La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Frédéric Poisson et plusieurs de ses collègues pour faciliter le maintien et la création d'emplois (n°s 1 610,1664).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 45 à l'article 9 précédemment réservé.
Il s'agit après l'alinéa 4 de l'article 9 d'insérer l'alinéa suivant : « Le télétravailleur désigne toute personne salariée de l'entreprise qui effectue, soit dès l'embauche, soit ultérieurement, du télétravail tel que défini au précédent alinéa ».
Nous voulons ainsi rappeler que le télétravailleur est un salarié à part entière dans l'entreprise. Le télétravail doit être considéré comme une forme d'organisation du travail et non comme un contrat de travail spécifique. Il importe de clarifier ces éléments au plan juridique.
La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir le sous-amendement n° 100 .
L'intention de notre collègue Morel-A-L'Huissier de reprendre des dispositions de l'accord national interprofessionnel – l'ANI – du 19 juillet 2005 est louable. Cependant il n'a repris qu'une partie de ces dispositions – je ne reviendrai pas sur notre débat d'hier sur les accords négociés par les partenaires. Nous souhaitons donc qu'il explique les raisons de son choix puisqu'il s'est contenté de reprendre la première partie de l'article 1er de l'ANI sur la définition du télétravail.
Pour notre part, nous proposons de reprendre l'ensemble des dispositions de l'ANI en complétant son amendement par les mots : « ou dans des conditions adaptées par un accord collectif de branche ou d'entreprise en fonction de la réalité de leur champ et qui précise les catégories de salariés concernés. » Nous souhaitons introduire la possibilité d'un encadrement adapté des conditions d'exercice du télétravail par un accord collectif de branche ou d'entreprise.
La commission a émis un avis favorable à l'amendement n° 45 car il s'agit d'une précision utile.
En revanche, elle n'a pas examiné le sous-amendement n° 100 . À titre personnel, j'y suis défavorable. Il n'appartient pas à un accord collectif de branche ou d'entreprise de modifier des définitions inscrites dans le code du travail. Le législateur pose le cadre général, qui est ensuite rempli par les accords collectifs.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 100 car il est superfétatoire. Ce sujet relève de la négociation entre les partenaires sociaux.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 45 , qui apporte une précision utile.
(Le sous-amendement n° 100 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 45 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 68 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Nous constatons une fois de plus que vous vous référez à l'ANI uniquement lorsque cela vous arrange ; dans le cas contraire, vous renvoyez à la négociation.
J'en viens à l'amendement n° 68 . Le télétravail étant mis en place sur la base du volontariat, il nous semble souhaitable qu'une période d'adaptation soit aménagée pendant laquelle chacune des parties peut mettre fin à cette forme d'organisation du travail avec un délai de prévenance préalablement précisé dans le contrat de travail.
Il s'agit d'un amendement de bon sens souhaité par les partenaires sociaux qui contribuerait à sécuriser tant le salarié que l'employeur.
(L'amendement n° 68 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Nous proposons de rédiger ainsi l'alinéa 6 de l'article 9 :
« Lors du passage en télétravail, le contrat de travail ou son avenant prévoit une période d'adaptation, au moins égale à la période d'essai, pendant laquelle le salarié ou l'employeur peuvent décider unilatéralement d'y mettre fin et de revenir à la situation antérieure. Les modalités permettant à l'employeur ou au salarié de mettre fin au télétravail à l'issue de la période d'adaptation doivent être définies par accord collectif, ou à défaut individuel. »
Il s'agit de respecter le caractère volontaire du choix de télétravailler ou non et de prévoir une clause de réversibilité au profit de l'employeur comme du salarié.
Le dispositif proposé par notre collègue Morel-A-L'Huissier vise une fois de plus à ne reprendre qu'une partie des dispositions de l'article 2 de l'ANI. Avec ce sous-amendement, il s'agit d'aller jusqu'au bout de la logique et d'insérer la dernière phrase de cet article : « Le salarié retrouve alors un poste de travail dans les locaux de l'entreprise correspondant à sa qualification. » Il faut bien prévoir les conditions de retour du salarié dans l'entreprise.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir le sous-amendement n° 101 .
Ce sous-amendement vise à préciser l'amendement de notre collègue Morel-A-L'Huissier qui reprend en quelque sorte mon amendement précédent. Ce sous-amendement introduit un délai de prévenance comme une des modalités à définir pour mettre fin à la période d'adaptation, ainsi que le prévoit l'ANI. Nous soutiendrons l'amendement de M. Morel-A-L'Huissier que nous cherchons à améliorer.
La commission a repoussé l'amendement n° 46 dans la mesure où l'alinéa 6 prévoit déjà que le passage au télétravail ne peut s'effectuer sans être mentionné dans le contrat de travail ou son avenant lesquels précisent l'ensemble des modalités. L'amendement est donc satisfait.
Avis défavorable aux deux sous-amendements car cela ne relève pas du domaine de la loi.
Cet amendement vise à reprendre une disposition de l'article 11 de l'ANI sur les droits collectifs. Le salarié occupant un poste de télétravail doit bénéficier des mêmes droits collectifs que les autres salariés. Nous avons débattu hier sur ce thème et Mme de la Raudière a laissé entendre que l'on pourrait décompter les salariés différemment ce qui signifie que certains considèrent que les télétravailleurs pourraient ne pas bénéficier des mêmes droits collectifs.
C'est pourquoi nous proposons d'insérer après l'alinéa 6 de l'article 9, l'alinéa suivant :
« Le salarié occupant un poste de télétravailleur bénéficie des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés travaillant dans les locaux de l'entreprise. Il bénéficie également des dispositions spécifiques relatives au télétravail fixées par un accord national interprofessionnel. »
Nous regrettons que le Gouvernement et sa majorité n'aient pas choisi de généraliser l'ANI.
Avis défavorable. Les auteurs de la présente proposition de loi ont constaté que le Gouvernement n'avait pas souhaité élargir l'accord national interprofessionnel.
Certes, mais nous devons en prendre acte.
Le télétravail est, non pas un contrat de travail spécifique, mais une modalité particulière d'exécution du contrat qui ne remet nullement en cause les droits attachés au contrat. Cet amendement est donc superfétatoire.
Avis défavorable également. La proposition est inutile, voire dangereuse car elle accrédite l'idée que le télétravail pourrait relever d'un statut. Or il s'agit seulement d'une modalité d'exécution du contrat de travail.
Mme la secrétaire d'État et M. le rapporteur nous disent que ce n'est pas la peine de surcharger le texte avec des dispositions qui vont de soi puisque le télétravailleur a, à l'évidence, les mêmes droits que les autres salariés.
Vous savez, l'expérience montre, et l'on pourrait vous en donner de très nombreux exemples, que même si certaines choses vont de soi – et même si chacun ici les considère, en toute bonne foi et sans aucune arrière-pensée, comme allant de soi –, la réalité est un peu différente, voire très largement opposée. La précision que nous proposons d'introduire dans le texte ne serait donc pas inutile. Elle est même indispensable, à une époque où le contrat entre l'employeur et l'employé est tout de même plus favorable à l'un qu'à l'autre. Les abus existent, et je ne voudrais pas, madame la secrétaire d'État, que vous soyez mise en défaut dans quelques temps, lorsqu'on vous rapportera des situations contraires à ce que vous estimez aujourd'hui être évident.
Il serait donc utile que les arguments de mon collègue Mallot soient retenus. Cela ne coûte rien, après tout, d'inscrire cette précision dans le texte, et cela permettrait de lever toute ambiguïté.
(L'amendement n° 69 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 47 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Cet amendement propose purement et simplement de supprimer l'alinéa 7 de l'article 9. Encore une fois, c'est une position de principe : le télétravailleur est un salarié comme les autres. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de prévoir des modalités particulières de contrôle du temps de travail, le code du travail y pourvoyant très largement.
Avis défavorable. Nous sommes bien en cohérence avec ce que nous disions à l'occasion de l'amendement précédent. Le télétravail est une modalité spéciale d'exécution du contrat de travail. Je rappelle que dans le code du travail, il y a déjà des précisions sur quelques autres modalités particulières d'exécution du contrat de travail, je pense notamment au travail à domicile. Il convient donc de spécifier un certain nombre de modalités d'exercice du contrat de travail en télétravail.
Même avis.
Notre rapporteur est un homme brillant, comme chacun le sait. Il est attentif à ses dossiers. C'est un travailleur. Mais il a dû avoir quelques instants d'absence, puisqu'il vient de dire, contre cet amendement, ce que je venais de dire, quelques secondes auparavant, à l'appui de l'amendement précédent.
J'ai du mal à comprendre. L'argument que le rapporteur invoque pour s'opposer à l'amendement de notre collègue Morel-A-L'Huissier, argument que j'approuve d'ailleurs, est celui-là même que j'ai avancé il y a une minute et auquel le même rapporteur était resté sourd.
À quel moment le rapporteur dit-il véritablement ce qu'il pense ? Est-ce à l'instant, lorsqu'il s'opposait à l'amendement n° 47 , ou est-ce quelques secondes auparavant ? Il faudrait qu'il se mette d'accord avec lui-même.
Connaissant le sérieux de M. Poisson, je pense qu'il a dû avoir une courte absence, et qu'il va se reprendre.
Je remercie M. Roy de sa gentillesse, et de se préoccuper de ma santé. J'y suis fort sensible.
L'amendement précédent portait sur le point de savoir s'il faut faire du télétravail un contrat de travail particulier. Ma réponse était non. S'agissant maintenant de l'amendement dont nous discutons, je dois reconnaître, en revanche, que si le contrat de télétravail n'est pas un contrat particulier, les modalités d'exécution de ce contrat, elles, sont particulières.
L'amendement précédent portait sur la nature du contrat, alors que celui-ci porte sur les modalités de son exécution. Ma position est la même, mais appliquée à des objets différents. Voilà qui vous rassure sur mon état de santé personnel, monsieur Roy.
J'avoue que je suis un peu troublé par les arguments des uns et des autres. Je ne suis pas assez spécialiste pour savoir si l'exposé sommaire de l'amendement de notre excellent collègue Pierre Morel-A-L'Huissier est suffisamment précis ou si notre excellent rapporteur a raison, mais l'objet de mon trouble est le suivant.
D'une manière générale, je suis favorable – et le Gouvernement aussi, d'après ce que j'ai cru comprendre – à des textes courts. Point n'est besoin de dire deux fois la même chose. Il faut éviter les précisions superfétatoires, pour reprendre le terme employé par Mme la secrétaire d'État comme par M. le rapporteur.
De deux choses l'une. Soit le code du travail, comme l'exposé sommaire de cet amendement le prétend, pourvoit largement aux modalités particulières de contrôle du temps de travail – ce que, à vrai dire, je ne sais pas juger –, auquel cas l'auteur de l'amendement a raison. Ce n'est pas la peine d'en rajouter.
Soit le code du travail ne pourvoit pas largement aux modalités particulières de contrôle du temps de travail, et alors la commission et le Gouvernement ont raison.
J'aimerais avoir l'avis de fond. Que dit le code du travail ? Ce qu'il prévoit n'est-il pas, en effet, largement suffisant, auquel cas l'amendement de notre collègue me semble recevable ?
Le code du travail ne pourvoit pas largement aux modalités particulières de contrôle du temps de travail. Dans le code, il y a une obligation de résultat, et une variété de moyens. Dans l'alinéa 7 de cet article, on insiste sur la possibilité de préciser ces moyens. Traditionnellement, il y en a trois : le pointage, l'auto-déclaration et la déclaration par des tiers.
Concrètement, en matière de télétravail, la déclaration par des tiers ne peut évidemment pas fonctionner. Ce sera donc soit le pointage, soit l'auto-déclaration. L'alinéa 7 est simplement un appel à pouvoir préciser les modalités de contrôle du temps de travail. Parce que si le télétravail ne donne pas au salarié un statut différent – nous sommes bien d'accord sur ce point –, il constitue malgré tout une modalité particulière d'exécution du contrat de travail. C'est tout. Vraiment, il n'y a pas de loup caché derrière cette disposition.
(L'amendement n° 47 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 70 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Je poursuis le débat que nous venons d'avoir. La question est celle du contrôle du temps de travail, et ce n'est pas un détail.
