Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Michel Villaumé

Réunion du 16 décembre 2009 à 21h30
La poste et les activités postales — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Villaumé :

Avec un effectif de près de 300 000 salariés en 2008, La Poste est l'un des plus gros employeurs du service public. Le mouvement de libéralisation, en introduisant la concurrence dans certains secteurs de l'activité postale ou financière, tend malheureusement à se traduire par des réductions d'effectifs.

En Allemagne, le résultat de la privatisation de la Deutsche Post a fait qu'en dix ans, le nombre de guichets est passé de 30 000 à 12 000 et le nombre d'employés a été divisé par deux.

Comment passe-t-on d'un bureau de poste de plein exercice à une agence postale communale puis à un point Poste ? C'est simple. Il suffit de réduire l'amplitude horaire pour ne conserver que quelques heures d'ouverture par jour. Nous le voyons tous régulièrement dans nos territoires, dans nos départements. En Haute-Saône, les maires se trouvent démunis face à une telle situation. Une fois observée une baisse de la fréquentation, on envisage la création d'une agence postale communale, qui recevra une indemnité compensatrice de près de 10 000 euros par an. Si cette solution paraît trop onéreuse et est refusée, un magasin de proximité se trouve alors chargé de la tâche. La logique adoptée est de diminuer volontairement l'activité. Au début, cette évolution ne concernait que quelques communes rurales. Aujourd'hui, ce sont des communes de 5 000 à 10 000 habitants et des quartiers sensibles qui sont touchés.

La Poste conservera certains centres importants dont l'activité est rentable, mais la plupart des bureaux de poste se transformeront en agences postales communales, lesquelles bénéficieront d'une subvention, qui disparaîtra par la suite. Finalement, ces agences seront totalement à la charge des communes. J'en suis même à me demander si, dans certains cas, le coût des tournées des facteurs ne sera pas transféré aux collectivités locales.

Par ailleurs, quelle contradiction avec le Grenelle de l'environnement ! Nos concitoyens seront obligés de prendre leur voiture pour aller à leur bureau de poste.

Pourquoi refuser la privatisation ? Pour que les économies des usagers soient gérées avec raison et prudence.

On l'oublie, mais La Poste est aussi une banque ouverte aux clients les moins fortunés. Aujourd'hui, La Poste prospère car, si elle cumule un peu plus de 5,7 milliards d'euros de dette, elle affiche en 2008 un résultat net de 529 millions d'euros, 388 millions pour le premier semestre 2009, pour un chiffre d'affaires de plus de 20 milliards.

Cette stabilité s'explique en partie par la prudence des gestionnaires postaux. La Banque postale, créée en 2006, n'a perdu que 60 millions d'euros dans la faillite de Lehman Brothers avec la crise de 2008. La poste privatisée au Royaume-Uni a coûté 1,5 milliard de livres au contribuable et, comble du comble, elle doit être renationalisée en catastrophe. Le processus est engagé. Si nous votons la transformation de l'EPIC en société anonyme, il sera malheureusement irréversible.

Pourquoi refuser la privatisation ? Parce que les privatisations sont un échec.

Le Gouvernement a fait l'objet d'une vraie défiance sur le sujet des privatisations. Le déficit de confiance est massif, parce qu'il y a eu des précédents fâcheux. La Poste et son avenir concentrent une bonne partie du malaise social qui agite la France ces derniers mois, comme si la réforme en discussion ressemblait trop à des exemples récents de transformation ratée. Manifestement, une bonne partie de la population française craint qu'il n'arrive à La Poste ce qui arrive à France Télécom ou à EDF-GDF.

Si l'on reprend l'exemple du service postal, l'Europe l'a ouvert à la concurrence sans en fixer tout de suite les limites. La garantie du service universel de la poste ne sera ainsi conçue qu'une dizaine d'années après l'Acte unique. On s'est donc laissé entraîner dans un processus de libéralisation sans le contrôler réellement et sans poser de garde-fous. C'est sur ce déséquilibre que nous continuons d'avancer.

Est-ce l'Europe qui impose à La Poste de renoncer à son statut d'établissement public comme le prévoit le projet de loi ? Pas du tout. C'est aux États d'en décider. Encore aujourd'hui, la majorité des entreprises postales en Europe continuent d'être publiques. L'Europe libéralise certes, mais en imposant aux États membres la garantie d'un service universel de qualité, c'est-à-dire le ramassage et la distribution du courrier et des paquets en tout point du territoire européen. Chaque État doit donc garantir ce service.

L'Europe exige une libéralisation totale du marché du courrier en 2011, mais laisse cependant une réelle marge de manoeuvre aux gouvernements. La directive européenne postale de 2008 permet même de consolider le service public. Encore faut-il en avoir la volonté politique, ce qui n'est pas le cas de votre gouvernement.

Le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, invoque la nécessité de moderniser et d'adapter ses services. Le nouveau statut de société anonyme permettrait de lever 2 à 3 milliards d'euros dans ce but. Au moment du plan de relance, 4 milliards d'euros ont été injectés dans des entreprises publiques comme la RATP ou la SNCF sans qu'il y ait eu besoin de les basculer en société anonyme, mais, sans société anonyme, impossible de céder des parts du capital. Cette possibilité étant désormais ouverte, entamons gaiement la privatisation !

On parle de 2,7 milliards nécessaires au financement, mais est-ce bien nécessaire ? La Poste, qui est bénéficiaire et verse chaque année des dividendes à l'État, peut très bien financer elle-même une grande partie de sa modernisation. Elle possède déjà la taille critique pour exister au plan européen sans être menacée et peut coopérer avec d'autres établissements postaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion