de traitement ; vous la gâchez en voulant à tout prix imposer un changement de statut dangereux pour l'avenir. C'est une erreur majeure, que la majorité parlementaire, dans un sursaut de lucidité, peut encore corriger. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Henri Jibrayel, expert en activités postales, est remonté jusqu'à 1547 pour nous rappeler l'inscription de La Poste dans l'histoire et le paysage français. Il a ainsi montré combien La Poste faisait partie de l'identité territoriale d'une commune française, donc de l'identité nationale si chère au Gouvernement. De fait, la poste, la mairie et l'école sont les trois piliers du service public territorial.
Le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, doit, à vous entendre, monsieur le ministre, mieux assurer l'avenir de La Poste et son développement. Permettez-moi néanmoins d'en douter. Vous avez assuré que le débat parlementaire était très important pour l'avenir de La Poste ; pourquoi, alors, avoir choisi la procédure accélérée, laquelle restreindra les débats ?
La Poste, aujourd'hui établissement public à caractère industriel et commercial, deviendra une société anonyme de droit privé, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter. En effet, sous couvert d'un changement de statut, c'est une privatisation à terme, celle de l'un des services publics les plus emblématiques du système français, que vous nous avez concoctée. Au prétexte que l'adaptation à la complète libéralisation des services postaux en Europe d'ici au 1er janvier 2011 rend nécessaire l'évolution de La Poste, votre gouvernement persiste dans l'entreprise de destruction des services publics.
Le 3 octobre dernier, pour défendre La Poste lors d'une consultation citoyenne, deux millions de personnes ont manifesté leur opposition au changement de statut. De plus, faisant suite à cette participation massive, le groupe SRC a déposé une proposition de résolution estimant urgente la mise en oeuvre de l'article 11 de la Constitution relatif à l'extension du référendum. Cette proposition, discutée dans le cadre de l'ordre du jour réservé au groupe SRC le 15 octobre dernier, a été rejetée par votre majorité.
Si vous étiez sûrs de l'« imprivatisation », vous ne craindriez pas cette consultation citoyenne ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez également refusé l'amendement cosigné par quarante-sept députés UMP…
…en faveur de l'organisation d'une « consultation populaire […] avant toute ouverture du capital de la poste à des fonds privés ».
Assurer le maintien d'un service public de qualité et de proximité dévoué à nos concitoyens sur tout le territoire national n'est décidément pas la priorité idéologique du Gouvernement. Si nous convenons de la nécessité d'adapter La Poste à un nouveau contexte concurrentiel, le risque est grand, avec la modification de son statut en société anonyme, de voir des fonds privés entrer progressivement dans son capital. C'est pourquoi je crains que, sitôt voté, ce changement de statut n'accélère la privatisation.
En outre, rien ne vous obligeait à agir de la sorte. On nous explique que cette privatisation – pardon, ce « changement de statut » – serait imposé par la déréglementation européenne. C'est inexact, car c'est votre gouvernement qui a accepté la libéralisation totale du courrier à partir de 2011, alors que vous auriez pu vous y opposer.
Par ailleurs, les règles de l'Union européenne ne fixent aucune obligation en matière de statut des entreprises intervenant dans le secteur postal, dès lors que sont respectées les règles de concurrence en vigueur. Aucune législation n'imposait donc cette réforme. Autrement dit, la Commission européenne n'a jamais formulé d'injonction relative au changement de statut. Lorsque la gauche était majoritaire, elle s'est constamment opposée à toute directive retirant à La Poste son secteur réservé. Une fois de plus, l'Europe vous sert d'alibi et vous permet de masquer votre désengagement quant à la défense des services publics.
Votre manière d'agir est d'autant plus contestable que La Poste est déjà compétitive et qu'elle génère des profits. Or, avec ce changement, elle ne pourra garantir ni la même qualité de service pour tous, ni des tarifs identiques, ni l'égal accès de tous au réseau postal, ni le maintien de la présence postale sur l'ensemble du territoire. En effet, le texte permettra la libéralisation du service postal, autrement dit sa privatisation ; et ce n'est pas votre imagination sémantique débordante, monsieur le ministre, qui nous prouvera le contraire.
« Imprivatisable », dites-vous, comme votre majorité l'avait dit en bien d'autres occasions. Car les exemples de duperie sont légion ; je ne citerai, parce qu'il est édifiant, que celui de France Télécom. Je veux bien croire, monsieur le ministre, en votre bonne foi, même si je la sais limitée à la durée de votre mandat ministériel. Reste que les garanties que vous promettez sont teintées d'insincérité ; et ce ne sont pas les menus apaisements apportés lors de l'examen au Sénat qui effaceront nos craintes légitimes. Un simple amendement, par exemple, suffirait pour que la responsabilité du service universel soit attribuée sur appel d'offres.
Nous sommes donc opposés au changement de statut de La Poste et aux conséquences désastreuses qu'il aura au niveau local. Le service postal est bien souvent le dernier contact pour les populations rurales ; il est l'ultime rempart contre les inégalités sociales et territoriales. Les élus ruraux pourront en témoigner : les missions de service public de La Poste dépassent largement le cadre du courrier, de la presse ou encore de l'accessibilité bancaire ; elles constituent le dernier lien avec le monde extérieur et tissent la trame du quotidien pour bon nombre de nos concitoyens, qui voient dans le facteur, non un salarié lambda mais une personne de confiance.
Pour toutes ces raisons, il est impératif de maintenir le service public, de garantir la pérennité des bureaux de poste, lesquels jouent un rôle majeur dans l'aménagement et le maillage du territoire, préservant ainsi le lien social. Les populations concernées sont inquiètes, car elles sont édifiées par la politique du Gouvernement, qui, depuis bientôt huit ans, détruit les services publics. J'en veux pour preuve le réseau des trésors publics – dans le département de l'Hérault, seize perceptions ont été rayées de la carte – ; la disparition de tribunaux, d'ailleurs largement contestée par votre majorité ; la disparition, lors de la mise en place de Pôle emploi, des antennes de l'ANPE ; la suppression, à travers la RGPP, de toutes les subdivisons de l'équipement – sur les seize qui existaient dans le département de l'Hérault, il n'en restera que trois au 1er janvier – ; la disparition des directions départementales de l'agriculture, lesquelles seront rattachées à des directions du territoire, avec quelques permanences pour faire face à la crise des agriculteurs et des viticulteurs ; les menaces qui pèsent sur l'école maternelle avec le projet de Mme Morano de créer, pour les remplacer, des jardins d'éveil assumés par les collectivités. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Non, madame ; c'est la réalité. Si elle vous heurte, c'est qu'elle est sans doute difficile à entendre pour vous.
La transformation envisagée aurait pu être acceptable si elle avait été bien menée. Mais force est de constater que votre réforme ne permettra pas le développement d'un nouveau service public. Bien au contraire, votre projet de changement de statut, qui ne s'accompagne d'aucune justification et d'aucune garantie, fait craindre une fragilisation du service public. Pourquoi un tel acharnement destructeur ?
Vous écartez totalement les usagers du débat, alors qu'ils sont les premiers concernés. À aucun moment vous ne vous interrogez sur la nécessité d'investir dans des bureaux de poste plus modernes, de les ouvrir davantage le samedi, ou encore de cesser d'avancer les heures de la dernière levée ; à aucun moment vous n'évoquez la question, pourtant essentielle, d'aménagements concrets répondant aux besoins des usagers. À cette fin, en effet, le service public de la poste aurait grandement besoin d'être équitablement rénové.
Encore faudrait-il que vous en ayez la volonté politique en modifiant votre projet de loi. Vous confirmez le maintien des 17 000 points de contact ; mais cela ne nous suffit pas. Comme de nombreux élus locaux, je suis très attaché aux bureaux de plein exercice qui sont pourtant trop souvent transformés en agences postales communales ou, précisément, en points de contact : force est de constater que les services rendus n'y sont pas les mêmes. De plus, à terme, les communes encourent le risque d'assumer intégralement les charges financières.
Pourquoi renoncer à ce qu'apportent les bureaux de poste dans les zones rurales ? Les points de contact n'y offriront pas le même degré de professionnalisme, non plus que dans les quartiers populaires et les zones sensibles. Vous le savez, monsieur le ministre, la rentabilité l'emportera sur la distribution du courrier dans les zones les moins denses et les plus difficilement accessibles. Votre texte ne laisse entrevoir aucun progrès. Cette régression du service public serait, dites-vous, assortie de garanties – mais lesquelles ? Où les trouver, entre l'inégalité de traitement des usagers sur l'ensemble du territoire, l'affaiblissement des services rendus, la disparition des bureaux et la fracture territoriale exacerbée ?
En ce qui concerne le statut des employés de La Poste, votre projet de loi fait état d'un maintien des droits et des garanties, pour les fonctionnaires comme pour les autres personnels. Mais de quels droits parlez-vous ? De ceux qui obligent les personnels à commencer plus tôt leur service, et à aller travailler loin de leur domicile ? Lors de votre discours de présentation, monsieur le ministre, vous aviez parlé de développement durable. Mais à ce titre, vous demanderez, à terme, la suppression des tournées pour les personnels qui les accomplissent loin de leur domicile, afin de faire circuler moins de véhicules de La Poste, au détriment des usagers.
Je vous rappelle que, en 2008, 7 718 d'emplois ont été supprimés, et déjà 11 428 en 2009 – chiffre non définitif puisque, comme l'a observé la direction de La Poste, l'année n'est pas terminée. Dans le centre de Montpellier, sur les 682 postes, 200 ont été supprimés.
De fait, à chaque changement de statut, l'emploi recule et les conditions de travail se dégradent.
Que l'on songe à ce qui se passe actuellement chez France Télécom : le règne du tout-concurrentiel, avec son corollaire, l'exigence de productivité et de rentabilité, explique l'ampleur du malaise que ressentent ces salariés.
En outre, le droit commun de la société anonyme entraînera inévitablement une politique d'intéressement du personnel, la réalisation d'objectifs de productivité et de performance de l'entreprise, ce qui se traduira, comme on l'a vu, bien tristement, dans d'autres cas ces derniers temps, par du harcèlement commercial. Car qui dit société anonyme dit compétitivité, et qui dit compétitivité dit contrainte des coûts, ce qui, à terme, entraînera des suppressions d'emplois, une augmentation des tarifs, ainsi qu'un recul certain de la présence postale et de la distribution du courrier.
Si l'on supprime la péréquation tarifaire, on augmentera les tarifs : cela pourrait intéresser vos électeurs. On en viendra à une taxation de services qui, aujourd'hui, sont gratuits. Et tout cela se fera au détriment des usagers et des employés. Les prix augmenteront, la qualité des services diminuera et les conditions de travail se dégraderont.
À ce sujet, votre projet de loi est d'une grande faiblesse. Vous évacuez de vos réflexions toutes les questions relatives à l'identification et à la satisfaction des besoins auxquels doit répondre un service public.
