Je me souviens également l'avoir entendu dire dans ce fameux exercice d'autocongratulation qu'était son intervention sur la modernisation du marché du travail : « La réalité, c'est que ce dialogue social bien portant et si longtemps attendu est enfin au rendez-vous. » Eh bien, je crains que, sur le sujet qui nous concerne aujourd'hui, le Gouvernement ait manqué son rendez-vous ! Vous n'avez pas respecté les organisations syndicales et avez manqué à votre promesse faite aux Français.
Durant la campagne des élections présidentielles, j'ai encore entendu M. Bertrand – je n'écoute pas que lui, mais comme il est picard, je l'entends un peu plus que les autres – dire, parlant des 35 heures, que ce mode de gouvernement était dépassé. Vous fustigiez une loi imposée d'en haut, disiez-vous alors, et promettiez de ne plus jamais agir ainsi. Une promesse de plus dissoute dans l'acide de la version sarkozyste du dialogue social, à savoir recourir aux syndicats parfois, les opposer les uns aux autres et les trahir régulièrement ! (Approbations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est ce que vous avez fait avec la loi sur le dialogue social et le temps de travail.
Il y a une incohérence manifeste à vouloir nous faire adopter un projet de loi sur les droits et devoirs des demandeurs d'emploi, alors même que la nouvelle institution, qui aura pour mission de garantir leurs droits et d'imposer leurs devoirs, n'est pas encore en fonction.
Il y a une incohérence plus grande encore à vouloir faire adopter ce texte, alors que les négociations sur la convention d'assurance chômage, qui présentera l'offre de service de la nouvelle institution, n'est pas encore entamée et qu'on ne connaît rien de ses conclusions. C'est dire combien vous déconnectez l'offre de services de ce projet de loi. Pourtant, vous en conviendrez, l'offre de service de la nouvelle institution est l'une des composantes des droits des demandeurs d'emploi.
Tout cela, mes chers collègues, fait de ce projet de loi au titre abusif un texte profondément déséquilibré, dans lequel les devoirs sont très nombreux et les droits absents. C'est d'autant plus vrai que la politique de bas salaires que vous conduisez et qui est prégnante dans ce projet de loi conduira inévitablement à une baisse généralisée des salaires, comme nous le constatons déjà avec le recours à l'intérim et au temps partiel. Des tas de gens, je le rappelle, ne sont pas indemnisés.
En réalité, l'urgence vous est fort utile, elle vous permet de contourner le débat qu'aurait légitimement fait naître votre projet de loi si vous aviez eu recours à la voie législative classique : celui de la responsabilité sociale des employeurs, dont il n'est pas question ici. J'ai cité tout à l'heure l'entreprise Goodyear, je pourrais également parler de Cosserat, la seule entreprise a fabriquer encore du velours dans notre pays, ou de Whirlpool, toujours à Amiens, autant de noms synonymes de milliers ou, pour le moins, de centaines de salariés qui risquent le licenciement.
Depuis quelques années émerge dans la société un débat sur la responsabilité sociale de l'entreprise, qui vise à réintégrer cette dernière dans un contexte social de droits et de devoirs envers les salariés comme envers l'environnement.