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Séance en hémicycle du 16 juillet 2008 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • ANPE
  • chômeur
  • demandeur
  • devoir
  • raisonnable

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean Mallot, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, je tenais à faire ce bref rappel au règlement pour déplorer –regret partagé par de nombreux collègues – qu'un projet aussi important que celui que vous allez annoncer soit examiné un mercredi soir à vingt et une heures trente. C'est un projet attendu et médiatisé, qui porte sur une question sensible – on n'imagine d'ailleurs pas que le Président de la République l'aurait inscrit à l'ordre du jour d'une session extraordinaire s'il en avait été autrement. Reste que si les travaux parlementaires avaient été correctement organisés, ce texte aurait pu être examiné au mois de juin, ou au mois d'octobre, en coordination avec le projet de loi relatif à la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, qui interviendra à partir du 1er janvier 2009.

Il est clair que le Gouvernement, qui, jusqu'à preuve du contraire, fixe l'ordre du jour des assemblées, a délibérément choisi de nous faire examiner ce texte au cours de l'été, au mois de juillet, à une heure qui n'est pas convenable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Précisément, mon cher collègue : puisque nous sommes déjà au coeur de l'été, je vous invite à commencer l'examen du texte au plus vite !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi. (nos 1005, 1043).

La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, madame la rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames et messieurs les députés, au coeur de l'engagement présidentiel figure le plein emploi. Nous voulons abaisser notre taux de chômage à 5 % à la fin du quinquennat, c'est-à-dire en 2012, et ramener le plus grand nombre de nos concitoyens vers l'emploi avec un taux d'emploi de 70 %.

Cette question du plein emploi est étroitement liée à celle du pouvoir d'achat, car l'emploi est le premier des combats pour améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Une personne qui retrouve un emploi, c'est un revenu supplémentaire pour le foyer et du pouvoir d'achat pour toute la famille.

Aujourd'hui de 7,2 %, notre taux de chômage est le plus bas depuis vingt-cinq ans et notre taux d'emploi remonte enfin à 65,1 %. Nous nous approchons donc, sans l'avoir encore atteint, de notre objectif de 70 %.

Pour y parvenir, il nous faut bien entendu prendre des mesures de fond pour encourager la croissance et créer les emplois de demain. Cela passe par la réhabilitation du travail, la compétitivité, l'innovation, l'attractivité. Un ensemble de lois importantes adoptées depuis juillet 2007, à commencer par la loi « travail, emploi et pouvoir d'achat », s'inscrivent dans le combat que nous menons contre le chômage et pour l'emploi. Quant à la loi de modernisation de l'économie, qui a été débattue devant cette assemblée et devant le Sénat, elle contribuera elle aussi à améliorer l'attractivité de notre territoire, sa capacité d'innovation et, par conséquent, à créer des emplois.

S'il est essentiel de créer des emplois, il faut aussi être en mesure de les pourvoir avec des salariés formés et compétents. Or nous sommes face à une situation très paradoxale : 1,9 million de personnes sont au chômage tandis que plusieurs centaines de milliers d'offres d'emploi dans nos entreprises ne trouvent pas preneur. Cela signifie que nous sommes en présence d'une offre et d'une demande qui ne se rencontrent pas de façon harmonieuse : nous devons donc améliorer le marché de l'emploi.

Pour cela, de nombreux chantiers ont déjà été lancés, notamment par les partenaires sociaux. Depuis l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008, notre pays a franchi un pas important en termes de sécurisation des parcours professionnels. Cet accord a été transcrit dans notre législation par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

Parallèlement, depuis la loi du 13 février 2008, votée dans cette assemblée, le processus de création du nouvel opérateur issu de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC est lancé. Avec Laurent Wauquiez, nous nous attachons à faire avancer ce chantier avec détermination, afin qu'il se traduise le plus vite possible par des améliorations concrètes et visibles sur le terrain à la fois pour les demandeurs d'emploi et les entreprises qui recrutent. Nous y sommes l'un et l'autre particulièrement attentifs. Nous avons eu de longs débats sur ce sujet. Ce n'est pas une réforme institutionnelle : il s'agit au contraire de créer une plateforme de services afin d'offrir un meilleur service aux usagers de ce nouveau service public de l'emploi que sont les candidats à l'emploi et les entreprises.

Certains changements concrets sont déjà intervenus. Je pense notamment à l'amélioration de l'offre de service en direction des seniors, mise en oeuvre depuis le 1er mars. Les agences nationales de l'emploi issues de la nouvelle institution procèdent à un suivi mensuel des futurs salariés seniors pour les rapprocher, le plus vite et le mieux possible, de l'emploi.

Toutes ces réformes sont interdépendantes. Depuis le début de l'année, le chantier de la réforme de la formation professionnelle est également en marche. Nous avons tenu, le 10 juillet, avec Laurent Wauquiez, une importante réunion en présence des partenaires sociaux et des représentants des régions – tous ces acteurs étant concernés par la formation professionnelle. Dans ce domaine, nous devons réformer le système en profondeur afin de pallier les déficiences du système de formation, qui est l'une des étapes indispensables pour créer un marché du travail efficace où offre et demande puissent se rencontrer.

Je voudrais mentionner un dernier chantier, qui fait lui aussi partie aussi du paysage de ce marché de l'emploi que nous devons améliorer : les négociations paritaires sur la prochaine convention d'assurance chômage, qui devraient s'ouvrir à la rentrée prochaine. Il s'agit d'élaborer les mécanismes d'indemnisation les plus efficaces possibles au service des candidats à l'emploi qui ne trouvent pas rapidement un nouvel emploi.

Ces réformes particulièrement importantes pour nos concitoyens forment un ensemble cohérent et s'emboîtent les unes dans les autres. C'est tout le sens de ce projet de loi sur les droits et les devoirs des demandeurs d'emploi, qui contribuera lui aussi à accroître l'efficacité de l'intermédiation sur le marché du travail, car nous voulons mettre en place un marché du travail où se rencontrent l'offre et la demande, dans un souci de droits et de devoirs réciproques.

Ce sujet a été trop longtemps délaissé – comme celui de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, nous en parlions depuis des années mais personne n'avait le courage de le traiter. Les partenaires sociaux, saisis en juin dernier de ce sujet, ne sont pas parvenus à trouver un accord, après avoir déjà échoué lors des négociations sur de précédentes conventions d'assurance chômage depuis 2000. C'est pourquoi le Gouvernement, au terme d'un processus engagé en juin 2007, doit agir aujourd'hui et traiter cette question de l'équilibre entre les droits et les devoirs et de la définition de l'offre raisonnable d'emploi, avec sérénité mais aussi avec détermination. Cet équilibre est l'un des éléments importants de ce paysage que j'essayais de vous décrire et dont les pièces s'emboîtent les unes dans les autres, notre objectif étant de rapprocher le plus possible les candidats à l'emploi de l'emploi.

Après une concertation approfondie avec les partenaires sociaux, nous sommes parvenus à un projet équilibré, qui répond à un besoin d'amélioration du fonctionnement de notre marché du travail et qui rencontre aussi – c'était une promesse du Président de la République – une légitime préoccupation de nos concitoyens.

Je voudrais vous présenter les principes généraux de la réforme, avant de vous indiquer quelles pourraient être ses modalités d'application.

Cette réforme se fonde sur trois principes clairs, qui sont d'ailleurs des idées de bon sens : une approche personnalisée, l'équilibre entre les droits et les devoirs, et enfin l'équité.

Premièrement, nous souhaitons une approche personnalisée car on ne peut en effet appliquer les mêmes méthodes, anonymes et globalisées, au chômage – qui, nous l'espérons, ne sera plus un chômage de masse mais sera réduit jusqu'à devenir portion congrue, puisque notre objectif est de le ramener à 5 % à la fin du quinquennat. Tout simplement parce qu'on ne traite pas de la même façon un cadre célibataire de trente ans habitant en région parisienne et une femme avec deux enfants, vivant en milieu rural et ayant des difficultés pour se déplacer.

L'offre raisonnable d'emploi doit donc être adaptée à la situation de chacun. Elle doit se fonder sur le projet professionnel que les candidats à l'emploi élaborent avec leur conseiller du service public de l'emploi. Elle doit aussi s'appuyer sur des critères objectifs pour éviter l'arbitraire, assurer une égalité de traitement et garantir l'efficacité du dispositif.

Le deuxième principe est tout aussi important puisqu'il s'agit de l'équilibre entre les droits et les devoirs. Qu'il n'y ait pas de droits sans devoirs est une évidence, qu'il est bon de rappeler, et que, j'imagine, personne sur les bancs de cette assemblée ne saurait contester.

Ce que nous souhaitons, c'est renforcer à la fois les droits et les devoirs, et ce de manière concomitante.

Davantage de droits, cela a été évoqué lors de la discussion sur la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC : c'est tout simplement, dans le cadre de la modernisation du marché du travail, la portabilité de certains droits et la réforme du service public de l'emploi, qui crée un service personnalisé auprès de chaque candidat à l'emploi.

La fusion ANPE-ASSEDIC permettra de déployer davantage de moyens humains au contact des usagers. Elle sera aussi l'occasion de rénover profondément l'offre de service aux demandeurs d'emploi, qu'ils soient indemnisés ou non. Ceux qui ont participé au débat sur la fusion s'en souviennent : il nous avait alors paru important d'offrir un service personnalisé à tous les candidats à l'emploi. Ce que nous souhaitons faire, c'est en quelque sorte du « sur mesure », adapté à chaque cas particulier.

Davantage de devoirs, en contrepartie, c'est tout simplement – ce n'est pas compliqué – accepter une offre d'emploi quand elle est raisonnable, quand elle correspond à ce qui a été défini dans le projet personnalisé.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Si cela ne vous intéresse pas, vous pouvez ne pas écouter, mais n'empêchez pas les autres de le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous vous écoutons attentivement, madame la ministre !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Au total, formaliser le projet professionnel, c'est responsabiliser davantage à la fois le demandeur d'emploi et son conseiller du service public de l'emploi.

Le troisième principe, c'est l'équité. Contrairement aux autres motifs de radiation prévus par le code du travail – et que le projet du Gouvernement laisse inchangés –, le motif du refus d'emploi soulève aujourd'hui des difficultés. La définition actuelle de l'offre raisonnable d'emploi est floue : les critères ne sont ni définis objectivement, ni adaptables à la situation de la personne. Cela laisse la place à des interprétations variables par les acteurs concernés, donc à l'arbitraire.

Pour éviter cet arbitraire, qui permettrait une appréciation laxiste du droit à certains endroits et excessivement rigoureuse dans d'autres, nous souhaitons, comme tous les pays européens l'ont fait avant nous, définir l'offre raisonnable d'emploi sur la base de critères objectifs précisant les conditions dans lesquelles l'offre raisonnable doit être acceptée, et, en cas de refus, si celui-ci doit donner lieu à des sanctions.

Pour ce qui est de la mise en oeuvre, ce projet de loi est simple. Il se limite à trois articles et, même s'il a été légèrement enrichi lors de son examen au Sénat, il reste d'une clarté évidente.

Le premier article acte le principe d'un projet professionnel à formaliser entre le service public de l'emploi et le demandeur d'emploi, après son inscription. Ce projet personnalisé d'accès à l'emploi, tel qu'il figure à l'article 1er, précise le champ de la recherche. Il est adapté à chaque demandeur d'emploi en fonction de ses qualifications, de son expérience et de sa situation personnelle et familiale, mais aussi de la situation du marché du travail local. Un amendement adopté par le Sénat a permis de clarifier la prise en compte dans le projet professionnel de l'ensemble de ces éléments. Le projet doit également permettre de déterminer les actions que le service public de l'emploi va mettre en oeuvre pour le candidat suivi.

Le PPAE est un projet vivant : il sera régulièrement actualisé et devra tenir compte des efforts entrepris par le candidat à l'emploi et de l'ensemble des droits dont il pourra bénéficier. Dans ce cadre, le candidat à l'emploi s'engage à ne pas refuser plus de deux offres raisonnables d'emploi, c'est-à-dire répondant à certaines conditions évolutives dans le temps. L'évolution dans le temps du projet professionnel est un point essentiel pour inscrire la recherche d'emploi dans une dynamique et briser la spirale du chômage de longue durée. On le sait grâce aux statistiques et aux remontées de terrain que nous offre l'ANPE : plus le chômage dure, plus il est difficile de se rapprocher du marché de l'emploi.

Durant les trois premiers mois de chômage, l'offre raisonnable d'emploi reposera uniquement sur le projet personnalisé d'accès à l'emploi qui a été défini conjointement, sans restrictions particulières ni conditions spécifiques, que ce soit en termes de salaire ou d'éloignement.

Après trois mois de chômage, sera considérée comme raisonnable l'offre d'un emploi compatible avec les qualifications du demandeur d'emploi et rémunéré à hauteur de 95 % du salaire antérieurement perçu, tout en restant dans la zone géographique définie pour sa recherche. Les 95 % constituent avant tout un premier signal pour attirer l'attention sur le fait que « le compteur commence à tourner ». Certains estiment qu'il faut parfois quelques semaines pour entrer dans cette démarche avant de se lancer dans la recherche d'un nouvel emploi.

Après six mois, sera considérée comme raisonnable l'offre d'un emploi rémunéré à hauteur de 85 % du salaire antérieurement perçu, tout en répondant aux mêmes conditions de qualification, et situé au plus à trente kilomètres ou à une heure en transport en commun du domicile du demandeur d'emploi. Ces deux critères alternatifs permettent de tenir compte du lieu d'habitation et de l'éloignement par rapport au lieu de travail, et surtout des moyens de transports accessibles pour le candidat à l'emploi.

Enfin, après un an de chômage, sera considérée comme raisonnable l'offre d'un emploi rémunéré au moins à hauteur du montant de l'allocation perçue, tout en répondant aux mêmes conditions en termes d'éloignement géographique et de qualification.

Bien sûr, les salaires proposés devront respecter les minima prévus par les conventions collectives et naturellement le SMIC. Il n'y aura aucun effet de dumping salarial puisque le critère du « salaire normalement pratiqué dans la région et dans la profession » est parallèlement maintenu. Les salaires proposés devront donc correspondre à la réalité du marché du travail local.

Enfin – le sujet a été longuement débattu au Sénat et il est important de le clarifier – je rappelle que le dispositif ne peut avoir pour effet de contraindre quelqu'un à accepter un emploi à temps partiel s'il n'a pas été précisé dans son projet professionnel que la personne recherchait ce type d'emploi.

Je salue à ce propos l'excellent travail de Marie-Christine Dalloz, non seulement pour la qualité de son rapport, mais aussi pour le soutien fort et la contribution intelligente qu'elle a apportés à ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), notamment dans le cadre de la commission des affaires sociales, sous l'excellente présidence de Pierre Méhaignerie. (Même mouvement.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Tout à fait : excellente présidence, excellent rapporteur, excellent rapport !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je ne saurais non plus oublier Yves Albarello, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui a brillamment apporté sa pierre à l'édifice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Tous ont appelé notre attention sur les points importants de ce projet. Ils ont aussi rappelé que la base de ce texte était bien le projet professionnel de la personne. Simplement, celui-ci doit évoluer, sur certains points, en fonction de critères raisonnables – et je crois sincèrement que ce projet de loi répond à vos attentes.

Je vous invite à vous pencher sur les exemples étrangers, notamment en Europe. Tout le monde a mis en place des dispositifs comparables sur le principe, mais souvent plus stricts s'agissant des critères. Nous n'avons pas souhaité aller aussi loin, parce qu'il ne s'agit pas de sanctionner, mais surtout d'envoyer un signal clair aux demandeurs d'emploi : à la très petite minorité de ceux qui abusent du système, bien sûr, mais aussi à ceux qui sont tentés par le découragement, à ceux qui laissent passer leur chance en cherchant trop longtemps un emploi dans un secteur qui n'en offre plus du tout, à ceux qui se laissent enfermer dans le système.

Pour certains, cela se traduira en effet par une mesure de radiation en cas de refus de deux offres raisonnables d'emploi. C'est ce que prévoit l'article 2 du projet de loi. Le refus de deux offres raisonnables d'emploi entraînera la suspension provisoire de l'allocation perçue par le demandeur d'emploi, par une radiation de deux mois, prononcée par le nouvel opérateur issu de la fusion ANPE-ASSEDIC. Le dossier pourra être parallèlement transmis au préfet, dont les compétences demeurent inchangées. Ces derniers éléments, relatifs à la durée de la radiation, relèveront du décret d'application que nous prendrons très rapidement, afin que ce texte entre en vigueur dans les meilleurs délais.

Enfin, parce qu'ils ont bien compris que le projet professionnel était au coeur du dispositif, les sénateurs ont souhaité ajouter un motif de sanction supplémentaire en cas de refus par un demandeur d'emploi d'élaborer son projet. C'est dans la logique du texte du Gouvernement et il était important de rendre le dispositif opérationnel en s'assurant de la bonne volonté de chacun pour bâtir ce projet professionnel sans lequel la recherche d'emploi est largement illusoire.

Bien sûr, ni cet amendement adopté par le Sénat ni le texte dans son ensemble n'ont pour objectif de stigmatiser les demandeurs d'emploi. Avec Laurent Wauquiez, nous l'avons dit aux partenaires sociaux, notre objectif est de ramener vers l'emploi ceux des salariés qui ont quitté le marché de l'emploi et qui s'en sont éloignés.

Le coeur du texte, c'est ce nouveau projet personnalisé d'accès à l'emploi, c'est cette logique de sur-mesure que nous introduisons ; le renforcement des devoirs n'est que la contrepartie naturelle de droits nouveaux. Ensuite, même si les personnes qui abusent du système ne sont qu'une petite minorité, cela ne signifie pas qu'il faille se désintéresser de ce problème. C'est une question de justice vis-à-vis de la très grande majorité de ceux qui veulent travailler et qui vivent mal de voir une petite minorité donner une mauvaise image des chômeurs. Il est important d'avoir le courage d'affronter sans tabou et sans caricature les sujets réputés sensibles. C'est le cas des droits et devoirs des demandeurs d'emploi.

Il faut avancer vite, avec détermination, et c'est ce que nous faisons en souhaitant une entrée en vigueur rapide de la réforme. C'est le sens de l'unique amendement gouvernemental, proposé lors du débat au Sénat et instaurant la disposition transitoire de l'article 3 du projet. Ce courage et cette détermination s'expliquent par l'ampleur des enjeux. Je crois vraiment qu'à travers les réformes que nous menons en ce moment, et en raison d'une situation démographique particulière qui nous est favorable, nous avons une chance historique de tordre le cou au chômage de longue durée et au chômage de masse dans notre pays.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Souhaitez-le plutôt que de vous réjouir d'un éventuel échec ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Essayons d'être unis en ce domaine ! Nous avons en effet une chance historique de venir à bout de ce fléau, d'abord parce que nous sommes déterminés à agir en ce sens, ensuite, parce que, sur le plan démographique, nous sommes avantagés par la courbe de la natalité et par le nombre des départs à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour la première fois dans notre histoire…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je vous remercie de le remarquer ! Mais ce n'est pas la seule raison et nous aurons l'occasion d'en débattre.

C'est un moment historique dans l'histoire de l'emploi dans notre pays depuis plusieurs décennies et il serait coupable de notre part de ne pas saisir cette chance. Je ne doute pas que vous ayez à coeur, vous aussi, de la saisir avec nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'amélioration durable de la situation de l'emploi est l'un des objectifs majeurs fixés par le Président de la République : il s'agit d'atteindre en 2012 un taux de chômage de 5 % et un taux d'emploi de 70 %. Depuis trois ans, des résultats exceptionnels ont déjà été obtenus : le nombre de demandeurs d'emploi de la catégorie 1 a diminué de 23 % et le taux de chômage est revenu à un niveau que notre pays n'avait pas connu depuis un quart de siècle. Dans le même temps, les tensions sont croissantes sur le marché du travail ; on ne peut occulter le fait qu'un nombre trop important d'emplois offerts ne soit pas occupé. Par ailleurs, la fusion de l'Agence nationale pour l'emploi et des réseaux de l'assurance chômage, votée en février 2008, permettra d'offrir un meilleur service aux demandeurs d'emploi comme aux employeurs.

Mais aux mesures d'accompagnement et aux droits, doivent correspondre des devoirs. Nos concitoyens l'admettent parfaitement : un sondage montre que 82 % de salariés approuvent que le système d'assurance chômage soit réformé pour inciter davantage au retour à l'emploi et que 74 % sont favorables à un renforcement du contrôle des chômeurs passant par la sanction du refus non motivé d'un emploi « valable ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Nous ne sommes pas en train de jouer au Loto !

Le présent projet de loi, qui a d'abord été examiné par le Sénat, propose une réforme concertée et équilibrée. Elle a fait l'objet d'une concertation, conformément aux principes que nous avons établis dans la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social. La question de l'« offre valable d'emploi » était clairement évoquée dans le document d'orientation sur la modernisation du marché du travail, transmis en juin 2007 aux partenaires sociaux par le Premier ministre. Pourtant, ceux-ci n'ont pas traité de la question dans la négociation sur le marché du travail. Dans ces conditions, le Gouvernement était tout à fait en droit de reprendre la main et il l'a fait dans le respect des règles et des pratiques. La phase de consultation sur la réforme en cours de finalisation a été conforme aux pratiques habituelles et aux règles légales, avec, notamment, une réunion de travail tripartite le 6 mai 2008, et le Comité supérieur de l'emploi a délibéré sur ce projet de loi le 26 mai dernier.

Cette réforme est équilibrée. D'abord parce qu'elle laisse une large place, au moins dans un premier temps, à l'expression des voeux de parcours professionnel de chacun et à l'individualisation des solutions.

Le projet personnalisé d'accès à l'emploi – le PPAE – existe déjà dans la pratique et dans la partie réglementaire du code du travail, mais le projet de loi le redéfinit en lui donnant une nouvelle portée. Sans présenter de caractère contractuel, le PPAE devra être élaboré conjointement par le demandeur d'emploi et par les services du nouvel opérateur issu de la fusion de l'ANPE et des réseaux de l'assurance chômage. Il se place clairement dans un équilibre de droits et de devoirs réciproques du demandeur d'emploi et du service public de l'emploi. Le PPAE devra être actualisé trimestriellement. Par ailleurs, il acquiert des effets juridiques. D'une part, le Sénat a logiquement décidé que le refus du demandeur d'emploi de s'inscrire dans cette démarche pourra être sanctionné ; d'autre part, des éléments du PPAE seront constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi qui devra être acceptée. Enfin, le service public de l'emploi devra également s'engager, dans le PPAE, à mettre en oeuvre des actions d'accompagnement et, le cas échéant, de formation et d'aide à la mobilité.

La création de la notion « d'offre raisonnable d'emploi » est également une mesure d'équilibre. Il faut garder à l'esprit que, d'ores et déjà, le code du travail permet de sanctionner le refus par un demandeur d'emploi d'un emploi dit « compatible ». La définition en est même assez rigoureuse : le demandeur d'emploi doit accepter tout emploi compatible avec sa spécialité ou sa formation, quelle que soit la durée du contrat – donc même s'il s'agit d'un CDD de courte durée – et ce, dès lors que le taux de salaire est normal, quand bien même cela entraînerait pour lui un important sacrifice salarial.