Pour ne pas rester uniquement dans la critique – quoique l'espoir de vous faire entendre raison soit faible, j'en ai bien conscience –, nous vous proposerons, par voie d'amendement, des avancées sans lesquelles La Poste ne saurait assurer ses missions de service public dans des conditions satisfaisantes et pérennes.
Ainsi, il n'est nul besoin de modifier le statut. C'est au contraire le contenu du service public qui mériterait d'être réexaminé, afin de lui consacrer de nouveaux droits. Le financement du service public, surtout, doit être impérativement repensé, s'agissant en particulier du service universel et de la contribution à l'aménagement du territoire, car les fonds destinés à compenser les surcoûts supportés par La Poste ne disposeront pas de ressources suffisantes. La régulation du service public, enfin, exigerait que les usagers soient mieux associés aux processus.
Ce texte nous donne l'avant-goût amer de la privatisation à venir. Il est inspiré par la volonté du Gouvernement de mettre à mal tout ce qui relève de l'intérêt public. Nos concitoyens ont pourtant rappelé très nettement leur attachement à un service qui, depuis toujours, incarne la notion de solidarité inhérente au service public. Ce texte n'est animé par aucune véritable volonté politique de préserver les missions de service public de La Poste ni d'assurer le maintien d'une présence postale dans les territoires. Nous ne pouvons assister passivement au démantèlement d'un de nos services publics les plus emblématiques.
M. Bailly expliquait devant la commission des affaires économiques qu'« il ne faut pas refuser les évolutions de peur des dérives futures » et que « la seule réponse possible est l'adaptation assortie de garanties ». Ce qui est certain, c'est que les dérives vers la privatisation, nous les connaissons, et que les garanties, nous les attendons encore. Tout cela ne fait que renforcer notre détermination : nous nous opposerons à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le changement de statut de La Poste, établissement public appelé à se transformer en société anonyme, fait peser de lourdes menaces sur le devenir de ce service public.
Cela a été dit et redit, le service public postal est le premier service public de proximité. Son rôle est fondamental pour la collectivité, tout particulièrement en milieu rural. Dans nos petites communes, au coeur de nos régions, la seule visite que reçoivent les personnes âgées et isolées, c'est bien souvent celle du facteur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il n'apporte pas seulement le courrier, mais aussi le journal, et parfois la pension.
Le service public postal est l'affaire de tous. C'est un outil de proximité, d'égalité, de solidarité – notamment en matière d'aménagement du territoire – et de lien social.
En voulant transformer La Poste en société anonyme, le Gouvernement met en place la première étape d'une privatisation programmée. On nous dit que l'intégralité du capital sera détenue par le secteur public. Cela ne changera rien : chaque fois que l'État a effectué ce genre d'opération, il a fini par faire entrer, petit à petit, des capitaux privés.
Rappelons-nous l'ouverture du capital d'EDF-GDF : elle s'est soldée par des réductions massives d'emploi, des reculs dans la qualité des services. Toujours plus pour les actionnaires, rentabilité maximale contre l'intérêt général ! La privatisation de La Poste aura pour conséquence une détérioration considérable des services à la population.
Les usagers seront les premières victimes. Il en résultera moins de tournées, moins de levées, et donc de plus grand délais de distribution du courrier, pas de remplacement des agents.
Cela ne vous dérangerait pas de nous respecter quand nous parlons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est pas la peine d'avoir une particule si c'est pour ne pas respecter les orateurs !
En Europe, les privatisations postales ont engendré une baisse de la qualité du service, une augmentation des tarifs et de nombreuses destructions d'emplois.
Toutes les enquêtes d'opinion révèlent que les Français sont très attachés au service public postal. L'énorme succès de la votation citoyenne sur La Poste l'a encore démontré de façon magistrale, sans appel, et il est regrettable qu'un référendum sur ce sujet ne soit pas organisé.
Pour nous, élus de gauche, les services publics doivent placer l'usager au coeur des dispositifs : ils sont l'un des instruments de la démocratie sociale. L'introduction des capitaux privés mettra en péril cette mission de service public. Cette privatisation progressive concerne donc toute la société, puisqu'elle aura des conséquences non seulement sur la présence postale, sur le prix des timbres, sur l'aménagement du territoire et le lien social, mais aussi sur l'emploi. Avec le basculement de La Poste dans le droit commun, l'emploi de personnels contractuels, qui n'était jusque-là qu'une possibilité, deviendra la règle. En l'absence de conventions collectives des activités postales, les opérateurs concurrents risquent de pratiquer une politique de dumping social dangereuse pour les salariés de La Poste. Les 2,7 milliards d'euros promis par l'État ne vont-ils pas surtout servir à financer un plan social ? La question mérite d'être posée.
Depuis plusieurs années, vous avez organisé la dégradation du service postal avec des réductions de personnel, avec des fermetures de bureaux de poste, mais aussi avec la banalisation du Livret A. Toutes ces régressions annoncent la fin du service public postal. La privatisation de La Poste conduira fatalement, au nom de la rentabilité, à une inégalité de service entre les territoires. C'est inacceptable. Nous devons rester fidèles à nos valeurs, et nous défendons le plus ancien et le plus emblématique des services publics, lesquels constituent dans leur ensemble le patrimoine de tous, et particulièrement de celles et de ceux qui n'en ont pas. Les services postaux sont au coeur des missions d'intérêt général : ne les tuez pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais, en effet, vous parler d'argent et de la Caisse des dépôts.
Beaucoup veulent connaître la position de l'établissement public Caisse des dépôts, placé sous le contrôle du Parlement.
Rien de plus légitime que l'intervention de la Caisse des dépôts auprès du groupe La Poste, non seulement dans cette opération de changement de statut, mais aussi et surtout dans l'ouverture à la concurrence du marché postal. S'il ne m'appartient pas de me prononcer sur les conditions dans lesquelles cette ouverture s'est faite, je me dois de dire qu'il paraît bien naturel qu'un groupe tel que la Caisse des dépôts, qui dispose d'un double ancrage, à la fois public – de service public, d'intérêt général – et concurrentiel au travers de ses filiales, dont certaines bénéficient de délégations de service public, puisse accompagner La Poste au moment où celle-ci doit relever l'un des plus importants défis de son histoire.
Du reste, elle est, pour La Poste, un partenaire et un investisseur de long terme. Son engagement à ses côtés doit donc s'inscrire dans la durée. L'entreprise, qui agit dans le long terme, doit effectuer d'importants investissements : le retour sur investissement s'inscrira donc dans la durée.
Au-delà de cette intervention que l'on pourrait qualifier de « génétique », il existe un partenariat traditionnel entre La Poste et la Caisse des dépôts. Historiquement, en effet, La Poste a longtemps distribué tous les produits de l'épargne réglementée : le livret A, le livret de développement durable, le livret jeunes et le livret d'épargne populaire. Elle est donc aujourd'hui l'un des premiers collecteurs des ressources des fonds d'épargne avec lesquels nous finançons prioritairement le logement social.
La Poste est aussi partenaire de la Caisse des dépôts au sein du capital de la CNP, premier assureur des personnes : la Caisse des dépôts est son premier actionnaire, La Poste le deuxième.
Enfin, à travers la Banque postale, La Poste distribue elle-même les produits de la CNP, notamment dans le domaine de l'assurance des personnes.
L'État n'a pas décidé l'intervention du groupe Caisse des dépôts.
Il l'a sollicité pour un investissement de 1,5 milliard dans le groupe La Poste. C'est à la Caisse des dépôts – en l'occurrence à son directeur général et au comité d'investissement que je réunirai lorsque le dossier sera prêt – qu'il appartiendra de se prononcer sur cette intervention qui doit trouver sa place dans le cadre du dispositif législatif que nous avons adopté le 4 août 2008,…
…celui de la loi de modernisation de l'économie qui dispose que la Caisse investit « dans le respect de ses intérêts patrimoniaux », comme un investisseur « avisé ». Cela signifie qu'elle attend un retour sur investissement.
En effet, ce retour sur investissement peut s'inscrire dans la durée et avoir une profitabilité raisonnable, mais ce n'est pas une subvention qu'elle distribue. La Caisse ne fait pas un apport de capital qui aurait vocation à disparaître, pour la bonne et simple raison que ce n'est pas l'argent de l'État qu'elle investit, mais celui des Français, que lui a confié le Parlement et dont elle est garante. La puissance publique ne doit pas – comme cela a pu se produire avant que la Caisse ne soit créée, pour cette raison justement, en 1816 – dilapider les économies des Français.
Ainsi, diverses dispositions de ce texte doivent garantir à la Caisse des dépôts que le milliard et demi d'euros qu'elle va investir dans le groupe La Poste s'inscriront dans une logique de rentabilité raisonnable, dans le contexte de concurrence où le groupe se trouvera demain, et dans lequel il se trouve déjà aujourd'hui. Cela suppose une gouvernance qui donne toute sa place aux actionnaires État et Caisse des dépôts, lesquels doivent partager un projet industriel conciliant les trois métiers : courrier, messagerie et paquets, banque.
Cela signifie aussi que les missions de service public doivent être précisément définies, un certain nombre d'entre elles étant structurellement déficitaires. Le texte doit également préciser les conditions dans lesquelles l'État les prend en charge, qu'il s'agisse de l'aménagement du territoire, du service universel postal ou de la distribution de la presse.
Après le travail effectué au Sénat et en commission des affaires économiques – je salue le président et le rapporteur de cette dernière –, les conditions de gouvernance sont réunies. Les conditions de définition des missions de service public et de prise en charge du coût de celles-ci afin que l'apport en capital ne se transforme pas en subvention sont elles-mêmes réunies.
Cependant, au-delà de ces deux premières conditions mises à une entrée de la Caisse des dépôts au capital de La Poste, il en reste trois autres que je veux évoquer.
Tout d'abord, dès lors que la Caisse des dépôts est appelée à investir dans la structure faîtière, La Banque postale doit durablement faire partie intégrante du groupe La Poste…
Cela veut dire qu'elle doit être autorisée à accorder demain des prêts aux PME, ce qui ne lui est pas permis aujourd'hui.
Contrairement aux autres banques, elle est effectivement obligée de re-déposer à la Caisse des dépôts les ressources des livrets A et des livrets de développement durable, dont, aux termes de la loi de modernisation de l'économie que nous avons adoptée, elle n'a pas l'usage.
La Banque postale doit évidemment demeurer chargée des missions de banque universelle, et même de banque de dernier recours, qu'elle remplit pour un certain nombre de nos concitoyens. Nous avons d'ailleurs consacré dans la loi de modernisation de l'économie le rôle central de la Banque postale dans l'accessibilité bancaire. Cela lui donne d'ailleurs droit, s'agissant de la gestion de la ressource du livret A, à une rémunération supérieure à celle des autres banques.
Deuxièmement, il importe évidemment que le régime des retraites des postiers non fonctionnaires puisse être consolidé, et ce sans déstabiliser le seul régime de retraite complémentaire de base qui ait fait les réformes nécessaires pour se projeter au-delà de l'année 2020, c'est-à-dire l'IRCANTEC.
Un certain nombre d'autres catégories sont gérées par l'IRCANTEC, outre les agents des collectivités locales et des services hospitaliers.
