La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du Règlement, de huit projets de loi autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux (nos 3520, 4091 ; 3521, 4171 ; 3261, 4172 ; 3390, 4173 ; 3709, 4175 ; 3710, 4176 ; 3316, 4177 ; 4304, 4219).
Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix, en application de l'article 106 du règlement.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire.
La parole est à M. Édouard Courtial, secrétaire d'État chargé des Français de l'étranger.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, au milieu des années quatre-vingt-dix, la France a défini une politique ambitieuse à l'égard de l'Asie, « nouvelle frontière de sa politique étrangère ».
Il s'agissait pour notre pays d'être en mesure de répondre aux enjeux de l'émergence asiatique, en termes économiques bien sûr, mais également politiques et de sécurité.
Pour cela, notre pays s'est engagé dans trois directions : le soutien au renforcement de l'État de droit et à l'émergence de sociétés civiles pluralistes ; la contribution à la sécurité régionale ; enfin, la conclusion de partenariats stratégiques, qui fournissent le cadre de coopérations renforcées dans des domaines touchant aux intérêts nationaux, avec des acteurs avec lesquels nous souhaitons développer une vision commune du monde.
L'Inde fait partie de ces partenaires stratégiques, avec le Japon, la Chine, la Corée du Sud et, depuis peu, l'Australie et l'Indonésie.
Le partenariat stratégique franco-indien a été noué en 1998. Il comporte trois volets : celui de la sécurité et de la défense, récemment marqué par l'annonce de la sélection du Rafale pour le programme d'acquisition par l'armée de l'air indienne de 126 avions de combat multi-rôles de dernière génération ; celui de l'espace ; celui, enfin, de l'énergie nucléaire civile.
Le 30 septembre 2008, la France a signé avec l'Inde un accord de coopération nucléaire civile. Cet accord répond à une préoccupation prioritaire de l'Inde qui doit, si elle souhaite maintenir son rythme de croissance – de l'ordre de 9 % par an –, augmenter le niveau de sa production énergétique et qui a fait, dans ce but, le choix du nucléaire pour satisfaire une partie de ses besoins.
Elle compte, pour cela, sur l'aide de plusieurs partenaires, comme la France, premier pays à signer avec l'Inde un accord après que le groupe des fournisseurs nucléaires a décidé de répondre aux engagements indiens en matière de non-prolifération en autorisant des coopérations nucléaires avec ce pays. Depuis, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie et le Canada ont fait de même.
Cet accord, entré en vigueur en janvier 2010, fixe le cadre de notre coopération avec l'Inde et prévoit que les parties coopèrent dans le domaine de l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques et non explosives.
La coopération envisagée peut se développer dans des directions multiples : dialogue et coopération en matière de sûreté nucléaire, programmes conjoints de recherche et de développement, transfert de technologies, d'équipements et de matières nucléaires, construction en Inde de réacteurs nucléaires, formation de personnel, échanges d'informations scientifiques et techniques, etc. Vous le voyez, notre coopération ne se réduit pas à la fourniture d'EPR à l'Inde, comme certains le prétendent.
Pour la mise en oeuvre de l'accord cadre de 2008, des accords spécifiques doivent être conclus entre nos deux pays pour régler des questions essentielles. C'est le cas de l'accord soumis aujourd'hui à votre approbation, qui définit les règles applicables en matière de propriété intellectuelle. Il pose les grands principes de la protection, de la répartition et de l'utilisation de la propriété intellectuelle entre les acteurs indiens et français du secteur nucléaire et protège ainsi les droits de propriété intellectuelle des opérateurs français intervenant en Inde.
Plus spécifiquement, il fallait surmonter les obstacles de la loi indienne en matière de propriété intellectuelle dans le domaine nucléaire. En effet, la loi indienne, au regard de la combinaison de la section 20 de l'Atomic Energy Act de 1962 et du chapitre II, section IV, de l'Indian Patent Act de 1970, interdit la délivrance en Inde de brevets portant sur l'énergie nucléaire. En outre, l'obtention préalable de l'accord du Gouvernement fédéral est requise pour pouvoir déposer à l'étranger les résultats issus de recherches effectuées en Inde en matière nucléaire, obligation précisée section 20-5 de l'Atomic Energy Act.
Au terme d'un processus de négociation entamé en septembre 2009, nous avons obtenu l'engagement a priori du Gouvernement indien qu'il ne s'opposerait pas à la protection à l'étranger des résultats de recherches issus d'une coopération franco-indienne.
L'accord a été signé le 6 décembre 2010, à New Delhi, lors de la visite en Inde du Président de la République.
Les principales dispositions de l'accord sont les suivantes.
L'article 1er définit les principales notions : propriété intellectuelle, accord d'application, participant, résultats communs – qui sont le fruit de la coopération –, connaissances propres – antérieures à cette coopération –, exploitation.
L'article 2 rappelle l'importance de principe d'assurer une protection adéquate de la propriété intellectuelle et pose l'engagement a priori du Gouvernement indien de ne pas s'opposer à la protection des résultats communs dans les pays autorisant la protection.
L'article 3 prévoit les modalités d'utilisation des connaissances propres antérieures à la coopération, dont chaque participant reste propriétaire et dont il peut conférer l'utilisation à l'autre dans le cadre de la coopération.
L'article 4 rappelle l'importance de prévoir une protection des données confidentielles. Cet article fait d'ailleurs écho au deuxième considérant de l'accord, qui se réfère à son tour à l'accord signé le même jour sur la protection des données confidentielles.
L'article 5 encadre l'utilisation publique des connaissances propres préexistantes ou issues de la coopération, qui doit faire l'objet d'un accord préalable entre les parties et tenir compte des contraintes liées à l'obtention de la protection par brevet. En d'autres termes, la divulgation au public ne doit pas intervenir avant le dépôt d'une demande de brevet, au risque que l'invention ne soit plus considérée comme nouvelle.
Enfin, les articles 6 et 7 de l'accord fixent les grandes lignes de la protection, de la répartition et de l'utilisation des fruits de la coopération, ou résultats communs.
Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord franco-indien relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Claude Birraux, suppléant M. Éric Woerth, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie de bien d'excuser l'absence du rapporteur. Il faut reconnaître qu'il était difficile de prévoir qu'une opposition à l'examen de ce projet de loi en procédure simplifiée se manifesterait, dans la mesure où l'accord dont il est question découle directement de l'accord de coopération franco-indien pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, dont nous avons autorisé l'approbation à la fin de l'année 2009. J'étais d'ailleurs le rapporteur de ce projet de loi.
La discussion du projet de loi visant à autoriser l'approbation de cet accord relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire a néanmoins le mérite de nous donner l'occasion de parler de la coopération franco-indienne dans le domaine du nucléaire, qui est déjà dense et prometteuse.
Pour plus de détails, sur cette coopération et sur les relations franco-indiennes en général, je ne peux que vous renvoyer au rapport d'information que viennent de présenter, au nom de la commission des affaires étrangères, Éric Woerth, justement, et Paul Giacobbi. Son titre, « L'Inde, partenaire incontournable pour la France », résume très bien la conclusion de leurs travaux.
Le nucléaire civil occupe une place particulière dans les relations entre nos deux pays, puisqu'il constitue l'un de volets du partenariat stratégique franco-indien lancé à la fin des années 1990, comme l'a rappelé M. le secrétaire d'État, les deux autres étant l'espace, d'une part, la défense et la sécurité, d'autre part – ce dernier volet ayant tout récemment conduit à la décision indienne d'acquérir 126 avions Rafale. La France et l'Inde ont perçu, dès les années 1960, l'intérêt d'une coopération dans ce domaine, mais les restrictions qui ont touché l'Inde à la suite de son essai nucléaire dit « pacifique » de 1974 et de son refus persistant de signer le traité de non-prolifération ont limité cette collaboration.
Pour faire face à l'explosion de ses besoins énergétiques, à la fois corollaire et condition de sa croissance économique, l'Inde a pourtant besoin d'augmenter rapidement sa capacité de production d'énergie. Elle a décidé que le nucléaire devait occuper une place accrue dans son mix énergétique. Actuellement, il assure 3 % de sa production énergétique, le gouvernement de New Delhi souhaite porter cette part à 20 % d'ici à la fin de la décennie, pour une production énergétique qui devrait plus que doubler.
L'Inde a certes développé son propre programme nucléaire, à partir d'un réacteur particulièrement proliférant d'origine canadienne utilisant de l'uranium naturel, mais elle a choisi de se tourner vers des partenaires extérieurs pour accélérer le développement de son parc nucléaire et bénéficier de transferts de technologies, d'autant que le réacteur en question est particulièrement proliférant. Ces transferts, jusque-là interdits, ont été autorisés par le Groupe des fournisseurs nucléaires le 10 septembre 2008, notamment grâce à l'appui des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France, qui ont défendu la demande indienne d'une dérogation.
Depuis lors, les principaux pays disposant d'une expertise reconnue en matière de nucléaire civil ont conclu avec l'Inde un accord de coopération dans ce domaine. La France a été la première à signer un tel accord-cadre, le 30 septembre 2008. Celui-ci prévoyait la conclusion d'accords particuliers pour régler certaines questions.
L'accord qui est l'objet du présent projet de loi est l'un d'eux. Il pose les règles de répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire, ces accords devant être conclus par les organismes de recherche des deux États amenés à faire des travaux en commun.
Si les stipulations de l'accord sont directement inspirées de règles classiques de répartition de la propriété intellectuelle, c'est la négociation d'un tel accord qui est exceptionnelle. En effet, la France coopère avec de nombreux pays dans le domaine du nucléaire civil, et un article des accords-cadres qu'elle a conclus avec chacun d'eux suffit à régler cette question. Notre pays a choisi de négocier un accord spécifique avec l'Inde à cause de la conception particulière qu'a cette dernière de l'application du droit de la propriété intellectuelle à ce champ de recherches.
Bien que partie, comme la France, aux accords multilatéraux relatifs à la protection de la propriété intellectuelle, l'Inde en a une interprétation qui conduit à exclure les inventions du nucléaire civil du champ de la brevetabilité. Bien que le nucléaire civil ne fasse pas partie des exceptions à la règle selon laquelle les inventions répondant à certaines conditions sont brevetables, New Delhi utilise les exceptions concernant la sécurité dont bénéficient les inventions touchant les matières nucléaires ou fissibles pour justifier l'interdiction de la délivrance de brevets sur l'énergie nucléaire.
La législation indienne exclut ainsi de la brevetabilité en Inde tout ce qui a trait à l'énergie nucléaire, et impose l'obtention préalable de l'autorisation du gouvernement fédéral pour pouvoir déposer à l'étranger les résultats issus des recherches effectués en Inde en matière nucléaire.
Ces règles, qui ont été durcies en 2005 pour répondre au refus de levée de l'embargo international sur certaines matières, sont évidemment pénalisantes pour les organismes étrangers susceptibles de coopérer avec leurs homologues indiens. Ainsi, un accord-cadre de coopération a été signé entre le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives et le Département de l'énergie atomique indien en décembre 2010, mais son entrée en vigueur est subordonnée à celui de l'accord sur la propriété intellectuelle.
Des actions de coopération sont d'ores et déjà menées entre structures françaises et indiennes, mais exclusivement sur des thèmes qui ne sont pas susceptibles de conduire à la production de propriété intellectuelle.
C'est le dernier alinéa de l'article 2 de l'accord signé le 6 décembre 2010 qui apporte une solution satisfaisante à ce problème. Les parties s'y engagent, en effet, à ne pas s'opposer à la recherche, par les participants, d'une protection des résultats dans les États autorisant une telle protection. Concrètement, l'État indien s'engage ainsi à ne pas s'opposer à la protection à l'étranger – en France ou ailleurs, mais pas en Inde – des résultats de recherches issus d'une coopération franco-indienne. Cette stipulation permettra ainsi de vider de sa substance l'obligation d'autorisation préalable de l'État posée par la loi indienne : l'autorisation devra être demandée, mais l'État indien s'engage par avance à l'accorder.
Concrètement, le CEA par exemple pourra déposer un brevet en France sur le fruit des recherches qu'il aura menées en coopération avec l'Inde dans le cadre de son accord-cadre conclu avec le DAE, sous réserve de l'accord de ce dernier dans la mesure où il s'agira de résultats communs. Pour donner à l'organisme français le temps de mener à bien cette procédure, l'article 5 de l'accord prévoit que l'un des participants peut demander à l'autre de reporter la divulgation publique de certaines informations, pendant un délai raisonnable nécessaire à l'obtention de la protection des droits de propriété intellectuelle.
Les autres stipulations de l'accord sont classiques. Elles reposent sur la distinction entre les connaissances propres, c'est-à-dire les informations ou technologies détenues ou acquises antérieurement à l'entrée en vigueur de l'accord-cadre ou des accords d'application ou résultant de recherches indépendantes de celles menées dans le cadre de ces accords, et les résultats communs qui sont ceux issus d'un accord d'application. Les premiers restent la propriété de la partie qui les détient au départ de la coopération, mais l'accord fixe les règles selon lesquelles elles peuvent être partagées avec le partenaire, notamment les conditions financières de ce partage. Pour ce qui est des résultats communs, l'accord fixe les grandes lignes de leur protection, leur répartition et leur utilisation, dont il renvoie le détail à un règlement de copropriété qui devra être élaboré par les parties.
Il est vrai que cet accord ne règle pas toutes les difficultés que rencontre la coopération franco-indienne dans le domaine du nucléaire. En particulier, les nouvelles règles indiennes en matière de responsabilité nucléaire civile gênent non seulement les industriels mais aussi les organismes de recherche qui vont continuer à ne pas travailler sur l'uranium pour éviter tout risque de mise en cause de leur responsabilité dans un cadre juridique où elle ne serait pas suffisamment limitée.
Néanmoins, l'entrée en vigueur de cet accord, que l'Inde a déjà ratifié, est très attendue par les acteurs français du nucléaire civil car elle permettra d'ouvrir une nouvelle étape de la coopération franco-indienne en facilitant le dépôt de brevets hors d'Inde sur les inventions à venir. Les stipulations de l'accord serviront en outre de cadre à la conclusion d'accords d'application entre les organismes de recherches sur les différents programmes de travaux communs.
La commission des affaires étrangères s'est prononcée en faveur de l'adoption du présent projet de loi, et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même. L'Inde est un partenaire incontournable, et ce n'est pas M. Giacobbi qui le démentira. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
L'Inde est impliquée dans la recherche nucléaire et dans la physique fondamentale depuis très longtemps. Je vous signale que c'est le physicien indien Bose, remarquable professeur à l'université de Calcutta, qui a découvert la particule élémentaire le boson, qui porte son nom, et le condensat de Bose-Einstein qui en a résulté. La France était anciennement liée à la recherche nucléaire indienne, le professeur Homi Jehangir Bhabba ayant été malheureusement tué en 1961, lorsque son avion s'était écrasé sur le Mont-Blanc.