Je reviens sur l'argumentation du rapporteur. « Il faut choisir votre camp », nous a-t-il dit à maintes reprises. Je vous retourne le compliment, monsieur le rapporteur : il faut choisir votre camp. Est-ce que le télétravail est un contrat de travail comme un autre ?
C'est ce que vous nous dites généralement. Mais quand cela vous arrange, vous nous dites : « pas tout à fait ».
Vous avez, avec habileté, versé dans une forme de casuistique consistant à dire que ce sont les modalités de travail qui ne sont pas les mêmes. Mais ce n'est pas un contrat de travail tout à fait comme un autre, puisque vous avez vous-même, alors que personne ne vous le demandait, semble-t-il, voulu légiférer. C'est donc bien que des problèmes se posent, des problèmes que nous essayons de régler, dans un débat assez constructif et serein.
Nous étions franchement opposés à l'amendement précédent. Avec le présent amendement, nous avons essayé de trouver une rédaction qui puisse résoudre cet épineux problème du contrôle du temps de travail. Nous proposons en effet de prévoir que « la charge de travail, les normes de production et les critères de résultats exigés doivent permettre au salarié occupant un poste de télétravailleur de respecter la législation relative à la durée du temps travail ».
Il me semble que, par le biais de cette formulation, nous parvenons à sécuriser la question. Le télétravail ne doit pas être l'occasion de déroger aux modalités du temps de travail qui sont celles du contrat de travail, puisque vous nous dites que c'est un contrat de travail comme les autres. Cette formulation devrait donc recevoir l'assentiment de tous.
Je crains de devoir préciser à nouveau ce dont il était question tout à l'heure.
Le contrat de travail du télétravailleur est un contrat de travail exactement comme tous les autres. Le télétravailleur qui le signe a les mêmes droits que tous les autres salariés de l'entreprise, il est soumis aux mêmes conventions collectives, aux mêmes accords d'entreprise. Il a les mêmes droits de vote, les mêmes avantages sociaux. Je ne peux pas vous dire mieux. Ce n'est pas un contrat de travail à part, du point de vue des principes des droits qui sont conférés, par ce contrat, au salarié. Je redis ici ce que je disais tout à l'heure à M. Roy.
Maintenant, compte tenu de la forme particulière d'exécution de ce contrat – en dehors de l'entreprise –, il convient de préciser un certain nombre de modalités d'exécution de ce contrat. C'est pourquoi, s'il n'est pas nécessaire de préciser que le contrat de travail des télétravailleurs est un contrat de travail comme les autres, en revanche, l'exécution de ce contrat étant spécifique, il faut apporter un certain nombre de précisions sur ses modalités.
En ce qui concerne l'amendement, je suis toujours un peu réticent à l'idée d'écrire dans la loi que la loi doit être respectée. Cela me paraît tout de même aller de soi. Dans la mesure où l'alinéa 7 de l'article 9 prévoit que « le contrat de travail ou son avenant précise les modalités de contrôle du temps de travail », il est évident qu'il les précise dans le but de respecter la législation en vigueur. Sinon, je ne vois pas pourquoi il les préciserait. Et de toute façon, s'il ne le faisait pas, ce serait illégal.
La commission a donc rejeté cet amendement.
Défavorable.
Du coup, la réponse du rapporteur nous amène à une lecture un peu différente de l'alinéa 7. Car celui-ci prévoit que le contrat de travail ou son avenant précise les modalités de contrôle du temps de travail « à défaut d'accord collectif applicable ». On retrouve là ce qui est votre grande spécialité, pas particulièrement la vôtre, monsieur le rapporteur, mais celle de votre majorité, je veux parler de l'inversion de la hiérarchie des normes. Autrement dit, on respecte le code du travail tel qu'il est, le contrat de travail tel qu'il est, sauf s'il y a un accord collectif. Or quel sera le sujet de l'accord collectif sinon de créer des modalités dont l'effet sera, d'une manière ou d'une autre, de déroger au contrat de travail classique ? Voilà l'astuce. Nous la dénonçons à chaque fois.
J'insiste sur ce point parce que votre réponse, monsieur le rapporteur, nous indique clairement quelle lecture il faut faire de cet alinéa 7, qui était censé protéger le salarié. En réalité, il s'agit de dire : mettez les gens en télétravail, et faites un accord collectif qui permettra des conditions d'exécution du travail qui dérogent, justement, à l'organisation et à la durée légales du travail.
Cela m'étonne de vous, monsieur Gille, vous qui suivez tous les débats sur le droit du travail, que vous puissiez dire des bêtises pareilles.
D'abord, l'amendement ne dit absolument pas ce que vous prétendez qu'il dit. Il s'agit en effet « de respecter la législation relative à la durée du temps de travail ». L'objet de cet amendement n'est pas de préciser les modalités d'exécution du contrat de travail, contrairement à ce que vous avez dit à plusieurs reprises, mais d'affirmer qu'il faut respecter la loi. Or, le respect de la durée légale du travail relève de l'ordre public. Il est évident qu'il faut respecter la loi. Il n'y a même pas de hiérarchie des normes à évoquer. Cette obligation relève de l'ordre public et supplante toute la hiérarchie des normes existantes.
Cet amendement n'a aucun intérêt. Il sert sûrement à perdre du temps, mais en aucun cas il ne précise quoi que ce soit, puisqu'il est évident qu'on est obligé de respecter la loi.
Par ailleurs, il est bien évident que le contrat de travail doit préciser certaines modalités du télétravail. Mais l'alinéa 7 est assez clair en la matière : ou bien une convention collective fixe les modalités de contrôle du temps de travail, ou bien c'est le contrat de travail qui les fixe. Mais il n'est pas nécessaire d'aller préciser qu'il faut respecter la loi !
(L'amendement n° 70 n'est pas adopté.)
Le contrat de travail exercé en télétravail est un contrat de travail comme les autres. Bon. Je ne fais ici que reprendre les propos de M. le rapporteur. Mais ce contrat de travail s'exerce suivant des modalités particulières.
Et d'ailleurs, l'accord national interprofessionnel de 2005, dans son article 6, intitulé « Vie privée », évoque des modalités particulières. Il prévoit en effet que si un moyen de surveillance est mis en place – reconnaissez que les modalités particulières du télétravail peuvent justifier que l'on se penche sur la question des moyens de surveillance éventuelle –, « il doit être pertinent et proportionné à l'objectif poursuivi et le télétravailleur doit en être informé. » Ce n'est pas, effectivement, la même situation que les autres travailleurs, ceux qui travaillent dans l'entreprise.
Cet article 6 poursuit : « La mise en place, par l'employeur, de tels moyens doit faire l'objet d'une information et d'une consultation préalable du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel dans les entreprises qui en sont dotées. »
Voilà pourquoi nous proposons cet amendement n° 71 , qui propose d'insérer, après l'alinéa 7, l'alinéa suivant :
« En cas de mise en place d'un moyen de surveillance, le salarié occupant un poste de télétravail en est informé et l'employeur est tenu d'informer et de consulter préalablement le comité d'entreprise ou les délégués du personnel. »
Il s'agit de l'exacte reprise de la partie de l'ANI qui correspond aux modalités spécifiques d'exécution du télétravail.
Voilà un excellent exemple de raison pour laquelle on ne peut pas transposer littéralement un accord national interprofessionnel dans le code du travail. Je vous renvoie à l'article L. 2323-32 du code qui fait de l'information sur la mise en place d'un moyen de surveillance des salariés une obligation de droit commun pour l'entreprise. Je vous rappelle aussi que l'alinéa suivant celui que vous voulez amender, précise : « Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l'employeur est tenu, à l'égard du salarié en télétravail… », etc. L'amendement est donc satisfait et par le droit et par le texte. La commission l'a rejeté.
(L'amendement n° 71 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 54 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Il n'est pas nécessaire d'établir des règles spécifiques pour le salarié télétravailleur. Une simple référence à la charte informatique ou au règlement intérieur de l'entreprise suffit amplement. L'amendement tend à compléter l'alinéa 10 en ce sens.
La commission a rejeté cet amendement au motif que la charte informatique n'existe ni dans le code du travail ni dans d'autres textes, non plus que dans la totalité des entreprises.
(L'amendement n° 54 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 72 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Cet amendement est défendu.
(L'amendement n° 72 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 53 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 11, qui revient à faire du télétravailleur un salarié particulier. Or le rapporteur vient de préciser qu'il n'y avait pas de contrat de travail spécifique et que seules les modalités d'exécution sont particulières. Il est souhaitable d'éviter tout ce qui conduirait à marginaliser le statut du télétravailleur, les dispositions relatives au retour dans l'entreprise du salarié en télétravail étant, par ailleurs, nécessairement intégrées dans son contrat de travail ou l'avenant à son contrat.
(L'amendement n° 53 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 36 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Cet amendement tend à compléter l'article L. 1222-11 du code du travail par la phrase suivante : « Le salarié télétravailleur à son domicile a l'obligation de souscrire une assurance propre à cette activité, constatée par un avenant, et prise en charge par l'employeur. »
Le télétravail à domicile induit des risques juridiques complexes quant aux sinistres pouvant potentiellement toucher l'habitation du salarié. En effet, l'assurance habitation-responsabilité civile ne couvre pas automatiquement un dommage dont l'origine serait liée à une activité professionnelle exercée à domicile. A minima, les assurances qui acceptent de couvrir ces dommages exigent, préalablement à l'exercice d'une activité professionnelle au domicile, une déclaration auprès de l'assureur concerné, qui l'accepte en général avec une surprime.
Il est donc important d'inscrire l'obligation pour le salarié télétravailleur de souscrire une assurance propre à son activité.
Selon l'alinéa 9 de l'article 9, tous les coûts liés à l'organisation du télétravail sont à la charge de l'employeur. C'est donc à ce dernier qu'il revient soit de souscrire une police particulière pour assurer les matériels délocalisés chez le salarié, soit de prendre à sa charge une extension de la police d'assurance payée par le salarié. Il n'y a donc pas de raison particulière d'imposer cette solution spécifique, et la commission a repoussé l'amendement.
C'est un vrai problème qui appelle une solution ad hoc. Toutefois, celle-ci doit relever non pas du code du travail mais plutôt de la négociation collective. Il existe déjà des exemples. Ainsi, dans l'entreprise Orange, un accord du 22 mai 2002 prévoit un tel arrangement.
(L'amendement n° 36 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 37 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
En préalable, je souhaiterais revenir sur l'accord-cadre européen relatif au télétravail qui a été signé en 2002 par les partenaires sociaux, même si tous les syndicats n'étaient pas concernés, notamment ceux de la fonction publique française. Cet accord-cadre laissait trois ans pour être intégré dans la législation française. Nous l'avons fait en 2005, la France se révélant alors le plus mauvais élève.
Aujourd'hui, j'ai déposé plusieurs amendements pour que l'on précise bien dans le débat parlementaire qu'il s'agit d'un contrat de travail classique avec toutes les modalités assurant la sécurité du télétravailleur.
L'accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, étendu en juin 2006, prévoyait en son article 7 de règlementer l'équipement de travail des salariés télétravailleurs. Il est proposé dans cet amendement, d'intégrer in extenso cet article de l'ANI, qui est le parfait reflet du texte de l'accord-cadre européen de juillet 2002.
J'avais bien compris, monsieur Morel-A-L'Huissier, que vos amendements visaient simplement à apporter les précisions nécessaires à la proposition de loi. En l'espèce, l'alinéa 9 satisfait déjà largement votre souhait. La commission a donc rejeté votre amendement.
(L'amendement n° 37 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 50 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Cet amendement est défendu.
(L'amendement n° 50 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 38 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Cet amendement tend à compléter l'article 9, entre autres, par l'alinéa suivant : « Les télétravailleurs sont identifiés comme tels sur le registre unique du personnel. »
Aujourd'hui, il est de coutume de dire qu'il y a 7 % de télétravailleurs en France, 13 % en Europe et 25 % aux États-Unis. En fait, l'INSEE et la DARES ne savent absolument pas les recenser. Au niveau du Pôle emploi, il est également très difficile d'avoir une vision du nombre de télétravailleurs dans notre pays. Cela me paraît pourtant très important, et d'ailleurs conforme à ce que l'ANI proposait, d'où mon amendement.