En effet. Il ne faut pas que les efforts qu'ils ont consentis, par l'intermédiaire de leurs représentants syndicaux, soient remis en cause par un bouleversement tel que le transfert de l'ensemble des cotisants postiers à un autre régime. Le texte qui nous est présenté répond à cette préoccupation. Il garantit effectivement le stock, tout en faisant en sorte que les nouveaux entrants soient gérés par le régime idoine compte tenu de l'évolution du statut de La Poste.
Troisièmement, le devenir de la Caisse nationale de prévoyance est, je le dis avec solennité au Gouvernement, une question tout à fait fondamentale pour la Caisse des dépôts. C'est effectivement, aujourd'hui, la principale filiale du groupe, celle qui lui apporte le plus de résultats, et ce non pas pour distribuer des dividendes à des actionnaires anonymes, mais pour financer les missions d'intérêt général qui font de la Caisse des dépôts le partenaire des collectivités locales. Les résultats de la CNP permettent aussi à la Caisse des dépôts de remplir ses missions en matière d'innovation, de nouvelles technologies, de financement des énergies renouvelables, d'accompagnement de la modernisation des universités. De même peut-elle financer un certain nombre d'opérations en dehors du logement social grâce aux résultats dégagés par les filiales, dont une partie est reversée à l'État au titre de l'équivalent dividendes et dont une autre partie sert à renforcer les fonds propres.
De ce point de vue, le devenir de la CNP est central, non pas seulement parce que la CNP est aujourd'hui la principale source de recettes du groupe Caisse des dépôts, mais aussi parce qu'elle détient l'ensemble des savoir-faire, notamment en matière de gestion des retraites. La Caisse des dépôts gère aujourd'hui plus de cinquante régimes de retraite collectifs, pour le plus grand bien de leurs bénéficiaires. Forte de son expérience, la CNP détient les savoir-faire nécessaires en la matière, et il importe, monsieur le ministre, que nous puissions conclure avec l'État, actionnaire de La Poste, un accord nous permettant de nous projeter au-delà du terme du pacte d'actionnaires concernant la CNP, qui arrive à échéance en 2014. Cela sera facilité par la présence de la Caisse des dépôts au capital de La Poste, qui est le deuxième actionnaire de la CNP.
Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire de la position actuelle, par-delà les sensibilités de ses membres, de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts. Je ne pense pas que l'approche de mon collègue Jean-Pierre Balligand soit très différente sur ce point. S'agissant du devenir de l'institution, nous sommes effectivement, les uns et les autres, soucieux de respecter le mandat qui nous a été confié par la représentation nationale.
J'ajouterai que la Caisse des dépôts peut apporter trois choses fondamentales à La Poste au moment où celle-ci se trouve confrontée à la concurrence : le financement dans la durée par un actionnaire fiable, raisonnable et éclairé ; un savoir-faire, en vue de l'évolution de la Banque postale vers un rôle de banque généraliste, finançant notamment les PME ; enfin, à l'heure d'un déclin historique du courrier, une expérience dans toutes les actions de dématérialisation. En effet, comme les élus le savent, la Caisse des dépôts a une expérience en la matière, grâce aux cyber-bases mais aussi grâce à l'appui qu'elle apporte à la Chancellerie pour toutes les actions de dématérialisation des relations des services judiciaires avec les professions juridiques.
À cause de cette expérience, de cette capacité d'innovation et de cette capacité financière, je suis pour ma part prêt, monsieur le ministre, à soutenir et à accompagner ce projet, dès lors que les conditions seront réunies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je salue la qualité de l'intervention de M. Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts. Il a rappelé que celle-ci n'est pas aux ordres de l'Agence des participations de l'État, contrairement à ce que l'on semblait prétendre tout à l'heure ; il importe que chacun le sache.
Je rappelle aussi qu'aucune décision n'est prise pour l'instant. Notre débat se déroule donc sans la moindre garantie, même si j'ai bien compris que le président de la commission de surveillance était d'accord avec l'idée d'un partenariat,…
…pour lequel il a posé un certain nombre de conditions en termes tant de gouvernance que de montant.
Reconnaissez cependant, monsieur le président, que nous débattons d'un texte qui vise à élargir le capital de La Poste après transformation de son statut, sans disposer d'aucune garantie sur cet élargissement et son financement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la votation citoyenne du 3 octobre dernier a suscité une forte mobilisation dans notre pays.
Je vois que M. Proriol s'en réjouit ouvertement, et je l'en félicite. (Sourires.)
Cette mobilisation a été très forte dans mon département, l'Allier, que tout le monde, ici, connaît bien, et singulièrement dans ma circonscription,…
…que tout le monde ici connaît bien également, puisque, en son coeur, se trouve Saint-Pourçain-sur-Sioule, …
…dont les produits viticoles ont pu être dégustés récemment au Palais Bourbon, comme M. Prioriol le sait parfaitement. (Sourires.)
J'en profite d'ailleurs pour remercier les sénateurs qui, par un vote quelque peu imprévu – merci au groupe centriste ! –, ont accordé un sursis à ma circonscription, ainsi qu'à quelques autres. C'est toujours cela de pris mais, si le projet de loi était enterré, cela aurait un effet plus durable !
Cette circonscription de 154 communes, dont la plus importante compte moins de 6 000 habitants, est effectivement une circonscription rurale, et l'on comprend que les citoyens soient attachés aux services publics, en particulier à La Poste, dans ces territoires souvent en déprise démographique et où les services publics peinent à être maintenus.
La logique de service public de La Poste et son importance pour l'aménagement du territoire en sont effectivement les raisons, et nous constatons, sur ce territoire comme sur d'autres, les dégâts d'au moins deux dérives.
La première est la transformation des bureaux de poste de plein exercice en agences postales communales, phénomène qui se développe, avec les effets que l'on sait : un personnel polyvalent, des ambiguïtés quant au statut et au fonctionnement.
La deuxième a été abondamment décrite, mais je veux tout de même y revenir, car elle est diabolique : il s'agit de cette spirale de la fréquentation et de la réduction des horaires d'ouverture. On constate que telle agence postale ou tel bureau de poste reçoit tant d'usagers – j'emploie ce mot quand d'autres diraient « clients » – chaque jour. On en déduit le nombre d'heures d'ouverture nécessaires pour satisfaire cette demande. Une fois les horaires réduits, le nombre d'usagers diminue. S'ensuit une nouvelle réduction des horaires, jusqu'à ce que la justification de l'existence même de ce bureau de poste ou de cette agence disparaisse. C'est là l'application mécanique du critère de rentabilité, dont les effets sont bien réels même s'il est difficile à mesurer.
Qu'en sera-t-il lorsque le critère de rémunération du capital d'un actionnaire, qui vient d'être implicitement décrit par notre collègue Bouvard, sera en jeu ? Effectivement, nous en sommes là. Merci, Michel Bouvard, de l'avoir clairement dit. Nous voyons les effets que cela produira, bien loin de la logique du service public, bien loin de la logique de réponse aux besoins des usagers sur le territoire, en application du principe d'égalité. Vous le savez en effet, et nous en sommes tous d'accord : le service public, c'est l'égalité.
Il s'agit d'un actionnaire qui n'est pas rémunéré comme un fonds de pension !
À propos de ces logiques à l'oeuvre, que votre projet de loi accentue, nous avons entendu deux arguments qui se veulent rassurants. Tout d'abord, selon les propos du ministre, La Poste serait « imprivatisable ». La valeur juridique et politique de tels propos oraux est totalement inexistante.
Même si je souhaite au ministre de conserver longtemps son maroquin, cela s'arrêtera un jour. Ses engagements vaudront alors ceux que valent les propos que l'on retrouve, pour certains d'entre eux, dans les livres d'histoire.
Deuxième élément prétendument rassurant, le fameux article 2, longuement évoqué par Mme de La Raudière dans son intervention d'hier, rappellerait les missions de service public. Il est vrai qu'il les énumère, mais, s'il est affirmé, dans l'exposé des motifs du projet de loi tel qu'il a été déposé au Sénat, que cet article « consacre les quatre missions de service public exercées par La Poste », regardons ce qu'il en est exactement.
Il existe un décalage entre l'exposé des motifs et le texte, et vous allez voir quelle logique est à l'oeuvre. L'article 2 dispose effectivement que « La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public » ; je dis bien « des ». L'alinéa suivant indique que « les réseaux postaux ont une dimension territoriale » ; il n'est pas précisé « La Poste », il peut donc s'agir d'autres réseaux postaux que La Poste. Au troisième alinéa, on lit « les missions de service public sont » ; il s'agit donc des missions de service public de La Poste et d'autres réseaux postaux. Quelles sont-elles donc ? « Le service universel postal », on voit ce que c'est ; « la contribution, par son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire », on voit également ce que c'est ; « le transport et la distribution de la presse », soit ; enfin, « l'accessibilité bancaire ».
Sont ensuite énumérées d'autres activités que La Poste peut assurer en-dehors des missions de service public.
Voyons ce qu'il en est. Pour ma part, la lecture de cet article m'a mis la puce à l'oreille et – nos collègues de la commission des affaires sociales vont me voir venir – m'a rappelé quelque chose : la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
C'est très intéressant : il doit s'agir du même rédacteur !
Le titre premier, qui traite de la « modernisation des établissements de santé », couvre en réalité tout sous ce vocable. L'article 1er dispose que les établissements de santé publics, et privés d'intérêt collectif, assurent le diagnostic, la surveillance, le traitement des malades et qu'ils délivrent les soins. Jusque-là, il n'y a rien à dire.
Puis il est précisé que les établissements de santé élaborent et mettent en oeuvre une politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins – les établissements de santé publics, privés et, sous-entendu, privés d'intérêt collectif…
Plus loin, il est encore précisé que les établissements de santé…
Écoutez bien, cher collègue !
Le texte indique que les établissements de santé peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs des missions de service public suivantes…
Elle va venir, mon cher collègue, et elle sera douloureuse !
Je cite les missions de service public énumérées dans le texte : la permanence des soins, les actions d'éducation et de prévention, la lutte contre l'exclusion sociale, les actions de santé publique, etc…
J'en arrive à la chute, mon cher collègue…
Il suffit d'aller au bout de l'article : lorsqu'une mission de service public n'est pas assurée sur un territoire de santé, le directeur général de l'agence régionale de santé désigne la ou les personnes qui en sont chargées. C'est-à-dire que cela peut être une personne de droit privé – une clinique, par exemple.
Une mission de service public peut être exercée par une personne morale de droit privé. Voilà, mon cher collègue, vous avez tout compris ! La mécanique mise en oeuvre est bien celle-ci. On dissocie les missions de service public et les établissements qui les exercent.
…on peut ensuite faire assurer les missions de service public ou certaines d'entre elles par des établissements privés. C'est précisément ce qui est en train de se passer.
Nous avons déjà, à travers la loi « HPST », la rédaction du projet de loi suivant sur La Poste. C'est limpide !