L'examen de ce texte est l'occasion de rappeler deux particularités de l'Union indienne dans l'ensemble du droit, par rapport au nucléaire mais aussi aux brevets.
S'agissant des brevets, vous le savez la législation de l'Union indienne est un peu particulière. En matière de médicaments génériques, l'industrie pharmaceutique indienne s'est longtemps développée sous le couvert du non-respect des accords internationaux. Elle évolue toutefois puisqu'elle tend désormais à reconnaître le système de copyright.
S'agissant du nucléaire, l'Inde n'est pas signataire du traité de non-prolifération, comme l'a rappelé M. Birraux. Un certain nombre de puissances occidentales mais aussi la Chine, ont accepté le fait que, nonobstant la non-signature du traité de non-prolifération, il est possible de coopérer dans le champ civil avec l'Union indienne en faisant le distinguo entre le domaine qui induit une utilisation militaire et celui qui ne l'induit pas. Ces questions sont extrêmement complexes, surtout lorsque l'on sait que le pays dispose de centrales nucléaires à eau lourde qui, si mon souvenir est bon, ont un caractère relativement proliférant, en tout cas ont un produit fatal en termes de plutonium. Mais je n'entrerai pas dans le détail.
Tout ceci fonctionne donc, est la France y est intéressée puisque, comme vous le savez, il y a un memorandum of understanding relatif à l'éventuelle acquisition de deux, voire six réacteurs de type EPR sur le site de Jaitapur, au Maharashtra, ce qui est fondamental pour notre industrie d'exportation mais aussi pour l'Union indienne où la production d'électricité est, c'est notoire, de très mauvaise qualité et structurellement insuffisante. New Delhi et Mumbai, par exemple sont régulièrement privées d'électricité et des pannes peuvent affecter pendant des jours entiers des grandes villes, donc des millions d'habitants.
Dans ce contexte, nous avons ici un accord relativement pragmatique qui essaie d'apporter une solution afin de respecter ce que fait l'Inde dans le domaine des brevets tout en permettant de coopérer. Au passage, je signale que la recherche scientifique commune entre l'Inde et la France est considérable, indépendamment même du domaine nucléaire.
Par conséquent, on ne peut qu'approuver l'accord qui nous est soumis, car il nous permettra d'avancer même s'il ne règle pas, dans notre coopération avec l'Inde sur le plan nucléaire, deux questions fondamentales qui perdurent et qu'il ne faut pas éluder.
Premièrement, il faut coopérer tout en restant dans le secteur sur lequel on a le droit de coopérer. C'est une question politique difficile sur laquelle je ne m'étendrai pas en public.
La seconde question, c'est celle de la responsabilité. Vous le savez, l'Union indienne a été victime, il y a un certain nombre d'années, de la catastrophe chimique de Bhopal. La grande compagnie Union Carbide, pour ne pas la citer, s'était rendue responsable, à travers une filiale locale, d'un accident affreux dont on sait qu'il a laissé des séquelles considérables.
En réalité, Union Carbide, en tant que personne morale, n'était pas directement impliquée, mais on avait affaire à une filiale locale plus ou moins déconnectée de la maison mère, ce qui a rendu très difficiles les poursuites en responsabilité. D'où une législation spécifique à l'Inde qui, en dépit de ce qui est généralement organisé en matière nucléaire, considère qu'une entreprise peut être mise en cause dans une responsabilité illimitée dès lors qu'elle serait sur le territoire de l'Union indienne concepteur ou fournisseur d'une principale alimentation d'une autre entreprise locale.
Dans le cas du nucléaire, cela signifie que l'entreprise qui aura conçu un réacteur nucléaire ou celle qui aura fourni le combustible nécessaire à ce réacteur nucléaire, encourra une responsabilité illimitée face à la juridiction indienne – laquelle est très indépendante et très puissante.
Naturellement, le gouvernement français essaie de pallier cette difficulté en tâchant, avec le gouvernement indien, de trouver des voies et moyens juridiques d'échapper, le cas échéant, à cette responsabilité illimitée qui est, bien entendu, complètement « inassurable ».
Le texte lève un obstacle juridique important sur la voie de notre coopération avec l'Inde même s'il ne règle pas tout. Tout est difficile, certes, mais cet accord constitue un pas important.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur suppléant, mes chers collègues, par ses multiples facettes la question qui nous est soumise nous ramène à une actualité chaude – si je puis m'exprimer ainsi alors que le froid règne sur notre pays.
Cette question touche à la définition de notre politique étrangère et, du fait que nous soyons une puissance nucléaire, nous avons une responsabilité particulière, notamment dans une région du monde où ce sujet est des plus sensibles : l'Inde est à quelques heures d'avion de l'Iran.
Cette question touche également aux besoins énergétiques de ce grand pays qu'est l'Inde et s'inscrit dans le cadre d'un large débat national sur l'avenir de la filière nucléaire.
Avant d'aborder la question de la répartition des droits de propriété intellectuelle en matière nucléaire, je souhaite rappeler les raisons qui avaient, à l'époque, justifié l'adhésion du groupe Nouveau Centre à l'accord franco-indien de coopération nucléaire.
La coopération internationale pour l'utilisation à des fins pacifiques de l'énergie nucléaire est un thème qui laisse trop souvent prospérer des incompréhensions, quand ce n'est pas un profond malaise, au sein de l'opinion publique nationale et internationale. C'est un enjeu majeur pour nos pays respectifs, porteur d'autant de chances que de risques que seule la mise en oeuvre d'une régulation rigoureuse peut juguler.
Pourtant, l'entrée en vigueur du traité de non prolifération nucléaire, l'effondrement de l'ex-Union soviétique nous ont conduits à poser autrement le problème de la diffusion pacifique du nucléaire. L'évolution du contexte international a ainsi rendu obsolètes les termes anciens de « dissuasion militaire », justifiant qu'on entoure de garanties négociées l'accès des puissances nouvelles comme l'Inde aux technologies de pointe.
En 2008, la décision du Groupe des fournisseurs nucléaires qui fit suite à l'accord américano-indien a de nouveau ouvert la voie à des coopérations nucléaires avec l'Inde, soumise depuis plusieurs années à un isolement international. Si elle n'a pas adhéré au traité de non prolifération, elle a néanmoins consenti, à cette occasion, un important effort pour se conformer aux principes qui ont inspiré ce traité et pour se plier aux procédures d'inspection internationales.
Puissance émergente – peut-être, d'ailleurs, devrions-nous parler de puissance « émergée » –, pays parmi les plus peuplés au monde, avec plus de un milliard d'habitants, l'Inde connaît une croissance démographique des plus rapides qui s'accompagne d'un exode rural massif. Cette situation implique pour les dirigeants indiens d'être à même de répondre le plus efficacement possible à la démultiplication des besoins énergétiques de leur population, dans un contexte où les hydrocarbures se raréfient et où les perspectives de développement de la filière charbon semblent elles-mêmes des plus limitées.
Face à cette demande énergétique croissante, l'Inde a donc fait le choix de développer son parc d'installations nucléaires civiles et de miser sur la coopération internationale pour développer ses capacités énergétiques.
Par la signature de l'accord-cadre de septembre 2008 qui prévoit notamment le transfert de technologies et d'échange d'informations scientifiques et techniques, elle fait ainsi de la France l'un de ses principaux partenaires en matière de coopération nucléaire à des fins pacifiques, nous confortant ainsi dans l'idée que l'énergie nucléaire est pour notre pays une source d'avenir en matière industrielle et technologique.
Ce faisant, la mise en oeuvre d'un échange sécurisé entre nos deux pays impose que soient respectées les règles de protection de la propriété intellectuelle créée et de la technologie transférée. Or, la position particulière de l'Inde dans ce domaine justifie la conclusion de l'accord soumis à notre examen.
En effet, l'Inde considère les inventions touchant les matières nucléaires ou fissibles comme relevant des exceptions à la règle internationale selon laquelle les inventions dans ce domaine doivent être brevetables. La loi indienne, en cohérence avec cette interprétation, interdit la délivrance en Inde de brevets portant sur l'énergie nucléaire. Par ailleurs, la loi requiert l'obtention préalable de l'autorisation du gouvernement fédéral pour pouvoir déposer à l'étranger les résultats issus des recherches effectuées en Inde en matière nucléaire.
Ces dispositions de la législation indienne constituent un obstacle à la protection de la propriété intellectuelle telle que l'impose la réglementation internationale.
Afin de limiter les conséquences de la position indienne sur les intérêts français, le présent accord a donc pour objectif de poser le principe de la protection adéquate et effective des résultats communs aux deux États. Outre les engagements respectifs des deux pays, l'Inde s'engage par cet accord à ne pas s'opposer à la protection à l'étranger des résultats des recherches issues d'une coopération franco-indienne.
Ce sont là des mesures fondées, respectueuses des intérêts de la France et soucieuses d'un encadrement effectif de la coopération entre nos deux pays, mesures que, par conséquent, le groupe Nouveau Centre approuve.
Néanmoins, je me permettrai d'exprimer quelques réserves quant à l'application de cet accord. Assez imprécis, il risque de créer quelques problèmes dans son application concrète. Il faut ajouter à cela le fait que le gouvernement de la République de l'Inde n'est pas tenu, comme c'est le cas en France, par une procédure parlementaire et est donc, aux termes de l'étude d'impact « dans l'attente de nos instruments ».
Plus largement, il conviendrait d'engager une réflexion sur le traité de non prolifération nucléaire. Rappelons que nous développons une coopération, au même titre que les États-Unis, avec un pays qui n'a pourtant pas adhéré à ce traité. Cela remet en cause les fondements d'un traité destiné, à l'origine, à favoriser les usages pacifiques de l'atome.
Sous ces légères réserves, le groupe Nouveau Centre soutiendra bien évidemment la ratification de cet accord qui favorise le développement d'une coopération franco-indienne déjà amorcée depuis quelques années et qui constituera à n'en pas douter un levier privilégié de l'intensification de notre relation bilatérale.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur suppléant, mes chers collègues, les questions que soulève ce projet de loi de ratification de l'accord France-Inde sur le nucléaire civil sont nombreuses.
La raison d'être de cet accord entre la France et l'Inde, c'est bien évidemment le chantier des deux EPR commandés par l'Inde à AREVA. Monsieur le secrétaire d'État souligne qu'il n'y a pas que cela, mais il y a tout de même cela et même avant tout cela.
Avant toute chose, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche veulent rappeler, après d'autres, que l'Inde n'est pas signataire du traité de non prolifération des armes nucléaires. Il y a peu de temps encore, en 1998, l'Inde – comme la France de Jacques Chirac – effectuait des essais nucléaires.
Les pacifistes que nous sommes s'interrogent : est-il opportun, pour les entreprises françaises dont l'État demeure actionnaire, de signer avec l'Inde des contrats portant sur des transferts de technologie en matière de nucléaire civil ? Chacun sait – on l'affirme bien pour d'autres pays – que le nucléaire civil peut très facilement tendre vers le nucléaire militaire.
Le préalable à ces accords aurait dû être l'exigence de la part de notre pays d'une signature par l'Inde des traités internationaux. À tout le moins, la France aurait pu demander la relance des négociations sur ce sujet. Il n'en a rien été. Le rapporteur nous a rappelé les blocages historiques. Les causes existent toujours, le courage politique a disparu, la soumission aux affairistes est totale.
Quel signal envoyons-nous, à l'heure où l'OTAN menace des pays au nom de la lutte contre les armements nucléaires, si nous transférons nos technologies nucléaires à des pays non signataires du traité de non prolifération ?
Notre question est d'autant plus pressante que la région est instable, pour le dire pudiquement. Le désastre de la guerre en Afghanistan, loin de pacifier la zone, promet une influence accrue du Pakistan sur ce territoire. Or on connaît la nature des relations entre l'Inde et le Pakistan, qui ne sont pas appelées à s'apaiser. Ce contexte exige une prudence qui semble faire défaut dans ce dossier.
Puisque l'Inde a récemment, en 2008, donné des gages de séparation stricte entre ses activités en matière de nucléaire civil et celles concernant le nucléaire militaire, pourquoi ne pas l'avoir invitée à faire un geste supplémentaire ?
Nous retrouvons dans la philosophie de ce texte celle qui aura marqué la politique étrangère de tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy : une realpolitik de bas étage indexée sur la signature de contrats juteux.
C'est le temps de parole qui m'est accordé qui est un peu court, donc je résume : donnez-moi vingt minutes et je développerai mes arguments.
Nous sommes animés d'une autre ambition : l'horizon des communistes, c'est celui du désarmement des nations.
J'en viens au contenu de l'accord que nous examinons. La législation indienne a deux spécificités : elle exige une non brevetabilité à l'étranger des technologies développées sur son territoire, ce qui pose des problèmes de droit de propriété intellectuelle. Elle exige également une responsabilité illimitée des fournisseurs et non des exploitants.
C'est pour contourner ces deux épines dans le pied d'AREVA que nous sommes appelés à autoriser l'approbation de l'accord entre le Gouvernement français et son homologue indien.
Le premier problème, crucial, c'est celui de la répartition des droits de propriété intellectuelle. L'Inde interdit sur son territoire la délivrance de brevets portant sur l'énergie nucléaire. Le fruit des recherches en matière nucléaire est la propriété de l'État indien, qui invoque – à juste titre – des raisons de sécurité. Le but de l'accord est précisément de contourner ce régime pour préserver les intérêts d'AREVA.
Cette modification ne doit pas nous faire perdre de vue que le transfert de technologie, lui, aura bien lieu. Je m'interroge sur l'opportunité d'un tel geste. L'Inde est amenée à connaître nos technologies – dont la qualité est reconnue – et nos processus de fabrication en matière nucléaire. La politique des gros contrats menée par Nicolas Sarkozy nous conduit donc à prendre des risques qui paraissent très importants, peut-être trop.
Ne doit-on pas mieux protéger les résultats de la recherche française ? Peut-on délivrer à des États tiers nos technologies les plus avancées dans de telles conditions ? La question se pose car les EPR constituent les dernières innovations de notre filière nucléaire, à tel point qu'aucun n'est encore en service.
C'est d'ailleurs également le cas des Rafale qui équipent notre armée et dont Dassault est en passe de vendre les plans et les technologies à l'Inde. Tout cela pour seulement 18 avions produits en France sur les 126 prévus. Et dire que Nicolas Sarkozy et François Fillon ont osé se vanter de la signature de ce contrat et qu'ils continuent de parler de la réindustrialisation de la France.
Si la coopération entre les États est un objectif que nous approuvons, le fait de brader nos technologies les plus innovantes pose de lourdes questions.
Autre point important évoqué par l'accord que nous examinons : la question de la responsabilité civile. Je rappelle que le récent rapport de la Cour des comptes sur le coût de la filière nucléaire en France – un rapport datant de janvier 2012 –, souligne le poids financier des régimes d'assurance et la difficulté de déterminer précisément le volume des extensions nécessitées par le vieillissement du matériel ou par un accident.