La commission a rejeté cet amendement pour des raisons déjà évoquées précédemment, mais je voudrais répondre à M. Morel-A-L'Huissier sur le point particulier de l'inscription des télétravailleurs sur le registre du personnel.
Je comprends l'utilité de disposer de statistiques précises sur le nombre de télétravailleurs dans le pays, mais le registre du personnel est un document intangible qui ne comporte pas de mentions à caractère temporel autres que les dates d'entrée et de sortie. Les modalités fluctuantes d'exécution d'un poste en télétravail me paraissent peu compatibles avec la nature même du registre du personnel.
Sans même entrer dans le fond du débat, j'ajoute que cela relèverait techniquement d'une mesure réglementaire. Avis défavorable.
(L'amendement n° 38 n'est pas adopté.)
(L'article 9, amendé, est adopté.)
Nous passons aux amendements, précédemment réservés, portant articles additionnels après l'article 9.
Je suis saisi d'un amendement n° 40 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Cet amendement tend à faire engager tous les trois ans, dans les entreprises de plus de 300 salariés, une négociation portant sur le recours au télétravail. Il me semble important de le préciser dans le code du travail.
La commission a rejeté cet amendement pour deux raisons. La première, c'est qu'on ne voit pas l'intérêt d'alourdir les thèmes de négociation obligatoires. La seconde, c'est qu'il existe des secteurs d'activité – l'hôtellerie, la restauration ou le bâtiment – dans lesquels le recours au télétravail n'a pas vraiment d'objet. Une négociation triennale obligatoire sur ce thème n'est donc pas pertinente.
Une négociation périodique sur l'accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés est d'ailleurs déjà prévue, à décliner dans chaque entreprise en fonction de ses caractéristiques. Cela inclut le télétravail là où il se révèle pertinent. Avis défavorable.
(L'amendement n° 40 n'est pas adopté.)
Nous sommes très perplexes à propos de l'amendement dit Lefebvre qui, tel le monstre du Loch Ness, apparaît puis disparaît, pour réapparaître à nouveau.
Il s'agit de l'amendement provocateur porté par le porte-parole de l'UMP, qui prévoit que le salarié pourra demander à son employeur de poursuivre l'exécution de son contrat de travail par télétravail pendant les périodes de congé de maternité ou de maladie. Cet amendement a fait l'objet de beaucoup de communication et a pollué largement nos débats. Il a été désavoué par le groupe politique dont le porte-parole est le parlementaire en question, celui-là même qui est venu, par le biais d'un rappel au règlement qui n'en était pas un,…
…développer le contenu de son amendement en disant qu'il allait le retirer. Manifestement, cet amendement n'a pas été retiré puisque, ayant disparu de la liasse hier, il réapparaît dans celle de cet après-midi. A-t-il été redéposé dans la nuit ? Comprenez ma perplexité, monsieur le président.
Monsieur Mallot, vous semblez avoir été gagné par la contagion du rappel au règlement qui n'en est pas un, puisque vous agissez comme M. Lefebvre que vous venez de citer.
L'amendement de Mme Branget reprenait effectivement, dans des termes à peu près identiques, celui de M. Lefebvre. Mme Branget n'étant pas là, l'amendement n'est pas soutenu.
Grâce au rappel au règlement de M. Mallot, vous allez donc pouvoir soutenir votre amendement.
La parole est donc àMme Françoise Branget, pour soutenir l'amendement n° 32
Merci encore, monsieur le président, monsieur Mallot, et pardonnez-moi pour cette arrivée tardive.
Cet amendement fait référence aux conditions de travail et à la place des handicapés dans le télétravail. Il vise le cas de la consultation des délégués du personnel ou du comité d'entreprise lors du recours au télétravail.
Avis défavorable. D'une part, le code prévoit déjà une consultation du comité d'entreprise à propos des nouvelles technologies. D'autre part, Mme Branget veut insérer l'amendement dans la partie du code qui traite des restructurations, ce qui n'est pas, à notre avis, un endroit adéquat.
(L'amendement n° 32 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 42 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, la mise en oeuvre du télétravail sera considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés.
Bien sûr, cela relève plutôt de l'organisation, ce qui nous renvoie au débat précédent, mais le sujet est très particulier. La pandémie grippale, de façon évidente, justifiera une organisation différente pour toutes sortes d'activités.
Sur ce sujet particulier, donc, en dépit du fait qu'il s'agisse de modalités, nous pouvons être favorables.
(L'amendement n° 42 est adopté.)
Je pense que le rappel au règlement de mon collègue n'a pas été bien entendu tout à l'heure.
Monsieur le président, vous avez appelé l'amendement 40 , puis vous êtes passé à l'amendement n° 42 . Mais, dans la liasse dont nous disposons figure l'amendement Lefebvre, bien qu'il ne soit pas mentionné sur la feuille jaune.
Bizarrement, hier soir il n'y figurait pas. Un jour il y est, un autre jour, il n'y est pas ! Nous ne savons pas quand il a été retiré.
Au début de nos débats, M. Lefebvre s'est exprimé dans un rappel au règlement qui n'en était pas un. Puis le sujet a été traité lors des questions au Gouvernement, où Mme la secrétaire d'État a courageusement répondu, pour essayer de mettre fin à la polémique. Il n'empêche qu'il y a eu un certain flottement.
L'amendement que nous venons de voter réactive d'ailleurs le problème. Dans le cas d'une pandémie grippale, on peut imaginer ce qui se passera. Certains seront, malheureusement, en congé maladie et, pour eux, le télétravail sera possible.
On commence ainsi à préparer autre chose. Si se déclare une pandémie cet automne, comme on peut le craindre, la question risque donc de se reposer. Je pense qu'il faudrait que les choses soient précisées.
Nous voudrions savoir ce qui s'est passé à propos de cet amendement, que l'on ne peut qualifier de fantôme, vu le bruit qu'il a fait, et qui va et vient.
Je voudrais vous répondre en toute sérénité, pour éviter toute polémique. La liasse d'amendements qui vous a été distribuée a été imprimée la semaine dernière, au moment où l'amendement Lefebvre existait encore.
Il ne s'agit donc que d'un problème matériel. L'amendement Lefebvre ne figure pas dans le dossier de la présidence. Il a donc bien disparu.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Je voudrais saluer la volonté de l'Assemblée nationale de sauver quelques arbres – je crois qu'il y a encore du travail à faire à cet égard – en reprenant la liasse de la semaine dernière et en évitant de réimprimer l'ensemble…
au risque d'une confusion.
Je voudrais éclaircir un point, qui me semble fondamental. Quand on parle de pandémie grippale, on parle de quarantaine. Il s'agit de protéger des personnes bien portantes, pour qu'elles n'attrapent pas la grippe, mais il ne s'agit en aucun cas d'organiser le télétravail de personnes en congé maladie durant cette période, puisque nous sommes, je le répète, défavorables à cette hypothèse.
Cet amendement vise des personnes bien portantes à qui l'on demande de ne pas se rendre à leur bureau, …
de la même manière qu'il est prévu dans ces circonstances de fermer les grandes surfaces, les stades, les salles de concert et même certains services de nos municipalités.
La parole est à M. Jean Mallot, pour un court rappel au règlement. Je pense, en effet, que les précisions apportées ont dû vous apaiser, cher collègue.
Il s'agit seulement de vous le confirmer (Sourires) et de chanter moi aussi les louanges du développement durable.
Vous avez raison, madame la secrétaire d'État, les services de l'Assemblée ont voulu sauver quelques arbres et ils ont eu raison. De plus, ils nous ont permis de mieux dater le moment où l'amendement Lefebvre a disparu. Maintenant, nous savons que ce fut entre le moment où la liasse a été imprimée la semaine dernière et le moment où elle a été distribuée aujourd'hui.
Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !
Sur le fond, je voudrais reprendre le sujet des pandémies évoqué par Mme la secrétaire d'État. Il est évident que si une pandémie grippale ou d'une autre nature se produisait, il y aurait des bien-portants en quarantaine et des malades qui resteront probablement chez eux. Ils seront en congé de maladie et seraient en quelque sorte passibles de l'amendement Lefebvre. Or, je crains que l'amendement n° 42 deM. Pierre Morel-A-L'Huissier ne prépare le terrain pour le retour de l'amendement Lefebvre en deuxième lecture.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, inscrit sur l'article 10.
Monsieur le président, je souhaite que M. Mallot ne se livre pas à des extrapolations tout à fait malencontreuses.
Avant d'engager la discussion sur l'article 10, je voudrais souligner que le télétravail trouve sa place partout : domicile, entreprise, voiture, TGV, avion. Cela m'amène à considérer que nous devons ouvrir un maximum d'espaces publics à son développement. Si je peux souscrire au dispositif des maisons de l'emploi, il me paraît que les relais de service public, concept élaboré, il y a quelques années, par la DATAR et le ministère de l'intérieur, les maisons de services publics issues de la loi de 2000 et les guichets de type PAIO, CIO et MLI, peuvent être autant de structures participant à la promotion du télétravail, les maisons de l'emploi n'étant pas spécifiquement adaptées à la chose.
Mon souhait est également que, pour la fonction publique – nous n'en parlons pas beaucoup –, soit désigné dans chaque ministère un « monsieur télétravail » qui aurait pour mission d'accompagner tout agent public qui le souhaite dans sa démarche de télétravail. J'avais évoqué ce point dans mon rapport national en 2007. Cela correspond à une évolution des mentalités et des nouvelles technologies.
Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, je ne suis pas sûr qu'une loi fasse le printemps du télétravail. Au sein de la mission nationale, les participants s'étaient interrogés sur le point de savoir s'il fallait transcrire dans un texte de loi un dispositif intégré, alors que les partenaires sociaux avaient élaboré un accord-cadre européen et alors que nous avions élaboré un accord national interprofessionnel. À l'époque, la réponse a été négative.
Nous sommes attachés au « livre rouge Dalloz » du code du travail, mais je pense qu'une vraie politique de promotion du télétravail devra être menée par les pouvoirs publics.
Aujourd'hui, dans notre pays, nous sommes toujours récalcitrants, sans doute du fait d'une certaine inculture du télétravail et à cause du refus d'intégrer les nouvelles formes de management qu'il génère.
L'évolution passe par une réflexion sur les nouvelles formes de management, sur l'apparition et le développement des open-bureaux, dont une entreprise s'est fait la spécialité - je veux parler d'AOS Studley, qui a eu l'occasion d'intervenir notamment auprès de l'entreprise Renault. Il s'agit, pour l'essentiel, d'une généralisation de postes partagés avec un équipement informatique adapté, un pool dédié de salles de réunion accessibles à tous, conduisant à une économie minimum de 20 % des surfaces de bureaux et à une véritable intégration collective grâce aux TIC. Madame la secrétaire d'État, vous qui êtes spécialiste du Grenelle de l'environnement, vous connaissez l'intérêt du télétravail en la matière.
Je veux également mentionner les télécentres, que nous n'avons pas encore évoqués et qui peuvent constituer une réponse intéressante. La DATAR avait lancé, il y a trois ans, un appel à projet qui a, malheureusement, un peu « capoté ». Il existe 18 télécentres en France quand nous en espérions 100. Derrière le télécentre, il faut équiper et faire de l'accompagnement. Les cyberbases de la Caisse des dépôts et consignations me paraissent une bonne réponse en la matière.
Je veux également saluer l'entreprise Cisco, pionnière en matière de partage de données et de management ainsi que la formidable table surface de Microsoft – ce n'est pas de la publicité…
…mais j'ai eu l'occasion de constater l'intérêt de la chose.
Je suis bien évidemment pour la promotion du télétravail par les maisons de l'emploi – pourquoi pas –, mais également par une politique publique d'incitation portée par les pôles emploi, l'éducation nationale qui doit intégrer la démarche TIC, la direction de la modernisation de l'État, l'e-procédure, la dématérialisation. Dans les administrations, la culture du TIC, ce n'est pas gagné.
C'est au prix de cette convergence des efforts que nous sortirons le télétravail de la clandestinité où il se trouve toujours, faute pour les entreprises, les artisans, les fonctionnaires, et parfois même certains salariés qui ne sont pas nés avec ces technologies, de s'être appropriés cette culture des TIC.