Ce qu'apporte la notion d'offre raisonnable d'emploi, c'est une définition beaucoup plus précise, fondée en partie sur des critères chiffrés, de l'emploi qui doit être accepté : le système sera ainsi moins arbitraire, plus juste et plus lisible, chacun sachant à quoi s'en tenir. La plupart de nos voisins européens ont d'ailleurs adopté des définitions très détaillées de l'emploi dit «convenable » ou « approprié ».

Par ailleurs, la définition de l'offre raisonnable évoluera dans le temps – un choix qui a également été fait par la plupart des pays européens. Le dispositif d'aide au retour à l'emploi doit être mis en tension : il n'y a pas de temps à perdre pour un demandeur d'emploi, car c'est dans les premières semaines que les perspectives d'embauche sont les meilleures. Dans un premier temps, une grande liberté lui sera laissée, les éléments constitutifs de l'offre raisonnable étant fixés dans le PPAE. Ce n'est que le temps passant, avec trois échéances à trois, six et douze mois de chômage, que des éléments impératifs et précis, chiffrés, seront insérés dans la définition de l'offre raisonnable applicable à chaque demandeur d'emploi.

Enfin, ce texte est équilibré car le régime de sanction proposé est modéré. La radiation de la liste des demandeurs d'emploi – et donc la suspension des allocations – ne sera prononcée qu'après deux refus d'offres raisonnables, alors qu'un refus d'emploi compatible suffit actuellement à fonder cette décision, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Si l'on regarde plus globalement le dispositif qui nous est proposé, il apparaît nettement moins exigeant pour les demandeurs d'emploi que ceux choisis par la plupart de nos voisins européens.

La commission des affaires sociales approuve donc le projet de loi au bénéfice de l'adoption de quelques amendements.

La commission a notamment souhaité encadrer les conditions dans lesquelles l'élaboration du PPAE pourra être déléguée à d'autres organismes par le nouvel opérateur issu de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC. Dans le cadre de cette fusion, le choix a été fait de ne pas remettre en cause l'existence de ce que l'on appelle les cotraitants de l'ANPE – missions locales, APEC et Cap Emploi. Il est donc normal que ces organismes puissent intervenir, comme le Sénat l'a prévu, dans les nouvelles procédures ; encore cela doit-il se faire dans un cadre conventionnel et avec un retour d'information au nouvel opérateur.

Un autre amendement dispose que l'actualisation du PPAE doit être l'occasion de tenir compte des formations suivies durant la période de chômage.

Dans la définition de l'offre raisonnable d'emploi, nous proposons également de viser les compétences professionnelles plutôt que les qualifications,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

…afin de garantir la prise en compte de l'expérience professionnelle.

Je suis particulièrement attachée à ce qu'aucune disposition nouvelle ne vienne renforcer les risques de temps partiel subi, qui concernent surtout les femmes. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est pourquoi, dans l'article de garantie qui dispose que ne sauraient être tenues pour « raisonnables » des offres d'emploi sous le salaire normal de la profession et a fortiori sous le SMIC, la commission vous invite à inscrire en outre une protection explicite contre le temps partiel imposé.

Par ailleurs, la commission juge opportun d'insérer dans le présent projet de loi une mesure qui organise l'extinction de la dispense de recherche d'emploi, laquelle concerne dans notre pays environ 10 % des personnes âgées de cinquante-sept à cinquante-neuf ans. Cette mesure relève bien évidemment des droits et devoirs des demandeurs d'emploi. Elle a été discutée avec les partenaires sociaux et s'inscrit dans une priorité incontestable du Gouvernement, qui est aussi une priorité européenne : l'amélioration du taux d'emploi des seniors. Le dispositif proposé est progressif et protecteur des personnes, car toutes celles qui sont actuellement dispensées de recherche d'emploi ou qui le seront d'ici à la fin 2011 pourront rester définitivement dans cette situation.

Enfin, j'ai déposé un amendement, que la commission a bien voulu approuver, pour clarifier les conditions d'application de la présente loi aux personnes qui sont inscrites à ce jour au chômage. Une interprétation rigoureuse du texte en effet conduire à ce que les échéances de trois, six et douze mois, qui entraînent la modification des critères de l'offre raisonnable d'emploi, soient calculées de façon rétroactive. Une telle solution serait cependant inéquitable, car les personnes concernées doivent pouvoir être informées des nouvelles règles et bénéficier d'une période d'adaptation. Aux termes de l'amendement, les délais courraient à partir de l'établissement d'un PPAE « nouvelle version ».

Je tiens à remercier Yves Albarello, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la qualité de son travail et pour son implication dans notre partenariat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Tout à l'heure, c'est lui qui va vous remercier !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Ce texte qui, comme je l'ai déjà dit, est inscrit dans la concertation et l'équilibre, représente une avancée certaine pour les droits des demandeurs d'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Historique ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Yves Albarello, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en adoptant, en ce début d'année, le projet de loi portant réforme de l'organisation du service public de l'emploi, nous savions que ce texte en appelait d'autres, un préalable étant levé.

La loi du 13 février 2008 était déjà l'aboutissement de plusieurs réformes, dont la principale avait été la loi du 18 janvier 2005 sur la cohésion sociale. L'objectif était simple : accroître l'efficacité du service public de l'emploi, paralysé par le manque de coordination entre ses différents acteurs ainsi que par le manque de cohérence entre leurs interventions. Cette première réforme a permis d'expérimenter des guichets uniques ANPE et ASSEDIC et d'initier un rapprochement entre l'ANPE et l'UNEDIC dans le domaine de l'informatique.

Saluons aussi la création des maisons de l'emploi, chères à notre collègue Jean-Paul Anciaux, qui ont joué un rôle important dans la lutte que nous menons sans relâche contre le chômage. Un premier résultat a été obtenu, puisque le taux de chômage, qui plafonnait depuis des années autour de 10 %, est tombé à 7,2 % aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

…de notre excellente collègue Marie-Christine Dalloz. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Nous sommes tous mobilisés en faveur de l'emploi, mon cher collègue.

Aujourd'hui, grâce à notre loi du 13 février, nous pouvons aller plus loin. Bien que le regroupement fusionnel entre l'ANPE et les ASSEDIC ne soit appelé à devenir effectif que le 1er janvier 2009, nous devons, sans attendre cette échéance, fournir au service public de l'emploi réorganisé les moyens d'agir efficacement. Dans la loi du 13 février, un volet très important était demeuré en attente : celui de la définition de l'offre d'emploi susceptible de convenir au demandeur.

Jusqu'à présent, notre pays était resté malheureusement très vague à ce sujet. Or, en comparant notre situation à celle de nos principaux voisins européens, nous constatons à regret que le taux de chômage est chez eux sensiblement moins élevé que chez nous alors qu'ils ont tous inclus dans leur dispositif de lutte contre le chômage une définition précise de l'offre d'emploi répondant aux besoins du demandeur et lui permettant de retrouver un emploi dans le respect de sa dignité.

Nos partenaires européens n'ont pas agi avec une quelconque volonté de brimer les demandeurs d'emploi, de leur donner mauvaise conscience auprès de l'opinion publique, et encore moins d'en faire des boucs émissaires coûteux pour la collectivité, suspectés de chercher à bénéficier d'un assistanat commode et facile, au détriment de ceux qui travaillent et cotisent. De même, ils n'ont pas voulu s'inspirer d'une vision comptable du chômage. Non, ils se sont simplement montrés très pragmatiques. À nous d'en tirer des leçons.

Les tableaux comparatifs publiés par les rapporteurs des les deux chambres montrent que la France est encore la nation la moins exigeante à l'égard de ses demandeurs d'emploi. En France, un demandeur d'emploi n'est vraiment tenu d'accepter une offre que si celle-ci lui paraît acceptable de manière subjective.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

…le demandeur pouvant se sentir autorisé, voire encouragé aux refus et à l'absence d'investissement personnel dans la recherche d'un nouvel emploi. Ces effets pervers n'expliquent pas à eux seuls notre taux de chômage encore trop élevé, mais ils en sont un des facteurs.

Il est donc logique qu'à l'exemple de nos partenaires européens, dont les résultats obtenus en matière de lutte contre le chômage sont pour le moment plus probants que les nôtres, la France s'oriente elle aussi vers la définition d'une offre raisonnable d'emploi, surtout au moment où nous mettons en application la réforme du service public de l'emploi.

Pourtant, nous assistons à une levée de boucliers, comme si une telle mesure, qui relève en fait du simple bon sens, constituait une atteinte à la dignité humaine des demandeurs d'emploi, ou dissimulait une volonté machiavélique de les plonger dans la précarisation, de les humilier en les obligeant à accepter n'importe quoi, ou encore de réaliser des économies sur leur dos tout en leur interdisant, de fait, de retrouver le travail de leur choix.

Nous ne sommes pourtant loin du projet néerlandais qui, selon un grand quotidien national, prévoit que toutes les personnes au chômage auront un an au maximum pour retrouver un emploi. Passé ce délai, elles seront contraintes, quelle que soit leur formation, d'accepter toute proposition qui leur sera faite… En voilà un programme ! Que diraient les censeurs du « projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi » qui nous est soumis s'il s'était inspiré d'une telle philosophie ?

Dans ce projet, que le Sénat a adopté en ne l'amendant qu'à la marge, aucune intention de ce genre n'est perceptible. Aucune similitude n'existe avec le projet néerlandais, dont l'application, selon certains, conduirait un avocat à faire un très bon cueilleur de fraises !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Reconnaissons-le toutefois : si les Pays-Bas, avec un taux de chômage d'environ 3 % – c'est-à-dire près de quatre points de moins que la moyenne européenne –, éprouvent le besoin d'être aussi contraignants en matière d'offre raisonnable d'emploi, c'est qu'on y est conscient de la réalité économique.

La formulation du projet dont nous sommes saisis n'est pas neutre. Si son contenu concerne ce que l'on appelle communément « l'offre raisonnable d'emploi », la notion de droits et de devoirs va bien au-delà de cette offre, en proposant une construction d'ensemble cohérente à tous égards, au lieu d'une simple définition juridique et technique de l'offre raisonnable d'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Droits et devoirs : l'un ne va pas sans l'autre. Les demandeurs d'emploi ont des droits. C'est parce qu'ils ont des droits qu'ils doivent en contrepartie accepter des devoirs.

Le projet de loi constitue ainsi une incontestable avancée, tant par la vision globale du problème qu'il apporte désormais que par la précision qu'il introduit dans une matière où le vague, la généralité et l'incantation étaient de rigueur.

Jusqu'à présent, le demandeur d'emploi était seulement invité à accomplir des « actes positifs et répétés » de recherche d'emploi, sans plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Cher collègue, il est temps de conclure. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

On nageait en plein subjectivisme, la définition de l'offre raisonnable d'emploi étant laissée à l'appréciation de chaque conseiller ANPE. On doit ainsi regretter que les partenaires sociaux, qui avaient l'occasion, il y a quelques mois, de définir l'offre raisonnable d'emploi, se soient contentés d'affirmer, le 11 janvier dernier, qu'elle devrait être définie à l'avenir de façon plus claire.

Le Gouvernement a eu le courage de s'attaquer à un tabou. Nous devons nous en féliciter et l'en remercier. Il nous propose une grande et vraie réforme destinée à débloquer une situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Je n'entrerai pas dans le détail du contenu des trois articles du projet : mes excellents collègues de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales se sont livrés avec une grande compétence à ce travail. Je me contenterai donc, au nom de ma commission, d'énoncer un avis favorable au texte qui nous est proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Cela ne fait pas toutefois obstacle à l'adoption d'amendements. À cet égard, je voudrais insister particulièrement, monsieur le président, sur un point qui me semble essentiel pour le succès de la réforme.

Droits et devoirs, avons-nous dit, et pas de droits sans devoirs. Les devoirs sont la contrepartie logique et indispensable de ces droits réels.

Il faut sortir de l'hypocrisie…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

…et du laxisme facile et complice. Nous voulons favoriser le retour à l'emploi le plus rapidement possible et dans des conditions satisfaisantes. Payer indéfiniment à fonds perdus, solution commode mais irresponsable, c'est fini.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Le droit de s'exprimer a pour contrepartie le devoir de respecter son temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Un mot sur la sanction. Dominique Tian a rédigé en 2006 un excellent rapport sur la question de la fraude, mais celui-ci est resté au placard. Or je crois sincèrement que ce projet de loi est l'occasion précisément de mettre ses conclusions en application.

La sanction d'une inobservation des devoirs ne doit pas être confondue avec l'acte délictueux condamnable qu'est la fraude. Celle-ci est très importante, comme l'a montré en décembre 2006 notre collègue Dominique Tian dans son rapport très détaillé sur le sujet. Il est donc souhaitable qu'une distinction soit faite entre les sanctions pour inobservation de la règle et celles pour fraude qui doivent être renforcées.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

En effet, on peut craindre que la nature du nouveau dispositif, rompant avec des habitudes antérieures pas toujours bonnes, n'incite certains à recourir purement et simplement à la fraude.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

J'ai terminé, monsieur le président !

Je souhaite donc vivement que le Gouvernement prenne, à la suite de notre vote positif, des sanctions parfaitement dissuasives en matière de fraude tant vis-à-vis de « l'ensemble des fraudeurs impliqués dans les affaires de fraude en réseau, que des organisateurs de la fraude, mais aussi des faux allocataires », selon la formule de Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Albarello

Monsieur le président, mes chers collègues, je suis naturellement favorable au projet de loi qui nous est proposé et vous invite à partager ce point de vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Michel Issindou.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, je crains de gâcher quelque peu l'ambiance du moment car, vous vous en doutez, je n'en ai pas tout à fait la même vision. J'en suis vraiment désolé, parce que tout commençait très bien pour vous !

Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, manifeste une nouvelle fois votre volonté de bouleverser l'édifice social. À travers un titre engageant – droits et devoirs que nul ne conteste – il cache de biens funestes intentions. L'inefficace loi TEPA votée l'été dernier avait donné le ton, madame la ministre. La loi de modernisation du marché du travail a beaucoup donné à la flexibilité et bien peu à la sécurité, même si elle résultait d'un accord partenarial. En ce début d'été, en déclarant l'urgence sur ce texte, vous retombez dans vos errements et votre naturel : le passage en force !

Il y a quelques jours, votre majorité a fait la part belle aux employeurs en adoptant le texte sur la représentativité et le temps de travail afin de contourner la durée légale du travail que vous n'avez pas le courage d'attaquer frontalement. Le projet que vous présentez aujourd'hui est de la même veine : passé en force, contre l'avis des syndicats, il va écrire une page supplémentaire de votre rêve libéral. Vous nous préparez une société à l'anglo-saxonne dans laquelle la précarité et la pauvreté s'inscriront durablement dans le paysage.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Vous martelez avec insistance que les Français ne travaillent pas assez. Cette affirmation devrait appeler à des mesures pragmatiques visant à faciliter l'accès à l'emploi des jeunes et des seniors dont il est vrai que le taux d'activité est beaucoup plus faible en France que chez nos voisins de l'Union européenne. Pour vous, cette affirmation devient une critique contre les salariés et les chômeurs accusés de faire preuve d'une indolence coupable. Ils seraient eux-mêmes responsables de leur situation ! Cette perception biaisée est le signe le plus évident de l'orientation idéologique qui inspire votre politique. Prisonnier de l'illusion néolibérale et enfermé dans ses ritournelles simplistes, votre gouvernement stigmatise les chômeurs pour leur oisiveté comme il avait, il y a quelques mois, imputé la faiblesse du pouvoir d'achat des salariés à leur manque de travail.

Fort de vos certitudes, vous multipliez les attaques contre les droits des travailleurs et des chômeurs. En forçant les demandeurs d'emploi à accepter les offres d'emploi existantes, la réforme que vous nous soumettez aujourd'hui parachève le démantèlement des droits sociaux.

Sans nier la nécessité de réformes pour pallier les problèmes de main d'oeuvre auxquels sont confrontés différents secteurs de notre économie, nous aurions préféré un texte s'attaquant aux racines du mal et ne se contentant pas d'en traiter les symptômes. En effet, parce que vous ne parvenez pas à relancer la croissance, il n'y a pas dans ce pays un emploi pour chacun. Ce n'est pas à ce niveau une question de mauvaise organisation chez les uns – l'opérateur public – ou de mauvaise volonté chez les autres – les chômeurs – c'est un constat. Plusieurs facteurs expliquent la difficulté actuelle à faire se rencontrer offre et demande, notamment pour les emplois en tension dont le chiffre, aux environs de 500 000, relève d'ailleurs d'une estimation très approximative, pour ne pas dire fantaisiste. Le premier est la trop faible rémunération du travail qui résulte d'un partage déséquilibré de la richesse produite. Le niveau du salaire minimum est aujourd'hui trop peu supérieur aux minima sociaux pour être véritablement incitatif. Votre entreprise de revalorisation du travail est destinée à ne rester qu'une coquille vide si elle n'est pas accompagnée d'une politique de revalorisation des salaires. Le second, intimement lié au premier, concerne la qualité des emplois proposés. Les métiers du BTP ou de l'hôtellerie et de la restauration sont considérés, souvent à raison, comme étant parmi les plus pénibles. Ils représentent aujourd'hui plus de 20 % du total des offres de l'ANPE, proportion considérable compte tenu du poids économique de ces deux secteurs. Physiquement exigeants, exercés dans des environnements difficiles, exposant ceux qui en ont la charge à de longues journées de travail, ils ne sont assortis d'aucune contrepartie en termes de revenus. Ajoutons enfin que ces emplois sont trop souvent des voies de garage n'offrant que des perspectives de carrière très limitées. En résumé, leur attractivité est trop faible pour susciter un minimum de motivation chez les chômeurs. Ce constat, qui est également celui des syndicalistes, appelle à la rénovation de ces métiers par des actions concrètes visant à l'amélioration des conditions dans lesquelles ils sont exercés. Loin de se lancer dans cette campagne de séduction, votre gouvernement cherche le moyen de forcer les chômeurs à accepter ces emplois difficiles. L'instrument de cette contrainte est « l'offre raisonnable d'emploi », notion beaucoup plus floue que ce que vous décrivez, située au coeur de votre projet de loi et que vous avez définie de façon discrétionnaire, sans concertation avec les partenaires sociaux. Mettant la sagesse dans votre camp, vous faites le postulat de l'irrationalité des demandeurs d'emploi, ce qui témoigne bien du peu d'estime dans laquelle vous les tenez.

Votre projet de loi, dans son article 1er, tente pourtant de donner une définition objective de ce qui peut valablement être considéré comme « offre raisonnable d'emploi ». Il établit en particulier trois critères objectifs permettant de délimiter cette offre. Le premier fait référence aux caractéristiques des emplois recherchés qui dépendent de la formation, des qualifications et de l'expérience professionnelle du demandeur. Le deuxième traite des prétentions salariales légitimes des demandeurs calculées par rapport au dernier salaire perçu. Le troisième concerne la localisation géographique de ces offres qui doivent être situées dans un rayon s'étendant jusqu'à trente kilomètres ou une heure de transports en commun. Ce dispositif appelle de nombreuses remarques que nous ferons ultérieurement, lors de l'examen des articles. Convenons toutefois que les trois critères précités – caractéristiques des emplois, salaires et zones de recherche – sont autant de garde-fous donnant au demandeur des garanties certaines quant aux offres susceptibles de lui être soumises. On aurait toutefois pu souhaiter que soit ajouté à cette liste le critère d'emploi durable établissant l'offre raisonnable comme un CDD ou un contrat de mission d'une durée de six mois minimum. En vertu des règles d'indemnisation actuelle, s'il était dans l'obligation d'accepter un emploi de courte durée, le demandeur risquerait de perdre ses droits à indemnisation. Votre texte fait l'impasse sur ce point.

Mais le danger de ce projet de loi tient avant tout à l'évolution dans le temps de « l'offre raisonnable d'emploi ». En effet, au bout d'un an d'inscription en tant que demandeur d'emploi – et je vous épargnerai les périodes intermédiaires déjà suffisamment dramatiques – l'offre raisonnable n'est plus déterminée sur la base du salaire antérieur, mais sur celle du « revenu de remplacement ». En vertu de cette disposition, ceux qui percevront des indemnités chômage d'un montant correspondant au salaire minimum – pour l'essentiel les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique dont le montant est de 447 euros par mois – pourront se voir contraints d'accepter n'importe quel emploi partiel, au SMIC certes – vous soutenez certes le contraire, mais on verra ce qu'il en sera véritablement – quand bien même celui-ci serait sous-qualifié et en décalage complet avec leurs domaines de compétences. Instaurant de la sorte « une trappe à bas salaires », vous allez à l'encontre de vos déclarations sur la nécessaire revalorisation du pouvoir d'achat des Français. Le dumping social est en marche ! Il deviendra en effet tentant pour l'employeur de recruter les demandeurs dans cette situation.

La sanction destinée à assurer l'efficacité de cette contrainte figure au menu de votre article 2. Le chômeur, qui refuserait à deux reprises une offre raisonnable d'emploi, se verrait radié de la liste des demandeurs d'emploi, s'exposant ainsi à une suspension de ses allocations. Cette politique du bâton, madame la ministre, est probablement vouée à l'échec. L'expérience peu concluante de la dégressivité des allocations expérimentée entre 1993 et 2001 ne s'est pas traduite par une accélération du retour à l'emploi. Cela aurait dû vous interpeller.

Dût-il aboutir à l'objectif recherché, votre projet de loi ne manquera pas d'avoir des conséquences désastreuses d'un point de vue social.

Vous appuyez souvent vos démonstrations d'exemples venant du nord de d'Europe. Prenons celui de l'Allemagne, qui n'est pas tout à fait au nord, mais qui est riche d'enseignement. En 2005, le gouvernement Schröder a fait voter les lois Hartz qui durcissent les conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi en réduisant à un an la durée maximale de versement des allocations chômage. Cela ressemble fortement à votre texte. Ces lois prévoyaient notamment l'obligation pour le chômeur de répondre positivement à toute offre de travail « acceptable », même si elle était inférieure à son niveau de qualification ou à ses exigences salariales, sous peine de perdre le bénéfice des allocations. Évaluant les effets de ce dispositif au travers d'une enquête fouillée, un grand quotidien nous relate que cette loi n'a, dans le meilleur des cas, concouru que de façon marginale à la décrue de 25 % du nombre de chômeurs de longue durée observée outre-Rhin au cours de ces trois dernières années. Selon la plupart des économistes allemands, il semble en effet que la réintégration dans le monde du travail d'un nombre non négligeable d'individus appartenant aux catégories les plus éloignées de l'emploi – jeunes, seniors, chômeurs sans qualifications – soit avant tout imputable au retour d'une conjoncture économique favorable matérialisée par une progression du PIB ayant atteint, en Allemagne, 2,9 % en 2006 puis 2,5 % en 2007, loin devant les décevants résultats du moment de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Si la contribution des lois Hartz à la résorption du chômage se situe dans l'épaisseur du trait, ses désavantages en termes sociaux – et la comparaison est intéressante – semblent pouvoir être quantifiés de façon beaucoup plus précise. En imposant aux chômeurs des emplois sous-payés, ces lois ont conduit, en l'espace de trois ans, à une augmentation de sept points de la proportion des salariés placés au bas de l'échelle des revenus. Le nombre de salariés bénéficiaires de minima sociaux est passé – et c'est une conséquence logique – de 880 000 à 1,2 million, soit une augmentation de 36 % sur la même période.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Dressant le bilan des réformes Hartz, deux chercheurs du Centre d'études de l'emploi, ont émis l'appréciation suivante dans la revue Droit social de juin 2008 : « Le chômage de longue durée des personnes en difficulté, compte tenu de leur âge, de leur faible qualification ou d'une aptitude au travail limitée n'est pas réglé ; le taux d'emploi des travailleurs peu qualifiés est resté faible ; le nombre de travailleurs pauvres est en augmentation et la situation des chômeurs âgés dont les durées d'indemnisation ont été drastiquement revues à la baisse s'est dégradée. » Ce bilan d'une expérience que vous tentez de mettre aujourd'hui en place a déjà produit ses effets. Je souhaite que ce ne soit pas le cas, mais on peut malheureusement se douter que les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Si l'on en croit cet exemple, votre obstination à vouloir « remettre les Français au travail », de gré ou de force, et quelle que soit la qualité des emplois proposés, risque de contribuer au développement d'une classe de travailleurs pauvres, phénomène qui, sans épargner la France, frappait jusqu'alors principalement les économies libérales des pays anglo-saxons, États-Unis et Royaume-Uni en tête.