Il pointe le « manque de transparence » du système assurantiel français, « conduisant à s'interroger sur la capacité du système à couvrir les risques futurs. »
La législation indienne fait reposer la totalité de la responsabilité non sur l'exploitant, l'État indien, mais sur le fournisseur, en l'espèce Areva, autrement dit l'État français. Cette piste semble intéressante, une telle responsabilité illimitée impliquant une exigence d'excellence du constructeur – un accident est si vite arrivé.
Quoi qu'il en soit, l'accord débouchera vraisemblablement sur une édulcoration de la législation indienne. Ici encore, il s'agit de faciliter le chantier en rapprochant le cadre juridique du droit commun dans lequel c'est l'exploitant qui est responsable. La question peut légitimement être posée : à travers Areva, la France sera-t-elle appelée, un jour, à assumer de lourdes et coûteuses responsabilités en cas d'accident sur un EPR ?
Si l'on peut comprendre l'intérêt pour notre industrie d'exporter ses technologies, il faut aussi s'interroger sur le bien-fondé du contrat dont nous discutons. La zone d'implantation des EPR, Jaitapur – que mon collègue Giacobbi connaît sans doute bien –, est particulièrement mal choisie. Le Gouvernement indien a manifestement sous-estimé la résistance de la population locale à ce chantier. Les paysans ne veulent pas vendre leurs terrains malgré la hausse des contreparties proposées par l'État indien.
Les Indiens dénoncent ce projet, appelé à être « le plus grand site nucléaire au monde », d'après les dirigeants indiens, qui se trouve en zone sismique et proche du littoral. La révolte est telle qu'à l'occasion d'une manifestation, en avril dernier, un des manifestants a été assassiné par la police locale et le commissariat mis à sac.
Après la catastrophe de Fukushima, comment peut-on prendre de tels risques ? Difficile de choisir pire territoire, exposé aux séismes et aux tsunamis. Les populations ont besoin d'être rassurées, pas d'être provoquées. Rester sourd à la colère populaire n'est pas une bonne stratégie, ni pour les gouvernements ni pour les entreprises.
Cela a été dit, les besoins de l'Inde en matière d'énergie sont énormes. Pour y répondre, le recours à la coopération internationale est justifié. Le choix de la France présente un avantage par rapport à d'autres pays fournisseurs spécialistes du nucléaire low cost, à bas prix, à bas niveau de sûreté. Mais cet accord France-Inde ne peut pas se faire à n'importe quelle condition. C'est la raison pour laquelle les députés communistes, républicains, citoyens, du parti de gauche ne voteront pas ce texte.
Sur les questions du nucléaire, le Front de Gauche et son candidat, Jean-Luc Mélenchon, sont les seuls à proposer que le peuple puisse se prononcer par référendum, afin de conserver une totale souveraineté sur cette technologie à grands enjeux.
La parole est à M. Alain Cousin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur suppléant, mes chers collègues, le 24 novembre 2009, après un débat demandé par le bureau de la commission des affaires étrangères, l'Assemblée nationale adoptait l'accord entre la France et l'Inde sur l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Cet accord, nous le disions à l'époque, était important à plus d'un titre. En premier lieu, il concerne l'Inde, immense pays dans tous les sens du terme, avec lequel la France a mis en place, depuis maintenant de nombreuses années, un partenariat stratégique. En second lieu, il concerne le développement d'une énergie, l'énergie nucléaire, secteur dans lequel notre pays est un des leaders mondiaux incontestés, grâce à nos ingénieurs et ouvriers, monsieur Lecoq. Nos intérêts économiques et commerciaux sont donc tout particulièrement concernés par la ratification cet accord.
Nous le savons, cet accord de 2008 résulte d'un long cheminement de l'Inde. Il prend une dimension toute particulière à l'heure où la communauté internationale poursuit des négociations difficiles avec l'Iran, pays suspecté d'abriter, derrière le développement de son parc électronucléaire civil, un développement de l'atome à des fins militaires.
Par ailleurs, la vocation militaire du nucléaire nord-coréen n'est plus à démontrer depuis des années, hélas !
Paradoxalement, la puissance indienne a fait le contraire puisqu'elle a procédé dès 1974 à un premier essai nucléaire, issu d'un programme entamé sur des bases civiles dès l'indépendance du pays, avec l'aide des États-Unis et du Canada. Elle ne s'est réellement lancée dans un programme militaire que lorsque la Chine a atteint, en 1964, le statut de puissance nucléaire. Ses derniers essais remontent à 1998. Ce premier essai de 1974 lui vaut d'être exclue du Traité de non-prolifération que le Premier ministre Indira Ghandi avait refusé de signer dès 1969.
C'est d'ailleurs en 1974, à la suite de cet essai, que s'est créé le Groupe des fournisseurs nucléaires, qui regroupe aujourd'hui quarante-sept pays. L'objectif de ce groupe est de mettre en place un régime commun sur les transferts des biens et technologies nucléaires. En 1992, le GNF a adopté une règle générale selon laquelle aucune exportation de technologie nucléaire n'interviendrait en faveur d'États n'ayant pas accepté les garanties généralisées de l'AIEA, c'est-à-dire le placement de la totalité de leur programme nucléaire sous son contrôle.
Avec les rapprochements diplomatiques opérés entre l'Inde et les États-Unis et d'autres pays occidentaux, dont la France, la nécessité de faire évoluer le cadre de la coopération s'est fait sentir dès le milieu des années 2000.
En 2006, le Parlement indien vote un plan de séparation entre les activités nucléaires militaires et civiles, les activités civiles étant désormais soumises aux garanties de l'AIEA. Aux vues de ces nouvelles garanties – inspections des installations, mise sous garantie de tous les futurs réacteurs civils à construire –, le GFN ouvre la voie à la coopération avec l'Inde en septembre 2008.
Si cette décision est devenue possible, c'est en raison des engagements indiens, notamment le maintien, entre autres, de son moratoire sur les essais nucléaires et la collaboration à un futur traité d'interdiction de production de matière fissile, mais aussi parce que le caractère non proliférant du programme nucléaire indien est reconnu.
L'accord que nous examinons aujourd'hui est la suite logique de celui que nous avons adopté en 2009, qui prévoyait la signature d'un protocole d'accord sur la responsabilité civile, les informations confidentielles et la propriété intellectuelle. Je ne reviendrai pas sur les différents aspects techniques complexes de cet accord, que notre rapporteur Claude Birraux a fort bien décrits.
Mes chers collègues, dans un domaine où la France est un des leaders incontestés, le nucléaire civil, nous ne pouvons nous permettre de rester en dehors de cette coopération. Il en va tout simplement de nos intérêts économiques.
L'accord que nous examinons aujourd'hui nous apporte des garanties aussi nécessaires qu'indispensables. Il nous autorisera à coopérer avec un grand pays émergent ami, soucieux de maîtriser sur le long terme sa production et sa consommation d'énergie.
Notre message est clair : le développement du nucléaire civil, sous contrôle de l'AIEA et dans le respect des règles de non-prolifération édictées par la communauté internationale, peut être et sera une solution énergétique pour les pays émergents, notamment pour l'Inde. C'est le sens du soutien du groupe UMP à cet accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur suppléant, chers collègues, je tiens, tout d'abord, à remercier mes collègues de l'opposition qui ont, à notre demande, rendu ce débat possible. En effet, rien qui concerne le nucléaire n'est anodin. D'ailleurs, la Cour des comptes vient de donner raison aux écologistes sur les coûts cachés de cette industrie.
On nous propose, aujourd'hui, de faciliter les échanges intellectuels sur le nucléaire civil entre la France et l'Inde. En réalité, nous pouvons craindre que cet accord soit lié à l'implantation par Areva de centrales nucléaires EPR à Jaitapur, dans un réservoir de biodiversité et sur une zone sismique, à 400 kilomètres de Bombay, la métropole économique indienne.
À quelques jours de l'anniversaire de Fukushima, après le rapport de l'Autorité de sûreté nucléaire, qui prouve que les centrales n'ont rien d'infaillible, vous en conviendrez, nos amis indiens eux-mêmes ont des doutes : ils ont demandé à Areva de renforcer la sécurité des systèmes informatiques d'autant que, dans un pays classé au quatrième rang des cibles terroristes, le risque d'attentat s'ajoute à celui d'accident.
Or l'EPR est particulièrement dangereux. Il produit du plutonium et utilise du MOX, dont la radioactivité est cinq à sept fois supérieure à celle des combustibles à l'uranium. Par cet accord, on nous demande donc de prendre le risque d'un nouveau Fukushima et d'un nouvel Hiroshima. Non, je n'exagère pas.
Vous le savez, l'Inde, comme le Pakistan, se sont dotés de l'arme nucléaire. Ces deux frères ennemis n'ont pas signé le Traité de non-prolifération nucléaire. Vous le savez aussi, la France vend des armes à ces deux pays. Souvenons-nous de l'affaire Karachi et de la vente récente de plus d'une centaine d'avions de combat à l'Inde. Or cet accord sur la propriété intellectuelle pourrait ouvrir la porte à la cession de technologies susceptibles d'être utilisées à des fins militaires, qu'il s'agisse d'usines de retraitement et d'enrichissement de l'uranium ou de production de plutonium. Ne fermons pas les yeux sur la vérité !
Le Groupe des fournisseurs nucléaires a pourtant interdit, en juin dernier, l'exportation d'installations sensibles à des pays qui n'ont pas signé le traité de non-prolifération. On nous demande donc de prendre le risque de nous mettre en infraction avec les textes internationaux. Le gouvernement français est prêt à tout pour vendre des centrales !
Je le dis ici solennellement, j'espère que les négociations avec l'Inde sur le nucléaire n'aboutiront pas.
La démocratie l'exige. La population locale s'oppose à l'implantation des centrales Areva. Un manifestant a déjà payé de sa vie.
La raison scientifique et économique l'impose aussi : cinq ans de retard pour l'EPR en Finlande, quatre ans de retard à Flamanville ; une addition qui n'en finit pas de s'allonger ! Pourquoi offrir à nos amis indiens un tel cadeau empoisonné ?
Notre coopération devrait se déployer autour d'activités pacifiques, comme la lutte contre le réchauffement climatique, et non se concentrer sur des énergies de mort, la vente d'armements et la vente de nucléaire. « Il faut sauvegarder les emplois d'Areva ! », vont protester mes collègues pro-nucléaire. Mais le transfert de technologies, dont l'Inde ne reconnaît pas les brevets, ne protégera en rien les salariés du nucléaire français. Les Indiens ont d'excellents scientifiques et d'excellents ingénieurs.
Quant à l'alibi du développement économique, il ne tient pas non plus. Les populations locales ne bénéficient pas des emplois induits par le nucléaire, des études menées dans le Tamil Nadu l'ont montré. Les habitants de Jaitapur ne s'y laissent pas prendre. Ils refusent d'être expropriés, ils ne veulent pas de ces centrales. Nous non plus : comme ils disent en hindi, Jaitapur dji nahi ! Jaitapur non merci !
Le gouvernement français fait preuve d'une mauvaise foi criminelle. D'un côté, il assure qu'il n'y a aucun risque avec le nucléaire, de l'autre, il fait pression sur ses homologues indiens pour qu'ils modifient leur législation. L'Inde considère, en effet, que le constructeur d'une centrale est responsable en cas de catastrophe. Après Bhopal, on comprend la prudence du gouvernement indien vis-à-vis de partenaires industriels occidentaux peu scrupuleux.
Or le Président de la République française lui-même a demandé au Premier ministre indien d'assouplir cette loi. Pourquoi ? Parce qu'Areva ne veut pas être tenue pour responsable d'un accident nucléaire à Jaitapur ?
Nous non plus, nous ne voulons pas porter cette responsabilité. Mais la meilleure manière d'éviter un nouveau Fukushima, c'est de renoncer à construire ces centrales, qui sont situées, je le répète, sur une zone sismique, comme celle de Fessenheim. Les écologistes français ont exprimé leur solidarité avec l'opposition de la société civile indienne.
Je vous appelle, chers collègues, à faire de même et à voter contre ce texte. En France comme en Inde, les générations futures – présentes ce matin dans les tribunes – doivent être préservées des désastres du nucléaire et de ses déchets.
L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Jacques Pélissard visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale (nos 3908, 4218).
La parole est à M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre, de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, mes chers collègues, pierre angulaire et élément de consensus de la loi portant réforme des collectivités territoriales adoptée par les deux assemblées en 2010, l'achèvement et la rationalisation de la carte de l'intercommunalité sont actuellement au milieu du gué. La première étape, qui aura duré un peu plus d'un an – de la promulgation de la loi du 16 décembre 2010 au 31 décembre dernier –, s'est globalement bien passée. Les préfets ont mené une concertation qui a duré au moins trois mois avec les communes et quatre mois avec les représentants des élus locaux, représentés au sein des commissions départementales de coopération intercommunale, les CDCI. La refonte s'est donc faite en pleine association avec les élus. Selon les chiffres communiqués par le ministre chargé des collectivités territoriales, 330 réunions des CDCI ont été tenues, au cours desquelles 1 400 amendements ont été examinés, dont environ 80 % ont été adoptés à la majorité requise des deux tiers des membres de chaque commission.
Les deux tiers des départements français disposent ainsi désormais d'un schéma départemental de coopération intercommunale, approuvé par la CDCI, puis arrêté par le préfet. Chacun représente une feuille de route qui permettra, dans le cadre de la seconde étape, c'est-à-dire essentiellement au cours de l'année 2012, une couverture totale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre homogènes et cohérents, fondés sur la réalité des territoires et des bassins de vie, ainsi que la suppression des structures redondantes.
Toutefois, l'obligation faite à chaque commune de trouver sa place au sein d'une carte intercommunale rénovée n'a pas été sans provoquer des tensions dans environ un tiers des départements. C'est pourquoi le Gouvernement a donné pour instruction aux préfets de ne pas considérer la date du 31 décembre 2011 comme un horizon indépassable et, lorsque les esprits n'étaient pas mûrs, de prolonger la concertation. Dans trente-trois départements, le préfet a ainsi renoncé à arrêter un schéma avant le 31 décembre 2011.
Si la loi du 16 décembre 2010 avait prévu cette éventualité, elle a, en revanche, insuffisamment organisé la poursuite de la concertation dans les départements dépourvus de schéma. Ainsi les articles 60 et 61 de la loi ne prévoient pas que la commission départementale de coopération intercommunale soit saisie des modifications de la carte intercommunale envisagée par le préfet, sauf en cas de refus des communes concernées. Mais, en ce cas, la commission ne rend qu'un avis simple, sans avoir la possibilité d'amender les projets du préfet à la majorité qualifiée. Ces pleins pouvoirs – si l'on peut les qualifier ainsi – conférés aux préfets se révèlent, à l'expérience, un cadeau empoisonné, dans la mesure où ils mettent hors jeu l'interlocuteur naturel des préfets qu'est la commission départementale de coopération intercommunale.