Je suis saisi d'un amendement n° 73 , visant à supprimer l'article 10.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Il faut arrêter, si je puis dire, de mettre les maisons de l'emploi à toutes les sauces. Comme dirait le président Méhaignerie, on alourdit ici inutilement le texte. Je pense qu'il vaudrait mieux avoir, un jour, une vraie discussion sur le devenir de ces maisons. En effet, rien n'est encore très clair à cet égard, même si nous avons déjà eu un débat intéressant, mais qui n'a pas abouti.
Nous devons également avoir une réflexion sur les formes mêmes des débats. Mais là n'est pas le sujet. Il existe un risque de rajouter partout « maisons de l'emploi » dans le code du travail, surtout si dans six mois, on pense nécessaire de procéder différemment.
Avis défavorable.
(L'amendement n° 73 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 39 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Cet amendement vise à supprimer à l'article 10, après le mot « télétravail », la fin de l'alinéa 2.
Nous devons prendre garde. La référence au handicap comporte un risque de stigmatisation des personnes handicapées, dans la mesure où le télétravail ne constitue la solution que pour une très faible proportion d'entre elles.
En recherche de relations sociales et professionnelles, les personnes handicapées, au même titre que les personnes valides, souhaitent choisir dans la mesure du possible leur cadre de travail. Dans le département de la Lozère, des centres de handicapés ont été développés, je connais donc bien le problème.
Le télétravail s'adresse à tout salarié. Il ne s'agit pas de sous-emploi. Cela ne concerne pas une catégorie particulière, même si cette forme de travail peut être une solution adaptée à certaines situations – personnes au foyer, handicapés, jeunes, personnes vivant dans les territoires ruraux.
Avis favorable.
(L'amendement n° 39 est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
(L'article 10, amendé, est adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 10.
Je suis saisi d'un amendement n° 52 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Avis défavorable.
(L'amendement n° 52 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 59 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Avis défavorable.
(L'amendement n° 89 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 51 .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
Je souhaite défendre cet amendement. Nous parlons beaucoup du droit du travail et des contrats de droit privé. Mais il serait nécessaire de s'interroger également sur la fonction publique.
Dans le cadre de la mission nationale sur le télétravail, j'ai rencontré Paul Pény, à l'époque directeur général de la fonction publique : le terme de télétravail était peu connu au sein de celle-ci.
Pourtant cela existe. Ce n'est pas un OVNI. Tous les corps de contrôle dans les douanes, les services fiscaux utilisent le télétravail. Il serait important que l'on introduise dans le statut de la fonction publique des dispositions permettant à tous les agents des trois fonctions publiques d'y avoir recours.
Dans la mesure où le statut de la fonction publique est d'ordre législatif, il ne convient pas qu'un décret fixe les modalités selon lequel ce recours au télétravail pourrait être organisé.
La commission a donc repoussé cet amendement.
Nous partageons l'objectif fixé dans cet amendement. Pour autant, il ne me semble pas que la loi soit le support pertinent.
Le télétravail a fait l'objet, en 2009, d'une attention considérable dans huit conférences de gestion. Huit ministères se sont engagés dans cette voie. À titre d'exemple, le ministère de la justice, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, a élaboré un protocole pour lancer le télétravail au sein de ses services, en novembre 2008. Il permet aux agents, sur la base du volontariat bien sûr, de travailler à distance, en se rendant à période régulière dans la nouvelle résidence administrative.
La présentation du rapport prévu à l'article 11 du texte nous semble mieux adaptée à l'objectif que nous poursuivons en commun. En outre, votre amendement ne paraît pas compatible avec le statut général des fonctionnaires. Aussi, même s'il cherche à atteindre le même but, le Gouvernement émet-il un avis défavorable.
Je retirerai l'amendement. Seulement, puisque l'administration se montre plutôt prolixe en circulaires, directives et autres textes, il serait intéressant qu'une fois pour toutes une circulaire soit adressée à l'ensemble des administrations d'État pour signaler l'existence du télétravail,…
…pour en exposer les caractéristiques, rappelant notamment qu'il se fonde sur le volontariat et précisant qu'il y a réversibilité.
Nous en venons à l'article 11, précédemment réservé.
(L'article 11 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 21 , portant article additionnel après l'article 11, précédemment réservé.
La parole est à M. Bernard Gérard.
Cet amendement est important dans la mesure où, de même que la presse, nous avons longuement parlé du télétravail, si bien que cette notion est sortie, si l'on peut dire, de sa clandestinité, surtout après la publication du rapport de notre collègue Morel-A-L'Huissier.
Pierre Morel-A-L'Huissier est d'ailleurs l'un des co-signataires de la proposition de loi.
Seulement 7 % des salariés sont des télétravailleurs en France, alors que la moyenne au sein de l'Union européenne atteint 13 %. Le télétravail, rendu possible par la généralisation des nouvelles technologies de l'information, répond à une demande sociale, contribue à la préservation de l'environnement et permet aux entreprises de réaliser d'importantes économies, notamment en matière de locaux professionnels.
Aussi est-il important que l'État s'engage en sa faveur en accordant une incitation fiscale aux entreprises ayant conclu un accord d'entreprise portant sur l'introduction ou le développement du télétravail. C'est pourquoi cet amendement instaure un dispositif de crédit d'impôt égal à 50 % des dépenses réalisées exclusivement pour mettre en oeuvre les technologies d'information ou de communication pour le travail à distance ou pour en améliorer l'utilisation à cette fin, ou à 50 % des dépenses effectuées dans le cadre de la signature d'un contrat de location avec un télécentre.
La commission émet un avis défavorable. D'abord, comme j'ai eu l'occasion de le préciser à nos collègues Decool et Gérard, au moment où nous sommes en train de réduire, petit à petit, le nombre de niches fiscales, il paraît difficile d'en inscrire une nouvelle dans le code du travail, à moins d'agir à contretemps. Ensuite, le dispositif proposé paraît complexe puisqu'il prévoit un accord collectif préalable, une négociation d'entreprise et en même temps un intérêt financier à hauteur de 100 euros par poste de travail.
Tout en comprenant la logique qui a présidé à la rédaction de cet amendement, et tout en admettant comme nos collègues Decool et Gérard qu'un mécanisme incitatif serait le bienvenu pour aider les entreprises à mettre en application le télétravail,…
Le Gouvernement est défavorable pour plusieurs raisons mais se tient prêt à formuler une proposition.
Je vous rappelle que l'Assemblée a adopté, au cours de l'examen de la loi de programmation des finances publiques, une disposition prévoyant qu'aucune mesure nouvelle ne devrait aboutir à une baisse des recettes. Dans ce contexte, cet amendement vient mal à propos.
Par ailleurs, le Gouvernement demeure très réticent quant à la formulation de l'amendement puisqu'il conduit la collectivité à financer à l'excès ce type de dépenses, en allant au delà de tout autre crédit d'impôt. Une entreprise bénéficiaire imposée au taux normal réaliserait en effet, sur les dépenses inférieures au plafond, une économie globale d'impôt de 83 %, ce qui est très supérieur à ce que prévoient d'autres dispositifs.
Il existe par ailleurs des dispositions qui devraient être prises en compte dans le cadre d'un dispositif global. Ainsi les équipements informatiques pour les salariés sont désormais exonérés de taxe professionnelle en vertu de la loi de finances rectificative pour 2008.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement mais il peut s'engager, d'ici à l'examen du PLF, à trouver une solution fiscale pour le développement du télétravail. J'invite donc les signataires de l'amendement à travailler avec les services du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi afin que nous trouvions ensemble la voie à suivre dans la perspective, à courte échéance, du prochain PLF. Si vous acceptez cette proposition, je vous saurai gré de bien vouloir retirer votre amendement.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Chers collègues, que ce soit aujourd'hui ou demain au cours de l'examen du projet de loi de finances, il est grand temps de mettre un coup d'arrêt aux pertes de recettes fiscales,…
…faute de quoi nous nous mettrons dans une situation impossible. En ma qualité de président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, je m'opposerai, ainsi que mon homologue président de la commission des finances, à toute perte de recettes fiscales.
J'ai bien entendu les propos du président de la commission des affaires culturelles, mais quand il est question du maintien et de la création d'emplois dans une période de crise, il me semble que les grands principes peuvent céder.
Quant à vous, madame la secrétaire d'État, je vous remercie de vos propositions. Lorsque nous avons achevé le rapport avec mes collaborateurs, il y a deux ans, nous avions déjà proposé à Bercy un certain nombre de dispositifs et j'en profite pour dire à nos collègues Decool et Gérard tout le plaisir que j'ai eu à travailler avec eux sur la rédaction de certains amendements visant à intégrer le télétravail dans le code du travail. C'est chose faite et c'est important. Reste la fonction publique ; j'y insiste : il est important que les pouvoirs publics accompagnent les mutations inévitables dues à l'émergence des nouvelles technologies. Il s'agit notamment de prendre en considération une nouvelle forme de management.
Encore une fois, au moment où nous cherchons à créer ou à maintenir l'emploi en développant les contrats d'avenir et les CAE qui coûtent de l'argent à l'État, il serait intéressant de fournir un effort tout particulier pour le télétravail.
Je vous ai bien écoutée, madame la secrétaire d'État. Nous restons très partisans de la création d'incitations fiscales en faveur du télétravail. C'est un besoin, une attente et c'était le sens de notre amendement. Nous n'accepterions pas d'y renoncer si vous ne preniez pas un engagement solide.
Or vous nous avez toujours écoutés avec une grande attention, vous nous avez accompagnés dans notre réflexion sur le télétravail qui constitue un bienfait pour notre pays et qui est attendu dans des secteurs comme la vente à distance, le commerce électronique, secteurs qui peuvent trouver là des réponses fort pertinentes.
Nous souhaitons que la discussion se poursuive dans un délai bref – vous rappeliez que l'examen du prochain PLF était pour bientôt. Aussi, puisque nous avons bien entendu votre engagement, il paraît sage de retirer cet amendement.
(L'amendement n° 21 est retiré.)
Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu le mardi 9 juin après le débat préalable au Conseil européen.
Après l'article 11
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures onze.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Luc Warsmann et Guy Geoffroy, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale (n° 1689).
La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, mes chers collègues, l'Assemblée est invitée à examiner une proposition de loi que j'ai l'honneur d'avoir cosignée avec le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, il y a un peu plus de six mois.
Le dépôt de ce texte faisait suite à un travail en profondeur mené depuis presque un an. Cette réflexion s'inscrivait elle-même dans la continuité de celle menée par Jean-Luc Warsmann, désigné parlementaire en mission auprès du ministre de l'intérieur en juillet 2004, pour rendre des conclusions sur la lutte contre les réseaux de trafiquants de stupéfiants.
Ce texte a fait l'objet d'un examen très attentif de la part de la commission, dont les membres ont été unanimes, le 20 mai dernier, pour approuver le texte initial amendé – je reviendrai en particulier sur un amendement très important du Gouvernement.
Nous sommes intimement persuadés de la nécessité d'un dispositif efficace de saisies pénales pour frapper les trafiquants là où nous estimons – disons-le de manière quelque peu triviale – que « ça leur fait mal », c'est-à-dire au portefeuille. Pour être véritablement dissuasive, une sanction pénale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction doit pouvoir s'accompagner de la privation des profits qu'il a pu en tirer, ce qui n'est pas tout à fait possible actuellement. Le prononcé par les tribunaux de peines privatives de liberté ou d'amendes ne saurait, dans de nombreux cas, suffire, et ce n'est pas la situation de nos prisons qui me démentira.
Saisir les profits tirés de l'infraction a un réel effet dissuasif : j'en veux d'ailleurs pour preuves les cas récents où l'on a vu des trafiquants condamnés à une peine de prison ferme assortie de la confiscation de tout ou partie de leurs biens faire appel, non pas de la peine de prison ferme, mais de la confiscation. On voit bien là que c'est l'aspect qui les dérange le plus.
Le Président de la République, dans son discours prononcé à l'Élysée devant les principaux acteurs de la sécurité le 28 mai dernier, a d'ailleurs rappelé la nécessité de « frapper les trafiquants au portefeuille ».
