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Intervention de Germinal Peiro

Réunion du 16 décembre 2009 à 21h30
La poste et les activités postales — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGerminal Peiro :

Ils copient en cela ce qu'a fait France Télécom. Les clients ne sont plus reçus à un guichet par quelqu'un qui peut s'asseoir, mais autour d'une petite table, comme dans un bar. C'est, paraît-il, une technique très moderne. Elle ne fait, pour ce que j'en ai vu jusqu'à présent, que provoquer une cohue, mais je sais qu'elle provoquera une fatigue insurmontable pour ceux qui travaillent dans ces locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Par ailleurs, la suppression d'une disposition de l'article 31 de la loi de 1990 faisant référence « aux conditions de travail » parmi les thèmes abordés par les instances représentatives du personnel est hautement symbolique. Elle présage, à coup sûr, une diminution de la protection des salariés. Il semble pour le moins inopportun de supprimer l'expression collective des représentants du personnel sur les conditions de travail à l'heure où celles-ci, sous la pression de plus en plus forte des objectifs de rentabilité, se dégradent dans toutes les entreprises.

On a pu voir, en particulier chez Renault ou France Télécom, à quel point l'évolution d'une entreprise publique était susceptible d'engendrer de fortes contraintes et d'entraîner ainsi un mal-être parmi les salariés. Les drames dont nous sommes témoins chaque jour doivent nous inciter à prendre le temps d'analyser les conséquences pour les salariés de la pression concurrentielle ainsi que des exigences de productivité et de rentabilité.

L'article 9 du projet de loi vise à étendre le champ d'application des mécanismes d'épargne salariale et d'intéressement à l'ensemble des personnels de La Poste. L'intéressement, distinct de la participation, associe collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise, tandis que le plan d'épargne salarial leur donne, toujours de manière collective, la faculté de participer à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières. Ces dispositions, comme celles qui sont relatives à la représentation et à l'information des salariés, à la formation économique, juridique, ou encore aux conditions d'ancienneté, s'appliqueront à l'ensemble des personnels de La Poste, y compris les fonctionnaires en activité

Par ailleurs, cet article précise les modalités selon lesquelles des augmentations de capital ou des cessions d'actions réservées pourront être réalisées dans le cadre d'un fonds commun de placement d'entreprise. Enfin, il étend le dispositif de participation aux résultats de l'entreprise.

Ainsi bascule-t-on concrètement dans le droit commun des sociétés anonymes, que ce soit avec l'intéressement du personnel de La Poste à la réalisation des objectifs de productivité et de performance de l'entreprise ou avec ces autres formes de rétribution telles que les primes, qui ne font pas partie de la rémunération. Il s'agit de permettre aux salariés de constituer un portefeuille de titres émis par La Poste SA, pour les faire bénéficier d'un régime fiscal favorable, ce qui devrait au demeurant les inciter à agir pour faire monter le cours des actions de leur entreprise. Espérons que le changement de statut de La Poste, s'il intervient, ne préfigure rien de comparable à ce qui s'est passé dans l'ancienne entreprise publique GDF, avec l'instauration de mécanismes d'allocation et de distribution de stocks-options aux dirigeants. On peut le craindre aujourd'hui.

L'article 18 vise à compléter l'article L. 3-2 du code des postes et télécommunications en transposant des dispositions de la troisième directive européenne concernant notamment les exigences essentielles. Il s'agit de mettre en place des procédures transparentes et peu coûteuses de traitement des réclamations, de garantir l'accès aux services et aux installations des personnes handicapées, d'assurer la neutralité des envois postaux concernant l'identité de l'expéditeur. À cela s'ajoute une disposition introduite par le Parlement européen pour protéger les salariés qui impose que les obligations légales et conventionnelles en matière de conditions de travail et de sécurité sociale soient respectées.

En outre, selon le considérant 53 de la directive, les dispositions adoptées ne doivent pas affecter le droit du travail, c'est-à-dire les dispositions légales ou contractuelles « concernant les conditions d'emploi, les conditions de travail, y compris la santé et la sécurité au travail, et les relations entre les employeurs et les travailleurs ».

Ces exigences essentielles devraient donc s'imposer à tous les prestataires de services postaux, sans préjudice du statut de fonctionnaire du personnel de La Poste. Encore faudrait-il qu'une harmonisation par le haut des diverses conventions puisse être réalisée dans toute la branche ou le secteur des activités postales, afin d'éviter tout dumping social.