Mais puisque vous avez placé la modération salariale, la déréglementation du marché du travail et le démantèlement des acquis sociaux au coeur de votre politique de l'emploi, il est certain que ce projet de loi complétera le dispositif. Le plus probable est d'ailleurs que ce texte, potentiellement dangereux, n'aura pas d'effet réellement significatif sur l'emploi. On peut donc redouter que ce soit un coup d'épée dans l'eau. Faute d'opérer un véritable rapprochement entre l'offre et la demande en se donnant les moyens d'agir sur la qualité des offres, le système que vous mettez en place, forçant une rencontre asymétrique, ne garantit aucunement qu'un accord puisse être trouvé entre un employeur exigeant et recherchant un personnel motivé et un demandeur d'emploi désillusionné par la nature des propositions qui lui seront soumises. En vérité, ce texte est un instrument de plus au service de votre stratégie de communication, une promesse démagogique vers tous ceux qui assimilent les demandeurs d'emploi à des bataillons de paresseux, profiteurs du système. Plutôt que de démentir cette idée reçue en montrant, par les chiffres de la DARES, que la fraude ne concerne tout au plus que 2 % des demandeurs d'emploi – M. le secrétaire a d'ailleurs parlé lui-même de 5 % tout au plus – vous avez choisi de donner des gages à la partie la plus conservatrice de votre électorat.

Conscient de l'impopularité que vous vaudrait un affichage trop clair de cette ligne politique auprès de la majorité de nos concitoyens, vous vous efforcez de présenter vos réformes au sein de paquets-cadeaux législatifs aux intitulés flatteurs : modernisation, droits et devoirs. Nous aurons bientôt la mobilité des fonctionnaires. Tout cela sonne juste et bien, mais le contenu est beaucoup plus inquiétant.

Vous annoncez des droits et des devoirs alors que votre texte ne détaille que des contraintes pour les demandeurs d'emploi et se révèle particulièrement flou lorsqu'il est question de l'assistance qui peut leur être apportée par le service public de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

On voit bien qui sanctionnera le demandeur d'emploi défaillant, mais quelle sera la sanction et qui l'infligera à l'encontre de l'opérateur incapable de produire une offre raisonnable ?

Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement alors même que les contours et les missions du futur opérateur issu de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC ne sont pas encore précisés ? Il s'écoulera de longs mois avant que cette restructuration ne soit achevée, que la stratégie d'action du nouvel organisme ne soit définie et que les personnels ne soient formés en conséquence.

Prisonniers de votre activisme forcené, vous avez mis la charrue avant les boeufs, et cette incohérence vous a été reprochée à maintes reprises par toutes les organisations syndicales. C'est d'autant plus dommageable que, comme le font entendre de nombreux observateurs de l'emploi, la pression exercée à rencontre des chômeurs n'est efficace que si elle est accompagnée d'actions positives telles que la formation et l'orientation.

Convaincue de cette vérité, la gauche avait mis en oeuvre en 2001 le plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, et, en son sein, le projet d'action personnalisé, destinés à définir précisément les responsabilités des demandeurs d'emploi et des services de l'ANPE dans le projet de retour à l'emploi. En échange d'un engagement du demandeur à rechercher activement un emploi, le contrat signé listait les mesures d'appui qui pouvaient lui être apportées, en particulier les services fournis en matière d'évaluation des compétences, d'enseignement des techniques de recherche d'emploi ou de formation. Le PARE était avant tout fondé sur l'idée que le chômeur a cotisé, ce qui lui donne des droits, et il n'était pas envisagé d'appliquer la sanction de suspension des allocations, qui existait déjà dans la législation.

Si ce principe de réciprocité est également au coeur du projet personnalisé d'accès à l'emploi que vous proposez, nous ne pouvons que constater qu'il ne sera dans l'immédiat qu'un engagement unilatéral du demandeur, sans garantie véritable quant aux moyens qui seront déployés pour le soutenir dans ses démarches de recherche.

Nous pensons en particulier aux moyens humains nécessaires pour assurer le suivi personnalisé. Alors que votre gouvernement cherche à réaliser la fusion ANPE-UNEDIC à moyens constants, tout en restant fidèle à son objectif de diminution des effectifs de la fonction publique, nous pouvons douter que le ratio actuel de 130 à 140 demandeurs d'emploi par conseiller, pouvant aller jusqu'à 200 dans certaines agences locales, puisse être abaissé à 60, niveau considéré comme compatible avec un soutien personnalisé véritable.

En fait, au-delà de la question du nombre des agents du futur opérateur se pose celle de leur statut. Travaillant dans le cadre de contrats de droit privé sous convention collective et éventuellement embauchés en CDD, les personnels de l'opérateur n'offriront pas les mêmes garanties d'indépendance que celles de titulaires de la fonction publique.

Insuffisamment nombreux et précarisés dans leur situation, les agents seront immanquablement conduits à négliger la question humaine au profit de celle du résultat, qui est aujourd'hui l'obsession de votre gouvernement et qui sera demain celle de leur hiérarchie.

Cette politique de l'affichage du chiffre prenant pour cible la masse indiscriminée des chômeurs ne correspond pas à notre conception de ce que devrait être un service public de l'emploi digne de ce nom.

À notre sens, la puissance publique doit se donner pour mission d'encourager une réintégration durable dans le monde du travail, ce qui n'est pas toujours compatible avec un retour à l'emploi rapide.

Nous sommes en effet convaincus que l'orientation et la formation des demandeurs d'emploi sont en tous points cruciales et qu'il est extrêmement dommageable de négliger ces points de passage puisqu'ils peuvent permettre au chômeur de prendre un nouveau départ en lui assurant une véritable reconversion. La période récente a pourtant montré que, loin d'en faire des étapes conseillées, voire obligées, dans le parcours du demandeur d'emploi, la tendance visait davantage à les court-circuiter afin d'accélérer le retour à l'emploi.

En effet, de moins en moins de chômeurs bénéficient aujourd'hui de bilans de compétences et, faute de temps, les conseillers qui les reçoivent ont la plus grande difficulté à les informer et à les orienter de façon pertinente.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

L'insuffisance des efforts de formation professionnelle à destination des demandeurs d'emploi est encore plus patente. L'UNEDIC a reconnu n'avoir dépensé en 2007 que la moitié du budget dont elle disposait en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Il est vrai que prescrire une action de formation au bénéfice d'un chômeur peut être assimilé à un véritable parcours du combattant pour les agents de l'ANPE. Reconnaissons que la complexité du système de formation professionnelle, véritable empilement de structures et de flux financiers, couplée à la réticence des organismes de formation à concevoir et à promouvoir de nouveaux programmes de qualification a de quoi décourager le plus zélé d'entre eux.

Simplifier l'architecture de ce système, lui imprimer une nouvelle dynamique en le recadrant sur les besoins des entreprises et des personnes, voilà ce que nous sommes en droit d'attendre de la réforme de la formation professionnelle que vous nous annoncez pour les mois à venir. Nous attendons avec impatience.

Il est à craindre que ces nobles objectifs soient une fois de plus sacrifiés sur l'autel des économies budgétaires. Notre président n'a-t-il pas déclaré pendant sa campagne qu'il convenait de rendre aux salariés les 23 milliards de la formation professionnelle sous la forme de pouvoir d'achat ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Où en est-on ?

Il est de mauvais augure que la question de la formation professionnelle ne soit pas intimement liée à celle de votre projet, alors même que la stratégie de Lisbonne ou le récent rapport Attali font du développement des savoirs tout au long de la vie un instrument central dans le développement d'une économie dynamique et compétitive.

Cette nouvelle incohérence ne doit pas nous étonner. Loin de prendre en compte le long terme en investissant pour l'avenir, le véritable but de votre action est la réduction de la dépense publique et son corollaire quasi-mécanique, l'affaiblissement des services publics, bras armé de l'État. En déguisant ces intentions derrière le paravent de modernisations vendues habilement comme étant dans l'intérêt de tous, vous parvenez à faire avaler cette pilule pourtant très amère.

La réforme que vous nous proposez aujourd'hui n'échappe pas à cette règle. Imposer des retours à l'emploi prématurés et faciliter la suspension des allocations pour ceux qui s'y refuseraient sont avant tout des mesures pensées pour limiter la dépense d'assurance chômage, sans le moindre égard pour leur impact social, ou pour leur effet contre-productif sur le développement des savoirs.

En effet, votre Premier ministre a, depuis 2004, programmé de prélever les excédents de l'UNEDIC pour financer en partie les retraites. La diminution du nombre de chômeurs indemnisés fait figure de levier permettant de réaliser cet objectif. Votre projet de loi doit ainsi contribuer à accentuer le reflux engagé depuis 2005, qui a vu la masse des allocataires se réduire de près de 600 000.

Vous ne manquerez pas d'imputer cette décrue à votre action et aux évolutions démographiques, vous l'avez fait ce soir. Nous savons qu'elle est aussi le résultat des actions que vous avez mises en oeuvre pour faire basculer les individus les plus éloignés de l'emploi vers les dispositifs d'aide sociale. Il ne faut pas oublier les 500 000 RMIstes qui ne sont pas comptabilisés.

Par le durcissement des conditions d'accès à l'indemnisation et par la réduction de sa durée, notamment pour les bénéficiaires de l'ASS, vous avez posé les jalons d'un système d'assurance chômage dans lequel les personnes en grande difficulté seraient confiées au secteur de l'insertion des collectivités territoriales alors que l'ensemble des demandeurs jugés employables seraient remis au travail, dans un minimum de temps et sans autre considération.

Ce texte de loi contribue ainsi au mouvement de dualisation de notre système de protection sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Sous l'impulsion de votre gouvernement, un système à deux vitesses se met en place avec, d'un côté, des garanties de faible niveau ciblées sur les plus démunis et financées par des impôts universels et, de l'autre, une couverture de base de plus en plus limitée au bénéfice des cotisants, couverture qu'il devient de plus de plus nécessaire de compléter par la souscription de polices d'assurances privées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

En matière d'emploi, plusieurs grandes compagnies d'assurances proposent d'ores et déjà des contrats complémentaires individuels garantissant au salarié fraîchement licencié le paiement d'une indemnité mensuelle dont le montant dépend des versements réalisés pendant la durée du contrat.

Vous l'avez compris, ce texte est pour nous inacceptable et dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Il donne l'illusion que, finalement, tout est simple. Un peu de remise en ordre, un opérateur public et des demandeurs d'emploi motivés et tout serait réglé. Si vous êtes si sûrs qu'il en est ainsi, qu'il existe une offre pour chaque demande, allez plus loin, transposez ce que vous avez fait pour le logement, instaurez le droit opposable à l'emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Là, au moins, vous seriez cohérents avec vos discours !

Plusieurs députés du groupe du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Chiche !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Nous ne voulons pas d'un projet de loi qui sape encore davantage les principes de solidarité collective et de mutualisation des risques sur lesquels s'est patiemment érigée la maison commune qui protège nos concitoyens contre les aléas de la vie.

À travers ce texte, et les précédents, on perçoit clairement les fondements de la politique économique et sociale que vous tentez de mettre en place.

Les déficits publics vous échappent, qu'il s'agisse de ceux de l'État ou de ceux de la protection sociale, et les perspectives sont mauvaises sur fond de crise financière mondiale, de crise énergétique et d'une croissance que vos mesures inefficaces ne parviennent pas à relancer.

Il vous faut alors trouver des expédients pour rester dans les limites du découvert européen autorisé, à moins de 3 % du PIB, et l'assurance chômage et ses perspectives d'excédent, même s'il reste encore un déficit de 9 milliards d'euros, vous ont sauté aux yeux. C'est vraisemblablement une belle manne à saisir !

En durcissant les conditions d'indemnisation, vous allez faire des économies sur le dos des plus démunis. Ces excédents vont permettront d'alléger les cotisations d'assurance-chômage et de transférer quelques milliards d'euros sur les retraites. Ce n'est pas très moral de pressurer les demandeurs d'emploi pour donner aux retraités, en opposant au passage les uns aux autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Vous nous parlez souvent du modèle nordique, suédois, danois – que n'entend-on à longueur de journée dans cet hémicycle sur ces gens du Nord qui auraient réussi ! –, mais vous mettez en place un modèle anglo-saxon. La flexibilité vous l'avez faite, mais où est la sécurité ? Nous avons un opérateur public pas forcément prêt, faute de moyens, à assumer ses devoirs, un volet sur la formation professionnelle en attente, et que dire de la pénibilité au travail, sujet pour lequel vous avez fait preuve d'une grande tolérance sur les délais, plus de trois ans, pour ne pas contrarier le MEDEF ?

Il serait temps que vous vous interrogiez sur une politique qui ne produit que peu d'effets positifs.

Ce nouveau texte sera un coup d'épée dans l'eau. Vous aurez simplement répondu à une partie de l'opinion qui pense que les demandeurs d'emploi sont des fraudeurs, jusqu'au jour où eux-mêmes ou leurs proches découvrent une réalité tout autre.

Nous ne défendons pas les fraudeurs mais nous demandons plus d'attention, plus de respect, plus d'humanité pour ceux qui vivent le drame du chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Nous sommes sur nos terrains respectifs confrontés à cette détresse. Ce n'est pas par hasard que les demandeurs d'emploi sont les plus gros consommateurs de médicaments.

Ce texte n'a qu'un objectif économique et financier. Il parviendra peut-être à le remplir mais en nous amenant vers une société toujours plus dure pour les plus faibles.

C'est cette politique que nous combattons et c'est pourquoi, au nom du groupe SRC, je vous demande de vous prononcer pour l'irrecevabilité de ce projet de loi pour les motifs suivants.

Il y a manifestement rupture d'égalité entre les chômeurs urbains et ruraux. Trente kilomètres, ce n'est pas la même chose en ville ou à la campagne.

Celui qui sera chargé du placement, ce qui est le rôle du nouvel opérateur, ne peut être le même que celui qui sera chargé de la radiation. On ne peut pas être juge et partie, c'est un principe.

Il y a surtout un côté inhumain et dégradant dans ce texte, qui stigmatise les demandeurs d'emploi qui ne sont en rien responsables de la pénurie d'emplois disponibles.

Pour toutes ces bonnes raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Nous avons écouté avec attention l'intervention de M. Issindou, qui se décomposait en deux parties : une très grande sans rapport avec l'exception d'irrecevabilité et une seconde, très brève, présentant deux petits arguments destinés à justifier l'exception d'irrecevabilité.

Je reviendrai juste sur trois idées qui m'ont semblé tellement caricaturales que je ne peux les laisser passer – même si elles n'ont rien à voir avec l'exception d'irrecevabilité.

Il y a des sujets sur lesquels nous pouvons ne pas être d'accord ; il est parfaitement légitime que, sur ce projet de loi, nous ayons des positions diverses,…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Mais il est des caricatures que l'on ne peut accepter.

Premièrement, sur, le fonctionnement du marché de l'emploi. Selon vous, monsieur Issindou, que l'organisation du service public de l'emploi soit bonne ou mauvaise, cela n'a pas d'incidence et d'ailleurs toutes les études des économistes le montreraient.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Cela va d'abord à l'encontre de toutes les études des économistes, qui montrent au contraire qu'avec un service public de l'emploi efficace, capable de développer une approche personnalisée, on peut faire baisser le taux de chômage d'un point ou d'un point et demi. Je vous renvoie aux études du CREST ou encore des économistes Crépon ou Béhagel.

Il suffit même de se référer aux réalités de terrain. Tout demandeur d'emploi sait très bien que, s'il peut bénéficier d'un service public de l'emploi efficace, ce sont autant de jours et de semaines qu'il gagnera dans sa recherche. On ne peut pas se contenter de votre discours selon lequel le marché de l'emploi se résume uniquement à l'emploi. Chaque demandeur d'emploi doit pouvoir bénéficier d'un service public efficace. Cela aussi fait partie du travail à engager.

Deuxièmement, votre façon de considérer certaines offres non pourvues dans le BTP ou la restauration comme des offres au rabais, des emplois de rebut, peu dignes et inintéressants…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Je suis profondément choqué de vous entendre parler ainsi d'entreprises et de salariés de l'artisanat, du BTP, de la restauration. Je pense que les 800 000 salariés de la restauration et les 1 200 000 du BTP, qui sont fiers de leur travail, méritent mieux que des caricatures.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Pourquoi ces secteurs connaissent-ils un tel turn-over ?

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Caricatures d'autant plus injustes que vous réduisez les métiers « en tension » à ces deux seuls secteurs. Pourquoi ne pas en mentionner d'autres tels que l'informatique, l'administration réseau, l'ingénierie ou tous les métiers de service à la personne qui eux aussi méritent notre attention ?

Tout aussi étonnantes enfin, les comparaisons internationales auxquelles vous vous livrez. Vous avez cité l'exemple de l'Allemagne, par souci de précision, mais en oubliant de rappeler les deux outils dont tous les pays européens sans exception se sont dotés au cours des dix dernières années, à commencer par l'accompagnement personnalisé du demandeur d'emploi. c'est le cas, non seulement de l'Allemagne, comme vous l'avez dit, mais également du Danemark, de la Suède, de l'Espagne, de l'Italie. Les gouvernements Zapatero en Espagne et Prodi en Italie ont fait adopter une réforme en tous points comparable à celle que nous vous proposons aujourd'hui. Mais vous n'avez sans doute pas jugé utile d'entrer dans ces détails. Ces deux gouvernements de sensibilité plutôt socialiste ont pourtant fait preuve en l'occurrence d'une capacité à ouvrir les fenêtres et à résister aux caricatures supérieure à la vôtre !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

J'en viens aux motifs d'inconstitutionnalité que vous avez soulevés.

Vous nous dites d'abord qu'il serait dégradant et inhumain d'imposer un équilibre entre les droits et les devoirs à des demandeurs d'emplois (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Nous n'avons jamais dit cela !

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

c'est exactement l'argument que vous avez avancé, d'une façon tellement elliptique, il est vrai, qu'il était difficile à cerner.

Je me contenterai, monsieur Issindou, de citer le préambule de la Constitution de 1946, car il n'est pas mauvais, surtout dans la période actuelle, de rappeler les fondements de notre République.

Ce préambule, que je me permets de citer parce qu'il nous inspire et qu'il est intéressant, dispose que chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Bien sûr, mais ne retenez pas qu'un item : il faut garder les deux, et préserver l'équilibre entre droits et devoirs. C'est bien ce que nous essayons de proposer.

Dépassons pour une fois nos clivages idéologiques un peu artificiels…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…et reconnaissons que si nous souhaitons préserver un système de protection sociale généreux,…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…nous ne pouvons pas continuer à négliger la question du contrôle. Il s'agit de s'assurer que les sommes importantes, prélevées notamment sur le travail, que notre pays consacre à ce service public sont utilement dépensées.

Cette nécessité de sanctionner les abus, vous la balayez d'un revers de main sous prétexte qu'ils sont le fait d'une minorité.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Je trouve ce raisonnement tout à fait étonnant. Faudrait-il ne plus sanctionner les infractions au code de la route, les manquements aux obligations de sécurité ou la fraude sous prétexte qu'ils sont le fait d'une minorité ? Je n'en suis pas sûr !

C'est une question d'équité : nos concitoyens n'accepteront de continuer à financer une protection sociale généreuse qu'à condition que nous garantissions cet équilibre entre les droits et les devoirs.

Tel est le choix avec lequel nous avons rendez-vous : soit des solutions caricaturales et simplistes, soit une volonté pragmatique de faire avancer, à la fois notre service public de l'emploi, une approche personnalisée, et enfin – nous l'assumons – un bon équilibre entre les droits et les devoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans les explications de vote, la parole est àM. Jean-Patrick Gille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Vous l'avez rappelé, madame la ministre : en un an le code du travail a été modifié à six reprises, sans compter la recodification.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Vous avez relevé la cohérence de ces textes, et nous ne doutons pas de votre acharnement à aligner notre marché du travail sur les standards anglo-saxons qui conduisent malheureusement à la multiplication des travailleurs pauvres, et cette loi y contribuera.

En revanche, quel manque de cohérence dans la méthode ! S'agissant du contrat de travail, nous sommes partis de l'accord des partenaires sociaux, que nous avons transcrit dans la loi. En ce qui concerne la réforme du temps de travail, votée la semaine dernière, le Gouvernement a tiré profit d'un codicille à la position commune sur la représentativité pour la trahir et passer en force.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Vous faites encore mieux aujourd'hui, en faisant d'abord voter la loi pour faire pression sur les négociations à venir entre partenaires sociaux sur l'assurance chômage. Vous prenez carrément le processus à l'envers et les partenaires sociaux à rebrousse-poil, comme ils vous l'ont eux-mêmes reproché. Car ceux-ci ne sont pas d'accord avec vous, à l'inverse de ce que vous avez voulu nous faire croire.

La bonne méthode aurait été de ne légiférer qu'une fois le nouvel opérateur mis en place et la négociation sur l'assurance chômage menée à bien. En effet, le droit à l'indemnisation relève des partenaires sociaux, Mme Parisot elle-même l'a reconnu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

C'est seulement au terme de ce processus que nous aurions transcrit dans la loi les éléments nécessaires, et éventuellement posé une définition de l'offre raisonnable d'emploi préalablement négociée entre les partenaires sociaux.

Alors pourquoi ce passage en force, nuitamment et au coeur de l'été, au détriment des partenaires sociaux ? C'est qu'il s'agit, comme je le disais à l'instant, de faire pression sur eux et mener à bien le hold-up sur les excédents de l'UNEDIC, déjà engagé avec la fusion de l'ANPE et des réseaux des ASSEDIC, voire de faire baisser les cotisations patronales ou de consacrer ces excédents à combler d'autres déficits.

Mais vous poursuivez un autre objectif : passer d'une logique d'inscription des demandeurs d'emploi à une logique de contractualisation. Je suis du reste surpris que ni vous ni les rapporteurs n'ayez évoqué ce qui est la véritable nouveauté introduite par ce texte : l'obligation faite au demandeur d'emploi de contractualiser son projet personnalisé d'accès à l'emploi et surtout de le réactualiser – et vous n'avez pas caché que cette réactualisation se fera nécessairement à la baisse.