Notre proposition de loi donnera le cadre juridique nécessaire à la mise en oeuvre des saisies de ces richesses indues, produits de trafics ou d'infractions.
Nous ne partons pas de rien. J'évoquais tout à l'heure le travail considérable effectué par Jean-Luc Warsmann, qui a conduit à plusieurs progrès notables. Le premier est la création au sein du ministère de l'intérieur de la plateforme d'identification des avoirs criminels, la PIAC, directement issue de son rapport. S'y ajoutent les avancées issues de la loi de 2007 relative à la prévention de la délinquance et de la loi relative à la lutte contre la contrefaçon.
Le président Warsmann avait dénoncé dans son rapport les failles existant dans notre législation en matière de saisies et de confiscations, failles auxquelles cette proposition de loi vise avant tout à remédier.
Il s'agit, tout d'abord, des difficultés dans la détection précoce des avoirs et patrimoines détenus en France comme à l'étranger : un article de la proposition de loi s'emploie spécifiquement à les dissiper. Mais il faudra également donner à la PIAC davantage de moyens juridiques d'agir, de même qu'aux groupements d'intervention régionaux.
Il s'agit ensuite de l'inadaptation des procédures civiles d'exécution.
Il s'agit enfin de la gestion déplorable des biens saisis. Il suffit de penser à la triste image renvoyée par les voitures laissées dans des fourrières à ciel ouvert, qui se déprécient et entraînent des coûts pour l'État.
Notre droit pénal distingue aujourd'hui deux cadres juridiques. Dans les affaires de droit commun sont saisis, dans le cadre d'enquêtes de flagrance, d'enquêtes préliminaires ou d'informations judiciaires, les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité ainsi que les objets qualifiés de nuisibles. En revanche, dans les affaires de criminalité organisée est prévue, depuis la loi Perben II, une procédure permettant la prise de mesures conservatoires par le juge des libertés et de la détention.
Au vu des effets bénéfiques de ces dispositions, nous estimons nécessaire de priver des profits de leurs infractions non seulement les grands délinquants, concernés par la loi Perben II, mais également les petits trafiquants, qui pourrissent la vie de nos villages, de nos villes, de nos quartiers, de nos cités, paradant trop souvent au volant de voitures luxueuses dont la justice n'a pas toujours les moyens de les déposséder et provoquant l'incompréhension ô combien légitime de nos concitoyens, comme nous le constatons tous dans nos circonscriptions.
Priver les délinquants des profits tirés de leur trafic suppose une procédure en trois étapes : identifier les avoirs, travail incombant à la PIAC ; geler les comptes bancaires et saisir des biens – véhicules, matériels ou immeubles – en établissant une procédure adaptée à chaque type de bien, comme nous le proposons dans cette proposition de loi ; enfin, la confiscation, qui intervient après qu'une décision juridictionnelle a établi la culpabilité du possesseur des biens – dans le cas contraire, le bien ou le produit de sa vente est restitué avec intérêts à son propriétaire, comme nous l'avons précisé dans la proposition de loi.
On ne soulignera jamais assez le caractère crucial des deux premières étapes : l'expérience montre en effet que la juridiction qui condamne prononce en pratique la confiscation des seuls biens qui sont placés à la disposition de la justice. Il est donc essentiel qu'ils aient été préalablement saisis.
Nous avons identifié dans notre système actuel trois limites majeures : l'absence de définition claire du champ des biens susceptibles d'être saisis au cours de l'enquête pénale, l'inadaptation des procédures civiles d'exécution, enfin, l'absence criante d'une gestion des biens saisis.
Notre proposition de loi vise à combler ces trois lacunes et toutes les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont montré le bien-fondé de notre démarche.
S'agissant du champ des biens, elle instaure le principe selon lequel, dès lors qu'un bien peut être confisqué en application de l'article 131-21 du code pénal, il peut être saisi à titre conservatoire au cours de l'enquête. Pour la liste des biens confiscables, je vous renvoie au rapport.
S'agissant de la procédure suivie, l'article 3 instaure une procédure applicable aux saisies pénales, distincte des procédures civiles et qui devrait être plus rapide et plus efficace. Il détaille en outre pour chaque catégorie de biens susceptibles d'être saisis les règles spécifiquement applicables.
Notre commission des lois s'est attachée, dans un examen très attentif, à préserver les droits des tiers de bonne foi. J'avais présenté un amendement en ce sens, qui a été adopté lors de la première lecture, et lorsque la commission s'est réunie tout à l'heure au titre de l'article 88, nous avons approfondi cette protection des droits. À la demande légitime de nos collègues du groupe socialiste, nous avons souhaité préserver le secret professionnel des avocats.
Par ailleurs, la proposition de loi procède à la transposition des dispositions de la décision cadre du 6 octobre 2006 sur l'exécution des décisions de confiscation dans l'Union européenne. En outre, elle codifie les dispositions de deux lois de 1990 et 1996 relatives à l'entraide internationale : modifiant, supprimant et abrogeant, elle opère une simplification du droit.
J'ajoute que la gestion des biens sera considérablement améliorée par la création d'une agence spécifique, à la suite d'un amendement déposé en commission par le Gouvernement. Certaines de ses dispositions semblaient être de nature réglementaire mais la vérification opérée auprès du secrétariat général du Gouvernement fait apparaître qu'une telle exhaustivité était indispensable.
Je termine en remerciant l'ensemble des membres de la commission des lois, qui ont effectué un remarquable travail d'amélioration du texte, mais aussi le Gouvernement, pour sa disponibilité dès les premières étapes de l'élaboration de cette proposition de loi. Je tiens à saluer le président Warsmann qui, en cette matière comme en beaucoup d'autres, a su trouver des solutions concrètes et efficaces qui donneront satisfaction à l'ensemble de nos concitoyens ainsi qu'à tous les professionnels concernés.
Mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte à l'unanimité, comme l'a fait notre commission des lois, afin de montrer notre détermination à aboutir à des avancées rapides sur ce sujet technique complexe, mais extrêmement important pour la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je veux d'abord vous prier d'excuser Mme la garde des sceaux, retenue par une séance du Conseil supérieur de la magistrature.
Vous êtes appelés à examiner aujourd'hui un texte d'initiative parlementaire qui marquera, sans nul doute, un tournant important dans la lutte que nous menons contre la délinquance.
Pour que cette lutte soit efficace, il faut que les délinquants sachent qu'ils ne pourront tirer aucun profit de leurs activités illicites. Il faut que des mesures soient prises très rapidement pour appréhender le plus largement possible les avoirs criminels, quelle qu'en soit la nature. Il faut enfin que les sanctions patrimoniales soient à la hauteur des profits escomptés. Et pour cela, nous devons développer les enquêtes patrimoniales et faciliter l'action des services judiciaires, pour qu'ils saisissent et confisquent davantage. C'est ainsi que nous ferons reculer le crime organisé, l'économie souterraine et les trafics qui l'alimentent.
Priver les délinquants du produit direct et indirect de leurs activités, c'est prévenir de nouveaux crimes et délits. C'est aussi combattre l'idée, qui peut séduire les plus jeunes en particulier, que la délinquance peut être une solution lucrative.
L'expérience montre que les délinquants redoutent souvent moins d'être emprisonnés que d'être privés du fruit de leurs crimes. La perspective d'un enrichissement facile l'emporte sur le risque d'un emprisonnement.
Il est donc grand temps de nous donner les moyens pour que le crime ne paye plus. C'est une préoccupation qui a déjà conduit le législateur à intervenir ces dernières années. Je pense en particulier à la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité dont le président de votre commission des lois a été le rapporteur il y a cinq ans. Il s'agissait de durcir la répression de la criminalité organisée, en étendant notamment les possibilités de saisie des produits du crime. Par la suite, il a été constaté diverses failles dans ce dispositif. Et M. Warsmann, dans son rapport sur l'application de cette loi, préconisait de faciliter le recours aux mesures conservatoires pouvant être prises pour geler les avoirs criminels.
La proposition de loi ambitieuse déposée avec Guy Geoffroy répond, en particulier, à cet objectif. Je tiens à remercier M. le président de la commission des lois pour cette initiative très opportune que le Gouvernement soutient en tous points. Je voudrais également saluer le remarquable travail réalisé par Guy Geoffroy, qui, en tant que rapporteur, a su parfaitement traduire les attentes des enquêteurs et des magistrats, en les conciliant avec les enjeux juridiques et financiers liés à ce texte. En adoptant ce texte à l'unanimité, votre commission des lois a reconnu la nécessité de cette initiative et la qualité du travail accompli.
Vous nous avez parfaitement exposé, cher Guy Geoffroy, les raisons pour lesquelles il était impératif aujourd'hui de modifier et de compléter les textes existants. Je n'ajouterai à vos propos, qui étaient très complets, que quelques considérations complémentaires.
En 2008 le montant des biens gelés ou saisis s'élevait à près de 94 millions d'euros, soit une hausse en valeur de 41 % par rapport à l'année 2007. Mais il reste difficile de procéder aux saisies et au gel des avoirs des criminels pour plusieurs raisons.
La première, c'est que les actes de procédure pénale sont essentiellement destinés à la recherche d'éléments de preuve. Il est donc indispensable de se doter d'un cadre procédural spécifique pour permettre la réalisation d'enquêtes patrimoniales. C'est ce que l'article 1er de votre proposition de loi prévoit. Les enquêteurs pourront ainsi mener des perquisitions pour identifier ou localiser les biens confiscables. C'est un dispositif indispensable et parfaitement complémentaire de la plateforme d'identification des avoirs criminels mise en place depuis septembre 2005 au sein de l'office central pour la répression de la grande délinquance financière.
Ce texte permettra également de saisir des biens qui pourront être confisqués, même s'il ne s'agit pas de l'instrument ou du produit direct de l'infraction. Il n'était pas cohérent que la loi prévoie des confiscations et que l'on n'ait pas les moyens juridiques d'éviter la disparition de ces biens avant l'exécution du jugement.
Une deuxième difficulté entrave la saisie des avoirs criminels : les mesures conservatoires rendues possibles depuis 2004 doivent être prises selon les règles civiles des voies d'exécution, lesquelles sont très difficiles à appliquer dans un cadre pénal.
Là encore, il fallait définir un régime pénal spécifique de gel et de saisie, et tout particulièrement s'agissant des biens qui ne peuvent pas être matériellement saisis. Saisir les actifs immobiliers et immatériels des délinquants soulève des questions extrêmement complexes. Ce n'est pas sans raison que le crime organisé privilégie les investissements dans la pierre ou dans les fonds de commerce, les placements financiers ou encore les actions et les titres. Pour adapter notre droit aux pratiques délictueuses, votre texte définit un cadre juridique parfaitement adapté, qui distingue les diverses catégories de biens spéciaux. Il permet, par des saisies sans dépossession, d'assurer la représentation des biens qui ne sont pas matériellement saisis et retirés à leur détenteur.
Le troisième obstacle à la saisie plus large des avoirs criminels, c'est qu'il faut en assurer la gestion tout au long du dossier et jusqu'à la confiscation. Ce facteur rebute les enquêteurs et les magistrats, qui sont confrontés à des difficultés juridiques et matérielles importantes pour assurer cette gestion et éviter le dépérissement des biens en cause : trop souvent, le coût de gestion de ceux-ci est plusieurs fois supérieur à leur valeur vénale.
Les conditions de leur conservation contribuent de surcroît à en diminuer la valeur lorsqu'ils sont confisqués in fine.
Chaque année, la conservation des biens saisis nous coûte plus de 15 millions d'euros. Les frais de gardiennage représentent une part trop importante de cette somme. Le coût moyen pour faire garder un seul objet encombrant est de 600 à 700 euros.
Parallèlement, les ventes anticipées de biens en cours de procédure n'ont rapporté que 3 millions d'euros en 2008 et les décisions de confiscation vont en diminuant ces dernières années – il y en a quatre fois moins qu'en 2004.
Si nous souhaitons développer les saisies et confiscations, il est donc indispensable de remédier à cette situation.
Le Gouvernement, qui fait sien l'objectif poursuivi par ce texte, a décidé de se donner les moyens de cette ambition. C'est dans cet esprit qu'il a déposé un amendement, qui a été intégré au texte de cette proposition de loi et qui vise à créer une agence chargée de gérer les biens saisis et confisqués.
