Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, vous n'ignorez sans doute pas que la dernière édition du Larousse est maintenant disponible dans les librairies. La flexisécurité, ce modèle qui offre aux travailleurs plus de sécurité d'emploi en échange d'une flexibilité accrue, y fait son apparition, et cette petite nouveauté justifierait, à elle seule, que les membres du Gouvernement et de la majorité en fassent l'acquisition.
Rien d'étonnant ni de choquant à l'introduction de ce concept dans nos dictionnaires. Le mot, inspiré des pratiques en vigueur notamment dans les démocraties du nord de l'Europe, et plus particulièrement au Danemark, renvoie à un triangle d'or reposant sur une flexibilité importante du marché du travail, une politique d'indemnisation généreuse et des politiques actives de l'emploi. Les députés du groupe SRC sont prêts à étudier toute avancée vers la flexisécurité sans préjugés et dans une démarche constructive, mais en prenant en compte les deux aspects de ce concept. Nous regrettons que la majorité se méprenne sur la signification du mot « flexisécurité », se cantonnant à retenir uniquement le versant « flexibilité » de sa définition.
Nul ne peut nier que les « avancées » concernant la flexibilité sont aujourd'hui légion, qu'il s'agisse de l'assouplissement des règles régissant les contrats de travail, des attaques répétées contre la durée légale du temps de travail, du renversement de la hiérarchie des normes ou encore de la mise en place de sanctions contre les chômeurs que vous jugez déraisonnables. Notons que votre empressement à pérenniser la flexibilité est tel qu'en plus du texte que nous examinons ce soir, vous avez inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail que nous avons examiné il y a deux semaines.
Comme l'a dit M. Vercamer, il eût été préférable d'attendre le résultat des négociations sur la convention d'assurance chômage et sur la sécurisation des parcours professionnels avant de débattre du projet de loi que nous examinons aujourd'hui. La réciprocité des droits et des devoirs y eût gagné ! En effet, les points susceptibles d'apporter un minimum de sécurité aux demandeurs d'emploi n'ont pas bénéficié du même empressement. Nous abordons donc les conditions de sanctions des chômeurs alors que le plus grand flou règne toujours sur la fusion ASSEDIC-ANPE, dont les modalités d'exécution apporteraient pourtant nombre d'informations précieuses concernant les droits des demandeurs d'emploi. Comme ils me l'ont confié, les agents de ces deux institutions amenées à fusionner se sentent d'ailleurs très largement en déficit d'information sur la constitution du futur opérateur public de l'emploi. Leurs syndicats réclament, en vain pour le moment, des précisions sur le calendrier réel envisagé pour la fusion, l'offre de service et les restructurations prévues dans le réseau, la mise en concurrence avec le privé, l'organisation territoriale, le pilotage et le financement de la nouvelle institution.
Au-delà des inquiétudes des agents de l'ANPE et de l'ASSEDIC, il convient de s'interroger également sur les conditions de l'élaboration de votre projet de loi. L'accord interprofessionnel pour moderniser le marché du travail – sur lequel nous nous étions abstenus, je le rappelle pour répondre à ceux qui nous accusent de dogmatisme – avait abouti à un quasi-consensus sur l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. L'article 18 de cet accord évoquait des « droits et devoirs réciproques ». Un léger basculement sémantique semble vous avoir malencontreusement poussés à abandonner cette réciprocité, puisque seuls les droits et devoirs des demandeurs d'emploi sont ici abordés. Vous avez unilatéralement décidé de la définition de l'offre raisonnable d'emploi, provoquant la colère des syndicats. Nicolas Sarkozy déclarait avant son élection : « les réformes doivent conjuguer les nécessités de l'action et la pratique du dialogue social ». Dans la pratique, vous avez plutôt choisi de conjuguer la précarisation des salariés avec le refus de l'écoute des partenaires sociaux !
Je reconnais une qualité à votre projet de loi, celle de ne comporter que trois articles ! Nous vous félicitons pour cette concision législative, suffisamment rare pour être soulignée.