Prenons l'exemple de la distribution du courrier. Si, sur un territoire,…
Le problème, monsieur de La Verpillière, c'est que vous avez parfaitement compris ce que je voulais dire…
…et que cela vous contrarie beaucoup ! D'ailleurs, je vois dans le regard de notre ami Bouvard qu'il a, lui aussi, parfaitement compris. Au moins, il est franc !
Il va vous expliquer !
Prenons, par exemple, la mission de distribution du courrier du service postal. Si, sur un territoire reculé, La Poste l'estime peu rentable, elle pourra déléguer à un transporteur de personnes ou de marchandises la mission de service public de délivrance du courrier – sous certaines conditions, bien sûr.
Prenons un autre exemple : l'accessibilité bancaire. Si, dans un quartier d'une grande ville, une banque privée est d'accord pour exercer certaines missions de service public, on les lui déléguera et elle les exercera pour le compte de la puissance publique, sous certaines conditions.
La mécanique mise en oeuvre est redoutable : en dissociant les missions de service public et les établissements qui les exercent, on démantèle le système et on conduit progressivement, d'une part, à la privatisation possible de certains exercices de…
C'est exactement ce que vous préparez et je prends date, mon cher collègue !
Pour pouvoir soutenir la concurrence avec les entreprises privées qui assureront ces missions de service public, La Poste sera amenée à adopter les mêmes méthodes et se tournera vers ses actionnaires pour qu'ils l'y aident. Le mécanisme de privatisation, alors inéluctable, sera mis en oeuvre. Nous l'avons sous les yeux, la démonstration est faite. Nous prenons date et nous lirons ensemble le projet de loi suivant, qui est déjà écrit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureuse de parler devant vous à cette heure, car je crains que, dans un quart d'heure, nos collègues de la majorité ne soient tous partis !
Je me permets d'associer à mon propos notre collègue Martine Martinel, députée de Haute-Garonne, qui devait être présente ce soir, mais qui est en mission à Marseille au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé que La Poste était « imprivatisable ». Ce terme est un joli néologisme. Il est dommage que vous soyez trop jeune, car il aurait sans doute fait florès en mai 1968 !
Cela étant, comme l'a signalé Jean Mallot, cette affirmation ne tient pas la route juridiquement.
Ce soir, mon propos visera à établir que ce projet de loi entérine un changement de statut qui rend possible, à terme, une privatisation. Loin de nous la tentation de mettre en cause votre bonne foi, monsieur le ministre, même si le précédent de Gaz de France nous a rendus méfiants, mais que devons-nous penser de ce texte qui ne garantit nulle part que l'État demeurera l'actionnaire majoritaire ?
Les débats du Sénat sont à cet égard très édifiants. Ils montrent que les intentions du Gouvernement sont pour le moins entachées de duplicité. Lors de la discussion devant la Haute Assemblée, cinq amendements présentés par la gauche ont été adoptés. Deux d'entre eux précisaient que La Poste est un « groupe unique entièrement public ». Ceci suppose que l'État reste actionnaire de La Poste à 100 % et qu'il n'y ait pas de séparation entre La Poste et la Banque postale.
L'adoption de ces amendements aurait dû nous rassurer. Las, le Gouvernement, selon une technique dont il est coutumier, a demandé une seconde délibération. N'est-ce pas la preuve qu'il tente de saper la présence de l'État au coeur du capital de La Poste ? La majorité sénatoriale est revenue sur un amendement défendu par la gauche, qui disposait que le financement intégral et pérenne des missions de service public remplies par La Poste était garanti.
Monsieur le ministre, cela prouve que, dans ce texte, rien n'est fixé, rien n'est clair, rien n'est garanti. Pour les salariés de La Poste, pour les élus, pour les usagers, le combat contre ce projet de loi ne fait que commencer.
Pourquoi voulez-vous modifier le statut d'établissement public industriel et commercial de La Poste, qui lui permet d'être non seulement un service public indispensable et efficace, mais aussi une société qui peut rivaliser, en termes de dynamisme commercial, avec ses challengers européens ? Ce changement de statut en société anonyme ne la rendra pas plus efficace ; il ne fera qu'accélérer son désengagement dans les zones jugées peu rentables, dans cette France profonde qui perçoit le danger d'un tel dispositif et le mépris dans lequel on la tient.
Le service universel postal, l'aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse doivent être assurés par des règles de droit public. Ce service public nécessaire, indispensable, sans égal, ne doit pas être sacrifié par le Gouvernement au nom du libéralisme. Le changement de statut n'est ni suggéré par le président de La Poste ni imposé par l'Union européenne, comme vous essayez de nous le faire croire. En réalité, personne ne le demande. C'est seulement un élément de plus dans la mise en pièces du service public : après la santé, l'éducation et la formation des enseignants, vous vous attaquez à l'un des fleurons de ce qui fait l'identité sociale de la France.
Monsieur le ministre, vous connaissez ce très joli film de Jacques Tati, qui s'intitule Jour de fête. Vous vous souvenez sans doute de ce délicieux facteur et de l'hélicoptère. Eh bien, à force de faire pédaler le facteur dans tous les sens…
C'est Besancenot qui pédale !
…à force de malmener La Poste, je crains fort que ce ne soit vous qui tombiez de vélo ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous qui êtes seulement six sur les bancs de la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) depuis que nous parlons de ce texte, que ce soit dans l'hémicycle ou en commission, vous vous montrez très rassurants. Vous affirmez que La Poste ne sera jamais privatisée et que le texte est, un bloc, comme la tour Eiffel ou le pont de Brooklyn, qui empêchera toute privatisation.
Je ne demande qu'à vous croire, mais j'ai l'impression que vous nous racontez des salades. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Monsieur le ministre, quand on regarde le passé – peut-être pas le vôtre, mais celui de vos prédécesseurs, autrement dit vos amis, ceux que vous soutenez, dont vous nous dites qu'ils n'ont que des qualités, qui sont selon vous de grands hommes d'État, qui ont une pensée profonde et philosophique –, on ne peut que constater qu'ils ont tous menti !
Non, je parle de ceux qui ont promis que GDF ne serait jamais privatisé, pas plus que France Télécom. Quelqu'un qui, aujourd'hui, loge à l'Élysée, nous avait dit dans cet hémicycle que, de son vivant, jamais GDF ne serait privatisé ! Aussi comprendrez-vous, monsieur le ministre, que nous ayons quelques doutes… L'avenir nous montrera peut-être que nous avons tort, mais nous sommes un peu inquiets.
Le gouvernement que vous soutenez est véritablement coutumier du double langage. Je pourrais multiplier les exemples et vous entraîner jusqu'au bout de la nuit…
J'en citerai seulement deux, même si je sens que vous regrettez cette restriction…Je vais tout de même essayer de satisfaire votre soif de vérité !
Hier, j'ai demandé à M. Darcos ce qu'il comptait faire pour les petites retraites. Il m'a répondu que jamais personne n'en avait fait autant que ce gouvernement. Or les retraités que j'ai l'occasion de voir me demandent de les défendre, parce que le Gouvernement ne fait rien pour eux et qu'ils vivent dans la misère. Alors, qui ment ? Le Gouvernement, bien sûr ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mon deuxième exemple, plus dramatique encore, concerne le procès pénal relatif à l'amiante. Le Gouvernement n'en veut pas. Ou plutôt, il déclare vouloir un procès, mais il fait tout ce qui est en son pouvoir pour en entraver la bonne marche.
La juge est désespérée et, de rendez-vous ministériel en promesses non tenues, les mois passent. Il est clair que vous ne voulez pas de ce procès, j'en ai encore eu la confirmation hier chez Mme la ministre de la justice.
Les Français sont très attachés au service public. Dans tous les sondages, deux tiers d'entre eux demandent le maintien des services publics. Ils souhaitent même les voir renforcés. J'en profite pour saluer la performance oratoire de Marc Dolez dont la circonscription est voisine de la mienne et qui est très attaché à la défense du service public.
Voilà qui explique le succès triomphal de la votation citoyenne où deux millions de Français sont venus spontanément exprimer leur inquiétude…
Et nous n'avons pas pu tous les accueillir !
Nous avions eu de notre côté l'organisation de l'État, un raz-de-marée aurait inondé les bureaux de vote, avec le résultat que vous savez ! Deux millions de Français sont venus exprimer leur mécontentement.
Les trois millions, c'est le nombre que nous aurions pu atteindre si les mairies de vos amis, par exemple, n'avaient pas fait tout leur possible pour que le vote ne se déroule pas ! Je connais de nombreux cas !
Les Français sont inquiets parce qu'ils savent quel avenir vous préparez à La Poste. En effet, vous participez, monsieur le ministre, à un gouvernement qui est le fossoyeur des services publics !
Là encore, monsieur le ministre, je prendrai quelques exemples. Dans quel état se trouve la santé en France aujourd'hui ? Des hôpitaux ferment, des médicaments ne sont plus remboursés, des soins relèvent du secteur privé. Certains Français ne peuvent parfois plus se soigner…
…et ne peuvent même plus prendre de mutuelle complémentaire !
Je vois M. le président et le ministre qui, à l'instant, se serrent la main, se disant qu'ils ont réussi un beau coup : privatiser les services publics.
Je poursuis. S'agissant de la police, vous étiez censés être ceux qui allaient apporter la sécurité dans notre pays ! Mais les effectifs fondent, année après année, et les commissariats se vident ! Même dans ce domaine qui était, prétendument votre fer de lance, l'échec est patent.
Quant à l'école, cette année, 16 000 enseignants vont être mis à la porte.
Cher collègue, j'ai enseigné à l'école primaire et je connais parfaitement le dossier !
Les parents d'élèves et le corps enseignant le disent !
Je pourrais continuer aussi en vous citant, par exemple, le sort que vous réservez dès à présent – et celui, plus horrible encore, que vous réserverez dans quelque temps – aux collectivités qui vont être étranglées, massacrées, étouffées et qui ne pourront plus continuer…
Non, monsieur le président, mais comme j'aimerais que c'en soit ! C'est malheureusement l'avenir qui est annoncé dans le présent sanglant que vous dirigez aujourd'hui !
L'État s'enfuit et les Français sont légitimement inquiets. Tout cela, ce texte le montre,…
est le résultat d'une idéologie. En effet, à gauche, nous sommes de bons gestionnaires, pragmatiques, sensibles à la souffrance des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) À droite, en revanche, à droite, vous êtes malheureusement étouffés, aveuglés par votre idéologie. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que ce gouvernement auquel vous participez prônait le libéralisme quand il a été nommé par le Président de la République voici un peu plus de deux ans. Le modèle américain était celui qu'il fallait implanter en France ! On a vu le résultat ! Tout s'est effondré et c'est bien votre idéologie qui a mis le monde dans l'état où il se trouve aujourd'hui, qu'il s'agisse du domaine financier, économique, social ou environnemental. Ôtez vos oeillères, ouvrez les yeux, enlevez le masque et rejoignez les idées éclairées du camp de la gauche !
Même s'il y en a une petite part, c'est, hélas, la triste vérité, monsieur le président !
