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Intervention de Paul Giacobbi

Réunion du 9 février 2012 à 9h30
Accord france-inde sur la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords d'utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

L'Inde est impliquée dans la recherche nucléaire et dans la physique fondamentale depuis très longtemps. Je vous signale que c'est le physicien indien Bose, remarquable professeur à l'université de Calcutta, qui a découvert la particule élémentaire le boson, qui porte son nom, et le condensat de Bose-Einstein qui en a résulté. La France était anciennement liée à la recherche nucléaire indienne, le professeur Homi Jehangir Bhabba ayant été malheureusement tué en 1961, lorsque son avion s'était écrasé sur le Mont-Blanc.

L'examen de ce texte est l'occasion de rappeler deux particularités de l'Union indienne dans l'ensemble du droit, par rapport au nucléaire mais aussi aux brevets.

S'agissant des brevets, vous le savez la législation de l'Union indienne est un peu particulière. En matière de médicaments génériques, l'industrie pharmaceutique indienne s'est longtemps développée sous le couvert du non-respect des accords internationaux. Elle évolue toutefois puisqu'elle tend désormais à reconnaître le système de copyright.

S'agissant du nucléaire, l'Inde n'est pas signataire du traité de non-prolifération, comme l'a rappelé M. Birraux. Un certain nombre de puissances occidentales mais aussi la Chine, ont accepté le fait que, nonobstant la non-signature du traité de non-prolifération, il est possible de coopérer dans le champ civil avec l'Union indienne en faisant le distinguo entre le domaine qui induit une utilisation militaire et celui qui ne l'induit pas. Ces questions sont extrêmement complexes, surtout lorsque l'on sait que le pays dispose de centrales nucléaires à eau lourde qui, si mon souvenir est bon, ont un caractère relativement proliférant, en tout cas ont un produit fatal en termes de plutonium. Mais je n'entrerai pas dans le détail.

Tout ceci fonctionne donc, est la France y est intéressée puisque, comme vous le savez, il y a un memorandum of understanding relatif à l'éventuelle acquisition de deux, voire six réacteurs de type EPR sur le site de Jaitapur, au Maharashtra, ce qui est fondamental pour notre industrie d'exportation mais aussi pour l'Union indienne où la production d'électricité est, c'est notoire, de très mauvaise qualité et structurellement insuffisante. New Delhi et Mumbai, par exemple sont régulièrement privées d'électricité et des pannes peuvent affecter pendant des jours entiers des grandes villes, donc des millions d'habitants.

Dans ce contexte, nous avons ici un accord relativement pragmatique qui essaie d'apporter une solution afin de respecter ce que fait l'Inde dans le domaine des brevets tout en permettant de coopérer. Au passage, je signale que la recherche scientifique commune entre l'Inde et la France est considérable, indépendamment même du domaine nucléaire.

Par conséquent, on ne peut qu'approuver l'accord qui nous est soumis, car il nous permettra d'avancer même s'il ne règle pas, dans notre coopération avec l'Inde sur le plan nucléaire, deux questions fondamentales qui perdurent et qu'il ne faut pas éluder.

Premièrement, il faut coopérer tout en restant dans le secteur sur lequel on a le droit de coopérer. C'est une question politique difficile sur laquelle je ne m'étendrai pas en public.

La seconde question, c'est celle de la responsabilité. Vous le savez, l'Union indienne a été victime, il y a un certain nombre d'années, de la catastrophe chimique de Bhopal. La grande compagnie Union Carbide, pour ne pas la citer, s'était rendue responsable, à travers une filiale locale, d'un accident affreux dont on sait qu'il a laissé des séquelles considérables.

En réalité, Union Carbide, en tant que personne morale, n'était pas directement impliquée, mais on avait affaire à une filiale locale plus ou moins déconnectée de la maison mère, ce qui a rendu très difficiles les poursuites en responsabilité. D'où une législation spécifique à l'Inde qui, en dépit de ce qui est généralement organisé en matière nucléaire, considère qu'une entreprise peut être mise en cause dans une responsabilité illimitée dès lors qu'elle serait sur le territoire de l'Union indienne concepteur ou fournisseur d'une principale alimentation d'une autre entreprise locale.

Dans le cas du nucléaire, cela signifie que l'entreprise qui aura conçu un réacteur nucléaire ou celle qui aura fourni le combustible nécessaire à ce réacteur nucléaire, encourra une responsabilité illimitée face à la juridiction indienne – laquelle est très indépendante et très puissante.

Naturellement, le gouvernement français essaie de pallier cette difficulté en tâchant, avec le gouvernement indien, de trouver des voies et moyens juridiques d'échapper, le cas échéant, à cette responsabilité illimitée qui est, bien entendu, complètement « inassurable ».

Le texte lève un obstacle juridique important sur la voie de notre coopération avec l'Inde même s'il ne règle pas tout. Tout est difficile, certes, mais cet accord constitue un pas important.

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