D'autres difficultés sont apparues. Premièrement, la question de la date de la révision des schémas a été renvoyée, par la loi du 16 décembre 2010, à 2017-2018, donc assez loin dans le temps. Deuxièmement, lorsque deux ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale fusionnent, la détermination des compétences du nouvel ensemble n'est pas prévue par la loi de 2010, qui s'en remet donc implicitement au principe d'addition des compétences précédemment exercées par les anciens EPCI. Troisièmement, l'application immédiate des nouvelles règles de composition des organes délibérants et des bureaux des EPCI dont les statuts sont modifiés dans le cadre de la refonte conduit à exclure de ceux-ci de nombreux élus qui se sont engagés en faveur de la réussite de cette réforme. Quatrièmement, l'entrée en vigueur, le 1er décembre dernier, du transfert des pouvoirs de police spéciaux des maires accompagnant le transfert des compétences correspondantes a été complexifiée à l'excès par l'intervention d'un amendement sénatorial postérieur.
Face à ces difficultés, signalées par les associations représentatives des élus locaux, notre collègue Jacques Pélissard a pris l'initiative de déposer, le 8 novembre dernier, la présente proposition de loi. Ce faisant, il rejoignait les préoccupations exprimées par le Sénat, qui a utilisé comme véhicule législatif une proposition de loi déposée initialement par le président Jean-Pierre Sueur, pour adopter, le 4 novembre dernier, un texte dont les préoccupations et les solutions rejoignent largement celles de l'auteur de la présente proposition. Dans le cadre d'une démarche consensuelle et transpartisane, j'ai donc proposé à la commission des lois de reprendre un certain nombre des dispositions adoptées par le Sénat.
Tel que modifié par notre commission, le texte qui nous est soumis poursuit deux objectifs. Tout d'abord, il aménage les modalités de consultation des commissions départementales de coopération intercommunale, afin d'organiser la poursuite de la concertation tout au long de l'année 2012 là où cela sera nécessaire, notamment dans les trente-trois départements non couverts par un schéma départemental de coopération intercommunale. Ensuite, il propose quelques aménagements de la réforme, afin d'apporter de la souplesse et des solutions concrètes aux quatre difficultés ponctuelles que j'ai précédemment indiquées.
L'article 1er de la proposition de Jacques Pélissard prévoyait le report au 15 mars 2012 du délai laissé aux préfets pour arrêter un schéma départemental, là où celui-ci n'avait pas été adopté au 31 décembre 2011. Cependant, cette date apparaît aujourd'hui trop proche pour donner plus de temps à la concertation au niveau local. C'est pourquoi, en accord avec l'auteur de la proposition de loi, j'ai proposé à votre commission des lois de remplacer ces mesures par un dispositif qui réintroduit la pleine compétence de la CDCI lorsqu'aucun schéma n'a été adopté.
L'article 2 prévoyait initialement d'avancer la clause de rendez-vous, afin de remettre en chantier la carte intercommunale dès après les élections de mars 2014, et non à partir de 2018. Comprenant la démarche suivie, j'ai proposé de conserver le principe d'un nouveau rendez-vous en 2014-2015. La commission des lois a également introduit la possibilité, pour la commission départementale, de provoquer la révision de la carte intercommunale là où cela apparaîtra nécessaire, sans devoir attendre le délai de six années prévu.
Les articles 3 et 4 ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution par le président de la commission des finances. Ils visaient à répondre à deux incompréhensions des élus locaux. La première concerne la question des compétences des EPCI fusionnés, sur laquelle portait l'article 3 : qu'adviendra-t-il des compétences exercées aujourd'hui en commun qui ne seraient pas reprises par le nouvel ensemble plus vaste ? L'article 3 proposait d'offrir la possibilité de créer un syndicat de communes ou un syndicat mixte pour les exercer et éviter qu'elles ne fassent retour aux communes. Mon rapport montre que deux autres solutions existent : la première consiste à organiser une délégation de ces compétences au profit de l'EPCI, avec une convention de financement entre celui-ci et les communes concernées, la seconde à déterminer précisément le champ des compétences facultatives. C'est cette dernière solution que favorise l'article 2 bis adopté par la commission des lois, qui porte à deux ans le délai laissé aux EPCI issus d'une fusion pour déterminer, par consensus, leurs compétences facultatives.
L'article 4 traitait le second problème, celui de l'entrée en vigueur des normes de représentativité limitant la composition des organes délibérants et des bureaux des EPCI. Nombre d'élus locaux ont en effet fait part de leur incompréhension, lorsqu'ils ont constaté qu'après s'être investis dans la préparation de la réforme, ils risquaient d'être exclus de sa mise en oeuvre, puisque toute modification du statut et du périmètre entraînera la révision des formats de la gouvernance des EPCI dès 2013, avant les prochaines élections municipales de 2014.
Sur ces deux points, je me réjouis que des amendements, élaborés en coordination avec les commissions des lois des deux assemblées, aient été déposés par le Gouvernement afin de contourner l'irrecevabilité financière.
L'article 5 prend en compte la situation géographique particulière des îles qui ne comportent qu'une seule commune et, sur proposition de votre commission, celle des enclaves historiques, qui se trouvent sur le territoire d'un département qui n'est pas celui auquel elles sont rattachées.
Enfin, la commission des lois a adopté trois articles additionnels. L'article 5 bis simplifie la gestion des services communs pouvant être mis en place entre un EPCI et des communes. L'article 5 ter simplifie la mise en oeuvre du régime de suppléance des délégués uniques d'une commune au sein de l'organe délibérant d'un EPCI. Enfin, l'article 5 quater précise les conditions d'opposition par les maires des communes à un transfert de leurs pouvoirs de police spéciale au président d'un EPCI.
En conclusion, je voudrais insister sur l'urgence qui s'attache à nos travaux. Les préfets et les élus locaux devront avoir achevé la mise en place des nouvelles intercommunalités au plus tard le 1er juin 2013. Il faut donc que la concertation reprenne rapidement, facilitée par les nouvelles règles prévues dans la proposition de loi que nous examinons. Or, il nous reste très peu de temps pour l'adopter avant la clôture de la session parlementaire. Cela ne sera possible qu'à deux conditions.
La première : éviter autant que possible les désaccords entre l'Assemblée nationale et le Sénat, et même, pourquoi pas, espérer un vote conforme dès la première lecture. C'est pourquoi, aussi bien notre collègue Jacques Pélissard que votre rapporteur, suivis par la commission des lois, ont cherché à emprunter un maximum de dispositions à la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur.
Deuxième condition : il faut résister à la tentation soit de détricoter la loi du 16 décembre 2010 en revenant sur des principes et des règles qui ne sont pas directement en cause, soit de surcharger le texte par des dispositions, peut-être utiles, mais qui lui sont étrangères.
C'est pourquoi, afin d'aboutir rapidement à un texte ramassé et consensuel, votre commission des lois s'est montrée très restrictive à l'égard des amendements de tous bords qui lui ont été présentés.
C'est le même état d'esprit qui devrait prévaloir ce matin, moyennant quoi nous pourrons, j'en suis sûr, hâter l'adoption d'une loi que les élus communaux et intercommunaux appellent de leurs voeux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les députés, l'Assemblée nationale examine aujourd'hui une proposition de loi très attendue.
Elle est attendue par les élus locaux et les préfets qui mettent en oeuvre sur le terrain les schémas de coopération intercommunale adoptés avant le 31 décembre 2011 ou qui poursuivent la concertation vers l'adoption d'une nouvelle carte intercommunale.
Elle est attendue, aussi, par les parlementaires qui ont relayé les remarques formulées par les élus locaux dans le cadre des commissions départementales de coopération intercommunales, les CDCI, et qui ont porté des propositions d'adaptation de la loi du 16 décembre 2010. Je pense notamment, bien sûr, à Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, mais aussi à Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois du Sénat, qui ont, tous deux, déposé des propositions de lois visant à adapter la loi de réforme des collectivités territoriales.
Elle est attendue et souhaitée, enfin, par le Gouvernement qui avait pris l'engagement dès le printemps de procéder aux ajustements rendus nécessaires après les premiers mois de mise en oeuvre de la loi de réforme des collectivités territoriales.
Qu'il soit besoin d'adapter une telle loi n'a rien de surprenant au regard des conditions de son élaboration.
Les dispositions de cette loi ont toutes fait l'objet, au gré des lectures très approfondies dans l'une et l'autre des deux assemblées, de réécritures, d'amendements et de corrections nombreuses et variées. À telle enseigne que, au bout du compte, la mise en oeuvre de cette réforme structurelle qu'est la loi de réforme des collectivités territoriales appelle nécessairement quelques ultimes réglages auxquels vous êtes invités à procéder aujourd'hui.
Le premier bilan, un an après la mise en oeuvre du volet intercommunal de la loi du 16 décembre 2010, vient clarifier les choses. Au 31 décembre 2011, échéance fixée par la loi, soixante-six schémas départementaux de coopération intercommunale ont été adoptés et ont fait l'objet d'un arrêté préfectoral. Ils concernent environ 40 millions d'habitants, soit 65 % de la population nationale et près de 26 000 communes.
Ces soixante-six schémas arrêtés sont le fruit d'un véritable travail en commun entre les représentants de l'État et les élus concernés puisqu'il y a eu près de 330 réunions et qu'environ 1 400 amendements ont été examinés, dont environ 80 % ont été adoptés.
Ce taux d'adoption des amendements soumis aux commissions départementales est pour moi le signe de cette coopération réelle entre le préfet et les élus, voulue par le Parlement et le Gouvernement. Ces soixante-six schémas adoptés ont été largement amendés et sont véritablement le fruit d'un travail en commun au service d'une dynamique territoriale.
Dans ces départements, les schémas répondent aux objectifs fixés par la loi.
Premier objectif : la couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre sans discontinuité territoriale. La nouvelle carte intercommunale ne comptera plus aucune commune isolée, ni enclave ou discontinuité territoriale au sein d'un EPCI à fiscalité propre. À ce titre, près de 1 200 communes isolées auront intégré une communauté et une centaine d'enclaves ou discontinuités auront été supprimées.
Deuxième objectif : la constitution d'intercommunalités à fiscalité propre disposant d'une taille suffisante, en principe au moins 5 000 habitants, sauf en zone de montagne ou lorsque des conditions particulières le justifieraient. Le nombre des EPCI à fiscalité propre sera réduit de près de 20 %, passant de 1 828 actuellement à 1 477. La population moyenne des EPCI devrait croître de près de 24 %. Le nombre de communautés de communes de moins de 5 000 habitants diminuera de 73 %.
Troisième objectif : la réduction du nombre de syndicats intercommunaux. Ce nombre sera réduit de 18 %, soit, en deux ans, une réduction équivalente à celle observée au cours des douze dernières années.
Enfin, je compléterai ce rapide panorama en précisant que la loi de réforme des collectivités territoriales s'est également traduite par la création au 1er janvier dernier de la première métropole française, Nice Côte d'Azur. Ce nouvel établissement public regroupe 543 000 habitants et exercera, conformément à la loi, des compétences transférées par le département et la région.
Les années 2012 et 2013 verront également la création de treize communes nouvelles et d'au moins huit pôles métropolitains démontrant ainsi l'appropriation par l'ensemble des élus locaux des nouveaux outils créés par la loi de décembre 2010.
Sur un plan plus qualitatif, je relève que la loi de réforme des collectivités territoriales a permis d'engager dans tous les départements une réflexion collective approfondie, parfois compliquée, mais toujours constructive, sur l'avenir de nos territoires et sur la meilleure manière de les rendre plus performants.
L'adoption des schémas dans les deux tiers des départements dans le calendrier prévu par la loi témoigne de cette forte mobilisation des élus locaux de tous bords à laquelle je voudrais rendre hommage. La tonalité des discussions qui se poursuivent en témoigne également.
Je sais que le dialogue n'a pas toujours été simple, et c'est bien normal. Mais chacun a surmonté les crispations pour rechercher un nouveau point d'équilibre porteur de d'intérêt général.
Pour autant, la démarche initiée par la loi de réforme des collectivités territoriales appelle quelques ajustements auxquels vient procéder la proposition de loi de Jacques Pélissard, ainsi que le rapporteur l'a rappelé il y a un instant.
Cette proposition porte des ajustements attendus, d'autant plus attendus, d'ailleurs, qu'il s'en est fallu de peu que nous ayons pu, dès le mois de novembre, mettre en oeuvre les adaptations nécessaires sur le fondement de la proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur.
Cette proposition de loi visait à préserver les mandats en cours des membres des bureaux des EPCI qui pourraient ne pas aller à leur terme normal en 2014 du fait de la disparition, ou plus fréquemment de la fusion, des EPCI concernés avant cette date. Elle tendait à faciliter la mise en place des nouvelles intercommunalités rationalisées prévues par la loi de décembre 2010. Elle avait été demandée par de nombreux élus, de droite comme de gauche, notamment par Jacques Pélissard. Moyennant quelques modifications de forme, le Gouvernement était d'accord avec cette proposition. Si les amendements ne s'étaient accumulés au point de les dénaturer, elle aurait été adoptée.
Aujourd'hui, je salue, d'une part, la proposition de loi de Jacques Pélissard et, d'autre part, le travail de fond réalisé par votre rapporteur, Charles de La Verpillière, qui a largement contribué à rapprocher les points de vue depuis cet épisode et à faire en sorte que l'Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement, en résonance avec l'Association des maires de France, puissent se retrouver sur des rédactions convergentes s'agissant de plusieurs mesures utiles à la bonne marche de la réforme intercommunale en cours.
J'en rappelle les principaux éléments souhaités par le Gouvernement.
J'ai évoqué la situation transitoire des exécutifs des EPCI fusionnés ou refondus jusqu'à 2014. C'est le coeur de la présente proposition de loi dont l'article 4 a été frappé de l'irrecevabilité financière au titre de l'article 40 de la Constitution.
Conformément à l'engagement pris de longue date par le Gouvernement, j'ai déposé un amendement reprenant cette disposition, qui s'inscrit dans le droit-fil de notre volonté d'apporter des solutions pragmatiques et efficaces aux élus locaux pour faciliter la mise en oeuvre de la réforme intercommunale.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Cet amendement intègre un alinéa sur les suppléants qui sont aujourd'hui dans une situation de vide juridique qu'il convient de combler.
Le second engagement du Gouvernement portait sur l'inscription dans la loi de la consultation obligatoire de la CDCI dans les départements n'ayant pas adopté leur schéma au 31 décembre 2011. Cette disposition s'appliquera, dès son adoption, dans les trente-trois départements qui n'ont pas adopté un schéma au 31 décembre 2012, où la concertation doit se poursuivre et se poursuit afin d'aboutir à une vision partagée de l'intercommunalité, sachant que, même dans ces départements, les premières mesures de rationalisation peuvent être engagées si elles sont consensuelles.