Mais que peut bien être un contrat obligatoire ? La loi peut-elle vous obliger à signer un contrat pour bénéficier d'un service public et de droits acquis par vos cotisations à l'indemnisation sous la forme d'un salaire différé ?

Par cette obligation, vous faites glisser insensiblement l'indemnisation hors du domaine de l'assurantiel pour en faire un revenu d'assistance. Sous prétexte de lutter contre la fraude ou la pénurie de main-d'oeuvre, vous engagez un processus de déqualification que les demandeurs d'emplois eux-mêmes devront approuver. Vous allez ainsi accélérer la dualisation du marché du travail et sa bipolarisation entre des inclus, contraints de courir après les heures supplémentaires pour maintenir le pouvoir d'achat, et les autres, de plus en plus précarisés et renvoyés à un revenu de solidarité active financé par les collectivités locales.

Les excédents prévisibles de l'UNEDIC lui donnent pourtant les moyens de mener une vraie politique d'accompagnement, de formation et de qualification de ces demandeurs d'emploi. Si des emplois ne sont pas pourvus, c'est par manque de travailleurs qualifiés, mais votre objectif n'est pas là : il s'agit de capter les excédents de l'UNEDIC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Il y a enfin un risque de rétroactivité et d'inefficacité selon le moment où commence le décompte pour les chômeurs. Mme Dalloz, qui l'a deviné, a proposé un amendement censé y parer, mais il n'y suffira pas. En effet, soit le décompte part de la signature du nouveau PPAE, mais l'ANPE n'en a pas les moyens ; soit il commence à sa réactualisation, et il y a un risque de rétroactivité.

Pour ces raisons de non-respect des procédures de négociation, d'incertitude juridique et de risque de rétroactivité, nous voterons cette motion d'irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Vous me permettrez de conclure d'un mot, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Au lieu de bâtir une économie de la connaissance sur la formation et la confiance des acteurs sociaux, vous construisez celle de la déqualification sur la défiance et le contrôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, vous avez oublié de rappeler que plus de la moitié des demandeurs d'emploi n'étaient ni indemnisés par les ASSEDIC ni bénéficiaires d'une allocation spécifique de solidarité. Cela, madame la ministre, va à l'encontre de votre philosophie selon laquelle il suffirait de priver les chômeurs de leur indemnité pour qu'ils retournent au plus vite au travail au lieu de traîner les pieds. Comment expliquez-vous que même les demandeurs d'emploi non indemnisés n'en retrouvent pas ? Je vous suggère de supprimer pendant deux mois les indemnités des députés et des ministres pour qu'ils se rendent compte de ce que cela signifie ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais oui ! Comme dit un vieux dicton, il ne faut jamais faire aux autres ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Franchement, comment peut-on proposer de priver pendant deux mois des demandeurs d'emploi de leur indemnité, quand moins de la moitié d'entre eux sont indemnisés et que plus de la moitié de ces derniers ne touchent même pas mille euros par moi ? Et vous proposez sereinement de les priver de leur indemnité pendant deux mois ! Deux mois, ce n'est rien : ils n'auront qu'à vivre d'amour et d'eau fraîche !

En général, lorsqu'on est au chômage, on n'a pas la tête à ça, tout occupé qu'on est à se demander avec angoisse de quoi sera fait le lendemain, comment on va payer le loyer ou la cantine des enfants, ou faire face aux dettes qui s'accumulent. Dans une telle situation, le premier mouvement n'est certainement pas de refuser un emploi possible ! Ce texte souffre donc d'emblée d'un vice de forme.

À l'affirmation selon laquelle le système français serait particulièrement généreux, j'opposerai les chiffres suivants : les dépenses publiques consacrées aux demandeurs d'emploi représentent 2,52 % du PIB en France, 3,32 % en Allemagne et au Danemark 4,26 %. Il y a donc des systèmes nettement plus généreux que le système français.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Je parlais de l'indemnisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Même si ces dépenses sont pratiquement nulles en Grande-Bretagne, cela ne suffit pas à ranger la France parmi les pays les plus avancés dans ce domaine.

Vous nous avez expliqué comme une évidence, madame la ministre, qu'il n'y avait pas de droit sans devoir. Fantastique ! Appliquons donc cette règle à tous les domaines de la vie publique et de la vie sociale. Il me semble en effet que notre société compte beaucoup de groupes qui ont beaucoup de droits et assez peu de devoirs. Mais j'y reviendrai en défendant la motion de renvoi en commission.

Croyez-vous franchement, madame la ministre, qu'on vive facilement avec moins de 1 000 euros par mois, quand les loyers et les prix de l'alimentation flambent, ainsi que ceux du carburant, pour ceux qui n'ont pas de transport en commun à disposition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Mais si ! Votre projet se fonde sur l'idée que les chômeurs ne retrouvent pas de travail parce qu'ils font les difficiles et qu'il suffit donc de leur couper les vivres pour qu'ils retournent sur le marché du travail : c'est bien que vous considérez qu'on vit facilement avec moins de 1 000 euros par mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Proposez des solutions plutôt que des critiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Et puis, comme vient de le relever notre collègue Gille, quelle précipitation à faire voter ce texte ! Même le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a fait observer en commission que l'état actuel du droit propose déjà beaucoup de solutions : des sanctions, un projet personnalisé, un référent, des rendez-vous obligatoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Autant conclure en effet, car j'aurais encore beaucoup à dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Pourquoi donc modifier maintenant la loi, alors que les négociations relatives à la convention UNEDIC n'ont toujours pas repris ? J'ajouterais à ce propos que ceux qui auraient accepté la rupture conventionnelle autorisée par la dernière loi que nous avons votée ne sont toujours pas indemnisés, puisque la convention UNEDIC qui devait organiser leur indemnisation n'est toujours pas renégociée.

Pourquoi une telle précipitation, alors que la refonte de la formation professionnelle – thème que ce texte n'aborde même pas – n'est toujours pas engagée ?

Pour toutes ces raisons, je voterai, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord, pour le groupe de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Dans sa défense de l'exception d'irrecevabilité, M. Issindou nous prête des volontés et des arrière-pensées malignes, auxquelles il convient de tordre le cou. Notre volonté, cher collègue, est simple, claire, juste, et en complète convergence avec les dispositions des pays européens. Elle est simple : le plein-emploi, pour assurer la croissance nécessaire à notre pays. Elle est claire, avec un dispositif mettant en relation droits et devoirs des demandeurs d'emploi, pour leur permettre de retrouver plus rapidement un emploi. Elle est juste, car elle correspond à l'aspiration d'une très grande majorité de Français, comme l'a rappelé tout à l'heure madame la ministre, et fait suite à la campagne de l'élection présidentielle. Elle est en outre, comme l'a rappelé M. le secrétaire d'État, conforme aux pratiques européennes, car ce principe est appliqué par l'ensemble des États européens.

L'objet de ce texte est donc tout simplement de donner au service public de l'emploi tous les moyens d'apporter une aide effective aux demandeurs d'emploi et de leur permettre d'accéder à des emplois en adéquation avec leurs compétences et leurs aspirations.

Monsieur Issindou, prisonnier d'une idéologie passéiste et rétrograde, vous êtes figé dans des dogmes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et un statu quo que vous défendez en agitant des peurs millénaires. Heureusement que nous ne passons pas le cap d'un nouveau siècle, car vous nous expliqueriez que c'est à cause de nous que le ciel va nous tomber sur la tête ! (Rires et approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire . – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Dire que vous êtes préhistoriques, c'est encore vous faire beaucoup d'honneur !

Nous sommes, quant à nous, plus simplement pragmatiques et nous tirons de l'évolution de notre société les enseignements et les propositions que nous formulons aujourd'hui. Votre dogme suranné ne passera pas sur ce texte. C'est pourquoi le groupe UMP rejettera cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Le groupe du Nouveau Centre pense lui aussi que cette loi aurait pu venir en examen après d'autres lois attendues, relatives au contrat de transition professionnelle, au revenu de solidarité active et à la formation professionnelle. Le Gouvernement a néanmoins souhaité qu'elle soit examinée dès maintenant et c'est son droit.

Il est important d'éviter de stigmatiser les demandeurs d'emploi dans nos débats et je regrette que M. Issindou ait pu esquisser tant soit peu cette stigmatisation. De fait, lorsqu'on perd son emploi, on est déjà assez en difficulté et traumatisé ; ce n'est pas la peine d'en rajouter. On sait en outre qu'il existe des disparités entre nos bassins d'emploi. Dans certains d'entre eux, les difficultés sont grandes, avec parfois de la discrimination. Les situations locales sont très différentes en fonction de l'industrie et de l'évolution économique du secteur.

Vous avez en revanche raison, monsieur le secrétaire d'État, de rappeler qu'il existe des métiers en tension. Pour certains métiers en effet, comme l'aide à la personne ou les métiers du bâtiment et de la restauration, certaines offres d'emplois ne sont pas pourvues et il faut bien se demander comment trouver des demandeurs d'emploi susceptibles de répondre à ces offres non satisfaites.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Pour le Nouveau Centre – comme pour le Gouvernement et certainement pour nous tous ici –, l'accompagnement est préférable pour tenter d'établir une véritable relation entre l'offre et la demande. Je suis surpris d'entendre M. Issindou déclarer que le service public de l'emploi ne sert à rien. Je trouve très irrespectueux pour l'ANPE, pour ces gens qui se battent pour trouver des solutions pour nos demandeurs d'emploi, de dire qu'on ne verrait pas de différence s'ils n'existaient pas.

Certes, monsieur le secrétaire d'État, le Nouveau Centre posera des questions. Ainsi, lorsqu'un demandeur d'emploi trouvera un travail, gagnera-t-il vraiment plus que lorsqu'il était au chômage ? En effet, s'il gagne la même chose ou gagne moins, il n'est pas très facile de défendre la valeur travail. Sans doute définirez-vous également ce qu'est une offre raisonnable d'emploi, afin d'éclairer la représentation nationale. Je rappelle que plusieurs pays, comme la Belgique, le Danemark, Espagne et le Portugal, dont certains sont d'ailleurs dirigés par des socialistes, ont déjà choisi cette méthode, qui est européenne, quel que soit le parti politique au pouvoir. Faire du dogmatisme permanent…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

…du parti socialiste le fer de lance contre ce projet de loi ne me semble donc pas très bien venu aujourd'hui.

J'ajoute pour finir que je n'ai pas du tout vu l'inconstitutionnalité que vous dénonciez en défendant l'exception d'irrecevabilité. Il n'y a rien d'inconstitutionnel à fixer les droits et les devoirs des demandeurs d'emploi. Cela me semble, bien au contraire, relever de la justice et de l'équité pour l'ensemble des Français, et donc être tout à fait conforme à la Constitution. Vous comprenez donc bien que le Nouveau Centre ne votera pas cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'exception d'irrecevabilité.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 101

Nombre de suffrages exprimés 101

Majorité absolue 51

Pour l'adoption 25

Contre 76

L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'objet de mon intervention est bien de vous convaincre qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur ce projet de loi que vous nous présentez, qui prétend fixer les droits et devoirs des demandeurs d'emploi. J'observe en premier lieu qu'à la lecture de ce texte, on rencontre plus souvent les devoirs du demandeur d'emploi, les contraintes qui lui sont imposées et les sanctions qu'il encourt, que ses droits. Le préambule de Constitution de 1946 est plus équilibré. Il dispose en effet que chacun a certes le devoir de travailler, mais aussi le droit d'obtenir un emploi. Vous avez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, un peu trop tendance à oublier la deuxième partie de la phrase. Quant à la Déclaration universelle des droits de l'homme, elle énonce dans son article 23 que « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ».

Cette propension à oublier en route ce qui vous intéresse moins est d'ailleurs assez fréquente chez les membres de ce gouvernement. Nous avions pu le voir lors de l'examen du projet de loi dit de « modernisation du marché du travail » qui, transcrivant pour sa partie législative l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 et prétendant mettre en oeuvre la flexisécurité, s'attachait surtout à transcrire les éléments concourant à la flexibilité, renvoyant à des discussions ultérieures tout ce qui aurait pu assurer la sécurité dans les parcours professionnels.

À la réflexion et après analyse, votre projet de loi est à la fois inutile et dangereux. Il constitue en outre une pièce supplémentaire du puzzle idéologique et politique de la majorité de droite actuellement au pouvoir dans ce pays.

Inutile, ce projet de loi n'a pas pour objet de combler un vide. Il existe en effet des règles, notamment l'actuel article L. 5411-6, aux termes duquel « les demandeurs d'emploi sont tenus d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi ». Ma position sur ce point est d'ailleurs renforcée par le président Méhaignerie qui observait en commission des affaires sociales qu'il faudrait « consacrer plus de temps à l'application des textes en vigueur qu'à en adopter de nouveaux ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Précipitée, votre démarche aurait gagné à prendre en compte la réalité de ce que sera, à compter du 1er janvier 2009, la nouvelle « institution » issue de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC. On voit bien en effet que le suivi des demandeurs d'emploi ne serait pas le même s'ils étaient à terme, comme vous le laissez entendre, répartis à raison de 50 ou 60 par conseiller de l'ANPE, au lieu de 130 à 140 en moyenne aujourd'hui – à moins que cet objectif ne soit en fait que le résultat escompté de votre frénésie de radiation. C'est de l'arithmétique…

Par ailleurs, il aurait été logique d'attendre, pour modifier éventuellement les règles, l'entrée en vigueur de la future convention d'assurance chômage.

Précipitée, votre démarche l'est également parce que vous n'avez pas jugé utile de donner aux partenaires sociaux le temps de négocier valablement sur ce sujet dans un contexte qui bouge constamment. L'article 18 de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail exprime seulement une position de principe, ouvrant la voie et posant les bases pour une négociation à venir, que vous n'attendez pas, sur l'offre valable d'emploi. Il est vrai aussi que nous venons de voir, à l'occasion du projet de loi dit de « rénovation de la démocratie sociale », le mépris que vous inspire le résultat des négociations entre partenaires sociaux et l'utilisation – j'allais dire : la manipulation – que vous en faites pour avancer à la hussarde dans vos contre-réformes en trahissant la parole donnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Suspect aussi à nos yeux, ce projet de loi, dont nombre de dispositions relèvent du domaine réglementaire, en particulier la définition et le contenu détaillé du projet personnalisé d'accès à l'emploi ou le détail de la définition de l'offre raisonnable d'emploi. M. Xavier Bertrand nous avait pourtant expliqué, lors de la requalification du code du travail, qu'il fallait « remettre les choses à leur place » et laisser à la loi le soin de fixer les principes fondamentaux.

Inadapté, ce projet de loi ne traite pas des vrais problèmes – vous nous l'avez d'ailleurs un peu dit tout à l'heure. En fait, il s'agit pour vous de traquer et de sanctionner une minorité – c'était votre mot – de chômeurs dont le comportement serait abusif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'ANPE indique elle-même que 94 % des radiations sont causés par l'absence du demandeur d'emploi lors d'un entretien. Dans 2 % des cas, il s'agit d'un refus d'offres d'emploi, souvent dans des secteurs difficiles, comme le bâtiment ou les transports ; dans 2 % des cas encore, il s'agit du refus d'un contrat d'apprentissage ou de formation ; pour 2 % enfin, d'une absence de recherche active d'emploi. On se situe donc bien à la marge.

Pourquoi donc jeter le trouble chez tous les autres ? Pourquoi jeter l'opprobre sur tous les autres ? Pourquoi compliquer la vie de l'ensemble des personnes inscrites à l'ANPE avec des contraintes supplémentaires ? Pour ce qui concerne en particulier les métiers dits « en tension », qui représentent 20 % des offres d'ANPE, la vraie question est bien celle de leur manque d'attractivité – bas salaires, horaires excessifs, conditions de travail dégradées. La situation s'est un peu améliorée dans le bâtiment, mais guère dans l'hôtellerie et restauration. Plutôt que de forcer les demandeurs d'emploi à se diriger vers ces secteurs, mieux vaudrait faire porter l'effort sur la formation et, avec les employeurs, sur les conditions de travail.

En conclusion, le directeur général de l'ANPE le dit lui-même : la proportion de chômeurs qui fraudent est « infime ». La logique de la sanction est donc inadaptée.

Par ailleurs, plus on avance dans la réduction statistique du chômage, dont on connaît le prix en termes d'augmentation de la précarité, plus on en arrive aux personnes les plus éloignées de l'emploi, c'est-à-dire les plus difficiles à remettre sur les rails. La seule réponse que vous ayez trouvée, c'est la sanction, la radiation. Pour permettre un retour à l'emploi des chômeurs, il faut à l'évidence un accompagnement, mais il faut surtout que les emplois existent. Or, les prévisions économiques n'incitent guère à l'optimisme. Sous l'effet notamment du choc pétrolier, le salaire réel a baissé de 1 % dans la zone euro et, si les profits des entreprises se portent bien – passant de 7 % à 10 % dans le même temps –, encore faut-il qu'elles aient des débouchés pour recruter. Ce n'est pas la politique que vous suivez depuis maintenant six ans qui va améliorer les choses, notamment avec votre « paquet fiscal » de l'été dernier, qui a plombé notre économie.

Les économistes le disent – je vous renvoie à la presse des 13 et 14 juillet : à partir de maintenant et pour les deux ans qui viennent, la croissance annuelle de la France devrait tourner autour de 1 % ».

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Vous vous trompez !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous laissez entendre que votre objectif serait de réduire le nombre d'offres d'emplois non pourvues, de l'ordre de 300 000 à 500 000, selon les déclarations, que vous rapprochez des 2 millions de personnes inscrites à l'ANPE. En réalité, en 2007, celle-ci a collecté 3,7 millions d'offres et réalisé 2,1 millions de placements. Les 300 000 à 500 000 offres mentionnées correspondent donc au chômage frictionnel incompressible, puisqu'une offre ne peut pas être satisfaite dans l'instant et reste disponible un certain temps avant d'être pourvue. Quant à celles qui demeurent non pourvues, il faut se demander pourquoi elles ne trouvent pas preneurs, alors que l'immense majorité des chômeurs, vous l'avez dit, recherche de bonne foi un emploi.

J'observe enfin qu'aucune mesure n'est prévue dans le projet de loi, en faveur de la formation professionnelle. L'UNEDIC reconnaît n'avoir dépensé en 2007 que la moitié du budget dont elle dispose pour la formation des demandeurs d'emploi, alors même que l'efficacité de celle-ci est reconnue. En fait, votre objectif, lorsque vous mettez la pression sur les demandeurs d'emploi et faites porter votre effort sur la sanction, est bien de radier encore plus, pour dégraisser la statistique et, tel Tartuffe, cacher ces chômeurs que vous ne sauriez voir.

Pour être inutile et inadapté, votre projet n'en est pas moins dangereux. Il présente les demandeurs d'emploi comme des fraudeurs en puissance, comme des coupables plutôt que comme des victimes du chômage. Alors que moins de la moitié d'entre eux perçoit une indemnisation, alors qu'il n'y a manifestement pas assez d'emplois véritables pour tous – plus des deux tiers des offres correspondent à des emplois précaires à durée déterminée –, et alors même que le chômage est vécu par eux comme une mise à l'écart de la société, vous les contraignez à se justifier en permanence.

Cette manière d'imputer la culpabilité à la victime me rappelle une affirmation de notre collègue de l'UMP Jean-Frédéric Poisson, auteur d'un rapport sur la pénibilité au travail : « Il arrive encore souvent que les travailleurs soient eux-mêmes la cause de la pénibilité qu'ils subissent, ne serait-ce qu'en ne respectant pas les consignes ou la réglementation, en gérant leur travail de manière à maximiser leur temps libre » – les bougres ! – « sans veiller à préserver les rythmes biologiques naturels ou en ne mettant pas à profit les périodes de récupération ou de congés pour se reposer. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans les dispositifs proposés par votre projet, on voit bien que la relation entre le demandeur d'emploi et l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1, qui n'a pas encore de nom, mais que nous appellerons pour le moment l'ANPE, n'est pas équilibrée, pas plus que ne l'est, dans un contrat de travail, celle qui unit le salarié à l'employeur, du fait du lien de subordination qui existe entre eux.

On retrouve le même déséquilibre dans le jeu des responsabilités et des sanctions. Celles-ci sont précises et drues pour le demandeur d'emploi ; il n'en existe aucune, en revanche, pour l'institution, même lorsqu'elle s'avère incapable de proposer au chômeur deux voire une seule offre d'emploi valable ni raisonnable. Il n'existe pas davantage de sanctions contre les employeurs qui déposent des offres de mauvaise qualité, précaires ou supposant des conditions de pénibilité inacceptables.

À ce stade, je veux insister sur un aspect de votre démarche qui marque une dérive, une évolution importante de notre système de prise en compte et de prise en charge du chômage. Actuellement, Jean-Patrick Gille l'a signalé tout à l'heure, les salariés et les employeurs cotisent aux ASSEDIC pour assurer le risque de perte d'emploi et indemniser les demandeurs d'emploi selon des modalités issues de la négociation sociale. C'est le système d'assurance chômage qui donne des droits aux salariés. Certes, personne ne soutiendra que le demandeur d'emploi puisse se contenter d'attendre que le temps passe en touchant ses allocations. Il a, envers la collectivité, le devoir de rechercher un emploi. Mais celle-ci, via notamment l'ANPE, a le devoir de lui en proposer un.

Or votre texte, qui inscrit dans la loi que la relation entre le chômeur et l'ANPE se situe dans le cadre d'un projet personnalisé d'accès à l'emploi élaboré conjointement – j'insiste sur ce mot – opère un glissement vers une relation de type contractuel, décrivant les obligations réciproques de l'un et de l'autre. De ce fait, le demandeur d'emploi perd un peu les droits que lui donne l'assurance chômage en échange de ses cotisations, pour retrouver essentiellement des obligations.

On peut d'ailleurs s'interroger sur la constitutionnalité d'une partie de votre dispositif remaniée par le Sénat. Parce que le PPAE acquiert, par votre texte, des effets juridiques, le Sénat en a déduit que le refus du demandeur d'emploi de s'inscrire dans ce dispositif pourrait être sanctionné. Mais n'est-ce pas nier les droits découlant de l'assurance chômage que d'infliger une sanction pour cette raison ? N'est-ce pas à l'ANPE de faire tout simplement des offres ? Et de quel droit sanctionner celui ou celle qui ne souhaiterait pas entrer dans la démarche contractuelle proposée ?

Autre interrogation : n'y a-t-il pas contradiction entre le fait que le PPAE soit adapté à la situation personnelle de chaque chômeur, donc individualisé, et le caractère automatique, systématique, des règles d'évolution dans le temps de ce que vous appelez « l'offre raisonnable », en rupture avec cette individualisation ? Dans ce nouveau système, et dans le cadre de la relation déséquilibrée que vous instaurez entre l'ANPE et le demandeur d'emploi, quelle est la marge de manoeuvre du chômeur ? Elle paraît très faible, sinon nulle. Auditionné par le Sénat, le directeur adjoint de l'ANPE l'a d'ailleurs admis, en citant un exemple particulier : « On ne peut cependant exclure, observe-t-il, qu'un conseiller ANPE conseille par réalisme à un jeune demandeur d'emploi d'accepter de contracter un CDD au lieu d'un CDI, afin de faciliter son entrée sur le marché du travail. »

Dans le même cadre de réflexion, comment ne pas s'étonner, alors, que la sanction – en l'occurrence, la radiation – soit prononcée le cas échéant par l'un des partenaires de cette relation encore imprécise, à savoir l'ANPE ? Celle-ci n'est-elle pas à la fois juge et partie ? Censée proposer au demandeur d'emploi des offres raisonnables, selon une définition établie conjointement avec lui, la voilà qui sanctionne le demandeur d'emploi qui refuserait une offre, au motif que lui-même ne la considérerait pas comme raisonnable, c'est-à-dire comme répondant à cette même définition établie en commun !

