Cela étant, comme l'a signalé Jean Mallot, cette affirmation ne tient pas la route juridiquement.
Ce soir, mon propos visera à établir que ce projet de loi entérine un changement de statut qui rend possible, à terme, une privatisation. Loin de nous la tentation de mettre en cause votre bonne foi, monsieur le ministre, même si le précédent de Gaz de France nous a rendus méfiants, mais que devons-nous penser de ce texte qui ne garantit nulle part que l'État demeurera l'actionnaire majoritaire ?
Les débats du Sénat sont à cet égard très édifiants. Ils montrent que les intentions du Gouvernement sont pour le moins entachées de duplicité. Lors de la discussion devant la Haute Assemblée, cinq amendements présentés par la gauche ont été adoptés. Deux d'entre eux précisaient que La Poste est un « groupe unique entièrement public ». Ceci suppose que l'État reste actionnaire de La Poste à 100 % et qu'il n'y ait pas de séparation entre La Poste et la Banque postale.
L'adoption de ces amendements aurait dû nous rassurer. Las, le Gouvernement, selon une technique dont il est coutumier, a demandé une seconde délibération. N'est-ce pas la preuve qu'il tente de saper la présence de l'État au coeur du capital de La Poste ? La majorité sénatoriale est revenue sur un amendement défendu par la gauche, qui disposait que le financement intégral et pérenne des missions de service public remplies par La Poste était garanti.
Monsieur le ministre, cela prouve que, dans ce texte, rien n'est fixé, rien n'est clair, rien n'est garanti. Pour les salariés de La Poste, pour les élus, pour les usagers, le combat contre ce projet de loi ne fait que commencer.
Pourquoi voulez-vous modifier le statut d'établissement public industriel et commercial de La Poste, qui lui permet d'être non seulement un service public indispensable et efficace, mais aussi une société qui peut rivaliser, en termes de dynamisme commercial, avec ses challengers européens ? Ce changement de statut en société anonyme ne la rendra pas plus efficace ; il ne fera qu'accélérer son désengagement dans les zones jugées peu rentables, dans cette France profonde qui perçoit le danger d'un tel dispositif et le mépris dans lequel on la tient.
Le service universel postal, l'aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse doivent être assurés par des règles de droit public. Ce service public nécessaire, indispensable, sans égal, ne doit pas être sacrifié par le Gouvernement au nom du libéralisme. Le changement de statut n'est ni suggéré par le président de La Poste ni imposé par l'Union européenne, comme vous essayez de nous le faire croire. En réalité, personne ne le demande. C'est seulement un élément de plus dans la mise en pièces du service public : après la santé, l'éducation et la formation des enseignants, vous vous attaquez à l'un des fleurons de ce qui fait l'identité sociale de la France.
Monsieur le ministre, vous connaissez ce très joli film de Jacques Tati, qui s'intitule Jour de fête. Vous vous souvenez sans doute de ce délicieux facteur et de l'hélicoptère. Eh bien, à force de faire pédaler le facteur dans tous les sens…