Dressant le bilan des réformes Hartz, deux chercheurs du Centre d'études de l'emploi, ont émis l'appréciation suivante dans la revue Droit social de juin 2008 : « Le chômage de longue durée des personnes en difficulté, compte tenu de leur âge, de leur faible qualification ou d'une aptitude au travail limitée n'est pas réglé ; le taux d'emploi des travailleurs peu qualifiés est resté faible ; le nombre de travailleurs pauvres est en augmentation et la situation des chômeurs âgés dont les durées d'indemnisation ont été drastiquement revues à la baisse s'est dégradée. » Ce bilan d'une expérience que vous tentez de mettre aujourd'hui en place a déjà produit ses effets. Je souhaite que ce ne soit pas le cas, mais on peut malheureusement se douter que les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Si l'on en croit cet exemple, votre obstination à vouloir « remettre les Français au travail », de gré ou de force, et quelle que soit la qualité des emplois proposés, risque de contribuer au développement d'une classe de travailleurs pauvres, phénomène qui, sans épargner la France, frappait jusqu'alors principalement les économies libérales des pays anglo-saxons, États-Unis et Royaume-Uni en tête.
Mais puisque vous avez placé la modération salariale, la déréglementation du marché du travail et le démantèlement des acquis sociaux au coeur de votre politique de l'emploi, il est certain que ce projet de loi complétera le dispositif. Le plus probable est d'ailleurs que ce texte, potentiellement dangereux, n'aura pas d'effet réellement significatif sur l'emploi. On peut donc redouter que ce soit un coup d'épée dans l'eau. Faute d'opérer un véritable rapprochement entre l'offre et la demande en se donnant les moyens d'agir sur la qualité des offres, le système que vous mettez en place, forçant une rencontre asymétrique, ne garantit aucunement qu'un accord puisse être trouvé entre un employeur exigeant et recherchant un personnel motivé et un demandeur d'emploi désillusionné par la nature des propositions qui lui seront soumises. En vérité, ce texte est un instrument de plus au service de votre stratégie de communication, une promesse démagogique vers tous ceux qui assimilent les demandeurs d'emploi à des bataillons de paresseux, profiteurs du système. Plutôt que de démentir cette idée reçue en montrant, par les chiffres de la DARES, que la fraude ne concerne tout au plus que 2 % des demandeurs d'emploi – M. le secrétaire a d'ailleurs parlé lui-même de 5 % tout au plus – vous avez choisi de donner des gages à la partie la plus conservatrice de votre électorat.
Conscient de l'impopularité que vous vaudrait un affichage trop clair de cette ligne politique auprès de la majorité de nos concitoyens, vous vous efforcez de présenter vos réformes au sein de paquets-cadeaux législatifs aux intitulés flatteurs : modernisation, droits et devoirs. Nous aurons bientôt la mobilité des fonctionnaires. Tout cela sonne juste et bien, mais le contenu est beaucoup plus inquiétant.
Vous annoncez des droits et des devoirs alors que votre texte ne détaille que des contraintes pour les demandeurs d'emploi et se révèle particulièrement flou lorsqu'il est question de l'assistance qui peut leur être apportée par le service public de l'emploi.