Alors, c'est vrai, l'usine à gaz des recours peut se mettre en branle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Possibilité pour le chômeur de répondre aux reproches qui lui sont faits, décision motivée du directeur de l'ANPE, recours gracieux, commission consultative, recours hiérarchique éventuel, recours contentieux devant le tribunal administratif : tout cela aura lieu, mais on voit bien, dans la réalité, que le rapport de force est défavorable au chômeur. L'habillage contractuel du PPAE se révèle trompeur. Le demandeur d'emploi établit de manière prétendument conjointe avec l'ANPE les règles d'un jeu dont la sanction s'exerce, dans quasiment tous les cas, à son détriment.

Je veux également souligner un décalage entre la présentation presque légère et anodine des sanctions prévues – la radiation de deux mois, dont on nous dit qu'elle ne fait rien perdre au demandeur d'emploi, son droit à indemnisation étant seulement suspendu, décalé dans le temps – et les conséquences réelles que cette situation aura pour un chômeur qui se trouvera pendant deux mois sans ressources. Son loyer et ses factures, eux, ne seront pas suspendus pendant ce temps. Et que dire quand la notification de la sanction arrive après le versement de l'indemnité et que le chômeur doit reverser l'indu ? Mais, apparemment, cette situation particulièrement désagréable semble réjouir nos collègues de l'UMP ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La nature de ces sanctions et leur gravité justifieraient que leurs modalités concrètes soient revues, pour éviter que leurs effets ne soient disproportionnés par rapport à la faute commise et pour qu'elles soient prononcées par une autorité garante de l'intérêt général : l'État.

Un des principaux objectifs du texte consiste à définir ce qu'il appelle « l'offre raisonnable d'emploi », ainsi que les critères précis qui la caractérisent et en font évoluer l'appréciation. N'est-il pas étrange qu'une offre qui n'est pas considérée comme raisonnable, c'est-à-dire convenable, à un moment donné puisse le devenir avec le temps pour le même demandeur d'emploi doté des mêmes qualifications dans le même contexte économique local ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'offre raisonnable pourrait comporter, au bout de trois mois d'inscription à l'ANPE, une rémunération à 95 % du salaire antérieur et, après six mois, à 85 % – pourquoi pas 84 %, d'ailleurs ? Mais comment gérer ce décompte en mois ? Comment fera un chômeur qui s'est inscrit à l'ANPE le 1er juillet ? Quid des offres d'emplois raisonnables ou non pendant les mois d'été ? Le demandeur d'emploi sera automatiquement contraint d'accepter une offre à 95 % de son salaire antérieur !

On peut me répondre que ce type de système existe ailleurs. Certes ! Mais partout, notamment en Allemagne, il a eu pour conséquence une explosion de la précarité et une paupérisation tant des chômeurs que des personnes qui ont repris un emploi. Aux Pays-Bas, où le taux d'emploi général de la population avoisine 70 %, environ 40 % des actifs sont employés à temps partiel, pourcentage qui atteint 70 % pour les femmes.

Quant au contenu de ces emplois, la définition de l'offre devenue raisonnable parle d'emplois compatibles – nous reviendrons sur ce point lors de la discussion des articles – avec les qualifications du demandeur. Mais tout est compatible ! Il n'y a aucune incompatibilité entre une formation d'avocat et un emploi de cueilleur de fraises, pour reprendre un exemple médiatique. Demandez à M. Copé – pardon, à maître Copé – d'aller cueillir des fraises. Sa formation s'y prête sans doute.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Voilà pourquoi nous demandons que vous entriez dans une autre logique, pour que l'offre d'emploi soit non pas simplement compatible avec la qualification du demandeur, mais qu'elle corresponde véritablement à celle-ci.

L'offre raisonnable se définit également par référence à une zone géographique. Nous y reviendrons quand nous examinerons les articles, si par malheur la question préalable n'était pas votée. Mais nous le savons bien : sur certains bassins économiques, il n'y a tout simplement pas d'emplois. Quid, alors, de l'effectivité de la définition ? Quid, monsieur Proriol, de l'égalité de traitement entre les demandeurs d'emploi de ces bassins et ceux qui cherchent du travail dans d'autres secteurs en meilleure santé économique ?

J'en viens à la question des contestations sur l'offre dite raisonnable. D'aucuns prétendent – je cite l'exposé des motifs – qu'en fixant des critères précis à cette offre, on apporterait une sécurité juridique. En fait, le dispositif est, on le voit, une mine à contentieux. Je passe sur la rupture d'égalité entre un demandeur d'emploi parisien et un chômeur en zone rurale – zone que connaît bien M. Proriol –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…pour retenir le seul critère de distance ou de temps de trajet, au bout de six mois d'inscription : une heure en transport en commun ou trente kilomètres. Comment fera le rural qui n'a pas de véhicule personnel ? Vous ne proposez pas de réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Et, s'il a un véhicule personnel, combien lui restera-t-il à la fin du mois quand il aura payé son carburant ? Est-il raisonnable de travailler plus pour gagner moins ? Quant à sa situation de famille, l'éloignement posera forcément problème pour la garde des enfants. Les agents de l'ANPE vont devoir faire preuve de beaucoup de discernement dans l'application de la loi et les tribunaux administratifs crouleront sous les contestations.

En fait, ce projet de loi inutile et inadapté, dangereux par les dispositifs qu'il veut mettre en place, aura des conséquences qui traduisent les véritables intentions du Gouvernement et de sa majorité. Il veut pousser à la radiation pour diminuer statistiquement, mais non dans la réalité sociale, le nombre de chômeurs. Il veut donner des gages à une partie de l'opinion publique sensible à la démagogie en affichant une sorte de fermeté à l'égard des chômeurs soupçonnés par nature de ne pas chercher à travailler et de profiter du système.

Il veut opérer une pression à la baisse sur les salaires, en cohérence avec le dumping social organisé par la loi portant rénovation de la démocratie sociale. Certes, le plancher du SMIC est maintenu, mais pas forcément pour un temps plein. Or qui a déjà vu un loyer à temps partiel ?

Un autre objectif du projet de loi consiste à renvoyer progressivement sur l'aide sociale nombre de chômeurs radiés et découragés, qui resteront donc à la charge des collectivités locales, cibles privilégiées du Gouvernement Fillon et de M. Sarkozy.

Enfin, en réduisant le nombre de chômeurs indemnisés, cette réforme permettra d'augmenter l'excédent de l'UNEDIC – il s'élève à 3,5 milliards d'euros en 2007 et devrait atteindre 4,6 milliards en 2008 –, afin d'organiser le glissement de ce dernier vers les retraites. Les tuyaux se mettent en place : depuis la loi du 3 janvier 2008, les URSSAF ne sont-elles pas chargées du recouvrement des cotisations d'assurance chômage ?

La méthode de ce Gouvernement apparaît peu à peu plus clairement. Il applique la règle de tous les pouvoirs autoritaires qui, sans comprendre pourquoi, n'obtiennent pas les résultats escomptés : ils désignent des boucs émissaires et dressent les citoyens les uns contre les autres. Ils se crispent.

Il y a un an, le gréviste était la cible du Gouvernement. Tel Toinette dans le Malade imaginaire, déguisée en médecin, déclarant à Argan : « C'est du poumon que vous êtes malade, le poumon, le poumon ! », le ministre Bertrand nous disait : « C'est du gréviste que la France est malade, le gréviste, le gréviste, vous dis-je ! »

Tout cela pour permettre à M. Sarkozy – alors que la loi sur le service minimum dans les transports, votée l'été dernier, n'a encore trouvé aucun début d'application – de s'écrier, provocateur et probablement un peu imprudent : « Désormais quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit. » Nous venons aussi d'examiner le projet de loi sur l'accueil des élèves pendant le temps scolaire – jolie formule pour camoufler le contenu réel de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Après le gréviste, nous avons eu le malade, le malade vous dis-je ! Voilà comment ce Gouvernement a instauré les franchises médicales qui permettent aux malades de payer pour les malades. Ils n'ont qu'à être bien portant tout de même !

Ensuite est venu le tour du code du travail. Vous aviez trouvé un coupable, un fautif : le code du travail vous dis-je ! On l'a d'abord un peu assoupli, rendu plus flexible avec la rupture conventionnelle et le contrat a objet défini, la sécurisation des parcours professionnels attendrait. Mais, la semaine dernière, le code a été carrément dynamité. Désormais la concurrence entre les entreprises se fera aussi sur les normes sociales : Dunlop contre Goodyear, le dumping social est en marche.

Alors que la mondialisation offre aux pays en développement un potentiel de croissance économique et d'élévation du niveau de vie de leurs populations, l'occasion aurait été belle pour eux d'améliorer les conditions de vie et de travail et d'élever leurs normes sociales. Mais vous choisissez ce moment pour niveler par le bas et dégrader nos propres normes sociales ! Mesdames, messieurs du Gouvernement et de l'UMP, vous faites le choix de sous-développer la France. Désormais, comment refuser une suppression des repos compensateurs dans une petite entreprise ? Comment s'opposer à un forfait de 282 jours de travail par an quand la direction de l'entreprise menace de délocaliser ou de supprimer des emplois ?

Il faut reconnaître que vous avez de la constance. Il y a d'abord eu la loi dite TEPA qui coûte si cher aux finances publiques – 14 milliards d'euros par an – et son mot d'ordre « enrichissez-vous » – « si vous en avez les moyens » est sous-entendu. Cette réforme entretient le culte des inégalités – si cher à Mme Lagarde –, moteur supposé de la société puisque ces inégalités sont censées, dans un premier temps, arroser en cascade jusqu'aux plus démunis de nos concitoyens grâce à la compassion des plus chanceux, puis, dans un second temps, leur donner envie de lutter dans cette jungle pour atteindre le niveau supérieur. Il y a eu ensuite le fameux bouclier fiscal, qui permet de rendre de l'argent à ceux qui n'en ont pas besoin, et la loi de modernisation de l'économie avec l'auto-entrepreneur de M. Novelli. L'auto-entrepreneur, ce tâcheron moderne, concurrencera dans son auto-entreprise celle dont il est parallèlement le salarié ! Mangez-vous entre vous, mangez-vous vous-même, tel est le nouveau mot d'ordre de ce Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Et voilà qu'aujourd'hui, la cible, le coupable, c'est le chômeur, qui doit être gommé, caché, radié. Pour ce faire, la technostructure déploie des trésors d'imagination. Elle fait même appel à la raison : selon elle, un emploi à vingt-neuf kilomètres de chez vous, c'est raisonnable ; à trente et un, ça ne l'est plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est votre texte, monsieur Copé, vous devriez le lire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Je ne peux pas, je suis « aux fraises ». (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Jusqu'où irez-vous dans la régression sociale ?

Je pense ne pas avoir eu grand mal à convaincre nos collègues de gauche, mais je me tourne vers nos collègues de droite :...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

..il vous reste une petite chance de sauver l'honneur avant les vacances. Saisissez-la, votez cette question préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Bruno Le Maire, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Je voudrais tout d'abord dénoncer une contre-vérité. Fréquemment énoncée dans ce débat, elle est insupportable pour tous les députés de la majorité. Intervention après intervention, on tente en effet de nous expliquer que le texte que nous défendons ce soir est un projet de loi contre les chômeurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)...

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

…alors qu'il s'agit d'un projet de loi pour les chômeurs.

Ce que demandent les chômeurs, monsieur Mallot, ce n'est ni votre compassion, ni votre discours sur la solidarité dont ils se moquent, mais un emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Et ce projet de loi leur permettra de l'obtenir plus rapidement.

Je voudrais dénoncer tout particulièrement trois illusions parmi les dizaines que j'ai entendues ce soir.

Première illusion : il faudrait attendre, attendre la concertation des partenaires sociaux, attendre quelques années que les choses s'améliorent, attendre sans cesse comme si les chômeurs pouvaient attendre avant de retrouver un emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

En tout cas, ce n'est pas vous qu'ils attendent !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Ce que veulent les demandeurs d'emploi, c'est retrouver rapidement un travail, et je suis convaincu que ce projet de loi permettra d'obtenir ce résultat.

Deuxième illusion : il existerait une solution miracle contre le chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Vous nous expliquez que nos efforts pour tenter de réduire, pas à pas, le chômage ne servent à rien. Ils donnent pourtant des résultats puisque le taux de chômage est passé 10 % à environ 7,5 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Il y a d'abord eu la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC qui va permettre d'obtenir de meilleurs résultats, ensuite l'accompagnement personnalisé du demandeur d'emploi et enfin l'équilibre entre l'offre et les demandeurs : toutes ces mesures vont permettre de réduire le chômage. Pour autant, elles ne constituent pas une solution miracle, laquelle n'existe pas ; il y a simplement des réformes qui, menées l'une après l'autre, donnent enfin des résultats.

Une troisième illusion réside dans l'idée qu'il faudrait attendre la croissance. Vous avez cité les bons auteurs, monsieur Mallot, mais, à vous entendre, il faudrait attendre Godot : on s'assied sous l'arbre et on attend que la croissance revienne pour que l'emploi arrive.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Mais la croissance se construit d'abord par les emplois que l'on crée.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il y a d'autres solutions, 1997 nous l'a montré.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Le cycle vertueux s'enchaîne de l'emploi à la croissance et de la croissance à l'emploi. N'attendez pas les bras croisés, comme vous le faites depuis des années, sans rien proposer pour réduire le chômage que la croissance revienne pour qu'ensuite le chômage diminue ! Ça ne fonctionne pas ainsi, et vous le savez très bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

On voit que vous n'avez jamais été au chômage !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Au fond, vous nous répétez ce que nous disait François Mitterrand dans les années 80 : « Contre le chômage, on a tout essayé. » Je pense au contraire que contre le chômage, on n'a pas encore tout essayé : il existe de bonnes solutions, et ce projet de loi en fait partie.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Justement, la réalité c'est que la moitié des chômeurs ne sont pas indemnisés !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Tout d'abord, depuis que nous avons pris les mesures qui s'imposaient pour mieux suivre les demandeurs d'emploi, pour répondre à leurs attentes, pour réorganiser l'ANPE, pour créer des maisons de l'emploi, le taux de chômage a baissé. C'est le cas depuis quatre ans, et ce résultat nous le devons à la majorité et vous ne pouvez pas le contester.

Autre fait qui s'impose, on compte environ 500 000 emplois non pourvus en France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine),…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

…ce qui signifie bien qu'il existe un défaut d'adéquation entre l'offre et la demande, et ce projet de loi permettra d'y remédier.

Troisième fait têtu, cité par le CRÉDOC, le taux de retour à l'emploi augmente de plus de 10 % au dernier mois de l'indemnisation du chômage. Il y donc bien dans ce système quelque chose qui ne fonctionne pas, et vous le savez très bien.

Autre fait incontestable, le nombre d'agent de l'ANPE est passé de 18 000 à 28 000 entre 1999 et 2008 pour améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Évidemment, le chômage a augmenté ! C'est M. de La Palice !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Dernier fait têtu : toujours selon le CRÉDOC – et M. Delors fait, mot pour mot, le même constat –, après un an de chômage, les chances de retour à l'emploi sont divisées par deux. En conséquence, plus tôt on intervient pour répondre aux attentes du demandeur d'emploi, meilleurs sont les résultats.

Nous rejetterons cette question préalable car le projet de loi que nous soutenons mène une action résolue contre le chômage et contre l'inaction et l'attentisme que vous nous proposez, mesdames et messieurs les socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Maxime Gremetz.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Monsieur le directeur de cabinet, on voit que vous n'avez jamais connu le chômage ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

M. Le Maire est élu comme vous, monsieur Gremetz, et même mieux que vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Maire

Je suis élu de la nation, monsieur Gremetz ! Je suis même mieux élu que vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Monsieur Gremetz, vous, vous êtes apparatchik depuis cinquante ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Vous n'avez jamais été au chômage ni connu de difficultés. Jamais vous n'avez vécu avec ce que touchent aujourd'hui les chômeurs. Je sais que maintenant il faut parler de demandeurs d'emploi, vous avez peur de dire le mot « chômeur », mais en réalité, vous mettez bien les gens au chômage.

Parlons de l'actualité. Comment les salariés de chez Goodyear…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

…Goodyear à Amiens, monsieur Copé. Je ne parle pas anglais, mais vous devez connaître Goodyear, sinon je vais vous expliquer. Cette entreprise, qui a fusionné avec le groupe Dunlop, groupe multinational à direction américaine…

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quelle horreur !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Pas du tout, ce n'est pas une horreur, nous nous battons pour que l'entreprise reste à Amiens. Vous voyez que nous ne sommes pas chauvins.

Aujourd'hui, cette direction, soutenue par votre politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Vous oubliez d'ajouter « réactionnaire et de droite », monsieur Gremetz !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Si vous voulez, monsieur Copé. En tout cas, c'est, à coup sûr, une politique de régression sociale.

Aujourd'hui, les salariés de Goodyear – dont vous n'avez sans doute rien à faire – dénoncent un accord, avec 500 licenciements à la clé, imposant une nouvelle organisation du travail en 48 qui ne leur permet plus d'avoir une vie de famille. Vous connaissez bien cette question Mme Lagarde. Dans la négociation, une seule chose a été proposée aux salariés : les 48. Jamais l'entreprise n'a voulu examiner aucune des autres propositions émises.

Aujourd'hui, la direction de Goodyear décide de licencier 400 salariés, annonçant même 600 suppressions d'emploi. En vérité, cette multinationale a une stratégie, qui consiste à mettre au chômage près de 1 500 salariés. Résultat : en Picardie, le chômage ne baisse pas et, dans la Somme, il augmente. Dans ces conditions, tous vos prétendus efforts, y compris la fusion entre les ASSEDIC et l'ANPE, n'y changeront rien…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

On laisse faire ces délocalisations – car c'est de cela qu'il s'agit –, qui permettent aux actionnaires de réaliser des profits toujours plus colossaux et aux dirigeants d'empocher leurs stock-options et, ensuite, on stigmatise les chômeurs en prétendant qu'ils ne voudraient pas travailler. Eh bien non !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Le groupe GDR votera donc la question préalable, car ce texte est un mauvais projet, qui stigmatise les chômeurs. Il y aurait du chômage en France parce que les chômeurs ne veulent pas avoir du travail ! Ce n'est pas acceptable ! Imposer aux salariés des baisses de salaire successives…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Gremetz, vous n'avez plus la parole.

La parole est à Mme Martine Pinville, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi nous inquiète, comme il inquiète celles et ceux de nos concitoyens qui sont ou seront touchés un jour par ce drame qu'est la perte d'un emploi.

Le chômage, ce n'est ni la sanction d'une existence professionnelle laxiste, ni une fatalité à accepter dans un univers économique troublé. Le chômage, c'est avant tout une rupture : c'est une part de ce que l'on est, de sa représentation sociale, qui disparaît. Cette mise en difficulté, cette fragilisation impose donc une réponse sociale qui allie réalisme, clarté et compréhension. Le mépris comme la compassion doivent être écartés dans le traitement de ces situations. Hélas ! ce texte tombe dans certains de ces travers.

À sa lecture, on est d'abord frappé par l'absence de nouveauté concernant la définition des droits du demandeur d'emploi. En effet, le projet de loi ne fait que reprendre, quand il ne les supprime pas, les outils du code du travail et du règlement de l'UNEDIC, qui existent mais ne sont pas appliqués. Pas d'avancées en direction de la formation des demandeurs d'emploi, notamment les moins qualifiés. Pas d'évolution dans la prise en compte de leurs compétences ni pour le suivi de leur projet personnel – le PPAE, par exemple, existe déjà.

Ce texte n'accorde pas de crédibilité à la volonté des chômeurs de retrouver une place réelle dans notre société. Plus inquiétant encore, la mise en place de l'opérateur unique ANPE-UNEDIC risque d'aboutir, comme c'est déjà le cas dans certains départements, à des compressions de personnels qui ne feront que niveler par le bas les services rendus aux chômeurs.

En revanche, le projet de loi est particulièrement ambitieux en ce qui concerne les devoirs des demandeurs d'emploi. De la dégressivité des allocations au temps de transport, de la radiation en cas de refus de deux offres à la notion d'offre raisonnable d'emploi, ce texte marque une véritable rupture avec ce que l'on pouvait attendre d'un service public d'aide aux demandeurs d'emploi. Ces derniers, rendus coupables de leur situation, doivent ainsi accepter des offres que d'autres auront jugé raisonnables pour eux. Loin d'aider à un retour à un emploi stable et convenablement rémunéré, ce texte va instituer la proposition d'emploi précaire, le plus souvent dans les secteurs en tension, sans donner la possibilité aux demandeurs d'exprimer leur point de vue.

Ce texte est inquiétant, et le contexte politique accentue encore la sensation de malaise qui nous étreint à sa lecture. Après les attaques contre le code du travail, la fusion entre l'UNEDIC et l'ANPE – qui ne semble pas prendre le chemin de l'amélioration du service rendu aux demandeurs d'emploi –, après la modernisation du marché du travail et la réforme de la démocratie sociale et du temps de travail – qui aura les conséquences que l'on sait et que l'opinion découvre peu à peu –, cette nouvelle offensive souligne bien la cohérence de votre action.

Cette action, nous ne pouvons que la blâmer, et ce pour trois raisons. Tout d'abord, elle ne répond pas aux besoins des Français, qui, en plus de sentir fragilisés par la baisse de leur pouvoir d'achat et les soubresauts de l'économie mondiale, constatent que l'État accepte de généraliser la précarisation de ceux qui se trouveront touchés par ces fléaux. Ensuite, elle institue le règne de l'individualisme et, surtout, de la stigmatisation d'une part croissante de notre société. Enfin, elle n'assume pas ce qu'elle fait et préfère attaquer les décisions socialistes passées, plutôt que de présenter au grand jour la vision de la société qu'elle fait pourtant prévaloir.

Ce texte est inquiétant et le moment est grave. En cette période estivale,…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

…les Français ne pourront pas, une nouvelle fois, être tenus informés de vos agissements.

Parce que ce texte n'apporte aucune avancée pour les droits des demandeurs d'emploi, parce qu'il accroît de manière déséquilibrée et injuste leurs devoirs, parce qu'il les stigmatise, parce qu'il s'inscrit dans un plan cohérent de déconstruction de notre modèle économique et social et parce qu'il est présenté en catimini, nous vous demandons de voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Je dois dire que je suis assez attristé par l'intervention de M. Mallot. En dénonçant une stigmatisation des chômeurs et en attaquant de manière permanente le service public de l'emploi, il a atteint le summum de la caricature.

