L'ANPE indique elle-même que 94 % des radiations sont causés par l'absence du demandeur d'emploi lors d'un entretien. Dans 2 % des cas, il s'agit d'un refus d'offres d'emploi, souvent dans des secteurs difficiles, comme le bâtiment ou les transports ; dans 2 % des cas encore, il s'agit du refus d'un contrat d'apprentissage ou de formation ; pour 2 % enfin, d'une absence de recherche active d'emploi. On se situe donc bien à la marge.
Pourquoi donc jeter le trouble chez tous les autres ? Pourquoi jeter l'opprobre sur tous les autres ? Pourquoi compliquer la vie de l'ensemble des personnes inscrites à l'ANPE avec des contraintes supplémentaires ? Pour ce qui concerne en particulier les métiers dits « en tension », qui représentent 20 % des offres d'ANPE, la vraie question est bien celle de leur manque d'attractivité – bas salaires, horaires excessifs, conditions de travail dégradées. La situation s'est un peu améliorée dans le bâtiment, mais guère dans l'hôtellerie et restauration. Plutôt que de forcer les demandeurs d'emploi à se diriger vers ces secteurs, mieux vaudrait faire porter l'effort sur la formation et, avec les employeurs, sur les conditions de travail.
En conclusion, le directeur général de l'ANPE le dit lui-même : la proportion de chômeurs qui fraudent est « infime ». La logique de la sanction est donc inadaptée.
Par ailleurs, plus on avance dans la réduction statistique du chômage, dont on connaît le prix en termes d'augmentation de la précarité, plus on en arrive aux personnes les plus éloignées de l'emploi, c'est-à-dire les plus difficiles à remettre sur les rails. La seule réponse que vous ayez trouvée, c'est la sanction, la radiation. Pour permettre un retour à l'emploi des chômeurs, il faut à l'évidence un accompagnement, mais il faut surtout que les emplois existent. Or, les prévisions économiques n'incitent guère à l'optimisme. Sous l'effet notamment du choc pétrolier, le salaire réel a baissé de 1 % dans la zone euro et, si les profits des entreprises se portent bien – passant de 7 % à 10 % dans le même temps –, encore faut-il qu'elles aient des débouchés pour recruter. Ce n'est pas la politique que vous suivez depuis maintenant six ans qui va améliorer les choses, notamment avec votre « paquet fiscal » de l'été dernier, qui a plombé notre économie.
Les économistes le disent – je vous renvoie à la presse des 13 et 14 juillet : à partir de maintenant et pour les deux ans qui viennent, la croissance annuelle de la France devrait tourner autour de 1 % ».