Avec ce projet sur La Poste, vous rencontrez, vous le savez, l'hostilité quasi intégrale du personnel qui s'inquiète, mais que vous ne voulez pas écouter. Il est vrai que vous ne rencontrez pas l'opposition des hauts fonctionnaires de La Poste, lesquels sont très favorables au texte que vous proposez. L'explication est limpide. M. Jean Gaubert, un autre esprit éclairé de la gauche (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), le disait…
…et il aurait pu l'exprimer plus clairement s'il n'avait été empêché d'aller plus loin, parce que coupé par les « ciseaux » du règlement ! Les hauts fonctionnaires ont, en effet, tout à gagner à ce que leur entreprise soit privatisée, parce que leur salaire, déjà confortable, deviendra mirobolant ! En fait, s'ils soutiennent votre projet, c'est bien dans un intérêt purement personnel, donc pour s'en mettre encore plus plein les poches ! Ce gouvernement, vous le savez, est celui qui creuse de plus en plus les inégalités en France !
À l'évidence, monsieur le ministre, ce gouvernement est celui des copains et des nantis, de ceux qui ont été reçus au Fouquet's, de ceux que son chef a accueillis avec le grand argentier, ministre du budget, au Bristol…
…pour leur dire : « Ne vous inquiétez pas, continuez à nous aider, nous serons toujours avec vous et nous continuerons à être les principaux financeurs de vos intérêts. »
Ce gouvernement creuse les inégalités parce que, en dépit du discours parfois tenu à l'extérieur et de la réalité des votes, tous les privilèges demeurent.
…et que soient, enfin, supprimés dans ce pays les retraites chapeaux, les bonus, les salaires indécents, alors que, dans le même temps, des Français se trouvent dans un état tout à fait épouvantable !
Vous le savez, un simple code de bonne conduite est appliqué pour les privilégiés. Mais quand il s'agit du travail du dimanche ou des franchises médicales, on vote une loi, et quand on veut privatiser La Poste, c'est encore une loi !
Quand les choses vont mal, on légifère toujours !
La Poste privatisée, ce sera, à l'évidence, une catastrophe pour les usagers. Je citerai à nouveau, je ne m'en prive pas, parce que j'ai beaucoup de plaisir à le faire, mon ami Marc Dolez qui prenait l'exemple d'une entreprise de poste privée qui ne voulait pas s'occuper du « courrier de grand-mère ». C'est bien sûr ce qui va arriver ! C'est ce qui se passe dans tous les pays qui confient le service public au secteur privé. Des pans de territoires seront donc totalement délaissés. De plus, la Banque postale qui est, vous le savez, la banque des gens modestes, ne rendra plus, une fois privatisée, les mêmes services qu'aujourd'hui.
La Poste privatisée, c'est aussi une très mauvaise nouvelle pour le personnel. En effet, et vous le savez, les personnels non fonctionnaires, qui touchent un salaire inférieur de 30 %, pourront être licenciés et envoyés vers d'autres cieux, et connaîtront donc une dégradation de leurs conditions de travail. J'en veux pour preuve ce qui se passe à France Télécom grâce à vous !
Pour terminer, hélas,…
Sans doute avez-vous vu, car il est souvent rediffusé, Le cave se rebiffe.
C'est l'histoire d'une bande de faux-monnayeurs, dont le chef est interprété par Jean Gabin. Ils ont acheté une imprimerie pour imprimer des faux billets français. Le vendredi soir, le graveur a fait son billet et en propose le tirage. Jean Gabin considère qu'il est impossible d'imprimer pendant le week-end…
Ils doivent donc conserver ce billet gravé. L'un des bandits veut le mettre dans son coffre, l'autre dans sa cachette. Sachant qu'ils auraient besoin de ce billet le lundi, Jean Gabin décide de le confier, non à une banque, mais à l'administration que le monde entier envie à notre pays : La Poste ! C'était dans les années cinquante… Jean Gabin met son billet gravé dans une enveloppe et le poste le samedi. Le lundi, le facteur sonne – à l'époque, il passait encore – et apporte le billet. Je ne suis pas sûr que la réplique sera la même, le jour où l'on fera un remake du film !
Je vois que les larmes coulent de vos yeux, monsieur le ministre ! C'est le remords qui vous assaille ! Arrêtez vos salades, réveillez-vous et revenez sur ce projet de loi funeste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Avant de donner la parole à l'orateur suivant, je voudrais, en ce 17 décembre, adresser un salut tout particulier à notre président Ollier. (« Happy birthday ! » sur divers bancs.)
La parole est à M. Richard Mallié.
Monsieur le président, vous avez eu un mot aimable pour le président Ollier, ce qui est tout à fait normal en ce jour illustre !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, si un service public était caractéristique de notre pays, ce serait celui de La Poste. Je pense sincèrement que M. le ministre partage mon avis. Je tiens d'ailleurs à saluer son travail, tout en pédagogie et en compromis.
Assurant quatre missions d'intérêt général, notamment le service universel du courrier et l'accès garanti à un compte bancaire, La Poste emploie près de 300 000 fonctionnaires et salariés. Ces derniers permettent l'acheminement de vingt-neuf milliards d'objets par an et l'accueil de deux millions de personnes par jour dans 17 000 points de rencontres. Depuis 1997, La Poste se modernise et sera bientôt confrontée, à l'horizon 2011, à un nouveau défi : l'ouverture totale de son activité à la concurrence. Elle fait déjà face à celle d'Internet qui ne cesse de faire baisser son volume de courrier – environ 2 % par an depuis le début des années 2000. En ma qualité de questeur, je l'ai également remarqué : le volume du courrier reçu à l'Assemblée a baissé de 30 % en quatre ans, tandis que celui envoyé a baissé de plus de 60 % ! Tout cela s'explique, compte tenu de la simplicité d'envoi d'un courriel.
Avant toute chose, la loi réaffirme la pérennité des missions de service public de La Poste, ce qui constitue une garantie essentielle pour nos concitoyens. Les agents conserveront, quant à eux, leur statut et l'ensemble des droits afférents. Les salariés pourront rester affiliés à l'IRCANTEC, une de leurs principales revendications.
Dans ce contexte particulier, le projet apporte une réponse pertinente et mesurée, autour de deux axes. Tout d'abord, il reprend la proposition de la commission Ailleret, en transformant La Poste en société anonyme à capitaux publics, restant ainsi une entreprise publique. Je m'inscris en faux contre cette idée, propagée par l'opposition, que serait supprimé un service public. Cette votation organisée était surtout une mascarade grossière. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Afin de faire face à de nouveaux défis, La Poste a besoin d'accroître ses capitaux propres et d'accéder à des sources de financements élargies.
Ne parlons pas de signatures ! Je connais personnellement quelqu'un qui a voté seize fois ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
À l'heure actuelle, son statut d'établissement public industriel et commercial ne lui permet pas. Ce changement de statut permettra à l'État et à la Caisse des dépôts de souscrire à une augmentation de capital à hauteur de 2,7 milliards d'euros.
Cette augmentation de capital est nécessaire pour moderniser La Poste et l'adapter aux défis d'aujourd'hui et de demain. Aller à rencontre du sens de l'histoire serait suicidaire pour ce service public national.
Ceux qui doutent, je souhaite leur dire que, grâce aux travaux du Sénat…
…et à votre volonté, monsieur le ministre, des garanties suffisantes ont été données. Non seulement il est inscrit dans la loi que le capital de La Poste sera uniquement détenu par l'État et par des personnes morales de droit public, mais, en plus, en qualifiant La Poste de service public à caractère national, nous la protégeons. En effet, les sages du Conseil constitutionnel ont clairement indiqué en 2006 que la Constitution interdisait la privatisation de toute entreprise qui aurait ce statut de service public national.
Ensuite, ce projet de loi transpose la directive qui fixe au 31 décembre 2010 l'échéance pour la libéralisation totale des marchés postaux.
Cette transposition maintient des acquis non négociables pour notre pays, à savoir le périmètre du service universel ainsi que la levée et la distribution du courrier six jours sur sept. La proximité de points de contact et le prix unique du timbre sont également maintenus.
Tout en conservant à La Poste sa mission initiale, il nous faut lui donner les moyens de son développement. C'est notre service public de proximité, et c'est pour cela qu'il nous faut l'aider.
Le moderniser c'est améliorer le service rendu aux Français.
Je me félicite d'ailleurs de l'adoption en commission de l'amendement du président Ollier et du rapporteur Proriol,…
…initiative à laquelle je m'étais associé. Cet amendement prévoit que les horaires des bureaux sont adaptés aux modes de vie des Français.
Et pourquoi pas, monsieur Mallot ? C'est ça le service public !
Ouvrir un jour par semaine les bureaux de poste jusqu'à vingt et une heures, c'est ce qu'on appelle avoir du bon sens, ce dont, mes chers collègues de l'opposition, vous manquez.
Influencer les changements, ce n'est pas forcément les combattre à outrance mais également les accompagner avec intelligence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous affirmiez très récemment, monsieur le ministre, que La Poste était protégée d'une privatisation par le projet de réforme de son statut, qui garantit qu'elle est un service public à caractère national.
En vous appuyant sur une jurisprudence du Conseil constitutionnel, vous considérez que La Poste n'est pas privatisable. Or cette jurisprudence affirme tout le contraire.
Aux termes de la décision du 30 novembre 2006 relative à la privatisation de Gaz de France, le fait qu'une activité ait été érigée en service public national sans que la Constitution l'ait exigé ne fait pas obstacle au transfert au secteur privé de l'entreprise qui en a la charge. Il s'agit donc d'une contre-vérité, que je peux qualifier de grossière.
Quelle erreur de lecture !
Inscrire dans la loi que La Poste est un service public national ne garantit pas qu'elle restera publique.
En droit français, en effet, ce qu'une loi peut faire, une autre loi peut le défaire. Même en inscrivant le principe du service public national dans le texte, rien n'empêche un gouvernement de déposer une nouvelle loi pour revenir sur ce principe.
Un gouvernement socialiste !
Ce projet de transformation en société anonyme, parce qu'il ouvre la voie à une privatisation future de La Poste et met en difficulté un service public essentiel, nous semble également remettre en cause notre Constitution et, notamment, le préambule de la Constitution de 1946, selon lequel « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
Une telle menace est tout à fait réelle. Elle a été prise très au sérieux par un grand nombre de nos concitoyens.
En réponse à ce projet de loi, une consultation citoyenne de très grande ampleur s'est déroulée du 27 septembre au 5 octobre. À l'issue de cette consultation, plus de 2 300 000 de votants se sont prononcés pour le maintien actuel du statut de La Poste. Cette mobilisation citoyenne a illustré l'attachement viscéral de nos concitoyens aux services publics et à La Poste en particulier.
Quoi qu'en dise le Gouvernement, le projet de loi en discussion, relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, dont le premier article vise à transformer cette entreprise en société anonyme, est le préalable à une privatisation future du groupe La Poste.
La meilleure solution pour garantir le service public postal est naturellement de maintenir le statut actuel.