L'article 1er du texte issu de votre commission des lois garantit donc aux élus leur pouvoir d'amendement. C'est une mesure essentielle à la poursuite de la concertation dans les départements concernés.
Vous me permettrez toutefois de dire, au nom du Gouvernement, mon désaccord avec la disposition votée en commission qui donne à cette disposition un caractère rétroactif au 1er janvier 2012. Elle est source d'insécurité juridique et vient brouiller les dispositions de mise en oeuvre d'une loi qui a déjà commencé d'être appliquée. Nous en débattrons.
Le troisième engagement portait, enfin, sur la prise en compte de la situation des îles mono-communales. La rédaction issue des travaux de la commission des lois répond à l'attente du Gouvernement pour traiter les singularités de certaines de ces îles. Votre commission a souhaité reprendre une disposition de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur qui incluait les enclaves historiques dans ces exceptions très rares à la règle de suppression des discontinuités territoriales. Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse de l'Assemblée.
Au-delà de ces sujets centraux, Jacques Pélissard et la commission des lois de l'Assemblée nationale ont souhaité traiter d'autres sujets de manière pragmatique qui, pour l'essentiel, recueille un avis favorable du Gouvernement. Je pense en particulier au mécanisme de révision des schémas départementaux de coopération intercommunale qui a été avancé à 2015, au lieu de 2017, pour obéir ensuite à une périodicité des révisions au moins tous les six ans, en donnant par ailleurs à la CDCI une capacité d'initiative dans ce domaine. L'intercommunalité ne peut pas être un sujet figé ; elle est par essence évolutive. J'ai d'ailleurs pu observer en différents points du territoire combien les élus étaient attachés à ce caractère évolutif de leur réflexion.
Je reviendrai naturellement sur chacun de ces sujets lors de la discussion des articles.
Le Premier ministre François Fillon l'a rappelé le 30 septembre dernier en Indre-et-Loire, la révision de la carte intercommunale est une nécessité pour notre pays « pour que nos communes et nos intercommunalités soient en capacité d'exercer les nombreuses compétences qu'elles détiennent ».
La loi de réforme des collectivités territoriales a de ce point de vue rempli son objectif, comme en témoignent les premiers éléments de bilan. Il reste à apporter certaines précisions, sur des sujets circonscrits et attendus des élus locaux.
La proposition de loi soumise à votre assemblée est le fruit d'une convergence, d'un travail de rapprochement des points de vue dans l'intérêt de nos territoires. Elle traduit, je veux l'espérer, une vision consensuelle et assumée de l'ajustement législatif à opérer pour parachever le volet intercommunal de la loi de réforme des collectivités territoriales.
Pour qu'elle soit adoptée, comme le rapporteur l'a souligné, compte tenu de la fin prochaine de la législature, le Premier ministre a accepté qu'elle soit examinée selon la procédure accélérée.
J'ai donc bon espoir, sans préjuger de vos débats, que le Sénat puisse se prononcer à son tour pour une adoption définitive dans les meilleurs délais. Ce faisant, nous rendrions un grand service à nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le ministre, vous avez eu raison de dire que ce rendez-vous était l'occasion de dresser le bilan d'une loi votée il y a tout juste quatorze mois.
Cette initiative de notre collègue et ami Jacques Pélissard doit être saluée. Il me permettra d'avoir un mot plus personnel pour lui, au regard du dévouement et de la compétence extrêmes dont il fait preuve à la tête de l'Association des maires de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je salue également l'esprit dans lequel les élus locaux ont travaillé sur la problématique de l'intercommunalité.
Vous avez, monsieur le ministre, parlé de consensus et de concertation. Tel est bien le climat qui prévaut ce matin dans notre hémicycle pour la discussion de cette proposition de loi.
Le rapporteur, notre collègue Charles de la Verpillière, a rappelé qu'il s'agissait de procéder à un ajustement, en aucun cas de remettre en cause les fondements de la réforme des collectivités territoriales. Et au moment d'en faire le bilan, il convient de voir ce qui mérite d'être amélioré.
S'agissant des chiffres, vous avez rappelé, monsieur le ministre, qu'en un peu plus d'un an, soixante-six schémas départementaux de coopération intercommunale avaient été approuvés depuis le 31 décembre 2010, ce qui représente pour les sous-préfets et préfets et pour l'ensemble des élus un travail considérable, l'objectif étant de couvrir l'ensemble des départements. Qu'ils en soient les uns et les autres remerciés.
Pour ce qui est du report de la date initialement prévue pour arrêter le schéma, vous avez proposé, monsieur le rapporteur, la réécriture des dispositions qui, en l'état actuel de la réforme, limitent le rôle de la commission départementale de coopération intercommunale en cas d'absence de schéma arrêté. Ainsi, la commission devra être obligatoirement consultée sur tous les projets de création, d'extension, de fusion et de dissolution d'EPCI, que le représentant de l'État entend prendre dans le cadre de la procédure d'achèvement de la carte intercommunale.
Vous avez également évoqué les délais de 2012 et 2014. Il s'agit là d'ajustements de bon sens. Conformément à l'esprit de la réforme, ce qui doit prévaloir, ce sont la concertation et les demandes émanant du terrain. Les dispositions de la proposition de loi n'appellent pas une grande discussion, si ce n'est l'approbation des députés du Nouveau Centre. Vous aurez ainsi notre entier soutien sur les deux objectifs poursuivis, la souplesse et l'aménagement de la consultation des commissions départementales de coopération.
Quant aux aspects plus techniques, je voudrais saluer l'attitude du Gouvernement. Les articles 3 et 4 ayant été, comme l'a expliqué notre rapporteur, déclarés irrecevables en application de l'article 40 de la Constitution, le Gouvernement a repris à son compte ces dispositions ce dont je me réjouis, car cela démontre, monsieur le ministre, votre volonté – au-delà des discours – de trouver des solutions.
J'en profite, monsieur le ministre, pour vous inciter de tenir bon sur la non-rétroactivité des lois, c'est le juriste qui vous le demande. Car c'est une disposition d'ordre public et si l'on commence, dans cet hémicycle à introduire des exceptions, nous rencontrerons des problèmes avec d'autres textes.
La discussion qui s'engagera sur les amendements devra être consensuelle. Mais pour permettre le consensus, nous devrons nous en tenir aux principes. À cette réserve près, j'apporterai, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, mon soutien à cette initiative parlementaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Jacques Pélissard confirme que le Gouvernement a échoué à engager à marche forcée le regroupement des structures intercommunales prévu par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010.
Plus d'un an après, comme le souligne l'exposé des motifs, la mise en oeuvre concrète de la loi, s'agissant des schémas départementaux de coopération intercommunale, a fait émerger des difficultés d'application. C'est le moins que l'on puisse écrire car il est apparu partout que l'élaboration des schémas et la consultation des commissions départementales de coopération intercommunales ont été menées sans les délais nécessaires à un véritable débat démocratique et sans association suffisante des élus locaux.
La plupart des associations d'élus ont rapidement exprimé l'impossibilité de délibérer sérieusement. L'Association des maires ruraux de France, dénonçait, dès avril 2011 : « la marche forcée imposée par la feuille de routes des CDCI, notamment les délais impartis particulièrement déraisonnables ». L'AMF, quant à elle, alertait officiellement, le 28 juin 2011, sur les difficultés rencontrées et proposait des améliorations législatives. À vrai dire, ces difficultés concrètes n'étaient guère surprenantes. Pour notre part, nous avions insisté, lors de l'examen de la réforme territoriale, sur les méfaits qu'engendrerait un tel projet, de manière globale, et nous avions formulé, précisément, plusieurs critiques sur le volet relatif à l'intercommunalité.
La loi de 2010 a en effet confié l'élaboration des schémas départementaux aux préfets. Les possibilités de modification attribuées, dans un second temps, à la CDCI sont minimes. D'une part, elle doit rendre un avis global sur le projet de schéma, avis qui ne lie pas le préfet en vue de la décision finale. D'autre part, elle ne peut modifier le projet de schéma qu'à la majorité des deux tiers.
La procédure actuelle est d'ailleurs quelque peu artificielle puisqu'un autre dispositif « exceptionnel » conférant des pouvoirs accrus – « pleins pouvoirs » selon le rapporteur – aux préfets leur permet, en 2012, de s'écarter des schémas retenus en décembre 2011. L'article 60 de la loi de réforme territoriale prévoit ainsi que, pendant toute l'année 2012, le préfet pourra proposer, par un arrêté de périmètre, la création, la modification du périmètre ou la fusion d'EPCI à fiscalité propre. De la même manière, l'article 61 lui permet de proposer la dissolution, la modification du périmètre ou la fusion de syndicats de communes de syndicats mixtes, en se conformant aux prescriptions figurant dans le schéma départemental s'il existe, en consultant à nouveau la CDCI s'il souhaite s'écarter du schéma arrêté, ou, à défaut de schéma, en respectant les principes fixés par la loi. En outre, comme le souligne notre rapporteur, la consultation de la CDCI n'est pas obligatoire dans tous les cas.
La procédure actuelle est source de désorganisation puisqu'elle entraîne la suppression massive de syndicats spécialisés alors même que le débat sur les communautés qui devront reprendre leurs compétences ne sera pas conclu.
C'est pour tenter de répondre à ces difficultés – le mot est faible – que la proposition de loi a été déposée. Cependant, ce texte ne vise qu'à retarder, amender, corriger les dispositions de la réforme territoriale. Il se limite à un aménagement à la marge des procédures d'élaboration des schémas.
Comme l'a clairement rappelé l'auteur de la proposition, lors de l'examen du texte en commission, « l'objectif du texte est d'apporter un peu plus de souplesse à la loi du 16 décembre 2010 en matière de calendrier, de compétences et de gouvernance. » Et d'ajouter « ce texte se contente d'apporter quelques ajustements, sans modifier entièrement la loi. » C'est précisément pour cette raison que ce texte ne nous convient pas. Nous ne partageons pas les objectifs d'achèvement et de rationalisation obligatoires de l'intercommunalité. Nous continuons de considérer qu'aucune commune, aucune intercommunalité, ne doit être contrainte au regroupement.
De même, nous ne sommes pas favorables à la suppression des syndicats existants tant qu'ils répondent à des besoins. Cette forme de coopération intercommunale est la plus ancienne et la plus fréquente. Elle prouve d'ailleurs que, très vite et en de nombreuses occasions, les communes ont eu le souci de la coopération afin de mieux répondre à leurs besoins et à ceux de leur population. Le maintien de ces structures d'intercommunalité est d'autant plus indispensable qu'elles permettent à nombre de communes de maintenir un haut niveau de service public, entre autres, pour la collecte et le traitement des déchets, l'eau et l'assainissement ou les transports scolaires. Ces outils de proximité sont d'ailleurs très utilisés par les communes. Depuis 1999, alors même que nous étions déjà engagés dans le renforcement des intercommunalités avec la loi Chevènement, le nombre de syndicats mixtes a ainsi plus que doublé, passant de 1454 à 3161. En fait, la limitation drastique de ces outils répond à un objectif bien précis : empêcher la création de syndicats, c'est mécaniquement permettre la marchandisation, c'est-à-dire le remplacement pur et simple de la gestion publique et municipalisée par la gestion privée, marchande et lucrative.
Pour notre part, si nous ne sommes pas opposés à une réforme de l'intercommunalité, nous considérons que celle-ci doit aboutir à un approfondissement de la démocratie locale, au respect de la libre administration communale et de ses choix de coopération intercommunale, et non à une nouvelle centralisation des pouvoirs.
Oui, nous sommes favorables à la coopération entre collectivités locales ainsi qu'au principe de subsidiarité, mais nous voulons aussi que l'égalité des citoyens soit assurée et que cette solidarité soit portée au plan national. Selon nous, toute réforme globale visant à redonner sens à la décentralisation en se fixant l'objectif de mieux répondre sur l'ensemble du territoire national aux besoins et aux attentes de nos concitoyens ne peut passer que par l'abrogation de la réforme territoriale du 16 décembre 2010.
C'est pourquoi les députés communistes, républicains, citoyen et du parti de gauche voteront contre la proposition de loi.
La parole est à M. Gérard Hamel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a eu le mérite de donner un nouvel élan à l'intercommunalité dans notre pays, elle a également imposé un rythme soutenu qui, dans un certain nombre de départements, n'a pas pu être tenu pour parvenir à élaborer un nouveau schéma de coopération intercommunale avant le 31 décembre 2011.
Je tiens donc à témoigner, au nom du groupe UMP tout entier, ma reconnaissance à notre collègue Jacques Pélissard, qui a pleinement respecté les engagements qu'il avait pris devant les maires de France, en déposant, en novembre dernier, une proposition de loi à la fois sage et précise.
Son objectif était d'assouplir les modalités de mise en oeuvre du volet d'achèvement et de rationalisation de la carte intercommunale, prévu dans la loi du 16 décembre 2010, sans remettre en cause l'esprit ambitieux et constructif de cette excellente réforme.
Ces assouplissements visent d'une part à faciliter la poursuite des réflexions et des travaux sur l'achèvement et la rationalisation de l'intercommunalité dans les départements qui n'ont pas encore adopté leur nouveau schéma de coopération intercommunale, d'autre part, dans les départements où ces schémas ont été adoptés, à faciliter les discussions qui se poursuivent en 2012 pour permettre leur mise en oeuvre effective.
Je ne reviendrai pas sur chacune de ces mesures qui introduisent des aménagements pertinents et utiles, nés du retour d'expérience et de l'écoute du terrain dans la diversité des contextes géographiques et politiques locaux, et qui permettront aux préfets et aux élus de lever nombre de freins et d'obstacles.
Je voudrais plutôt revenir sur deux points qui figuraient dans la proposition initiale et qui n'ont pas pu être retenus par la commission des lois dans la proposition qui nous est soumise aujourd'hui car ils ont été jugés contraires à l'article 40 de la Constitution.
Le premier a trait au cas où un établissement public de coopération intercommunale résultant d'une fusion ou d'une extension souhaiterait restituer tout ou partie d'une compétence optionnelle ou facultative à ses communes membres. Il existe plusieurs dispositifs permettant à des communes qui se verraient restituer une compétence dans ces conditions, de l'exercer en commun, à l'échelle d'un bassin de vie de proximité, à l'intérieur du périmètre plus vaste d'une intercommunalité. Elles peuvent choisir de signer entre elles une convention, avec une commune coordinatrice et une répartition équitable de la totalité des coûts d'exercice et de gestion de ladite compétence. En fonction de l'opportunité, elles peuvent aussi envisager de déléguer l'exercice de leur compétence, y compris à leur structure de coopération intercommunale.