Pour ma part, je préfère le pragmatisme. Le texte ne s'attaque pas à ceux qui ne trouvent pas d'emploi, mais à ceux qui n'en cherchent pas et à ceux qui fraudent. La mission d'information sur les moyens de contrôle de l'UNEDIC et des ASSEDIC – dont M. Tian était rapporteur et dont j'étais membre, ainsi que plusieurs députés socialistes – avait d'ailleurs révélé l'ampleur des fraudes dont pâtit l'assurance chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il s'agissait de réseaux mafieux : c'est autre chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Par ailleurs, un certain nombre d'offres d'emploi ne trouvent pas preneurs et, à ce sujet, je souhaiterais vous faire part d'une expérience que j'ai vécue, la semaine dernière, en tant que président d'une maison de l'emploi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Pour répondre aux cinq offres d'emploi dans le secteur de l'aide à la personne que nous proposions, nous avions sélectionné dix demandeurs d'emploi : un seul candidat s'est présenté aux entretiens d'embauche!

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Or ces personnes avaient été formées et accompagnées. On ne peut pas laisser perdurer une telle situation.

Certes, ces personnes sont une minorité, mais elles contribuent à jeter le discrédit sur ceux qui cherchent réellement un emploi et qui n'en trouvent pas. Il faut donc lutter contre ces pratiques pour mieux défendre ceux qui cherchent à réintégrer le monde du travail. C'est pourquoi le Nouveau Centre ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis trois ans, des résultats exceptionnels ont été obtenus par notre pays en matière de lutte contre le chômage : le nombre de demandeurs d'emploi de la « catégorie 1 » a été réduit de 23 % et le taux de chômage est revenu à un niveau que la France n'avait pas connu depuis un quart de siècle.

Le projet de loi, qui s'inscrit dans la lignée de la réorganisation des services de l'ANPE et de l'UNEDIC, constitue l'un des leviers de réforme qui nous permettront de réduire à 5 % le taux de chômage à l'horizon 2012. Il va nous permettre de persister dans notre volontarisme, en donnant au service public de l'emploi les moyens de travailler plus efficacement et exclusivement au service de ceux qui acceptent d'avoir des droits et des devoirs. Il est, pour moi comme pour tous mes collègues du groupe UMP, une étape essentielle sur la voie du plein-emploi auquel nous aspirons et pour lequel nous agissons concrètement et quotidiennement.

Trop longtemps, et même si ce dispositif a répondu aux besoins du plus grand nombre, nous avons considéré qu'il suffisait de faire se rencontrer l'offre et la demande pour que le chômage diminue et que les employeurs trouvent une réponse à leurs attentes. Trop de nos concitoyens se sont ainsi retrouvés sur le bord de la route avec un sentiment d'abandon, victimes d'un manque d'accompagnement que l'on ne peut plus accepter.

Il est aujourd'hui de notre devoir d'aider les uns et les autres, chômeurs et employeurs, à s'adapter et à individualiser leurs besoins. C'est la fierté de notre majorité d'avoir engagé ce chantier, dont une nouvelle étape a été franchie avec le rapprochement entre l'UNEDIC et l'ANPE. Cette fusion permet d'optimiser le savoir-faire de ces agents, dont je veux saluer ici le précieux travail et le grand professionnalisme, en simplifiant et en personnalisant le suivi de chaque demandeur d'emploi.

Le principal objet de ce texte est de permettre à chacun d'exprimer ses voeux concernant son parcours professionnel, afin de garantir l'individualisation des solutions. Le service public de l'emploi s'engagera à mettre en oeuvre toutes les actions jugées nécessaires pour faciliter le retour à l'emploi et proposera des offres considérées comme raisonnables. En contrepartie, le demandeur d'emploi s'engagera à accepter ces offres et pourra être sanctionné en cas de refus répété.

Cet engagement réciproque prend forme dans un projet personnalisé d'accès à l'emploi élaboré conjointement par le service public de l'emploi et le demandeur d'emploi. C'est, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, sur ce travail préalable que vous souhaitez que s'appuie la responsabilisation de chacune des parties.

Ainsi, le projet individuel précisera la nature et les caractéristiques de l'emploi recherché, la zone géographique dans laquelle le demandeur recherche un emploi, ainsi que le niveau du salaire attendu. C'est donc en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de son expérience et de sa compétence professionnelle, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail que s'appréciera la notion d'offre raisonnable d'emploi. Le système sera par conséquent plus juste et plus lisible, chacun sachant à quoi s'en tenir. Il est en effet de notre devoir, et la rapporteure du texte, Marie-Christine Dalloz, l'a souligné avec acuité, de soutenir les plus faibles, mais aussi de les accompagner avec détermination dans cette épreuve que constitue l'inactivité.

Au-delà de l'expression d'une légitime compassion, la lucidité et le réalisme exigent des parlementaires qu'ils fassent preuve de responsabilité et considèrent les deux versants du problème : le chômage est une épreuve nécessitant écoute et tact, mais il est aussi un échec qui peut empêcher tout rétablissement rationnel rapide.

Toutes les études le montrent, une personne éprouve d'autant plus de difficultés à retrouver un emploi que le chômage se prolonge. Selon des données du CREDOC, après un an de chômage, on perd 50 % de chances de retrouver un emploi. Il faut donc savoir tirer la sonnette d'alarme.

Dans ces conditions, notre responsabilité, mes chers collègues, est de faire en sorte que chaque demandeur d'emploi bénéficie d'une prise en charge individualisée et rapide. Cette prise en charge, qui nécessite beaucoup d'exigences et une détermination sans faille de la part des agents du service public de l'emploi, apporte des droits au demandeur d'emploi mais crée également, en contrepartie, des devoirs à sa charge – des devoirs qu'il est dans son intérêt d'accomplir s'il veut trouver une solution durable et adaptée à ses besoins.

Cependant, certains contestent nos motivations et se complaisent à agiter un chiffon rouge, l'allégation selon laquelle le Gouvernement obligerait les chômeurs à accepter un emploi moins payé et plus éloigné de leur domicile, sous peine de voir leurs allocations supprimées ! Le front du conservatisme a montré toute sa vigueur en appelant de ses voeux un statu quo impensable !

Le rôle du législateur, défenseur de l'intérêt général et gardien des intérêts de la société, est de poser des garde-fous. Alors, oui, nous avons pris nos responsabilités en posant des règles acceptables et en donnant au service public les moyens de réussir. Poser des limites est indispensable, à moins de considérer, comme certains ici, que l'on pourrait supprimer les limitations de vitesse en se fiant à la régulation spontanée des automobilistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Notre but reste bien, mes chers collègues, de mettre en oeuvre tous les moyens permettant de faire baisser le taux du chômage et d'accroître l'emploi. Nous devons, comme l'a souligné le rapporteur pour avis Yves Albarello, innover pour garantir une croissance harmonieuse et durable de notre économie.

Alors que seuls les aides de l'État ou les emplois assistés paraissaient constituer, aux yeux de certaines majorités, une réponse adaptée aux difficultés de notre marché du travail, nous avons eu le courage d'engager une nouvelle démarche, fondée sur la responsabilité individuelle, l'accompagnement personnalisé et l'adaptation de la demande aux réalités de l'offre. C'est aussi le développement de l'activité qui assurera la pérennité de notre système de solidarité collective et qui participera au rétablissement de nos finances publiques, autre priorité défendue fermement par le gouvernement de François Fillon.

La qualité de l'emploi, la lutte contre les trappes à inactivité ou les effets de seuil qui appauvrissent les salariés, la liberté dans le niveau d'activité, toutes ces mesures prises sont autant d'initiatives qui vont dans le bon sens et qui permettront de répondre également à une attente importante : le renforcement du pouvoir d'achat.

Enfin, comme l'a indiqué le président Méhaignerie, il est temps d'appliquer des règles justes, et c'est un grand pas qui sera franchi avec l'adoption de ce texte. Mes chers collègues, « les portes de l'avenir sont ouvertes à ceux qui savent les pousser », et c'est avec enthousiasme que le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, vous n'ignorez sans doute pas que la dernière édition du Larousse est maintenant disponible dans les librairies. La flexisécurité, ce modèle qui offre aux travailleurs plus de sécurité d'emploi en échange d'une flexibilité accrue, y fait son apparition, et cette petite nouveauté justifierait, à elle seule, que les membres du Gouvernement et de la majorité en fassent l'acquisition.

Rien d'étonnant ni de choquant à l'introduction de ce concept dans nos dictionnaires. Le mot, inspiré des pratiques en vigueur notamment dans les démocraties du nord de l'Europe, et plus particulièrement au Danemark, renvoie à un triangle d'or reposant sur une flexibilité importante du marché du travail, une politique d'indemnisation généreuse et des politiques actives de l'emploi. Les députés du groupe SRC sont prêts à étudier toute avancée vers la flexisécurité sans préjugés et dans une démarche constructive, mais en prenant en compte les deux aspects de ce concept. Nous regrettons que la majorité se méprenne sur la signification du mot « flexisécurité », se cantonnant à retenir uniquement le versant « flexibilité » de sa définition.

Nul ne peut nier que les « avancées » concernant la flexibilité sont aujourd'hui légion, qu'il s'agisse de l'assouplissement des règles régissant les contrats de travail, des attaques répétées contre la durée légale du temps de travail, du renversement de la hiérarchie des normes ou encore de la mise en place de sanctions contre les chômeurs que vous jugez déraisonnables. Notons que votre empressement à pérenniser la flexibilité est tel qu'en plus du texte que nous examinons ce soir, vous avez inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail que nous avons examiné il y a deux semaines.

Comme l'a dit M. Vercamer, il eût été préférable d'attendre le résultat des négociations sur la convention d'assurance chômage et sur la sécurisation des parcours professionnels avant de débattre du projet de loi que nous examinons aujourd'hui. La réciprocité des droits et des devoirs y eût gagné ! En effet, les points susceptibles d'apporter un minimum de sécurité aux demandeurs d'emploi n'ont pas bénéficié du même empressement. Nous abordons donc les conditions de sanctions des chômeurs alors que le plus grand flou règne toujours sur la fusion ASSEDIC-ANPE, dont les modalités d'exécution apporteraient pourtant nombre d'informations précieuses concernant les droits des demandeurs d'emploi. Comme ils me l'ont confié, les agents de ces deux institutions amenées à fusionner se sentent d'ailleurs très largement en déficit d'information sur la constitution du futur opérateur public de l'emploi. Leurs syndicats réclament, en vain pour le moment, des précisions sur le calendrier réel envisagé pour la fusion, l'offre de service et les restructurations prévues dans le réseau, la mise en concurrence avec le privé, l'organisation territoriale, le pilotage et le financement de la nouvelle institution.

Au-delà des inquiétudes des agents de l'ANPE et de l'ASSEDIC, il convient de s'interroger également sur les conditions de l'élaboration de votre projet de loi. L'accord interprofessionnel pour moderniser le marché du travail – sur lequel nous nous étions abstenus, je le rappelle pour répondre à ceux qui nous accusent de dogmatisme – avait abouti à un quasi-consensus sur l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. L'article 18 de cet accord évoquait des « droits et devoirs réciproques ». Un léger basculement sémantique semble vous avoir malencontreusement poussés à abandonner cette réciprocité, puisque seuls les droits et devoirs des demandeurs d'emploi sont ici abordés. Vous avez unilatéralement décidé de la définition de l'offre raisonnable d'emploi, provoquant la colère des syndicats. Nicolas Sarkozy déclarait avant son élection : « les réformes doivent conjuguer les nécessités de l'action et la pratique du dialogue social ». Dans la pratique, vous avez plutôt choisi de conjuguer la précarisation des salariés avec le refus de l'écoute des partenaires sociaux !

Je reconnais une qualité à votre projet de loi, celle de ne comporter que trois articles ! Nous vous félicitons pour cette concision législative, suffisamment rare pour être soulignée.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je vous remercie !

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Nos concitoyens pourront eux-mêmes prendre connaissance du contenu de ce texte assez facilement. Les droits nouveaux pour les demandeurs d'emploi étant inexistants, les devoirs étant quant à eux omniprésents, le titre « droits et devoirs » nous semble quelque peu exagéré, mais les demandeurs d'emploi visés jugeront.

La clarté de ce texte ne parviendra cependant pas à faire mentir les chiffres, qui sont têtus. L'ANPE indique en effet que les radiations pour refus d'offre sont marginales : 13 672 sur un total de 563 680 radiations de janvier à novembre 2007, soit seulement 2,4 %. La DARES a, elle, publié le 2 juin dernier une étude montrant que seulement « 2 % des personnes se déclarant au chômage ne souhaitent pas travailler à l'avenir, essentiellement pour des raisons de santé » – nous aurons l'occasion d'évoquer l'emploi des seniors lors de ce débat. Quant aux 500 000 offres d'emplois non pourvues que le Président de la République a évoquées à multiples reprises, les chômeurs, les agents de l'ANPE et les syndicats les cherchent encore ! La raison en est d'ailleurs bien simple : il n'existe pas de décompte des offres d'emplois non satisfaites.

Permettez-moi de revenir sur un autre aspect très discutable de votre définition de l'offre raisonnable d'emploi. Après six mois, une offre entraînant une distance à parcourir de trente kilomètres au plus entre le domicile et le lieu de travail pourrait être considérée comme raisonnable. Outre que je n'ose imaginer quel savant calcul permettra de vérifier cette distance et quelle quantité de personnels ces opérations nécessiteront, je note avec étonnement que cette augmentation de l'exigence de mobilité géographique ne semble pas totalement compatible avec l'esprit du Grenelle de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Quand bien même les demandeurs d'emploi choisiraient les transports en commun, je suis impatiente de voir quel système permettra de vérifier la durée maximale d'une heure évoquée dans le projet de loi, et quand on parle de dogmatisme, il est permis de s'interroger sur l'opportunité de faire figurer dans la loi un critère à ce point sélectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Cette exigence de mobilité desservira d'abord les salariés qui habitent loin des centres-villes, dans des zones mal desservies. Avec la journée de treize heures, rendue possible par vos remises en cause de la durée légale du travail et avec ces deux heures de transport rendues « raisonnables » par votre projet de loi, il ne restera plus que neuf heures de temps libre aux salariés, dont il convient de déduire le temps de sommeil. Si l'on ajoute à cela le travail le dimanche auquel vous promettez de vous attaquer bientôt, le retour à des conditions de travail inacceptables que nous évoquons souvent sous vos moqueries pourrait bientôt devenir une réalité plus que tangible.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Comme vous, madame la ministre, nous souhaitons nous acheminer vers une société de plein emploi. Il ne saurait en être autrement en notre qualité de responsables politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Mais puisqu'il a été question de dogmatisme, j'aimerais que l'on m'explique pourquoi le gouvernement précédent s'est empressé, en 2002, de supprimer le projet TRACE, qui constituait une forme d'accompagnement individualisé des jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

J'espère qu'en dépit de la torpeur de la mi-juillet, nous pourrons défendre – comme nous l'avons fait pour le texte que l'Assemblée a examiné précédemment – ce qui relève pour nous, non pas du dogmatisme, mais des valeurs et des convictions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui par le Gouvernement se veut un dispositif essentiel de la politique de l'emploi qu'il a décidé de mettre en oeuvre.

L'objectif que vous affichez est de dynamiser le parcours de retour à l'emploi. Nous partageons votre volonté d'encourager un retour rapide à l'emploi. Chacun sait, en effet, que le maintien dans une situation de chômage de longue durée est particulièrement déstructurant. Le choc de la perte d'emploi est un traumatisme pour tout salarié : perdre son emploi, c'est voir sa vie personnelle, familiale, parfois même son logement, remis en question.

Si toutes les situations de chômage ne sont pas, heureusement, aussi dramatiques, il n'en reste pas moins qu'une part importante de nos concitoyens est frappée par la précarité et la fragilité qu'elles engendrent.

Les situations de chômage sont extraordinairement diversifiées et complexes. Tout un ensemble d'éléments vient interférer dans la position du demandeur d'emploi sur le marché du travail : des paramètres évidemment professionnels, liés à sa qualification, son expérience, aux formations auxquelles il aura ou non eu accès ou à la qualité des emplois qu'il aura pu précédemment occupés, mais aussi des considérations plus personnelles, liées à son âge, son état de santé, sa situation familiale, son parcours personnel, ses difficultés ou non à se loger. À cela, s'ajoutent les obstacles que constituent les phénomènes de discriminations, qu'ils soient liés à l'origine, à l'âge ou à l'état de santé – je vous renvoie sur ce point au rapport 2007 de la HALDE qui montre à quel point le phénomène est loin de devoir être négligé.

Enfin, il convient d'invoquer les limites propres au dynamisme du marché du travail local, qui, dans de nombreux bassins d'emploi – je pense en particulier au bassin de Roubaix-Tourcoing dont je suis élu –, ne suscite pas un nombre de créations d'emplois suffisant pour répondre à une demande dont la pression est particulièrement forte.

Avec ce projet de loi, vous souhaitez, par ailleurs, répondre à la problématique des métiers en tension. Vous indiquez notamment que 500 000 offres d'emplois ne trouvent pas preneurs actuellement, chiffre que vous mettez en balance avec celui des 1,9 million de chômeurs que compte notre pays.

Le fait qu'un certain nombre de secteurs d'activité ne trouvent pas, aujourd'hui, les salariés qu'ils recherchent doit en particulier interroger sur l'attractivité des métiers au sein de ces filières professionnelles. Il ne s'agit évidemment pas de dévaloriser ces métiers. Néanmoins, les contraintes qui leur sont attachées, que ce soit en termes de pénibilité ou d'instabilité, constituent évidemment des freins majeurs au recrutement, et ce même si des efforts ont pu être accomplis par les professionnels de ces secteurs, conscients de la situation.

Un secteur comme celui du bâtiment a ainsi progressé sur les questions de pénibilité ou de rémunération. Les besoins de main-d'oeuvre se font pourtant toujours ressentir. Là aussi, d'ailleurs, la situation est contrastée entre les grandes entreprises du bâtiment, qui n'hésitent pas à engager leurs salariés récemment recrutés dans une démarche de formation, et les petites entreprises, qui recherchent davantage des professionnels directement opérationnels.

S'agissant des besoins de main-d'oeuvre non satisfaits, la complexité prime. Il faut d'abord rappeler qu'on ne choisit pas d'être chômeur. Notre groupe veillera toujours particulièrement à ce qu'on n'entre pas dans une démarche de stigmatisation et de mise à l'index des demandeurs d'emploi, en particulier quand ils sont chômeurs de longue durée.

J'ai écouté avec attention M. le président de la commission des affaires sociales. Il s'est interrogé sur les raisons du dépôt de ce texte dont l'examen intervient aussi rapidement, alors même qu'une loi rappelant aux demandeurs d'emploi leurs devoirs existe déjà et mériterait certainement d'être mieux appliquée.

Nous aurions en effet souhaité que ce dispositif de contrôle et de sanction, qui complète le dispositif existant, vienne parachever le cycle des réformes du marché du travail plutôt qu'il ne le précède. La portée de votre texte aurait vraisemblablement été différente si celui-ci s'était inscrit dans un cadre davantage sécurisé des parcours professionnels des salariés.

Il fallait par exemple tirer les conclusions des expérimentations du contrat de transition professionnelle pour ce qui concerne les bassins industriels en crise,

Il convenait de border le dispositif par une réforme de la formation professionnelle, qui donne à ceux qui en ont le plus besoin un accès réel à une formation et à une nouvelle qualification.

Il importait de faire précéder le texte par une identification claire des priorités de la nouvelle convention d'assurance-chômage et des missions concrètes du nouvel opérateur issu de la fusion ANPE et ASSEDIC

Il fallait prévoir une rénovation complète des outils mis en oeuvre dans le champ de l'insertion à la suite du Grenelle de l'insertion et de la généralisation du RSA.

Or nous sommes encore loin du compte, ce qui n'est d'ailleurs pas une critique. Cela se comprend d'autant plus aisément que les chantiers de ces réformes sont vastes, complexes, et que le Gouvernement a choisi d'y associer les partenaires sociaux et les acteurs quotidiens de ces différents domaines.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ils n'y ont pas été très associés !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

On le voit notamment en ce qui concerne la réforme de la formation professionnelle. Le rapport Ferracci a défini les axes d'une réforme profonde et ambitieuse, dont les partenaires sociaux doivent désormais se saisir.

Pour le Nouveau Centre, cette réforme de la formation professionnelle est, avec la loi de modernisation du marché du travail, la clef de voûte de la sécurisation des parcours professionnels. Elle conditionne l'équilibre de votre politique de l'emploi. J'en veux également pour preuve la réflexion que nous devons encore approfondir sur le rôle des maisons de l'emploi au niveau territorial.

Les conclusions de la mission d'information sur les maisons de l'emploi, présidée par Mme la rapporteure, ainsi que le contenu du récent rapport d'évaluation de notre collègue Anciaux, mettent en lumière la nécessité d'une articulation étroite avec le service public de l'emploi et l'opérateur unique issu de la fusion entre l'ANPE et le réseau des ASSEDIC.

Par le biais de ces remarques, nous voulons, en réalité, vous faire partager notre conviction que, pour nous, l'accompagnement du demandeur d'emploi reste l'un des moyens les plus efficaces de contrôler celui-ci,…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

…de l'amener sur un nouveau parcours d'accès à l'emploi.

Sur les différents points que nous venons de soulever, le groupe du Nouveau Centre attend de votre part des précisions, des orientations détaillées, ainsi que dès engagements au cours du débat. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Vous le voyez, un certain nombre de réflexions et de principes déterminants de l'architecture et des missions des acteurs de l'emploi restent aujourd'hui en suspens. Par conséquent, votre projet de loi apparaît à certaines associations de demandeurs d'emploi comme déséquilibré, avec une vision plus précise des devoirs du demandeur d'emploi que de ses droits.

Il en est ainsi également en ce qui concerne les engagements du service public de l'emploi et en particulier de l'opérateur issu de la fusion ANPE et ASSEDIC, à l'égard du demandeur d'emploi, que ce soit en termes d'accompagnement, d'accès à la formation, d'aide à la mobilité. L'offre de service doit être détaillée, et les conditions de son accessibilité doivent être précisées.

Je ne doute pas de votre volonté de donner aux demandeurs d'emploi les meilleurs outils d'accompagnement en contrepartie de l'affirmation de leurs devoirs. Mais, aujourd'hui, ces outils n'apparaissent pas dans votre texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Nous attendons donc de vous des garanties précises sur ce point.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Comme d'habitude !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

D'une manière générale, le Nouveau Centre sera très vigilant à ce que ce projet de loi ne franchisse pas la limite, qui peut paraître ténue, entre la volonté de contrôler les personnes qui ne cherchent pas de travail, ce qui est compréhensible, et le fait de sanctionner celles qui ne trouvent pas de travail, ce qui ne saurait être acceptable.

Ainsi, nous vous incitons à aborder, avec prudence, les mécanismes de dégressivité avec le temps de l'offre raisonnable d'emploi, notamment au regard du salaire envisagé. En effet, revaloriser le travail, c'est aussi convaincre que le travail paie mieux que les revenus d'allocations.

Or, si on aboutit à une situation où un demandeur d'emploi doit accepter un travail à un niveau de salaire égal au revenu de remplacement, alors qu'il perd dans le même temps le bénéfice des droits connexes à l'allocation qu'il recevait, on rend en réalité tangible l'idée que le retour à l'emploi n'apporte aucun revenu supplémentaire.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

C'est un point sur lequel nous vous demandons des garanties.