Vous êtes conscient de l'impopularité de votre projet, monsieur le ministre, et nos concitoyens, échaudés par les expériences passées, comprennent bien que le changement de statut préfigure la privatisation qui est programmée dans un second temps.
Pourquoi refuser la privatisation annoncée par le présent projet de loi de l'entreprise publique La Poste ? Pour conserver le lien social.
La Poste est bien souvent le dernier service public présent dans certains territoires. Dans un grand nombre de villages, le guichet jaune et bleu reste le dernier représentant de l'administration, et le passage du facteur le dernier contact régulier avec la société. On ne peut que rappeler l'importance de ce lien social et convivial. Il est important de ne pas voir disparaître les bureaux de poste. Le facteur doit continuer à porter le courrier dans les endroits les plus isolés de nos territoires.
Dans la course à la rentabilité, le passage du facteur, y compris auprès des personnes les plus fragilisées, sera bientôt remis en cause. À l'heure actuelle, leur parcours est déjà ajusté contrôlé, chronométré. Nous risquons d'aboutir à une concentration encore plus forte qu'aujourd'hui des services postaux sur les pôles urbains et donc à la dévitalisation de nos territoires ruraux et de nos campagnes.
Pourquoi refuser la privatisation ? Pour conserver l'emploi et le territoire.
Éducation, justice, santé, énergie, poste… En France, les services publics emploient environ 30 % des salariés et représentent également 30 % de l'activité économique. C'est dire si leur avenir est une question cruciale, d'autant que, depuis la Libération et le programme du Conseil national de la Résistance, les Français ont placé les services publics au coeur de la nation et de l'identité nationale.
Avec un effectif de près de 300 000 salariés en 2008, La Poste est l'un des plus gros employeurs du service public. Le mouvement de libéralisation, en introduisant la concurrence dans certains secteurs de l'activité postale ou financière, tend malheureusement à se traduire par des réductions d'effectifs.
En Allemagne, le résultat de la privatisation de la Deutsche Post a fait qu'en dix ans, le nombre de guichets est passé de 30 000 à 12 000 et le nombre d'employés a été divisé par deux.
Comment passe-t-on d'un bureau de poste de plein exercice à une agence postale communale puis à un point Poste ? C'est simple. Il suffit de réduire l'amplitude horaire pour ne conserver que quelques heures d'ouverture par jour. Nous le voyons tous régulièrement dans nos territoires, dans nos départements. En Haute-Saône, les maires se trouvent démunis face à une telle situation. Une fois observée une baisse de la fréquentation, on envisage la création d'une agence postale communale, qui recevra une indemnité compensatrice de près de 10 000 euros par an. Si cette solution paraît trop onéreuse et est refusée, un magasin de proximité se trouve alors chargé de la tâche. La logique adoptée est de diminuer volontairement l'activité. Au début, cette évolution ne concernait que quelques communes rurales. Aujourd'hui, ce sont des communes de 5 000 à 10 000 habitants et des quartiers sensibles qui sont touchés.
La Poste conservera certains centres importants dont l'activité est rentable, mais la plupart des bureaux de poste se transformeront en agences postales communales, lesquelles bénéficieront d'une subvention, qui disparaîtra par la suite. Finalement, ces agences seront totalement à la charge des communes. J'en suis même à me demander si, dans certains cas, le coût des tournées des facteurs ne sera pas transféré aux collectivités locales.
Par ailleurs, quelle contradiction avec le Grenelle de l'environnement ! Nos concitoyens seront obligés de prendre leur voiture pour aller à leur bureau de poste.
Pourquoi refuser la privatisation ? Pour que les économies des usagers soient gérées avec raison et prudence.
On l'oublie, mais La Poste est aussi une banque ouverte aux clients les moins fortunés. Aujourd'hui, La Poste prospère car, si elle cumule un peu plus de 5,7 milliards d'euros de dette, elle affiche en 2008 un résultat net de 529 millions d'euros, 388 millions pour le premier semestre 2009, pour un chiffre d'affaires de plus de 20 milliards.
Cette stabilité s'explique en partie par la prudence des gestionnaires postaux. La Banque postale, créée en 2006, n'a perdu que 60 millions d'euros dans la faillite de Lehman Brothers avec la crise de 2008. La poste privatisée au Royaume-Uni a coûté 1,5 milliard de livres au contribuable et, comble du comble, elle doit être renationalisée en catastrophe. Le processus est engagé. Si nous votons la transformation de l'EPIC en société anonyme, il sera malheureusement irréversible.
Pourquoi refuser la privatisation ? Parce que les privatisations sont un échec.
Le Gouvernement a fait l'objet d'une vraie défiance sur le sujet des privatisations. Le déficit de confiance est massif, parce qu'il y a eu des précédents fâcheux. La Poste et son avenir concentrent une bonne partie du malaise social qui agite la France ces derniers mois, comme si la réforme en discussion ressemblait trop à des exemples récents de transformation ratée. Manifestement, une bonne partie de la population française craint qu'il n'arrive à La Poste ce qui arrive à France Télécom ou à EDF-GDF.
Si l'on reprend l'exemple du service postal, l'Europe l'a ouvert à la concurrence sans en fixer tout de suite les limites. La garantie du service universel de la poste ne sera ainsi conçue qu'une dizaine d'années après l'Acte unique. On s'est donc laissé entraîner dans un processus de libéralisation sans le contrôler réellement et sans poser de garde-fous. C'est sur ce déséquilibre que nous continuons d'avancer.
Est-ce l'Europe qui impose à La Poste de renoncer à son statut d'établissement public comme le prévoit le projet de loi ? Pas du tout. C'est aux États d'en décider. Encore aujourd'hui, la majorité des entreprises postales en Europe continuent d'être publiques. L'Europe libéralise certes, mais en imposant aux États membres la garantie d'un service universel de qualité, c'est-à-dire le ramassage et la distribution du courrier et des paquets en tout point du territoire européen. Chaque État doit donc garantir ce service.
L'Europe exige une libéralisation totale du marché du courrier en 2011, mais laisse cependant une réelle marge de manoeuvre aux gouvernements. La directive européenne postale de 2008 permet même de consolider le service public. Encore faut-il en avoir la volonté politique, ce qui n'est pas le cas de votre gouvernement.
Le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, invoque la nécessité de moderniser et d'adapter ses services. Le nouveau statut de société anonyme permettrait de lever 2 à 3 milliards d'euros dans ce but. Au moment du plan de relance, 4 milliards d'euros ont été injectés dans des entreprises publiques comme la RATP ou la SNCF sans qu'il y ait eu besoin de les basculer en société anonyme, mais, sans société anonyme, impossible de céder des parts du capital. Cette possibilité étant désormais ouverte, entamons gaiement la privatisation !
On parle de 2,7 milliards nécessaires au financement, mais est-ce bien nécessaire ? La Poste, qui est bénéficiaire et verse chaque année des dividendes à l'État, peut très bien financer elle-même une grande partie de sa modernisation. Elle possède déjà la taille critique pour exister au plan européen sans être menacée et peut coopérer avec d'autres établissements postaux.
Pourquoi vouloir absolument en faire un oligopole européen, alors que le service postal est par définition ancré dans le territoire local ?
Ses dirigeants souhaitent en faire une entreprise comme les autres, toujours plus grosse. Les dirigeants de nos entreprises publiques ont acquis un tel pouvoir d'expertise que ce sont eux qui décident : les dirigeants de la SNCF font la politique ferroviaire, ceux d'EDF font la politique énergétique de la France. Où est le pouvoir d'orientation de l'État ?
Par ce projet de loi, monsieur le ministre, vous participez au démantèlement des services publics. Les perdants sont connus : usagers, salariés de La Poste, personnes âgées, communes, territoires ruraux.
Or toute la communication de La Poste et du Gouvernement vis-à-vis des usagers, des élus, des populations et des postiers, tend à affirmer que le changement de statut ne changera rien, que c'est une juste nécessité pour augmenter le capital nécessaire au développement de La Poste. Mais si rien ne doit changer, monsieur le ministre, pourquoi changer sinon par pure idéologie ?
Vivent les services publics, monsieur le ministre ! Vive La Poste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en tant que député et maire de banlieue parisienne que je souhaite dénoncer ici les conséquences désastreuses de cette réforme pour nos territoires, déjà beaucoup désertés par les commerces et par les services de proximité.
La Poste est un établissement public, c'est-à-dire une personne morale accompagnée par des fonds d'origine publique, et qui doit remplir une mission d'intérêt général, en d'autres termes un service public d'intérêt général pour répondre aux besoins des usagers et des citoyens. Or, ce que l'on comprend de votre projet de loi, c'est que La Poste devient une société anonyme. Et rien ni personne n'empêchera, à terme, l'ouverture de son capital et donc sa privatisation.
Souvenez-vous de la banalisation du livret A et des risques que court désormais, comme nous l'avions souligné à l'époque, le financement pérenne du logement social. Et les inquiétudes du président du conseil de surveillance ne sont pas pour nous rassurer. Souvenez-vous qu'EDF et GDF ont été privatisés malgré le seuil, alors inscrit dans la loi, des 70 %.
Ce ne sont pas les approximations linguistiques qui permettront d'empêcher, par la loi, cette privatisation que tout le processus de développement aura rendue inexorable.
Notre inquiétude est grande car La Poste, c'est, au-delà d'un service de communication de qualité, un service public dont le rôle est central dans l'organisation de la cohésion économique, sociale et territoriale, non seulement des communes, notamment rurales, mais aussi des quartiers des villes de banlieue.
Oui, monsieur le ministre, La Poste est également, bien souvent, l'une des ultimes expressions d'une présence publique dans les quartiers. Si votre projet devait être adopté en l'état, que restera-t-il aux habitants lorsque, soumise aux lois de la concurrence et à la pression des objectifs de rentabilité, La Poste sera contrainte de fermer d'autres bureaux de postes dans ces territoires de banlieue déjà fortement discriminés ? Qui va permettre, alors, l'accès des plus modestes ou des plus vulnérables – handicapés, personnes âgées – au service postal et bancaire ?
L'abandon du service public de proximité avait déjà commencé avec les restrictions budgétaires dont est victime le service postal depuis 2002. Dans mon territoire, en pleine évolution démographique, avec deux campus, dont l'un comporte 2 000 logements étudiants, deux lycées, un IUT et une école normale supérieure, et l'autre une école spéciale des bâtiments et des travaux publics et une école d'ingénierie, avec une progression démographique constante, deux bureaux de postes sur quatre ont été supprimés.
Ils l'ont été unilatéralement, par une décision discrétionnaire et autoritaire, sans la moindre concertation avec les élus locaux, et donc sans la moindre considération pour les réalités locales et les usagers. En outre, l'un des deux bureaux de poste restants est fermé durant les vacances estivales. Il est pourtant situé dans un quartier d'habitat social dont les habitants ne sont majoritairement pas susceptibles, hélas, de partir en vacances. Nous n'avons pas pu l'empêcher, pas plus que nous n'avons pu faire aboutir nos tentatives de réinstaller un bureau, fût-ce avec des services et des horaires réduits.
