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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 16 juillet 2008 à 21h30
Droits et devoirs des demandeurs d'emploi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, engagement, raison, réalité : voilà le triptyque symbolisant un texte qui, il faut l'avouer, restera dans les annales.

Engagement : jusqu'à présent, l'engagement pris par le demandeur d'emploi et l'ANPE impliquait des obligations réciproques, que ceux-ci s'engageaient à respecter. Hélas pour les Français, le Gouvernement a décidé d'instaurer un nouveau type d'engagement, où seule l'une des deux parties est obligée de s'acquitter de ses obligations. Comment définir autrement ce qui est proposé dans ce texte ?

D'un côté, le demandeur d'emploi se voit contraint d'accepter des règles toujours plus drastiques, afin de renouer avec l'intégration sociale par le travail. De l'autre, l'UNEDICANPE unifiée, dont nous ne savons pas encore si elle aura un effet sur la qualité du service rendu à la population, semble déjà décrédibilisée par ce texte. Le tout s'inscrit dans un texte inutile en raison de ses évidentes lacunes en ce qui concerne des aspects essentiels de la politique de retour à l'emploi.

Prenons quelques exemples. La formation ? Nous le savons, en France, la formation professionnelle s'adresse avant tout aux salariés qualifiés, les non-qualifiés n'y accédant pas. Quel outil a-t-on prévu pour remédier à cet état de fait ? Aucun.

L'accompagnement des demandeurs d'emploi ? Une démarche réussie est une démarche encadrée, où les capacités du demandeur sont ciblées, analysées, où son évolution est prise en compte. Qu'en sera-t-il demain avec ce texte ? Rien, aucune évolution.

L'indemnisation ? Plus d'un chômeur sur deux n'est actuellement pas indemnisé par l'UNEDIC : ce sont principalement des jeunes et des personnes ayant occupé des emplois précaires pendant une période très courte. Quelle proposition le Gouvernement avance-t-il pour éviter de précariser encore plus ces personnes en grande difficulté ? Aucune.

Vous le voyez, mes chers collègues, le nouveau type d'engagement que porte ce projet de loi, c'est l'engagement de subordination, où le demandeur d'emploi accepte plus pour recevoir moins, où sa raison même est remise en cause. La raison, c'est la faculté de chacun à formuler un jugement de valeur sur sa conduite. C'est cette grande avancée intellectuelle et humaniste qui fut portée par la modernité pour sortir de l'obscurantisme religieux. C'est la raison qui libère, qui fait avancer. Mais, pour le Gouvernement, la raison aurait abandonné les demandeurs d'emploi.

Ce qui est sous-entendu est d'ailleurs simple : le demandeur d'emploi est, en tout ou partie, responsable de sa situation, et il n'est pas capable de développer un jugement sur sa conduite. Il doit donc être sanctionné et accompagné sous injonction, puisqu'il aurait perdu la raison : sanctionné par la dégressivité de ses allocations et par les conditions nouvelles qu'il doit accepter – 30 kilomètres ou deux heures de transport par jour –, accompagné par la mise en place d'une raison de substitution, d'un emploi ersatz qui lui sera imposé par l'opérateur.

Comment imaginer que cette proposition « d'offre raisonnable d'emploi » émane d'un gouvernement français ? Vous qui, si souvent, avez accusé la gauche de déresponsabiliser les demandeurs d'emploi, comment pouvez-vous aujourd'hui leur retirer la totalité de leur libre arbitre ? Pourquoi faire peser une telle responsabilité sur des agents de l'ANPEUNEDIC qui seront pris en tenaille entre les pressions quantophréniques de leur hiérarchie et leurs propres sentiments face à de telles situations de faiblesse et de détresse ?

Mes chers collègues, ces deux notions d'engagement et de raison ne sont en fait que des écrans de fumée destinés à détourner notre vigilance et à masquer la réalité de ce texte. Cette réalité est simple, cohérente, mais dissimulée. Elle est simple, car ce projet cache en fait un triple objectif : diminuer les dépenses à la charge de l'assurance chômage en ne prenant pas en compte la situation des demandeurs d'emploi comme facteur important de sa mission ; augmenter la contrainte imposée aux salariés en faveur des secteurs en tension, pour lesquels ils ne seront certainement pas formés ; récupérer des cotisations des entreprises afin de les rediriger vers les cotisations retraites. Elle est cohérente, car elle complète l'arsenal législatif que la droite met en place pour gagner cette bataille culturelle qui lui tient tant à coeur. Après les futurs retraités, les jeunes, les malades, elle stigmatise maintenant les chômeurs, pour mieux asseoir son objectif de glissement des soutiens sociaux vers le monde du privé et du contrat.

Ce nouveau modèle, nous pourrions le nommer la « flex-précarité », puisqu'il s'appuie sur une flexibilité mise en place par la loi et sur une précarité généralisée que la majorité accepte sans broncher.

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