Les travaux de la commission ont également fait apparaître que, même si cela ne s'inscrit pas dans l'esprit de la réforme des collectivités territoriales, il ne leur était pas impossible de créer un syndicat.
Cette possibilité étant implicite, il ne semblait pas indispensable de la rappeler dans la loi de réforme des collectivités territoriales. Si je partage cette analyse, je n'en partage pas moins aussi, mes chers collègues, le point de vue de notre collègue Pélissard qui jugeait utile de rappeler de manière positive et de faciliter dans la loi cette possibilité de créer ou recréer un syndicat pour gérer entre plusieurs communes, membres d'un même EPCI, une compétence qui leur serait restituée, dans le domaine scolaire, de l'accueil de la petite enfance ou de l'action sociale.
Si cette solution ne doit pas être encouragée ni privilégiée là où elle n'est pas indispensable, je crois cependant qu'elle est de nature à rassurer les collectivités quant à l'éventail des outils à leur disposition pour aborder sereinement toutes les situations. Cela leur permettrait ainsi d'envisager la coopération intercommunale sans réticences.
La seconde modification, proposée par notre collègue, visait à éviter qu'une inégalité ne soit créée entre les délégués communautaires, selon que leur établissement serait ou non concerné par une modification de la carte intercommunale.
En effet, aux termes de l'article 9 de la loi du 16 décembre 2010, le rattachement d'une seule commune dans le cadre du schéma départemental de coopération intercommunale entraînerait le renouvellement des organes délibérants et du bureau de l'EPCI d'accueil, selon les nouvelles règles fixées par la loi. Il en serait bien sûr de même pour une extension plus importante et, a fortiori, pour la création d'un nouvel établissement de coopération intercommunale par fusion d'établissements existants.
A contrario, les EPCI qui ne subiraient aucune modification au titre du schéma départemental ne verraient leurs instances renouvelées suivant les nouvelles règles de composition qu'à l'occasion du prochain renouvellement général des conseillers municipaux, laissant ainsi tous leurs conseillers communautaires aller sans encombre au terme de leur mandat.
Outre l'inégalité ainsi générée entre les délégués communautaires, cela pourrait aboutir, par le simple effet mécanique des quotas fixés par la loi du 16 décembre 2010, à voir des membres des instances exécutives évincés des instances du nouvel établissement alors même qu'ils ont participé aux travaux préalables à sa mise en place et accepté l'extension ou la fusion de leur établissement.
Dès lors, mes chers collègues, vous le comprenez, il ne s'agit pas ici de défendre des intérêts individuels mais bel et bien d'assurer non seulement une égalité de traitement entre les élus permettant à tous d'achever leur mandat dans les mêmes conditions, mais aussi et surtout de ne pas empêcher des élus qui dirigent des établissements publics de coopération intercommunale et qui souhaitent améliorer cette coopération sur leur territoire, de participer au démarrage d'une nouvelle structure qu'ils auront contribué à faire naître.
La solution proposée pour répondre à ce problème me semble frappée au coin du bon sens : elle consiste à n'appliquer les nouvelles règles de composition des organes délibérants et du bureau des EPCI qu'à l'occasion du prochain renouvellement général des conseils municipaux et à appliquer à tout renouvellement des instances d'un EPCI modifié ou fusionné, d'ici à l'échéance des mandats municipaux en cours, les règles qui étaient précédemment en vigueur.
Ces deux mesures sont clairement de nature à lever appréhensions et réticences, voire blocages, de la part des élus qui sont impliqués dans les discussions visant à l'optimisation de la carte intercommunale. Or, comme je le rappelais il y a un instant, ces deux propositions n'ont pu être retenues lors des travaux en commission car elles ont été estimées contraires à l'article 40 de la Constitution. Dès lors, seul le Gouvernement avait le pouvoir de les introduire dans la loi.
À l'approbation globale et au soutien que j'apporte, au nom du groupe UMP, à cette judicieuse et sage proposition de loi, j'ajoute donc mes remerciements et mes félicitations au Gouvernement et à vous en particulier, monsieur le ministre, pour avoir pris l'initiative d'introduire des amendements qui vont dans ce sens et qui sont de nature à satisfaire ces attentes légitimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans être aussi dithyrambique que mon collègue Gérard Hamel à l'égard de la majorité et du Gouvernement, je dirai que cette proposition de loi nous fait plaisir et nous satisfait car elle nous donne raison, nous qui avions dénoncé – le mot n'est pas trop fort – lors de la discussion de la loi du 16 décembre 2010, sa rigidité et les difficultés qui ne manqueraient pas de découler de la mise en oeuvre de ses dispositions relatives à l'intercommunalité – je me tiens à ce seul volet de la loi ce matin, même si elle comporte d'autres volets sur lesquels le débat devra un jour être rouvert.
Il était évident que l'avis des élus locaux – que d'aucuns considèrent comme incompétents – n'était pas pris suffisamment en considération, eux qui ont pourtant « les mains dans le cambouis », pour utiliser une expression un peu triviale, et qui savent exactement comment les choses peuvent être organisées au mieux.
Quatorze mois après la publication de cette loi, nous avons la preuve que votre gouvernement est allé trop vite, monsieur le ministre, tant lui a paru urgent d'appliquer l'instruction du Président de la République tendant à mettre fin au millefeuille de notre organisation territoriale. L'effet est raté dans ce domaine, mais c'est, je le répète, un autre débat.
Nous avions également suggéré que les commissions départementales de coopération intercommunales aient davantage de responsabilités qu'elles n'en ont eues tout au long de l'élaboration des schémas. Je dois, au passage, relever que ces schémas ont été simplement publiés et non pas approuvés, comme j'ai pu l'entendre depuis le début de notre discussion : il y a eu parfois dans les CDCI des réserves qui n'ont pas forcément été prises en compte.
Qu'il soit bien clair que, pour le groupe socialiste, la coopération intercommunale est un élément indispensable du paysage administratif, territorial, organisationnel de notre pays. Et si elle a avancé depuis vingt ans – et même un peu plus si l'on prend en compte la loi Marcellin de 1971 sur les communes associées –, c'est grâce à la gauche, que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, monsieur le ministre. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
Cela ne devrait pas vous faire sourire. N'oubliez pas que s'il y a eu initialement une très violente opposition de l'opposition d'alors – je désigne la droite de cet hémicycle –, les élus locaux de droite se sont rapidement inscrits dans cette démarche de coopération intercommunale et ont tenté de la récupérer politiquement à leur avantage, …
…mais c'est le jeu même de la démocratie.
La coopération intercommunale est donc indispensable, elle est également source d'efficacité si l'on veut rendre plus performant les services publics locaux qu'ont en charge les collectivités territoriales, les communes et les groupements de communes.
Elle est en outre source d'économies, à condition qu'elle soit bien faite. Nous savons que le Gouvernement recherche, en matière de dépenses publiques, des économies – sans pour autant y réussir, comme nous l'avons montré dans un récent rapport parlementaire sur la RGPP et ses limites.
Je vous donnerai volontiers acte du fait que nous avons été, à la suite des lois de décentralisation de 1982 et des lois sur l'intercommunalité, insuffisamment attentifs aux conséquences de cette décentralisation qui aurait pu être accompagnée de dispositions législatives plus fermes en matière de transferts de services.
Cette proposition de loi ne permet évidemment pas de remettre tout cela en question et ce n'est pas son objet. Mais si notre collègue Jacques Pélissard, à qui je veux rendre hommage, lui qui préside une association pluraliste, en est arrivé là, c'est qu'il a bien senti que les élus locaux n'étaient pas satisfaits de ce dispositif tel qu'il était imaginé – nombreuses et nombreux sont ceux qui le lui ont dit. Mes collègues de la majorité ont fait en quelque sorte le gros dos lorsque ces élus locaux se sont manifestés lors des élections sénatoriales de septembre dernier.
Sans ce coup de semonce, Jacques Pélissard aurait peut-être été montré moins d'empressement à proposer des modifications. Aujourd'hui, c'est de la proposition de loi de l'Association des maires de France, que préside notre collègue, que nous discutons.
Je dois lui rendre hommage jusqu'au bout en soulignant que lors du débat de 2010, il avait déposé toute une série d'amendements qui auraient évité la situation que nous avons connue. Malheureusement, chers collègues de l'UMP, vous ne l'avez pas suivi et il n'y avait que l'opposition pour essayer de faire avancer ces propositions. Comme elles n'ont pas été retenues, nous voici réunis quatorze mois après la publication de la loi à essayer d'en corriger les effets négatifs.
Monsieur le ministre, vous avez fait allusion dans vos propos à des agents publics que vous connaissez bien : les préfets. Vous avez salué le travail qu'ils ont accompli et je dois reconnaître que, pour ce qui concerne mon département, je n'ai rien à redire de l'action menée par le préfet actuel et par son prédécesseur. Ils ont conduit ce travail dans de bonnes conditions. Toutefois, vous savez – vous êtes considéré comme un homme bien informé en beaucoup de domaines – que des préfets qui ont abusé de leurs prérogatives. Ce n'est pas moi qui le dis mais des collègues de la commission des lois qui ont cité quelques exemples qui n'étaient pas tout à fait à la gloire de ces grands serviteurs de la République, de l'État et du Gouvernement. Ces exemples, que vous retrouverez dans les comptes rendus des réunions de la commission, font apparaître ce que j'appellerai des dysfonctionnements – c'est presque un euphémisme.
Nous avons, pour ce qui nous concerne, déposé plusieurs amendements. Je ne les citerai pas tous puisque nous allons y revenir.
Nous souhaiterions en particulier que la majorité qualifiée pour la CDCI ne soit plus des deux tiers mais des quatre cinquièmes. L'un de nos collègues en commission des lois a fait observer que cela serait plus rigide. C'est vrai. Mais cet amendement sur lequel la commission a émis un avis défavorable permettrait aux CDCI d'être mieux associées : un plus grand nombre de ses membres pourrait être partie prenante des propositions issues de ses travaux.
Nous avons également proposé que dans les conseils communautaires, notamment dans les communautés de communes, les communes qui n'ont qu'un seul représentant puissent bénéficier d'un suppléant, qui, sans pour autant voter lorsque le titulaire est présent, serait considéré comme partie prenante.
Je ne le savais pas mais si c'est le cas, je vous en donne acte, cher collègue, et je ne pourrai que m'en satisfaire.
Nous avons déposé des amendements qui n'ont pas été repris, nous en avons encore eu l'exemple ce matin lorsque la commission des lois s'est réunie en application de l'article 88 de notre règlement.
Le Sénat va se saisir de la proposition de loi telle qu'elle sortira de nos travaux. Peut-être y apportera-t-il des modifications, peut-être la votera-t-il conforme, nous ne pouvons pas préjuger, mais je me satisfais du travail réalisé avec nos collègues sénateurs, en particulier, avec le rapporteur, Alain Richard.
Un problème soulevé par des députés de la majorité comme de l'opposition demeure cependant : la proposition va créer une situation inégalitaire. Dans soixante-six départements, en effet, on a déjà publié un schéma sur la base d'une disposition de la loi de décembre 2010 et, pour les trente-six ou trente-sept autres, il y aura de nouvelles dispositions. Ce n'est pas tout à fait satisfaisant du point de vue constitutionnel. En même temps, je comprends bien qu'il n'est pas question de bafouer ce grand principe qu'est la non-rétroactivité de nos lois. Tout est affaire de compromis au plan départemental. La clause de revoyure à partir de 2015 permettra peut-être d'apporter quelques corrections.
Avec cette proposition de loi, l'exercice est inachevé, j'ai évoqué quelques approches qui en témoignent, et nous devons tous être convaincus qu'une nouvelle étape de la décentralisation est nécessaire en 2012 et dans les quelques années qui suivent. Cette décentralisation, clouée au pilori en 1982 – j'étais déjà député, je participais aux débats, et nos collègues de l'opposition d'alors voulaient absolument la mettre à mal –, a fait ses preuves et, trente ans après, il est indispensable de franchir une nouvelle étape. Je ne vends pas la peau de l'ours mais, dans l'hypothèse où il y aurait une alternance tant à la Présidence de la République qu'à l'Assemblée nationale, c'est un exercice auquel nous nous attellerions. Croyez que nous le ferons !
Les élus locaux, monsieur le président de l'AMF, doivent savoir qu'ils seront associés et non considérés comme de simples exécutants.
Il faudra d'abord supprimer le conseiller territorial. Nous avions démontré lors du débat de la loi de décembre 2010 le caractère inique de cette création, l'impossibilité même de faire exister un tel élu.
Il faudra ensuite identifier mieux encore chaque niveau d'administration territoriale, de la commune à la région en passant par les communautés de communes ou d'agglomération, sans oublier le département, qui a un rôle essentiel dans notre paysage administratif et territorial.
Il faudra enfin donner des moyens financiers aux élus locaux pour que ces derniers puissent proposer à leurs assemblées délibérantes des délibérations répondant aux attentes de nos concitoyens, non pas simplement pour se faire plaisir ou participer à une forme d'inflation des dépenses publiques mais bien pour permettre aux services publics locaux de fonctionner comme sont en droit de l'attendre nos concitoyens.
Nous allons aujourd'hui examiner les amendements et la proposition de loi sera soumise au vote mardi prochain. C'est à ce moment-là et en fonction du sort qui aura été réservé à nos propositions que le groupe socialiste fera connaître sa position.
Quelques mots sur cette proposition de loi que j'ai eu l'honneur de déposer.
La loi du 16 décembre 2010, pour la partie bloc local, communes et intercommunalités, est équilibrée. Elle a affirmé toute une série de valeurs essentielles pour nous, comme le fait que les communes soient décisionnaires sur les transferts de compétences ou la définition de l'intérêt communautaire. Ce sont des démarches intéressantes.
Nous avons également affirmé le principe de la mutualisation des services, qui est aussi intéressante. La Commission européenne avait mis en cause notre système de mutualisation devant la Cour de justice européenne. Avec la loi du 16 décembre, nous avons réussi à organiser cette mutualisation, à autoriser les services partagés, les prestations de services entre communes et intercommunalités et vice versa, et la Commission européenne a retiré son recours contre la France devant la Cour de justice européenne.
Nous avons également affirmé la nécessité de sortir d'un système où il y avait encore des communes interstitielles, des communes isolées, indépendantes. Le bureau de l'AMF avait pris une position forte en déclarant qu'il fallait achever la carte intercommunale. C'est ce qu'a fait la loi.
Je vous rassure, monsieur Derosier, sur soixante amendements prévus par le bureau de l'AMF, avec sa composition pluraliste, même si le groupe socialiste n'était pas là en deuxième lecture, nous en avons fait passer cinquante-neuf en première et en deuxième lecture, réaffirmant l'équilibre du dispositif au profit du bloc local, communes et intercommunalités. Je ne parle pas bien sûr des départements et des régions mais ce texte est intéressant pour assurer l'efficacité et affirmer l'importance et la pérennité du rôle des communes.