S'agissant des objectifs de modernisation, d'efficacité, de réduction des coûts et des moyens, de rationalisation des procédures, voici l'expérience que mes administrés ont vécue. Auparavant, une lettre postée dans ma commune à destination d'un autre habitant de cette commune était recueillie dans une boîte à lettres… Écoutez-moi, monsieur le ministre.
Je vous entends, monsieur le député.
Je vous raconte donc, monsieur le ministre, ce qu'ont vécu mes administrés cachanais. Ils ont vécu la période où une lettre postée dans une boîte à lettres de la commune et destinée à un autre habitant de la commune était triée par le bureau de poste local et distribuée le lendemain matin. Eh bien, savez-vous ce que c'est que le progrès, monsieur le ministre ? C'est qu'une lettre glissée dans l'une des sept, huit ou neuf boîtes jaunes dispersées sur le territoire de la commune est ramassée par un camion avant quatre heures de l'après-midi et acheminée vers une commune située au milieu du département ; là, un premier tri est effectué. La lettre arrive alors dans la commune voisine de la mienne, dans une deuxième zone de tri.
Il faut changer cela, justement ! Et vous réclamez que rien ne change !
Que le ministre ne m'écoute pas, d'accord ! Mais qu'il me laisse aller jusqu'au bout de mon explication ! Il me semble que j'ai la légitimité de le faire ici, à cette tribune, monsieur le ministre.
J'ai bien la légitimité de le faire, et de vous raconter ce que nous vivons tous les jours.
C'est étonnant. Dès que l'on s'oppose à un ministre, vous nous soupçonnez de nous énerver. Je ne m'énerve pas, je suis en train de vous montrer ce que c'est, censément, que le « progrès ». Le « progrès », c'est qu'une enveloppe circule pendant plusieurs heures, dans trois véhicules, avant de parvenir à son destinataire le surlendemain, et après que des fonctionnaires de La Poste l'ont acheminée vers un centre de tri à l'extérieur de la commune, en se répartissant entre tous les territoires, dans des conditions tellement difficiles que la moitié du service rendu est compromis du point de vue du respect des délais. Si c'est cela qu'on appelle le progrès, monsieur le ministre, permettez-moi de mettre en question cette notion.
Et lorsque j'ai demandé des explications, on m'a parlé de rationalisation, de modernisation, de procédures supprimant le plus possible l'intervention humaine. Nous sommes capables de comprendre cela, monsieur le ministre, car nous ne sommes pas totalement dépourvus d'intelligence. Mais quand j'ai posé la question : « A-t-on progressé dans le service public ? », je n'ai pas obtenu de réponse affirmative. Et pour cause : on n'a pas fait progresser le service public, on n'a fait que répondre à la seule volonté de réduire les coûts.
L'exigence de rentabilité doit bien sûr faire partie de la stratégie, mais elle ne doit pas être le premier des objectifs. Et c'est ce qui s'est passé dans ma commune.
Avec cette réforme, vous faciliterez la désertification des banlieues, ce qui est d'autant plus grave qu'en parallèle, les réformes des collectivités territoriales et de la taxe professionnelle, ainsi que les reculs des mécanismes de péréquation et de solidarité territoriale assèchent toutes nos stratégies locales. Ainsi, l'État, renonçant à ses missions régaliennes, aura demain totalement disparu de ces territoires. Qui assumera effectivement une présence aux côtés des habitants, les collectivités ne pouvant plus elles-mêmes remédier aux carences coupables de l'État, faute de moyens à apporter aux populations pour leurs services essentiels ?
Quel message adressez-vous à ces populations ? Vous préparez purement et simplement, sans le moindre scrupule, une France à deux vitesses. D'un côté, la France des coeurs de ville, ou des coeurs de vie, qu'animeront des stratégies purement lucratives. De l'autre, la France des banlieues précaires et des zones rurales, de plus en plus isolées, dont la puissance publique aura déserté les territoires et abandonné les habitants.
À l'heure où nous parlons du désenclavement des quartiers et de la lutte contre la ghettoïsation des banlieues, comment ne pas s'étonner de cette réforme qui enfermera un peu plus encore les habitants, alors que le temps est pourtant bien venu de leur donner d'autres signes forts de l'intérêt que nous devons leur porter ?
L'ouverture des quartiers passe par le maintien et le développement des services, comme ceux de La Poste, qui joue un rôle essentiel pour le maintien du lien social et le développement équilibré des territoires.
Après la réforme hospitalière, qui accentue les inégalités territoriales dans l'accès aux soins, après la banalisation du livret A qui menace la pérennité de l'épargne populaire, et en attendant la réforme des collectivités, qui va accroître le déséquilibre entre grandes métropoles, d'une part, et communes périurbaines et rurales, d'autre part, votre réforme du statut de La Poste symbolise votre politique libérale, qui laisse aux lois du marché le soin de déterminer les territoires viables, rentables et ceux condamnés à l'abandon. L'exemple que je vous ai donné tout à l'heure l'illustre bien.
Vous faites souvent référence à la transposition de la directive européenne, mais vous oubliez souvent de rappeler la définition de cette notion de service public : « Le service public est un service universel, reconnu dans les traités et les directives communautaires, dont l'objectif est de garantir le droit d'accès de chaque habitant, en tout point du territoire européen, à des services de communication de qualité, d'organiser la cohésion économique, sociale et territoriale de l'Union européenne, le lien social, de développer les conditions du développement durable. »
Avec cette réforme, vous allez à contresens du modèle républicain français, qui fait de l'égalité entre les citoyens sa finalité. Vous cassez un peu plus encore les mécanismes de péréquation permettant la solidarité entre les territoires et la population. Vous condamnez le développement harmonieux des territoires et l'aménagement équilibré de notre pays.
C'est pourquoi nous combattons cette réforme du statut de La Poste qui, sous le prétexte fallacieux de la moderniser, ouvre la voie à sa privatisation. Et même si elle ne dit pas son nom, elle en porte tous les stigmates et les dérives, au détriment de nos concitoyens.
Pour défendre La Poste, les communes rurales et les banlieues mènent un même combat, celui de leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat s'inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour les services publics. Des hôpitaux et des maternités qui ferment, des perceptions qui ferment, des tribunaux qui ferment, des postes qui sont supprimés par milliers, je devrais plutôt dire par dizaines de milliers, dans l'éducation nationale, tout cela, nos concitoyens le vivent.
Ils vivent aussi, pour ce qui concerne les élus, la diminution des aides de l'État aux collectivités pour assurer le fonctionnement de leurs services publics.
Les DDASS ne s'occupent plus du contrôle des assainissements, qui a été transféré aux collectivités. Ce sont les citoyens qui paient. Les DDE ne peuvent plus assurer la maîtrise d'oeuvre au profit des communes. Il faut la transférer, elle aussi, à des bureaux privés ; encore une fois, les citoyens vont payer. Les DDAF ne peuvent plus contrôler maintenant les syndicats d'eau potable. Il va aussi falloir confier cela soit à des bureaux privés, soit à d'autres syndicats ; les citoyens paieront.
Pourtant, monsieur le ministre, vous le savez, les services publics sont garants de l'égalité entre les citoyens et ils sont le fondement de notre identité, de notre modèle social et de la manière dont nous vivons dans notre République.
Vous l'avez dit vous-même : dans ce dispositif des services publics, La Poste tient une place à part dans la vie même de nos concitoyens, qu'ils habitent en milieu urbain ou en milieu rural, qu'ils habitent dans nos villes ou au fin fond des vallées des Pyrénées, des Alpes ou de Corse. Ils voient, petit à petit, ce service s'effilocher : suppression d'emplois, suppression des remplaçants, diminution des horaires, fermeture insidieuse des bureaux, qui sont remplacés par des points poste ou des agences postales communales avec – cela a été très bien rappelé, il y a quelques instants – une diminution du service, parce qu'un point-poste n'est pas une poste et qu'une agence postale communale n'est pas un bureau de poste, l'agent municipal n'ayant pas accès aux comptes des usagers. Aujourd'hui, le contexte est extrêmement négatif pour l'ensemble des services publics.
Le projet de loi « relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales » marque une rupture certaine dans l'organisation de nos services publics. Il constitue, à n'en pas douter, une étape de plus dans la remise en cause de notre modèle social, fondé sur des services publics correcteurs d'inégalités sociales et territoriales.
En effet, on ne saurait négliger les conséquences du basculement du statut d'EPIC vers celui de société anonyme, tant sur le plan social et sur celui des statuts du personnel que sur le plan financier, avec la mise en oeuvre de l'évaluation financière de La Poste ou encore l'attribution d'actions au personnel. Ces points méritent toute notre attention, car il s'agit là d'un véritable bouleversement de l'organisation de La Poste, consistant en un alignement sur le droit commun des sociétés anonymes.
Certaines questions restent sans réponse, qu'il s'agisse du régime conventionnel auquel seront soumis les personnels ou de la pérennisation du régime de retraite complémentaire des agents non titulaire de l'État et des collectivités publiques, autrement dit l'IRCANTEC. Le projet de loi n'a rien prévu à cet égard, ce qui signifie que ce régime est condamné à terme.
Le basculement vers le droit commun des sociétés anonymes annonce l'extinction progressive des emplois de fonctionnaire. Or la cohabitation des fonctionnaires avec les contractuels soulève un certain nombre d'interrogations dans la mesure où les contractuels devraient être régis par les conventions collectives.
Plus précisément, la coexistence de plusieurs régimes de conventions collectives, qu'il s'agisse de la convention collective de La Poste, de celle de la Banque postale, plus avantageuse, ou de celle des concurrents potentiels du fait de l'absence d'une convention commune pour les activités postales, risque de susciter de nombreuses injustices et inégalités entre les salariés. C'est d'autant plus problématique que l'on observe dans les postes étrangères une nette dégradation des conditions de travail et une multiplication des emplois précaires.
J'appelle votre attention sur les conditions de travail. La Poste a inventé, dernièrement, les « postiers debout ». Dans mon département – je ne sais pas si c'est le cas ailleurs –, on commence à voir des bureaux de poste dans les villes où, toute la journée, les postiers doivent être debout.
Ils copient en cela ce qu'a fait France Télécom. Les clients ne sont plus reçus à un guichet par quelqu'un qui peut s'asseoir, mais autour d'une petite table, comme dans un bar. C'est, paraît-il, une technique très moderne. Elle ne fait, pour ce que j'en ai vu jusqu'à présent, que provoquer une cohue, mais je sais qu'elle provoquera une fatigue insurmontable pour ceux qui travaillent dans ces locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Par ailleurs, la suppression d'une disposition de l'article 31 de la loi de 1990 faisant référence « aux conditions de travail » parmi les thèmes abordés par les instances représentatives du personnel est hautement symbolique. Elle présage, à coup sûr, une diminution de la protection des salariés. Il semble pour le moins inopportun de supprimer l'expression collective des représentants du personnel sur les conditions de travail à l'heure où celles-ci, sous la pression de plus en plus forte des objectifs de rentabilité, se dégradent dans toutes les entreprises.