Placé sous la cotutelle du ministre de la justice et de celui du budget, cet établissement public d'un genre nouveau relaiera l'action des enquêteurs et des magistrats et assurera une gestion plus rationnelle des biens saisis et confisqués.
L'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués agira sur mandat de justice pour assurer la saisie et le gel des biens que les magistrats veulent appréhender. Elle pourra ensuite en assurer la gestion et éventuellement la vente avant jugement. Elle sera enfin chargée de réaliser les confiscations ordonnées par les juridictions pénales. Son action encouragera et facilitera une appréhension plus large des bénéfices tirés par les délinquants de leurs activités. L'objectif est de permettre à cette agence de s'autofinancer assez rapidement.
Les victimes n'ont pas été oubliées. Nous avons veillé à ce qu'elles ne soient pas lésées par ces saisies plus larges et à ce qu'au contraire cette appréhension puisse également servir leurs intérêts.
Ainsi, il est prévu que l'Agence informe la victime lorsqu'elle restitue à la personne poursuivie un bien saisi qu'elle gérait. La victime pourra, de cette manière, faire valoir ses droits à dédommagement plus efficacement.
Plus encore, un nouvel article 706-165 du code de procédure pénale permet à la victime qui n'est pas dédommagée d'obtenir le paiement de ses dommages et intérêts sur les biens confisqués. Il appartiendra ensuite à l'État, qui sera subrogé dans les droits de la victime, d'obtenir du condamné qu'il rembourse le dédommagement versé à la victime qu'il doit.
Nous nous inscrivons ici exactement dans la même logique que pour le service d'aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d'infractions, institué par une proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann et M. Étienne Blanc devenue la loi du 10 janvier 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes.
Enfin, et c'est le dernier volet de cette proposition de loi, nous intégrons dans notre droit un principe de reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation prises par les juridictions d'autres États membres de l'Union européenne.
La criminalité, vous le savez parfaitement, ne connaît plus de frontière. La suppression du contrôle aux frontières et la libre circulation des personnes et des capitaux facilite la dissimulation à l'étranger des avoirs criminels. Il nous faut donc assurer une entraide internationale efficace pour garantir l'effectivité des décisions que nous prenons.
Je me réjouis également que nous saisissions l'occasion de ce texte pour codifier dans le code de procédure pénale les lois du 14 novembre 1990 et du 13 mai 1996 relatives à l'exécution en France des confiscations prononcées par des juridictions étrangères. Ces dispositions sont également adaptées aux conventions internationales signées et ratifiées par la France depuis lors.
Que ce soit au sein de l'Union européenne ou hors de l'espace communautaire, nous disposerons ainsi des textes nous permettant d'offrir le concours de la France à la lutte contre la délinquance et la criminalité transfrontalières.
Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement vous propose d'adopter la proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui et qui ouvre la voie à une lutte plus efficace contre l'enrichissement des délinquants. Elle manifeste une fois de plus notre volonté à tous de lutter, sans relâche et avec détermination, contre toutes les formes de délinquance, et tout particulièrement contre la délinquance très structurée et très organisée.
Il doit être clair pour tous que les activités délictueuses coûtent beaucoup plus cher à ceux qui s'y livrent qu'elles ne leur rapportent. Les délinquants se jouent parfois de la loi pour limiter les risques liés à leurs activités. La loi se doit d'évoluer en conséquence pour ne leur laisser aucun répit et pour les priver du produit de leurs crimes, parce qu'en se mettant hors la loi, ils ne peuvent attendre d'elle aucune protection. Plus qu'un principe de justice, c'est une question de morale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux tout d'abord excuser l'absence de M. Michel Hunault qui avait marqué un intérêt particulier pour ce texte et qui m'a demandé de le représenter dans ce débat.
Nous traitons aujourd'hui des questions de saisie et de confiscation en matière pénale à la faveur de l'examen d'une proposition de loi de nos collègues Jean-Luc Warsmann et Guy Geoffroy.
Après avoir révisé la Constitution, en juillet dernier, pour renforcer au sein de nos institutions le rôle du Parlement, nous avons, pendant près d'un an, débattu de la nécessaire modernisation de la procédure parlementaire avant d'adopter, voici quelques jours, le nouveau règlement de l'Assemblée nationale.
Le simple fait de voir désormais des sujets, pour certains sensibles et graves, pour d'autres éminemment complexes et techniques, traités par des textes d'origine parlementaire – je pense bien sûr à la présente proposition de loi mais également à celle de notre collègue Jean-Frédéric Poisson sur le maintien et la création d'emplois dont la discussion vient de s'achever – prouve, s'il en était besoin, que la revalorisation du rôle du Parlement, comme celle du travail parlementaire lui-même, sont à présent des réalités pour chacun de nous.
Mais le présent texte vient aussi concrétiser un travail de long terme dans la mesure où il tend à mettre en oeuvre certaines préconisations du rapport que M. le président de la commission des lois a remis en 2004 au ministre de l'intérieur sur la lutte contre les réseaux de trafiquants de stupéfiants.
Je noterai également la part active prise par le Gouvernement à l'élaboration de ce texte, notamment par la présentation d'amendements ne pouvant, en vertu de l'article 40 de la Constitution, être le fait de parlementaires.
Faciliter la saisie et la confiscation des avoirs criminels procède d'une logique qui vise à donner à la justice de nouveaux moyens afin de briser le train de vie parfois ostentatoire de certains délinquants. C'est par là même le moyen de lutter plus efficacement contre le crime organisé et plus particulièrement peut-être contre les trafiquants de stupéfiants.
Aussi ce texte vise-t-il à répondre aux attentes des acteurs de la justice qui se trouvent, en l'état actuel de notre droit, bien souvent trop démunis pour frapper efficacement le portefeuille des criminels.
Il répond, sans doute également, à une attente plus diffuse d'un grand nombre de nos concitoyens qui sont parfois choqués de voir des individus, qui tirent pourtant d'une manière notoire leurs revenus d'activités illégales, afficher un train de vie indécent.
Avec cette proposition de loi, il s'agit donc de franchir une nouvelle étape dans le renforcement de notre législation en matière de saisie et de confiscation.
Après celles permises par les lois de 2007 sur la prévention de la délinquance et la lutte contre la contrefaçon, ce texte élargit le champ des biens susceptibles de faire l'objet d'une saisie tout en procédant à une profonde clarification des procédures.
Afin d'éviter notamment que le patrimoine d'une personne mise en cause ne se soit évanoui dans la nature au moment où une juridiction en prononcera la confiscation, les possibilités de saisir préalablement, et donc de geler ce patrimoine dès les premiers stades de l'enquête, seront ainsi développées au moyen d'un alignement du champ des biens susceptibles de faire l'objet d'une saisie sur celui des biens confiscables.
Alors qu'actuellement nombre de magistrats se montrent réticents à ordonner de telles mesures de saisie, la levée de l'incertitude juridique pesant sur le caractère saisissable, ou non, d'un bien devra permettre un recours plus fréquent à ce type de mesures dont dépend en réalité l'effectivité même du pouvoir de confiscation.
Dans le prolongement de la création, en 2005, de la plate-forme d'identification des avoirs criminels, les enquêtes visant spécifiquement à identifier les biens saisissables et confiscables seront, pour leur part, systématisées afin, là aussi, de rendre plus effective l'étendue du pouvoir de confiscation.
Il s'agit également, avec ce texte, d'organiser enfin une véritable procédure de saisie pénale par l'insertion, au sein du code de procédure pénale, d'un titre spécifiquement dédié.
À l'heure actuelle, en effet, les articles du code utilisés par certains magistrats pour procéder à la saisie d'avoirs criminels n'ont pas pour objet d'organiser une quelconque saisie patrimoniale, mais s'inscrivent dans une autre logique, celle de la recherche de la preuve, et se focalisent uniquement sur la conservation des pièces à conviction ainsi que des éléments utiles à la manifestation de la vérité.
La loi du 9 mars 2004, en offrant au juge d'instruction ainsi qu'au juge des libertés et de la détention la possibilité de prendre, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, des mesures conservatoires sur l'ensemble des biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis, d'une personne mise en examen, a permis de franchir un premier pas vers la systématisation de la confiscation des avoirs criminels.
Ces procédures civiles d'exécution, où l'État ne bénéficie d'aucune prérogative de puissance publique, restent pourtant, à l'heure actuelle, très largement inadaptées aux saisies pénales, et leur caractère tout à la fois lourd et coûteux décourage bien souvent les magistrats souhaitant recourir à ces mesures.
La mise en place de cette procédure de saisie pénale permettra ainsi de mettre fin à une lacune de notre droit en la matière. Elle sera, par ailleurs, plus adaptée que les procédures actuelles à la saisie des biens immobiliers ou incorporels, aujourd'hui laissés de côté par les magistrats faute d'outils juridiques adéquats.
Le recours que nous souhaitons à l'avenir accru aux mesures de saisie puis de confiscation, lorsqu'il y aura eu condamnation, pose toutefois la question de la gestion par les pouvoirs publics des biens saisis. Or nous faisons face, dans ce domaine, à un curieux paradoxe qui veut que les mesures de saisie coûtent pour finir bien plus cher à l'État qu'elles ne lui rapportent.
Afin d'éviter tant la dévalorisation rapide des biens saisis que leur conservation au-delà des besoins de l'enquête, il apparaît nécessaire de mieux organiser la gestion des biens saisis dans la ligne des possibilités ouvertes par la loi de 2007 sur la lutte contre la contrefaçon et de procéder à la vente anticipée des biens saisis au cours de l'enquête lorsqu'ils ne présentent plus d'intérêt pour la poursuite de cette dernière.
C'est pourquoi la création, à l'initiative du Gouvernement, d'une agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués constitue l'une des avancées les plus significatives de cette proposition de loi.
Cette agence assurera, sous le contrôle d'un magistrat, une meilleure gestion des biens saisis. Elle pourra également, au besoin, gérer l'aliénation ou la destruction de ces biens et aura enfin une mission d'assistance envers les juridictions qui la solliciteront.
Pour conclure, mes chers collègues, ce texte permet des avancées déterminantes et attendues de la plupart des acteurs de la justice en matière de saisie et de confiscation. Tout en préservant les garanties procédurales offertes aux mis en cause, il donnera une plus grande effectivité au principe selon lequel une sanction pénale doit s'accompagner de la privation du bénéfice de l'infraction commise.
C'est pourquoi les députés du Nouveau Centre lui apporteront leur soutien.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'efficacité d'une sanction tient pour une grande partie à son caractère dissuasif. Or le simple prononcé d'une peine peut ne pas suffire à dissuader une personne d'enfreindre la loi. En effet, il faut aussi que la sanction s'accompagne de mesures privant le délinquant de tout profit qu'il aurait pu tirer de l'infraction. La saisie et la confiscation en matière pénale sont donc des outils nécessaires pour parvenir à ce résultat, outils qu'il convient de rendre efficaces si nous voulons que le crime ne paie pas.
C'est dans cette optique d'efficacité de la dissuasion que nous sommes, mes chers collègues, amenés à légiférer aujourd'hui.
Cela s'imposait car, comme nous l'a démontré notre rapporteur dont je tiens à saluer le travail remarquable sur ce sujet extrêmement technique, le droit en vigueur est incomplet dans ce domaine.
À ce propos, je tiens à souligner l'activité de notre président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, auteur de la présente proposition de loi : son rapport de 2004 visait déjà à compléter ce dispositif pour en combler les lacunes.
Le droit en vigueur est incomplet car il ne permet pas une lutte efficace contre les différents trafics qui se développent. Je pense notamment au trafic de drogue, fléau d'ampleur internationale.
À ce sujet, je tiens à vous rappeler que le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies ajoute une dimension patrimoniale à la lutte contre les trafics.
Face à une criminalité essentiellement motivée par l'espérance de gains aussi rapides qu'importants, le dispositif de sanction doit comporter un volet financier dissuasif, faute de quoi les réseaux démantelés se reconstituent rapidement pour alimenter un marché des drogues très lucratif.