Nous souhaitons, également, que certaines précisions et améliorations soient apportées au texte, afin de mieux garantir la prise en compte des droits du demandeur d'emploi et de lui permettre d'éviter d'être sanctionné pour des raisons complètement indépendantes de sa volonté.

Ainsi, il nous paraît indispensable de mieux assurer la prise en compte du demandeur d'emploi, c'est-à-dire de l'usager, dans le cadre de ses relations avec le service public de l'emploi. C'est particulièrement vrai dans le cas du nouvel opérateur de l'emploi, et nous présenterons un amendement en ce sens.

Le projet personnalisé d'accès à l'emploi, parce qu'il contribue à définir les éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi, devrait ensuite rappeler expressément un certain nombre d'éléments dont il est nécessaire qu'il tienne compte tels que l'âge, l'état de santé, la pénibilité des métiers, le type de contrat de travail recherché.

Il nous apparaît encore indispensable que vous précisiez à la représentation nationale les modalités d'entrée dans le nouveau dispositif des personnes qui sont actuellement inscrites comme demandeurs d'emploi, dans le cadre d'une période transitoire qui permette de mieux prendre en compte leurs droits.

Enfin, nous restons en attente de précisions quant au devenir des demandeurs d'emploi de plus de 56 ans, qui, à compter du 1er janvier 2009, ne pourront plus accéder à l'allocation équivalent retraite. Du fait de leur âge et de leur parcours, ces personnes sont confrontées à des difficultés considérables de retour à l'emploi, notamment dans les bassins industriels en crise. Il nous paraît nécessaire que ces demandeurs d'emploi, dont la situation est spécifique, puissent faire l'objet d'un accompagnement et d'un suivi renforcé. Nous attendons sur ce point vos précisions.

Globalement, le dispositif du projet de loi s'inscrit dans la logique de l'affirmation de droits et devoirs du demandeur d'emploi que sous-tend notre législation depuis 1993. Il s'inscrit de fait dans une relative continuité qui ne bouleverse pas notre législation.

De même, la notion d'offre raisonnable d'emploi est, sous couvert d'appellations diverses, une constante dans de nombreux pays européens tels que la Belgique, l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne ou le Portugal.

Un certain nombre d'entre eux sont parvenus à réduire significativement la demande d'emploi, non grâce à ce seul dispositif, mais parce qu'il s'intègre dans un cadre plus global permettant de sécuriser les parcours professionnels, comme c'est le cas au Danemark.

Il est donc impératif pour nous que votre dispositif s'intègre à un cadre plus large reconnaissant aux salariés et demandeurs d'emploi des droits rénovés pour l'accès à l'emploi.

L'ensemble des éléments qui précèdent montre que le Nouveau Centre aborde la discussion de ce projet de loi sans a priori et sans dogmatisme, contrairement au Parti socialiste. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

C'est avec la volonté de sécuriser la position du demandeur d'emploi que nous avançons un certain nombre de propositions d'amendements et demandons des garanties quant aux droits des demandeurs d'emploi. C'est en fonction des réponses qui nous seront apportées que nous nous prononcerons sur ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le Nouveau Centre est à gauche dans la discussion générale et passe à droit au moment du vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, ce texte est le quatrième volet d'un projet de casse qui en comporte cinq.

Le premier volet est la recodification du code du travail, que l'on pourrait nommer aussi « réécriture du code du travail ou histoire des droits amoindris », car vous avez manqué à vos engagements. Vous avez profité en effet de cette recodification pour complexifier le code, en le faisant doubler de volume, et amoindrir la protection des salariés, en transposant certains droits du domaine législatif au domaine réglementaire, lorsque vous ne les avez pas tout simplement supprimés.

Le deuxième volet est la privatisation rampante du service public de l'emploi, avec la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC. En la matière, on aurait pu croire à vos déclarations de bonnes intentions, si elles n'avaient pas été contredites par le contenu même du texte. Je pense par exemple au fait que, demain, les agents seront tout à la fois agents de placement et de contrôle : ceux qui inscrivent, qui cherchent et qui radient. Autrement dit, ils seront à la fois juges et parties.

Le troisième volet est la modernisation du marché du travail dont le titre pourrait se résumer ainsi : « Circulez, on précarise ! ». Car en fait, ce que les salariés retiendront de ce projet de loi, c'est qu'il a été un outil supplémentaire dans la réduction du coût du travail et dans la diminution de leurs droits.

Le quatrième volet est celui qui nous réunit aujourd'hui. C'est le projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi – comme c'est joliment dit –, c'est-à-dire des gens mis au chômage.

Le cinquième volet est la remise en cause du temps de travail. Vous préférez visiblement la semaine de 65 heures, soit 13 heures de travail journalier, que votre gouvernement a fait naître grâce au soutien des autres libéraux européens. C'est encore l'inversion des normes, avec la priorité aux accords d'entreprise sur les accords de branche, permettant au seul patron de fixer l'organisation du travail et de déterminer le contingent d'heures supplémentaires, sans demander l'avis de personne.

Cette contre-réforme globale, mise en scène par M. Fillon et promue pour une part par M. Xavier Bertrand, sera lourde de conséquences, particulièrement pour les plus fragiles de nos concitoyens, ceux qui pour s'en sortir, pour survivre même, dans l'honnêteté et la dignité, pouvaient compter sur la solidarité nationale.

Mais de tout cela, vous n'avez cure.

Votre modèle social on le connaît, vous le cherchez bien loin, aux États-Unis, ce pays que vous connaissez bien, madame la ministre, où la solidarité est confessionnelle, familiale, ou n'est pas ; ce pays où le droit de licencier est très large et peut s'appliquer du jour au lendemain ; ce pays où les malades les plus pauvres peinent à se soigner – réalité transposée en France, sous l'effet des dépassements d'honoraires non maîtrisés et des franchises médicales ; ce pays enfin où les aides sociales sont limitées au strict minimum.

Je voudrais d'ailleurs vous interroger, madame la ministre, sur les propos tenus jeudi dernier par M. Dassault, lors de votre audition par la commission des finances du Sénat, à propos du référé de la Cour des comptes sur la fusion ANPE-ASSEDIC. Selon le sénateur de la majorité présidentielle, le problème serait que « l'assistance et les aides diverses aux chômeurs sont trop élevées ». Et de rajouter, avec la pondération qui est la sienne : « On réduirait carrément les aides aux chômeurs, ce serait quand même plus efficace si on veut les faire travailler que de vouloir donner de l'argent sur les deniers de l'État. » Et de poursuivre : « Quant aux jeunes, pourquoi ne pas les mettre en apprentissage dès 14 ans ? »

Nous connaissons toutes et tous la mesure qui caractérise M. Dassault père – je le précise, car nous avons aussi un député qui porte le nom de Dassault. Cette mesure de M. Dassault s'était d'ailleurs manifestée lors de l'examen de loi relatif à la modernisation du marché du travail, dans sa défense d'une société totalement dérégularisée, dans laquelle le droit de licencier ne devrait pas être encadré et où les contrats les plus précaires, contrats de portage et de mission, devraient être généralisés à l'ensemble des salariés. Telle est la philosophie de M. Dassault, qui sait de quoi il parle ! Le futur que M. Dassault veut pour la France a un arrière-goût d'antan. Alors, me direz vous, il s'agit de propos excessifs qui n'engagent que celui qui les tient. Je ne le crois pas ! La réalité est tout autre. Ils sont la conséquence de la rhétorique, propre à la droite, de culpabilisation et de stigmatisation des demandeurs d'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Ces mots d'une rare violence sociale sont l'une des conséquences de votre politique et de celle des gouvernements successifs de droite depuis 2002. Votre projet de loi, madame la ministre, stigmatise les demandeurs d'emploi, car vous partez du présupposé selon lequel un chômeur trouverait plus facilement un emploi si on limitait ses droits et son indemnisation.

Madame la ministre, êtes-vous d'accord avec les positions exprimées par M. Dassault ou les dénoncez-vous ? Quoi qu'il en soit, cela ne manquera pas d'avoir un impact sur votre méthode de travail.

Je voudrais d'ailleurs revenir ici sur le déni de démocratie sociale auquel nous assistons aujourd'hui. Aucune des cinq organisations syndicales représentatives des salariés n'a voulu parapher votre projet de loi ! Toutes, au contraire, de la CFE-CGC à la CGT, vous ont fait part de leur mécontentement quant à la méthode utilisée et au contenu même du texte. Elles dénoncent toutes un texte de stigmatisation et de culpabilisation, introduisant des dispositions qui risquent de porter la suspicion sur tous les chômeurs. Elles dénoncent aussi l'absence de droits nouveaux pour les demandeurs d'emploi. Un collectif de syndicats, d'associations de précaires et de chômeurs a d'ailleurs fait savoir qu'il s'opposait à ce projet de loi « qui rendait les chômeurs responsables de leur situation ».

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Je remercie le rapporteur au Sénat d'avoir écrit dans son rapport : « Les organisations syndicales ont exprimé leur opposition à ces dispositions. Elles regrettent que le Gouvernement ne leur ait pas laissé la possibilité de négocier sur ce sujet et estiment que le projet de loi jette une suspicion sur l'ensemble des demandeurs d'emploi. » Ce n'est pas moi qui le dit, c'est le rapporteur du Sénat !

Quant à la référence faite à l'accord national interprofessionnel, elle me laisse circonspect. Vous reprochez aujourd'hui aux partenaires sociaux d'avoir préféré écarter de la discussion une disposition qui, si elle avait été introduite, aurait hypothéqué la signature de l'accord que vous vous réjouissez par ailleurs d'avoir obtenu. De plus, et vous le savez bien, les partenaires sociaux s'étaient accordés à l'occasion de l'ANI pour reporter l'examen de l'offre raisonnable d'emploi – quels termes et quelle définition ! – à la négociation, fin 2008, de la convention d'assurance chômage. La ficelle est un peu grosse !

Madame la ministre, vous voudriez donc nous faire croire que c'est par sens des responsabilités que le Gouvernement se serait substitué à la négociation des partenaires sociaux. Est-ce bien cela ? Dans ce cas, je me réjouis, et ne doute pas que, dès la rentrée, vous proposerez à la représentation nationale un projet de loi sur la pénibilité du travail, ce sujet que la droite refuse obstinément d'aborder.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Notre groupe n'a malgré tout que peu d'espoir, car il ne s'agit pas ici de satisfaire aux exigences du patronat mais de répondre aux attentes légitimes des salariés, ce qui est pour le moins différent.

Où est donc passé votre déterminisme ? Le Gouvernement se vantait, il y a peu encore, de sa capacité à développer le dialogue social et à l'écouter. « L'histoire nous a montré que les lois les plus durables et les plus reconnues, celles qui sont entrées dans notre vie quotidienne de la meilleure façon, sont consécutives à des accords. » Cette belle citation – vous en conviendrez – n'est pas de Maxime Gremetz, mais de M. Xavier Bertrand.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Je me souviens également l'avoir entendu dire dans ce fameux exercice d'autocongratulation qu'était son intervention sur la modernisation du marché du travail : « La réalité, c'est que ce dialogue social bien portant et si longtemps attendu est enfin au rendez-vous. » Eh bien, je crains que, sur le sujet qui nous concerne aujourd'hui, le Gouvernement ait manqué son rendez-vous ! Vous n'avez pas respecté les organisations syndicales et avez manqué à votre promesse faite aux Français.

Durant la campagne des élections présidentielles, j'ai encore entendu M. Bertrand – je n'écoute pas que lui, mais comme il est picard, je l'entends un peu plus que les autres – dire, parlant des 35 heures, que ce mode de gouvernement était dépassé. Vous fustigiez une loi imposée d'en haut, disiez-vous alors, et promettiez de ne plus jamais agir ainsi. Une promesse de plus dissoute dans l'acide de la version sarkozyste du dialogue social, à savoir recourir aux syndicats parfois, les opposer les uns aux autres et les trahir régulièrement ! (Approbations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est ce que vous avez fait avec la loi sur le dialogue social et le temps de travail.

Il y a une incohérence manifeste à vouloir nous faire adopter un projet de loi sur les droits et devoirs des demandeurs d'emploi, alors même que la nouvelle institution, qui aura pour mission de garantir leurs droits et d'imposer leurs devoirs, n'est pas encore en fonction.

Il y a une incohérence plus grande encore à vouloir faire adopter ce texte, alors que les négociations sur la convention d'assurance chômage, qui présentera l'offre de service de la nouvelle institution, n'est pas encore entamée et qu'on ne connaît rien de ses conclusions. C'est dire combien vous déconnectez l'offre de services de ce projet de loi. Pourtant, vous en conviendrez, l'offre de service de la nouvelle institution est l'une des composantes des droits des demandeurs d'emploi.

Tout cela, mes chers collègues, fait de ce projet de loi au titre abusif un texte profondément déséquilibré, dans lequel les devoirs sont très nombreux et les droits absents. C'est d'autant plus vrai que la politique de bas salaires que vous conduisez et qui est prégnante dans ce projet de loi conduira inévitablement à une baisse généralisée des salaires, comme nous le constatons déjà avec le recours à l'intérim et au temps partiel. Des tas de gens, je le rappelle, ne sont pas indemnisés.

En réalité, l'urgence vous est fort utile, elle vous permet de contourner le débat qu'aurait légitimement fait naître votre projet de loi si vous aviez eu recours à la voie législative classique : celui de la responsabilité sociale des employeurs, dont il n'est pas question ici. J'ai cité tout à l'heure l'entreprise Goodyear, je pourrais également parler de Cosserat, la seule entreprise a fabriquer encore du velours dans notre pays, ou de Whirlpool, toujours à Amiens, autant de noms synonymes de milliers ou, pour le moins, de centaines de salariés qui risquent le licenciement.

Depuis quelques années émerge dans la société un débat sur la responsabilité sociale de l'entreprise, qui vise à réintégrer cette dernière dans un contexte social de droits et de devoirs envers les salariés comme envers l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

La Commission européenne donne de cette responsabilité sociale la définition suivante : « L'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes. » Beau projet en apparence ! On a même assisté à l'élaboration de chartes de bonne conduite et à la création de sociétés chargées d'évaluer le respect de ces engagements.

Mais autant vous dire que les promesses formulées ne sont pas tenues ! Les entreprises ne cessent de poursuivre leurs politiques de réduction des masses salariales, licenciant les plus anciens des salariés – les plus coûteux –, faisant peser sur les sous-traitants le poids de leurs décisions économiques, refusant d'utiliser les crédits consacrés à la formation professionnelle, recourant aux stagiaires pour occuper des postes à temps plein, et j'en passe !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Je conclus, monsieur le président.

Il faut dire que les employeurs n'ont aucune raison de faire progresser leurs engagements, puisque l'État lui-même manque à ses obligations ! Votre gouvernement participe en effet d'un grand mouvement de déresponsabilisation. On ne peut pas compter sur une charte pour protéger les salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Monsieur le président, ne soyez pas plus royaliste que le roi !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Les députés communistes ne sont pas, vous le savez, des partisans de l'époque où les employeurs se comportaient en bons pères de famille, avec un paternalisme parfois étouffant, mais il nous semble impératif de revenir à une situation où les salariés faisaient l'objet d'une réelle reconnaissance. La vie dans l'entreprise était faite alors de solidarité, et celle-ci se poursuivait à l'extérieur de l'entreprise elle-même. Aujourd'hui, les employeurs divisent autant qu'ils le peuvent, parfois avec le soutien du Gouvernement. Hier encore, l'entreprise était responsable du salarié durant et après son activité. Ce temps est bien révolu.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

En abordant la question du chômage et du retour à l'emploi, nous aurions pu et nous aurions dû, dans un débat plus long, aborder frontalement la place de l'entreprise dans la société avec ses différentes composantes. Mais, vous ne le voulez pas.

Madame la ministre, vous aurez compris que les députés communistes et républicains et le groupe GDR voteront contre ce mauvais coup fait aux demandeurs d'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur l'excellent rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, madame la non moins excellente rapporteure de la commission des affaires culturelles (Sourires), chers collègues, ce texte est la suite logique de la réforme du service public de l'emploi. La fusion de l'ANPE et des ASSEDIC va bientôt permettre de dégager des moyens nouveaux pour accompagner le demandeur d'emploi, faciliter sa mobilité professionnelle et géographique. En contrepartie, le demandeur d'emploi s'engage, et c'est normal, à accepter les offres proposées considérées comme raisonnables et pourra éventuellement être sanctionné en cas de refus répétés.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Voilà un résumé d'une simplicité biblique !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Ce texte vient aussi après le vote du RSA, en cours d'expérimentation, qui permet de mieux gagner sa vie en travaillant plutôt qu'en bénéficiant uniquement des revenus de l'assistance.

Ce texte est court, facile à comprendre et très clair. On pourrait même dire qu'il est inspiré de nombreux exemples européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

En Allemagne – où les gouvernements ont souvent été de gauche –, plusieurs lois dites « lois Hartz » ont modifié les conditions d'indemnisation des chômeurs. La quatrième loi Hartz a instauré l'obligation pour le chômeur de répondre positivement à toute offre de travail « acceptable », même inférieure à son niveau de qualification ou à ses exigences salariales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Et ce sous peine de perdre le bénéfice de ses prestations sociales. En cas de refus sans motif particulier, l'allocation peut être réduite de 30 % pendant trois mois. Si le demandeur d'emploi rejette une deuxième offre en l'espace d'un an, le taux passe à 60 % pendant trois mois. Après la troisième offre refusée, les indemnités peuvent être supprimées.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

En Espagne – où le gouvernement est aussi orienté à gauche –, le taux d'indemnisation du chômage est de 70 % du salaire de référence pendant six mois, puis diminue à partir du septième mois, tout en tenant compte des charges de famille. La durée d'indemnisation est comprise entre quatre et vingt-quatre mois. Si un chômeur refuse une proposition de travail correspondant aux critères qu'il a définis avec les services de l'emploi, le paiement des prestations est suspendu jusqu'à ce qu'il se justifie. Un emploi est considéré comme « convenable » s'il est rémunéré à hauteur de ce qui est pratiqué dans le secteur de l'activité proposée. Le poste doit être localisé dans un rayon de 30 kilomètres, sous réserve que le temps de transport n'excède pas 25 % du temps journalier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

En Grande-Bretagne, le taux d'indemnisation est forfaitaire en fonction de l'âge de l'intéressé, et non pas de son ancien salaire. L'indemnisation est limitée à six mois ; au delà, la personne ne peut maintenir aucune exigence quant au niveau de rémunération des offres qu'il est prêt à accepter.

Au Danemark, le taux d'indemnisation du chômage est fixé à 90 % du salaire de référence, mais est plafonné à environ 2 000 euros par mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

En Autriche, le taux d'indemnisation est de 55 % en moyenne de l'ancien salaire. L'indemnisation dure de vingt à trente-neuf semaines pour les chômeurs de quarante ans et plus, et jusqu'à cinquante-deux semaines pour les chômeurs de cinquante ans et plus.

Les Pays-Bas sont confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre. Pour y remédier – il y avait d'ailleurs un très bon article à ce sujet dans Le Monde d'avant-hier –, le gouvernement entend encourager le retour au travail par des mesures contraignantes. Toutes les personnes au chômage auront un an au maximum pour retrouver un emploi. Passé ce délai, elles seront contraintes, quelle que soit leur formation, d'accepter toute proposition qui leur sera faite. En échange d'une éventuelle déqualification, elles bénéficieront d'un complément salarial, payé par les pouvoirs publics, afin que leur revenu soit toujours supérieur à leur indemnité de chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Le projet de loi qui nous est aujourd'hui proposé – faute d'un accord entre les partenaires sociaux, ce qui est dommage (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) – est une réforme équilibrée. Il apporte une définition précise à l'offre raisonnable d'emploi en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de son expérience professionnelle, de sa situation personnelle et familiale, ainsi – et c'est très important – que de la situation du marché.

Ce texte est raisonnable et modéré et, comme le disait M. le secrétaire d'État avant-hier, il ne concernerait que 5 % des demandeurs d'emploi. Il vient avant celui sur la formation professionnelle, réforme très attendue et nécessaire. Excellent, simple et nécessaire, il est approuvé par nos concitoyens. Je le voterai donc avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers et excellents collègues, voilà, au coeur de l'été, avec l'espoir de le voir se dissoudre dans le brouhaha des départs en vacances, un texte incomplet, impuissant et, en réalité, mensonger. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Un texte qui va modifier grandement l'esprit dans lequel a été créée l'ANPE. Cette agence, destinée à soutenir, conseiller, orienter ceux qui ont perdu leur travail, va devenir une agence pour sanctionner, contrôler, dévaloriser le travail, et où l'on se rendra avec crainte.

Vers quel État allons-nous si ce qui doit sécuriser inquiète ?

Ce texte est d'abord incomplet et, contrairement à vos affirmations, déséquilibré.

Pour tout dire, nous avons beaucoup cherché, jusqu'entre les lignes de ses deux articles : nous avons facilement trouvé les devoirs, mais où sont les droits des demandeurs d'emploi, des droits véritables conclus dans l'équité des positions de chacun ?

Nous lisons bien : « Le service public de l'emploi s'engage à mettre en oeuvre toutes les actions jugées nécessaires pour faciliter le retour à l'emploi. »

Mais où sont les actions concrètes, où sont les moyens que l'on puisse ériger en droits pour les demandeurs d'emploi ?

Où sont les aides véritables à la mobilité géographique, où est énoncé le principe « à travail égal, salaire égal » ?

Où est le renforcement du service public de la petite enfance pour favoriser l'emploi des femmes ?

Où est le développement de l'accompagnement et de l'accès à la formation pour tous, alors que, dans le même temps où nous discutons, vous annoncez la suppression de 141 postes à l'ANPE en Île-de-France ?

Où sont les mesures incitatives à l'emploi des plus de cinquante-cinq ans ?

L'UNEDIC reconnaît n'avoir dépensé en 2007 que la moitié du budget dont elle dispose.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Et seuls 5 % des demandeurs d'emploi inscrits en 2007 ont bénéficié d'un programme de formation financé par cet organisme. Je ne crois pas que l'on puisse s'en réjouir.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

C'est vrai, mais l'UNEDIC est gérée par les syndicats !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Vous évoquez bien souvent l'exemple des pays nordiques, mais son essence même, axée autour de la formation, est trahie.

Ce texte est surtout impuissant.

Ce n'est pas tant l'offre que le législateur que l'on doit appeler à être raisonnable. Malheureusement, la loi ne crée pas l'emploi, non plus que les dents ne suffisent à aller chercher la croissance, pour reprendre une expression que vous connaissez bien. Un de perdu, deux de retrouvés : pensez-vous qu'un salarié qui a perdu son emploi puisse en retrouver deux répondant à sa qualification dans l'année qui vient, selon l'adage un de perdu, deux de retrouvés ?

Bien sûr, c'est alors « le raisonnable » qui va combler le hiatus. Depuis quand la raison qui ravit les philosophes dicte la loi ? À notre sens, le raisonnable ne relève pas du vocabulaire du droit.

Ce projet de loi est délétère, parce qu'impuissant.

Le résultat prévisible sera l'augmentation du nombre de travailleurs pauvres.