On a pu voir, en particulier chez Renault ou France Télécom, à quel point l'évolution d'une entreprise publique était susceptible d'engendrer de fortes contraintes et d'entraîner ainsi un mal-être parmi les salariés. Les drames dont nous sommes témoins chaque jour doivent nous inciter à prendre le temps d'analyser les conséquences pour les salariés de la pression concurrentielle ainsi que des exigences de productivité et de rentabilité.
L'article 9 du projet de loi vise à étendre le champ d'application des mécanismes d'épargne salariale et d'intéressement à l'ensemble des personnels de La Poste. L'intéressement, distinct de la participation, associe collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise, tandis que le plan d'épargne salarial leur donne, toujours de manière collective, la faculté de participer à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières. Ces dispositions, comme celles qui sont relatives à la représentation et à l'information des salariés, à la formation économique, juridique, ou encore aux conditions d'ancienneté, s'appliqueront à l'ensemble des personnels de La Poste, y compris les fonctionnaires en activité
Par ailleurs, cet article précise les modalités selon lesquelles des augmentations de capital ou des cessions d'actions réservées pourront être réalisées dans le cadre d'un fonds commun de placement d'entreprise. Enfin, il étend le dispositif de participation aux résultats de l'entreprise.
Ainsi bascule-t-on concrètement dans le droit commun des sociétés anonymes, que ce soit avec l'intéressement du personnel de La Poste à la réalisation des objectifs de productivité et de performance de l'entreprise ou avec ces autres formes de rétribution telles que les primes, qui ne font pas partie de la rémunération. Il s'agit de permettre aux salariés de constituer un portefeuille de titres émis par La Poste SA, pour les faire bénéficier d'un régime fiscal favorable, ce qui devrait au demeurant les inciter à agir pour faire monter le cours des actions de leur entreprise. Espérons que le changement de statut de La Poste, s'il intervient, ne préfigure rien de comparable à ce qui s'est passé dans l'ancienne entreprise publique GDF, avec l'instauration de mécanismes d'allocation et de distribution de stocks-options aux dirigeants. On peut le craindre aujourd'hui.
L'article 18 vise à compléter l'article L. 3-2 du code des postes et télécommunications en transposant des dispositions de la troisième directive européenne concernant notamment les exigences essentielles. Il s'agit de mettre en place des procédures transparentes et peu coûteuses de traitement des réclamations, de garantir l'accès aux services et aux installations des personnes handicapées, d'assurer la neutralité des envois postaux concernant l'identité de l'expéditeur. À cela s'ajoute une disposition introduite par le Parlement européen pour protéger les salariés qui impose que les obligations légales et conventionnelles en matière de conditions de travail et de sécurité sociale soient respectées.
En outre, selon le considérant 53 de la directive, les dispositions adoptées ne doivent pas affecter le droit du travail, c'est-à-dire les dispositions légales ou contractuelles « concernant les conditions d'emploi, les conditions de travail, y compris la santé et la sécurité au travail, et les relations entre les employeurs et les travailleurs ».
Ces exigences essentielles devraient donc s'imposer à tous les prestataires de services postaux, sans préjudice du statut de fonctionnaire du personnel de La Poste. Encore faudrait-il qu'une harmonisation par le haut des diverses conventions puisse être réalisée dans toute la branche ou le secteur des activités postales, afin d'éviter tout dumping social.
Or des incertitudes demeurent à cet égard. Comme nous l'avons indiqué, la mise en place d'une convention collective dans le secteur des activités postales est loin d'avoir abouti. En l'absence d'une telle convention, nous avons de bonnes raisons de penser qu'après l'ouverture totale à la concurrence, les concurrents de La Poste continueront à appliquer les conventions les moins avantageuses.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la provenance des fonds mobilisés par l'État, à hauteur de 1,2 milliard, à l'heure où les contraintes qui pèsent sur son budget d'un côté, et les charges de la dette de l'autre laissent peu de marges de manoeuvre financières. Dans l'hypothèse où la Caisse des dépôts participerait à l'augmentation de capital pour répondre aux besoins de financement de La Poste et assurer ainsi son développement, rien ne l'empêcherait de revendre sa part d'actions à tout moment. Notre collègue Michel Bouvard l'a confirmé. Il ressort d'ailleurs des dernières interventions de la Caisse des dépôts que celle-ci semble cantonner son rôle à l'apport d'une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté ou présentant un intérêt stratégique pour la France. En aucun cas elle n'a vocation à demeurer perpétuellement au capital de l'entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement. Notre collègue Michel Bouvard l'a également souligné.
De plus, de sérieux doutes existent quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l'entreprise en cas d'abandon du statut d'établissement public. En effet, nous savons quelle évolution ont connue les grandes entreprises publiques ayant été soumises au même processus de transformation en sociétés anonymes. À terme, cela a abouti à leur privatisation.
La fusion intervenue entre GDF et Suez illustre bien ce mouvement de privatisation. Le Gouvernement se défend de vouloir suivre cet exemple, arguant que la comparaison avec GDF n'est pas pertinente. Nous dirons simplement que de nombreux États ayant privatisé leur poste ont vu dans cette opération le moyen de récupérer des fonds destinés à alléger leur dette. Ce projet de loi concernant La Poste le permettrait-il aussi à terme ? La question est posée.
Notre rapporteur affirme que La Poste sera certes une entreprise, mais une entreprise pas comme les autres, avec un capital public à 100 %. Or, face au jeu, difficilement contrôlable, de la concurrence et des marchés, comment garantir que cette entreprise demeurera « pas comme les autres » avec un capital à 100 % public ?
Par ailleurs, quelle sera la rémunération des nouveaux actionnaires ? L'État, en tant qu'actionnaire, percevra-t-il des dividendes, alors qu'il ne compense pas intégralement, comme il le devrait, le surcoût lié aux missions de service public ? Comment utilisera-t-il ces nouveaux dividendes ponctionnés sur la société anonyme ? Quel sera le retour sur investissements exigé par la Caisse des dépôts ? Toutes ces questions mériteraient un débat.
Dans ce contexte, comment La Poste, devenue société anonyme, pourra-t-elle garantir le financement de ses quatre missions de service public, à savoir le service universel postal, la présence postale, le transport et la distribution de la presse, l'accessibilité bancaire ? Aucune garantie n'est donnée quant à un financement suffisant et pérenne de La Poste.
Si le projet de loi confirme La Poste comme le prestataire du service universel pour une durée de quinze ans, on relève l'absence de moyens nouveaux pour assurer cette mission. La nouvelle société anonyme risque de se voir contrainte à réduire ses coûts, ce qui se traduira probablement par des suppressions d'emplois, ainsi que par un recul de la présence postale et de la distribution du courrier. Les exemples ne manquent pas à cet égard en Europe, où nombre de services publics voient leurs missions se réduire du fait d'un environnement concurrentiel.
Monsieur le ministre – cela a été dit à de nombreuses reprises par mes collègues – les Français sont viscéralement attachés à La Poste. Dans chaque village, chaque fois que se profile une fermeture de bureau, les gens se mobilisent. Dans ma commune, en décembre 2008, 350 personnes sont venues manifester parce que La Poste voulait supprimer les heures d'ouverture le samedi matin. Elle les a rétablies.
Dans le département de la Dordogne, 37 000 personnes sont venues participer à la votation citoyenne, que vous semblez mépriser. Je crois qu'aujourd'hui vous devez entendre ce que les Français vous disent et ne pas toujours suivre le dogme qui vous est imposé.
Vous avez l'occasion d'exercer pleinement la démocratie dans notre pays. On vous demande un référendum. Ayez le courage de le proposer aux Français. Ils vous donneront une ligne de conduite, qui sera certainement plus utile à notre pays que celle que préconise votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la modernisation de La Poste me tient à coeur pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, La Poste a été mon premier employeur, pendant les vacances scolaires. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Par ailleurs, je dois dire à mes collègues provinciaux que le service public qu'elle fournit n'est pas moins important en zone urbaine, où se situe ma circonscription, qu'en zone rurale. Elle offre des occasions de rencontre et d'échanges, au guichet et avec les préposés ; il s'agit parfois des seuls échanges de la journée.
La modernisation ne doit pas laisser de côté cet aspect du service, celui des relations humaines. Je consacrerai toutefois mon intervention à de possibles dérives de cette dimension humaine à laquelle nous sommes tous particulièrement attachés.
À Argenteuil, au cours des sept années du dernier mandat municipal, La Poste a réhabilité deux de ses huit sites et fait part de sa volonté d'en transformer un troisième, l'un des plus productifs dans le secteur financier. Mais ce dernier était peu visible, peu accessible et il était difficile d'y stationner. Le maire que j'étais a donc proposé en 2006 et 2007 aux responsables locaux et départementaux de profiter d'une opération de promotion tout juste commencée pour déménager à cent mètres de là, sur une voie à forte circulation, donc de meilleure chalandise.
La Poste a rapidement accepté cette proposition et imposé ses dimensions considérables pour occuper un rez-de-chaussée du bâtiment en question. Le site qu'elle occupait alors devait être acheté par la ville pour intégrer la cité scolaire dans laquelle elle était enclavée. Il s'agit certes de détails locaux, mais qui sont essentiels à l'argumentation que je souhaite développer.
Une nouvelle équipe me succède à la tête de la municipalité ; j'apprends alors qu'elle remet en cause l'installation de ce nouveau bureau de poste, parce que les services patrimoniaux et nationaux de La Poste souhaitent que la collectivité participe à la réimplantation. Celle-ci a été arbitrairement estimée à 550 000 euros, montant que La Poste a accepté de prendre en partie en charge, à hauteur de 300 000 euros.
Mais comment accepter que la règle du jeu change en cours d'opération ? En effet, aujourd'hui, La Poste demande à la collectivité de lui fournir 250 000 euros pour que l'un de ses bureaux, l'un des meilleurs dépôts financiers du département, soit mieux situé, ce qui lui permettrait de faire de meilleures affaires. Il s'agit à mon sens d'une dérive inacceptable, étant donné l'effort considérable que l'État s'apprête à consentir pour augmenter le capital de La Poste.
Tous reconnaissent désormais que la création des « points poste » municipaux qui ont suppléé à certaines agences peu fréquentées a rendu un excellent service à chacun. Mais de là à demander une participation aux collectivités pour promouvoir des guichets marchands ! Il faut mettre fin à cette dérive, monsieur le ministre.
L'ouverture à la concurrence, que le libéral que je suis prône afin d'améliorer le rapport qualité-prix, ne doit pas imposer une obligation de participation à des collectivités qui joignent parfois difficilement les deux bouts. Je souhaite que la raison l'emporte et que La Poste respecte ses engagements initiaux. Les clients qui attendent d'être mieux reçus verront ainsi leurs espoirs exaucés sans bras de fer entre La Poste et la collectivité.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de faire en sorte que les efforts que consentira l'État par votre entremise ne conduisent pas à demander de nouveaux efforts aux collectivités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, jeudi 17 décembre, à neuf heures trente :
Suite du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 17 décembre 2009, à une heure cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma