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Intervention de Pascal Brindeau

Réunion du 9 février 2012 à 9h30
Accord france-inde sur la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords d'utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur suppléant, mes chers collègues, par ses multiples facettes la question qui nous est soumise nous ramène à une actualité chaude – si je puis m'exprimer ainsi alors que le froid règne sur notre pays.

Cette question touche à la définition de notre politique étrangère et, du fait que nous soyons une puissance nucléaire, nous avons une responsabilité particulière, notamment dans une région du monde où ce sujet est des plus sensibles : l'Inde est à quelques heures d'avion de l'Iran.

Cette question touche également aux besoins énergétiques de ce grand pays qu'est l'Inde et s'inscrit dans le cadre d'un large débat national sur l'avenir de la filière nucléaire.

Avant d'aborder la question de la répartition des droits de propriété intellectuelle en matière nucléaire, je souhaite rappeler les raisons qui avaient, à l'époque, justifié l'adhésion du groupe Nouveau Centre à l'accord franco-indien de coopération nucléaire.

La coopération internationale pour l'utilisation à des fins pacifiques de l'énergie nucléaire est un thème qui laisse trop souvent prospérer des incompréhensions, quand ce n'est pas un profond malaise, au sein de l'opinion publique nationale et internationale. C'est un enjeu majeur pour nos pays respectifs, porteur d'autant de chances que de risques que seule la mise en oeuvre d'une régulation rigoureuse peut juguler.

Pourtant, l'entrée en vigueur du traité de non prolifération nucléaire, l'effondrement de l'ex-Union soviétique nous ont conduits à poser autrement le problème de la diffusion pacifique du nucléaire. L'évolution du contexte international a ainsi rendu obsolètes les termes anciens de « dissuasion militaire », justifiant qu'on entoure de garanties négociées l'accès des puissances nouvelles comme l'Inde aux technologies de pointe.

En 2008, la décision du Groupe des fournisseurs nucléaires qui fit suite à l'accord américano-indien a de nouveau ouvert la voie à des coopérations nucléaires avec l'Inde, soumise depuis plusieurs années à un isolement international. Si elle n'a pas adhéré au traité de non prolifération, elle a néanmoins consenti, à cette occasion, un important effort pour se conformer aux principes qui ont inspiré ce traité et pour se plier aux procédures d'inspection internationales.

Puissance émergente – peut-être, d'ailleurs, devrions-nous parler de puissance « émergée » –, pays parmi les plus peuplés au monde, avec plus de un milliard d'habitants, l'Inde connaît une croissance démographique des plus rapides qui s'accompagne d'un exode rural massif. Cette situation implique pour les dirigeants indiens d'être à même de répondre le plus efficacement possible à la démultiplication des besoins énergétiques de leur population, dans un contexte où les hydrocarbures se raréfient et où les perspectives de développement de la filière charbon semblent elles-mêmes des plus limitées.

Face à cette demande énergétique croissante, l'Inde a donc fait le choix de développer son parc d'installations nucléaires civiles et de miser sur la coopération internationale pour développer ses capacités énergétiques.

Par la signature de l'accord-cadre de septembre 2008 qui prévoit notamment le transfert de technologies et d'échange d'informations scientifiques et techniques, elle fait ainsi de la France l'un de ses principaux partenaires en matière de coopération nucléaire à des fins pacifiques, nous confortant ainsi dans l'idée que l'énergie nucléaire est pour notre pays une source d'avenir en matière industrielle et technologique.

Ce faisant, la mise en oeuvre d'un échange sécurisé entre nos deux pays impose que soient respectées les règles de protection de la propriété intellectuelle créée et de la technologie transférée. Or, la position particulière de l'Inde dans ce domaine justifie la conclusion de l'accord soumis à notre examen.

En effet, l'Inde considère les inventions touchant les matières nucléaires ou fissibles comme relevant des exceptions à la règle internationale selon laquelle les inventions dans ce domaine doivent être brevetables. La loi indienne, en cohérence avec cette interprétation, interdit la délivrance en Inde de brevets portant sur l'énergie nucléaire. Par ailleurs, la loi requiert l'obtention préalable de l'autorisation du gouvernement fédéral pour pouvoir déposer à l'étranger les résultats issus des recherches effectuées en Inde en matière nucléaire.

Ces dispositions de la législation indienne constituent un obstacle à la protection de la propriété intellectuelle telle que l'impose la réglementation internationale.

Afin de limiter les conséquences de la position indienne sur les intérêts français, le présent accord a donc pour objectif de poser le principe de la protection adéquate et effective des résultats communs aux deux États. Outre les engagements respectifs des deux pays, l'Inde s'engage par cet accord à ne pas s'opposer à la protection à l'étranger des résultats des recherches issues d'une coopération franco-indienne.

Ce sont là des mesures fondées, respectueuses des intérêts de la France et soucieuses d'un encadrement effectif de la coopération entre nos deux pays, mesures que, par conséquent, le groupe Nouveau Centre approuve.

Néanmoins, je me permettrai d'exprimer quelques réserves quant à l'application de cet accord. Assez imprécis, il risque de créer quelques problèmes dans son application concrète. Il faut ajouter à cela le fait que le gouvernement de la République de l'Inde n'est pas tenu, comme c'est le cas en France, par une procédure parlementaire et est donc, aux termes de l'étude d'impact « dans l'attente de nos instruments ».

Plus largement, il conviendrait d'engager une réflexion sur le traité de non prolifération nucléaire. Rappelons que nous développons une coopération, au même titre que les États-Unis, avec un pays qui n'a pourtant pas adhéré à ce traité. Cela remet en cause les fondements d'un traité destiné, à l'origine, à favoriser les usages pacifiques de l'atome.

Sous ces légères réserves, le groupe Nouveau Centre soutiendra bien évidemment la ratification de cet accord qui favorise le développement d'une coopération franco-indienne déjà amorcée depuis quelques années et qui constituera à n'en pas douter un levier privilégié de l'intensification de notre relation bilatérale.

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