Or des incertitudes demeurent à cet égard. Comme nous l'avons indiqué, la mise en place d'une convention collective dans le secteur des activités postales est loin d'avoir abouti. En l'absence d'une telle convention, nous avons de bonnes raisons de penser qu'après l'ouverture totale à la concurrence, les concurrents de La Poste continueront à appliquer les conventions les moins avantageuses.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la provenance des fonds mobilisés par l'État, à hauteur de 1,2 milliard, à l'heure où les contraintes qui pèsent sur son budget d'un côté, et les charges de la dette de l'autre laissent peu de marges de manoeuvre financières. Dans l'hypothèse où la Caisse des dépôts participerait à l'augmentation de capital pour répondre aux besoins de financement de La Poste et assurer ainsi son développement, rien ne l'empêcherait de revendre sa part d'actions à tout moment. Notre collègue Michel Bouvard l'a confirmé. Il ressort d'ailleurs des dernières interventions de la Caisse des dépôts que celle-ci semble cantonner son rôle à l'apport d'une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté ou présentant un intérêt stratégique pour la France. En aucun cas elle n'a vocation à demeurer perpétuellement au capital de l'entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement. Notre collègue Michel Bouvard l'a également souligné.

De plus, de sérieux doutes existent quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l'entreprise en cas d'abandon du statut d'établissement public. En effet, nous savons quelle évolution ont connue les grandes entreprises publiques ayant été soumises au même processus de transformation en sociétés anonymes. À terme, cela a abouti à leur privatisation.

La fusion intervenue entre GDF et Suez illustre bien ce mouvement de privatisation. Le Gouvernement se défend de vouloir suivre cet exemple, arguant que la comparaison avec GDF n'est pas pertinente. Nous dirons simplement que de nombreux États ayant privatisé leur poste ont vu dans cette opération le moyen de récupérer des fonds destinés à alléger leur dette. Ce projet de loi concernant La Poste le permettrait-il aussi à terme ? La question est posée.

Notre rapporteur affirme que La Poste sera certes une entreprise, mais une entreprise pas comme les autres, avec un capital public à 100 %. Or, face au jeu, difficilement contrôlable, de la concurrence et des marchés, comment garantir que cette entreprise demeurera « pas comme les autres » avec un capital à 100 % public ?

Par ailleurs, quelle sera la rémunération des nouveaux actionnaires ? L'État, en tant qu'actionnaire, percevra-t-il des dividendes, alors qu'il ne compense pas intégralement, comme il le devrait, le surcoût lié aux missions de service public ? Comment utilisera-t-il ces nouveaux dividendes ponctionnés sur la société anonyme ? Quel sera le retour sur investissements exigé par la Caisse des dépôts ? Toutes ces questions mériteraient un débat.

Dans ce contexte, comment La Poste, devenue société anonyme, pourra-t-elle garantir le financement de ses quatre missions de service public, à savoir le service universel postal, la présence postale, le transport et la distribution de la presse, l'accessibilité bancaire ? Aucune garantie n'est donnée quant à un financement suffisant et pérenne de La Poste.

Si le projet de loi confirme La Poste comme le prestataire du service universel pour une durée de quinze ans, on relève l'absence de moyens nouveaux pour assurer cette mission. La nouvelle société anonyme risque de se voir contrainte à réduire ses coûts, ce qui se traduira probablement par des suppressions d'emplois, ainsi que par un recul de la présence postale et de la distribution du courrier. Les exemples ne manquent pas à cet égard en Europe, où nombre de services publics voient leurs missions se réduire du fait d'un environnement concurrentiel.

Monsieur le ministre – cela a été dit à de nombreuses reprises par mes collègues – les Français sont viscéralement attachés à La Poste. Dans chaque village, chaque fois que se profile une fermeture de bureau, les gens se mobilisent. Dans ma commune, en décembre 2008, 350 personnes sont venues manifester parce que La Poste voulait supprimer les heures d'ouverture le samedi matin. Elle les a rétablies.

Dans le département de la Dordogne, 37 000 personnes sont venues participer à la votation citoyenne, que vous semblez mépriser. Je crois qu'aujourd'hui vous devez entendre ce que les Français vous disent et ne pas toujours suivre le dogme qui vous est imposé.

Vous avez l'occasion d'exercer pleinement la démocratie dans notre pays. On vous demande un référendum. Ayez le courage de le proposer aux Français. Ils vous donneront une ligne de conduite, qui sera certainement plus utile à notre pays que celle que préconise votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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