Cela dit, vous l'avez souligné, en particulier notre rapporteur Charles de la Verpillière, un ajustement était nécessaire. J'ai réuni dès le 28 juin l'ensemble des rapporteurs des CDCI sur le plan national avec les présidents d'associations départementales de maires, plusieurs d'entre vous étaient présents, et, en présence du ministre chargé des collectivités territoriales, qui était venu assister à la fin de nos travaux, nous avons identifié plusieurs points de blocage, qui font l'objet de cette proposition de loi.
Il y a eu tout de suite une écoute intéressante du Gouvernement. Lors du congrès des maires de France, en novembre, M. le Premier ministre s'est engagé à ce que cette proposition de loi soit examinée avant la fin de la session. C'est ce qui est en train de se faire. Je vous en remercie, monsieur le ministre, comme d'avoir décidé la procédure accélérée. À défaut, nous n'aurions pu aboutir avant la fin de la session. Merci enfin d'avoir présenté des amendements nous permettant de contourner l'article 40 sur les articles 3 et 4, j'y reviendrai.
Il y a donc une approche intéressante de la part du Gouvernement et un vrai partenariat dans la préparation de cette loi avec le Gouvernement mais aussi avec le Sénat puisque j'ai été en contact à plusieurs reprises avec le président de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur, et avec le rapporteur, Alain Richard. Nous avons essayé de parvenir à un texte qui donnera lieu, j'espère, à un vote conforme du Sénat lorsque nous l'aurons voté nous-mêmes.
Il y a dans ce texte des points qui me paraissent essentiels.
Le premier, c'est le rôle des CDCI. C'est la première fois, à mon sens, que l'on a reconnu dans notre dispositif législatif français le rôle des élus locaux. Avant, ils n'avaient pas de pouvoir. Seul le préfet pouvait avoir une approche de la carte intercommunale. Aujourd'hui, avec les commissions départementales de coopération intercommunale et les schémas départementaux, si, au-delà des clivages politiques et des clivages géographiques, il y a une majorité des deux tiers, notre pouvoir s'impose à celui du préfet. C'est une coproduction avec le préfet qui me paraît intéressante.
Il y avait une date limite, le 31 décembre 2011. Soixante-six schémas départementaux de coopération intercommunale ont été adoptés, souvent, j'en suis le témoin, à l'unanimité. Ce fut le cas dans mon département du Jura et dans un grand nombre d'autres départements. Toutefois, trente-trois plans ne sont pas encore approuvés, et le premier objectif de la proposition de loi est de maintenir le pouvoir d'amendement des CDCI dans les trente-trois départements concernés.
Deuxième point essentiel – et le Gouvernement a heureusement repris nos propositions qui se heurtaient à l'article 40 – c'est la possibilité de maintenir en place les instances de gouvernance jusqu'en 2014. Une remise en cause de ces instances n'aurait pas été saine au regard de leurs efforts et de leur investissement pour aboutir à une transformation-fusion. Nous proposons donc qu'elles conservent leur composition, le nombre de vice-présidents, avec le maintien des suppléants, monsieur Derosier, lorsque les communes ne disposent que d'un seul délégué.
Troisième point, c'est la possibilité de créer des syndicats, en particulier en matière sociale et scolaire. Souvent, en effet, quand il y a fusion d'intercommunalités, certaines compétences ne sont pas reprises par l'intercommunalité nouvelle et les compétences sont rendues théoriquement aux communes. Or il est souvent plus efficace de les exercer collectivement et cela permet de mieux maîtriser la dépense publique. Le faire dans le cadre d'un syndicat peut être une bonne formule. Nous proposons donc qu'avec l'accord du préfet, des syndicats puissent être créés, ce qui était prohibé par la loi du 16 décembre 2010, pour faire face aux besoins en matière sociale et, surtout, scolaire. Là encore, vous nous avez permis, monsieur le ministre, de contourner l'irrecevabilité de l'article 40 en reprenant cette proposition.
Il y a encore la possibilité de maintenir des intercommunalités pour des îles monocommunales, ainsi que, idée intéressante de Jean-Pierre Sueur reprise par Charles de la Verpillière, pour des enclaves à l'extérieur du département. Le président de l'EPCI pourra aussi refuser le transfert du pouvoir de police si un maire s'y oppose. Bref, il y a des ajustements intéressants qui permettent à la loi d'évoluer et d'être encore plus efficace.
Un grand nombre de mes collègues se sont montrés très favorables au texte, et je les en remercie, en particulier Michel Hunault et Gérard Hamel. Il y a eu également une ouverture de Bernard Derosier. Nous pouvons parvenir à une proposition de loi construite ensemble, votée ensemble, qui permette une gestion plus efficace de la part de l'ensemble des élus locaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie à mon tour le Gouvernement d'avoir choisi de recourir à la procédure accélérée et de tenir sa parole. Je m'associe aux nombreuses félicitations adressées à M. Pélissard, qui est à l'origine de cette proposition de loi et qui a beaucoup travaillé sur le texte initial.
La loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales marque une avancée majeure en faveur de la simplification des structures territoriales, et je me suis moi-même beaucoup impliqué dans la préparation de ce texte.
À travers cette procédure, on peut aisément mesurer la volonté du législateur d'assurer une véritable coproduction du schéma de coopération intercommunale entre le préfet et les élus de la CDCI. Cela a été rappelé par le ministre des collectivités territoriales au congrès de l'ANEM à Bonneville, par le Premier ministre au congrès des maires de Haute-Savoie à Morzine, puis au congrès des maires de France, et, de nouveau, par le ministre des collectivités territoriales début janvier en conseil des ministres lorsqu'il a fait le bilan de l'application de cette loi.
Un grand nombre d'entre nous ont évoqué la situation des trente-trois départements qui n'ont pas adopté de schéma. Si l'on veut être précis, il faut parler non pas de trente-trois départements mais plutôt de trente-deux plus un. Car, malheureusement, force est de constater que la consigne donnée aux préfets ne semble pas avoir été respectée à la lettre dans tous les départements. Mon récit a d'ailleurs un peu ému la commission des lois, qui a voté à une large majorité un amendement d'Étienne Blanc soulevant la problématique de la rétroactivité.
En Haute-Savoie, le schéma n'avait donc pas été adopté au 31 décembre 2011. Le 18 novembre, le préfet de la Haute-Savoie nous avait demandé de déposer des amendements pour le 1er décembre en vue d'une réunion de la CDCI le 9 décembre. Or, unilatéralement, sans concertation avec le rapporteur général, les assesseurs ni aucun autre membre de la CDCI, il a annulé la réunion du 9 décembre, pour la reporter au 16 décembre. Il a ensuite annulé unilatéralement la réunion du 16 décembre, alors que nombre de membres de la CDCI avaient respecté la date du 1er décembre pour déposer des amendements. Chacun comprendra que, le 16 décembre, les membres de la commission n'étaient plus en mesure de demander une réunion, car nous étions à quelques jours des vacances de Noël. Tout le monde est donc parti en se disant que la Haute-Savoie figurerait parmi les trente-trois départements soumis à la règle édictée par M. Richert et le Premier ministre, au congrès de l'Association nationale des élus de montagnes et à celui des maires de Haute-Savoie, et que la loi Pélissard annoncée s'y appliquerait.
Or, au tout début du mois de janvier, nous avons reçu, à la surprise générale, une convocation du même préfet pour le 13 janvier 2012, avec pour ordre du jour la validation de périmètres, alors même qu'il nous indiquait par écrit quelques jours avant Noël que ceux-ci ne faisaient pas consensus et qu'il n'était pas possible de les adopter en l'état. En outre, le préfet n'a pas laissé la CDCI s'exprimer puisqu'il a refusé un vote que nous lui avions demandé à une large majorité. Quelques jours après le 13 janvier, j'ai donc eu l'honneur de devenir le seul député de France à avoir trois périmètres d'EPCI signés par le préfet.
Face à de tels agissements, il y a eu, vous l'imaginez, des démissions, celles du rapporteur général et des assesseurs, dont deux étaient de droite et deux de gauche ; la position était donc plutôt unanime.
Si cela ne m'inspire pas d'animosité personnelle, monsieur le ministre, il faut convenir que la situation contrevient aux discours très clairs du Premier ministre et du ministre des collectivités territoriales. Il n'y a pas égalité de traitement sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi Étienne Blanc a déposé un amendement posant la question de la rétroactivité.
Afin d'améliorer la situation, de donner à cette proposition de loi toute sa portée et d'assurer une égalité de traitement pour tous les territoires concernés, je présenterai tout à l'heure un amendement visant à ce que la CDCI puisse de nouveau, dans un délai de six mois après la publication de la présente loi, s'exprimer sur les périmètres pour les schémas qui n'ont pas été arrêtés et, surtout, sur ceux qui ont été définis avec le préfet avant la publication de la loi. Cette nouvelle consultation permettra à la CDCI d'amender le projet à la majorité des deux tiers de ses membres. Il sera ainsi possible de sécuriser juridiquement les trois périmètres, car aujourd'hui chacun convient qu'ils ne le sont pas du tout, et de régler le problème de la rétroactivité : mon amendement n'est pas rétroactif.
Enfin, cet amendement permet de s'assurer un vote conforme au Sénat, que nous souhaitons tous, dans la mesure où, si nous ne l'adoptons pas, il y a fort à parier que les sénateurs le feront, car ils sont attachés comme nous à l'égalité de la loi sur l'ensemble du territoire.
Grâce à cet arsenal, mes chers collègues, si vous voulez bien adopter mon amendement ainsi que la proposition de loi de Jacques Pélissard, nous assurerons le respect de la volonté que nous avons manifestée à l'occasion des longs débats précédant l'adoption de la loi du 16 décembre 2010.
Cette réforme territoriale a été menée non de façon autoritaire, au forceps, mais de façon consensuelle. Sous réserve de l'adoption de mon amendement, je soutiendrai avec force le président de l'Association des maires de France ainsi que cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Sur l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n° 16 .
La parole est à M. le rapporteur.
Favorable.
(L'amendement n° 16 est adopté.)
L'amendement n° 24 est justifié par le fait qu'il existe en droit français un principe général important, qui est celui de la non-rétroactivité des lois. Ce principe est encadré de façon très stricte par le Conseil constitutionnel, pour qui il peut y être dérogé pour des motifs d'intérêt général. Or, en l'espèce, même en cherchant bien, on ne trouve aucun motif de cette nature. Nous risquerions donc, si la loi était votée en l'état, de priver de base légale une partie des arrêtés de périmètre déjà pris.
J'ai soulevé, dans la discussion générale, le problème de la rétroactivité. M. Saddier également, qui a de surcroît déposé un amendement n° 1 , que l'adoption de l'amendement n° 24 ferait tomber. Peut-être aurait-il été possible de les soumettre à une discussion commune, car les deux propositions vont dans le même sens.
(L'amendement n° 24 est adopté.)
Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 9 .
La parole est à M. Bernard Derosier.
Il est défendu.
(L'amendement n° 9 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
Sur l'article 2 bis, je suis saisi d'un amendement n° 13 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
L'article 2 bis reprend des dispositions prévues par l'article 10 de la proposition de loi relative à l'intercommunalité adoptée par le Sénat le 4 novembre 2011. Il vise à faciliter la restitution partielle de compétence en matière de compétence facultative, c'est-à-dire ni obligatoire ni optionnelle, en cas de fusion d'EPCI dont l'un au moins est à fiscalité propre.
Il apporte deux améliorations appréciables. Tout d'abord, il porte à deux ans le délai pendant lequel l'EPCI à fiscalité propre issu de la fusion peut exercer de manière différenciée les compétences facultatives sur son périmètre. Durant cette période, les communes pourront définir de manière précise la partie de la compétence facultative restant au niveau de l'EPCI à fiscalité propre et celle appelée à redescendre au niveau des communes.
Ensuite, il permet qu'en matière de compétence facultative, la restitution de compétence puisse s'opérer de manière partielle. Cette disposition s'inspire du transfert partiel de compétence prévu par l'article L. 5 211-17 pour les compétences facultatives. D'ailleurs, la partie résiduelle de la compétence doit s'appuyer sur une définition objective, ce qui n'est pas exclusif de la détermination d'une liste des établissements ou équipements concernés par le transfert de compétences, à l'instar de ce qui est exigé à l'occasion de la définition de l'intérêt communautaire.
Ainsi, en s'inspirant des transferts partiels de compétences prévus par l'article L. 5211-17 pour les compétences facultatives, cet article permettra de faciliter la fusion d'EPCI à fiscalité dont le degré d'intégration serait différencié, et il faut s'en féliciter. Je remercie Jacques Pélissard d'avoir pris en considération cette demande qui a fait l'objet de nombreux échanges entre nous.
Le présent amendement propose d'assouplir davantage le délai laissé aux EPCI amenés à fusionner pour déterminer leurs compétences, en portant ce délai de deux à cinq ans, afin de permettre l'élaboration d'un consensus éclairé sur les compétences du nouvel EPCI.
En Flandre, alors que nous avons une proposition de la CDCI, du préfet et que toutes les intercommunalités dépassent les 5 000 habitants, les communautés de communes susceptibles de fusionner n'ont pas toujours un tronc commun de compétences harmonisé. Un lissage par le haut de ces compétences sur un délai trop court pourrait avoir pour conséquence une augmentation de la fiscalité, ce qui n'est pas, je pense, l'esprit de la loi.
Défavorable, malheureusement. Il s'agissait, dans notre esprit, d'allonger de six mois à deux ans le délai pendant lequel les nouvelles communautés de communes peuvent réfléchir à la manière dont elles vont organiser leurs compétences facultatives, mais de façon que la situation reste provisoire. En portant le délai à cinq ans, il ne s'agit plus du tout d'une période transitoire.
Je ferai également remarquer à notre collègue qu'entre-temps seront intervenues les élections municipales de 2014 et que les EPCI auront de nouvelles équipes. Si nous adoptons l'article 2 bis tel qu'il vous est proposé, ces nouvelles équipes seront toujours en mesure de statuer sur les compétences facultatives, puisque le délai de deux ans que nous préconisons ne sera pas expiré. Je crois donc qu'il n'est pas nécessaire, et qu'il serait même nuisible, de porter ce délai à cinq ans.
Défavorable également. Le délai de deux ans est celui qui est accordé aux conseils communautaires et aux conseils municipaux pour définir l'intérêt communautaire. C'est donc une question de cohérence. Par ailleurs, comme vient de le souligner le rapporteur, l'amendement aurait pour effet de maintenir durablement les communautés dans des situations d'exercice de compétences différenciées qui doivent rester transitoires.