La lutte contre les trafics sera impossible si les trafiquants tirent encore profit de leurs actes, même après une éventuelle sanction. Nous devons, mes chers collègues, conserver à l'esprit que le texte qui nous est soumis aujourd'hui permettra de nous doter d'outils efficaces dans la lutte contre ces trafics.
Sans reprendre le dispositif complet que notre excellent rapporteur a présenté, je tiens à rappeler que ce texte poursuit trois orientations principales.
Il vise tout d'abord à étendre le champ des biens susceptibles d'être saisis alors que la saisie patrimoniale ne peut consister qu'en la saisie des instruments et produits de l'infraction. En effet il faut également empêcher que le patrimoine du délinquant ne soit dissipé avant toute confiscation et qu'il en tire ainsi profit. Étendre ultérieurement la saisie à l'ensemble des biens susceptibles d'être confisqués permettra de rendre effectives les mesures conservatoires. Les biens meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, doivent donc pouvoir être saisis.
Le deuxième objectif de la proposition de loi consiste dans la clarification des procédures de saisie pénale. Il est en effet nécessaire de préciser les effets juridiques de la saisie, que ce soit en matière immobilière ou mobilière car la saisie d'un immeuble n'a pas les mêmes conséquences que celle d'un fonds de commerce, de droits incorporels, de parts sociales ou encore de créances. Il ne faut pas que, par une telle saisie de biens, des tiers soient préjudiciés injustement. Les règles d'opposabilité aux tiers de ces saisies méritaient donc d'être clarifiées car la spécificité d'une saisie pénale ne pouvait reposer sur les procédures civiles d'exécution, inadaptées à l'urgence des affaires pénales.
Enfin, le troisième objectif du texte vise à améliorer la gestion des biens saisis et des conditions d'exécution des confiscations. On ne peut accepter que l'État supporte le coût d'une conservation devenue inutile de certains biens, de même qu'il faut éviter que les biens saisis ne se dévalorisent au cours de la procédure. La décision d'aliéner, de conserver, de détruire ou de restituer ces biens doit être prise au meilleur moment. Le texte examiné va dans ce sens en remettant cette décision à un officier public ou ministériel.
Nous aurons l'occasion, au cours de la discussion des articles, de revenir plus en détail sur les mesures proposées par la proposition de loi. Il est toutefois important de retenir que le texte va dans le sens de l'efficacité et de l'effectivité des sanctions pénales. Cet objectif ne doit pas être oublié car il permettra une véritable dissuasion. Le maintien de l'ordre public le requiert, notamment pour lutter contre les trafics.
Il est tout à notre honneur, mes chers collègues, que la recherche d'efficacité pénale soit le fruit d'une initiative parlementaire : cela démontre que les représentants de la nation sont sensibles à la lutte contre la délinquance et agissent à cette fin.
Je voterai donc pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je viens exposer l'opinion du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche sur cette proposition de loi, qui vise à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.
Je tiens d'ores et déjà à préciser que nous en approuvons les trois principales initiatives.
La première, monsieur le rapporteur, consiste dans la simplification du régime des saisies : désormais sera saisissable la totalité des biens qui sont confiscables, ce qui paraît simple d'un premier abord mais est, en réalité, relativement complexe puisque les biens confiscables ne sont pas les mêmes pour toutes les infractions.
Vous avez également indiqué que pouvaient être saisis en principe à la fois les biens qui ont servi à l'infraction, ceux qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ainsi que ceux qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction. Dans certains cas, notamment celui de la criminalité organisée, seront également saisissables les biens en général du condamné, que ces biens soient ou non en relation avec l'infraction. Nous approuvons cette simplification juridique importante car elle est de nature à permettre une plus grande efficacité de la justice.
La création de l'Agence de gestion des biens saisis est la deuxième initiative du texte que nous approuvons. Les précédents orateurs ont indiqué combien il était important que la gestion des biens saisis soit assurée dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui.
La troisième initiative réside dans une possible application du gel international ou des confiscations internationales.
Ce sont les trois raisons pour lesquelles nous approuvons ce texte.
Je n'émettrai qu'une petite réserve sur laquelle je reviendrai : n'allons-nous pas un peu vite en besogne si, comme le prévoient certains amendements, nous dessaisissons d'ores et déjà le service des domaines au profit de l'agence, alors que celle-ci sera tout nouvellement créée ?
Je formulerai également trois souhaits.
Le premier est de pouvoir procéder, d'ici un à trois ans, à un bilan de l'efficacité de l'Agence de gestion des biens saisis. Il faut savoir en effet que la gestion des biens saisis, aujourd'hui, n'est pas assurée. Vous avez procédé, monsieur le rapporteur, à des auditions dont l'une a été désarmante. Au cours d'une table ronde de magistrats nous avons eu la surprise d'entendre l'un d'entre eux – le cas est assurément proche de la caricature – affirmer que la gestion des biens saisis était si peu assurée que, dans un domaine relativement voisin, et particulièrement funèbre, celui des cadavres conservés dans les morgues, un cadavre a été oublié durant dix ans à la morgue d'un hôpital, la justice ne sachant dès lors plus quoi en faire !
Ce fait, qui laisse sans voix, je vous le concède, madame la secrétaire d'État, est à l'image de la gestion des biens saisis : chacun sait que des voitures restent des années entières dans les fourrières ou des cyclomoteurs dans les cours des commissariats ou qu'on perd toute trace des propriétaires de biens dont certains attendent, en se détériorant sous la pluie, d'être vendus aux enchères, sans oublier la rumeur persistante selon laquelle les biens saisis seraient l'objet, parfois, de malversations.
Nous partons donc d'une situation déplorable. Toutefois, je tiens à le noter, il ne faut soupçonner dans mes propos aucune arrière-pensée politique : cette situation dure depuis des décennies et on ne saurait dégager une quelconque responsabilité politique. Sachez que si tel avait été le cas, je ne me serais pas privé de le faire ! (Sourires.)
Mon deuxième souhait, à caractère plus politique, est de voir figurer dans le champ d'application de la proposition de loi une infraction qui porte gravement atteinte à la fois à la cohésion nationale et à la solidarité : la fraude fiscale, que nous devrions poursuivre avec une plus grande opiniâtreté. Or elle n'est pas comprise parmi les infractions réprimées par la loi Perben sur la criminalité organisée, ce qui, sauf erreur de ma part, interdit toute saisie possible de l'ensemble des biens, hors les cas de blanchiment.
Nous devrions réfléchir à cette question car nous avons la preuve que la fraude fiscale, tant nationale qu'internationale, porte une atteinte grave aux intérêts de la France comme à ceux de l'Europe. Il n'est qu'à considérer l'efficacité des contrôles décidés par le ministre du budget, dont l'annonce a permis, dans les jours qui les ont précédés, de récupérer quelque 14 milliards d'euros d'impôts dus et non versés. Un sénateur pessimiste a du reste souligné que l'État ne récupérait généralement que la moitié des sommes dues. Des efforts importants doivent donc être fournis en la matière.
Mon troisième et dernier souhait est d'ordre technique : il convient de réorganiser de façon cohérente le droit des saisies et de la confiscation. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que ses dispositions pouvaient être contradictoires, et vous avez rappelé, par exemple, qu'en matière de loterie clandestine, seuls les biens mobiliers pouvaient être saisis. Il en est de même en matière de proxénétisme en raison d'une maladresse de rédaction du texte. Il conviendrait, je le répète, d'harmoniser l'ensemble des dispositions du droit des saisies et de la confiscation.
Mes souhaits ne visant qu'à améliorer les dispositions de ce droit, je tiens à préciser que le groupe SRC votera pour la proposition de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi présentée par Jean-Luc Warsmann et Guy Geoffroy a pour objectif de priver les délinquants du bénéfice des infractions commises et, dans certains cas, de saisir l'ensemble de leur patrimoine. Elle vise à combler les lacunes du droit pénal afin de lutter plus efficacement contre les trafics et de dissuader leurs auteurs en saisissant leurs biens.
Il est vrai que les articles 54 et 94 du code de procédure pénale permettant la saisie ne concernent que les biens mobiliers utiles à la manifestation de la vérité, c'est-à-dire les pièces à conviction. L'article 97, relatif aux objets placés sous main de justice en cas d'ouverture d'une information judiciaire, ne vise, quant à lui, que les seuls biens utiles à l'enquête et n'organise pas de procédure spécifique de saisie pénale. En l'état actuel du droit la saisie immobilière et patrimoniale est donc particulièrement compliquée en matière pénale.
Pour pallier ces manques, le texte nous propose, dans un premier temps, d'étendre le champ des biens susceptibles d'être saisis dès le stade de l'enquête et de l'instruction, en développant les possibilités de saisie patrimoniale. Cette disposition vise à empêcher la dissipation des actifs et à rendre effectives les peines de confiscation pouvant être ordonnées au moment du jugement.
Il propose également de créer une procédure de saisie pénale applicable aux biens immeubles, aux biens incorporels ainsi qu'aux saisies sans dépossession, plus adaptée au cadre pénal que les procédures de nature civile.
Enfin, la proposition de loi tend à améliorer la gestion des biens saisis et les conditions d'exécution des confiscations.
Le texte de la commission, dans un article additionnel après l'article 3, institue une Agence de gestion des biens saisis et confisqués, avec l'ambition d'éviter le gaspillage de l'argent public ainsi que celui de l'énergie des magistrats.
La commission a ajouté des dispositions visant à favoriser la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation et à transposer la décision cadre du 6 octobre 2006 sur l'exécution des décisions de confiscation dans l'Union européenne.
Ces propositions nous satisfont et nous les approuvons. Elles entendent donner sens au proverbe populaire « bien mal acquis ne profite jamais ». On ne saurait, en effet, accepter que les délinquants puissent tirer bénéfice d'une possession obtenue illégalement et il appartient au législateur de donner à la justice les moyens de l'en empêcher.
Cela dit, il n'a échappé à personne que cette proposition de loi s'inscrit dans un contexte général qui réprime sévèrement la petite délinquance mais se montre bien plus indulgente envers la délinquance en col blanc. Les peines de prison ferme frappant les délinquants des affaires sont, en effet, rarissimes en France, alors que la criminalité économique et financière prospère. Si le populisme pénal se satisfait facilement de la tolérance zéro appliquée à la délinquance de droit commun, il est moins regardant en matière de délinquance économique et financière.
Comme si le vieil adage cité plus haut – bien mal acquis ne profite jamais – devait être complété par tout dépend par qui ce bien a été mal acquis !
Les propos du Président de la République au cours de l'université d'été du MEDEF de 2007 ne laissent aucun doute à ce sujet : « La pénalisation de notre droit des affaires est une grave erreur. [...] Comment comprendre que, dans les cas qui ne mettent en cause que des intérêts privés » – excusez le peu ! – « et pécuniaires, il puisse encore être fait recours au droit pénal ? »
Comme si des affaires mettant en jeu des sommes souvent considérables, toujours au détriment de la société, n'étaient guère plus graves que le vol d'un scooter.
On se souvient que le Président de la République avait alors soulevé les applaudissements d'un parterre de chefs d'entreprise conduits par Laurence Parisot, présidente du MEDEF, en répondant favorablement à plusieurs de leurs demandes majeures, demandes qui ont été à l'origine de la mise en place par Mme la garde des sceaux de la commission Coulon sur la dépénalisation du droit des affaires. Les propositions de cette commission sont effarantes en ce sens qu'elles entendent créer des procédures d'exception au profit de la délinquance économique et financière :
Allégement de la répression de la récidive des personnes morales alors que, dans le même temps, celle des délinquants récidivistes de droit commun est alourdie.
Création d'un tribunal d'exception pour statuer en matière d'infractions boursières, composé de deux assesseurs supplémentaires désignés par arrêté conjoint des ministres de l'économie et des finances et de la justice, ce qui permet au Gouvernement de composer directement les juridictions statuant sur les enjeux financiers majeurs.
Homologation par le parquet, qui dépend hiérarchiquement du garde des sceaux, des transactions proposées par le conseil de la concurrence.
Développement, au bénéfice des personnes morales, des procédures de jugement en catimini par le plaider coupable ou la composition pénale, empêchant tout véritable débat public et contradictoire.
