Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, un an après la publication du rapport Ailleret et à peine un mois après l'examen de ce projet de loi par le Sénat, l'Assemblée est amenée à se prononcer sur l'avenir de La Poste et, plus encore, sur l'avenir d'un service public à la française, de proximité, probablement le service public par excellence, celui auquel les Français tiennent le plus, celui que la France rurale ne veut pas, ne peut pas voir disparaître.
La question qui se pose à nous, parlementaires et élus de la République, est de savoir s'il faut, en approuvant ce texte, accepter de brader ce patrimoine collectif qu'est La Poste.
Une fois de plus, le Gouvernement et sa majorité tentent de minimiser les enjeux du projet en nous expliquant qu'il se résume à une querelle simpliste, manichéenne, entre, d'un côté, des modernisateurs favorables au changement de statut de La Poste, et, de l'autre, des conservateurs attachés au maintien du statut de droit public de cet établissement public à caractère industriel et commercial.
C'est ici faire injure aux 2,3 millions de Français qui se sont clairement exprimés, lors de la votation citoyenne soutenue par les radicaux de gauche, en faveur du maintien du statut actuel de La Poste. Et ils sont de plus en plus nombreux à redouter ce changement qui constitue la première étape de sa privatisation. Il n'y aura bientôt plus que la majorité pour faire semblant de croire que ce texte ne vise en rien, à terme, à démanteler le service public postal en privatisant l'entreprise La Poste.
Avec mes collèges radicaux de gauche, nous sommes, quant à nous, fermement opposés à ce qui se trouve au coeur du projet de loi : le changement de statut de La Poste en société anonyme, et donc la mort de ce service public à la française. Car aujourd'hui, son statut d'EPIC garantit un service qui rythme le fonctionnement de notre société grâce, notamment, à la distribution du courrier six jours sur sept et à J plus un.
Comment pourrions-nous croire, monsieur le ministre, qu'une société anonyme, fût-elle transitoirement à capitaux publics, sera en mesure de répondre à ces exigences, tout en assurant une double mission d'aménagement du territoire et de maintien du lien social ?
Nous n'acceptons pas que La Poste entre dans la course sans fin vers le profit et la rentabilité au détriment, inévitablement, de sa mission essentielle de service public, de sa mission de service de l'intérêt général ou encore de sa mission d'égalité dans le traitement de ses usagers, quel que soit leur statut social ou leur situation géographique.
À coups de RGPP et de refontes budgétaires, la politique du Président de la République agresse et affaiblit le pacte républicain. Et nous subissons de plein fouet l'accélération des fermetures de centres de perception, de brigades de gendarmerie, d'hôpitaux, de tribunaux, de classes et d'écoles. Nous le subissons particulièrement dans nos départements ruraux comme celui du Lot dont je suis élue, où le démantèlement des services publics pénalise gravement la population et l'isole chaque jour encore davantage du reste du territoire national.
L'ancrage territorial de l'État, pilier essentiel de la péréquation et de la solidarité nationale, ne cesse de se rétrécir. Faut-il rappeler que lors de sa visite à Cahors, en avril 2008, le Président de la République a souhaité faire du Lot un département pilote en matière de réorganisation des services administratifs ? Depuis, il n'est pas revenu, mais moi qui suis sur le terrain, je puis vous assurer que plus que de réorganisation, c'est bien de disparition qu'il s'agit !
En ligne de mire et à courte vue, il y a donc désormais, derrière La Poste, de nouvelles cibles : le service postal universel, l'aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse, l'accessibilité bancaire, autant de services publics et d'amortisseurs sociaux qui doivent être assurés par des acteurs publics, et donc régis par des règles de droit public.
Pour nous, radicaux de gauche, aider La Poste doit revenir à lui permettre de remplir au mieux ses tâches de service public et à lui permettre de franchir les difficultés structurelles qu'elle rencontre, à plus forte raison dans la perspective de l'ouverture du marché à la concurrence au 1er janvier 2011.
Nous considérons comme une dérive le remplacement des bureaux de poste par des agences postales communales et des relais postes commerçants. Dans mon département, les Lotois le constatent : il ne reste plus que onze bureaux de poste « centres », le reste des « points poste » étant répartis entre des guichets annexes, des agences postales et des relais communaux. Les uns après les autres, nos bureaux de poste fusionnent, comme à Souillac et à Martel, se réorganisent, comme à Cahors, préfecture de 20 000 habitants pourtant, où les horaires d'accueil du public se réduisent significativement.
Cela quand les bureaux ne disparaissent pas tout simplement comme à Arcambal, Vers, Fontanes, Albas, Douelle, Payrignac, Montfaucon, ou encore Castelfranc qui, le 1er janvier prochain, verra, comme les autres communes citées précédemment, son bureau de poste fermé et remplacé par une simple agence postale. Puis pourrait venir le tour du bureau de Cénevières, de celui de Lauzès. Je m'arrête ici, car la liste serait trop longue tant les atteintes à nos bureaux communaux et les suppressions d'emplois qui vont avec sont importantes. Dans ces conditions, comment ne pas considérer qu'il s'agit tout simplement d'une régression pour la qualité de vie et de services en zones rurales ? Comme de nombreux élus, je suis attachée aux bureaux de plein exercice.
La disposition introduite par le Sénat visant à conserver les 17 000 points de contact n'offre aucune garantie suffisante car ce qui compte, c'est le ratio entre ces différentes structures. La Poste doit maintenir son extraordinaire maillage territorial. La présence postale, lien social unique et indispensable, en particulier dans les zones rurales ou dans les quartiers populaires, est menacée. Ce service public est notre bien commun, enraciné au plus profond de la vie des villages et des quartiers, où la question de la présence postale revêt une dimension humaine très forte.
Donner les moyens à La Poste de s'en sortir, c'est d'abord respecter son statut d'EPIC qui n'est en rien archaïque ni dépassé – pas plus qu'il n'est incompatible avec les réglementations européennes.
Monsieur le ministre, prenez vos responsabilités et cessez de vous abriter derrière des faux-semblants ou derrière Bruxelles. Vous devez assumer les choix du Gouvernement de démanteler le service public postal en vous attaquant à l'établissement public qui le fait vivre.
Mes chers collègues, La Poste a prouvé qu'elle pouvait s'adapter avec son statut actuel ; son intervention dans les secteurs concurrentiels a d'ailleurs été réalisée avec succès. Par conséquent, un débat responsable et intelligent doit porter sur les moyens de rendre compatible la modernisation devenue nécessaire avec le maintien des missions de service public. La Poste dispose à l'heure actuelle de tout l'outillage juridique pour se défendre face à ses concurrents.
Monsieur le ministre, la transformation de La Poste en société anonyme est dangereuse pour les usagers comme pour les salariés de cet établissement. Aujourd'hui, l'avenir de La Poste ne peut se concevoir que dans le cadre d'un service public national maîtrisé par l'État. Or, il ne s'agit pas de la logique à laquelle obéit le présent texte. Dans ces conditions, je ne vois pas comment les radicaux de gauche, attachés au service public postal, pourraient lui apporter leur soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)