Il s'agit d'un rappel au règlement sur le fondement de l'article 135, alinéa 7, qui précise que, lorsque les parlementaires n'ont pas reçu de réponse à leurs questions écrites dans les délais, « les présidents des groupes ont la faculté de signaler certaines des questions restées sans réponse. Le signalement est mentionné au Journal officiel. Les ministres sont alors tenus de répondre dans un délai de dix jours. »
Si je fais à nouveau ce rappel au règlement, c'est parce que je suis très heureux de pouvoir enfin m'exprimer devant le ministre de l'intérieur. Ce dernier n'a en effet pas répondu à deux questions écrites signalées que je lui ai adressées. Il aurait dû répondre, pour l'une, le 24 novembre 2011, pour l'autre, le 8 décembre 2011, c'est-à-dire que le délai de dix jours a été dépassé de plus de trois mois.
Je rappelle que la procédure des questions signalées a été créée par le président Philippe Séguin. Pendant quatorze ans, sur 8 600 questions signalées, il n'y a pas eu une seule question en retard.
Depuis six mois, les retards s'accumulent. Le ministre de l'intérieur, en particulier, ne répond pas à ces questions. Il a certes répondu à d'autres questions signalées. Mais il n'a évidemment pas apporté de réponse à celle que je lui posais et qui était la suivante : combien de forces de police sont mobilisées pour tenir les Français à l'écart des visites du Président de la République.
Il s'obstine à ne pas donner de réponse alors qu'il le sait parfaitement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est parce qu'il est présent dans l'hémicycle que je tenais à faire ce rappel au règlement et je le referai aussi souvent que nécessaire, c'est-à-dire jusqu'au moment où les ministres respecteront le règlement de l'Assemblée nationale et les parlementaires. (Mêmes mouvements.)
Il est pris note, monsieur Dosière, de votre rappel au règlement. Il en sera fait état auprès du ministre chargé des relations avec le Parlement.
Nous reprenons le cours de nos débats.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
J'ai bien entendu votre réponse, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, et j'ai conscience que c'est déjà une très belle avancée que de donner à ces EPCI un délai de deux ans et je vous en remercie. Cette question a fait l'objet d'échanges avec le président de l'Association des maires de France.
J'ai en tête certaines circonstances, telles celles que l'on connaît dans le Nord où l'on a accepté une proposition de fusion alors que chaque communauté de communes faisait déjà cinq mille habitants, et où celles qui ont dix mille ou quinze mille habitants disposent déjà de degrés de compétence élevés mais parfois distincts les unes des autres. L'esprit du projet de loi, c'est aussi de dépenser moins, et je ne suis pas sûr qu'en lissant trop vite les compétences on fasse des économies. Je pense que même cela entraînera forcément des augmentations de fiscalités dans certaines communautés.
(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)
Bien fait monsieur Decool, il ne fallait pas soutenir la majorité !
(L'article 2 bis est adopté.)
L'article 3 a été déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution.
Je suis saisi d'un amendement du Gouvernement, n° 25, visant à le rétablir.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement reprend donc l'article 3 de la proposition de loi qui a été frappé d'irrecevabilité financière au titre de l'article 40. L'exercice de compétences sur un périmètre intercommunal élargi, du fait principalement d'une fusion ou d'une extension, peut dans certains cas poser des problèmes de nature à faire obstacle au développement du périmètre envisagé. C'est ce que nous a enseigné le bilan d'une année de mise en oeuvre de la loi relative à la réforme des collectivités territoriales. Le président Pélissard l'a souligné : les compétences relatives aux écoles communales, à l'accueil de la petite enfance et à l'action sociale sont dans ce cas de figure.
La solution adoptée par la loi de décembre 2010 consistant soit à imposer la compétence au nouvel EPCI, soit à la restituer aux communes qui l'avaient transférée ne s'avère pas toujours satisfaisante. C'est pour remédier à cette difficulté et favoriser l'extension des intercommunalités que le Gouvernement a souscrit à la demande exprimée notamment par l'Association des maires de France en autorisant, dans des cas limitativement énumérés et sans remettre en cause le principe général de diminution du nombre de syndicats, la création d'un type de syndicat spécifique.
L'avis est bien entendu favorable. Je salue la compréhension du Gouvernement qui, en rétablissant cet article, montre bien sa volonté de faire avec le Parlement un exercice de coproduction législative.
Nous sommes ici au coeur des difficultés qu'a rencontrées la loi dans son acceptation par les élus locaux…
…parce que, contrairement à ce qui a été dit parfois, un grand nombre d'élus territoriaux ne sont pas opposés à l'évolution que constitue la réforme territoriale du 16 décembre 2010. Celle-ci, dans son volet intercommunal, s'inscrit d'ailleurs parfaitement dans la philosophie des textes précédents : renforcement du couple entre la commune et l'intercommunalité et renforcement des compétences exercées en commun par un ensemble de communes.
Mais la difficulté, c'est de mettre en oeuvre l'exercice de nouvelles compétences sur de nouveaux périmètres. Un grand nombre d'élus locaux se posaient la question de savoir comment, et dans quels délais, pouvoir décemment agréger des compétences qui sont parfois très différentes. Je tiens à dire tout le bien que je pense de l'amendement du Gouvernement. En effet, la difficulté est colossale lorsque vous avez, d'un côté, une intercommunalité assez ancienne autour d'une ville-centre, dont les compétences sont extrêmement intégrées et qui a mis en place une administration locale unique, comme dans ma circonscription, et, de l'autre, des intercommunalités très rurales qui, elles, ont des compétences réduites qui correspondent à des besoins presque exclusivement ruraux. Il est difficile d'imaginer une fusion de ces entités dans l'exercice de compétences telles que les affaires scolaires, la petite enfance ou encore les CIAS. L'amendement répond donc parfaitement aux préoccupations actuelles des élus territoriaux.
Il est heureux que le Gouvernement ait repris à son compte la proposition initiale de Jacques Pélissard, nous permettant ainsi de contourner – si je puis dire – l'article 40 de la Constitution. Mais si, par le rétablissement du texte, on pourra intervenir dans des domaines bien précis – construction ou fonctionnement d'écoles préélémentaires et élémentaires, accueil de la petite enfance, action sociale –, je crains que le nouveau dispositif ne soit trop limitatif. Je souhaite que nous y ajoutions les syndicats d'adduction d'eau et les syndicats de rivière qui sont également des instances vouées à disparaître de par le schéma d'intercommunalité.
(L'amendement n° 25 est adopté.)
L'article 4 a été déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution.
Je suis saisi d'un amendement du Gouvernement, n° 26, visant à le rétablir.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement prévoit un report des nouvelles règles de composition des conseils communautaires et des bureaux. Par ailleurs, il préserve jusqu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux les règles actuelles de désignation des suppléants des délégués communautaires.
L'avis est favorable. J'insiste sur le fait qu'un des obstacles que l'on rencontre dans l'exercice difficile de refonte de la carte intercommunale, c'est le problème de la gouvernance. L'amendement du Gouvernement, qui va permettre de revenir à l'article 4, est tout à fait bienvenu.
Cet article qui touche à la gouvernance est primordial. Jacques Pélissard avait eu raison de l'introduire et je suis heureux qu'il soit rétabli. Le lien entre l'intercommunalité, qui va mailler l'ensemble du territoire national, et les communes doit être maintenu. Les règles de désignation actuelles distendaient ce lien. Si on peut trouver, dans le temps qui nous reste, les moyens de continuer d'associer à la gestion communale, compétence par compétence, les élus communaux, avec tout le bénévolat et la force démocratique qu'ils représentent, à l'intercommunalité, c'est-à-dire sans les couper des décisions prises par les intercommunalités, on aura collectivement fait oeuvre utile.
Je tiens moi aussi à remercier le Gouvernement d'avoir déposé cet amendement qui clarifie la gouvernance et qui permet de reporter les nouvelles règles de composition des conseils et des bureaux, entre autres pour les EPCI créés avant la loi du 16 décembre 2010. En effet, je partage l'avis de mon collègue Launay : il est important de ne pas bloquer certains EPCI en termes de gouvernance et de permettre la représentation des communes à la population moins importante en reportant donc à 2014, après les élections municipales, le dispositif prévu. Il faut associer les petites communes à la gestion des grandes communautés d'agglomération. La valeur d'une commune ne se mesure pas forcément au nombre de ses habitants.
Je me satisfais que le Gouvernement ait repris par voie d'amendement ces deux articles.
Cela étant, nous avions déposé des amendements sur ces articles, et la proposition que je viens de faire y figurait. Ils n'ont malheureusement pas pu être examinés et j'aurais aimé, monsieur le président, que ma proposition fût considérée comme un sous-amendement oral. Las, le ministre ne m'a pas plus répondu à l'instant qu'il n'a répondu par écrit à mon collègue Dosière. Cela doit être une ligne de conduite qui découle de son appréciation de la civilisation. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oh là-là !
(L'amendement n° 26 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. Bernard Derosier.
Cet amendement répond à une logique de simplification du cadre législatif, dans le cadre du processus d'achèvement et de rationalisation des intercommunalités. Par les nouveaux alinéas que nous proposons d'insérer, nous nous inscrivons dans cette démarche et je demande à mes collègues de la majorité de bien vouloir soutenir cette proposition.
L'avis est évidemment défavorable car c'est l'un des très rares amendements qui reviendraient à détricoter la loi du 16 décembre 2010 et à renverser son équilibre. Au contraire, nous essayons, dans l'esprit de cette loi, de l'améliorer par la proposition de loi Pélissard. Il faut que la refonte de la carte intercommunale soit une coproduction, cette fois-ci non plus avec le Gouvernement mais entre les préfets et les élus locaux représentés au sein des commissions départementales de coopération intercommunale. Or, en voulant évincer les préfets, vous remettez en cause, monsieur Derosier, l'équilibre de la loi du 16 décembre 2010.
J'ajoute que cet amendement créerait une inégalité entre d'une part, les soixante-six départements qui se sont déjà engagés dans le processus de coproduction, d'autre part les autres départements. À ce stade, on ne peut plus remettre en cause les équilibres voulus par le législateur en 2010.
Le Gouvernement est également défavorable. Le dispositif qui a été appliqué toute l'année dernière fait l'objet d'un large consensus. Je souligne qu'il a fait l'objet d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Par ailleurs, la pratique a montré, nous avons les uns et les autres rappelés les chiffres tout à l'heure, que le dispositif est efficace.
Avis défavorable car cette disposition relève éventuellement du règlement intérieur mais pas de la loi.
(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)
Je suis saisi par M. le rapporteur d'un amendement de cohérence, n° 17 rectifié.
(L'amendement n° 17 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 5, amendé, est adopté.)
La parole est à M. Bernard Derosier, pour défendre l'amendement n° 6 portant article additionnel après l'article 5.
Cet amendement vise à déterminer les compétences d'un EPCI à fiscalité propre créé pour la mise en oeuvre du schéma départemental de coopération intercommunale. Son texte est explicite.
Avis défavorable car la préoccupation à laquelle entend répondre cet amendement est déjà partiellement satisfaite par l'article 2 bis que nous venons d'adopter.
Défavorable pour les mêmes raisons.
(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Bernard Derosier, pour défendre l'amendement n° 4 rectifié .
J'ai développé cette idée lors de la discussion générale. Il s'agit de donner aux communes qui ne disposent que d'un seul délégué à la communauté de communes ou d'agglomération à laquelle elles appartiennent, la possibilité de désigner un délégué suppléant.
La commission est défavorable à cet amendement parce que la rédaction de l'article 5 ter, telle que modifiée par la commission des lois, répond à la préoccupation exprimée dans cet amendement. En outre, monsieur Derosier, si votre amendement était adopté, l'obligation de parité disparaîtrait.
Ce n'est pas normal ça ! Je croyais que la gauche était pour la parité…
(L'amendement n° 4 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 5 ter est adopté.)
Sur l'article 5 quater, je suis saisi par M. le rapporteur d'un amendement de correction syntaxique, n° 20.
(L'amendement n° 20 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour défendre l'amendement n° 14 portant article additionnel après l'article 5 quater.
Le présent amendement vise à ouvrir aux établissements publics de coopération intercommunale tels que les communautés de communes, la possibilité de décider de verser la subvention au service départemental d'incendie et de secours, en remplacement de ses communes membres.
Ainsi, une communauté de communes qui ne résulte pas de la transformation d'un autre EPCI à fiscalité propre disposant de la compétence incendie et secours ne peut avoir cette compétence dans la mesure où celle-ci appartient désormais au SDIS et non plus aux communes.
Or les compétences exercées par une communauté de communes, outre celles prévues à l'article L. 5214-16 du CGCT, ne peuvent que résulter d'un transfert des communes membres par application de l'article L. 5211-17 du CGCT. Les communes n'ont plus, depuis la loi de départementalisation du 3 mai 1996, qu'une obligation de versement de la contribution due au budget du SDIS. Elles participent en outre à la gestion de l'établissement public par leur représentation au conseil d'administration du SDIS.
Dans ces conditions, la rédaction actuelle de l'article L. 1424-35 ne permet pas à une communauté de communes de décider de verser une subvention au SDIS en remplacement de ses communes membres. Cet amendement vise donc à lui donner la possibilité de substituer aux communes pour verser les subventions…
Dans mon intervention liminaire, j'ai indiqué que si nous voulions aboutir rapidement à un texte consensuel qui prendra force de loi le plus vite possible, et en tout cas au plus tard à l'expiration de cette session, la dernière de la législature, il fallait nous garder de rajouter au texte des dispositions étrangères à son objet. Or ce texte vise à refondre la carte intercommunale et non à intervenir dans le domaine des services départementaux d'incendie et de secours. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.
Comme votre rapporteur, je crois qu'il convient d'éviter l'ouverture de nouveaux chantiers à l'occasion de l'examen d'un texte dont tout le monde convient qu'il doit aboutir très rapidement pour porter ses fruits dans chacun des départements qui ne sont pas encore couverts par un schéma.
Les questions que vous soulevez de façon très légitime, monsieur Decool, me semblent pouvoir relever de la convention entre les communes et les intercommunalités. En tout état de cause, afin de trouver des solutions je propose de constituer avec l'Association des maires de France et les services compétents du ministère de l'intérieur un groupe de travail, auquel vous pourrez participer.
C'est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement.
Je le retire en vous remerciant de cette proposition, sachant que s'il est bien une décision attendue par tous les maires concernés par ces fusions c'est bien celle-là. J'accepte bien volontiers votre proposition de retirer cet amendement, en attendant la création prochaine de ce groupe de travail.
(L'amendement n° 14 est retiré.)
Pour mettre fin sans plus tarder à un suspens insoutenable, j'accepte le sous-amendement n° 23 du Gouvernement.
Il s'agit de dresser la liste des mesures qui ne sont pas applicables en Polynésie française. Une fois rectifiée par le sous-amendement du Gouvernement, la disposition sera complète et adéquate.
La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 23 .
Nous avons achevé l'examen des articles.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi, auront lieu le mardi 14 février, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, lundi 13 février à dix-sept heures :
Projet de loi de finances rectificative pour 2012.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron