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Intervention de Marie-Lou Marcel

Réunion du 16 décembre 2009 à 21h30
La poste et les activités postales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Lou Marcel :

Or ce texte, par l'idéologie néolibérale qui l'a inspiré, ne peut être interprété que comme visant à mettre en cause le service universel postal.

En effet, votre projet de loi, monsieur le ministre, entérine l'ouverture totale à la concurrence. Il procède à la transposition de la troisième directive postale européenne en n'en retenant que les dispositions les plus libérales.

C'est ainsi qu'il met un terme au secteur réservé qui faisait toute la force du service universel postal à la française, en transformant – c'est là le coeur de votre projet de loi – le statut de La Poste et en faisant d'un établissement public à caractère industriel et commercial une société anonyme. Il ne s'agit donc ni plus ni moins que d'une libéralisation du secteur postal.

Cette libéralisation profitera avant tout aux concurrents du secteur privé. Comme pour la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », il n'y aura aucune contrainte pour les acteurs du secteur privé lorsque La Poste devra continuer d'assumer seule les missions de service public sur l'ensemble du territoire. Aux opérateurs privés les niches les plus rentables, délaissant la distribution dans les zones les moins accessibles, au profit de la collecte et du tri !

Vous dites que le statut d'EPIC de La Poste ne favoriserait pas son développement économique et limiterait son dynamisme commercial. C'est faux : aujourd'hui, La Poste est un des acteurs européens les plus dynamiques de son secteur.

On nous dit qu'elle aurait besoin de capitaux nouveaux pour la modernisation de son réseau et de ses outils, pour le développement de ses activités : colis et logistique, Or, dans le même temps, alors qu'on affirme que rien ne changera sur les missions de service public, on constate sur le terrain la mise en oeuvre d'une politique dite de modernisation, synonyme de disparitions de milliers de bureaux de postes au profit d'agences postales communales ou de relais-postes situés dans les commerces.

La modernisation des centres de tri nous fait craindre, quant à elle, que ces sites sous-exploités puissent être utilisés par la concurrence.

Si La Poste a besoin de capitaux nouveaux, comme on nous le dit, on suppose que ce serait pour le déploiement de sa stratégie à l'international. Or 2,7 milliards d'euros de fonds publics vont être mis à sa disposition par l'État pour ces opérations externes. On est en droit de s'interroger sur une telle stratégie, encouragée par les pouvoirs publics, qui se fera au détriment des investissements sur notre territoire.

La question qui aurait dû prévaloir dans ce projet de loi, c'est celle de l'aménagement du territoire. Il aurait été nécessaire d'inscrire dans ce texte que « le service public postal fournit ses services en répondant aux exigences d'aménagement du territoire. »

Dois-je rappeler que l'aménagement du territoire est considéré comme une « exigence essentielle » dans la directive postale européenne de 1997 ? Selon le point 19 de l'article 2 de cette directive, l'aménagement du territoire constitue l'une des « raisons générales de nature non économique qui peuvent amener un État membre à imposer des conditions pour la prestation des services postaux ». Inscrire cette notion dans le projet de loi aurait permis de s'assurer que le Gouvernement souscrit bien à cette exigence.

En effet, les services d'intérêt général ont des spécificités qui doivent être prises en compte. À cet égard, lors de l'examen de la proposition de la troisième directive postale, l'UNI-Europa Poste, qui représente les syndicats postaux de tous les États membres – plus d'un million d'employés sur un effectif total de 1,6 million – a bien noté un déficit d'analyse et d'évaluation de l'impact économique et social. Elle a également souligné les effets sur l'emploi de la réduction du secteur réservé, et a regretté que « les études retenues par la Commission pour arrêter ses propositions ne se soient pas intéressées aux répercussions sur la cohésion sociale et territoriale, ni à l'emploi ».

Personne ne peut accepter que l'aménagement du territoire fasse les frais de ce projet de loi. Seule la préservation des services publics peut garantir la solidarité, la cohésion sociale et territoriale. Cette cohésion doit relever d'une vraie volonté politique en termes d'aménagement du territoire, volonté politique qui manque cruellement à votre gouvernement et à la direction de l'entreprise publique La Poste.

En effet, aujourd'hui sur nos territoires, nous sommes nombreux à constater que dans nos régions, nos départements et nos cantons, le maillage territorial par les bureaux de poste ne cesse d'être détricoté.

Mon département a valeur d'exemple car il illustre parfaitement le besoin de services publics forts, ancrés dans les territoires, et les manquements de l'État à cette exigence. Comme pour la carte judiciaire, la carte hospitalière, la carte ferroviaire, nous nous trouvons, avec ce texte, acculés à la mobilisation pour la défense des services publics sur nos territoires. Sur l'ensemble du département de l'Aveyron, on compte quatre-vingt-un bureaux de poste de plein exercice, quatre-vingt-une agences postales communales, dix-huit relais poste commerçants. Il convient d'emblée de faire la distinction entre ces différents types de sites qui sont tous labellisés par la direction de La Poste comme « point de contact », mais recouvrent des réalités fort différentes. La Poste en effet use et abuse du terme « point de contact », arguant que la France en compte 17 000, soit autant qu'en 1914. En réalité, les différences sont nombreuses…

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