…en faveur de l'organisation d'une « consultation populaire […] avant toute ouverture du capital de la poste à des fonds privés ».
Assurer le maintien d'un service public de qualité et de proximité dévoué à nos concitoyens sur tout le territoire national n'est décidément pas la priorité idéologique du Gouvernement. Si nous convenons de la nécessité d'adapter La Poste à un nouveau contexte concurrentiel, le risque est grand, avec la modification de son statut en société anonyme, de voir des fonds privés entrer progressivement dans son capital. C'est pourquoi je crains que, sitôt voté, ce changement de statut n'accélère la privatisation.
En outre, rien ne vous obligeait à agir de la sorte. On nous explique que cette privatisation – pardon, ce « changement de statut » – serait imposé par la déréglementation européenne. C'est inexact, car c'est votre gouvernement qui a accepté la libéralisation totale du courrier à partir de 2011, alors que vous auriez pu vous y opposer.
Par ailleurs, les règles de l'Union européenne ne fixent aucune obligation en matière de statut des entreprises intervenant dans le secteur postal, dès lors que sont respectées les règles de concurrence en vigueur. Aucune législation n'imposait donc cette réforme. Autrement dit, la Commission européenne n'a jamais formulé d'injonction relative au changement de statut. Lorsque la gauche était majoritaire, elle s'est constamment opposée à toute directive retirant à La Poste son secteur réservé. Une fois de plus, l'Europe vous sert d'alibi et vous permet de masquer votre désengagement quant à la défense des services publics.
Votre manière d'agir est d'autant plus contestable que La Poste est déjà compétitive et qu'elle génère des profits. Or, avec ce changement, elle ne pourra garantir ni la même qualité de service pour tous, ni des tarifs identiques, ni l'égal accès de tous au réseau postal, ni le maintien de la présence postale sur l'ensemble du territoire. En effet, le texte permettra la libéralisation du service postal, autrement dit sa privatisation ; et ce n'est pas votre imagination sémantique débordante, monsieur le ministre, qui nous prouvera le contraire.
« Imprivatisable », dites-vous, comme votre majorité l'avait dit en bien d'autres occasions. Car les exemples de duperie sont légion ; je ne citerai, parce qu'il est édifiant, que celui de France Télécom. Je veux bien croire, monsieur le ministre, en votre bonne foi, même si je la sais limitée à la durée de votre mandat ministériel. Reste que les garanties que vous promettez sont teintées d'insincérité ; et ce ne sont pas les menus apaisements apportés lors de l'examen au Sénat qui effaceront nos craintes légitimes. Un simple amendement, par exemple, suffirait pour que la responsabilité du service universel soit attribuée sur appel d'offres.
Nous sommes donc opposés au changement de statut de La Poste et aux conséquences désastreuses qu'il aura au niveau local. Le service postal est bien souvent le dernier contact pour les populations rurales ; il est l'ultime rempart contre les inégalités sociales et territoriales. Les élus ruraux pourront en témoigner : les missions de service public de La Poste dépassent largement le cadre du courrier, de la presse ou encore de l'accessibilité bancaire ; elles constituent le dernier lien avec le monde extérieur et tissent la trame du quotidien pour bon nombre de nos concitoyens, qui voient dans le facteur, non un salarié lambda mais une personne de confiance.
Pour toutes ces raisons, il est impératif de maintenir le service public, de garantir la pérennité des bureaux de poste, lesquels jouent un rôle majeur dans l'aménagement et le maillage du territoire, préservant ainsi le lien social. Les populations concernées sont inquiètes, car elles sont édifiées par la politique du Gouvernement, qui, depuis bientôt huit ans, détruit les services publics. J'en veux pour preuve le réseau des trésors publics – dans le département de l'Hérault, seize perceptions ont été rayées de la carte – ; la disparition de tribunaux, d'ailleurs largement contestée par votre majorité ; la disparition, lors de la mise en place de Pôle emploi, des antennes de l'ANPE ; la suppression, à travers la RGPP, de toutes les subdivisons de l'équipement – sur les seize qui existaient dans le département de l'Hérault, il n'en restera que trois au 1er janvier – ; la disparition des directions départementales de l'agriculture, lesquelles seront rattachées à des directions du territoire, avec quelques permanences pour faire face à la crise des agriculteurs et des viticulteurs ; les menaces qui pèsent sur l'école maternelle avec le projet de Mme Morano de créer, pour les remplacer, des jardins d'éveil assumés par les collectivités. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)