Reprenons l'exemple de l'Allemagne et les conséquences de la loi Hartz : son principal effet a été d'abaisser le revenu moyen des travailleurs. Aujourd'hui, 25,4 % de la population perçoit moins que le revenu moyen, qui est de 16 000 euros, au lieu de 19 % en 2000.Le ministère du travail reconnaît que 15 % des salariés gagnent moins de 7,50 euros bruts de l'heure.

Ce texte va précipiter nombre de demandeurs d'emploi vers l'emploi précaire.

Et si, tout simplement, ce texte était avant tout mensonger ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Accordez-moi une petite grâce, comme vous l'avez fait pour les autres, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Et si ce texte se résumait, en fait, à « travailler pour gagner moins » ? Si son objectif était non de s'attaquer au chômage en profondeur, mais de fournir une main-d'oeuvre bon marché aux secteurs d'activité en tension ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Une dernière phrase, monsieur le président.

En réalité, après avoir radicalement dévalorisé le travail en le réduisant à un moyen de gagner plus, vous dévalorisez aujourd'hui les travailleurs en les contraignant à accepter n'importe quel travail pour gagner moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question qui se pose est la suivante : ce texte vise-t-il l'efficacité, l'amélioration du service public de l'emploi et du service rendu aux demandeurs d'emploi, ou avons-nous affaire à un texte de pur affichage politique, clin d'oeil supplémentaire destiné à assouvir les fantasmes les plus fous des militants ou des électeurs UMP, un peu à l'image du projet de loi sur le droit d'accueil pour les élèves dans les écoles que nous venons d'examiner ?

Le texte de loi se fixe pour objectif louable un taux de chômage de 5 % en 2012. Ce chiffre sera-t-il atteint grâce à ce dispositif ou, plus vraisemblablement, grâce à la situation démographique favorable du moment ? Car si les chiffres du chômage sont historiquement bas aujourd'hui, c'est d'abord en raison du nombre de départs à la retraite – 740 000 en 2007 contre 550 000 en 2000 –, cependant que le nombre de jeunes arrivant sur le marché du travail reste stable, de l'ordre de 800 000.

Si bien qu'aujourd'hui, avec une croissance médiocre – 1,8 % et sans doute moins dans les mois à venir –, le chômage continue de baisser, ou de se stabiliser – même si les résultats ont été un peu moins bon ces derniers mois.

Cette baisse statistique masque, en réalité, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, une transformation en profondeur de l'emploi qui est créé. On peut toujours inscrire, comme vous l'avez fait dans le code du travail, le principe selon lequel le CDI est la forme générale du contrat de travail, la réalité est tout autre sur le marché du travail.

La réalité du marché du travail, c'est plus de précarité, plus de CDD et de missions d'intérim : aujourd'hui 15 % des salariés sont concernés par ces formes précaires de travail, notamment les plus jeunes, les moins diplômés et les moins qualifiés.

La réalité du marché du travail, c'est aussi plus d'emplois à temps partiel, qui concernent 17 % des salariés français. Et vous le savez, madame la ministre, les 300 000 emplois créés en 2007, …

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

352 000 !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Je vous le concède, mais ils l'ont été essentiellement par des CDD et des missions d'intérim.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Eh bien, vous essaierez de le démontrer tout à l'heure !

On assiste à une multiplication des petits boulots mal payés. Aujourd'hui, même les contrats de trois heures par semaine de soutien scolaire et les contrats de deux heures par semaine de ménage sont intégrés dans les statistiques du chômage. Ces petits boulots s'accompagnent d'un affaiblissement général des salaires, comme le montrent très bien les économistes de l'OFCE et de l'IRES, ceux-là mêmes qui critiquent fortement le texte que vous nous présentez.

On constate aussi une forte proportion du nombre de travailleurs pauvres : 1,5 million de salariés qui ont aujourd'hui un emploi se situent en dessous du seuil de pauvreté, ce chiffre étant en constante augmentation. Comme l'a révélé l'INSEE en début d'année, il y a aujourd'hui dans ce pays 1,2 million de salariés qui sont dans l'obligation de cumuler deux emplois pour pouvoir joindre les deux bouts en fin de mois.

Lorsqu'on examine les types de contrats de travail qui sont proposés aux chômeurs indemnisés, on retrouve encore les emplois précaires. Les CDD représentent 30 %, les missions d'intérim 22 %. La très intéressante étude de la DARES, publiée en juin, le montre bien : seuls 24 % des chômeurs ont refusé au moins une fois une proposition d'embauche et 12 % plusieurs propositions. Quand on interroge ces demandeurs d'emploi sur les raisons de leurs refus, 40 % invoquent une insuffisante rémunération, 20 % les conditions de travail pénibles.

Le grand absent de votre projet de loi sur les droits et devoirs des demandeurs d'emploi, c'est la qualité de l'emploi. Elle aurait pu constituer l'un des éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi, mais vous ne l'avez pas voulu. Qu'est-ce qu'un emploi de qualité ? C'est d'abord un emploi bien rémunéré, avec des horaires prévisibles, un emploi stable, durable, avec de bonnes conditions de travail, un emploi qui permette le développement des compétences et de réelles perspectives d'évolution des carrières.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Bref, c'est un emploi motivant.

Aujourd'hui, la motivation au travail et l'intérêt pour l'emploi sont un critère déterminant de la reprise d'emploi. Il n'y a rien de tout cela dans votre texte. C'est pourtant tout le problème des secteurs d'activité ou des métiers qui sont sous tension, qui ont des difficultés à recruter et à attirer parce qu'ils n'offrent pas une image attractive. Ce projet de loi fait l'impasse sur l'essentiel, le retour à l'emploi de qualité pour les demandeurs d'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Je conclus en disant que l'autre grand absent de ce projet de loi, c'est un accompagnement de qualité pour les demandeurs d'emploi. Ce sont les conseillers de l'ANPE qui nous le disent. Ils nous confient la crainte qu'ils ont de ne pas pouvoir suffisamment prendre en compte les spécificités des publics, de ne pas pouvoir respecter l'itinéraire professionnel et les besoins de formation de chaque demandeur d'emploi.

Ce projet de loi est d'abord l'outil du déclassement et du dumping salarial. Il obligera les chômeurs à accepter des réductions de salaire allant jusqu'à 40 %, et c'est pourquoi nous ne pourrons l'accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est très court, mais il n'en est pas moins très important.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

En effet, il s'insère dans une chaîne de textes qui vont rénover de fond en comble notre service public de l'emploi, qui en a bien besoin. Ce texte aborde, entre autres, le problème de ces demandeurs d'emploi qui ne sont pas pressés d'en retrouver un et qui font du tort aux vrais demandeurs d'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Combien de fois n'a-t-on pas entendu une personne licenciée, en fin d'intérim ou même arrivée en fin de CDD, et à qui l'on propose un CDI dire : « Je vais attendre quelques mois avant de rechercher un nouvel emploi. J'ai cotisé, j'y ai droit, j'en profite. » Est-ce cela, la solidarité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Je pourrais vous citer bien des exemples, monsieur Gremetz.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Moi aussi, je pourrais vous en citer, mais pas les mêmes que vous, sans doute !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Si, de plus, cette personne exerce un métier en tension, ce qui est de plus en plus souvent le cas, elle sait qu'elle n'aura aucun mal à retrouver un nouveau poste et elle s'offre ainsi un congé sabbatique aux frais de la collectivité. Cette attitude est inacceptable et malheureusement trop bien ancrée dans notre mentalité de pays latin.

Ce texte mettra ainsi tous ces vacanciers de la recherche d'emploi devant leurs responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ils veulent prendre un peu de repos ? Ils en ont le droit, mais à leurs frais. (Même mouvement.) On devrait d'ailleurs insuffler cet esprit de responsabilité à l'ensemble des bénéficiaires de prestations publiques : cela ferait le plus grand bien à l'équilibre de nos comptes sociaux, dont la dérive ne cesse de s'accentuer.

Chaque citoyen a des droits, mais certains oublient trop souvent les devoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Si la lutte contre la fraude est importante, ce n'est pas le coeur de la réforme du service public de l'emploi. L'essentiel est dans la réorganisation complète de ce service public et de l'état d'esprit qui doit l'animer. Bien que les décrets ne soient pas encore publiés, la fusion administrative entre l'ANPE et l'UNEDIC est en marche. Elle devrait être effective d'ici à la fin de l'année, et je m'en réjouis. Mais cela ne servira pas à grand-chose si France Emploi – puisque tel sera le nom de cette nouvelle entité –…

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

…garde la même culture et le même mode de fonctionnement que l'ANPE. Nous avons pourtant là une occasion unique de repartir sur de bonnes bases, de créer un nouveau lien avec les chefs d'entreprise, ceux qui ont des postes à offrir et qui, jusqu'ici, pour recruter, utilisent leurs propres réseaux, plutôt que les services de l'ANPE.

La mission des conseillers en entreprise de France Emploi ne devra pas se limiter à découvrir et à réactualiser des annonces, sans contact direct avec les chefs d'entreprise. France Emploi ne devra pas se borner à afficher un flux d'offres et de demandes Ces chiffres n'ont plus aucune signification, si ce n'est de donner la vague impression du juste équilibre d'un marché qui, en vérité, est complètement opaque.

Les référentiels métiers de France Emploi – les fameux codes ROME – devront tenir compte des nouveaux métiers, car, pour certaines catégories de personnes – notamment nos chers assistants parlementaires –, il n'est pas possible de présenter des offres en accord avec leur profil, car elles n'entrent pas dans les cases du système.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Mais est-ce que ça existe, ce France Emploi, madame la ministre ? Non ? M. Tardy ne dit que des bêtises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Les offres que les chefs d'entreprise recevront de France Emploi…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Encore France Emploi ! Il doit être actionnaire ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

…ne devront plus être sélectionnées, comme c'est trop souvent le cas, de manière informatique, par tri de mots-clefs, car cela entraîne nombre d'aberrations et d'inadéquations qui dissuadent les chefs d'entreprise de travailler avec l'ANPE.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

L'enjeu est d'importance, car il ne faut pas non plus oublier –...

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

..mais personne n'en a parlé – que le marché de l'emploi va subir de plein fouet le choc démographique lié au départ en retraite de la génération du papy boom.

Dans les années à venir, le nombre d'actifs va mécaniquement baisser. Les chefs d'entreprise vont donc être confrontés à une pénurie de plus en plus importante de main-d'oeuvre.

Quand on connaît la disparité actuelle entre, d'un côté, 1,9 million de chômeurs et, de l'autre, plus de 500 000 emplois non pourvus, il y a de quoi être inquiet.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

D'où tirez-vous ces chiffres ? Personne n'est capable de les donner ! Vous regardez trop les Guignols !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il faut donc, dès maintenant, changer les mentalités, et cette loi va dans le bon sens.

Il faut tout faire pour pourvoir au plus vite les emplois en tension, en établissant un suivi personnalisé des chômeurs et en facilitant au besoin leur reconversion.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Et la formation professionnelle chez les patrons ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Je tiens à souligner que, dans cette affaire, le système éducatif a également toute sa part de responsabilité, puisqu'il s'évertue à diplômer, chaque année, plus de 200 000 étudiants dans des disciplines où il n'y a pas de travail. Là aussi, le chantier est immense.

Vous l'avez bien compris, chers collègues, la réinsertion des chômeurs et la bonne mise en application de ce projet de loi reposent entièrement sur la nouvelle entité que sera…

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

…France Emploi, sur sa culture et ses pratiques, et il nous faudra veiller à son bon fonctionnement. C'est la condition essentielle de la réussite de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, engagement, raison, réalité : voilà le triptyque symbolisant un texte qui, il faut l'avouer, restera dans les annales.

Engagement : jusqu'à présent, l'engagement pris par le demandeur d'emploi et l'ANPE impliquait des obligations réciproques, que ceux-ci s'engageaient à respecter. Hélas pour les Français, le Gouvernement a décidé d'instaurer un nouveau type d'engagement, où seule l'une des deux parties est obligée de s'acquitter de ses obligations. Comment définir autrement ce qui est proposé dans ce texte ?

D'un côté, le demandeur d'emploi se voit contraint d'accepter des règles toujours plus drastiques, afin de renouer avec l'intégration sociale par le travail. De l'autre, l'UNEDICANPE unifiée, dont nous ne savons pas encore si elle aura un effet sur la qualité du service rendu à la population, semble déjà décrédibilisée par ce texte. Le tout s'inscrit dans un texte inutile en raison de ses évidentes lacunes en ce qui concerne des aspects essentiels de la politique de retour à l'emploi.

Prenons quelques exemples. La formation ? Nous le savons, en France, la formation professionnelle s'adresse avant tout aux salariés qualifiés, les non-qualifiés n'y accédant pas. Quel outil a-t-on prévu pour remédier à cet état de fait ? Aucun.

L'accompagnement des demandeurs d'emploi ? Une démarche réussie est une démarche encadrée, où les capacités du demandeur sont ciblées, analysées, où son évolution est prise en compte. Qu'en sera-t-il demain avec ce texte ? Rien, aucune évolution.

L'indemnisation ? Plus d'un chômeur sur deux n'est actuellement pas indemnisé par l'UNEDIC : ce sont principalement des jeunes et des personnes ayant occupé des emplois précaires pendant une période très courte. Quelle proposition le Gouvernement avance-t-il pour éviter de précariser encore plus ces personnes en grande difficulté ? Aucune.

Vous le voyez, mes chers collègues, le nouveau type d'engagement que porte ce projet de loi, c'est l'engagement de subordination, où le demandeur d'emploi accepte plus pour recevoir moins, où sa raison même est remise en cause. La raison, c'est la faculté de chacun à formuler un jugement de valeur sur sa conduite. C'est cette grande avancée intellectuelle et humaniste qui fut portée par la modernité pour sortir de l'obscurantisme religieux. C'est la raison qui libère, qui fait avancer. Mais, pour le Gouvernement, la raison aurait abandonné les demandeurs d'emploi.

Ce qui est sous-entendu est d'ailleurs simple : le demandeur d'emploi est, en tout ou partie, responsable de sa situation, et il n'est pas capable de développer un jugement sur sa conduite. Il doit donc être sanctionné et accompagné sous injonction, puisqu'il aurait perdu la raison : sanctionné par la dégressivité de ses allocations et par les conditions nouvelles qu'il doit accepter – 30 kilomètres ou deux heures de transport par jour –, accompagné par la mise en place d'une raison de substitution, d'un emploi ersatz qui lui sera imposé par l'opérateur.

Comment imaginer que cette proposition « d'offre raisonnable d'emploi » émane d'un gouvernement français ? Vous qui, si souvent, avez accusé la gauche de déresponsabiliser les demandeurs d'emploi, comment pouvez-vous aujourd'hui leur retirer la totalité de leur libre arbitre ? Pourquoi faire peser une telle responsabilité sur des agents de l'ANPEUNEDIC qui seront pris en tenaille entre les pressions quantophréniques de leur hiérarchie et leurs propres sentiments face à de telles situations de faiblesse et de détresse ?

Mes chers collègues, ces deux notions d'engagement et de raison ne sont en fait que des écrans de fumée destinés à détourner notre vigilance et à masquer la réalité de ce texte. Cette réalité est simple, cohérente, mais dissimulée. Elle est simple, car ce projet cache en fait un triple objectif : diminuer les dépenses à la charge de l'assurance chômage en ne prenant pas en compte la situation des demandeurs d'emploi comme facteur important de sa mission ; augmenter la contrainte imposée aux salariés en faveur des secteurs en tension, pour lesquels ils ne seront certainement pas formés ; récupérer des cotisations des entreprises afin de les rediriger vers les cotisations retraites. Elle est cohérente, car elle complète l'arsenal législatif que la droite met en place pour gagner cette bataille culturelle qui lui tient tant à coeur. Après les futurs retraités, les jeunes, les malades, elle stigmatise maintenant les chômeurs, pour mieux asseoir son objectif de glissement des soutiens sociaux vers le monde du privé et du contrat.

Ce nouveau modèle, nous pourrions le nommer la « flex-précarité », puisqu'il s'appuie sur une flexibilité mise en place par la loi et sur une précarité généralisée que la majorité accepte sans broncher.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Hélas, comme toujours lorsqu'elle tente de modifier en profondeur la destinée de la société française, la majorité se cache.

La preuve en est l'absence de concertation avec les partenaires sociaux dans un domaine où le Président de la République et ses ministres s'étaient engagés à ne pas intervenir sans un débat préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

« La raison du plus fort est toujours la meilleure », disait La Fontaine. Vous avez fait vôtre cette phrase : dont acte. Mais la politique existe aussi pour venir en aide à ceux qui souffrent, d'autant plus dans une période économique aussi troublée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Madame Lemorton, je vais être obligé de vous couper le micro !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Ce modèle de société est effectivement historique, tristement historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en définitive, on peut fort simplement résumer ce projet de loi. Il crée deux obligations pour le demandeur d'emploi : l'obligation légale de définir et d'actualiser régulièrement son projet personnalisé d'accès à l'emploi et l'obligation d'accepter l'offre raisonnable d'emploi qui va le restreindre progressivement.

Il a donc de nouveaux devoirs, mais quels sont ses nouveaux droits ? Il bénéficiera éventuellement – on peut l'espérer – d'un meilleur suivi personnalisé. Encore va-t-il falloir le prouver dans les mois qui viennent. Malheureusement, le rapport publié aujourd'hui par la CFDT indique que ce n'est pas très bien parti. Les agents de l'ANPE ont reçu depuis quelque temps des consignes pour que le premier entretien ne dure plus quarante-cinq minutes, mais trente minutes. Et mes collègues l'ont dit : quid de la formation ?

Enfin, la méthode de la flexisécurité est finalement abandonnée. Il s'agissait de négocier avec les partenaires sociaux des compromis : flexibilité d'un côté, sécurisation de l'autre. Dans ce projet de loi, nous n'avons que des nouvelles contraintes.

L'objectif est que les demandeurs d'emploi, notamment les plus en difficulté, acceptent les offres d'emploi de l'ANPE. En réalité, les demandeurs d'emploi sont d'accord – je pourrais vous en présenter beaucoup qui souhaiteraient qu'on leur présente plus d'offres – mais pas à n'importe quelles conditions. Peu d'offres sont refusées, c'est souvent l'embauche qui est refusée. Et ceux qui refusent les offres sont déjà sanctionnés alors qu'il s'agit souvent de personnes honnêtes qui ont un problème matériel d'éloignement géographique, de garde d'enfants, que sais-je encore.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Tout le monde le sait bien ici, les vrais fraudeurs échappent à la sanction parce qu'ils savent qu'il faut dire oui à l'offre d'emploi et se débrouiller après. Et ils continueront de lui échapper.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Une personne ayant fait une demande de CDI peut également avoir accepté pour une courte durée, malheureusement pour elle, une mission d'intérim. N'étant pas disponible, elle rate le CDI. C'est cela la réalité dans les ANPE aujourd'hui.

Puis, surtout, 70 % des offres d'emploi de l'ANPE sont des emplois précaires : intérim, CDD, temps partiel. Voilà le vrai problème auquel il faudrait s'attaquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Au lieu de cela, vous vous y soumettez, ou plutôt, c'est le sens malheureusement de ce projet de loi, vous y soumettez les demandeurs d'emploi les plus fragiles par une injonction de prendre les emplois proposés, sous peine de se voir couper les vivres.

Plutôt que de faire un effort d'accompagnement, de formation, de qualification pour répondre aux offres non pourvues, parce que c'est aussi pour ça que des offres sont non pourvues, vous souhaitez mettre le système en tension, c'est-à-dire que les demandeurs d'emploi se soumettent à des offres déqualifiées ou qu'ils se démettent. Pourtant, je l'ai dit tout à l'heure, l'excédent de l'UNEDIC permettrait de réaliser cet effort d'accompagnement et de formation. Mais votre projet, on l'a compris, est de faire main basse sur l'excédent prévu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Soit pour le transférer sur les retraites – et on peut en discuter –, soit, comme le souhaite Pierre Méhaignerie, pour baisser les cotisations patronales.

Il y a plus pervers : vous obligez le demandeur d'emploi à contractualiser, à accepter sa déqualification progressive par l'obligation de réactualisation régulière de son PPAE.

Ainsi que je le disais tout à l'heure, vous passez d'une logique d'inscription à un service public de l'emploi à une contractualisation obligatoire – ce qui déjà, dans les termes, pose problème – avec un organisme de placement, public aujourd'hui, mais dont on sait qu'il deviendra progressivement privé.

Alors que l'indemnisation chômage a un caractère assurantiel – ce sont des droits acquis, du salaire différé et socialisé –, vous en faites une assistance qu'on doit s'engager à mériter. Voilà la bataille idéologique que vous voulez gagner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Certains prétendent que l'indemnisation chômage n'est pas un salaire différé, mais une assistance qu'on donne aux gens. Ce n'est pas la réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Surtout, et c'est peut-être le plus grave, vous allez, avec ce dispositif, accélérer, comme on le constate dans d'autres pays, la tendance à la dualisation du marché du travail liée à notre organisation économique, au lieu d'essayer d'enrayer ou de corriger cette évolution. D'un côté, on incite les inclus à courir après les heures supplémentaires pour maintenir leur pouvoir d'achat. De l'autre, on amène les demandeurs à accepter des emplois à temps partiel, voire plusieurs emplois en même temps. L'Allemagne a mis en place un type de dispositif analogue – les lois Hartz – dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il contribue à faire exploser le nombre de travailleurs pauvres.

Vous nous caricaturez toujours, mais ce à quoi nous pensons qu'il faut oeuvrer, ce n'est pas à un partage du travail, mais à une meilleure qualité de l'emploi. Il faut tirer les conséquences des extraordinaires gains de productivité qu'ont connus ces dernières années notre économie, l'économie mondiale, gains qui génèrent des crises de croissance et ces problèmes d'emploi, et non revenir au modèle du XIXe siècle pour essayer de faire face à la mondialisation. Il faut investir massivement dans les besoins de qualification alors que le Gouvernement à l'intention, à l'automne, de supprimer l'obligation légale de financement de la formation professionnelle – vous cherchez en ce moment le moyen de faire passer une telle mesure.

Avec la fusion ANPE-ASSEDIC et ce texte, vous vous engagez dans un système de contrôle et de contrainte, qui sera piloté par l'État dans un premier temps, avant d'être confié de plus en plus à des organismes privés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Alors que nous sommes dans une économie de la liberté et de la connaissance, dans laquelle la clef de la croissance sont l'éducation et la recherche, votre projet vise à faire accepter par les demandeurs d'emploi les plus fragiles les bad jobs, ceux dont personne ne veut.

Demain, la définition de l'offre valable d'emploi, ce sera celle dont on ne voudra pas pour ses enfants, celle dont personne ne voudrait.

Aveuglés par le dogme de la baisse du coût du travail, vous engagez notre pays dans la spirale de la baisse salariale et du pouvoir d'achat. Au lieu de bâtir l'économie de la connaissance sur la formation et la confiance des acteurs sociaux, vous construisez celle de la déqualification sur la défiance et le contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Monsieur Tardy, si on lutte contre la fraude en luttant contre les fraudeurs, ce que permet déjà le code du travail, on ne lutte pas contre le chômage en luttant contre les chômeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, aujourd'hui, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 17 juillet 2008, à une heure vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma