Vous le savez, l'Inde, comme le Pakistan, se sont dotés de l'arme nucléaire. Ces deux frères ennemis n'ont pas signé le Traité de non-prolifération nucléaire. Vous le savez aussi, la France vend des armes à ces deux pays. Souvenons-nous de l'affaire Karachi et de la vente récente de plus d'une centaine d'avions de combat à l'Inde. Or cet accord sur la propriété intellectuelle pourrait ouvrir la porte à la cession de technologies susceptibles d'être utilisées à des fins militaires, qu'il s'agisse d'usines de retraitement et d'enrichissement de l'uranium ou de production de plutonium. Ne fermons pas les yeux sur la vérité !
Le Groupe des fournisseurs nucléaires a pourtant interdit, en juin dernier, l'exportation d'installations sensibles à des pays qui n'ont pas signé le traité de non-prolifération. On nous demande donc de prendre le risque de nous mettre en infraction avec les textes internationaux. Le gouvernement français est prêt à tout pour vendre des centrales !
Je le dis ici solennellement, j'espère que les négociations avec l'Inde sur le nucléaire n'aboutiront pas.
La démocratie l'exige. La population locale s'oppose à l'implantation des centrales Areva. Un manifestant a déjà payé de sa vie.
La raison scientifique et économique l'impose aussi : cinq ans de retard pour l'EPR en Finlande, quatre ans de retard à Flamanville ; une addition qui n'en finit pas de s'allonger ! Pourquoi offrir à nos amis indiens un tel cadeau empoisonné ?
Notre coopération devrait se déployer autour d'activités pacifiques, comme la lutte contre le réchauffement climatique, et non se concentrer sur des énergies de mort, la vente d'armements et la vente de nucléaire. « Il faut sauvegarder les emplois d'Areva ! », vont protester mes collègues pro-nucléaire. Mais le transfert de technologies, dont l'Inde ne reconnaît pas les brevets, ne protégera en rien les salariés du nucléaire français. Les Indiens ont d'excellents scientifiques et d'excellents ingénieurs.
Quant à l'alibi du développement économique, il ne tient pas non plus. Les populations locales ne bénéficient pas des emplois induits par le nucléaire, des études menées dans le Tamil Nadu l'ont montré. Les habitants de Jaitapur ne s'y laissent pas prendre. Ils refusent d'être expropriés, ils ne veulent pas de ces centrales. Nous non plus : comme ils disent en hindi, Jaitapur dji nahi ! Jaitapur non merci !
Le gouvernement français fait preuve d'une mauvaise foi criminelle. D'un côté, il assure qu'il n'y a aucun risque avec le nucléaire, de l'autre, il fait pression sur ses homologues indiens pour qu'ils modifient leur législation. L'Inde considère, en effet, que le constructeur d'une centrale est responsable en cas de catastrophe. Après Bhopal, on comprend la prudence du gouvernement indien vis-à-vis de partenaires industriels occidentaux peu scrupuleux.
Or le Président de la République française lui-même a demandé au Premier ministre indien d'assouplir cette loi. Pourquoi ? Parce qu'Areva ne veut pas être tenue pour responsable d'un accident nucléaire à Jaitapur ?
Nous non plus, nous ne voulons pas porter cette responsabilité. Mais la meilleure manière d'éviter un nouveau Fukushima, c'est de renoncer à construire ces centrales, qui sont situées, je le répète, sur une zone sismique, comme celle de Fessenheim. Les écologistes français ont exprimé leur solidarité avec l'opposition de la société civile indienne.
Je vous appelle, chers collègues, à faire de même et à voter contre ce texte. En France comme en Inde, les générations futures – présentes ce matin dans les tribunes – doivent être préservées des désastres du nucléaire et de ses déchets.