Le plus préoccupant reste la proposition de modification des règles de prescription pour les délits, comme l'abus de biens sociaux, modification qui a pour but d'interdire toute action pénale lorsque se révèlent tardivement les conséquences gravement dommageables d'infractions facilement dissimulables.
Pourtant, le pénal financier agit comme le dernier garde-fou. La justice n'intervient qu'en bout de chaîne, quand les autres verrous n'ont pas fonctionné. Cette menace est d'autant plus efficace que les nantis, insérés socialement, à la différence des petits délinquants, craignent plus que tout leur mise en cause publique. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que les effectifs des brigades financières de la police judiciaire aient été affaiblis, ni que l'administration, en matière de lutte contre la fraude fiscale, ait été désarmée.
Pourtant, les dégâts issus de la fraude fiscale sont considérables et fort préjudiciables aux finances de notre pays. On estime qu'elle représente une perte de recettes pour la France de 35 à 50 milliards d'euros par an, soit l'équivalent du déficit du budget avant la crise.
De manière plus globale, le Président de la République s'est toujours refusé à traiter la délinquance financière comme une délinquance à part entière, alors qu'elle porte un préjudice considérable à la vie économique du pays, par les fonds détournés, et est contraire à la morale.
C'est ainsi que, comme nous en informait Le Monde dans son édition du 24 mai dernier, le nombre de dossiers confiés par le procureur à des juges d'instruction est brutalement et étrangement passé, entre 2007 et 2008, de 467 à 251 pour l'ensemble des affaires, y compris celles concernant la santé publique et la délinquance astucieuse. Doit-on rappeler que les juges ne peuvent s'autosaisir ? Comme le note M. Van Ruymbeke, « la réforme de la suppression du juge d'instruction a été largement anticipée ».
La chute se révèle, en effet, vertigineuse pour les délits financiers les plus complexes : 21 informations judiciaires ont été ouvertes en 2008, contre 101 en 2006, au pôle financier du tribunal de Paris. Depuis le début de l'année 2009, le procureur de Paris n'a ouvert que six informations.
Les quatorze juges de la section économique et financière savent que leurs jours sont comptés, et l'on peut, avec les plus anciens, regretter la fin d'une époque, celle des grandes affaires politico-financières. C'est pourquoi, d'ailleurs, les magistrats de ce pôle se vivent comme un foyer de résistance contre la suppression du juge d'instruction, ainsi que l'a déclaré l'un d'entre eux.
Voilà, mes chers collègues, ce qui nous préoccupe et nous inquiète.
Le bien mal acquis ne doit profiter à personne, ni aux délinquants des cités, stigmatisés avec force détails, ce qui ne les excuse pas, ni aux délinquants en col blanc, aux délinquants économiques et financiers. Ces derniers sont peut-être plus présentables. Pour autant, méritent-ils autant d'égards ?
Je souhaite, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, que vos réponses viennent apaiser mes inquiétudes et éclairent, demain, le juge quant à la véritable intention du législateur.
Mon vote dépendra de la teneur de vos clarifications. Je confirme nettement mon soutien à l'ensemble des propositions contenues dans ce texte. Il sera adopté, et je m'en réjouirai…
… je pourrai m'abstenir pour exprimer cette préoccupation si les clarifications ne sont pas suffisantes.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Les articles 1er et 2 ne font l'objet d'aucun amendement.
(Les articles 1er et 2, successivement mis aux voix sont adoptés.)
(L'article 2 est adopté.)
Sur l'article 3, je suis saisi de l'amendement n° 1 .
La parole est à M. le rapporteur.
Je serai bref sur les autres amendements, mais, en défendant celui-ci, je vais m'efforcer de répondre aux interrogations formulées et, je l'espère, d'apaiser les inquiétudes.
Je tiens tout d'abord à rappeler, bien que cela n'ait échappé à personne, que l'examen de ce texte se fait dans le cadre de la nouvelle procédure législative. Ainsi les amendements adoptés en commission ont été intégrés au texte. Ils ne viennent donc plus en discussion, sauf, bien sûr, si de nouveaux amendements tendaient à revenir sur ces dispositions.
Je le précise aussi pour expliquer les conditions dans lesquelles ce texte a été élaboré et a évolué. On pourrait en effet se demander pourquoi le rapporteur a présenté en commission nombre d'amendements qu'il aurait pu inclure dans la proposition de loi initiale et pourquoi, de surcroît, il en a présenté de nouveaux dans le cadre de la réunion tenu par la commission en application de l'article 88.
Les amendements déposés en commission sont le fruit de toutes les auditions dont j'ai déjà fait état, celles en particulier des nombreux usagers professionnels des textes en vigueur, dans l'attente des nouveaux. Quant à ceux que nous avons présentés lors de la réunion qui a eu lieu tout à l'heure, ils visent pour l'essentiel à répondre à des interrogations très légitimes qui avaient été formulées.
Cela me permet de répondre à la fois à l'orateur du groupe SRC et à celui du groupe GDR.
À partir du moment où l'infraction commise, en particulier l'infraction fiscale, est de nature à relever d'une incrimination pénale et à partir du moment où le quantum de la peine susceptible d'être infligée du fait de l'importance de l'infraction est connu, nous sommes intégralement dans le champ visé par la présente proposition de loi. Il n'est donc pas fait de différence entre des infractions pénales dures en quelque sorte, qui seraient concernées par le texte, et des infractions pénales d'une autre nature M. Vaxès a parlé de l'infraction en col blanc qui ne le seraient pas. À partir du moment où l'incrimination permettra de rentrer dans le cadre d'une saisie puis d'une confiscation, elle-même relevant du cadre législatif nouveau tel qu'il est proposé dans ce texte, vous aurez une réponse positive et la justice pourra s'appliquer avec toute la rigueur nécessaire, en tenant compte, bien sûr, de l'indépendance de la magistrature.
J'espère avoir répondu à vos interrogations et à vos inquiétudes. C'est incontestable et je ne crois pas qu'il y ait grand doute.
L'amendement n° 1 va me permettre également de répondre à une interrogation de Dominique Raimbourg et de donner le sentiment qui est le nôtre, à Jean-Luc Warsmann et à moi-même ainsi que, je l'espère, à toute cette assemblée, sur l'agence de gestion.
Si nous avons décidé de clarifier les choses entre la future agence et le service des domaines, c'est parce que ce dernier le désire vivement, mais un tel souhait n'aura de portée, et je me tourne vers le Gouvernement, que si, dans les faits, l'agence est rapidement créée.
Nous courions deux risques.
Nous aurions d'abord pu décider de mettre en place ces dispositions sans nous préoccuper de la gestion des biens ; nous aurions alors fait chou blanc.
Nous aurions pu aussi laisser au Gouvernement le soin de créer l'agence dans une phase ultérieure, en indiquant seulement que tel était notre souhait, mais cela aurait retardé leur application.
Je crois que nous avons échappé à ces deux risques, grâce à l'accord du Gouvernement, que, je dois le dire, nous n'espérions pas aussi clair, aussi global et aussi rapide.
Puisque l'essentiel a été fait, c'est-à-dire la création de l'agence dans ce texte, je suis tenté de demander au Gouvernement qu'il soit appliqué rapidement, ce qui répondrait aux interrogations légitimes de Dominique Raimbourg. Je ne suis pas inquiet et je suis persuadé que le Gouvernement, en étant favorable à l'amendement n° 1 , apaisera les restes éventuels d'inquiétude que nous pourrions avoir.
Je crois que le Gouvernement va accéder au désir du rapporteur et des parlementaires qui se sont exprimés.
Le Gouvernement, je le dis très clairement, prendra toutes les dispositions pour que l'agence soit très rapidement effective.
Si nous souscrivons à la proposition faite par le rapporteur, c'est tout simplement parce que c'est un facteur de plus grande efficacité. Il était prévu, initialement, deux services compétents, sans critères précis pour saisir l'un plutôt que l'autre, ce qui aurait créé de la confusion. Cela dit, l'agence pourra faire appel à tout service utile, y compris les domaines, lorsque sa mission le nécessitera.
J'en profite pour répéter ici publiquement, monsieur Vaxès, que ce texte s'appliquera bien à l'ensemble des crimes et délits indistinctement, y compris aux infractions économiques et financières. Je retiens surtout de votre intervention votre intention d'élargir les possibilités d'infliger des sanctions patrimoniales. C'est également celle du Gouvernement, et tel est bien l'objet du texte.
Sur la fraude fiscale, je souhaitais simplement que l'on réfléchisse ultérieurement parce que ce n'est sans doute pas possible dans ce texte à la possibilité de l'inscrire, en l'absence de tout blanchiment, dans la criminalité organisée afin que la confiscation porte sur l'intégralité des biens du fraudeur, y compris ceux qui n'ont rien à voir avec l'infraction.
Par ailleurs, je craignais simplement que le fait de retirer la compétence aux domaines ne crée un vide juridique pendant la période d'installation de l'agence. Si vous m'indiquez qu'il sera possible de la leur confier pendant cette période, mes craintes seront dissipées.
La parole est à M. Michel Vaxès, qui souhaite une précision supplémentaire.
Monsieur le président, je souhaite m'assurer que j'ai bien compris.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de l'importante précision que vous avez apportée. En effet la fraude fiscale n'est pas toute la délinquance économique et financière, et vous avez bien souligné que non seulement la fraude fiscale mais aussi l'ensemble de la délinquance économique et financière étaient concernées par ce texte.
Je vous le confirme.
Voilà qui est de nature à me rassurer.
Cette précision éclairera le juge au moment opportun et elle incitera probablement aussi le parquet à inviter le juge d'instruction – aussi longtemps que ce dernier existera, et j'espère qu'il continuera d'exister afin de maintenir l'originalité et la force de notre système juridique – à porter ces affaires devant les juridictions adaptées.
Nous en arrivons à l'article 3 bis sur lequel je suis saisi de l'amendement n° 2 .
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objectif de répondre concrètement à une très légitime interrogation formulée par M. Vidalies lors de la réunion de la commission, concernant les avocats.
Il nous a semblé indispensable que le caractère spécifique du secret professionnel de l'avocat, d'ailleurs réaffirmé par le Conseil d'État le 10 avril 2008, soit explicitement inscrit dans ce texte.
(L'amendement n° 2 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Cet amendement vise à prévoir la subrogation de l'État dans les droits des victimes sur l'auteur de l'infraction, dès lors que ces victimes auront été indemnisées par une assurance. Il s'agit d'éviter que l'État soit lésé par les procédures.
Favorable. Cet amendement semble un complément indispensable à l'amendement du Gouvernement adopté par la commission. Il serait en effet amoral que l'État paye pour le délinquant.
(L'amendement n° 3 est adopté.)
(L'article 3 bis, amendé, est adopté.)
Les articles 4 et 5 ne sont l'objet d'aucun amendement.
(Les article 4 et 5, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Aucun amendement n'a été déposé sur ces articles.
(Les articles 8, 9, 10 et 10 bis, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Il s'agit de faire en sorte que les modalités suivies pour la vente des biens confisqués soient la même que les décisions de confiscation aient été prononcées par des juridictions françaises ou étrangères. L'amendement n° 7 propose ainsi de simplifier la rédaction des articles transposant la décision-cadre.
Quant aux amendements nos 8 et 9 , ils sont de coordination.
La discussion générale a montré l'intérêt qu'il y avait, y compris sur le présent texte, de donner une dimension européenne aux dispositions que nous proposons.
(Les amendements nos 7 , 8 et 9 , acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L'article 10 ter, amendé, est adopté.)
Ces articles ne font l'objet d'aucun amendement.
(Les articles 10 quater, 10 quinquies, 11 et 12, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je remercie l'ensemble des députés présents pour cette belle unanimité. C'est un message fort adressé aux délinquants : le crime ne paie plus ! C'est également un message fort en direction des professionnels, pour lesquels nous créons un outil mieux adapté et auxquels nous donnons de nouveaux moyens.
Je remercie tout particulièrement le président et le rapporteur de la commission des lois. Il s'agissait d'un travail extrêmement technique, qui a été excellemment mené. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Prochaine séance, lundi 8 juin à seize heures :
Discussion du projet de loi de programmation militaire pour les années 2009-2014.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma